EXTRAITS DES MANUAUX DU CONSEIL DE LAUSANNE
(1512 à 1536)
PUBLIÉS ET ANNOTÉS PAR
Ernest CHAVANNES
membre de la Société d’histoire de la Suisse romande.
/3/EXTRAITS DES MANUAUX DU CONSEIL DE LAUSANNE
1
Impôt sur le vin.
1512. 10 octobre. – Convocato retro consilio in domo ville Paludis, fuit pro parte venerabilis consilii expositum quod pro neccessitatibus communitatis erat de neccessitate ponere les font, et pro quolibet dolio tradere et solvere per vendentem sex solidos monete Laus. bonorum, et pro modio quatuor solidos, et pro sex sextariis usque ad duo, videlicet duos solidos monete predicte. Et, audita relacione et exposicione, prefati retro consiliarii, nomine quo supra, fuerunt contenti, actentis neccessitatibus communitatis, quod ponantur les font et ita voluerunt. Et reverendus dominus noster Lausannensis fuit requisitus pro parte quorum supra per consilium, et visa et considerata neccessitate dicte communitatis, de sua benignitate fuit contentus largiri pro novem annis futuris, prout constat per litteram receptam per … secretarium prefati reverendi domini nostri Lausannensis. Adhuc non recepit. /4/
Les impôts sur le vin étaient nombreux et lourds dans la ville de Lausanne. Outre le tribut de la corde, le longuel et le rouage (voy. M. D. R. XXVIII, pag. 273), qui étaient des impôts permanents, on levait encore des taxes temporaires sur la vente du vin, pour des besoins spéciaux, surtout pour l’entretien des fortifications de la ville. On en voit des exemples en 1365, 1444, 1470, 1481. (Arch. de Laus. A., 25, 120; EE., 974, 975.) Le texte en fournit encore un exemple. Cet impôt des font, qu’on y voit mentionné, n’était autre chose qu’une taxe sur la vente du vin en gros, et dont le nom paraît être dérivé du latin fondum, fondum dolii, ainsi qu’on le voit par l’acte du 4 novembre 1512 (Arch. de Laus. A, 195), par lequel Aimon de Montfalcon concède aux citoyens de Lausanne, pour neuf ans, l’impôt qu’ils demandent pour l’entretien des murs de la ville. (Largimur exactionem et recuperacionem fondorum doliorum vini venalis in grosso.) A cette époque les murs de la ville étaient en fort mauvais état, car on lit dans le même acte : nonnulla menia Lausanne jam vetustate collapsa existunt; alia vero pluribus in locis verentur in ruynam verisimiliter subverti.
Cet impôt des font fut amodié en 1514 pour 80 livres, et en 1515 pour 60 livres.
La concession de l’évêque vint un peu plus tard, le 4 novembre, comme on l’a vu ci-dessus. La rédaction et l’écriture de l’acte furent confiés à Pierre Wavre, qui reçut un émolument de 31 sols 6 den.
Présent à l’évêque.
1513. 10 février. - Reddidi et expedivi honesto viro Stephano de Fluvio civi et consiliario unam litteram injunctoriam papiream quantitatis quaterviginti et trium florenorum auri p. p., causa mutui, in vassella argentea ponderata et implicata pro faciendo unam tasseam argenti deauratam cum coperclo desuper, datam per consilium reverendo domino nostro Lausannensi. /5/
Le 16 décembre précédent plusieurs conseillers eurent un souper, auquel assista Michel Bovar, orfèvre, et où l’on traita de cette coupe de vermeil qu’on voulait donner à l’évêque. Le souper coûta 27 sols. (Comptes.) Le jour de l’Epiphanie, on paya 14 livres 8 sols, à l’orfèvre pour sa main-d’œuvre.
Le titre délivré à Etienne du Flon fut écrit par le secrétaire Pierre Chouz, qui reçut 6 sols pour sa peine. A cette occasion, le compte dit que ce présent fut fait à l’évêque, parce qu’il avait accordé à la ville l’impôt mentionné dans l’article précédent.
Indulgences.
1514. 12 avril. – Die mercuri sancta, quo anno et die inceperunt indulgencie ecclesie cathedralis beate Marie virginis, … fuit deliberatum et conclusum quod fiat excubia istis diebus, scilicet die mercuri, jovis et veneris sancta, propter multitudinem populi, eo quod nullum eveniat inconveniens illis diebus; et fuit data potestas banderetis.
Voyez 1485, 28 mars. M. D. R. XXXV, 216.
Le 11 avril 1527, on trouve dans le manual une mention absolument pareille. Ces patrouilles de nuit ne devaient pas être très formidables. Elles consistaient en six à huit citoyens qui parcouraient la ville avec des torches de cire.
En 1514, on paya 14 sols aux banderets et aux autres compagnons qui firent la garde et 19 sols pour les torches. En 1527, on employa pour ces guets quatre torches de cire, pesant ensemble 4 livres et coûtant 24 sols.
Assesseurs pour les cours de justice.
1514. 8 juin. - Fuit ordinatum et conclusum per consilium quod debeant assistere in curiis domini commissarii et domini ballivi et aliis curiis secularibus, videlicet, quatuor dominos de consilio pro assistendo in dictis curiis per unum mensem, et lapso mense, iterum alios quatuor, usque ad ultimum. /6/
Après la conquête bernoise, les Lausannois rappelèrent au conseil de Berne leur droit de nommer des assesseurs pour toutes les cours de justice. Ce droit, qu’on voulait leur enlever, fut l’objet de réclamations répétées. Voyez année 1536 de août à novembre.
Ordonnance contre les joueurs de quilles.
1516. 17 juillet. - Fuit deliberatum quod alloquatur dominum ballivum ad ponendum bonum statum et regimen contra lusores guilliarum et aliorum ludorum existentium in villa, et quod fiat pugnicio contra delinquentes, ut expellantur mali a civitate et villa, et boni et bene viventes custodiantur et sint securi.
Présent à Sébastien de Montfalcon.
1517. 13 août. – Fuit deliberatum et conclusum per dominos consules debere dare reverendo domino Sebastiano de Montefalcone, moderno episcopo Lausannensi, unam cupam argenti, prout fuit datum predecessori suo, reverendo domino nostro quondam bone memorie Aymoni de Montfalcone 1 .
L’évêque Aimon de Montfalcon mourut dans un âge avancé, en son château de Saint-Maire, le lundi jour de la fête de Saint-Laurent, 10 août 1517, vers les deux heures après-midi. Il fut enseveli le lendemain, 11 août, dans la chapelle qu’il avait fondée près du grand portail de la cathédrale. Par ordonnance du conseil, toutes les boutiques de la ville furent fermées le jour de la cérémonie funèbre. /7/
Lorsque Aimon de Montfalcon entreprit, au commencement du XVIe siècle, la restauration de la cathédrale de Notre-Dame (Martignier et de Crousaz, Dictionnaire du canton de Vaud, pag. 486 et suiv.), il résolut en même temps de faire construire une chapelle dans l’intérieur de l’église. Le 25 septembre 1504, le chapitre lui concéda un emplacement sous la tour inachevée (locus infra dictam ecclesiam sub novo simballatorio quod nondum est finitum), près du grand portail qu’on commençait alors à élever. (Manual du chapitre.) La construction de la chapelle se fit en même temps qu’on procéda à de vastes réparations dans toute la partie occidentale de l’édifice.
C’est cette chapelle qu’Aimon de Montfalcon avait choisie pour le lieu de sa sépulture.
Peu de jours avant sa mort, l’évêque voulut régulariser sa fondation par un acte authentique, dont la minute est conservée aux archives cantonales.
Par cet acte, Aimon de Montfalcon fonde la dite chapelle en l’honneur des saints martyrs Maurice, Exupère, Candide, Victor, et de tous leurs compagnons de la sainte légion thébéenne, et la pourvoit de quatre chapelains qui doivent y célébrer à perpétuité deux messes quotidiennes et réciter divers psaumes et offices sur son tombeau. La nomination de ces chapelains est réservée à son neveu, coadjuteur et successeur désigné, Sébastien de Montfalcon, et après lui, au chapitre de la cathédrale. Aimon dote sa chapelle de rentes assises sur des maisons à Nyon et à Lausanne, de vignes à Ecublens, Bassenges et Pully, de redevances en froment à Bossonens et de 80 florins annuels de cens à percevoir sur les revenus de la maison forte des Belles-Truches à Vevey. /8/
Le registre de la visite des chapelles de la cathédrale, faite en 1529, donne quelques informations sur l’aspect de la chapelle des saints martyrs thébéens à cette époque.
On y remarquait entre autres un somptueux autel de marbre noir (altare sumptuosum de marbro noer) entouré d’un écran (clausura) en bois de noyer, orné de statues et de feuilles sculptées et surmonté de six grandes statues également en bois de noyer. Il y avait des stalles, grandes et petites, en noyer sculpté (honorifice minusiate) et un pupitre au centre de la chapelle. Un second petit autel en marbre noir était situé près de la porte de la chapelle s’ouvrant du côté du grand portail. Au-dessus de cette porte étaient deux fenêtres grillées d’inégale grandeur. L’autre porte de la chapelle, donnant sur la nef, était protégée par un treillage de fer (firmiter clausa trilliis ferri). Les deux grandes fenêtres de la chapelle avaient de magnifiques vitraux peints, représentant entre autres les armoiries du fondateur et de ses parents ( bine fenestre duplices cum verreriis sumptuosis pulcris ymaginibus cum armis dom. fundatoris et suorum parentum). Parmi les ornements, on distinguait deux calices d’argent et des chasubles de soie, brodées aux armes des Montfalcon. Un bréviaire romain imprimé et deux bibles, également imprimées, étaient attachées aux stalles par des chaînes de fer.
Le 1er septembre 1518, l’acte de fondation de cette chapelle fut solennellement approuvé et enregistré par le chapitre.
Cette chapelle sert maintenant au culte en hiver. Les vitraux peints ont disparu; les stalles sculptées ont été transportées dans la nef de l’église.
Je dois à l’obligeance de M. l’archiviste cantonal Aimon de Crousaz la note suivante qui fixe la date et le coût de la translation de ces stalles à la place qu’elles occupent actuellement.
Extrait du compte de Jacob Wyss, bailli de Lausanne, du 30 avril au 30 septembre 1578 :
« Dennen so han ich lassen die köstlichy stüll die in des Bischoffs kappellen sindt gsin in die grössy kilchen than und wol geornett. Ist und gitt der Kilchen ein gestalt; han dem meisten Jörgen (Sorgen) dar von gän abzebrechen und wider uff /9/ zemachen sufferlich (sauberlich) : 18 den. 3 flor. Daran hatt mier die statt Lossana gän güttwillig 6 den.; aso körtt mir noch an den. LXIII flor. »
On voit par le texte que, trois jours après la mort de l’évêque Aimon, le conseil de Lausanne décida de faire présent à son neveu et successeur d’une coupe d’argent pareille à celle qu’on avait donnée à Aimon, en 1491. J’ai vainement cherché dans les comptes de la ville des traces du prix payé pour cette coupe. On peut présumer que la décision du conseil resta une lettre morte et que, les dissensions entre l’évêque et ses sujets prenant chaque jour un caractère plus violent, les Lausannois négligèrent volontairement de faire leur cadeau à Sébastien de Montfalcon. Néanmoins, le 17 août, le conseil lui offrit, pour le septénaire (pro septenario) de feu son oncle, douze cierges de cire, pesant 27 livres, ornés d’écussons et coûtant 8 livres 8 sols.
Le mardi 18 août, Sébastien de Montfalcon, qui avait été coadjuteur de son oncle, fit son entrée solennelle à la Cité, à deux heures de l’après-midi, et prêta le serment accoutumé devant la porte Saint-Etienne.
Ce serment étant identique avec celui qu’avait prêté Aimon de Montfalcon et dont on a donné le texte (art. du 9 juillet 1491), on ne le reproduira pas ici. Ruchat, dans son Histoire de la réformation, tom. I, pag. 80 (édition de 1838), donne quelques détails sur cette cérémonie. Notons seulement que le serment fut déféré à l’évêque par l’organe de spectable dom Benoît Ravier, citoyen de Lausanne et docteur en médecine. (Archives de Lausanne A, 197, 198.)
Conseil des Deux-Cents.
1517. 11 octobre. — Convocato consilio, retro consilio et totum commune in domo communitatis Paludis pro negociis communitatis, comparuerunt sequentes et subscripti in dicta domo, qui prestiterunt juramentum esse boni et fideles communitati, manutenere franchesias et libertates communitatis, procurare bonum et evitare malum, /10/ tenere secreta id quod fuerit consultum et conclusum, comparere tociens quociens fuerint evocati per banderetos aut per gubernatores, nisi affuerit causa legitima. Et juraverunt pro retro consilio … pro duobus centum …
Ceci est la première mention du conseil des Deux-Cents qu’on trouve dans le manual, bien que l’évêque Sébastien de Montfalcon range cette institution parmi les nombreux griefs que feu son oncle et prédécesseur, décédé deux mois auparavant, avait contre les Lausannois. (M. D. R. VII, pag 695.) Du reste ce conseil des Deux-Cents paraît avoir été supprimé peu de temps après, lors de la réconciliation éphémère qui se fit entre l’évêque et ses sujets, le 10 octobre 1518 (M. D. R. VII, pag. 686-716); car il n’est plus mentionné pendant dix ans. Il reparaît sur la scène après le changement dans l’administration municipale qui s’opéra en 1529, comme on le verra en son lieu.
Quoique ce conseil fût nommé les Deux-Cents, il ne fut composé que de 156 membres. Du reste cette dénomination était purement théorique et servait à désigner le grand conseil de la ville, en imitation du nom du grand conseil de Berne. Même en 1529, dans les premiers temps qui suivirent le changement de la constitution communale, on donna le nom de Deux-Cents à l’assemblée générale des citoyens. On lit dans le manual du 10 octobre 1529 : Fuerunt congregati omnes burgenses, scilicet Ducentum, pro negotiis communitatis tractandis.
Le 11 octobre 1517, quarante-neuf rière conseillers et cent cinquante-six membres des Deux-Cents furent nommés et prêtèrent serment.
Le duc de Savoie à Lausanne.
1517. 5 novembre. – Fuerunt presentes in consilio nobilis Lud. Seygnoux, magister B. Curnillion, Ste. de Fluvio, Ysbrandus Daux, Anth. de Yverduno, Richardus Sovey, Guill. Ravinel, Petrus Chouz, Petrus Wavre, Glaudius Croserens, Guill. Delalex, Pe. Rusti, Gerardus Vincent, /11/ Glaudius Mejoz, Fran. Guibaud, Georgius dou Crest, magister Jo. Guilliet, nec non retro consilium, qui presentes deliberaverunt et concluserunt unanimiter debere presentare claves portarum ville tocius illustri principi domino Karolo duci Sabaudie, qui dicta die intraturus est villam et civitatem Lausanne, licet nunquam fuerint presentate cuiquam duci et principi Sabaudie. Et easdem presentavit nobilis Ludovicus Seygnyoux dicendo sic : Illustrissime princeps, presentamus vobis claves ville nostre, ut in eadem possitis tute et secure quiescere et dormire, et non alio modo.
1517. 9 novembre. – Il s’en suyt ce qui a esté resolui par le conseil et rière conseil de Lausanne touchant la puissance qui entendent donne à nostre trèsredoubté seigneur monseigneur le duc de Savoye de pronunce sur les différent qui on esté espousé à son excellence de leur part.
Premièrement, touchant le chevaucheur et les armes qui porte de la sorte qui et contenue en leur lectres, supplion trèshumblement vostre excellence qui soit de vostre bon plaisir icelles ayent sont lieux, ainsi comme il pleu à feu monseigneur le duc Charles le ordonne, comme vicaire impérial et avant de cella puissance, et cessent tout procest.
Die lune ante festum sancti Martini yemalis fuit data potestas suprascripta illustri principi Karolo duci Sabaudie, in cero post prandium.
1517. 11 novembre. – In platea Paludis, ante domum Glaudii Parix sutoris Laus., fuit per nobilem Johannem Provannaz heraldum sive héraud d’armes, illustrissimi /12/ principis Karoli ducis Sabaudie publicata quedam salvagardia prelibati domini ducis in favorem venerabilium dominorum de capitulo Lausanne, de quaquidem publicacione Humbertus Blan alias Rebitel burgensis Laus. protestatus fuit de nullitate, cum sit dicta publicacio contra libertates; et fuerunt presentes Ysbrandus Daux, Rodulphus Daux, Petrus Clavel et Glaudius Parix.
Charles III, dit le Bon, duc de Savoie, se rendait à Berne auprès de ses amis et alliés des cantons, qui devaient tenir une diète dans cette ville le 17 novembre.
Avant de venir à Lausanne, le duc avait député auprès du conseil de cette ville le seigneur de Verneau et le procureur patrimonial Carrax, pour savoir si on lui présenterait les clefs de la ville. Ces députés furent honorablement reçus, on les régala d’un quarteron (deux pots) d’hypocras coûtant 16 sols, et sans aucun doute on leur donna toutes les assurances nécessaires. Bientôt arrivèrent les fourriers de la cour de Savoie qui, pendant trois jours, avec plusieurs citoyens de Lausanne, parcoururent toutes les auberges de la ville pour trouver des logements, et tous les villages environnants pour se procurer de la paille et du foin pour les chevaux du duc et de sa suite.
Le jeudi 5 novembre, après vêpres, Charles fit son entrée à Lausanne, où les clefs de la ville lui furent présentées par noble Louis Seygnyoux. En présentant ces clefs au duc, les Lausannois dérogeaient aux droits de l’évêque, leur seigneur temporel, et s’exposaient au ressentiment de Sébastien de Montfalcon. Ils le sentaient bien, car, d’après le texte, on présenta ces clefs à Charles, bien que jamais on ne les eût présentées à aucun duc ou prince de Savoie, et Louis Seygnyoux, en s’adressant au duc, eut soin de faire toutes ses réserves. Mais il importait dans ce moment au conseil de Lausanne d’être au mieux avec Charles, qu’on voulait mettre entièrement de son parti dans le jugement qu’on allait lui demander sur les disputes entre l’évêque et la ville. /13/
Aussi, lorsque le duc fit son entrée à Lausanne, on se porta en foule à sa rencontre avec des tambourins et des fifres, et le duc fut escorté par trois cents enfants de la ville portant sur leurs vêtements les armes de Savoie. (Libraverunt pro tribus centum scutis crucium albarum tam parvarum quam grossarum portatarum per parvos pueros in jocundo adventu et obviam ipsius illustr. dom. ducis, quolibet scuto vendito III den. valent viz : III lib. XV sol.)
Le conseil de Lausanne fit les présents suivants au duc :
Douze boîtes de dragées pesant 24 liy. et coûtant 8 liv. 8 s.
Vingt pots d’hypocras. … 8 liv.
Douze cierges de cire nouvelle, pesant 27 1/2 liv. 8 liv. 5 s.
Deux chars de vin coûtant 14 écus d’or au soleil 30 liv. 2 s
Ce prix élevé annonce que ce vin était d’une qualité supérieure.
Six muids d’avoine …14 liv. 8 sols.
Douze moutons… 12 liv. 12 s.
On fut obligé de racheter au maître d’hôtel et au sommelier du duc pour 29 sols 6 den. les semesses ou cocasses, qui avaient contenu l’hypocras, et les tonneaux à vin que ces fonctionnaires voulaient garder et vendre à leur profit. Il en avait été de même en 1476, lorsque la cour de Savoie se trouvait à Lausanne avec Charles de Bourgogne. (M. D. R. XXVIII, pag. 309.)
Le même soir la plupart des membres du conseil firent aux frais de la ville un souper au logis de la nommée Pomete, où l’on mangea un quartey de bichyz, que les gens de Romanel avaient apporté le 29 octobre. Prix 25 sols. Les banderets de la ville eurent leur part de cette venaison, mais ne furent point invités à la table du conseil; on se contenta de leur donner trois sols pour leur vin.
Le dimanche 8 novembre, il y eut sur Montbenon, devant le duc, une revue des gens de Lausanne, Lavaux, Saint-Saphorin et Corseaux.
Le duc quitta Lausanne le 12 novembre, se dirigeant par Romont sur Berne, où il arriva avec une suite de trois cents chevaux et fut reçu en grande pompe. (Voy. Tillier, Geschichte Bern, III, pag. 132.) Le duc quitta Berne le 25 novembre. /14/
Le dimanche 29 novembre, il tint les Etats de Vaud à Moudon. Le conseil de Lausanne y envoya noble Louis Seygnyoux pour le complimenter et, en même temps, fit réparer le chemin du Calvaire au-dessus de Lausanne, par où le duc devait passer. Il arriva à Lausanne le jour de Saint-André, lundi 30 novembre au soir, et y demeura jusqu’au samedi 5 décembre. Le conseil lui fit présent de deux jeunes sangliers (porc senglard) que les gens d’Epalinges avaient pris dans les forêts du Jorat. Le 5 décembre, le duc partit pour Genève; le conseil le fit accompagner par noble Louis Seygnyoux et par l’un des syndics.
Comme on l’a dit plus haut, les Lausannois profitèrent des deux séjours du duc Charles dans leurs murs pour lui faire décider en leur faveur le différend qu’ils avaient avec leur évêque, au sujet du héraut portant les armes de la ville et sur d’autres points.
Cette dispute, qui remontait à l’an 1436, s’était singulièrement envenimée sous Aimon et Sébastien de Montfalcon, avait donné lieu à des arbitrages sans fin et avait même été portée en cour de Rome, Les deux parties avaient dépensé pour ce long procès des sommes considérables, dont on trouve les détails dans les comptes successifs de la ville pendant ce laps de temps.
Les différentes péripéties de ce procès ont été racontées par Ruchat, loc. cit., page 82 et suivantes et dans l’acte du 10 octobre 1518 (M. D. R. VII, pag. 686), ensorte qu’on n’y reviendra pas ici. Il se termina en faveur de l’évêque à la fin de 1518, grâce à la médiation des seigneurs de Fribourg, Berne et Soleure, auxquels on avait envoyé de nombreuses ambassades.
Mais, immédiatement après la décision du duc en leur faveur, en novembre et décembre 1517, les Lausannois s’étaient hâtés de faire habiller de neuf leur héraut, Jean Rasioux, pour le prix de 18 florins petit poids et avaient donné à l’orfèvre de Genève, chargé de faire les armoiries, 16 sols pour son vin, afin qu’il terminât au plus tôt son ouvrage. Je n’ai pas retrouvé dans les comptes le prix demandé par cet orfèvre.
Pendant une des nombreuses ambassades à Fribourg et à Berne, Benoît Ravier, Claude de Praroman et Claude Fontannaz, /15/ députés de Lausanne, se laissèrent voler, dans leur auberge à Berne, l’acte par lequel le duc de Savoie avait décidé en faveur de la ville et il fallut envoyer B. Ravier à Chambéry pour en obtenir un double. (Comptes de la ville.)
L’article du 9 novembre, dans le texte, est la procuration donnée par le conseil de Lausanne au duc pour juger sur le différend. C’est en vertu de cette procuration qu’il prononça son jugement du 4 décembre. (Voy. Ruchat, l. c., pag. 85; M. D. R. VII, p. 689.)
L’article du 11 novembre prouve que, tout en voulant remettre au duc de Savoie la décision de leurs différends et en le reconnaissant comme vicaire de l’empereur, les Lausannois n’entendaient pas que le duc enfreignît leurs privilèges municipaux et se permît de faire une publication dans la ville sans le consentement de la grande cour séculière et par une autre personne que le crieur de la ville.
Les comptes de la ville nous apprennent qu’au moment de partir pour Genève, le 5 décembre, le duc de Savoie fit faire une nouvelle proclamation dans la ville, et que le conseil fit rédiger par un notaire une protestation contre cette infraction de ses franchises. (Voy. le Plaict général et le Commentaire M. D. R. VII, pag. 374, 375 1 .)
Jeux défendus.
1518. 9 septembre. - Fuit per consilium data una marciatio magistro Johanni Guilliet, olim gubernatori, pro eo quod offenderat ultra cridas factas ludendo eys tralles tempore quo vespere dicebantur, in eo quod det hospitali ville id quod sibi placuerit./16/
Confréries.
1518. 14 octobre. – Fuit largita domus communitatis Paludis prioribus et confratribus confratrie sancti Crispini, ad faciendum eorum confratriam, et quod caveant pro verreriis et quod non carpentent nemora nisi extra domum.
Comme dans la plupart des villes, il existait à Lausanne, au moyen âge, un grand nombre de confréries, ou associations formées par des laïques, en vue d’une œuvre de piété, de charité ou de dévotion. Dans la suite des temps, il s’était glissé beaucoup d’abus dans ces confréries. Elles étaient devenues des corporations fermées, dont les membres étaient liés entre eux par un serment, et leurs revenus avaient été détournés de leur but primitif de piété, pour être appliqués à des usages entièrement séculiers.
Le 2 mai 1404, la grande cour séculière de Lausanne, sous la présidence de l’évêque Guillaume de Menthonay, porta remède à ces abus, cassa la plupart des anciennes confréries et en institua une générale du Saint-Sacrement. Voici le texte de la partie de l’ordonnance de la grande cour séculière qui a trait à cette matière :
« Item statuimus et ordinamus, quod omnes confratrie antique, que ex devotione pura et mera caritate sunt fundate, ut sunt confratrie sancti Spiritus, que annuatim fiunt in Sancto Laurencio, in Sancto Petro et in Sancta Cruce Lausanne, conceptionis Beate Marie et alie que nobis vel successoribus nostris videbuntur non immerito manere debere, maneant et sint in suo esse et robore, excepto quod visitentur eorundem contractus. Et si qui illiciti seu usurarii reperiantur, ad ordinationem nostram et electorum nostrorum reparentur et pro salute animarum provideatur.
» Item, quod cetere quecunque confratrie juramento firmate, salva qua supra exceptione, ex nunc sint casse et irrite et, per nos seu a nobis deputandum, a juramento et eius observatione absolvantur. /17/
» Item quod fiat una confratria generalis in Lausanna, et communis omnibus interesse volentibus, in honore Corporis Christi annuatim, tempore per nos et electos ordinando, ex pura et mera caritate, absque aliquo juramento.
» Item, quod in dicta confratria admitattur in confratrem quicunque civis, burgensis et residens Lausanne, pro duobus solidis annuatim solvendis per eundem, ad eius vitam tantum, si plus dare noluerit.
» Item, quod omnes confratres eiusdem confratrie Lausanne existentes teneantur quolibet anno in die festi Eukaristie Christi audire missam bene et devote de Corpore Christi, que celebrabitur de eodem festo in altari eiusdem festi fundato in claustro maioris ecclesie Lausanne, hora statim post missam domini Girardi, et quilibet confrater ibidem offerre unum denarium teneatur.
» Item, quod hiidem confratres teneantur interesse bene et devote in processione que fit in maiori ecclesia die predicti festi, et secundum suam bonam voluntatem et sui possibilitatem, secum unam facem seu unum cereum vel candelam ceream accensos in honore Corporis Christi deferre.
» Item, quod omnes census, redditus, elemosine et possessiones per Christi fideles defunctos dati, date, legati et legate et alias acquisiti et acquisite confratriis supra irritatis, quia ad humanos usus amplius non sunt trahendi seu applicandi, cum semel Deo fuerint dedicati, presenti confratrie acquirantur et de eisdem, secundum eorum quantitatem, misse de requiem pro remedio animarum ipsorum defunctorum et confratrum dicantur.
» Item, quod confratres ipsarum confratriarum irritatarum viventes ab hiis que in introitu ipsarum confratriarum dederint sint quicti penitus et immunes.
» Item, quod in qualibet die lune quatuor temporum anni celebrentur misse de requiem pro remedio animarum ipsorum defunctorum confratrum, tot quot fieri poterunt secundum facultatem ipsius confratrie, salvis omnibus infrascriptis.
» Item, quod qualibet die lune predicta, pro remedio animarum quarum supra et prosperitate confratrum vivencium, /18/ detur cuilibet pauperi unus denarius Lausannensis, primitus facta crida ut moris est.
» Item, quod confratres predicte confratrie in exequiis confratris defuncti interesse teneantur et ibidem offerre, saltem in missa de requiem, quod sibi placuerit et dicere pro anima confratris defuncti, quilibet sacerdos confrater infra trecenarium unam missam, clericus septem psalmos, et alii layci decem Pater noster et decem Ave Maria.
» Item, quod judices, tam ecclesiastici quam seculares quicunque sint, in causis dictarum confratriarum restancium et restare debere nunc vel infuturum per nos vel successores nostros declaratarum, summarie, simpliciter, de plano, absque strepitu et figura judicii, sola facti veritate inspecta, procedere teneantur et debeant et justicie complementum breviter ministrare, cunctis dilatoriis et frivolis exceptionibus expulsis et reiectis. »
(Archives de Lausanne, EE, 363.)
Je ne connais pas la date de la fondation des confréries exceptées dans l’ordonnance de dissolution ci-dessus. On rencontre les confréries du Saint-Esprit aux dates suivantes : Dans la paroisse de Saint-Laurent en 1336; Sainte-Croix 1377; Saint -Pierre 1360. La confrérie de la Conception, en 1360. Aux XVe et XVIe siècles de nouvelles confréries furent autorisées et plusieurs des anciennes, non expressément visées dans l’ordonnance, existèrent jusqu’à l’époque de la réformation. En voici quelques exemples : La confrérie des merciers, en l’honneur de saint Jacques, qui remontait au moins à l’an 1395, existait encore en 1521. Celle de sainte Marie pour les captifs, fondée par l’évêque Georges de Saluces, en 1446. Celle des saints Fabien et Sébastien, dans l’église des frères mineurs de Saint-François, mentionnée en 1485 comme anciennement fondée, est encore citée en 1518. Celle des saints Crépin et Crépinien, dont il est question dans le texte, est citée en 1489. La confrérie des saints Roch et Sébastien, à l’hôpital de Saint-Roch, fut fondée en 1493. Elle était composée surtout des membres du conseil de la ville. On rencontre les confréries des saints Come et Damien en 1500; de saint Joseph, dans l’église des frères prêcheurs à la Madeleine, en 1516; de sainte Anne dans la même église, en 1516, etc., etc. /19/
Cloche de la cathédrale.
1518. 11 novembre. – Comparuit in consilio venerabilis vir dominus Jacobus de Montefalcone, magister fabrice ecclesie cathedralis Lausanne, et peciit sibi largiri in nemoribus rasparum duas aut tres querci, ad construendum in campanili quoddam opus ad reponendum et suspendendum cimballum noviter factum, cuiquidem ven. dom. Jacobo fuerunt largite pro hac vice 1 .
Peste.
1519. 7 septembre. – Fuit conclusum super marronibus hospitalis sancti Rochi communitatis pro corporibus inhumandis, portantibus trigenarium, debere habere pro quolibet corpore de Rippa Ochiaci, videlicet octo solidos, et de quolibet tam de villa quam de suburbiis, videlicet quatuor solidos, et quod ipsa corpora importent et inhument de nocte, aut tam secrete et obscure quod poterunt, propter gentes.
Bois pour fourches patibulaires.
1519. 6 octobre. – Dominus locumtenens, parte reverendi domini nostri Lausannensis, peciit sibi largiri quercus in raspis, pro edifficando et construendo fulcas justicie. Qua requisicione et peticione auditis, fuit eidem locumtenti largitum, in hoc quod evocent foresterios et quod non scidant ultra id quod fuerit necessarium.
C’est probablement à cette époque que Georges Levet, bailli de l’évêque Sébastien de Montfalcon, fit transporter le gibet de /20/ Sévelyn, où il était, aux côtes de Montbenon. Les Lausannois s’en plaignirent vivement, disant avec raison que le gibet était trop près du « lieu de Montbenon lequel est pour convenable soulas de Lausanne. » En 1533 les villes de Berne et Soleure jugèrent « que ledit gibet de Montbenon du temps qu’il pourra durer au lieu de Montbenon en suffisance pouvoir faire illec justice, qu’en ce lieu il doige demeurer, et quand il sera nécessaire en faire un nouveau que mondit seigneur (l’évêque) le doige faire à faire au lieu où il estoit pour advant, c’est assavoir au lieu dit en Sevelyn, ou au lieu accordant entre mondit seigneur et les dits nobles et bourgeois de Lausanne. » (M. D. R. VII, pag. 754.)
Dans la première partie de ce travail, j’ai dit que la place de Montbenon avait été établie en 1345 (M. D. R., XXXV, pag. 161). Dans l’acte que j’ai cité, il ne s’agit que de la place basse de Montbenon, entre le chemin de Villars et celui de Mornex. M. l’archiviste A. de Crousaz a bien voulu me communiquer le document suivant, qui paraît avoir trait à la place haute de Montbenon, entre le chemin de Mornex et la ville, et qui la mentionne déjà en 1259.
« Nos Robertus, prepositus totumque capitulum Lausannensis ecclesie, notum facimus universis quod Aubertus, dictus Pocri ?, civis Lausannensis, et Johanna, uxor ejus, de voluntate et expresso consensu liberorum suorum, scilicet Nicholai, Petri et Jordanete, vineam suam cum fundo et appendiciis ejusdem vinee, que jacet apud Mombennon, a communi platea de Mombennon a parte superiori, usque ad vineam Willermi dicti Alexi ab inferiori, inter vineam Nicholai Psalteri ab uno latere et viam qua itur versus Mornay ab alio, vendiderunt Jacobo Apiaz, civi Lausannensi … pro justo et legitimo precio … Et nos, a quibus ipsa movet sub annuo censu trium sextariorum vini, dictum Jacobum investivimus de eadem … pro censu predicto, ita quod per plures heredes idem census dividi non possit inposterum, et pro justo placito a nobis jam recepto. In cujus rei testimonium sigillum nostrum apposuimus hoc scripto. Datum anno Dni MoCCoLVIIIo (1259 n. s.) mense marcii. » (Archives cantonales, documents du baillage de Lausanne, No 1313, fol. 15.) /21/
Présent à l’évêque.
1520. 16 février. – Fuit deliberatum dari reverendo domino nostro Lausannensi pro suo jocundo adventu, videlicet sex potos ypocratis, sex faxes cere, sex boetas dragie et centum poma dorenges.
D’après les comptes, ces cadeaux à l’évêque coûtèrent 17 flor. p. p. soit 10 liv. Laus. et 4 sols, et il y est dit qu’on les présenta à l’évêque le jour de son entrée, le vendredi avant le carême, soit le 16 février.
Bois accordé au chapitre.
1520. 26 avril. — Fuit requisitum per venerabiles viros dominos Johannem Grant et Petrum Brisseti, canonicos, parte venerabilis capituli ecclesie cathedralis Lausanne, quatenus placeret venerabili consilio eisdem capitulo largiri triginta sex pecias quercuum pro reparacione magni campanilis ecclesie domine nostre, ad construendum unum beffrey, qua requisicione audita, ad contemplacionem gloriosissime virginis Marie nec non prefati venerabilis capituli, fuit largita requisicio supra scripta, in hoc quod scindantur in loco minus dampnificabili.
Porte Saint-Etienne.
1520. 9 août. - Fuit conclusum debere apponi ymago beate Marie virginis super porta sancti Stephani, prout antiquitus erat apposita et deponere pontes in dicta porta factos pro depingendo muros.
La porte Saint-Etienne, qui marquait la limite entre la Cité et la ville inférieure, paraît avoir été assez délabrée. En août 1519, /22/ le conseil en fit réparer le toit, la fit reblanchir à neuf par maître Pierre, plâtrier, pour le prix de 36 sols, et paya 6 liv. 4 sols et 6 den. à maître Etienne Capio, peintre, qui fut chargé de peindre la porte à fresque. On voit d’après le texte qu’en août 1520 ce travail était achevé et qu’on replaça dans sa niche, au-dessus de la porte, la statue de la vierge Marie qui y avait été de temps immémorial. On paya 3 sols 6 den. au charpentier qui replaça la dite statue et enleva les échaffaudages.
Abbaye des nobles enfants de Lausanne.
1521. 3 janvier. – Comparuerunt in consilio nonnulli ex sociis et burgensibus juvenibus associati eorum abbati, supplicantes et requirentes eisdem abbati et sociis debere dare aliquod donum propter inopiam abbacie. Qua requisicione audita, fuit deliberatum et conclusum dare tria scuta auri ad signum solis, pro hac vice dum taxat, et fuit eisdem largitum tympanum communitatis, quem promisit restituere Regnerius Pivard gubernator, finito festo.
Cette abbaye était probablement l’association de la jeunesse connue quelques années plus tard sous le nom d’Abbaye des nobles enfants de Lausanne. Elle fut dissoute en 1544 par ordre de LL. EE. de Berne, à cause de la licence de ses mœurs. (Voyez Ruchat, Hist. de la Réformation, tom. V, pag. 244.) En 1522, 31 décembre, le conseil accorde à la même société 60 sols pour faire une abbaie (unum abbatem) au jour des Rois suivant, vu que la fête des Rois ne sera point célébrée comme d’habitude. Le 19 janvier 1525, l’abbé se présente en conseil, exposant que, comme le jour de l’Epiphanie le roi n’avait pas fait sa fête, l’abbaie avait de grands frais pour remplacer cette fête. Le conseil, considérant que ces jeunes gens « étaient allés en grand nombre à Lutry avec pompe, pour l’honneur de la commune de Lausanne, » leur accorde de grâce spéciale 60 sols. (Voyez 1532, 19 décembre.) /23/
Fifre de ville.
1521. 10 janvier. – Fuit Guillo dou Mont fistulatori ordinata et data pensio decem florenorum parvi ponderis pro uno indumento divise ville, pro uno anno tantum; in hoc et sub condicione quod debeat ire in quolibet bono festo sollenne super campanile et ibidem sonare cornetum, et quod non audeat ire foras villam, nisi de consensu et voluntate venerabilis consilii, neque ad guerram.
En 1526 on ajoute aux conditions de cette place : Si quis burgensis aut habitans Lausanne faciat festum, scilicet nuptias, quod idem Guilelmus teneatur illi servive pro salario mediante. Vers 1530, les fonctions de fifre (fistulator) de la ville furent abolies, mais elles furent rétablies le 13 avril 1535 et rendues à G. du Mont avec le même salaire. Voici ses fonctions à cette dernière date : Le matin des fêtes solennelles il devait du haut du clocher de la cathédrale faire une aubade, à chacun des quatre angles; il devait se tenir à la disposition des bourgeois à l’occasion de leurs noces, préférablement aux étrangers; ne pas sortir de la ville sans permission du conseil, et faire des aubades quand des ambassadeurs étrangers entraient dans la ville. (Voyez 1532, 12 décembre.)
Clochette donnée à la ville.
1521. 20 juin. - Petrus Moneti, cuprifaber, morans Lausanne, dedit in consilio ad opus communitatis unum parvum cymballum pulsandum de nocte hora duodecima, ut dormientes se evigilent et exorent pro animabus defunctorum.
Prix de coulevrine à Lyon.
1521. 11 juillet. – Preceptum gubernatoribus quod dent Georgio Batalliard sex solidos quos dedit et solvit /24/ cuidam nuncio de Berne pro vino suo, eo quod apportavit quasdam litteras a Lugduno sociis ville collovrineriis mandatis ad ludendum Lugduni cum colovrina in uno precio colovrine.
Les comptes de la ville nous apprennent qu’à la fin de janvier 1522 l’évêque Sébastien de Monfalcon rentra dans sa ville épiscopale, après une assez longue absence. Il revenait de Nice (in redditu de Nisaz). Les cinq bannerets et la population de Lausanne se portèrent à sa rencontre jusqu’à Lutry, avec fifres et tambourins.
Quelques mois après, la Réforme fut prêchée pour la première à Lausanne par le franciscain François Lambert d’Avignon. Celui-ci venait de Genève. Il vint à Lausanne le 17 ou 18 juin 1522 et y demeura une huitaine de jours. Il fut fort bien accueilli par l’évêque, qui lui donna une lettre de recommandation pour Fribourg. Cette sympathie pour la doctrine évangélique ne fut que très passagère chez Sébastien de Montfalcon. (Voyez Herminjard, Correspondance des Réformateurs, tom. I, pag. 101 et 329.)
Eglise de Saint-Laurent.
1523. 30 juillet. - Fuit largitum perrochianis Sancti Laurentii debere posse extrahere in costis de Monbegnon, in directo ludi colovrineoriorum, lapides dou grech, pro construendo et faciendo unum archum in ecclesia Sancti Laurencii, ad retinendum eorum ecclesiam que tendit ad ruynam.
Saint-Laurent était une des anciennes églises paroissiales de Lausanne. Elle est mentionnée dans le pouillé du diocèse, de l’an 1228, et donna son nom à l’une des quatre bannières de la ville inférieure. Le bénéfice, qui était de peu de valeur, dépendait du chapitre de Notre-Dame, qui y nommait souvent un de ses membres. /25/ On voit, par le texte, qu’en 1523 cette église menaçait ruine et qu’on fut obligé d’en soutenir les murs par des arcs-boutants. En 1536, elle fut donnée à la ville avec d’autres biens ecclésiastiques; et, puisqu’elle était en si mauvais état, il n’est pas étonnant, qu’en avril 1554, le conseil ait décidé de l’abattre et de ne conserver que le clocher, qui fut consolidé et demeura jusqu’à la construction du temple actuel. Les matériaux de l’église furent employés à la réparation des murs et des portes de la ville.
En 1716, le conseil fit commencer, sur le même emplacement, la construction de l’église que nous voyons aujourd’hui. Elle fut inaugurée le jour de Saint-Jacques, 25 juillet 1719.
Pour les curieux, je note ici les curés dont j’ai rencontré les noms dans différents actes :
1290-1294. Bovo.
1301. G. de Montrichier.
1308. Uldricus.
1331. Jean de Cossonay.
1350. Pierre de La Sarraz.
1355-1388. Rodolphe de Villette.
1398-1426. François Robin, d’Yverdon.
1430-1438. Jean Berthod.
1442-1473. Humbert Mégeva, chanoine.
1491-1514. Baptiste de Aycardis, chanoine.
1536. Laurent Cinquensod, chanoine. Il vivait encore en 1545; il était pauvre et infirme; la ville lui fit une pension annuelle de un muid de vin et un muid de froment, à prendre sur les revenus de l’ancienne abbaye de Montheron.
La duchesse de Savoie à Lausanne.
1523. 31 août. – Venit Lausannam illustrix domina Beatrisia, duchissa Sabaudie, filia regis de Portugal, et venit a Thononio per supra lacum cum illustri duce Sabaudie ejus viro. Et iverunt obviam apud Rippam Ochiaci nobiles, cives ac habitatores civitatis Lausanne in magno /26/ numero, nec non processio Domine nostre, cum cordigeris et jacopitis, usque ad portam tendentem ad Rippam Ochiaci, cum maximo honore, et fuit portatum loz paillioz.
Item, fuit eidem datum unum donum graciosum, videlicet duo currus vini, usque ad valorem decem novem scutorum auri, et sex modia avene que constiterunt sex scutis regis.
Item, recessit prefata duchissa martis sequenti, hora secunda, post merediem, et ipsam associaverunt nobiles, cives, burgenses atque habitatores predicti in magno numero usque ad rippam lacus.
Charles III, duc de Savoie, et sa femme, Béatrice de Portugal, qui étaient à Thonon, avaient dû venir à Lausanne le 28 août. Dès huit heures du matin, le conseil avait fait venir en ville, pour faire cortège aux princes, les compagnons (socios) de tous les villages du ressort. On attendit en vain la barque ducale jusqu’à huit heures du soir. La traversée fut impossible à cause de la violence du vent. On dut se résoudre à renvoyer les gens du ressort dans leurs villages et le conseil les dédommagea de leur dérangement inutile.On donna à ceux de Crissier et de Prilly 2 liv. 3 sols.
A ceux de Pully 2 liv. 3 sols.
A ceux de Morrens, Froideville, Bretigny, Romanel 2 livres 3 sols.
A ceux de Chavannes, Ecublens, Mézery, Saint-Sulpice 2 livres 3 sols.
A ceux du Grand-Mont et du Petit-Mont 12 sols.
Aux fifres de Lavaux (fifel de valle) 2 liv. 18 sols 6 den.
Le lundi suivant 31 août, les princes de Savoie arrivèrent. On ne convoqua pas de nouveau les gens du ressort, mais on eut des tambourins, on fit revenir les fifres de Lavaux (auxquels on paya 3 liv. 13 sols), et la ville entière se porta à la rencontre /27/ de ses illustres hôtes jusqu’à Ouchy, tandis que le clergé de la cathédrale, les franciscains et les dominicains, allèrent en procession les attendre à la porte de Saint-François. La duchesse fit son entrée en ville sous un dais.
Les présents mentionnés dans le texte furent offerts spécialement à la duchesse, disent les comptes, parce que le duc avait déjà eu sa réception à Lausanne. (Voy. nov. 1517.)
Alliance avec Lutry.
1524. 13 juin. – Evocata tota communitate Lausanne, voce cride facta ut moris est per loca consueta, comparitura in domo ville Paludis, hora septima de mane, et propter hoc congregata et deliberatura super certis articulis parte communitatis perrochie Lustriaci coram communitate Lausanne lectis, fuit per dictum commune Lausanne personaliter congregatum, saltem per maiorem partem, conclusum dictos articulos debere admictere et illos concludere debere, adiuncto quod dicti articuli non prejudicent juribus mense episcopalis Lausanne neque libertatibus et franchesiis communitatis.
Item, supradictum commune dedit potestatem dominis consilii ordinarii et banderetis dicte communitatis cum quatuor per dictos banderetos eligendis de communitate, recipiendi et audiendi juramentum illorum de communitate Lustriaci super observacione dictorum suorum articulorum, eciam juramentum prestandi per electos in presencia illorum de Lustriaco.
Les communes de Lausanne et de Lutry paraissent avoir été brouillées pendant de longues années, probablement à cause de leurs intérêts divergents et de leurs contestations sur l’usage des forêts du Jorat, qui étaient limitrophes des deux communes. /28/ Elles résolurent d’assoupir leurs discordes, de s’unir par une alliance étroite et de promettre de s’entraider pour la défense de leurs franchises, souvent violées par l’évêque. On verra qu’en 1536 ces deux villes en appelèrent à leur traité d’alliance.
Ce traité fut fait en deux doubles, les 13 et 16 juin 1524. Il est assez intéressant pour qu’on en donne ici un extrait étendu. Le préambule et le postambule sont en latin, j’en traduirai les parties essentielles; le traité lui-même est en français, je le transcrirai textuellement.
(Traduction du latin. Analyse.) Au nom de la sainte et indivisible Trinité. Amen. Nous le peuple et la commune de Lausanne, convoqués, comme de coutume, par le crieur public, dans notre maison commune de la Palud, d’une part; et le peuple et la commune de toute la paroisse de Lutry, rassemblés dans notre maison commune de Lutry, d’autre part; faisons savoir à tous, que : Considérant que toute force, comme l’assurent les sages, est accomplie par l’union, que par l’union et la concorde les grandes choses se maintiennent et les petites s’accroissent et que par la discorde elles tombent et périssent, que toute félicité audessus et au-dessous des cieux est conservée pure par l’union et la charité mutuelle; voulant, avec l’aide de la grâce divine, faire de discorde concorde, d’inimitié amitié, de dispute paix, d’animosité amour, d’ombre lumière, de fatigue repos et de séparation union fraternelle, ainsi que cela fut auparavant, nous donc, les communes susdites, après mûre délibération et d’un consentement unanime, avons conclu perpétuelle union, amitié, alliance et concorde, en la forme suivante écrite en notre langue vulgaire et commune, sans vouloir porter aucun préjudice à notre seigneur, évêque et prince de Lausanne, ce dont nous n’avons aucune intention.
(Texte original français.) In primis, Remémorant l’évangile Quod omne regnum in se ipsum divisum desolabitur, revolvant auci que virtus unica forcior est se ipsa dispersa, desiran bien vivre et voesine en amour et dilection et vraie confédéracion, comme autemps jadist noz prédécesseurs soloient estre, lesquelz per l’enemy de paix ont esté dévyé, pour ycelle redresser avons et proposons tenir à touiours les pointz et articles qui s’ensuyvent, /29/ corroborés par seremant, affin de esloigner d’ici en avant discord.
Par tel signe premièrement que per nos seremens dessus les saint canon recognoissons d’ung vray accord, sans poinct de fictions, d’estre les ung aulx autres féaulx, vrais amis et alié, sans jamais contrevenir les ung aulx aultres, et nous l’ung l’autre maintenir à touiours, mais de tout nostre povoir en bonne foy, en nous donnant aide, faveur et conseil, contre ung chescun veuilliant nous faire quelque invasion, innovacion et volenté contre nous et noz communautéz et franchises de pais.
Item, volons que se entre nous les dictes parties et communitéz sortissent quelque différent, question et discord, à raison d’aucum biens de noz dictes communitéz, qui se doyege premièrement veoir devant noz conseil, et, estre vehu, se doege paciffié par arbitrage d’amis sans figure de plait, aulx despens de celluy que aura tort.
Item, voulons que, si advenoit par fortune, dont Dieu nous gard, que aucuns par force ou aultrement volussent movoir contre nous les dictes communitéz, tam particulièrement que généralement, débat, guerre, question à tort, à cause de noz communitéz et franchises, que adoncques que noz debions maintenir les ung les aultres, sans parcialité faire et rien varier, en faisant force et aide les ung aulx aultres, comme vrays aliés doibvent faire, aut propres coutes, missions d’une chescune partie, cellon chescun sa puissance.
Item, si quelque compagnions particuliers de noz communitéz contre aucuns aultres de nos dictes communitéz pour quelque particulier différent movoit débat, que les dictes parties pour cella ne doigent point faire de force, ne maintenir les ung contre les aultres, mes à leur povoir y mettre la paix et les mettre en accord.
Item, si advient que aions begsoient les ung des aultres pour mander en ambessade ouz aler hors du pais pour maintenir noz communités et franchises, que ceulx que seront esleu doigent aler ung chescun aut propres coutes et missions d’une chescune communitéz.
Item, voulons que nostredist seremens se doege refrecher et /30/ renoveller de trois ans en trois ans, premièrement à Lausanne le lundi de Quasimodo, auquel se troveront trois de Lustrier aiant puissance de la reste, et le mardy suyvant à Lustrie, où se trouveront six de Lausanne aiant puissance de laz reste, comme dessus. Et avons faict cecy deça le préiudice de nostre révérend seigneur et prince, monseigneur de Lausanne.
(Traduction du latin. Analyse.) Et pour jurer toutes les choses susdites, nous, communauté des hommes de la cité et ville de Lausanne, nommons comme nos envoyés et représentants spectables et nobles Benoît Ravier, docteur ès arts et en médecine, François de Prez, Jean de Saint-Cierge et Etienne Duflon, conseillers, Etienne Ménestrey, co-syndic, et Pierre Wavre; le banneret de la Cité avec François Sonnier; Jean Boverat, banneret de la Palud, avec Jean Perrin; Claude Fontannaz, banneret de Saint-Laurent, avec Georges de Crest, Jean Deléraz, banneret du Pont avec Soffrey Buet; Nicod Vincent, banneret de Bourg, avec Guillaume Genevaz le jeune, tous bourgeois de Lausanne.
Et nous, communauté des hommes de toute la paroisse de Lutry, nommons comme nos envoyés et représentants provides Pierre Croserens, notaire, et Gérard de Laz-Brélaz, bourgeois et syndics de Lutry; Jacques Gantyn, banneret, Pierre Crostel, Jean Dumur, Nicod Curtat, Jaquet Apostelloz, Pierre Vaulet, Jaques Gilliard et Gérard Brélaz, bourgeois et conseillers de Lutry.
Et nous, les susdits envoyés et députés, promettons par nos serments sur les saints évangiles de Dieu que nous touchons de nos mains et sous l’hypothèque de tous les biens meubles et immeubles des dites communautés, d’observer inviolablement à perpétuité toutes les choses écrites dans les articles ci-dessus d’union, alliance et paix et de n’y jamais contrevenir en aucune manière. (Suivent de longues formules légales.)
En foi et témoignage de quoi, nous, les communes susdites, avons fait apposer nos sceaux ordinaires à ce présent acte et l’avons fait signer par provide P. Wavre, notaire et citoyen de Lausanne, et secrétaire de la cité et ville de Lausanne, et par Jean Croserens, bourgeois et notaire de Lutry, aussi secrétaire /31/ de la dite communauté des hommes de la paroisse de Lutry. Donné et fait à Lausanne, pour ce qui concerne cette commune et le serment qui lui a été prêté par les députés de la paroisse de Lutry, dans la maison de commune de Lausanne en la Palud, le lundi après la fête Saint-Barnabé, apôtre, treize du mois de juin, et pour ce qui concerne la dite communauté de Lutry et le serment qui lui a été prêté par les députés de la cité et ville de Lausanne, à Lutry dans la maison commune, le jeudi seize juin de l’an de notre Seigneur mil cinq cent vingt-quatre.
P. WAVRE avec J. CROSERENS.
J. CROSERENS.
Sceau de Lausanne pendant en cire rouge. (Ecu de Lausanne avec l’aigle d’empire). Le sceau de Lutry manque. (Archives de Lausanne A, 205.)
A cette pièce est annexée la procuration donnée le 13 juin par la commune de Lausanne à ses représentants et mentionnée dans le texte du manual.
Quand les députés de Lutry vinrent le 13 juin pour prêter serment, le conseil de Lausanne les fit dîner et souper à l’auberge de Laz Pometaz, cabaret souvent cité dans la première moitié du XVIe siècle. Ces repas coûtèrent 3 livres 16 sols.
Le 16 juin, à leur retour de Lutry, les députés de Lausanne soupèrent à l’auberge du nommé Rebistel, pour 1 livre 12 sols.
Conformément au dernier article du traité, le lundi de Quasimodo, 29 avril 1527, les députés de Lutry renouvelèrent leur serment à Lausanne, où on leur donna à goûter pour 4 liv. 4 sols. Le lendemain, mardi, les députés de Lausanne allèrent à Lutry pour répéter la cérémonie.
A cette occasion, le manual dit que le serment fut prêté à la mode allemande, en levant la main. (Fuit prestitum juramentum levando manum more allemanorum.)
En 1530, le serment fut renouvelé le lundi de la translation Saint-Nicolas 9 mai.
Le lundi 28 avril 1533, le serment fut renouvelé; Gantin, banneret, Jean Massyn et Jaquet Apostelloz, de Lutry, vinrent à Lausanne recevoir le serment de la commune. Le lendemain, /32/ François de Praroman, Saturnin Ruffy, Jean Rochys, Enabloz de la Cour, Antoine Bovard, conseillers, Claude Fontannaz et Guy Gendron, bannerets, allèrent à Lutry recevoir le serment de cette ville.
Présent à Madame de Diesbach.
1524. 28 juillet. - Fuit ordinatum debere dare et facere uxori nobilis viri … de Diespact, noviter venture, pro ejus jucundo adventu, quia effectus est burgensis Lausanne, vigore domus castri Menthonis quam acquisivit, videlicet sex faxes ponderis unius libre cum dimidia, quatuor aut sex boëtas dragie et quatuor aut sex potos ypocratis.
Item, fuit deliberatum debere ire obviam et evocare socios ville in bono numero.
On donna à Mme de Diesbach 6 pots d’hypocras, 5 boîtes de dragées pesant ensemble 8 livres et 6 cierges pesant neuf livres. Le tout coûta 8 liv. 14 sols. On se porta à sa rencontre avec des tambourins et des fifres auxquels on paya 24 sols.
Il est dit dans le texte que l’acquisition du château de Menthon donnait à Mr de Diesbach le droit de bourgeoisie à Lausanne. A cette époque, toute personne possédant un immeuble dans la ville devenait par le fait même bourgeois, comme on le dira plus tard.
La maison forte ou le château de Menthon, située à la Cité, au-dessus de Couvaloup, tirait son nom d’une famille noble de Savoie, qui en était propriétaire depuis plusieurs générations. (Voy. Martignier et de Crousaz, Dictionnaire du canton de Vaud, pag. 512.) De ce château dépendaient de nombreuses propriétés et redevances, soit à Lausanne, soit dans d’autres parties du Pays de Vaud.
A la fin du XVe siècle, le propriétaire de ce château était le chevalier Georges de Menthon. Il avait une sœur, Jeanne, qui avait épousé Georges de Blonay, seigneur de Saint-Paul, et lui avait donné deux fils, Michel et Georges de Blonay. /33/
De son côté Georges de Menthon avait aussi deux fils, Bernard et François, qui, au commencement du XVIe siècle, avaient succédé aux biens paternels.
La famille de Menthon était fort obérée et avait vendu successivement ses domaines à diverses personnes. Ces ventes étant toujours faites à réméré, la famille rentrait en possession des choses vendues. Le 1er octobre, 1523, François de Menthon vendit le château et une partie des biens paternels pour 1000 écus d’or, au coin du roi de France, à noble Jean de Diesbach, de Berne. Celui-ci ne garda pas longtemps cette possession. Michel et Georges de Blonay paraissent être intervenus dans les difficultés pécuniaires de leurs cousins de Menthon; car, en 1526, ils amodient le château de Menthon et ses domaines à Amédée Ravier, pour 260 flor. p. p. par an, et, en 1527 et 1528, Henri de Cojonay devint acquéreur de la totalité des biens pour le prix des 1000 écus d’or déjà payés à François de Menthon et 7130 flor. p. p. Il les revendit en 1535 à Nicolas de Diesbach. Tous ces actes furent faits à réméré, et, en conséquence de cette clause, la ville de Lausanne put acheter cette propriété en 1562, comme on le verra plus tard. (Archives de Lausanne, Titres de Menthon.)
Plusieurs historiens ont insinué que la dame de Diesbach, à laquelle le conseil de Lausanne fit la réception mentionnée dans le texte, était sœur de l’évêque Sébastien de Montfalcon. Je crois que c’est une erreur. D’après Leu et le baron d’Estavayer, Jean de Diesbach, colonel et maréchal de camp au service du roi de France, épousa Jeanne de Refuge, dame de Vandable en Auvergne. Ce serait cette dame, récemment mariée, qui vint à Lausanne, en 1524. Son mari fut tué à la bataille de Pavie, en 1525.
Il est vrai qu’une sœur de l’évêque avait épousé un autre Diesbach. Christophe de Diesbach, chevalier, seigneur de Worb, né en 1483 et mort en 1522, épousa en secondes noces Jeanne de Montfalcon, sœur de Sébastien, et veuve de Philibert de Clermont, seigneur de Vaulserre en Dauphiné, par contrat du 30 mai 1519, conclu à Lausanne, au château de Saint-Maire. Elle reçut de ses deux frères, Sébastien et Jacques de Montfalcon, une dot de 3000 écus d’or. (Communication de M. l’abbé Gremaud.)
Voyez l’art. du 25 juin 1533. /34/
Violation des franchises de la ville.
1525. 25 février. - Die sabbati crastinum festi Sti Matthie, vigesima quinta mensis februarii, fuerunt congregati electi parte communitatis Lausanne cum consilio, in domo ville Paludis, audituri relationem domini dou Lussel et dom. gubernatoris Vaudi parte rever. domini nostri. Quod consilium unacum electis comparuerunt in capitulo et coram ven. dominis de capitulo. Quiquidem dominus dou Lussel et Nobilis Petrus de Belloforti, gubernator Vaudi, retulerunt voluntatem et bonum velle prelibati R. D. N. Lausannensis, scilicet dictum Gerardum de Nechel fore et esse reducendum et remictendum atque reintegrandum in loco et hora quibus fuit captus, et per officiarios per quos fuit captus, sine quacunque protestatione per quamcunque partem fienda. Et quod eligantur quatuor ex consulibus qui intersint in examine fiendo contra dictum Gerardum de Nechel; spectabili tamen domino Benedicto Raveri nomine tocius communitatis protestante quod si aliqua protestatio publica seu secreta fiat parte R. D. nostri, quoad dictam remissionem et reintegrationem, quod illa sit nulla, et si fiat aut comperiatur in futurum, contra illum protestatur de nullitate.
Successive, eadem die in nocte, scilicet inter octavam et nonam horam, supradictus Gerardus de Nechel fuit per Johannen Yvert et Ludovicum Chamot, nuncios temporales dom. ballivi, remissus et repositus, reintegrando libertates et franchesias communitatis, in loco in quo fuerat captus, scilicet extra portam que vocatur porta Sti Martini, scilicet in itinere publico tendente per retro domum de Billens, ante stabulum Joh. Vachyz; dicendo eidem Gerardo per /35/ dictos clientes : Es tu bene in loco quo eras ? qui respondit quod sic. Et habes tu bene ea que habebas ? qui respondit quod sic, dempto marcipio. Interrogatus si erant multe pecunie. Qui respondit, quod non erant, nisi quatuor denarii. Et illico eundem dimiserunt ire quo voluit ad suum liberum arbitrium, reintegrando libertates et franchesias. Et fuerunt presentes in dicta remissione et reintegracione Nobilis Petrus Belloforti, gubernator Vaudi; Nobilis Mich. Musard, receptor generalis prelibati R. D. N. L.; Nob. Glaudius Muriset, de Culie; Petrus Croserens de Lustriaco, necnon totum consilium Lausanne atque plures alii de communitate, tam viri quam mulieres et pueri, atque eciam de Valle et alibi.
26 février. – Subsequenter vero, die dominica in mane, inter sextam et septimam horam, supranominatus Gerardus de Nechel, qui die sabbati precedenti per custodes nocturnos communitatis Lausanne captus fuerat, repertus de nocte et hora suspecta, eo quod fugax et infamis atque diffamatus de crimine falsi, datus et remissus fuit in manibus Jacobi Didini, vice ballivi, per providos viros Saturninum Ruffi et Petrum Devantey, gubernatores, ut de eodem Gerardo reddat bonam justiciam, secundum ejus demerita. De qua quidem remissione prefati gubernatores pecierunt licteras testimoniales ad futuram rei memoriam, presentibus ibidem Petro Henrio de Essertines, carpentatore; Glaudio Martyn, tornerio, et Glaudio Pinex, sartore, nec non pluribus aliis personis.
Pro premissis, P. Wavre.
1525. 2 avril. – Evocato toto communi voce preconis nostri communitatis, ut est moris, comparituro in domo /36/ communitatis et propter hoc congregato, quia reverendus dominus noster Lausannensis eciam per nuncium domini ballivi proclamare fecit compariturum in ecclesia cathedrali. Quod commune comparuit in domo communitatis, et congregato, fuit deliberatum ire ad ipsum reverendum dominum in ecclesia cathedrali. Qui reverendus dominus noster proposuit inter cetera, si dominus Gerardus Grant et nobilis Franciscus de Prez, ambassiatores communitatis erant missi ad Allemanias de consensu communis. Et, retracto dicto communi ad domum communitatis, deliberaverunt et responsum fecerunt prelibato reverendo domino nostro in platea ante castrum suum sancti Marii, quod erant missi de eorum consensu et mandato. Et ratifficaverunt atque laudaverunt omnia acta et gesta per consilium super facto et detencione Gerardi de Nechel.
1525. 17 avril. - Fuerunt congregati in domo communitatis resorti, videlicet illi de Pullie, Magnus Petrus dou Port; Glaudius Abitel pro parte de Bémont, Aymonetus Corbat pro parte duorum Moncium; Petrus Boudet pro parte de Frigida villa; Guillermus de Villaz pro parte de Rugnens; illi de Escublens et de Romanel, quibus fuit expositum si vellent manutenere franchesias et libertates; et captaverunt diem ad jovis futuram proximam (20 avril) facturi responsum.
1525. 20 avril. - Comparuerunt certi de resortibus, primo Petrus dou Port, pro parte illorum de Pullie, qui retulit opinionem communem resorti de Pullie talem esse, videlicet velle manutenere franchesias et libertates eorum posse et assistere tociens quociens fuerint evocati; Johannes Baucion de Bémont qui retulit prout illi de Pullie; /37/ item Sanctus De Lilaz de Frigida villa qui retulit ut supra; item Vincentius de Media villa de Romanel qui retulit ut illi de Pullie; item Jacobus Forney de Escublens qui retulit se velle esse prout maior pars aliorum resortorum fuerit; item Guillermus de Villaz et Jacobus Vernaulx de Rugnens retulerunt eorum communitatem velle manutenere libertates et franchesias communitatis.
Je ne reproduis ici que la conclusion de ce démêlé entre les bourgeois de Lausanne et leur évêque. Cette affaire ne présente en elle-même pas plus d’intérêt que nombre d’autres du même genre, où les Lausannois accusaient l’évêque d’enfreindre leurs libertés et franchises, telles qu’elles étaient consignées dans le Plait général.
Mais elle a de l’importance, parce qu’elle montre à quel point de tension en étaient venues les relations entre Sébastien de Montfalcon et ses sujets, et surtout parce que ce démêlé fut une des causes déterminantes qui engagèrent les Lausannois à rechercher avec ardeur la combourgeoisie de Berne et de Fribourg, qui fut conclue à la fin de la même année et dont les suites furent si considérables.
Le soin avec lequel le manual raconte les différentes phases de cette affaire montre quelle importance les citoyens y attachaient et qu’ils en prévoyaient de graves conséquences. Je résumerai brièvement ces phases, en empruntant quelques détails aux comptes de la ville.
Les officiers de l’évêque avaient arrêté et emprisonné un nommé Gérard de Nechel. Celui-ci était notaire; il était accusé et convaincu de faux, et, dans l’opinion même des Lausannois, il ne méritait que trop de tomber entre les mains de la justice. Mais l’arrestation et la détention de ce criminel ne s’étaient pas faites suivant les règles indiquées par le Plait général et avec l’intervention du conseil de la ville. (Voyez Plait général, art. 66, 67; M. D. R. VII, pag. 221 et 376.) Les Lausannois voyaient, à juste titre, dans cet acte de l’évêque ou de ses officiers, une infraction de leurs libertés et franchises. /38/
Aussi, le samedi 28 janvier 1525, le conseil et rière conseil s’assemblent et décident de réclamer de François de Lutry, vicaire général de l’évêque, la libération de Nechel, et, en cas de refus, d’avertir les trois paroisses de Lavaux : Lutry, Villette et Saint-Saphorin, de ce qui se passait.
Le lendemain, 29 janvier, les députés de Lausanne : Benoît Ravier, Claude de Praroman, Jean de Saint-Cierge et Etienne du Flon se rendent dans les trois paroisses et en rapportent l’assurance que les gens de Lavaux viendront à Lausanne dès qu’ils seront appelés par le conseil.
Le vendredi 3 février, on convoque, dans la maison de ville de la Palud, les syndics de tous les villages du ressort et on leur expose le cas. Ceux-ci décident d’en référer aux assemblées générales de leurs communes.
Le lundi 6 février, Jaques Didin, sautier, est assermenté comme vice-bailli de l’évêque, par François de Lutry, vicaire général; mais, séance tenante, Jean de Saint-Cierge fait, au nom de la commune, une protestation solennelle contre l’infraction des franchises de la ville, faite par le dit Jaques Didin, en ce qu’il avait permis l’arrestation de Nechel avant d’avoir été assermenté.
Le même jour, les députés des villages du ressort, ayant consulté leurs commettants rapportent au conseil qu’ils veulent tous, de tout leur pouvoir, aider Lausanne à maintenir ses franchises.
Le même jour encore, le conseil se présente en corps devant le chapitre de la cathédrale, et, après avoir obtenu que les deux chanoines François de Lutry, vicaire général, et Claude de Montfalcon, official, se retirent de l’assemblée, le conseil demande au chapitre s’il veut maintenir les franchises de la ville. Le chapitre répond qu’il les maintiendra de tout son pouvoir.
L’évêque, Sébastien de Montfalcon, paraît avoir été absent jusqu’alors, car il est toujours représenté par son vicaire général. Mais le jeudi 9 février, il est de retour. Le conseil et le rière conseil se rendent auprès de lui et lui demandent s’il veut faire réparation à la ville pour l’infraction de ses franchises. L’évêque refuse.
Le lendemain, vendredi, le conseil, le rière conseil, le chapitre, le clergé de la cathédrale et les députés de Lavaux se présentent /39/ en corps au château épiscopal et font à l’évêque la même demande. Celui-ci répond qu’il n’a pas enfreint les franchises de la ville.
L’évêque prétendait que Gérard de Nechel, étant clerc, relevait uniquement des tribunaux ecclésiastiques. C’est du moins l’explication que ses représentants donnèrent à la journée de Fribourg, le 2 octobre suivant, lorsque cette affaire fut plaidée devant les ambassadeurs de Berne, Fribourg et Soleure.
Le lundi 13 février, une nouvelle démarche, faite auprès de l’évêque par les députés du chapitre, du clergé, de Lavaux et par toute la commune de Lausanne, a le même résultat.
Voyant qu’elles ne peuvent se mettre d’accord, les deux parties décident de nommer des arbitres pour prononcer sur le différend. Ceux de l’évêque étaient le seigneur de Lussel, Pierre de Beaufort, bailli de Vaud, et l’official de Genève; ceux de Lausanne et de Lavaux étaient l’abbé de Marsens, noble Aimon Blanc et noble Nicod Tavel.
Après plusieurs jours de délibération, ces arbitres ne pouvant conclure, le mardi 21 février, l’évêque propose à ses sujets de choisir de nouveaux arbitres et leur offre soit le duc de Savoie, soit les villes de Berne et de Fribourg.
Le mercredi 22 février, toute la communauté de Lausanne assemblée à la maison de ville, refuse tout nouvel arbitrage.
Le vendredi suivant, les députés du chapitre, du clergé et de Lavaux confirment unanimement cette décision, et proposent, pour gain de paix, que l’évêque fasse ramener Nechel au lieu et à l’heure où il avait été arrêté, et que là, une nouvelle clame étant faite contre lui, il soit incontinent arrêté de nouveau, suivant les règles du droit.
Le samedi 25 février, le sire de Lussel et le bailli de Vaud annoncent au conseil que l’évêque consent à ce mode d’agir. Il est entendu de part et d’autre qu’il ne sera fait aucune protestation publique, ni secrète, et que toute protestation quelconque entraînera la nullité de cette réparation faite à la ville.
Ainsi fut fait. Le samedi 25 février, entre huit et neuf heures au soir, G. de Nechel est ramené en présence d’une nombreuse foule au lieu où il avait été arrêté, hors de la porte Saint-Martin, /40/ près de la carrière du Pissiouz 1 . Les officiers de l’évêque le relâchent, réintégrant ainsi les franchises de la ville. Incontinent il est arrêté de nouveau avec le consentement du conseil et suivant les règles du droit.
Le dimanche 26 février, entre six et sept heures du matin, les syndics Saturnin Ruffy et Pierre Devantey remettent Nechel entre les mains de Jaques Didin, vice-bailli de l’évêque, pour qu’il en fasse bonne justice suivant ses démérites.
Mais l’affaire n’en resta pas là.
Les Lausannois qui, le 22 février, avaient refusé l’arbitrage de Berne et de Fribourg et qui, le 25, avaient promis de ne faire aucune protestation, revinrent en arrière. Les comptes de la ville nous apprennent qu’un mois après, le 27 mars, le conseil de Lausanne envoya à Fribourg et à Berne Gérard Grant et François de Prez, avec des députés de Lutry, et que cette ambassade eut lieu au sujet de la même affaire Nechel. (Pro facto Gerardi de Neschel.)
On voit par le texte que l’évêque eut vent de cette ambassade et que le dimanche 3 avril il fit mander devant lui, dans la cathédrale, toute la commune de Lausanne pour savoir si le fait était vrai. La commune n’osa pas ne point obéir à l’ordre de l’évêque, mais elle le fit d’assez mauvaise grâce. On se réunit à la maison de ville, là on délibéra qu’on se rendrait à la cathédrale; on y entendit la question de l’évêque; on se retira de nouveau à la maison de ville pour délibérer et enfin on répondit à l’évêque, sur la place devant le château de Saint-Maire, que l’ambassade avait en effet été envoyée par ordre de la commune.
L’ambassade était de retour à Lausanne dans la soirée du même dimanche, après une absence d’une semaine. Je n’ai pu découvrir quel fut le résultat immédiat de cette députation, qui coûta à la ville 16 livres 16 sols 6 deniers. Mais on voit par les articles des 17 et 20 avril que Lausannois s’assuraient le concours des villages du ressort dans la lutte acharnée qu’ils voulaient entreprendre contre leur évêque. /41/
Voyage projeté de l’évêque.
1525. 6 juillet. – Comparuit in consilio, parte reverendi domini nostri Lausannensis, venerandus dominus Glaudius de Montefalcone officialis Lausanne, qui exposuit recepisse parte prelibati reverendi domini nostri Lausannensis litteras missivas facientes mencionem prelibatum reverendum dominum nostrum Lausannensem associare velle illustrem principem Karolum ducem Sabaudie ire volentem ad regem Romanorum ad Hispaniam, quare petebat debere eligere duos ex burgensibus Lausanne qui sociam eidem faciant, tamen sumptibus Lausanne, et non prelibati domini nostri Lausannensis 1 .
Défense de parler contre Luther.
Item magis exposuit quod fiat statutum et unum proclama, ut nullus loquatur seu proferat verba contra Lutter.
Combourgeoisie avec Fribourg et Berne.
1525. 10 septembre. – Convocato toto communi voce preconis, comparuit consilium, retro consilium et commune qui concluserunt concorditer debere acquirere amiciciam et confederacionem cum metuendissimis dominis Bernensibus et Friburgensibus perpetuas. Et ita fuit conclusum, nemine contradicenti.
1525. 12 novembre. – Ad instanciam et requisicionem reverendi domini Francisci Mayor, vicarii generalis reverendissimi domini nostri Sebastiani de Montefalcone, /42/ episcopi Lausannensis et principis, fuit convocatum totum commune Lausanne voce cride, ut est moris, et propterea congregato in domo ville in Palude, audituro proposita parte prelibati reverendi domini nostri, voce et organo venerabilis domini Francisci de Vernetis, canonici Lausanne, proponentis, quod post concordium et pacem factam in Friburgo diebus precedentibus super differenciis existensibus inter prelibatum reverendum dominum nostrum et communitatem, fuerunt certi ambassiatores communitatis qui remanserunt Friburgi post recessum prelibati reverendi domini nostri et aliorum de communitate, qui iverunt Bernum querentes et volentes facere borgesiam et confederacionem cum dominis Bernensibus et Friburgensibus, quare petebant responderi si erat de voluntate communitatis. Quiquidem dominus Franciscus de Vernetis, associatus reverendo domino Amblardo de Gerbex prothonotario sancte sedis apostolice et Petro Perrini canonicis Lausanne, nec non Jacobo Didini ballivo Lausanne, retractis, prefatum commune ibidem personaliter comparens deliberavit, nemine contradicente, non velle revocare potestatem prefatis ambassiatoribus datam per dictum commune, et non posse respondere donec dictis ambassiatoribus reversis, semper ratifficando et approbando dictam potestatem. De quaquidem conclusione Regnerius Pivard gubernator peciit michi notario subsignato fieri memoriale et instrumentum ad opus communitatis die et anno premissis. Wavre.
1526. 15 janvier. - Super comburgencia et confederacione facta cum magnificis dominis Bernensibus et Friburgensibus fuit per commune Lausanne, in presencia /43/ ambassiatorum dominorum Berni et Friburgi ibidem personaliter constitutorum, prestitum juramentum more Alemanorum prestandum, videlicet levando manum. Et fuit lecta lictera dicte comburgencie et confederacionis per egregium dominum Benedictum Raveri in latino et romancio, inter octavam et nonam horas de mane.
1526. 11 mars. – Fuit convocatum consilium et retro consilium qui deliberaverunt et concluserunt super propositis per dominum de Lulyn parte domini ducis Sabaudie in jornata tenta coram omnes ligas in domina nostra deys Hermitez nunc tenenda apud Lucernaz, die dominica de Judica me, decima octava dicti mensis marcii, debere ire ad dictam jornatam. Et fuerunt electi dominus Benedictus Raveri et Stephanus Grant, congubernator.
La conclusion d’un traité d’alliance et de combourgeoisie entre Lausanne et les deux villes de Fribourg et de Berne est un fait assez important dans l’histoire peu mouvementée de Lausanne pour qu’on présente avec quelque détail les négociations qui amenèrent ce résultat. Ce récit est composé principalement d’après les informations contenues dans les comptes de la ville et dans la collection officielle des Recez des diètes suisses; le manual de Lausanne est particulièrement pauvre en renseignements à ce sujet.
La première mention que j’aie trouvée d’un projet d’alliance entre Lausanne et Fribourg n’est pas datée d’une manière exacte, mais tombe entre la Saint-Michel 1522 et la Saint-Michel 1523, pendant le syndicat de Girard Grand, docteur en droit civil et canon, qui joua plus tard un grand rôle dans les négociations pour ce traité de combourgeoisie. Dans une note rédigée en 1526 et placée à la fin des comptes qu’il rendit après son année de magistrature (1522-1523), Girard Grand dit que, pendant l’année de son syndicat, par ordre de Nob. Claude de Praroman et d’Etienne /44/ DuFlon, il livra six écus d’or au soleil, valant 12 liv. et 18 sols, à Messire Benoît Ravier, pour les donner au seigneur secrétaire de Fribourg, nommé Cromystaux (Krumenstoll), qui était alors banneret, afin de traiter la matière de la bourgeoisie à conclure (ad tractandum materiam borgesie fiende).
Jusqu’au mois de septembre 1525, on ne trouve aucune autre allusion écrite à ce projet; mais il est fort probable que l’ambassade de Girard Grand et François de Prez, qui furent envoyés à Fribourg et à Berne, le 27 mars de cette année, comme on l’a dit plus haut, n’avait pas uniquement pour but d’entretenir les conseillers de ces deux villes de l’affaire de Nechel, mais que ces deux députés devaient aussi les sonder sur ce projet d’alliance et préparer les voies.
En effet, dans le Recueil des recez de la diète (tom. IV, 1 a), on trouve deux lettres de Sébastien de Montfalcon, évêque de Lausanne, au Conseil de Soleure, en date du 2 et du 5 septembre 1525, dans lesquelles ce prélat se plaint des dissensions qui se sont élevées entre lui et ses sujets au sujet de la détention d’un notaire faussaire (R. de Nechel); il se plaint en outre de ce que les Lausannois ont profité de son absence prolongée (on voit en effet par l’article du 6 juillet qu’il était à la cour de Savoie) pour demander la combourgeoisie à Fribourg et à Berne; le duc de Savoie l’a informé des menées du conseil de Lausanne et lui a conseillé de retourner dans son diocèse pour s’y opposer. Maintenant l’évêque a appris que les Lausannois ont obtenu de Fribourg, Berne et Soleure une journée ou conférence à Fribourg, fixée au lundi après la Saint-Michel, 2 octobre, et il prie instamment le conseil de Soleure, comme ami et protecteur de l’évêché, de s’y faire représenter pour contrecarrer ces projets d’alliance.
L’évêque était bien informé de ce qui se passait et se tramait dans sa petite capitale, puisque peu de jours après la date de ces lettres, le dimanche 10 septembre, le conseil, le rière-conseil et toute la communauté, assemblés en la maison de ville de la Palud, résolurent unanimement de poursuivre et, si possible, mener à bien les négociations commencées, comme on le voit dans le texte du manual. Cette résolution fut consignée dans un acte scellé aux armes de la ville, et qui dut sans doute être /45/ produit devant les conseils de Fribourg et de Berne. Il est conservé aux Archives cantonales. (Invent. bleu. I. Commune de Lausanne, No 1.) En voici la teneur :
« Nous le conseil, rière conseil et commun de Lausanne, convoqué par voix de crie en nostre maison commune, avons esté de résolucion concordable d’avoir et aquérir amitié et aliance perpétue avecques nous honorés et magnifiques seigneurs, messeigneurs de Berne et de Fribourg. Et en signe que volons demorer en nostre opinion et que contre ycelle ne volons contrevenir, avons commandé à nostre secrétaire de ville en faire lectre, ou plusieurs, signée de sa main et sélée du seaulx de nostre communité. Donnée la dimenche dixième du moys de septembre, l’an mil cinq cent et ving et cinq.
»Par commandement.
» P. WAVRE. »
(Armes de Lausanne en sceau pendant).
En attendant, l’émotion était grande à Lausanne. Le bruit s’était répandu que le duc de Savoie, voulant à tout prix empêcher la combourgeoisie projetée, avait réuni à Annecy une nombreuse armée d’Espagnols, qu’il s’était transporté de sa personne à Genève et voulait se venger des Lausannois, qui prétendaient conclure des alliances sans son consentement, au mépris de ses droits comme vicaire impérial.
Le samedi 14 septembre, Benoît Ravier, conseiller de Lausanne, écrit en hâte à son ami Jaques Totreman (Techtermann), conseiller de Fribourg, pour le prier d’user de son influence auprès du conseil de Fribourg, afin que Lausanne reçoive au plus tôt des secours de Berne et Fribourg, autrement elle est perdue, car le duc de Savoie va arriver; il ajoute que, vu l’urgence, il serait désirable de faire marcher au secours de Lausanne les hommes des bailliages mixtes d’Echallens et d’Orbe, qui sont plus à proximité.
Cette demande est communiquée au conseil de Berne. Celui-ci ne croit pas le cas aussi urgent qu’on veut bien le dire et pense qu’il vaut mieux agir avec prudence et écrire une lettre comminatoire au duc de Savoie. Cette lettre est datée du 17 septembre. En voici les principaux passages : /46/
« Très illustre prince, nous sommes certainement adverti qu’avez grand regret en ces pratiques que ceulx de Lausanne sollic(it)ent pour faire quelque alliance avec nous et autres nos alliés, de quoy ne debvez avoir occasion; car [nous] ne vouldrions fere ni accepter chose qui feust contre les alliances et amitiés qu’avons ensemble, qui peut tomber en préjudice de vostre prééminence … Néansmoins summes par incertes rumeurs adverti comme prétendiez de vous venger desdits de Lausanne et autres, et por tieul moyant avoir avons [aviez] invoqué une armée des Hispaniolz et aultres, lesquels pour cecy desja passent les mons, et les debvez attendre à Nisi [Annecy], ce que [ne] pouvons croyre que soyez de tieul propost, car les alliances et convenances entre vous et nous ne le pourroient souffrir, veu que les Hispaniolz sont nos ennemis publiques et mortelz, lesquels par la vigeur desdites alliances ne debvez entretenir en vostre pays, pour nous ou ès nostres faire ennuye ou déplaisir quelconques, ce que sans faulte se feroit, se cela de quoy summes adverti doit succéder, et vous mesmes pouvez entendre que viendroit et serviroit en ruine et destruction de nous voisins et tous les pays, ce que nullement ne debvons ne voulons souffrir, mais nos corps et biens opposer, en sorte que chesquun entre nous y avoir faict diligence et opposition, et pour que à tieul rapport ne adjoustons foy ne créance, vous avons bien voulsu adverti(r), desirant sur ce, par porteur de ceste, vostre excuse et response, sur ce nous sachant entretenir, disant à Dieu, etc. »
En outre le conseil de Berne envoie à Genève Gaspard de Mulinen pour avoir des informations exactes. Le 21 septembre, celui-ci passe à Lausanne avec le banneret de Soleure, allant à Genève. Le 24, il écrit à son gouvernement qu’ils ont vu le duc de Savoie, que celui-ci désirerait qu’on renvoyât la conférence avec les Lausannois, afin de lui donner le temps de s’entendre avec eux, qu’il n’a aucune intention d’amener des troupes étrangères, mais qu’il veut punir ceux qui se sont révoltés contre lui. D’ailleurs de Mulinen n’a remarqué aucun mouvement inusité de troupes à Genève et dans les environs.
Pendant cette mission de Mulinen à Genève, le conseil de Lausanne envoie, le 19 septembre, à Fribourg et à Berne, une /47/ nouvelle ambassade, composée de Jean de Saint-Cierges, Jean Boverat et Etienne DuFlon, avec la mission de faire de nouvelles démarches pour obtenir la combourgeoisie. Ces députés reviennent le 24 septembre, rapportant une réponse dilatoire du conseil de Berne, qui veut tout d’abord pacifier le différend entre l’évêque et ses sujets, dans la conférence fixée au 2 octobre, avant d’entamer le sujet de nouvelles alliances.
Le 29 septembre, G. de Mulinen et le banneret de Soleure repassent à Lausanne, revenant de Genève. Du reste pendant tout le mois de septembre il y eut, à Lausanne, un va et vient continuel d’ambassadeurs de Savoie, de Fribourg, de Berne, de Soleure, auxquels le conseil envoyait toujours des semesses ou cocasses de vin pour leur souper.
Enfin arrive le lundi après la fête de Saint-Michel, 2 octobre, jour fixé par les conseils de Fribourg, Berne et Soleure, pour entendre à Fribourg les deux parties en désaccord, l’évêque de Lausanne et et ses sujets.
On a vu plus haut que l’évêque prétendait que cette journée ou conférence avait été décidée à la demande des Lausannois; d’un autre côté, dans ses lettres de convocation adressées à Fribourg et à Soleure, le conseil de Berne dit positivement que cette journée a été demandée par l’évêque. Il est à supposer que les deux parties désiraient également cette conférence qui devait résoudre plusieurs difficultés pendantes entre elles.
Les commissaires nommés par les trois villes étaient pour Berne : Gaspard de Mulinen, le banneret Pierre Stürler et Pierre de Werd; pour Soleure : Jean de Rolle. Le recez de cette conférence ne nomme pas les commissaires fribourgeois, mais il y a lieu de croire que c’étaient l’avoyer Dietrich d’Englisberg et le boursier Guillaume Schweizer, ou Jaques Techtermann.
Les Lausannois avaient nommé une nombreuse députation pour exposer leurs griefs. Elle était composée de Benoît Ravier, docteur en médecine, Noble Claude de Praroman, seigneur de Chapelle Vaudanne, Noble François de Prez, Etienne Grand, syndic de Lausanne et aubergiste du Lion, Girard Grand, docteur en droit civil et canon et ancien syndic, Jean de Saint-Cierge, Michel Jouctens, accompagnés d’un grand nombre de citoyens. /48/ Le peuple de Lausanne avait nommé plus de cent députés, disent les comptes de la ville, dont cinquante à soixante se rendirent à Fribourg à leurs propres frais 1 .
L’évêque de Lausanne, au lieu de comparaître personnellement, s’était fait représenter par trois députés : le vicaire général François Mayor, de Lutry, l’official François de Vernetis, chanoine, et le commissaire général Gignilliati.
Dès l’abord, les commissaires des trois villes expriment leur mécontentement de ce qu’après avoir demandé cette conférence, l’évêque ne se donne pas la peine d’y paraître, et décident que les deux parties coucheront par écrit leurs sujets de plainte l’une contre l’autre, ce qu’elles font séance tenante. Puis, vu l’absence de l’évêque et l’insuffisance des pouvoirs de ses délégués, on ajourne les parties au lundi après la Toussaint, 6 novembre, à Fribourg.
En même temps on écrit à l’évêque qu’on l’attend, sans faute, à cette nouvelle journée et on l’avertit de ne rien entreprendre de nouveau contre ses sujets.
Les Lausannois ayant apporté avec eux un projet de combourgeoisie, on le communiquera aux conseils des trois villes, et on les exhorte à se tenir tranquilles et à ne pas faire d’acte de rébellion contre leur seigneur.
Les plaintes des Lausannois, déposées à Fribourg contre l’évêque, peuvent se résumer comme suit : 1o Il a fait soit emprisonner, soit torturer et mettre à mort plusieurs personnes contrairement aux franchises contenues dans le Plait général 2 . 2o Il a retiré et fondu l’ancienne monnaie et en a émis de mauvaise, selon son bon plaisir, ce qui est préjudiciable à tout le monde et également contraire au Plait général. 3o Il a établi un nouvel impôt nommé le rivage, prétendant que cet impôt appartient à /49/ ses droits de seigneurie; or ces droits sont énumérés dans le Plait général, et le rivage n’y est pas mentionné. 4o Les envoyés de l’évêque demandent qu’il soit interdit aux Lausannois de contracter des alliances ou combourgeoisies; or Lausanne est ville impériale et libre, n’a aucun projet contraire à l’évêque, c’est pourquoi elle demande à être admise à la combourgeoisie.
Les députés de l’évêque, tout en protestant de l’insuffisance de leurs pouvoirs et de leur désir d’en référer à leur seigneur, répondent en somme que : 1o Les criminels arrêtés et torturés étaient des clercs, donc justiciables uniquement des tribunaux ecclésiastiques. 2o Quant à la monnaie, l’évêque n’avait pas agi autrement que ses prédécesseurs. 3o L’impôt du rivage est dû d’après des titres remontant à plus de trois cents ans. Le rivage n’est pas mentionné dans le Plait général, il est vrai, mais aussi la bonne moitié des droits de l’évêque n’y est pas mentionnée. D’ailleurs les Lausannois qui invoquent constamment leur Plait général, l’enfreignent eux-mêmes tous les jours. Par exemple, d’après le Plait, les maisons de la ville ne doivent pas avoir d’avant-toits, cependant on en trouve partout; les citoyens ne doivent point construire de ponts, néanmoins ils en font; les auberges ne doivent pas avoir d’enseignes pendantes, /50/ sauf dans la rue de Bourg, on voit des enseignes dans tous les quartiers; les femmes ne doivent pas vendre du poisson, cependant elles le font; les boulangers ne doivent faire provision de bois que pour trois jours, et ils en font pour l’année entière. 4o Quant à la combourgeoisie, le chapitre, le clergé, la campagne et la majorité de la commune y sont opposés. D’ailleurs, il n’est pas dans l’habitude de Messieurs des Ligues d’admettre comme combourgeois et alliés des habitants de villes sujettes, surtout lorsqu’ils sont en désaccord avec leur seigneur.
Ces griefs des Lausannois et la réponse des députés de l’évêque ayant été remis aux commissaires, la conférence se sépara et les députés de Lausanne retournèrent chez eux, où ils arrivérent le 4 octobre au soir. Le conseil leur donna un souper qui coûta 6 flor. 6 sols.
Mais ils ne revinrent pas tous. Benoît Ravier, Claude de Praroman, Etienne Grand et Girard Grand restèrent à Fribourg pour solliciter la combourgeoisie (pro borgesia petenda) et y demeurèrent jusqu’au vendredi suivant, 6 octobre. Leurs démarches eurent quelque succès, car on lit dans le Manual de Fribourg, à la date du 4 octobre, que le conseil de cette ville décide d’admettre Lausanne à la combourgeoisie, si Berne en fait autant.
Le vendredi après midi, les députés de Lausanne se rendirent à Berne, accompagnés de messire d’Anglypel (d’Englisberg), avoyer de Fribourg, de messire Jacob Tertemant (Techtermann) et aussi de députés genevois, qui demandaient également la combourgeoisie (nobiscum erant Gebennenses qui etiam borgesiam petebant).
Le samedi 7 octobre, ils allèrent à Soleure, accompagnés de Jaques Techtermann seulement, et revinrent à Berne, le mardi 10, et à Fribourg, le lendemain. Ils rapportèrent de ces deux villes encore une réponse dilatoire; on leur dit de nouveau qu’on voulait d’abord pacifier leurs différends avec l’évêque et qu’ensuite on leur donnerait une réponse favorable au sujet de la bourgeoisie (postmodum gratum reciperemus responsum super borgesia petita).
L’ambassade lausannoise quitta Fribourg le vendredi 13 octobre et rentra, par Romont, à Lausanne le samedi 14. /51/
La ville dépensa pour cette ambassade 78 liv. 17 sols, outre 8 florins perdus en route, entre Romont et Matran.
La conférence entre l’évêque de Lausanne et ses sujets, en présence des commissaires de Fribourg, Berne et Soleure, avait été ajournée, comme on l’a vu, au lundi après la Toussaint, 6 novembre.
Plus de quarante nobles et bourgeois furent élus par la commune de Lausanne pour assister à cette journée. Ils partirent le samedi 4 novembre, couchèrent à Rue et allèrent par Romont à Fribourg, où ils arrivèrent le dimanche soir pour souper.
Dès leur arrivée à Fribourg, ils apprirent avec inquiétude que les commissaires de Berne et de Soleure apporteraient pour instructions de renvoyer la conférence indéfiniment; mais le conseil de Fribourg expédia incontinent des messagers, porteurs de lettres, qui annonçaient aux conseils de ces deux villes que les Lausannois étaient arrivés en si grand nombre qu’il ne serait pas convenable de changer le jour de la conférence, que d’ailleurs le peuple de Fribourg en serait fort mécontent; on priait donc Berne et Soleure d’envoyer leurs commissaires le lendemain.
La conférence eut lieu du lundi au mercredi, les 6, 7 et 8 novembre. Les commissaires étaient : pour Berne, Sebastien de Diesbach et Pierre Stürler; pour Fribourg, Dietrich de Englisberg, avoyer, Humbert de Praroman, Antoine Villing, Jean Krumenstoll et Wilhelm Schweizer; pour Soleure, Jean Stölli, avoyer et Nicolas Ochsenbein.
L’évêque de Lausanne était présent, accompagné de son vicaire général et de plusieurs « seigneurs d’esglise de Lausanne. »
Les deux parties reproduisirent sans doute les griefs qu’elles avaient couchés par écrit le 2 octobre précédent, et le mercredi 8 novembre, les commissaires prononcèrent sur le différent. Leur jugement a été imprimé tout au long M. D. R. VII, pag. 717, et on en trouve une analyse étendue dans Ruchat, I, pag. 265, dans le Chroniqueur, pag. 182-183, et dans les Mém. histor. sur le diocèse de Lausanne, II, pag. 284, en sorte qu’on ne le reproduira point ici. Il suffit de dire que cette sentence prononçait que, 1o Sur la demande de monseigneur de Lausanne, les syndics seront /52/ tenus d’accompagner, sans retard, les officiers de l’évêque pour saisir les malfaiteurs dans leur domicile; en cas de retard de la part des syndics, les officiers de l’évêque pourront procéder à cette saisie; mais, pour mettre le prisonnier à la torture, l’évêque sera tenu d’appeler quatre conseillers ou bourgeois de la ville à être présents. 2o Tous prisonniers laïques seront, selon l’ancien usage, examinés à l’évêché en présence de quatre bourgeois; quant aux ecclésiastiques, on appellera aussi quatre bourgeois, en cas de torture. 3o Quant à la monnaie, quand l’évêque voudra en faire de nouvelle, il devra convoquer les trois états de Lausanne et la faire battre de sorte qu’elle soit profitable à la communauté. Si les états n’y veulent consentir, il pourra passer outre et exécuter son dessein. 4o Sur les autres points, les parties sont renvoyées à leurs titres et documents. 5o Enfin on impose une amende de 300 écus d’or au soleil à celle des parties qui enfreindra ce règlement.
Ce jugement était fort équitable et rétablissait Lausanne dans ses anciens droits, tels qu’ils étaient réglés par le Plait général. Mais ce n’était là pour les Lausannois qu’un accessoire. Leur but essentiel et leur idée fixe était d’obtenir la combourgeoisie des trois villes, au moyen de laquelle ils espéraient tenir définitivement en échec les abus de pouvoir de l’évêque, leur seigneur.
Aussi, répétant la même manœuvre qu’après la précédente conférence, au lieu de rentrer tous ensemble chez eux, après le prononcé du jugement, les Lausannois laissèrent quelques-uns des leurs en arrière. Benoît Ravier, Claude de Praroman, François de Prez, Etienne Grand et Girard Grand restèrent à Fribourg, avec l’intention d’aller encore une fois à Berne demander la combourgeoisie (pro eundo iterum Bernum pro borgesia).
L’évêque ne paraît pas être revenu à Lausanne immédiatement, car quelques jours plus tard, on le trouve à Berne. Mais il apprit la présence prolongée à Fribourg de certains citoyens marquants de Lausanne, et les démarches qu’ils faisaient pour obtenir la combourgeoisie. Il en informa immédiatement son vicaire, François Mayor, qui était revenu à son domicile et qui, nous dit le manual, fit assembler toute la commune en la maison de ville de la Palud, le dimanche 12 novembre. Là, par ordre de /53/ l’évêque, le chanoine François de Vernetis demanda au peuple assemblé s’il était vrai, qu’après la dernière conférence, plusieurs députés de Lausanne étaient restés à Fribourg, avec l’intention d’aller à Berne pour demander la combourgeoisie des deux villes, et si cette députation était autorisée par la commune. Après délibération, la commune décida de maintenir les pouvoirs de ses ambassadeurs et refusa de répondre à la question de l’évêque avant le retour des députés.
Ces députés demeurèrent à Fribourg jusqu’au mardi 14 novembre, et en partirent ce même jour pour Berne, où ils arrivèrent pour souper.
Le conseil des Deux-Cents de Berne se réunit le jeudi et le vendredi, 16 et 17 novembre. L’évêque de Lausanne et les ambassadeurs du duc de Savoie s’y présentèrent et s’opposèrent de toutes leurs forces à la combourgeoisie demandée. Mais nonobstant leur opposition et sur le vu des titres et droits de la commune de Lausanne comme cité impériale et libre, le grand conseil de Berne prit jour au lundi après fête sainte Catherine, 27 novembre, pour établir les articles de combourgeoisie. ( … fuit magnum consilium tentum ubi comparuit dom. episcopus Laus. simul et ambaciatores illustris ducis Sabaudie, se opponentes ad dictam borgesiam. Sed nonobstantibus suis oppositionibus, visis juribus communitatis Lausanne, que est civitas imperialis et libera ac cives et nobiles ejus, fuit per dominos Bernenses prorogata jornata ad diem lune, post festum Catherine XXVII novembris, ad formandum articulos super dicta borgesia.) Par lettres des 17 et 20 novembre, le conseil de Berne invita les villes de Soleure et de Fribourg à envoyer des commissaires à Berne, le dimanche 26, au soir.
Une fois cette importante victoire gagnée, les ambassadeurs de Lausanne se séparèrent. Nob. François de Prez se hâta de retourner à Lausanne pour rendre compte de l’heureux succcès des négociations et pour expliquer qu’elles n’avaient traîné en longueur qu’à cause de l’opposition acharnée des ambassadeurs de Savoie. (Nob. Franciscus de Prez rediit Lausannam, ut nobilibus Lausanne significaret ea que gesta erant et causam longe tardationis, propter ambaciatores Sabaudie qui negocium turbabant /54/ pro posse, sed Deo auxiliante in vanum laborarunt.) Claude de Praroman et Etienne Grand se rendirent à Soleure, tandis que Benoît Ravier et Girard Grand, accompagnés par l’avoyer de Fribourg, Dietrich d’Englisberg, et le boursier Guillaume Schweizer, allaient coucher à la maison de campagne de l’avoyer, située entre Berne et Fribourg, et rentraient à Fribourg le samedi 18 novembre.
Le dimanche 26 novembre, les ambassadeurs de Lausanne étaient de nouveau réunis à Fribourg, d’où ils se rendirent ensemble à Berne pour la conférence fixée au lundi 27.
Le petit conseil de Berne tint séance, les 27 et 28 novembre, avec les commissaires de Fribourg et de Soleure.
Les ambassadeurs de Savoie s’y présentèrent de nouveau contre les députés de Lausanne, produisant un grand nombre de titres de l’an 1271 à l’an 1521, tendant à prouver que le duc de Savoie était vicaire impérial et que les Lausannois l’avaient toujours considéré comme tel.
Les Lausannois répondirent en produisant leur Plait général, les diplômes des empereurs Sigismond et Frédéric III et nombre d’autres pièces, prouvant que Lausanne ne relevait que de l’évêque et de l’empereur. Ils firent valoir surtout l’acte du 10 octobre 1518, mentionné ci-dessus, où il est dit que les citoyens de Lausanne, reconnaissant que la prononciation faite par le duc de Savoie tendait « directement tant contre l’authorité et jurisdiction de l’église de Lausanne, que contre les libertez et franchises de tous les subjects d’icelle église … le révérend seigneur de Lausanne révoque et annulle par le consentement et conseil des dicts Estats, icelle prononciation … quittant et remettant aux predicts citoyens et communauté de Lausanne le serment qu’ils ont presté esdict compromis … » et que « les gouverneurs, syndiques et conseillers, citoyens, rièreconseillers, banderets et toute la communauté des hommes, confessent et recognoissent ouvertement et publiquement le prénommé révérend Père en Christ, Monseigneur Sebastien de Montfaulcon, par la clémence divine moderne évesque de Lausanne, présent et acceptant, et ses successeurs audict évesché, avoir esté et estre leur vray seigneur, prince et vicaire de l’empire. » /55/
Le petit conseil de Berne présenta son rapport au grand conseil, qui se réunit le vendredi 1er décembre. On y entendit encore les ambassadeurs de Savoie et les députés de Lausanne, sans pouvoir arriver à une conclusion. Enfin, le samedi 2 décembre, on adopta successivement tous les articles du traité de combourgeoisie. Le lundi 4 décembre, le conseil de Fribourg les adopta également, tandis que le dimanche 3 décembre, le grand conseil de Soleure avait décidé de ne pas admettre à la combourgeoisie ceux de Lausanne et Genève, quand même Berne et Fribourg le feraient, mais de se conduire en bons voisins et médiateurs comme jadis et de se tenir aux traités avec le duc de Savoie.
Enfin le traité d’alliance et de combourgeoisie de Lausanne avec Berne et Fribourg fut solennellement accepté à Berne, le 7 décembre 1525.
Ce traité a été publié, M. D. R., VII, pag. 722, assez fautivement, d’après l’original conservé aux archives de la ville de Lausanne, et dans le Recueil officiel des Recez des diètes, tom. IV, 1 a, pag. 1505, d’après le double conservé aux archives cantonales de Fribourg. Il portait, en substance, promesse de secours mutuel en cas de danger ou de guerre; il établissait des principes de procédure pour les procès qui pourraient s’élever entre les citoyens des trois villes; ces procès seraient jugés en dernier appel par une délégation des trois villes séant à Payerne. Les Lausannois devaient se conformer exactement à la sentence prononcée par Berne, Fribourg et Soleure, le 8 novembre précédent, au sujet de l’arrestation des malfaiteurs qui affluaient à Lausanne comme en un lieu d’asile; enfin Berne et Fribourg s’engageaient à faire en sorte que les soldats de Lausanne pussent entrer aux services étrangers aux mêmes conditions que les leurs. On réservait de part et d’autre les droits de l’empire, de l’évêque de Lausanne, du duc de Savoie et les alliances déjà jurées. Le traité fut conclu pour vingt-cinq ans et devait être renouvelé tous les cinq ans par un serment solennel, prêté dans les trois villes, le 15 janvier. Il demeura entendu que le premier serment serait solennisé le lundi 15 janvier 1526, en même temps à Lausanne, à Fribourg et à Berne.
Les députés de Lausanne restèrent soit à Berne, soit à /56/ Fribourg, attendant que l’acte de combourgeoisie fut dûment signé et scellé en trois doubles (le sceau de Fribourg fut apposé le 18 décembre), et rentrèrent chez eux le 20 décembre, rapportant enfin avec eux ce document qu’ils avaient tant désiré et qui allait porter des conséquences si graves.
Vu l’importance de l’acte qu’il s’agissait de sceller, le conseil de Lausanne avait fait faire un grand sceau neuf en argent, qui coûta 24 liv. 15 sols, payés le 12 janvier à Antoine Bovard. Le sceau fut soigneusement gardé dans un étui, qui coûta 12 deniers. Quant à l’acte lui-même sur parchemin, muni des sceaux pendants de Fribourg, de Berne et de Lausanne, on le réunit à la sentence arbitrale du 8 novembre et l’on fit faire une boîte où l’on conserva ces deux pièces importantes avec le sceau de la ville (26 janvier 1527). L’original de l’acte de combourgeoisie est encore aux archives de la ville de Lausanne, mais les sceaux de Fribourg et de Berne en ont été arrachés; on verra plus tard à quelle occasion.
Le vendredi 12 janvier, les conseillers de Lausanne rommés pour aller à Fribourg et à Berne solenniser le serment, le 15 janvier, se mirent en route. Saturnin Ruffi, ancien syndic et Etienne du Flon, futur bourgmestre, se rendirent à Fribourg; Jean de Saint-Cierge, ancien syndic et futur bourgmestre, et Jaques Vinter, futur syndic, se rendirent à Berne.
En même temps, le conseil de Lausanne se mit en mesure de bien recevoir les conseillers de Fribourg et de Berne qui devaient venir le 15 janvier accomplir la même cérémonie à Lausanne. On fit nettoyer les halles de la maison de ville et l’on garnit la salle du conseil de bancs.
Le 15 janvier, entre huit et neuf heures du matin, les commissaires de Fribourg, l’avoyer d’Englisberg et le boursier Schweizer, qui pendant toutes les négociations avaient chaudement pris le parti de Lausanne, se présentèrent devant la commune assemblée avec deux commissaires de Berne, dont je n’ai pu découvrir les noms. L’acte de combourgeoisie fut lu à haute voix par Benoît Ravier, d’abord en latin puis en français, et toute la commune prêta serment en levant la main suivant la manière allemande /57/ (fuit prestitum juramentum more allemanorum,videlicet levando manum).
Le conseil de Lausanne fit un gracieux présent de trente écus d’or aux commissaires de Fribourg et de Berne et leur donna un grand banquet au Lion-d’Or. J’ai retrouvé dans les comptes de la ville le détail des viandes achetées chez les bouchers de la ville et de quelques autres articles que j’ajoute comme curiosité. Les comptes de viande de boucherie sont traduits du latin, les autres articles sont portés en français dans les comptes du syndic.
Livré aux bouchers de Lausanne ci-dessous nommés pour viandes achetées par provide Rodolphe Daux, d’ordre des seigneurs du conseil, quand les seigneurs de Berne et de Fribourg vinrent recevoir le serment des alliances, comme suit :
Primo, Livré à Louis Bouf, tant pour 33 1⁄4 liv. de bœuf, à 5 den. la liv., que pour 20 liv. de mouton et un demi veau, et tant pour 3 liv. de graisse de mouton que aussi pour 4 liv. pour larder, la liv. à 18 den., valant en somme, tout compris, 44 sols 7 deniers.
Item, à Jaques Dalliens, tant pour 16 liv. de mouton que pour deux numblet et un gigot de veau, 11 sols 4 den.
Item, à Jean Clerc, tant pour 28 1⁄2 liv. de mouton, que pour un numblet de bœuf, 20 sols 4 den.
Item, à Etienne Danciz, pour un quartier de veau, 4 sols 6 den.
Item, à Jacques Derbaz, pour 9 liv. de mouton, 4 sols 6 den.
(Original français) :
Item plus, ad Petre Borguonyon pour ce que fut le cosinye (cuisinier) au lyun dors, quand messieurs des deus ville veniren recevoer le ceremen, 12 sols.
Item plus, délivrés ad Lagier Gindro de Larpat pour des chapuns, pour le dit depens au lyons, 30 sols.
Item plus, pour deus canard et pour une belliquet, 12 sols.
Item, ad mestre Johan le patissiez, tam pour des patés que pour des autres ovrages, lequel ad fet pour messieurs de Bernad et de Fribour, lequel veniren recevoer le ceremen, 8 flor. 8 sols.
Item, Gingibr. (gingembre) et plusieurs autres choses, 12 flor. /58/
Cependant tout n’était pas fini. Le duc de Savoie et son conseiller, l’évêque de Lausanne, ne se tinrent pas pour battus, quand même les Genevois avaient également conclu une combourgeoisie avec Fribourg et Berne, le 8 février 1526.
Le duc résolut de porter sa cause devant la diète des cantons suisses, qui devait se réunir à Einsiedeln, le 27 février suivant. Il y députa Aimé de Genève, seigneur de Lullin et bailli de Vaud, qui développa de nouveau tous les arguments de son maître, insistant principalement sur ce que ces combourgeoisies particulières de Berne et de Fribourg étaient contraires aux traités existant entre la confédération et le duc de Savoie. Après la réponse des députés de Berne et de Fribourg, on ordonna aux deux parties d’apporter tous leurs titres et traités d’alliance à la prochaine diète, afin qu’on en prit une connaissance approfondie et qu’on pût délibérer en connaissance de cause.
Cette diète fut fixée au 20 mars, à Lucerne, et c’est sans doute pour appuyer les députations de Berne et de Fribourg, et pour être exactement renseigné sur les délibérations, que le conseil de Lausanne se fit représenter à Lucerne par Benoît Ravier et Girard Grand, comme nous l’apprend le manual.
Après avoir encore une fois entendu les deux parties, la diète ne put arriver à une solution du différend, mais décida qu’une députation prise dans son sein se rendrait à Berne et à Fribourg pour engager les conseils de ces deux villes à se mettre d’accord avec le duc de Savoie.
Cette démarche eut peu de succès. Les ambassadeurs suisses entendirent les envoyés du duc de Savoie, des évêques et des chapitres de Lausanne et de Genève, les conseillers de ces deux villes, ainsi que ceux de Berne et de Fribourg. Mais Berne et Fribourg demeurèrent inébranlables et déclarèrent, soit aux députés de la diète, soit dans le sein même de cette assemblée, réunie à Berne, le 11 avril, qu’elles ne voulaient point renoncer aux combourgeoisies en question, à moins que le duc de Savoie ne pût prouver juridiquement qu’elles n’avaient point le droit, d’après les traités existants, de les conclure.
On convint que la cause serait entendue et jugée à Bienne par des arbitres nommés par les deux parties. Le duc de Savoie /59/ voulait qu’on y traitât seulement la question de savoir si Berne et Fribourg pouvaient contracter des alliances particulières en dehors de la Confédération, et que la question des droits et franchises de Lausanne et Genève à cet égard fût laissée de côté, que même ces deux villes ne fussent point admises à faire valoir leurs droits, ni entendues en aucune façon. Mais sur les vives représentations de Fribourg, ces demandes du duc de Savoie ne furent point accordées, et les députés de Genève et de Lausanne furent admis à la journée de Bienne, les 11 et 12 août.
Les députés de Lausanne à cette journée décisive étaient Benoît Ravier et Etienne Grand.
Dès l’ouverture de la conférence, les arbitres de Savoie refusèrent péremptoirement d’entrer en matière sur les droits et libertés de Lausanne et de Genève, prétendant qu’il s’agissait uniquement d’un dissentiment entre le duc de Savoie, d’un côté, et Berne et Fribourg de l’autre, au sujet des alliances particulières que ces deux dernières villes pouvaient contracter conformément aux traités existants. En présence de cette fin de non recevoir, les arbitres de Berne et de Fribourg déposèrent entre les mains du conseil de Bienne une protestation, portant que toute décision était impossible, puisque les arbitres de Savoie refusaient à Lausanne et à Genève la faculté de produire leurs titres.
Conformément à cette protestation, le conseil de Berne remit, le 16 août, la déclaration suivante aux députés de Lausanne et de Genève :
« Nous l’advoyer petit et grand Conseil, nommés les deux cens de la ville de Berne, faisons scavoir à tous par ces présentes que aujourd’huy, avoir entendu le rapport de nos députez sur la journée tenue à Bienne, à cause du différent entre illme prince et seigneur, monseigneur le duc de Savoye et nous, aussi nos très chers combourgeois de Frybourg, à cause des bourgeoisies conclues avec les citoyens et bourgeois de Genève et Lausanne, aussi le contenu de l’abscheid sur ce émané, ensemble la supplication des ambassadeurs des dites cités Genève et Lausanne, avons de présent la chose laissé en repos, attendant la response dudit illme duc, et davantage nous sommes de nouveau declairés et promettons de tenir et observer les bourgeoisies avec lesdits /60/ de Genève et Lausanne, pourparlées, conclues et jurées, tout ainsi que les instruments scellés le devisent, jusques autant que soyons par la teneur et vigeur des alliances indoctriné et jouste nostre dernier abscheid vaincuz, que icelles bourgeoisies n’ayons peu accepter, et sur ce ordonné de non ouyre l’une ni l’autre des deux parties dudit duc ni icelle de ceux de Geneve et Lausanne sans l’autre, mais que quand l’une voudra faire plaintif de l’autre, que l’absente soit voquée pour y respondre, et la présente non admise ni ouye que l’autre ne soit présente, adonc la partie qui soi trouvera au tort que icelle payera à l’autre toutes coustes, missions, frais, interests et despens a cause de ce soutenues. En tesmoing et corroboration de quoi avons affixé nostre sceau a cestes, données, etc. » (Abschiede, IV, I, a, pag. 982.)
En passant à Fribourg, les députés de Genève et de Lausanne demandèrent au conseil de cette ville une déclaration semblable.
Il devenait évident qu’on ne parviendrait jamais à s’entendre. Chacune des deux parties était trop obstinée et trop convaincue de son bon droit pour céder. D’un autre côté, la diète suisse, fatiguée de ces dissensions et craignant que la Confédération ne fût englobée dans ces querelles entre le duc de Savoie et deux membres de la Confédération, ne cessait d’exhorter Berne et Fribourg à s’entendre amiablement avec ce prince et à se désister de leurs nouvelles alliances. Mais ces deux villes déclarèrent à la diète assemblée à Berne, le 19 novembre, que, plutôt que de renoncer aux combourgeoisies qu’elles avaient conclues, elles rompraient leur alliance du 19 mars 1509, avec la Savoie, ce traité contenant des réserves qui leur étaient préjudiciables.
En effet, on y lisait une clause portant que : Dorénavant les villes de Berne et Fribourg ne devaient recevoir comme citoyen et bourgeois aucun étranger résidant en dehors des limites du duché de Savoie, ou en dehors des ligues de la Haute-Allemagne et qui eût contre le dit duc une action et une plainte (qui contra dominum ducem actionem et querelam habere presumat), et le duc était autorisé à interdire, sous peine de graves punitions, à tous ses sujets d’accepter une combourgeoisie en dehors des limites du duché. (Abschied, III, 2, pag. 1324.) /61/
D’après le texte de l’alliance de 1509, Berne et Fribourg étaient évidemment dans leur tort; aussi les deux villes rompirent-elles ce traité d’une manière formelle, le 22 novembre. On conserve aux archives de la ville de Lausanne l’acte par lequel le conseil de Berne annonça cette rupture et qu’il communiqua à toutes les parties intéressées. (Arch. de Lausanne, EE. 66.) Cette pièce fut rapportée à Lausanne par Etienne Grand et Jean Borgeys. Elle a été publiée en partie dans M. D. G., X, pag. 81, mais on sera sans doute bien aise de la lire dans son entier :
« Nous L’advoyer petit et grand Conseilz, nommés les deux cens des bourgeoys de la ville de Berne, Faisons scavoir à tous ceulx que ses presentes lisrons ou orons, Que après avoir entenduz la requeste non nécessaire à réciter que nous trèschiers Alliés des cantons nous ont faict et proposé à cause du différent entre Illustrissime prince et seigneur Charle, duc de Savoye, d’une, et nous d’aultre parthie, pendant, esmané, à cause des bourgeoysies qu’avons avecq les citoyens, communités et habitans des deux cités et villes Genefve et Lausanne, anssamble nous trèschiers combourgeoys de Frybourg, pourparlé, contraictées, concluz, sélée et juré, tout ainsy que les instruments sur ce confaicts le contienent. En après, avoir ouyr les propositions, plaintiff et aultres allégations que d’ung cousté et d’aultre, assavoir le lapart dudit Illustrissime duc et les dits de Genefve, comprennant aussy Lausanne, ont exposé et pardevant nous expliqué, pour arresté la chose et en conclusion finale nous sumes déclérés comme s’ensuit.
» Premièrement, avons entenduz la lectre d’aliance entre ledit Illustrissime prince, nous combourgeois de Frybourg et nous confaicte, daté du XIXe de mars l’an mil cinq cens et neuff, laquelle à nous franchises et libertés toutellement est dérogative, voulons que icelle soit annulée et cassée, ansemble son contenuz, mais toutes aultres alliances vielles et novelles voulons observer, moyanant que ledit Duc de Savoye ne fasse extorsions, impositions, deffenses quelconques pour destruyre, affamer, enuyre, molester nousdits combourgeoys de Genefve et Lausanne, mais leur laisse les vivres, marchandises, marchiés et usances, comme apartient et ancienement est accoustumé. /62/
» En après, voulons fermement desmouré de cousté les dites bourgeoysies sans y renuncer et les fermement observer, etc.
» Et quant ledit Illustrissime prince y voudroyt, par luy ou ses soubgectz et adhérans, obvyer ou mettre quelque empaiche, spécialement implorer et user droit et justice pour contredire, anuller et casser lesdites bourgeoysies, que adonc voulons révoquer toutes aultres aliances que avons auec luy, les lectres demander, ravoir et nous estre rendues. Et néantmoins en après attendre la voye de droit et juridiciale exécucion; touttefoys cependant observer lesdites bourgeoysies, etc. Et en vigeur de ceste présente nostre conclusion avons plaqué nostre seaulx à icestes données ce XXII de Nouembre l’an de grace nostre Salveur courrant mille cincq cens vingt et six. »
(Double feuille de papier petit in-folio, avec l’ours en filigrane. Restes du sceau de Berne plaqué.)
Depuis ce moment, le duc de Savoie ne s’inquiéta plus guère de Lausanne qui, après tout, ne lui était pas sujette, et il tourna tous ses efforts contre Genève.
L’impression générale qui reste dans l’esprit après l’étude attentive de toute cette affaire de la combourgeoisie est, que cette alliance de Lausanne avec Berne et Fribourg eut pour premier et principal auteur celui qui la désirait le moins, l’évêque Sébastien de Montfalcon, qui avait exaspéré les Lausannois par sa duplicité, ses actes arbitraires et sa morgue insolente. Lausanne était naturellement attachée à la maison de Savoie, qui parlait la même langue, qui était maîtresse de la plus grande partie du Pays de Vaud, et des domaines de laquelle un très grand nombre de ses évêques étaient sortis. Elle s’était même souvent servie de la prépondérance des princes de Savoie pour résister aux empiètements de ses évêques, mais le duc Charles III était un prince faible, tracassier, qui probablement se laissa dominer et entraîner par l’évêque à l’appuyer dans ses prétentions.
D’un autre côté, on avait conservé à Lausanne un souvenir cuisant des ravages exercés dans tout le Pays de Vaud par les bandes suisses pendant les guerres de Bourgogne. Il fallait donc que la lutte avec l’évêque fût bien violente et que ses abus de /63/ pouvoir fussent devenus bien insupportables pour que les Lausannois invoquassent avec une telle ardeur l’alliance de Fribourg et de Berne. Sans doute, ils étaient entraînés par l’exemple de Genève qui, dans sa lutte avec la maison de Savoie, s’était aussi tournée du côté des Suisses. Mais la position de Genève était fort différente. Elle était directement exposée aux coups du duc, qui possédait dans cette ville de nombreux droits de seigneurie qu’il n’avait point à Lausanne. Genève avait à lutter contre son évêque et contre le duc de Savoie en même temps, Lausanne n’avait à lutter directement que contre son évêque, et si celui-ci s’était montré tant soit peu pasteur fidèle, ses sujets ne se seraient point tournés contre lui et très probablement tout le cours de l’histoire politique et religieuse de Lausanne eût été changé.
Cinq ans plus tard, le dimanche 22 janvier 1531, la combourgeoisie fut renouvelée, suivant les termes du traité. A cette occasion, le conseil dépensa 121 flor. 6 den. en pain, vin, « comment aultres nécessayre à fayre bonne chère » sans compter les nombreuses cocasses envoyées aux députés de Berne et de Fribourg, et un gros cerf pris aux Râpes, qu’on acheta 8 flor. 8 sols, de Claude Symond, pour « festoyer messieurs de Berne et de Fribourg qui debvoyent venyr pour renoveller le serement de nostre borgeysie. »
De son côté le conseil de Lausanne envoya le même jour à Fribourg et à Berne Nob. François de Prez et deux autres conseillers pour prêter le serment requis.
Voyez l’article du 9 janvier 1536, pour le dernier renouvellement de combourgeoisie.
Seillons de cuir.
1526. 8 mars. – Fuit datum in mandatis gubernatoribus quod dent duobus de Friburgo qui faciunt des seillion corees ad portandum aquam per incendium ignis, pro eorum expensis ex eo quod apportaverunt duos ad ostendendum communitati et fuerunt presentati in consilio, sed /64/ pro nunc non possunt facere fieri, quia sunt alie reparaciones fiende pro communitate.
Cloche pour les défunts.
1526. 22 mars. - Fuit electus et ordinatus Colletus Magnyn custos nocturnus portitor parvi cimballi deffunctorum, qui promisit proclamare singulis diebus veneris in media nocte, videlicet : Revelliez vous, revelliez vous vous aultres qui dormés et prie Dieu pour les trépassés. Et hoc sub salario XXIV solidorum pro uno anno 1 .
Jorat.
1526. 14 juin. – Fuerunt electi pro eundo Meldunum ad consilum Melduni ad videndum et advisandum dictum consilium Melduni, si velint suffere possessiones factas super Joreto, attento quod dictum Joretum est commune communitatibus Lausanne et Melduni, videlicet, discreti viri dominus Johannes de Sancto Ciriaco et Gerardus Vincent, qui acceptaverunt.
Paroles injurieuses proférées contre le conseil de Lausanne.
Eadem die, honorabilis dominus Johannes Wastel, presbiter de Cossonay, personaliter comparens in consilio, venerabili consilio veniam peciit, ex eo quod protulerat certa verba die veneris crastinum festi ascensionis Domini nostri, qua die erant nundine Cossoniaci. Qua visa, fuit eidem domino Johanni indultum pro hac vice, et se injunxit infra /65/ Bartholomei dare et solvere communitati quindecim scuta auri solares pro offensa, cum clausulis opportunis 1 .
1526. 23 août. – Fuit conclusum super certis verbis injuriosis, per Anthonium de Gruffie de sancto Symphoriano de Cheybrez dictis et prolatis Friburgi, contra honorem dominorum burgensium Lausanne, quod idem Anthonius confiteatur veritatem et, ipsis verbis confessatis, ducat gubernatorem et quatuor ex consiliariis sumptibus suis et coram consilio Friburgi, presentibus illis coram quibus ipsa verba protulit, veniam petat et se dedicat.
1526. 2 septembre. – Dominus Sebastianus Fasani presbiter comparuit coram populo, veniam petendo de certis verbis iniuriosis per eum dictis et prolatis in villa Morgie contra honorem tocius communis Lausanne, que talia sunt vel in effectu similia : Celuy qui sera cause de fayre cory le paix de Vaulx auroit mérité de mener aut lac a tot on liquo et moy mesmes voudroye estre le borriaux. De quibus verbis veniam peciit amore Dei, confitendo male dixisse. Et est eidem injunctum de sex scutis auri ad signum solis infra pasca, cum clausulis opportunis. Et hoc mediante est quictus de condempnacione sive sentencia contra eum obtenta, et quod nullum dampnum procuret, per se neque per alium, contra illos qui ipsum accusaverunt, alias sententia remaneat in suo esse 2 . P. Wavre. /66/
Lausanne refuse de recevoir le juge de Billens.
1527. 4 janvier. – Comparuit in consilio nobilis vir Johannes de Gebennis, dominus de Lulyn et gubernator Vaudi, exponens quod per comburgenciam et alliancias factas per communitatem Lausanne cum magnificis dominis Bernensibus et Friburgensibus, dicti magnifici domini non intendebant derogare auctoritatibus et preeminenciis metuendissimi domini Karoli Sabaudie ducis, quare se offerebat velle prestare et facere communitati Lausanne juramentum ad causam judicature de Billens et super hiis habere responsum. Ad que premissa fuit dicto domino gubernatori responsum, illud non posse facere quin primo alloquutum fuerit reverendo domino nostro episcopo Lausannensi, scilicet Sebastiano de Montefalcone moderno episcopo, quia dictum juramentum erat contra auctoritatem et preeminenciam ipsius reverendi domini episcopi, quia ipse et sui predecessores semper se opposuerunt dicto juramento, nec non eciam gubernatores nomine communitatis, et protestati fuerunt de nullitate. Cuiquidem reverendo domino episcopo existenti in ecclesia cathedrali audienti missam fuerunt premissa, voce egregii domini Benedicti Raverii, prelibato reverendo domino nostro episcopo exposita. Qui respondit, quod finita missa haberet consilium cum consilio suo et haberet conferenciam cum eodem et postmodum daret responsum. Adveniente hora vesperorum, idem prelibatus reverendus dominus episcopus respondit quod non intendebat quod dictus dominus de Lulyn gubernator Vaudi prestet neque faciat juramentum predictum, quod erat contra auctoritatem suam, sed illi pocius contravenire. /67/ Postmodum, eadem die in cero, fuit responsum prefato domino gubernatori in hospicio Leonis in Burgo, quod dictum juramentum prestari petitum concernit totum commune et illud non posse admictere donec evocatis omnibus burgensibus communitatis, et postmodum daret consilium prefatum prefato gubernatori responsum. De quaquidem responsione idem dominus gubernator Waudi se tenuit pro contento et quod rediret auditurus dictam responsionem fiendam.
1527. 5 janvier. – Fuerunt convocati omnes burgenses in mane hora septima et propter hoc cum consilio ordinario congregati, qui omnes simul concluserunt prefatum dominum de Lulyn gubernatorem non admictere neque audire ad illud juramentum prestandum ad causam dicte judicature de Billens.
Cet article a déjà été publié M. D. R., VII, pag. 739, mais on le répète ici, parce qu’il fait connaître une des conséquences des deux actes du 10 octobre 1518 et du 7 décembre 1525, par lesquels Lausanne avait expressément refusé de reconnaître au duc de Savoie la qualité de vicaire impérial et par conséquent celle de juge en appel. (Sur le nom de Juge de Billens, voyez M. D. R., VII, pag. XXXIX.) En faisant sa demande d’admission comme juge de Billens, le sire Jean de Lullin rappelle que, dans leur alliance avec Berne et Fribourg, les Lausannois avaient expressément réservé les droits du duc de Savoie. Mais c’était précisément ce droit de vicariat impérial, invoqué par Jean de Lullin, que les Lausannois contestaient, comme on l’a vu plus haut. Dans sa réponse au bailli de Vaud, le conseil agit fort correctement en disant qu’il veut en référer à l’évêque, dont il avait reconnu les prérogatives d’une manière solennelle en 1518, et au nombre desquelles était le vicariat impérial. /68/
Henri de Cojonay achète le château de Menthon.
1527. 3 juin. - Comparuit in consilio nobilis vir Henricus de Cojonay, dominus Sancti Martini Quercus, exponens et proponens quod cum ipse nobilis Henricus acquisiverit a nobili Georgio de Blonay, filio quondam strenui Symonis de Blonay militis, domini Sancti Pauli, videlicet, castrum Menthonis situm in civitate Lausanne, cum suis emolumentis et obventionibus atque honoribus et pertinenciis ejusdem; petens insuper et requirens sibi dari ex consulibus consilii communitatis qui eundem associare habeant in adepcione possessionis dicti castri. Et se obtulit atque promisit velle observare pacta et convenciones ad que dicta domus sive castrum communitati Lausanne tenere et teneri posset. Cuiquidem nobili Henrico dati fuerunt ex consulibus videlicet dominus Benedictus Raveri, dominus Gerardus Grant, nobilis Franciscus de Prez, Anthonius Gavet et Johannes Borgeys qui in adepcione possessionis predicte presentes fuerunt 1 .
Bourgeoisie de Lausanne.
1527. 11 juillet. – Conclusum quod alloquatur reverendus dominus noster Lausannensis pro burgencia fienda, quoad concernit straneos habitatores qui non habent domum infra villam Lausanne et quod teneantur dare et solvere communitati certam summam pro dicta burgencia. /69/
1527. 22 septembre. - Fuerunt convocati omnes burgenses civitatis et ville Lausanne et propterea congregati in domo communitatis sita in Palude, super visione et ordinacione fienda super straneis et forensibus habitantibus in villa et civitate Lausanne.
Super domibus locandis fuit conclusum et deliberatum quod burgenses habentes domos ad locandum non possint neque debeant eorum domos nullis straneis locare, quin prius fuerit presentatus in consilio et coram dominis consiliariis, et quod gentes existentes inutiles expellantur foras et quod vadant mansum alibi.
Item magis, fuit conclusum super consiliis, retroconsiliis et communibus tenendis et congregandis quod fiat modo et forma quibus sequitur :
Primo, pro consilio ordinario, pulsetur orologium magnum existens in campanili ecclesie cathedralis Lausanne, percuciantur viginti quatuor ictus.
Item, pro burgensibus congregandis, fiat una moda et, facta ipsa moda, percuciantur viginti quatuor ictus dicti orologii.
Item, quando voluerit fieri congregacio communis, quod fiant due parve mode, et ipsis factis percuciantur viginti quatuor ictus, prout pro burgensibus.
Et fuit ordinatum sibi debere dare pro ejus pensione et salario videlicet quadraginta quatuor solidos.
Item fuit deliberatum quod bandereti habeant scribere omnes burgenses existentes penes eorum banderiam.
1527. 24 novembre. – Fuerunt congregati omnes burgenses per sonum orologii noviter ordinati … Fuit conclusum quod nullus burgensis habens domos infra villam /70/ et suburbia Lausanne illas debeat locare straneis, nisi presentatis in consilio.
Fuit conclusum quoad clausuram portarum, quod unusquisque burgensis debeat dare singula ebdomada unum quartum ad satisfaciendum custodientes dictas portas, recuperandum per banderetos aut alterum electum, et se submiserunt pignoracioni. Et fuit data potestas custodibus dare juramentum super sanctis Dei evangeliis intrantibus si veniant de loco morboso. Cetere porte et postelle claudantur.
1527. 3 décembre. — Johannes Boverat presentavit Michaelem Bernard, mercerium de Colovrex, Gebennensis diocesis, ad commorandum in domo sua, sita in Palude. Quo viso, per venerabile consilium fuit acceptatus locatarius et fuit eidem injunctum et preceptum ut habeat unam colovrinam.
1527. 5 décembre. - Gerardus Pivard, pelliparius et burgensis Lausanne, presentavit in consilium magistrum Gervasium, patisserium morantem Lausanne, ad tenendam domum dicti Gerardi sitam in Palude, locatarii nomine, et eumdem admicti ad locatarium. Quo audito, fuit contentum dictum consilium ut dictam suam domum tradat dicto Gervasio, et fuit datum in mandatis ut habeat unam colovrinam.
1527. 17 décembre. - Mermetus Malliet presentavit Glaudium dou Mollyn sartorem ad commorandum in domo sua sita in Burgo. Qui fuit admissus et fuit eidem injunctum ut muniat se uno allebardo.
Item Dionisius Gruat, borgondus et sarrurerius, fuit /71/ admissus ad commorandum infra villam Lausanne et fuit monitus ut sit obediens et bene vivat et se muniat una colovrina infra octavam.
1527. 26 décembre. – Mauricius Baud habens domum infra villam presentavit commorandum infra villam, videlicet Glaudium Chopaz carpentatorem. Et habita relacione per venerabile consilium, fuit dictus Glaudius admissus ad permanendum et commorandum, qui juravit esse bonus et fidelis communitati, procurare bonum, etc. Et fuit eidem injunctum ut se provideat de uno baculo, videlicet una asta, aut uno allebard.
Ces articles constituent la première mention qu’on rencontre dans le manual d’ordonnances sur les conditions à remplir pour être bourgeois de Lausanne.
Au moyen âge, le principe fondamental du droit communal était la liberté personnelle. On déclara libre tout individu qui, sans être réclamé par son seigneur, avait séjourné un an et un jour dans une ville ou une localité déterminée. Ce séjour faisait acquérir non seulement la liberté, mais encore souvent le droit de bourgeoisie. Ces principes régissaient la plupart des chartes communales de notre pays 1 ; ils étaient aussi observés à Lausanne, comme le prouvent les deux exemples suivants :
En 1338, Hugo, dit Vingeron, habitant de Lausanne, fut réclamé par le prieur de Saint-Sulpice comme son homme taillable. Il se défendit en disant : « Se esse liberum et non teneri ad aliquam talliam nobis (priori) vel prioratui nostro, ex eo quod per longum tempus contraxit moram Lausanne et ibidem ut civis habitavit, que civitas Lausannensis est libera, et de antiqua consuetudine omnes habitantes dictam civitatem ab omni servitudine sunt exempti. » Les arbitres choisis par les deux parties décidèrent que le dit Hugues serait affranchi, mais devait être « homo liber » du /72/ couvent et abandonner à ce dernier toutes les possessions taillables qu’il tenait de lui. (Arch. cant., Inv. bleu.)
En 1516, le conseil de Lausanne déclare par la lettre suivante au conseil d’Evian que toute personne ayant demeuré un an et un jour dans la ville est reconnue comme bourgeoise :
« Très chers et bons amis, nous nous recommandons à vous tant que pouvons et scachez que Vuillerme Grivat, marchand de Lausanne, est venu par devers nous, disant que le péageur de vostre ville d’Evian l’a fait assigner en vostre lieu pour aucunes marchandises lesquelles il amenoit desdhuire ? et vendre en nostre ville et citté de Lauzanne, portant qu’il n’a point de maison à Lausanne sienne; pourquoy vous certiffions que, sellon nostre us et coustume de Lauzanne, tout homme et toute personne qui a demeuré an et jour continuellement dans nostre dicte ville de Lauzanne est bourgeois et pour tel le tenons, et gaudict des libertés et franchises et émollumens de la ville. Portant, nos très chers et bons amis, le dict Vullierme Grivat, nostre bourgeois, vous recommandons, vous priant le voulloir trecter comme voudriez que fissions un des vostres. En cela faisant, nous ferés un très grand plaisir, nous offrissants faire le cas pareil, ou plus grand, pour vous. Non aultre pour le présent, fors que Dieu vous doin longue vie. Amen. Escript à Lauzanne le vingtiesme jour de juin 1516. – Les tout vostres, le conseil et gouverneurs de Lauzanne. »
Suscription : A nos très chers et bons amis le conseil et syndiques de la ville d’Evian.
Scellé du scel de Lausanne. (Arch. de Lausanne, EE., 519, copie du XVIIe siècle.)
En 1527, ce mode de vivre semble avoir été un peu changé. On devint plus difficile sur les conditions d’admission au domicile, qui entraînait la bourgeoisie. Le texte ne nous dit pas quels furent les motifs de ces nouvelles exigences; mais on peut, sans trop de présomption, supposer que les deux considérations suivantes ont eu un certain poids.
On se souvient que, dans l’acte de combourgeoisie avec Berne et Fribourg, il était dit, qu’à cause des libertés et privilèges de la /73/ ville, un grand nombre de malfaiteurs affluaient à Lausanne comme en un lieu d’asile. Les conseils voulurent sans doute mettre un frein à cette affluence et imposer certaines conditions pour le domicile, afin que la ville ne continuât pas à être envahie par des gens sans aveu.
En outre, la peste régnait aux environs et à Lausanne même, comme on le voit par l’article du manual et par les comptes; c’était un motif de plus pour restreindre la facilité du domicile.
Jusqu’alors, et même plus tard, il y eut cependant une distinction entre les bourgeois et les simples habitants, car ces deux classes de personnes (burgenses et habitatores) sont désignées comme concourant à former les assemblées générales de commune et aux élections des conseillers. Voyez entre autres les élections du 5 septembre 1535 et du 3 septembre 1536. Mais on ne voit pas bien en quoi cette distinction consistait, car il n’était point nécessaire d’être bourgeois pour obtenir un emploi de magistrat, et la magistrature même ne conférait pas le droit de bourgeoisie. Dans la liste des prieurs de Lausanne que j’ai donnée M. D. R. XXVIII, pag. 331 et suiv., souvent l’un des syndics est dit bourgeois et non l’autre 1 . Un autre exemple remarquable est celui de Girard Grand, docteur en droit, syndic en 1523, et Etienne Grand, hôte du Lion, syndic en 1526. Ces deux personnages, qui furent conseillers pendant nombre d’années et qui eurent une part prépondérante dans toutes les négociations avec Berne, ne sont jamais qualifiés de bourgeois. Nicod Bergier, qui était du rière conseil en 1536, n’est reçu bourgeois qu’en 1545.
Il semblerait qu’on peut conclure des articles du texte, que désormais on ne considérerait comme bourgeois que ceux qui possédaient une maison dans la ville; que les habitants non propriétaires devraient payer une finance pour être considérés comme bourgeois; enfin, que dorénavant tout locataire d’appartement /74/ devrait être agréé par le conseil et posséder une arme pour la défense de la ville.
Cette ordonnance fut sans doute mal observée, car on la réitéra souvent, et il fallut en faire une nouvelle en 1544. Ce fut alors que commencèrent les réceptions régulières de bourgeois.
Du reste, la bourgeoisie était personnelle et ne devint héréditaire que beaucoup plus tard.
Examen d’un luthérien.
1528. 18 février. - Dominus officialis peciit sibi eligi de consilio quatuor ex consulibus, ut assistere debeant examini cujusdam detenti Luterini, ut asseritur; et fuerunt electi dom. Gerardus Grant, Stephanus de Fluvio, Glaudius Gumini et Johannes de Sancto Ciriaco.
Affaires de religion et Hôpital de la Vierge Marie.
1528. 10 mars. – Fuit congregatum retro consilium super responsione facta reverendo domino nostro Lausannensi. Fuit conclusum per dictum retro consilium, quod responsio prelibato reverendo domino nostro facta remaneat, prout fuit conclusum dominico de Reminiscere super tribus punctis, videlicet super Luterianis, super meniis et portis, item super hospitali.
Super Luterianis fuit responsum, quod omnes sumus boni cristiani et quod offendens pugniatur via juris.
Super portis et meniis, super quibus asserit prelibatus reverendus dominus noster esse dominus et esse spoliatus, fuit responsum, quod porte meniarum nec non menia pertinent et sunt communitati, et non fuisse spoliatum.
Super hospitali dicebat idem reverendus dominus noster se esse spoliatum, cum ipsius hospitalis ipse et ejus predecessores /75/ sunt fundatores, fuit responsum quod propter paupertatem existentem in dicto hospitali, commune Lausanne apposuerunt manum in dicto hospitali.
Die dominica de Reminiscere, octava mensis martii, discretus vir Petrus Menestrey fuit in domo communitatis electus hospitalarius hospitalis beate Marie virginis, per totum commune ibidem congregatum … Quiquidem hospitalarius prestitit juramentum in presencia dicti communis super sacro sancto canone.
On a vu, par la note à l’article du 11 juillet 1521 et par l’article du 6 juillet 1525, que l’évêque Sébastien de Montfalcon avait plusieurs fois changé d’avis au sujet de la réformation. Cependant, en dernier lieu, il s’était assez ouvertement déclaré contre les doctrines évangéliques, avait refusé d’assister à la dispute de Berne et avait rappelé subitement les théologiens qu’il y avait envoyés. (Voy. Herminjard, Correspondance des Réformateurs, tome II, et Ruchat, tome. II.)
Les articles du manual qu’on citera plus loin montreront que la population de Lausanne était fort divisée sur la religion et que le conseil n’osait pas se prononcer d’une manière catégorique, partagé qu’il était entre la crainte de l’évêque, d’un côté, et celle de ses puissants combourgeois de Berne, de l’autre.
Par la réformation de Berne, l’évêque venait de perdre la juridiction spirituelle sur une partie importante de son diocèse, et il désirait naturellement savoir quels étaient les sentiments des Lausannois au sujet de la religion. Le conseil répond vaguement que les Lausannois sont tous de bons chrétiens et qu’on punira par voie de droit toute personne qui sera en faute.
Mais la réponse du conseil fut beaucoup plus catégorique au sujet de l’hôpital de la vierge Marie qu’il venait de saisir.
La première mention qu’on trouve de cet hôpital est de l’an 1275. A cette époque, le chapitre de Lausanne acheta diverses maisons au-dessus de la Roche, à la Cité, et sur leur emplacement, avec l’aide de plusieurs dons pies, construisit l’hôpital de /76/ la vierge Marie et le dota de quelques biens-fonds. En 1282, l’édifice était achevé, et, au mois de novembre, l’évêque Guillaume de Champvent, comme chef du diocèse, approuva cette fondation et régla l’administration de cet établissement de bienfaisance, entrepris sous les auspices du chapitre de la cathédrale. Ainsi, comme Ruchat l’avait déjà fait observer, Sébastien de Montfalcon faisait erreur en disant que l’hôpital avait été fondé par ses prédécesseurs.
Dans cet acte de novembre 1282 (Archiv. de Lausanne, bulles, évêques, No 25, et A, 3), Guillaume de Champvent déclare que, du consentement du chapitre et par l’expresse volonté des personnes qui avaient principalement contribué à la fondation et à la construction du nouvel hôpital de Lausanne, il exempte le dit hôpital de tout droit cathédratique, en sorte que ni l’évêque, ni le chapitre ne puissent, à aucun titre quelconque, s’approprier ou saisir quoi que ce soit qui appartienne à l’hôpital, mais qu’au contraire, tous les biens et revenus soient employés au soulagement des pauvres et des malades qui y seront reçus. L’évêque se réserve la juridiction ecclésiastique, le droit de visite, de correction et de censure ecclésiastique sur toutes les personnes de l’hôpital. Il est ordonné que le primicier de la cathédrale, c’est-à-dire, comme il est ici expliqué, le chanoine le plus ancien dans l’ordre de la prêtrise, présentera chaque année à l’évêque un administrateur capable, qui rendra compte de sa gestion quatre fois l’an au chapitre.
Cet administrateur était naturellement un ecclésiastique, souvent même l’un des chapelains de la cathédrale, ou l’un des curés paroissiaux du diocèse. L’hôpital contenait une chapelle où les offices étaient célébrés chaque jour.
Le 30 mai 1327, on obtint du pape Jean XXII des indulgences très étendues en faveur de cet établissement ; les fidèles lui faisaient des dons importants et l’on faisait des quêtes en sa faveur dans tout le diocèse; cependant les revenus ne suffisaient point à l’entretien des pauvres et des malades qui y affluaient. Aussi en 1347, Girard d’Oron, chantre de la cathédrale et doyen de Valère à Sion, voyant l’excessive pauvreté de l’hôpital, qui était telle qu’il allait être fermé faute de ressources pour soulager les /77/ pauvres qui se présentaient aux portes, lui donna de son vivant 100 livres, au lieu de lui léguer 60 livres par son testament, comme il en avait eu l’intention. (Archives cant., Inventaire bleu II. Hospices de Lausanne, No 1.)
Depuis ce moment, les legs et dons paraissent avoir été plus nombreux et l’hôpital se trouva entièrement à l’abri du besoin.
Ce bâtiment était situé dans la paroisse de Sainte-Croix, dont le curé, par arrangement en date du 8 août 1356, se réserva certains droits ecclésiastiques sur la chapelle de l’hôpital, droits trop peu importants pour être énumérés ici.
Près de cette chapelle, il y avait une chambre spécialement destinée à recevoir les prêtres et clercs malades.
Cet établissement était plutôt un hospice qu’un hôpital. On distribuait des aumônes et des vivres à la porte, on y admettait les pauvres, les infirmes, ceux qui étaient incapables de gagner leur vie et aussi les malades. Cependant le caractère principal fut constamment celui d’un hospice pour les pauvres, suivant son appellation : Hospitale pauperum Christi beate Marie virginis Lausannensis. Les conditions d’admission me sont inconnues.
Outre les indigents, on y recevait d’autres personnes. On voit par plusieurs actes du XVe siècle que des veuves ou des hommes sans famille faisaient donation de tous leurs biens à l’hôpital, à condition d’y être logés, nourris et vêtus jusqu’à la fin de leurs jours. Suivant l’importance de la donation, on stipulait que le donateur aurait en outre un pécule annuel pour ses besoins personnels. (20, 30, 40 sols par an.) D’autres stipulent qu’ils auront une chambre spéciale pour eux seuls. Une veuve entre autres demande une chambre ayant vue sur le lac.
Le dimanche de Reminiscere, 8 mars 1528, nous dit le manual, le conseil de Lausanne, considérant que les biens de l’hôpital de la Vierge étaient mal administrés et qu’il tombait dans la pauvreté, saisit l’hôpital et y plaça un administrateur ou hospitalier laïque, nommé Pierre Menestrey. Cette mesure ne fut qu’un des divers actes de la lutte plus ou moins intermittente qui régnait depuis nombre d’années entre la ville et le chapitre. Depuis longtemps celui-ci refusait de payer l’impôt sur le vin, contrevenait /78/ aux règlements sur la fermeture des portes de la ville et sur la présence des femmes de mauvaise vie. Au commencement du XVIe siècle, la vie du clergé de Lausanne était notoirement scandaleuse, comme plusieurs actes authentiques en font foi, en sorte qu’il y a assez de probabilité que les biens des pauvres étaient, en effet, mal administrés.
Sur les réclamations réitérées de l’évêque et du chapitre et après plusieurs conférences à ce sujet, la commune consentit, en novembre 1528, à présenter l’hospitalier à l’évêque et à rendre les comptes de l’hôpital deux fois par an, en présence d’un délégué du prélat.
Le 29 mai 1533, cette difficulté fut soumise, avec d’autres différends, à l’arbitrage de Berne et de Soleure, qui prononcèrent (M. D. R. VII, 755) que le chapitre nommerait l’hospitalier parmi les citoyens de Lausanne et que celui-ci rendrait ses comptes devant quatre chanoines et quatre bourgeois. Cet arrangement ne paraît pas avoir été observé, car, en septembre 1534, la ville donna un successeur à Pierre Menestrey dans la personne de Claude Fontannaz, qui prêta serment entre les mains du conseil.
Il reste à savoir si l’administration municipale fut sans défaut. Les curieux articles suivants traduits du manual, feraient croire le contraire : « 1529, 27 juillet. Comparut en conseil discret François de Plex 1 , secrétaire de la cour temporelle, demandant qu’on lui accorde la maison de ville pour faire ses noces avec la fille du nommé Bouf, nièce de Pierre Blécheret. On la lui accorde pour cette fois, à condition qu’il ne gâte pas les fenêtres et les autres objets de la dite maison. Mais dorénavant les noces se feront dans la maison et salle de l’hôpital de la vierge Marie. »
« 1529, 14 novembre. Il est décidé que, dorénavant, on ne fera point de noces, ni de confréries, dans la maison de ville; mais qu’on aille à l’hôpital de la vierge Marie, ou bien où l’on voudra. »
Depuis lors, l’administration de l’hôpital demeura sans conteste entre les mains de la ville; car, en septembre 1535, la ville /79/ amodia, du consentement de l’official, la quête annuelle en faveur de l’hôpital à dom Pierre, dit Verchoz, au prix de vingt-quatre coupes de froment, vingt-cinq livres de fromage, deux draps de lits neufs et deux couvertures de Romont, le tout payable chaque année. Enfin, lors de la largition des biens ecclésiastiques faite à ville de Lausanne après la conquête et la réformation, l’hôpital de la vierge Marie n’est pas mentionné, ce qui prouverait qu’on le considérait comme appartenant déjà à la ville.
L’hôpital de la ville fut entièrement reconstruit au dix-huitième siècle. Dans les premières années du dix-neuvième siècle, il fut vendu à l’état de Vaud qui en fit un établissement cantonal. Depuis peu, ce bâtiment a été transformé de nouveau pour servir à l’école industrielle cantonale.
L’église de Saint-François, asile pour un meurtrier.
1528. 5 mai. – Comparuerunt in consilio venerabilis dominus Petrus Fabri, vicegerens domini vicarii, scilicet domini Francisci de Lustriaco, et Michaël Francisci, castellanus Rippe Ochiaci, proponentes nomine reverendi domini nostri Lausannensis episcopi, quod cum dominus Glaudius Domenji, vicarius Pulliaci, esset detentus super casu homicidii, tam per se quam eius complices perpetrati in personam domini Ludovici Perret capellani, qui a dictis carceribus affugit et eosdem fregit et se salvavit ad conventum Sancti Francisci; quare petebant prefati dominus Petrus Fabri vicegerens et Michaël Francisci castellanus, quatenus communitas et consilium vellent eidem prebere favorem, auxilium et consilium ad dictum dom. Claudium rehabendum et recarcerandum. Qua requisicione audita, prefatum consilium elegit quatuor qui requisierunt fratrem gardianum Sancti Francisci, quatenus vellet eumdem dominum Glaudium in dicto conventu existentem et /80/ franchesias petentem, relaxare et remictere, concedendo litteram testimonialem quod dicta remissio et relaxacio non prejudicet eorum franchesiis et quod non trahatur ad consequenciam. Quequidem littera fuit concessa, facta atque laudata per secretarium communitatis subsignatum. Wavre.
Abbaye de Montheron.
1528. 21 avril. - Comparuerunt in consilio frater Philipus Panchaulx, supprior, et Jacobus Copyn, claviger monasterii de Montheron, exponentes mortem eorum prioris; petentes propterea organo discreti viri Glaudii Gumini, velle habere consilium et juvamen, super eo videlicet (quod) abbacia tendit in ruinam et quod sunt plures admodiatarii qui intendunt exigere census et redditus dicte abbacie et eosdem implicare, non in utilitatem dicti monasterii; petentes propterea provideri, submictentes se propterea tuicioni ven. consilii communitatis Lausanne, cum sint de resorto communitatis et infra limites et districtus Lausanne.
Fuerunt electi pro visitacione dicti monasterii videlicet spectabilis dom. Benedictus Raveri et Glaudius Gumini, ad quem Glaudium Gumini semper habeant recursum, dum eisdem religiosis et conventui aliquid novi evenerit.
1528. 5 juin.- Comparuit in consilio ven. vir dom. Georgius de Prez, prior de Provalle, exponens se ivisse ad rev. dominum cardinalem abbatem de Monteron et dictam abbaciam admodiavisse, quare petebat se ad illam admodiacionem receverie admicti per venerabile consilium, cum ipsum consilium sit garda dicte abbacie. Qua proposicione audita, fuit eidem facta responsio, videlicet, quod bene gaudebamus, /81/ sed pro nunc erat parvus numerus, quare dicebat non posse ipsum admictere pro nunc, donec fuerit maior numerus.
1528. 8 juin. – Fuit per consilium et retroconsilium electus et nominatus abbas monasterii de Montheron, videlicet ven. dominus Amedeus Raveri absens. Et fuerunt deputati eundi apud dictum Montheron relaturi dictam electionem religiosis ipsius abbacie, videlicet dom. Gerardus Grant et Stephanus de Fluvio. Quiquidem religiosi … dictam electionem ratam habuerunt et eumdem dominum acceptaverunt cum protestationibus in instrumento per secretarium dicte abbacie recepto contentis.
Pour l’histoire de l’abbaye de Thela ou Montheron, voyez M. D. R. XII.
Depuis quelques années, un neveu du pape Léon X, Jean Salviati, cardinal-diacre du titre de Saint-Cosme et Saint-Damien, domicilié à Rome, était abbé commendataire de Montheron et en percevait les revenus.
Déjà le 9 janvier 1528, Philippe Panchaud et Jean Bevroz, religieux du couvent, s’étaient présentés devant le conseil, se plaignant de ce que le prieur établi par le cardinal-abbé, comme amodiateur des revenus de l’abbaye, la laissait tomber en ruine, parce que tout l’argent était porté à Rome; et ils avaient demandé au conseil de prendre les religieux sous leur protection, puisque le monastère était situé dans les limites du ressort de la ville.
Le texte nous apprend que, quelques mois plus tard, les religieux profitent du décès de leur prieur-amodiateur pour faire une nouvelle démarche auprès du conseil, priant celui-ci de les prendre immédiatement sous sa sauvegarde, vu que plusieurs amodiateurs sont sur les rangs et que les revenus seront encore employés à tout autre chose qu’au profit du couvent. Faisant droit à cette requête, le conseil nomme commissaires Benoît Ravier et Claude Gumini, auxquels les religieux pourront avoir recours en cas de besoin. /82/
Au commencement de juin, Georges de Prez, prieur de Port-Vallais 1 , fils de Barthélemy de Prez et frère de Claude de Prez, curé de Saint-Paul, se présente devant le conseil, disant qu’il arrive de Rome, où il s’est arrangé avec le cardinal-abbé pour être amodiateur de Montheron et que par conséquent le conseil, qui s’est attribué la garde du couvent, doit l’admettre comme tel.
Le conseil n’admit point ce marché et résolut de nommer de son chef un abbé régulier en la personne d’Amédée Ravier, chanoine de Notre-Dame. Mais il paraît que cette entreprise singulière des magistrats de Lausanne ne réussit pas, car, jusqu’à la réformation, on retrouve le cardinal de Salviatis comme abbé, Jaques Copin comme prieur, et Georges de Prez comme amodiateur.
Secours aux Bernois et Fribourgeois.
1528. 24 octobre. - Die sabbati ante festum sanctorum Symonis et Jude apostolorum, bene cero, fuit parte magniffiquorum dom. Bernensium apportata una littera, in qua petebant quod communitas Lausanne eisdem mandarent certos colovrinieros, usque ad numerum quinquaginta, bene equipatos et ordinatos pro eorum adiutorio, ad pugniendos certos eorum subdictos qui vadunt contra eorum juramentum. Et fuit die dominica crastina convocatum retroconsilium, qui elegerunt quinquaginta colovreneros et ultra, qui fuerunt die lune sequenti mandati apud Bernum.
1528. 1er novembre. - Die dominica festi omnium sanctorum magnifici domini Friburgenses mandaverunt unam litteram, ut haberemus eligere quinquaginta aquibuterios ipsis mictendos, dum tempus affuerit, bene equipatos ad actum armorum et guerre, et ad hoc nos monuerunt vigore littere comburgencie. /83/
1528. 11 novembre. — Nobiles, burgenses et socii missi et mandati apud Bernum ad juvamen ipsorum dominorum Bernensium redierunt et Lausannam ipsa die arripaverunt circa quintam horam in cero.
Voici la teneur de ces deux lettres, telles qu’elles ont été copiées par P. Wavre, secrétaire du conseil, dans un cahier in-folio annexé au manual :
Duplum littere misse per magniffiquos dominos de Berno communitati Lausanne die dominica ante festum sanctorum Symeonis et Jude anno domini millesimo quingentesimo vigesimo octavo.
« Nostre amyable salutacion devant mise. Nobles, magniffiques, prudans seignieurs, singuliers amys et trèschiers bourgeoys. Nous avons par cy devant bien entenduz le bon vouloir que nous portés; à ceste cause, depuis que vous avions par avant requesté de nous envoyer certain nombre d’arquebutiers et vous les nous avés promis, vous prions et admonestons que, par la vertu de laz bourgesie qu’avons ensemble, nous envoyés incontinant cinquante hacquebutiers, bien accultrés, car nous avons faict une expédicion d’armes pour chastoyer nous subgectz qui soyt sont eslevés à main forte contre nous, contre leur serement et sans cause. Pour autant ne vulliés faillir et nous ferés services très agréable à deservy, aidant Dieu auquel prions vous donner prospériter.
Datum XXIII octobris, anno XXVIII.
Subscripcio : L’advoyer pety et grand conseil de laz ville de Berne.
Superscripcio : Aux nobles magnifiques et conseil de laz cité de Lausanne, nous singuliers amys et trèschiers bourgeoys. »
Cujus litere vigore fuerunt electi quinquaginta socii ex burgensibus et ultra, et missi atque mandati die lune sequenti, sumptibus communitatis. /84/
Die dominica festi omnium sanctorum anno Vc XXVIII fuit mandata littera, parte dominorum Friburgi, communitati, cujus tenor sequitur :
« Nobles, saiges, discrect, trèschiers et bons amys et féaulx combourgeoys, à vous nous nous recommandons, vous faisans scavoir comment sommes admonestés de nous alliés leur ayder maintenir nostre ancienne cristienne foy, et pource que cela sommes tenuz de fayre, tant par nous alliances que par nous seremens, vous admonestons par vertu de laz bourgesie, que nous apprestiez cinquante colovrinier de vous compagnyons, équippé de ce que appartient en guerre, affin quant les manderon que viegnent accompagnyé nostre bannière, ainsin que avons fiance, en vous disant adieu, ce dernier jour d’octobre anno XXVIII.
Subscripcio : L’advoyer pety et grant conseil de la ville de Fribourg.
Superscripcio: A nobles, saiges et discrect les gouverneurs et conseil de Lausanne, nous trèschiers bons amys et féaulx combourgeoys. »
Non fuerunt mandati socii pro nunc.
On voit se produire ici l’une des conséquences de l’alliance que Lausanne avait contractée avec Berne et Fribourg, le 7 décembre 1525. En vertu de la combourgeoisie, chacune de ces deux villes demande à Lausanne un secours de troupes pour une expédition militaire.
A la suite de l’édit de réformation publié par le conseil de Berne le 7 février 1528, ses sujets de l’Oberland s’étaient révoltés et leurs voisins d’Unterwalden avaient passé le Brunig en grand nombre pour les soutenir. Le conseil de Berne, ne pouvant faire face à cette rébellion avec ses seules ressources, demanda des secours à ses nombreux alliés, entre autres à Lausanne, qui lui aidèrent à soumettre les rebelles. On peut lire les détails de cette campagne dans l’Histoire de la Confédération suisse par Muller, Hottinger, etc., tom. X. /85/
Les cinquante arquebusiers lausannois soupèrent aux frais de la ville, le dimanche 25 octobre, et partirent le lendemain matin, après un dîner qui leur fut offert par le conseil. Ils furent envoyés par Berne dans un endroit que les comptes de la ville nomment Endrisewyt. La bannière bernoise rentra dans la capitale le 9 novembre, et l’on congédia le même jour, avec remerciements, les troupes alliées de Payerne et de Lausanne. Les Lausannois rentrèrent chez eux le 11 novembre, à cinq heures du soir, comme nous le raconte le manual. A leur retour, le conseil leur donna, chez Reymond Perrin, un souper qui coûta 12 florins.
Quelques jours plus tard, le conseil de Lausanne reçut de celui de Berne la lettre de remerciements suivante :
« Nostre amyable salutacion devant mise. Nobles, magniffiques, sages, provéables et discrets, singuliers amys et trèschers combourgeoys. Nous avons ouy lire la lettre que messire Benoict Ravier a envoyé à nostre banderet Wingarter; sus quoy vous faisons scavoir que n’entrerons ny accepterons appointement que soit avec ceulx de Undervalden ny autres, que vous n’y soyés compris. Et davantage ne mettrons jamays en oubly le bon service que nous avés faict, nous envoyans les cinquante colouvriniers lesquels s’en sont bien portés, nous offrant à le reveoir, quand besoing vous fera. De ce vous tenés asseurés. A tant priant Dieu qu’il vous ayt en sa saincte garde. Datum XXVIIIa novembris 1528.
L’advoyer et conseil de la ville de Berne. »
(Archives de Lausanne EE., 828. Copie contemporaine.)
Quant au contingent demandé éventuellement par le conseil de Fribourg le 31 octobre, et qui ne partit point, il est permis de croire qu’il était requis pour la même guerre de l’Oberland, mais en faveur de l’autre parti. Fribourg était très contraire à la réformation; elle avait refusé à Berne un secours de cent arquebusiers qui avait été sollicité, et fut même accusée d’avoir secrètement favorisé les révoltés. Il est possible que le conseil de Fribourg ait voulu se mettre en mesure de secourir ses coreligionnaires, et se soit adressé pour cela à ses combourgeois de Lausanne qui étaient encore bons catholiques. /86/
Débats sur la religion.
1528. 13 décembre. – Fuit convocatum totum commune Lausanne ad sonum campane noviter ordinatum, super eo, videlicet, si velint esse opinionis consilii et retro consilii, que opinio fuit velle bene vivere atque honeste sicuti predecessores nostri et esse velle boni cristiani et vivere secundum Deum, non se tamen astrigendo ad aliquod statutum fiendum neque astriviamentum. Quodquidem commune, voce post vocem, fuerunt opinionis concordabilis ven. consilii et retroconsilii, videlicet, bene velle vivere atque debere, uti predecessores nostri vixerunt; et si aliquis contravenerit et trahatur in causa, non debeat habere auxilium neque favorem a communi.
1528. 26 décembre. – Fuit convocatum totum commune scilicet burgenses, per sonum campane deliberaturi super quadam littera parte magnificorum dominorum Friburgensium missa consilio et communitati. Fuit conclusum debere mictere ambassiatores qui habeant facere responsionem super eadem et ipsos informare de veritate. Et fuerunt electi providi viri Glaudius Gumini, consiliarius, et Guido Gendroz, banderetus Paludis.
Et fuerunt opinionis communis velle et debere bene vivere et honeste secundum Deum, uti antecessores nostri, non se velle astringere ad aliquod statutum fiendum neque penam.
Je ne puis mieux faire que de résumer et citer les observations de Ruchat sur ces deux articles du manual.
Après que les troubles du Hasli eurent été terminés, les seigneurs de Berne, en renvoyant à Lausanne les soldats que cette ville leur avait donnés, leur firent sans doute quelque ouverture sur la religion. Il est certain par les registres qu’on leur fit alors /87/ une proposition de cette nature, et elle ne put venir que des Bernois, quoique ces registres ne les nomment pas. Quoi qu’il en soit, les conseils et les bourgeois, assemblés pour délibérer sur ce sujet, furent tous du sentiment qu’ils exprimèrent en ces termes de vouloir bien vivre honnêtement comme leurs prédécesseurs, de vouloir être bons chrétiens et vivre selon Dieu, sans s’astreindre pourtant à faire aucun statut.
En même temps, l’assemblée décida de députer cinq conseillers auprès des chanoines de Saint-Maire, des dominicains et des cordeliers de la ville, pour leur enjoindre de chasser leurs concubines de leurs maisons religieuses, et de vivre honnêtement et selon Dieu. (On a déjà donné cet article du manual dans la note à l’article du 21 août 1511, ensorte qu’on ne le reproduit pas dans le texte.)
Il y a beaucoup d’apparence que ces religieux portèrent des plaintes à Fribourg contre les Lausannois à cette occasion (car c’était là leur refuge ordinaire) et qu’il les y accusèrent de méditer quelque changement de religion, sous prétexte de réformer les mœurs de leur clergé. Quoiqu’il en soit, les seigneurs de Fribourg écrivirent fortement aux Lausannois. La bourgeoisie fut assemblée le samedi 26 décembre pour entendre la lecture de cette lettre. Après cette lecture, il fut résolu de députer quelques conseillers à Fribourg pour informer ces seigneurs de la vérité et leur dire « que le sentiment général était de vivre bien et selon Dieu, comme leurs prédécesseurs, sans s’astreindre pourtant à aucun règlement, ni se soumettre à aucune peine. » (Ruchat II, pag. 66-68.) Ces députés revinrent à Lausanne le 2 janvier, rapportant une réponse satisfaisante.
Défense d’aller à la guerre de Genève.
1529. 21 février. – Fuit congregatum totum commune … item magis fuit conclusum quod nullus habeat exire villam pro eundo Gebennas pro guerra sustinenda contra dominum ducem Sabaudie, nisi fuerit de mandato ven. consilii, pro comitando dominos Bernenses et Friburgenses. /88/
Peste.
1529. 22 juillet. – Fuit conclusum per dom. ballivum et ven. consilium, quod proclametur quod nullus mercator Lausanne vadat Viviacum, ex eo quod pestis viget in dicto loco, et hoc sub banno LXta solidorum et privacione sex ebdomadarum.
On a vu que la peste régnait à Lausanne au mois de novembre 1527.
Au printemps de 1528, elle était si violente, qu’en mars, on fixa un tarif pour l’inhumation des pestiférés. Les marrons, ou enterreurs attachés à l’hôpital Saint-Roch, devaient ensevelir gratuitement les pestiférés décédés à l’hôpital, mais recevaient 3 sols pour enterrer les pauvres et 6 sols pour l’inhumation des riches, qui mourraient dans la ville.
Un grand nombre des habitants de Lausanne s’étant réfugiés dans les villages environnants, le 30 avril, le conseil permit à Pierre Gonvers, dit Gro, d’Ecublens, d’établir une boucherie dans ce village à l’usage des habitants de la ville qui s’y étaient retirés. Cette permission fut valable jusqu’à la fin de septembre. Le 13 mai, il fut décidé de ne plus recevoir, dans l’hôpital de Saint-Roch, des pestiférés des différents lieux du ressort, sans doute parce qu’il était insuffisant.
Le 15 octobre 1528, par ordre du conseil, il fut interdit de chauffer les maisons, à cause de la peste (conclusum non debere adhuc calefacere stuphas, causante peste adhuc vigente in villa et civitate.)
La défense du 22 juillet 1529, mentionnée dans le texte, fut prolongée le 24 août jusqu’à la Saint-Michel, avec cette clause qui explique la dernière phrase de l’article du texte :
« Si vadant, fiat eisdem defensio quod non intrant villam Lausanne de sex ebdomadis, sub banno sexaginta solidorum. »
Le 16 juin 1530, le conseil des Deux-Cents ordonna que les portes de la ville seraient étroitement gardées par les bourgeois, /89/ à cause de la peste (ad evitandum majus dampnum propter pestem.)
Le 23 février 1531, le conseil ordonna d’ouvrir l’hôpital Saint-Roch pour y recevoir les pestiférés, et qu’aucun malade ne sortit de chez lui avant l’espace de six semaines. Le 4 mai, le conseil suspendit ses séances ordinaires du mardi « causante peste. » Dans le courant de l’été de la même année, plusieurs pestiférés furent trouvés morts dans les rues de la ville. « Une servente de Pulie, Gavote, morut sur les femye (fumiers) dehors de la porte de Estra, laquelle futz enterrée par ung homme estrange, affin on ne infusionasse pas ceulx de la vile. » (Comptes de la ville.)
Le 12 septembre 1532, il n’assista que cinq personnes au conseil, « propter tempus suspectum. »
Le 10 avril 1533, les bouchers se plaignent de ne pouvoir se procurer du bétail à abattre, « à cause de la peste régnant à Lausanne et ailleurs. »
Secours à Berne.
1529. 11 juillet. – In mane hora sexta fuit congregatum totum commune, super eo, videlicet, quod ultimate ad mandatum dominorum Bernensium quod eisdem micterentur quinquaginta colovrinerii. Quiquidem socii fuerunt electi et mandati, quibus fuit promissum eisdem, scilicet cuilibet eorum de decem diebus in decem dies unum scutum auri. Quiquidem socii non se volunt contentare, sed petunt unum mensem integrum, qui tamen non steterunt nisi decem novem diebus, tam eundo stando quam reddeundo. Fuit conclusum per dictum commune debere satisfacere socios qui in dicto viagio fuerunt, videlicet tria scuta et unum testonum.
1529. 5 août. - Conclusum debere dare pro uno pari caligarum divise communitatis cuidam hereldo Berni; qui /90/ conduxit socios communitatis qui ibant ad auxilium dominorum Bernensium, a Berno usque ad Bringal, ubi erat le camp Berni, et eciam quia nobilis Michael Jouctens conductor et capitaneus sociorum Lausanne eidem hereldo promisit.
Le 4 juin 1529, le sénat de Berne avait écrit au conseil de Lausanne la lettre suivante :
« Nostre amyable salutation devant mise. Nobles, magniffiques, prudents seigneurs, singuliers amys et trèschers combourgeoys,
Nous sommes toutes les heures attendans de sortir avec nostre bannyère pour secourir les nostres et conserver nos pays, dont en vigeur de la bourgeoysie qu’avons avec vous, vous prions et admonestons de ordonner d’élire cent arquebousiers, la moytié pour nous donner ayde incontinent que vous en avertirons par lettres ou de bouche, et l’autre moytié attendre nostre seconde admonition, lesquels sans dillayer, hativement sur nostre advertissement, ferés marcher là où nous les adresserons. En ce ne faictes faulte et nous le riveoirrons en cas semblable, aydant Dieu, auquel prions vous donner bonne vie et longue.
Datum 4a junii 1529.
L’advoyer petit et grand conseil de la ville de Berne. »
(Archives de Lausanne EE., 828. Copie contemporaine.)
L’expédition militaire pour laquelle Berne se préparait était la première campagne de la guerre de religion, qui se termina par la paix éphémère du 26 juin 1529.
En vertu de la combourgeoisie, Berne invita Lausanne à lui fournir des troupes de secours. Les Lausannois, qui étaient encore catholiques, marchèrent contre leurs coreligionnaires. Comme la campagne se termina promptement sans effusion de sang, il ne partit que le premier détachement de cinquante arquebusiers. Ceux-ci avaient passé à Berne avant le 16 juin et /91/ avaient été dirigés sur le camp bernois à Bremgarten. (Abschiede IV, I, b., pag. 257; J. de Muller, tom. X, pag. 406; Manual de Lausanne, 5 août.)
Les troupes lausannoises étaient conduites par Michel Jouttens et ne restèrent que dix-neuf jours absentes. On voit par le texte que ces arquebusiers firent des difficultés pour leur solde.
Le nom Bringal doit signifier Bremgarten. On trouve dans le manual à la date du 29 décembre 1529 : « Solvantur Soffredo Buet duo scuta auri et unus testonus, que exbursavit et exposuit pro certis expensis per ipsum factis cum aliis burgensibus et sociis ville, quando fuerunt in expeditione domin. Bernensium apud Bringard, de anno presenti. »
Secours à Berne.
1529. 21 septembre. - Conclusum super litteram parte dominorum Bernensium mandatam, quod eligantur centum socii aquebutier, prout in dicta littera continetur, et quod solvantur illi qui non fuerunt soluti, et fiat diligencia erga illos qui non solverunt, quia promiserant dare.
La paix du 26juin 1529 n’était qu’une trève et laissait les deux partis aussi animés que jamais l’un contre l’autre. Les cinq cantons catholiques avaient été condamnés à payer 2500 écus d’or aux cantons protestants. Les premiers faisant des difficultés pour payer, Berne et Zurich leur interdirent leurs marchés et tous vivres, et craignaient en conséquence une attaque de la part des catholiques. Le conseil de Berne résolut de lever douze mille hommes et écrivit le 18 septembre à tous ses alliés pour leur demander des contingents de troupes. Il demanda à Lausanne 100 arquebusiers, à Gruyère 140 hommes, à Château-d’Ex 80, à Neuchâtel 100, à Valangin 60, à Moutier-Grandval 50, à Payerne 80 hommes. (Abschiede IV, 1, b, pag. 355-359.)
Voici le texte de la lettre du conseil de Berne, en date du 18 septembre : /92/
« Nostre amiable salutation devant mise. Nobles, magnifficques, prudans seignieurs, singuliers amys et combourgeoys trèsagréables. Vous estes assés advertis du traictié de la paix, laquelle dernièrement est conclute entre nous alliés des cincq Cantons et nous; le contenuz d’icelle nous et nous complices, comme amateurs de paix, voulentier ehuesions observez, et ancore nous ouffrons de le faire. Ce non obstant, nous alliés desdits cincq cantons sont tousjours de maulvaise voulounté contre nous et ne veullent aulcunement donne lieuz ne tenir ladite paix, et mesmement touchant les coustes que les arbitres ont cogneuz. Dont en la vigeur dudict traictié de paix leur avons empéché les vivres et deffenduz ès nostres que ne sayent sy hardis de leur laisser parvenir aulcuns vivres; semblablement ont faict nous alliés et combourgeoys de Zurich, Basle, Sainct-Galle, Bienne et Milhusen. Et pource que doubtons que lesdits V cantons ne prétendent de user de force contre nous, nous avons mis en ordre et esleuz XIIM hommes de guerre, par (sic) résister et faire nostre debvoir. Et vous avons, par vigeur de la bourgeoysie qu’avons avecq vous, imposéz IC coulovriniers, vous admonestant iceulx eslire et le tenir bien accoutrés en bon ordre, attendant que vous signiffions out nous les voulons employer, adoncq les nous envoyer en nombre que vous manderons. En ce nous ferés gratuité, service et plaisir et accomplerays vostre debvoir; nous ouffrant de faire, quant à vous fera besoing, le semblable, aydant nostre Seignieur, auquelz prions que nous veillie envoyer sa paix et à nous ennemys donner grâce, que sy fort comme nous la désirrent.
Datum XVIIIa septembris anno XXIXo.
» L’advoyé petit et grand conseilz de la ville de Bernne. »
Suscription : Aux Nobles, Magnifficques et prudans Seignieurs, Gouverneurs et Conseilz de la ville de Lausanne, nous singuliers amys et trèschiers Combourgeoys.
(Archives de Lausanne. Gouvern. de Lausanne, No 62. Lettre missive originale, avec traces du sceau de Berne plaqué.) /93/
Voyage de l’évêque.
1529. 21 septembre. – Conclusum quod rescribatur et mandetur ad illos de Adventhica, de Lucens, de Curtillie et de Buloz pro facto R. D. N. Lausannensis per eum exposito consiliariis communitatis, super viagio per eumdem R. D. N. fiendo ad regem Romanorum in Italia, quia petit peccunias juxta tenorem Placiti generalis.
L’évêque Sébastien de Montfalcon s’absentait souvent de son diocèse. Le voyage qu’il projetait alors avait, sans doute, pour but d’assister à Rome au couronnement de l’empereur Charles-Quint, qui eut lieu le 24 février 1530. L’évêque n’était pas encore de retour le 27 octobre 1530, car, comme on le verra ce jour-là, le conseil d’Avenches se plaint de son absence prolongée de son diocèse.
Dans la note à l’article du 1er juillet 1461, on a déjà dit que, d’après le Plait général, la ville de Lausanne était tenue de payer les frais du voyage de l’évêque quand il se rendait auprès de l’empereur et l’on a cité deux cas où la ville remplit cette obligation.
Dans le cas actuel, Sébastien de Montfalcon demande au conseil de le défrayer dans son voyage projeté en Italie, et celui-ci en écrit aux gens des autres lieux de la seigneurie temporelle de l’évêque pour avoir leur opinion, car, tout comme Lausanne et les paroisses de Lavaux, ils auraient eu à payer leur quotepart de ces dépenses.
Je n’ai trouvé, ni dans le manual, ni dans les comptes, aucune indication qui puisse faire supposer qu’on ait obtempéré au vœu de l’évêque; du reste les rapports entre le seigneur et ses sujets étaient tellement tendus qu’il y a tout lieu de croire que cette démarche de Sébastien de Montfalcon n’eut aucun succès. Il paraît que l’évêque n’était pas encore parti le 31 octobre. Voyez l’article du manual de ce jour. /94/
Le conseil choisi comme arbitre.
1529. 21 septembre. – Stephanus Bron et Johannes Dapaz, tanquam gubernatores villagii de Romanel et eo nomine, ex una; nec non Stephanus Diede et Petrus Baud, morantes in grangia de laz … ; super pasturagio suarum animalium dicte grangie, se submiserunt et compromiserunt in venerabile consilium communitatis Lausanne, cum promissionibus, obligacionibus, juramentis, renunciacionibus et clausulis opportunis, cui venerab. consilio presenti et acceptanti, pro bono pacis, dederunt potestatem omnimodam ordinandi, etc. Promittentes, etc., habere ratum et gratum, etc., jurantes non contravenire, etc., atque sub pena decem scutorum auri solvendorum per partem contradicentem, etc. Fiat ad dictamen sapientum cum clausulis et renunciacionibus opportunis.
Par cet article et un grand nombre d’autres semblables, insérés dans le manual à cette époque, on voit que les citoyens de Lausanne et du ressort prenaient volontiers le conseil comme arbitre dans leurs différends et s’affranchissaient ainsi, peu à peu, des tribunaux institués par l’évêque 1 1 qui jusqu’alors avaient seuls connu des causes civiles. Ce qui à l’origine ne fut qu’un simple arbitrage, librement consenti entre les parties, devint plus tard une coutume et dans la suite le conseil de Lausanne se trouva insensiblement investi de pouvoirs judiciaires qui furent le sujet de longs débats après la conquête bernoise.
Nouvelle constitution communale.
1529. 5 septembre. - Noverint universi, etc., quod hac presenti die dominica ante festum nativitatis Beate Marie /95/ Virginis, quinta mensis Septembris, anno Domini millesimo quingentesimo vigesimo nono, per totum commune communitatis Lausanne, simul in domo communitatis congregatum, fuit electus et nominatus Borserius tocius communitatis pro anno futuro, videlicet spectabilem dominum Benedictum Raveri 1 , artium et medicine doctorem, ibidem presentem et onus hujusmodi acceptantem. Quiquidem borserius habeat onus exigendi et recuperandi omnes census, redditus, arreragia atque submissiones, necnon facere fieri recogniciones communitatis et alia quecunque prefate communitati debita; nec non de receptis per eum librandi atque solvendi nomine communitatis; atque de receptis et libratis bonum et legitimum computum et reliqua prefate communitati reddere; et hoc juramento suo, etc., et obligacione bonorum suorum omnium, etc., et hoc, videlicet, sub sallario et pensione dicti anni centum florenorum parvi ponderis. Et prestitit juramentum in presencia dicti communis prestari solitum et consuetum, et alia facere que tenetur unus quisque bonus burgensis. Et viceversa prefati assistentes promictunt obligacione dicte communitatis bonorum omnium, etc., prefato domino Benedicto aut suis, si quid restetur eidem debens et si plus libraverit quam receperit, solvere et restituere, etc., cum dampnis, etc. Fiat cum clausulis opportunis ad dictamen sapientum. Die et anno quibus supra.
Item magis, per quos supra burgenses fuit electus /96/ Burgozmeistre tocius communitatis, videlicet discretus vir Stephanus de Fluvio per tempus trium annorum continuorum et proximorum 1 ; qui habeat onus congregare consilium et burgenses tociens quociens erit opportunum et portare voces consilii, suo dicto termino durante; qui bono velle acceptavit et prestitit juramentum prestari solitum.
Item, providus vir Petrus Curnillion fuit electus magister Mesonnarrez communitatis, qui habeat onus visitare domos communitatis, pavimenta, menia, itinera et alia necessaria communitatis; et si quid fuerit opportunum reficere, faciat, sumptibus tamen communitatis. Et prestitit juramentum.
Qui vero burgozmeistrez et mesonarrez habere debeant sallarium gubernatorum 2 .
Item magis, fuerunt electi consiliarii pro anno futuro ut est solitum, videlicet :
In banderia Civitatis, videlicet : prefatus dominus B. Raveri, providi viri P. Wavre et Petrus Menestrey, hospitalarius hospitalis Beate Marie Virginis.
In banderia Paludis : dominus G. Grant, dom. Jo. de Sancto Ciriaco, Glaudius Gumini, Guillermus Ravanelli, Anth. Gavet, Johannes Borgeys, Johannes Rochyz et Stephanus Menestrey.
In banderia Sancti Laurencii : Providi Ste. de Fluvio, Satur. Ruffi, Franciscus Guibaud et Geor. dou Crest.
In banderia Pontis : Petrus Curnillion, Regnerius Pivard, P. Gautheri, Gerardus Briguet et Reymondus Perrim. /97/
In banderia Burgi : nobilis Franciscus de Prez, Stephanus Grant, hospes Leonis, Franciscus Souveys et Jacobus Vinter.
Quiquidem domini consiliarii, ut prefertur, electi prestiterunt juramentum prestari solitum ut alias et presentibus burgensibus; scilicet, esse boni et fideles communitati, procurare bonum et evitare malum, manutenere franchesias et libertates communitatis et si quid audierint sinistrum revelare in consilio; comparere in consilio tociens quociens fuerint appellati et evocati per simballum aut aliter, nisi affuerit causa legitima, atque juxta eorum conscienciam bene consulere et consulta tenere secreta, neminemque dicti officii vigore opprimere, et alia facere que erunt facienda. Fiat ut supra ad dictamen sapientum.
Item, fuit ordinatum et statutum per quos supra, quod prefati consiliarii, ut prefertur, electi habere et percipere debeant quolibet die jovis et martis quibus tenebitur consilium ordinarium, videlicet, quilibet eorum comparens VI denarios; et quod quilibet qui deffecerit vadiari possit per banderetos pro tribus solidis pro quolibet deffectu, nisi fuerit causa legitima; pro secunda vice, pro sex solidis; et si tercia deffecerit et consilium neglexerit, privetur pro illo anno a consilio.
Item magis, fuit ordinatum quod bandereti debeant assistere in consilio prout consiliarii, tociens quociens consilium tenebitur, sine tamen habendo vocem nullam, nisi pro audiendo voces consilii; qui tamen percipiant, quilibet eorum, ut unus ex dominis consiliariis presentibus. Fiat ut supra cum clausulis opportunis et necessariis 1 .
Pro premissis omnibus Petrus Wavre secretarius. /98/
1529. 30 septembre. - Fuit augmentatum salarium meum secretarii de tribus florenis ultra salarium consuetum virgintiquatuor solidorum.
1529. 10 octobre. – Fuerunt congregati omnes burgenses, scilicet ducentum, pro negociis communitatis tractandis … prefati burgenses habuerunt ratum et gratum consilium jam per totum commune electum et prout fuit conclusum et arrestatum, et promiserunt juramentis eorum, levando manum, contra premissa non facere neque venire, etc., sed eadem rata et grata habere.
Sorcier.
1529. 31 octobre. - Fuerunt congregati consilium et retroconsilium.
Primo, super detentum, scilicet Henricum Albini, super casu heresis, qui nihil confessus est et non fuerunt processus concordes; nichillominus frater Franciscus Fossaud tulit ordinacionem sive sentenciam interlocutoriam, dictum detentum fore et esse torquendum; quare prefati consiliarii et retroconsiliari fuerunt opinionis et concluserunt non esse torquendum 1 sed esse remictendum, et ita fuit responsum reverendo domino nostro Laus.
Le cas d’hérésie dont il est question ici est une accusation de sorcellerie. Les procès de ce genre furent horriblement nombreux chez nous et dans le reste de l’Europe, aux XVIe et XVIIe siècles. Celui-ci est un des premiers et malheureusement pas le dernier qu’on trouve dans le manual; et, comme ce cas d’hérésie est cité le même jour que le réformateur Farel est mentionné, on serait /99/ tenté de croire, vu la brièveté de l’article du manual, qu’il se rapporte aux doctrines réformées. Mais la supplique des parents des accusés, adressée au conseil, prouve que ces pauvres gens étaient poursuivis comme sorciers. Le manual ne mentionne que Henri Albin, mais ils étaient plusieurs.
Pierre Bastian, âgé de cent ans, dit la supplique, aveugle et malade, Henri Albin, et une femme nommée Jaqueme, domiciliés sur les monts de Lutry, avaient été accusés par les gens de cette dernière ville de se rendre en la secte et d’avoir donné du posset à un nommé Tyvent Marguerat, dont celui-ci était mort. Les inculpés furent saisis par les officiers de l’évêque et livrés à l’inquisiteur, François Fossaud, moine du couvent des dominicains de la Madeleine à Lausanne (il avait été prieur de ce couvent en 1493), qui procéda quatre ou cinq fois à la torture de ces malheureux, malgré la discordance des témoignages contre eux.
Il paraît, en effet, qu’il n’avait jamais existé de Tyvent Marguerat sur les monts de Lutry; de plus, les accusateurs Claude Paccotton, Jaques Monoz et Glaude, fille de Jean Blan, n’étaient point d’accord sur le lieu où se tenait la secte. L’un disait qu’elle se tenait le mercredi soir, près de la rexe (scie) de Orsire ( ?); l’autre que c’était le jeudi soir, près du flon du Grenet; le troisième, que c’était le samedi soir, près du moulin de Henri Gubet.
Les parents des prisonniers présentèrent une supplique au conseil de Lausanne, lui demandant de s’employer vigoureusement à faire relâcher les accusés, parce que ceux-ci avaient été saisis sans clame ni connaissance et avaient été torturés contrairement aux franchises, et parce que, les témoignages contre eux étant discordants, il n’y avait pas lieu de poursuivre.
Sur le vu de la supplique, le conseil ordonna que les pièces du procès seraient détruites et brûlées, que les détenus seraient mis en liberté et qu’on en préviendrait l’évêque.
Un autre accusé, nommé Cribley, qui avait confessé, fut condamné à mort, sauf la grâce de l’évêque. (Quia confessus est satis sua spontanea voluntate, propter quod moriatur, reservata misericordia rever. dom. nostri Lausannensis; et ceteri detenti debeant liberari et non inquire ulterius.) /100/
Il est difficile de juger, d’après les termes ci-dessus, si le conseil ne dépassait pas un peu les limites exactes de sa compétence et n’empiétait pas sur les prérogatives de l’évêque, en tendant à s’arroger le droit de justice criminelle.
Sur les procès de sorcellerie, voyez F. Chabloz, les Sorcières neuchâteloises, Neuchâtel, 1868, in-8.
Guillaume Farel.
1529. 31 octobre. – Item, super eo quod quiddam Guill. Faret, predicator, apportavit certas litteras parte dominorum Bernensium, ut ipsum admicteremus ad predicacionem faciendam. Cui fuit responsum, quod nostra non intererat dare locum predicatori (predicationi ?), sed reverendo domino nostro Lausannensi et venerabilibus dominis de capitulo; quare fuit remissus ad eos qui potestatem habent dare locum.
1529. Dimanche 14 novembre. - Fuerunt evocati consilium, retroconsilium et ducentum et propter hoc congregati in domo communitatis hora septima de mane, super duobus punctis.
Primo, super predicatore luteriano, super quo concluserunt nullum predicatorem debere admictere ad predicandum, nisi fuerit de voluntate et consensu venerabilis consilii communitatis; cuiquidem ven. consilio prefati retroconsiliarii, numero sexaginta hominum, et ducentum homines burgenses dederunt potestatem tractandi dicta negocia et promiserunt eorum bona fide, levando manum, habere ratum et gratum.
Secundo, super domo communitatis pro festis faciendis, fuit conclusum per assistentes quod a modo in futurum nulle fiant nupcie in dicta domo, neque confratrie; sed /101/ vadant ad domum hospitalis Beate Marie Virginis aut ubi voluerint.
Au commencement d’octobre, G. Farel était déjà venu à Lausanne, recommandé par le conseil de Berne à celui de Lausanne; mais, bien qu’une partie de la population paraisse l’avoir accueilli, il avait été immédiatement expulsé par l’évêque et le chapitre.
Le 20 du même mois, le conseil de Berne renvoya Farel à Lausanne, avec une lettre au clergé et une nouvelle recommandation au conseil de cette ville, où il demandait qu’il fût permis à Farel de prêcher. Comme on le voit par le texte, le conseil qui, semble-t-il, était partagé d’opinion et craignait de mécontenter soit l’évêque, soit les Bernois, se tira d’affaire en répondant que ce n’était pas à lui conseil, mais à l’évêque et au chapitre, qu’il appartenait de donner accès aux chaires. L’autorité ecclésiastique refusa de nouveau à Farel la permission demandée.
Le 13 novembre, le conseil de Berne revint à la charge, informant celui de Lausanne que si Farel s’était présenté pour prêcher, c’était bien à la recommandation du conseil de Berne et non sur le désir personnel du secrétaire, comme quelques-uns se plaisaient à le dire, et demandant en même temps que ceux qui avaient tenu ces propos fussent livrés à la justice.
Sur le reçu de cette lettre, le conseil, le rière conseil et les Deux Cents de Lausanne se réunirent le lendemain de grand matin, comme nous le dit le texte, et prirent une décision diamétralement opposée à celle du 31 octobre. On décida qu’aucun prédicateur ne serait admis sans l’autorisation du conseil et l’on donna à celui-ci des pleins pouvoirs pour cette affaire.
On doit conclure que le conseil donna la permission demandée pour Farel, puisque le 18 novembre le conseil de Berne écrivit une nouvelle lettre à celui de Lausanne en envoyant Farel pour la troisième fois; mais nonobstant le bon accueil que lui firent les laïques, l’évêque et son clergé semblent avoir persisté à refuser la chaire à Farel, puisque peu de jours après on le trouve à Neuchâtel. (Voyez Ruchat II, pag. 177, 178, et surtout Herminjard, Correspondance des Réformateurs, II, pag. 197-206.) /102/
Un article du manual ferait supposer qu’à Lausanne les esprits étaient très échauffés au sujet des questions religieuses et que cette animation se traduisait souvent par de gros mots prononcés dans les conseils. Du moins, je ne crois pas qu’il soit téméraire de supposer que le règlement suivant, daté du 7 novembre, précisément pendant ces démêlés sur Farel, avait trait aux paroles injurieuses prononcées à ce sujet. Je traduis :
« Le conseil, le rière conseil et les Deux Cents étant assemblés au sujet de ceux qui profèrent des injures en présence des conseils, il est statué que tout conseiller qui proférera des paroles injurieuses contre un autre en présence du conseil sera puni d’une amende de 18 livres, tout rière conseiller qui le fera en présence du rière conseil payera 12 livres, et tout membre des Deux Cents qui prononcera de telles paroles en présence des Deux Cents payera 6 livres. »
Sur le second point des délibérations des conseils, voyez la note à l’art. du 10 mars 1528.
Etienne Loys demande une prébende de chanoine pour son fils; Guillaume d’Arnex, de même.
1530. 21 avril. - Comparuit spectabilis dominus Stephanus Loys, juris utriusque doctor, petens et requirens, quatenus placeat venerabili consilio rogare ven. dominos de capitulo, quatenus velint providere Auberto eius filio de una prebenda, si vacet in futurum.
1530. 28 avril. – Comparuit in consilio nobilis vir Guill. d’Arnex, dominus dicti loci, petens et requirens dominos consiliarios, ut habeant alloqui et rogare dominos de capitulo, quathenus habeant providere eius filio de prebenda ven. viri dom. Guill. de Capella, dum dies suos clauserit extremos. Qua requisicione audita, prefati dom. consiliarii acceptaverunt tenere manum pro eodem. /103/
Le 2 mai, le conseil décida de donner la préférence à la demande de G. d’Arnex sur celle d’Et. Loys, et le 3 mai, le conseil des Deux Cents donna plein pouvoir au conseil pour traiter avec le chapitre au sujet des prébendes vacantes et pour demander que dorénavant le chapitre donnât les bénéfices vacants à des gens de Lausanne, plutôt qu’à des étrangers.
Malgré la recommandation du conseil, le chapitre donna la prébende vacante à un neveu de l’évêque. Aussi, le 13 juillet de la même année, Guillaume d’Arnex demanda de nouveau au conseil de recommander son fils pour une autre prébende, qui était devenue vacante par le décés de Jaques d’Estavayer, chanoine et protonotaire apostolique. Dans la même séance, Etienne Loys recommanda aussi son fils Aubert pour la même prébende, mais il céda la préférence à G. d’Arnex.
Guillaume Farel.
1530. 15 juin. – Fuit congregatum consilium et retroconsilium, visuri et deliberaturi super quibusdam litteris parte dominorum Bernensium per certos eorum ambassiatores apportatis, qui adducerunt et accomitaverunt magistrum Guill. Faret, qui huc Lausannam venit, remissus per curiam temporalem seu officiarium Bone Ville ultra Novum Castrum, ad reverendum dominum nostrum Lausannensem, super quibusdam injuriosis verbis contra quemdam presbiterum de dicto loco per dictum Faret dictis et prolatis. Fuit deliberatum debere alloqui dominos officiarios propter absenciam prelibati reverendi domini nostri.
Voici l’histoire de ce quatrième séjour de Farel à Lausanne : Guillaume Farel avait prêché à la Neuveville, où il avait eu une dispute avec le curé P. Clerc. Le conseil de la Neuveville avait porté cette contestation toute doctrinale devant le diocésain, qui était l’évêque de Lausanne. Le conseil de Berne, qui /104/ prenait Farel sous sa protection toute particulière et n’avait d’abord point voulu lui permettre de comparaître à Lausanne, avait enfin consenti. Mais, comme on le voit par le texte, il fit accompagner l’évangéliste par des ambassadeurs, porteurs d’une lettre de recommandation au conseil de Lausanne. Voici la teneur de cette lettre, dont l’original, avec le sceau de Berne plaqué, est conservé aux Archives de Lausanne (EE., 827) :
« Noubles, magniffiques seigneurs, singuliers amys et trèschiers combourgeoys, nostre amiable salutation et recommandation devant mise. Messeigneurs, nous avons envoyé par dever vous présents pourteurs et à eulx donné en charge de vous exposer et disre quelque chose d’apart nous, dont vous prions les croyre pour ceste foy comme nous mesmes, et en ce que vous proposerons fere, comme en vous avons nostre perfaicte fiance, en ce nous ferés singuliers plaisirs et gratuités à deservir, aidant Dieuz, auquel prions que vous doint grace de ouyr sa saincte parolle et de vivre selonn icelle. Nous vous recommandons aussy maistre Guilliaume Farel, à cause duquel ces présents nous ambassadeurs comparissent par devant vous.
Datum dimenche XII junii anno XXX.
» L’advoyé, petit et grand conseil de la ville de Berne. »
Suscription : Aux nobles, magniffiques, saiges et pourvéables gouverneurs, conseil et rière conseil de Lausanne, nous singuliers amys, trèschiers et loyaulx combourgeoys.
En même temps, le conseil de Fribourg, demeuré très catholique, écrivait à celui de Lausanne pour le prier de ne pas permettre à Farel de prêcher, et cela en vertu de la bourgeoisie qui avait été faite en « l’ancienne foy crestienne. »
L’évêque étant absent, Farel fut conduit devant le conseil épiscopal, qui, le 15 juin, refusa de prendre connaissance de ce débat avec le curé de la Neuveville. Mais en même temps, Farel déclara qu’il était prêt à répondre à quiconque prétendrait qu’il annonçait la parole de Dieu contre la vérité et « de ce appella les assistens en tesmoniage. »
Farel paraît avoir quitté Lausanne immmédiatement après. Ses ennemis, entre autres Conrad Treyer, provincial des /105/ Augustins, exploitèrent ce prompt départ pour répandre le bruit que, n’ayant pu maintenir sa doctrine, Farel avait été obligé de s’enfuir précipitamment.
Ces bruits étant parvenus aux oreilles du conseil de Berne, celui-ci écrivit aux conseils de Fribourg et de Lausanne pour se plaindre de ces rapports mensongers et pour en demander une refutation officielle. Voici la lettre adressée au conseil de Lausanne :
« Nobles, etc. Nous ambassadeurs que ont accompaignié maistre Guilliaume Farel nous ont adverti du grand honneur et bien que leur avés faict, de quoy vous très affectueusement mercions, nous ouffrant à le déservir. Ou surplus, avoir ouys la lectre testimoniale que le conseil épiscopal a donné aux dicts nous ambassadeurs et Farel, entendons que le dit conseil ayt quelque suspition que lesdits ambassadeurs soyent subornés par aultres que par nous, et davantage qu’eulx et ledit Farel soyent fugis de Lausanne, comme aulcuns soy ventent. A ceste cause, magniffiques seigneurs, vous prions trèsacertes, depuis qu’estes bien informé de tout l’affaire et aulcun de vous ont tenuz compaignie auxdicts nous gens et aussy tous ensemble veuz la crédence de nous dits ambassadeurs, que soit de vostre bon plaisir de mectre en effet et lectre testimoniale desoub vostre scel tout le cas comme ilz est passé, et testifié se ledit Farel est convencuz par son adversaire et s’ilz n’az vouluz maintenir sa doctrine que confesse et prège. En ce faisant et ladite lectre testimoniale nous envoyant par présent pourteur, nous ferés très grand plaisir, gratuité et service à récompenser, aydant Dieuz, auquel prions que vous doint prospérité. Datum XXIV junii anno XXX.
» L’advoyé et conseil de la ville de Berne. »
Suscription : Aux nobles, magniffiques seigneurs gouverneurs et conseil de la cité de Lausanne, nous grands amys et trèschiers combourgeoys.
(Archives de Lausanne EE, 827. Lettre originale avec le sceau de Berne plaqué.)
Le conseil de Lausanne répondit le 27 juin, en se contentant de /106/ dire que Farel avait offert de prouver la vérité de sa prédication, mais qu’on ne lui avait point répondu; il s’en référait du reste à la lettre du conseil épiscopal.
Peu de temps après, on retrouve Farel dans l’évêché de Bâle, puis à Neuchâtel. (Voyez Ruchat, II, pag. 272; Herminjard, loc. cit., II, pag. 253-257. On ne donne ici que le texte des lettres qui n’ont pas été déjà publiées par M. Herminjard.)
Les Bernois vont au secours de Genève et mesures prises à Lausanne.
1530. 4 octobre. – Fuerunt electi debere ire obviam dominorum Bernensium et aliorum apud Eschallens, videlicet, nobilis Franciscus de Prez et G. Gumini. Quiquidem domini Bernenses et Friburgenses vadunt Gebennas, ad eosdem de Gebennis succurrendos, ex eo quod sunt evasi per illos de Foucignyez et alios de patria Sabaudie.
1530. 9 octobre. – Fuit facta crida per Glaudium Bachoux, cridam ville, per loca solita per villam, prout sequitur. Tenor cride : L’on vous faict assavoir, de pars nostre reverend seigneur de Lausanne et de pars messeigneurs les nobles et bourgeoys, que nul ne soet si hardi de aller dehors de Lausanne ny de laz Terre, pour aller en guerre, ny auci pour butiner, ny soubtrayre butineman pris par aucuns de Lausanne ny des ressors; et cecy dessus la poenne d’estre pendu sans marci avoir.
1530. 16 octobre. - Die dominica festi S. Galli, in cero post septimam horam, fuit congregatum consilium, in quo tunc venerunt unus ambassiator parte proborum hominum de Villarsel et mistralis de Granges, ressorti de Villarsel, petentes et requirentes sibi dari protectionem et /107/ salvamgardiam communitatis Lausanne, videlicet arma communitatis et nonnullos ex dominis consiliariis, propter transitum armigerorum dominorum Bernensium et Friburgensium, qui ibant Gebennas ad eosdem succurrendum contra nobiles de laz culiez, offerentes se velle esse et esse debere ut ceteri homines terre ecclesie et bene vivere cum illis de Lausanna.
Item, fuit deliberatum ire debere die lune crastina cum officiariis rev. dom. Sebastiani de Montefalcone, episcopi Lausannensis, ad castrum S. Marii, ad visitandum jura existentia in crota castri, et ipsis visis et visitatis debere in ipso castro permanere pro custodia dicti castri; et fuerunt electi pro visitacione nobilis Franciscus de Prez, J. de Sto Ciriaco, dom. B. Raveri, Petrus Curnillion, G. Gumini, Ste. de Fluvio, G. Ravinel, borserius, qui ipsa visitarunt.
Item magis, eodem anno et tempore, dom. canonici comparuerunt in consilio et coram ven. dom. consiliariis communitatis Lausanne et pecierunt atque requisierunt dom. consiliarios, quatenus eisdem darent et eligerent burgenses et socios communitatis pro custodia et conservacione platearum suarum, scilicet Sti Prothasii, de Essertines et Dompni Martini, sumptibus eorundem dominorum canonicorum. Qua peticione et requisicione audita et facta, fuerunt electi burgenses et socii in qualibet platea et eisdem dati, ut armigeri transeuntes et redeuntes nullum forragiamentum et dampnum in dictis plateys et habitantibus in eisdem non facerent. Quod ita fuit, mediante dicta custodia.
Item, pariter fuerunt missi parte communitatis burgenses ad castrum de Lucens pro custodia dicti castri. /108/.
Item, eodem anno et tempore dom. canonici et presbiteri Lausanne refugiebant eorum bona in domibus burgensium et laycorum Lausanne et non in ecclesiis, quia timebant se esse forregiatos per dictos armigeros in redditu Gebennarum, per illos qui de dicta armata erant luteriani.
1530. 20 octobre. — Comparuerunt ven. viri domini Franciscus Maioris vicarius et Ludovicus Bruneti, canonici, parte ven. capituli, dicentes et petentes consilium, an debeant abscondere eorum thesaurum et reliquias ecclesie cathedralis et si debeant portare processionem solempnem propter armigeros transeuntes.
1530. 27 octobre. - Comparuerunt ven. dom. F. Maioris, Fr. de Vernetis et Lud. Bruneti, canonici, parte ven. capituli, dicentes et requirentes, quatenus placeat dominacionibus nostris ven. consilii debere facere vacuare et habandonare eorum plateas, scilicet Sancti Prothasii, de Essertines et Dompni Martini et nullos in eisdem dimictere.
Similiter comparuerunt duo domini ambassiatores de Adventhica, exponentes et conquerentes de reverendo domino nostro, ex eo quod nulla nova habuerunt de eodem, durante transitu et redditu armigerorum dom. Bernensium et Friburgensium, quia erat absens a patria; et de pluribus aliis rebus conquesti sunt.
1530. 31 octobre. - Comparuerunt coram dominis consiliariis duo dom. ambassiatores ex dom. Bernensibus et duo ex dom. Friburgensibus, missi parte superiorum suorum, qui, post recommandaciones debitas, proposuerunt et dixerunt se velle videre omnia bona mobilia forragiata tempore guerre de laz culie, ad fines eadem reddendi /109/ et restituendi illis quibus debebuntur reddere et restituere. Et fuit electus prov. vir Stephanus de Fluvio cum dictis ambassiatoribus.
1530. 3 novembre. - Fuit congregatum retroconsilium ad postulacionem ven. capituli, coram quibus retroconsiliariis comparuerunt dom. officialis, domini Jo. Musard, magister fabrice, Franciscus de Vernetis, celerarius et Joh. de Bioleys, canonici, dicentes et proponentes dimicti et relaxari atque vacuare eorum plateas, penitus et omnino, sine dimictendo nullam personam; nec non petentes eciam remicti certam artiliery aportatam a platea Dompni Martini.
Fuit conclusum ad huc custodire dictas plateas, donec et quousque fuerit tenta jornata et finita. Quoad l’artiliery, quod volumus ipsam reparare et remontare, quia quando est in villa manet pro deffensione bonorum et personarum dicti ven. capituli.
1530. 17 novembre. - Comparuerunt domini Victor Vullieri, Joh. Francisci, G. Baleyson, P. Barrilliet capellani, parte ven. cleri Lausanne, regratulantes et gracias reddentes ven. consilio de bona pena et laboribus per ven. consilium adhibitis erga capiteneos dom. Bernensium et Friburgencium, ut faciant redire armigeros per alium locum quam per Lausannam.
1530. 29 décembre. - Fuit deliberatum debere restituere et reddere unum orologium religiosis Morgie, quod orologium cum certis aliis rebus fuit eisdem forragiatum per armigeros Alemanorum euntes Gebennas contra nobiles de laz culiez, post festum S. Michaelis archangeli. /110/
1531. 5 janvier. - Comparuit prov. vir Michael Frossard secretarius Melduni, parte dom. ambassiatorum ill. dom. ducis Sabaudie regredentium a jornata Paterniaci, qui presentavit certas literas parte dictorum ambassiatorum nec non dominorum ligarum, quatenus habeamus reddere et remictere plateas et castra ven. dominorum de capitulo Lausanne, et hoc mediante legitima satisfacione expensarum factarum fienda.
On n’entrera pas dans le détail de la campagne entreprise en octobre 1530 par Fribourg et Berne contre le duc de Savoie et les gentilshommes de la Cuiller, pour la délivrance de Genève, et qui se termina par la paix de Saint-Julien, conclue le 19 du même mois. On trouve dans tous les historiens vaudois et genevois le récit de cette expédition de quelques jours, où les bandes bernoises et fribourgeoises, fortes de 12 à 15000 hommes, parcourant le Pays de Vaud, en passant par Echallens et Morges, le dévastèrent, pillèrent les églises, saccagèrent et brûlèrent les châteaux, comme elles l’avaient fait cinquante ans auparavant pendant les guerres de Bourgogne.
On se bornera à parler du rôle que joua la commune de Lausanne dans ces circonstances, et, comme les articles ci-dessus du manual nous disent à peu près tout ce qu’on sait de ce rôle, on ne fera guère que résumer ces articles.
Les gens de Lausanne se joignaient volontiers aux bandes suisses qui passaient souvent pour guerroyer à Genève, mais soit l’évêque, soit le conseil, interdisaient ces expéditions de corps francs qui partaient de Lausanne sans l’aveu des autorités. Déjà le 21 février de l’année précédente, la commune assemblée avait résolu que nul ne sortirait de la ville pour aller à la guerre de Genève, à moins que ce ne fût avec la permission du conseil et pour suivre régulièrement les Bernois et les Fribourgeois.
Cette fois-ci encore, on publie la défense expresse, sous peine de pendaison, aux gens de Lausanne et du ressort, de se joindre à l’expédition. Comme on ne trouve aucune trace d’un /111/ contingent régulier de troupes fourni à l’armée, il est permis de conclure, d’après le texte, que les Lausannois étaient surtout attirés par l’appât du butin.
Officiellement, le conseil se contenta d’envoyer du pain et de l’avoine à l’armée pendant son séjour à Morges et à faire allumer un feu sur Monloz (probablement Manlou) « pour ung signe à ceulx de Genesve, pour voyr ce ceux de Genesve le pourroyent voyr. » (Comptes de la ville.)
Les villages qui étaient sur le chemin des troupes avaient eu beaucoup à souffrir de leur passage; aussi, en prévision de leur retour, firent-ils des démarches pour être protégés. Villarsel, qui appartenait à l’évêque, et Granges, qui appartenait au chapitre, supplièrent le conseil de Lausanne de les prendre sous sa protection et d’y faire apposer les armoiries de la ville. On espérait que ces insignes d’une ville combourgeoise seraient respectés par l’armée de Berne et de Fribourg.
Le chapitre fit la même requête pour ses places de Saint-Prex, Essertines et Dommartin; le conseil y envoya des hommes pour les garder, ainsi que dans les châteaux de Lausanne et de Lucens qui appartenaient à l’évêque. Les comptes de la ville nous apprennent que les armoiries de Lausanne furent « affigées et peinctes » en ces divers lieux.
En allant à Genève, l’armée alliée avait évité de passer par Lausanne, qui était ville combourgeoise et qui d’ailleurs n’était point sujette au duc de Savoie, contre lequel se faisait la guerre. Mais on craignait beaucoup que ces bandes, échauffées par leurs excès et par leur butin, n’y passassent à leur retour et n’y commissent leurs excès accoutumés.
Aussi le chapitre et le clergé cachaient-ils leurs effets précieux dans les maisons particulières plutôt que dans les églises, qui risquaient d’être pillées par les hérétiques de l’armée, et ils parlaient de mettre en sûreté les reliques des saints conservées dans la cathédrale, et de faire des processions solennelles pour implorer la protection divine.
Mais, grâce aux efforts du conseil (voy. art. du 17 novembre), l’armée ne passa point par Lausanne à son retour. (Elle quitta Genève le 20 octobre.) Le chapitre se rassura, et, dès le 27 octobre, /112/ demanda la restitution de ses places de Saint-Prex, Essertines et Dommartin, que le conseil avait fait occuper à sa prière. Mais malgré la demande du duc de Savoie, présentée le 27 novembre par Aymon de Lullin, bailli de Vaud, la ville de Lausanne refusa de céder ces places avant la décision qui devait intervenir à Payerne, où une diète suisse avait été convoquée pour le jour de la Saint-André, 30 novembre, afin de régler certains points du traité de Saint-Julien. Cette diète se prolongea jusqu’à la fin de décembre, et, le 5 janvier suivant, sur le vu de lettres envoyées par les ambassadeurs de Savoie et messieurs des ligues, le conseil de Lausanne restitua ces places au chapitre, moyennant payement des frais d’occupation.
Je ne crois pas que le recez de la diète fasse mention de cette affaire des places du chapitre; il est probable qu’elle fit l’objet d’une convention privée entre les ambassadeurs du duc de Savoie et les membres de la diète.
La ville reçut plus tard du chapitre 200 écus d’or pour la garde des places du chapitre, comme on le voit par les articles suivants des comptes de la ville :
Premièrement, de messieurs de chappitre receu par la main de discret homme Pierre Curnillion, lesquel chapitre az donné à la dicte vile à l’ocasion que les nobles citoiens de Lausanne leur avoient gardées leurs places, comment Saint Prest, Essertines et Dompmartin, du temps de la guerre que fassoient les gentilz de la culie à ceulx de Geneve, laz sume de cent escus, valent chescun L sols, monte … IIIIc XVI flor. VIII sols.
» Item, de noble George Maillardo de Granvault, pour le dict chappitre semblable summe, monte IIIIc XVI flor. VIII sols. »
Il faut remarquer enfin que les Fribourgeois, quelque bons catholiques qu’ils fussent, se distinguèrent surtout dans le saccagement des églises et des maisons religieuses, et que l’armée confédérée pilla tellement tout le pays, ainsi que Genève et les environs, qu’on expédiait par le lac à Lausanne de nombreuses barques chargées de butin. (Tillier, Geschichte Berns, III, 292.) C’est ce qui explique la députation envoyée à Lausanne par les conseils de Fribourg et de Berne pour faire restituer le butin enlevé par leurs bandes indisciplinées. /113/
Henri de Cojonay.
1531. 1er février. - Fuit congregatum consilium et retroconsilium numero LXta hominum, de mane hora octava, ad postulacionem nobilis Henrici de Coionay, domini sancti Martini Quercus, super eo videlicet quod idem nob. Henricus petebat sibi largiri et dari salvum conductum posse ibidem permanere per tempus trium dierum proximorum, ad purgandum per eundem nob. Henricum de Coionay certa verba de quibus est oneratus. Fuit per prefatum consilium et retroconsilium deliberatum, saltem per maiorem partem, posse ibidem permanere die mercuri, jovis et veneris tantum et non ulterius a date presencium.
Voyez les articles du 25 juillet 1524 et du 3 juin 1527.
Henri de Cojonay, seigneur de Saint Martin-du-Chêne, ayant été l’un des principaux chefs de la ligue de la Cuiller, avec son beau-frère, Michel Mangerod, baron de La Sarra, était fort compromis vis-à-vis des Bernois et des Fribourgeois, et très probablement en fuite depuis le traité de Saint-Julien.
Le manual nous apprend qu’il demande un sauf-conduit au conseil pour venir à Lausanne pendant trois jours, afin de se purger d’une accusation qui pesait sur lui. Il était accusé d’avoir prononcé des paroles injurieuses, il n’est pas dit contre qui, mais d’après la suite et un passage des recez fédéraux (Eidgenöss. Abschiede, tom. IV, I, b, pag. 1558), il est à présumer que c’était contre les villes de Berne et de Fribourg. La majorité du conseil lui accorde sa demande pour trois jours seulement.
On sait qu’il avait acheté le château de Menthon, situé dans le quartier de la Cité à Lausanne. Quoique le manual ne le dise pas, il est certain que le conseil y avait placé, comme dans les autres châteaux des terres de l’évêque, une garde pour le préserver du pillage par l’armée revenant de Genève. En effet, on lit dans le manual que, le 27 avril 1531, Matthieu Auverniaz, le /114/ menuisier, est présenté au conseil pour demeurer dans le château de Menthon; il reconnaît tenir de la commune le château et dix-huit clefs, et promet de restituer le tout au bourgmestre à première réquisition.
Le jeudi 7 septembre, Henri de Cojonay demanda au conseil de lui rendre son château que « la commune tenait en garde. » Le rière conseil, convoqué le dimanche suivant pour en délibérer, décida qu’on ne restituerait le château à son propriétaire que sur le vu d’un certificat des seigneurs de Berne et de Fribourg, portant qu’il avait fait la paix avec eux, et d’une attestation de quatre capitaines bernois qui prétendaient avoir certains droits sur le château, par suite de la guerre des nobles de la Cuiller et y avaient fait apposer leurs armoiries.
Maître Matthieu Auverniaz rapporta au conseil les clefs du château le 30 avril 1532, et, le 7 mai suivant, Henri de Cojonay offrit de payer à la commune, pour la garde de son château, 400 florins, en quatre termes annuels de 100 florins.
On lit, en effet, dans les comptes de la ville : « Receu de noble Henri de Gojonay, seigneur de Monsrichie, par la main du sieur George dou Crest, à l’ocasion que on luy avoit gardé son chasteaul de Menton, cent cinquante florins. »
Quoique cet article figure à la fin du compte de 1530-31, cette somme ne fut évidemment payée que beaucoup plus tard, puisque Henri de Cojonay y est qualifié de seigneur de Montricher et qu’il n’acheta cette seigneurie qu’en 1533.
Voyez, sur Henri de Cojonay, les Mémoires de Pierrefleur, pag. 11, 12.
Message du roi de Bohême au sujet d’une croisade contre les Turcs.
1531. 27 février. - Comparuit in consilio unus ambassiator regis Ferrandoz, presentans literas credencie parte prelibati regis Ferrandoz et Boemie, exponens nefandas et pessimas execraciones factas per Turcum christianis a pauco tempore citra; videlicet, quod omnes homines et pueros atque mulieres antiquas occiderunt, prenantes /115/ evisceraverunt et alias puellas et vultu pulcras nephando peccato luxurie vituperarunt et hoc facto illas occiderunt; petens propterea auxilium.
1531. 16 mars. – Super cruciata ponenda pro subveniendo cristianis, fuit deliberatum et conclusum illam debere dimictere ponere, cum illi resistere non possimus; eo non obstante, quod quis voluerit dabit, et quod fiant processiones.
Ferdinand, frère de Charles-Quint et roi de Bohême et de Hongrie, était en guerre avec les Turcs et cherchait à lever des subsides dans toute la chrétienté. On voit que son ambassadeur eut peu de succès à Lausanne. Il paraît n’en avoir pas eu davantage à Genève, ni auprès des cantons suisses. (Voyez Grenus, Fragments, pag. 171, et Abschiede, IV, I, b.)
Secours à Fribourg et à Berne.
1531. 7 avril. - Hora prima post meridiem fuit congregatum consilium, deliberaturi super duabus litteris per magnificos dom. de Friburgo consilio communitatis transmissis, continentibus ut habeamus eligere decem haquebutier et eisdem magn. dominis mictere et hoc incontinenti visis dictis litteris, ad dandum auxilium et favorem lige grisee contra ducem de Mus, et fuerunt electi sequentes, primo Paulus Ansel, Blasius Forneys, Jaquemoz Tivel, Glaudius Gagnyon dictus Buoboz, Petrus Udri, Anthonius Seppon dictus Fo, Guillermus Volam dictus Lamfredam, Johannes Chapuys dictus Bragard, Petrus Marguerat, Anthonius Arsens de Friburgo nunc residens Lausanne, qui quidem socii colovrinerii fuerunt missi sabbati sancta, sumpto prandio. /116/
1531. 11 avril. — Fuerunt congregati omnes burgenses, deliberaturi super una littera parte magnificorum dominorum Bernensium missa, continente ut habeamus eligere octuaginta haquebutier eisdem mictendos, quando mandabunt mictendos ad juvamen supradictorum, et hoc vigore comburgencie.
Post vesperas, parte consilii, retroconsilii et duorum centum, fuerunt in capitulo nonnulli electi proponentes ven. dom. canonicis quod magn. dom. Bernenses et Friburgenses mandaverunt litteras ut habeamus eligere centum haquebutier eisdem mictendos, petentes quinque centum scuta auri ad sustinendum socios mictendos.
Item, dominis de clero fuit ita propositum, petendo propterea ducenta scuta auri.
Les historiens suisses racontent avec assez de détails les expéditions que firent la plupart des confédérés pour aller au secours des Grisons, dans leur querelle avec Jacques de Medici, marquis de Musso.
En avril 1531, Berne envoya 1500 hommes, sous le commandement de H.-F. Nägeli; Fribourg 500 hommes sous F. de Praroman; et, en vertu des traités, ces deux villes s’adressèrent à Lausanne, leur combourgeoise, pour qu’elle fournît un contingent.
Le vendredi saint, 7 avril, Lausanne reçut de Fribourg la demande de dix arquebusiers, qui partirent déjà le lendemain. Ils furent présentés à Monseigneur l’avoyer de Fribourg par Jehan Borgeys, conseiller de Lausanne. Ces dix Lausannois étaient Paul Anicel dit ou Lyon, dixenier; Blaise Pernaud, autrement Forney; Jaquemod Thivel, Pierre Udry, Guillaume Volant, Claude Gagnyon, Antoine Sepon, Jean Chapuys, Antoine Arsens, Pierre Marguerat 1 . Ils furent absents pendant deux mois. Cette petite expédition coûta à Lausanne 241 livres 16 sols. /117/ Ces dépenses furent remboursées par Fribourg, du moins certainement en partie, car, dès le 1er juin de la même année, le boursier de cette dernière ville fit tenir à celui de Lausanne 31 écus d’or, comme acompte sur les frais de ce contingent.
Le mardi suivant, 11 avril, le conseil de Lausanne reçut une lettre du conseil de Berne, demandant qu’on tint quatre-vingts arquebusiers prêts à partir à la première sommation. Il ne paraît pas que ce nouveau contingent se soit mis en marche, car je ne crois pas que les comptes de la ville en fassent mention. D’ailleurs la lettre de Berne qui est du 8 avril, dit expressément que ses troupes étaient déjà parties, mais qu’on voulait se tenir prêt à toute éventualité. Voici la teneur de cette lettre :
« Nobles, magniffiques seigneurs, singuliers amys et trèschers combourgeoys. Apprès qu’avons envoyé secours et ayde à noz confœdérés de la ligue grise contre le marquis de Müs, nous convient de nous mettre à plus grosse puissance en ordre, affin que, si nécessité survenoit, que fussions pourveus pour résister a noz ennemis; sur quoy avons faict élection de huict mille hommes de guerre, dont vous en vigeur de la bourgeoysie qu’avés avec nous admonestons, et requérons de élire entre vous octante hommes colovriniers, bien accoustrés et pourveus de toutes choses convenables et nécessaires en guerre; et les tenir ainsi prests, quand nous les cy apprès requerrons d’ensuivre nostre bannyère et armée, que incontinent ilz marchent pour satisfaire au debvoir que en cestuy endroict avez à nous. Ce faisans nous ferés plaisirs, en cas semblable à reveoir, aydant Dieu, auquel prions qu’il vous ayt en sa saincte garde. Datum vigilia pasce anno 1531.
» L’advoyer et conseil de Berne. »
(Archives de Lausanne EE., 828. Copie contemporaine.)
Se voyant exposés à de fortes dépenses, le conseil et les Deux Cents de Lausanne demandèrent au chapitre d’y contribuer pour 500 écus, et au reste du clergé de la cathédrale de vouloir bien fournir 200 écus.
Le clergé répondit qu’il n’avait pas d’argent comptant, mais que W. de Praroman, demeurant à Echandens, lui devait 400 flor. et que cette somme était à la disposition du conseil. /118/
Le chapitre, quoique plus riche, refusa de rien contribuer, prétextant qu’il avait fait beaucoup de dépenses pour la commune, auxquelles il n’était pas tenu, pour les conduits d’eau et pour la route du Pavement, que la ville avait exigé de lui l’impôt du vin et du blé comme aux laïques, qu’on avait fait des orgues et réparé la cathédrale, que d’ailleurs la ville détenait toujours les places fortes de Saint-Prex, Dommartin et Essertines depuis le temps de la guerre de la Cuiller; bref, qu’il n’avait pas d’argent et n’en voulait point donner (se excusantes non habere pecunias et nullas velle dare pecunias). Sur ce refus, la ville demanda au chapitre d’équiper cinquante de ses sujets et de les entretenir (sudeyez) pendant toute la durée de leur service militaire. Cette difficulté finit par s’arranger quelques mois plus tard. Le chapitre promit de payer 200 écus d’or et la ville rendit les places fortes de Saint-Prex, Essertines et Dommartin. (Voyez la note sur les articles du 4 octobre 1530 au 5 janvier 1531.)
Election de Bourgmestre.
1531. 3 septembre. - Ducentum elegerunt in burgum magistrum pro anno futuro egregium virum dominum Joh. de Sto Ciriaco presentem, qui acceptavit et prestitit juramentum solitum super sacro sancto canone genibus flexis 1 .
Préparatifs de défense.
1531. 18 octobre. - Fuit congregatum consilium retroconsilium et ducentum, qui deliberaverunt quod unus /119/ quisque habitator Lausanne habeat se munire baculo apto ad deffensionem armorum, et voluerunt quod quisque recusans possit pignorari pro tribus solidis per ejus banderetum, et ad hoc se astrinxerunt.
Impôt pour la guerre de Cappel.
1531. 29 octobre.- Pro gieto uno imponendo. Fuerunt simul congregati de mane hora septima, per sonum campane, ut est moris, consilium, retroconsilium et ducentum, in domo communitatis sita in Palude, visuri et deliberaturi pro modo habendi et exigendi peccunias ad subveniendum et succurrendum neccessitatibus communitatis nunc occurrentibus et urgentibus propter guerram nobis minas inferentes (sic) et jam penes et inter confederatos inceptam et vigentem. Propter quod fuit deliberatum et conclusum debere facere et imponere unum gietum rationabile per ven. consilium et electos parte retroconsilii et duorum centum videndum et terminandum secundum quod eisdem videbitur imponendum et ordinandum … Quiquidem electi comparuerunt die dominica crastinum S. Martini in domo communitatis et fecerunt atque ordinaverunt gietum prout in papiro et roleto banderiarum continetur pro maioribus, VIII floreni; pro mediocribus, VI floreni; pro terciis, IIII floreni; pro ultimis, II floreni 1 .
1531. 20 novembre. – Fuerunt tradite Francisco Souvey, de pecuniis gieti recuperati per villam a burgensibus et aliis, videlicet LXX quatuor scuta auri, inclusis octo florenis monete, portanda et expedienda sociis burgensibus /120/ existentibus in guerra in favorem magnificorum dominorum Bernensium contra quinque cantonos inferiores appellatos les lendes 1 .
Au mois d’octobre 1531, la guerre religieuse sévissait entre les cantons suisses. Deux fois dans le courant de ce mois, le 11 à Cappel, le 24 à Goubel, les cantons protestants, Zurich surtout, essuyèrent des défaites désastreuses.
Déjà, le jour même de la bataille de Cappel, le conseil de Berne avait envoyé à ses coreligionnaires un secours de 6000 hommes sous les ordres de Sébastian de Diesbach. En même temps il prépara, sous les ordres de Jean d’Erlach, avoyer régnant, une seconde armée, pour le recrutement de laquelle il réclama les contingents de ses alliés et combourgeois. Je n’ai pas retrouvé la lettre par laquelle le conseil de Berne demande un contingent lausannois, mais il y a lieu de croire d’après Pierrefleur (pag. 69) et d’autres historiens, que Berne avait demandé quatre-vingts hommes. Le conseil de Lausanne paraît ne pas avoir été en mesure de fournir tous les soldats demandés, car on voit par le manual et les comptes de la ville que quarante-sept hommes seulement, outre quatre chefs, partirent le 13 octobre pour rejoindre l’armée bernoise à Zofingen.
On lira peut-être avec intérêt l’article textuel du compte qui donne les noms de ces hommes :
« Sensuys le Rolez des nobles, citoiens et habitans de Lausanne, ensemble de leurs resors, lesqueulx on esté esleu par les nobles citoyens de Lausanne aut mandement des magniffiques et puyssans seigneur, messieur de Berne, nous combourgois, lesqueulx nobles citoyens et bons compagnon, comment filz de obédience desirans le honnour, proffit et utilité de une cité de Lausanne, on de très bon cueur arrêter et prins poenne à deligentement fayre leur honnour, on estés envoyés aut second mandement de dessus nommés seigneur, par le commandement des /121/ nobles citoiens, avesque la trèspuyssant et bien équipée armée de Berne, lesqueulx seigneur de Berne nous compagnyons on en grande amour et benignité receu, et les dict compagnyon son aller à la guerre à Chauffiguer avesque la seconde armée de Berne et on demourer ung moys et sexe jours, et commensarent le vendredi XIII de octobre l’an mil Vc XXXI, de laqueule élection furent éleu officier touchant train de guerre ceulx que s’ensuyvent.
» Et premièrement futz éleu pour capitaine noble Michel Jouctens, citoyens de Lausanne.
» Lyeutenant du capitaine et gouverneur et conducteurs des compagnyons desoubescript, le seigneur Anthoenne Bovart, orfèvre et citoyent de Lausanne.
» Le banderet et pourteur d’enseygnyz, noble Francoy de Praroman, citoyent de Lausanne, conseigneur de Chapelle.
» Lyeutenant de banderet, le seigneur Francey Clavel, citoyent de Lausanne.
» Forier, le seigneur Dominique Carrad.
» Francey, fils de Roz Daux; Francey, fils de Guillaume Genecve; Pierre Malagnye; Denys Porcellet; Joham Suser; Jaque Bugnyon; Beney Saulgyz; Jaque Panyz; Blayse Quiboulaz; Pierre Marguerat; Hanse Barbier; Pierre Douzfort; Andrey Piccard; Jaque Bally; Loys Marugley; Joham de Lalex; Joham de Vilard; Hugonyn David; Claude Mennye; Claude Miliquet; Emoz Vuaulx; Claude Douzport le joenne; Claude Duport l’ancien; Joham Moennoz; Germain Ravissod; Joham Tondu; Jaque Burdet; Claude Séchaux; Jo. Gignylliod; Loys Gachet; Francey Perret; Joham Boctens; Francey de Myevilaz; Jaques Berod; Claude Grepin; Claude Bugnyon; Germain Pagnye; Esthienne Tollonaz; Joham Fiaz; Francey Guex; Joham Fontannaz; Claude Dou Pra; Claude Gomoz; Mermet Cybuex; Nycod Parisod; Amey Doupin. »
Comme on le voit, le contingent lausannois aurait été absent un mois et seize jours, et serait donc rentré environ le 30 novembre. D’après une note écrite à la fin d’un compte, cette /122/ expédition coûta 1158 livres 1 . Comme on le voit par l’article du 20 novembre et par plusieurs autres semblables du manual et des comptes, François Souvey voyageait constamment entre Lausanne et le camp bernois pour porter de l’argent aux troupes lausannoises. Malheureusement je n’ai pas trouvé de détails sur le genre de vie que ces hommes menaient au camp. Quelques item des comptes montrent qu’ils ne se faisaient pas faute de banqueter. La lettre suivante du conseil de Berne prouve que, sous d’autres rapports, la conduite des Lausannois n’était pas exemplaire :
« Nobles, magnifficques seigneurs, singuliers amys, trèschiers et féaulx combourgeoys. Nous vous avons desja une ou deux fois escript en faveur de Rudolff Teschler de Zoffingen, nostre soubjectz, à cause de sa femme, laquelle vous gens que sont esté à la dernière guerre audit lieuz luy ont emminez. Surquoy ilz est allé par dever vous, icelle cuydant raminer et en la emminant vint le fils du burgimaistre et la lui a print par force, qu’est chose bien estrange. A ceste cause vous prions luy vouloir administrer bonne et brieffve justice contre s’adverse parthye, en sourte que puisse entendre ceste nostre recommendation luy avoir bien prouffitez, et que l’on n’ayt occasion de disre que vous laissés tieulles violences aller sans en faire punition. Datum XVa Januarii anno XXXIIo.
» L’advoyer et conseil de Berne. »
Suscription : Aux Nobles, magnifficques seigneurs, Burgermeyster et Conseil de Lausanne, nous singuliers amys, trèschiers et féaulx combourgeoys.
(Archives de Lausanne EE, 827. Lettre originale avec le sceau de Berne plaqué.) /123/
Le 24 octobre, le conseil de Berne envoya à Aigle, sous le commandement de Hans-Franz Nägeli, un corps de deux mille hommes pour surveiller les Vallaisans, qui avaient pris le parti des cantons catholiques. Par la lettre suivante, il demanda au conseil de Lausanne un contingent de 50 coulevriniers pour cette expédition :
« Nobles, magnifficques seigneurs, etc. Nous vous avons desja paravant admonestés, que quant nous confédérés de Valois vouldrient assallir nostre seigneurie Daillie (d’Aigle), que leurs deussiés estre en ayde et seccours, et pource que de présent ont entreprins de l’invadir et assallir, avons faict élection de deux milles hommes avecq nostre enseigne et sumes délibéré de sourtir demain du matin, sur lequel nombre vous avons injoinct cinquantes coulovreniers, lesquelz vous, en vigeur de la combourgeoysie qu’avés à nous, à nous admonestons lesdits à toute diligence envoyé le droict contre Gruyère et dès Gruyère en Aillie, sans attendre nostre enseigne. En ce nous ferés grand plaisir, en cas semblable à revoir, aydant Dieu, auquel prions vous ayt en sa saincte garde. Datum en grosse haste lundy XXIIIa octobris anno XXXIo.
» L’advoyer, Conseil et Bourgeoys de la ville de Berne.
Suscription : Aux Nobles, magnifficques seigneurs, Burgermeyster et Conseil de Lausanne, nous singuliers amys, trèschiers et féaulx combourgeoys.
»En haste, haste, haste, haste. »
En marge : Recepta fuit mercuri XXV octobris Vc XXXI.
(Archives de Lausanne EE, 829. Lettre originale, avec le sceau de Berne plaqué.)
Le conseil de Berne faisait passer ce contingent par la Gruyère (le Pays-d’Enhaut), probablement parce qu’il craignait que le châtelain de Chillon ne lui barrât le passage plus direct le long du lac, malgré les négociations entamées à ce sujet avec un ambassadeur de Savoie qui se trouvait à Berne. (Abschiede IV, I, b, page 1196.) /124/
Le conseil de Lausanne n’envoya que trente-trois hommes, suivant le rôle suivant extrait des comptes de la ville :
« S’ensuys le rolez des nobles citoyens et habitans de Lausanne et du resors d’icelle, lesqueulx on estés éleu par les nobles citoyens de icelle et on esté mandés en Allie pour soyt aider az garder le pays des magniffiques et puissans seigneur messieur de Berne nous comborgois :
» Et premièrement az esté esleu pour capitaine par messieur de conseil de Lausanne, Noble Ennable de La Cour, citoyent de la dite cité de Lausanne.
» Claude Tivel; Roz dou ruz; Johan Jordan; Aymé Duret; Roz Anthoenne; Johan Giddey; Pierre Vaulard; Beney Grilliet; Claude Branchyz; Claude Cuenod; Anthoenne Bichet; Claude Mollerat; Anthoenne Pavissod; Andrey Charle; Jaque Parrot; Pierre Manthel; Pierre Ramel; Francey Giddey; George Pernaud; Johan Aguet; Guilliaume Villard; Pierre Parrot; Loys Bovey; Pierre Conriard; Claude Guedon; Claude Besson; Claude Martin; Jaques Frinson; George Viletaz; Charle Rey; Michie Baud; Baptistaz Dou mont; Bertrand, fiffert, … lesqueulx on estés en Alie et par le chemyn le temps de quinxes ou sexe jours….. »
Cette expédition coûta 196 livres 8 sols.
C’est pour subvenir aux dépenses de ces trois contingents pour Musso, Zofingue et Aigle, que le conseil décida l’imposition ou giète extraordinaire mentionnée dans le texte à la date du 29 octobre.
Il n’est pas possible de savoir par les comptes du boursier, qui sont assez confus, quel fut le produit de cette giète. On y voit mentionné le don gracieux qui suit, mais le terme même de don gracieux n’autorise pas à le considérer comme produit de l’impôt.
« Item az receu par ung domp gracieux faict par les nobles citoyens et habitans de Lausanne pour supporter les charges d’une vile de Lausanne du temps que nos gens estoient à la guerre à Chaufingue et ausi en Alioz et à Mus : /125/
| » Premyerement de monsr le banderet Sodal pour la Cité | LIII flor. IV sols. |
| » De messr G. Grant et G. Gendron pour La Palud | VIxx Vflor. I sol. |
| » De seignr G. Bosson et S. Buet pour Le Pont | cent XVII flor. |
| » Du seignr E. Grant et B. Frontonex pour Bourg | LXXV flor. |
| » Du seignr L. Bouf et G. Dou Crest pour Sainct Laurent | cent flor. |
| » Item, de Anthoni Grant tam comment recepvour de marciations de bans faict à nostre bois | LIV flor. |
| » Item, du priour de Sansulpis par la main de Jacobe son chastellain | XXXVI flor. |
| » Summa 3c 36 livres 5 sols. » |
Plainte sur la monnaie.
1531. 14 décembre. – Fuit deliberatum et conclusum debere mictere ambassiatores ad magn. dominos Bernenses et Friburgenses super facto magistri monete Lausannensis qui semper cudit monetam.
Item, super duodecim juratis habendis pro curia temporali et fuerunt electi Dom. Benedictus Raveri et egregius Petrus de Sancto Ciriaco.
Après Ruchat et M. Arnold Morel-Fatio, il est difficile de découvrir quelques informations nouvelles sur les dissensions qui s’élevaient continuellement entre l’évêque Sébastien de Montfalcon et ses sujets, à propos de la monnaie. Les manuaux du conseil sont extrêmement sobres de détails sur ces disputes. Cependant je tiens à faire ressortir l’exactitude des renseignements qu’on trouve dans l’Histoire de la réformation de la Suisse de Ruchat, sur les démêlés occasionnés en 1531 par les mauvaises monnaies de l’évêque de Lausanne. (Voyez tom. III, pag. 52, 53.) /126/
Par les Recez des Diètes (Abschiede, IV, I, b, pag. 888, 921, 950, 1243) et par les comptes de la ville, on voit que dès le 23 janvier 1531 le conseil de Lausanne se plaint à celui de Berne que l’évêque bat de mauvaise monnaie, que, tout en prétendant être d’accord avec les trois Etats de la ville, il essaye de leur cacher ses méfaits.
Le 27 mars, les députés de Berne, Fribourg et Soleure ont une conférence à Lausanne, avec les maîtres monnayeurs de Bâle, Zurich et Sion, afin de faire l’essai des monnaies de Sébastien de Montfalcon.
A la suite de cette conférence et après une marche à Payerne, sur le conseil de leurs combourgeois, les citoyens de Lausanne font saisir (à Cuarnens ?) et emprisonner noble Jean Réal, maître des monnaies de l’évêque, comme faux monnayeur, vu qu’il a donné caution de corps et de biens.
Cette détention eut lieu à Lausanne dans le courant de l’été de 1531, car les bons au boursier de la ville pour les frais de cet emprisonnement sont signés du bourgmestre Etienne du Flon, qui était mort avant le 3 septembre 1531, date de l’élection de Jean de Saint-Cierge à la charge de bourgmestre.
Evidemment cet emprisonnement ne dura pas longtemps, car on voit par le texte que, le 14 décembre, le conseil envoie Benoît Ravier et Pierre de Saint-Cierge à Fribourg et à Berne pour se plaindre que, malgré le dur avertissement qu’il a reçu, le sieur Réal continue à battre de mauvaise monnaie. Ces députés parurent devant le conseil de Fribourg le 15 et le 21 décembre.
Dans les comptes de Guillaume Ravinel, boursier de Lausanne, de Saint-Michel 1530 à Saint-Michel 1533, on voit qu’il reçut de « monsr le mestre de monoe noble Réal cent escus d’ors. » Cette somme fut-elle payée comme amende ou comme rançon pour sortir de prison ? Je ne le sais pas, le boursier ne donnant pas d’autres détails et n’indiquant point la date de ce paiement.
M. Arnold Morel-Fatio a la bonté de me communiquer la note suivante :
« L’expertise du 27 mars 1531 a établi, par un grand nombre d’essais opérés sur de fortes quantités de monnaies saisies, ce /127/ jour-là, dans l’atelier de la Monnaie de Lausanne, que Jean Réal ne se bornait pas, comme certains autres maîtres de monnaies, à une simple altération du titre des espèces, mais que ses fraudes s’exerçaient dans des proportions inouïes.
» Toutes les monnaies soumises à l’examen des experts n’étaient pas également altérées, mais toutes l’étaient.
» Le poids des pièces, sauf une seule exception, était inférieur aux prescriptions convenues.
» Le titre, toujours plus faible aussi qu’il ne le devait être pour les espèces supérieures au denier, descendait chez celui-ci assez bas pour donner au maître un bénéfice frauduleux d’environ 50 % ! Ainsi, il émettait en deniers pour le prix de 590 gros et deux quarts, monnaie courante, ce qui ne valait guère que 290 gros.
» Les quarts, fabriqués surtout pour l’importation clandestine en France et en quantités immenses, causaient au preneur une perte de 25 % environ.
» Les parpailloles, ou pièces de trois quarts, faisaient perdre au public près de 20 %.
» Le sol ou gros, plus favorisé, était encore inférieur de 10 % au titre légal.
» On comprend que cette fois, après de telles constatations, Jean Réal ait été traité, non comme un simple délinquant, mais comme un audacieux voleur.
» Il fut donc incarcéré, mais, sans doute grâce à la protection de l’évêque, bientôt mis en liberté, après avoir composé, comme comme on peut le croire, moyennant cent écus d’or; faible restitution, si l’on se reporte au chiffre des gains illicites qu’il avait réalisés.
» Sa détention fut très courte, puisque la même année nous le voyons rentré en fonctions et continuant son monnayage frauduleux.
» On croira difficilement que Sébastien ait pu ignorer les méfaits de Jean Réal, jusqu’à l’expertise du 27 mars 1531, mais on ne saurait douter dès lors de sa complicité avec ce maître récemment convaincu de vol et que, malgré cela, il charge de nouveau de fabriquer la monnaie épiscopale. » /128/
Mestral.
1532. 28 mai. – In castro sancti Marii Lausanne fuit presentatus per consilium et retroconsilium reverendo domino nostro Sebastiano de Montefalcone, episcopo Lausannensi et principi, honestus vir Rodulphus Daux, ut ipsum vellet admictere ad officium Mistralie, cum jam diu vacaverit et nunc vacet per obitum Petri de Curia olim mistralis. Quiquidem reverendus dominus noster episcopus, post plura verba per eum dicta, respondit et dixit jam unum ad dictum officium exercendum admisisse et posuisse, qui juramentum prestabit communitati, et nullum alium pro presenti velle admictere; presentibus ibidem consilio et retroconsilio, die et anno premissis.
Fuit convocatum retroconsilium, numero LXta virorum, cum ven. consilio, deliberaturi super mistrali ponendo pro policia communitatis gubernanda et tractanda. Fuit deliberatum et conclusum per presentes quod presentetur providus Rodulphus Daux reverendo domino nostro Lausannensi ut ipsum admictere placeat; et si ipsum admictere recuset et nolit, adducatur ad domum communitatis et ibi debeat prestare juramentum et exercere ipsum officium mistralie, prout decet.
1532. 4 juin. – Fuerunt electi pro policia panis, associaturi honestum virum Rodulphum Daux, novum admissum mistralem ad levandum panem erga bolengerias non racionabilem, videlicet : Nobilis Franciscus de Prez, dominus Johannes de Sancto Ciriaco bourgoz meistrez et Johannes Borgeys, qui bono velle acceptarunt. /129/
Voyez M. D. R. XXXV, pag. 171, l’article du 31 janvier 1448.
Le dissentiment qui s’était élevé entre l’évêque et le conseil de Lausanne en septembre 1514, lors de l’institution de Pierre de la Cour comme mestral, se renouvela en 1532, quand il fallut nommer un successeur à cette charge. La ville prétendit encore une fois avoir la nomination de cet officier de police; mais, en 1533, les villes de Berne et de Soleure jugèrent en faveur du droit de nomination de l’êvêque. Celui-ci se soumit exactement à la sentence, en laissant les poinçons à l’hôtel de ville, car on voit par le manual, que le 29 octobre 1535, le receveur de l’évêque demanda au boursier de la commune de poinçonner un bichet et un quarteron.
Le duc de Savoie à Lausanne.
1532. 21 juin. – Die veneris, vigilie festi decem millium martirum, venit illustrix Karolus dux Sabaudie, circa horam sextam post meridiem. Et iverunt obviam socii ville omnes colovrinerii numero ducentum vel circa, et dormivit illa nocte. Et die sabbati crastina festi decem millium martirum recessit, et ipsum associaverunt iterum socii ville cum illis de Valle, scilicet de Sancto Simphoriano, de Culie et de Lustriaco, et erant bene in numero duo mille homines et iverunt donec in plana de Vidi. Et eosdem socios associaverunt duo heraldi communitatis portantes arma ville, videntibus prelibato duci cum plurimis nobilibus, nec non reverendo domino Sebastiano de Montefalcone episcopo Lausanne.
Sur le voyage de Charles III, duc de Savoie, dans le Pays de Vaud, voyez Ruchat III, pag. 142-145.
La réception faite au duc paraît n’avoir eu rien d’officiel de la part du conseil, car on ne voit dans les comptes aucune dépense à cette occasion, si ce n’est 9 sols payés pour renforcer le guet sur la tour de la cathédrale. /130/
Comme Lausanne était combourgeoise de Berne et que celle-ci était au plus mal avec le duc, il est à présumer qu’on n’avait pas voulu s’exposer au déplaisir d’un puissant et ombrageux voisin.
Assistance au Conseil.
1532. 23 novembre. - Fuit conclusum quod electi de consilio sommentur adhuc una pro omnibus, si velint assistere, aut non.
La présence des conseillers aux délibérations n’était pas plus exacte il y a trois cent cinquante ans que maintenant. Déjà le 18 octobre 1531, on avait décidé de faire payer une amende de 3 sols aux membres du rière conseil et du Deux Cent, et de 6 sols aux conseillers et aux bannerets qui manqueraient les séances sans cause légitime.
Curé de Saint-Paul.
1532. 24 novembre. En Rière Conseil. — Comparuerunt certi de Monte, nominibus suis et aliorum amborum Moncium, dicentes et se conquerentes de domino curato Sancti Pauli, qui vi et violenter vult levare decimam ubi non est consuetum levare et similiter gelimas et messem; et levavit hoc anno presenti, quia melius volunt solvere quam esse verberati a dicto eorum curato, quia omnes cognoscunt ipsum.
Déjà le 21 décembre 1531, les habitants des villages du ressort étaient venus se plaindre au conseil de ce que leurs curés exigeaient des dîmes beaucoup plus élevées qu’ils ne l’auraient dû. Un an plus tard, comme on le voit par le texte, les gens du Mont se plaignent aussi de ce que le curé de Saint-Paul lève des dîmes trop fortes. Ces pauvres gens, connaissant le caractère et les mœurs de cet ecclésiastique, ont préféré se laisser faire, plutôt /131/ que d’être battus; mais ils viennent porter leurs doléances devant le conseil, n’ayant peut-être pu obtenir justice auprès du supérieur ecclésiastique de leur curé. L’église de Saint-Paul possédait aussi des dîmes au vignoble de Contigny, sous Lausanne, et l’on voit par divers titres que le même curé était aussi « terrible » pour les dîmes.
L’église paroissiale de Saint-Paul, qui avant 1228 avait été un couvent de religieuses (M. D. R. VII, pag. 11), était située à la Cité-Dessous, entre la cathédrale et l’escalier de la Grande-Roche. In loco qui civitas nuncupatur, ante ecclesiam S. Pauli, juxta carrieram publicam per quam itur ab ecclesia B. Marie V. versus magnam ruppem.- Domus in loco qui civitas appellatur subtus ecclesiam parrochialem S. Pauli, juxta carreriam publicam tendentem ab ipsa ecclesia versus supra dictum hospitale Lausanne. (Archiv. cant., titres de 1334 et 1451.)
La cure ou le domicile du curé, qui était assez souvent en même temps chanoine de la cathédrale, était aussi située à la Cité-Dessous, dans une rue « tendant de la cathédrale à l’escalier de la Roche. » (Archives de Lausanne, titre du 17 août 1553.)
La paroisse dépendant de cette église était tout entière hors de la ville et comprenait une partie des paroisses actuelles du Mont et des Croisettes. En 1503, dans une enquête sur les limites de la paroisse de Saint-Paul, des témoins déposent que les granges d’Epinoux (Penau), de Rionzier, de Montlod sont dans la paroisse; un autre témoin dit que ces limites vont de la porte de Cunay (à la Barre) jusqu’à la Meybre et jusqu’au riaux dit Piouliousaz, au couchant, et jusqu’au flon d’Epalinges à l’orient, et que tout ce qui est compris dans ces limites est de la paroisse de Saint-Paul. (Archives de Lausanne F, 124.) Le hameau d’Epalinges était dans la paroisse de Sainte-Croix.
Le curé, dont les gens du Mont se plaignent, était N. Claude de Prez, fils de N. Barthélemy de Prez, seigneur de Corcelles-le-Jorat. C’était un homme bouillant et jeune encore. Comme il était issu d’une famille noble et influente, il avait été pourvu dès son enfance d’un bénéfice ecclésiastique, suivant le scandaleux abus qui régnait alors dans l’Eglise. Guillaume de Prez, chanoine, avait été curé de Saint-Paul de 1501 à 1513. Son neveu /132/ et héritier universel, Claude, lui succéda. Il était en bas âge, puisqu’en 1514 il avait pour tuteur (tutor et gubernator persone et bonorum) Antoine Ferranchi, vicaire de la paroisse. (Manual du chap., fol. XLVI.) Il avait été l’un des « Innocents, » ou élèves de l’école fondée par Guillaume de Challant, et dont on a parlé au tome XXXV de ces Mémoires.
Claude de Prez était aussi chanoine de Notre-Dame. On verra qu’en 1533 il eut, à propos d’une partie de paume, une querelle avec un des bannerets de Lausanne, ce qui causa un grand tumulte dans la ville. A cette époque il était aussi doyen et on l’appelait communément le din de Corsalles (le doyen de Corcelles), du nom de la seigneurie de sa famille. En 1535, le même curé prit les armes à la tête des gens de Lavaux pour combattre contre Genève. Voyez 25 novembre 1535.
Curés de Saint-Paul dont j’ai relevé les noms :
1274. Pierre.
1293. Raymond ou Remondin de Lutry, dit Corgeys.
1330-1340. Jacob Radicota.
1364-1380. Guillaume de Donneloye.
1390. Jaques de Bertrand.
1397-1414. Guillaume Frochety.
1420-1461. Berthod Boverii.
1464. Antoine Colombier.
1468-1498. Barthélemy Bussilliet.
1501-1513. Guillaume de Prez, chanoine.
1513-1536. Claude de Prez, chanoine.
Fête de l’Epiphanie.
1532. 12 décembre. - Comparuerunt nobilis Franciscus Chabie, abbas infancium ville, nec non nobilis Franciscus de Praroman et Aubertus Luys, exponentes quomodo Guillelmus Dou Mont fuerit admissus ad pensionem decem florenorum et nunc revocatum esse; requirentes eumdem /133/ iterum velle admictere. Qua requisicione audita fuit eisdem responsum non debere admictere, causantibus per consilium declaratis et dictis, et eumdem non posse admictere sine consensu retroconsilii et communis.
1532. 19 décembre. – Fuit largitum banderetis, videlicet cuilibet XXIIII solidi, pro hac vice, ad faciendum indumentum in proximo festo Epiphanie Domini nostri, ad faciendum honorem communitati sive abbati ville.
1533. 9 janvier. - Conclusum quod dentur quatuor scuta auri duobus sociis civitatis Gebennensis qui fuerunt huc Lausannam in festo Epiphanie Domini nostri, qui duxerunt trompetas quando factum fuit deposuit domino Johanni de Sancto Ciriaco regi anni futuri, qui acceptavit.
La société ou abbaye des Nobles enfants de la ville de Lausanne paraît s’être formée graduellement à l’occasion des fêtes de l’Epiphanie et du Mai. Elle avait souvent pour chef un jeune membre de la noblesse de Lausanne, un Chabie, un Loys, un Praroman, qui prenait le titre d’abbé, et qui conduisait ses jeunes concitoyens, qui s’appelaient moines, dans leurs amusements. Ces récréations dégénéraient assez volontiers en véritables orgies et en attaques contre les citoyens et surtout contre les ecclésiastiques. On en verra des exemples en l’an 1533, dans le cahier de plaintes que le clergé déposa contre les Lausannois. Aussi les villes de Berne et de Soleure jugèrent-elles par leur sentence arbitrale du 29 mai 1533 que cette confrérie devait être abolie. (M. D. R. VII, pag. 752.) Mais la sentence ne fut pas exécutée, la société n’en subsista pas moins et il fallut la puissante main de Berne pour y mettre ordre en 1544. (Ruchat V, pag. 244.)
Cette abbaye était régulièrement constituée et possédait des rentes qu’elle faisait gérer par son boursier.
Parmi les membres de cette société on remarque, en 1535, noble Ferrand Loys, abbé en 1536; en 1543, Jacques de Praroman, /134/ abbé, Etienne Gaudin, boursier, François de Chabie, Henri de Praroman, François Seigneux, Urbain Constantin et Jean Carrard. Voyez 1521, 3 janvier.
Le G. du Mont, mentionné dans le texte, avait été le fifre de la ville « pour mener le cornet sus le clochier es bonnes festes. » On avait aboli cet office et c’était probablement en vue des fêtes de l’Epiphanie que l’abbaye des enfants de la ville en demandait le rétablissement. Voyez 1521, 10 janvier.
Sur les abbés et moines de la bazoche et les enfants de ville dans les pays soumis à la domination de la Savoie, voyez Mémoires et documents publiés par la Société savoisienne d’histoire et d’archéologie, tom. X. Chambéry 1865, in-8.
Combourgeoisie avec Fribourg et Berne.
1533. 22 janvier. — Fuit convocatum retroconsilium et propter hoc congregatum in domo communitatis hora octava de mane, deliberaturi super declaracione fienda bene vivendi super littera comburgencie facte inter magnificos dominos Berni et Friburgi et nos de Lausanna. Fuit deliberatum et conclusum esse declarandum super comburgencia, prout domini de consilio concluserunt et prout continetur in quodam papiri folio, dato per dominum secretarium Friburgi domino Jo. de Sancto Ciriaco burgimagistro. Quiquidem dom. retroconsiliarii presentes dederunt potestatem eligendi, declarandi et tractandi super certis punctis in dicta comburgencia contentis, juraveruntque manum levando habere ratum et gratum, etc.
Voyez M. D. R. VII, pag. 744, et Abschiede IV, I, C, Beilage 2, où cette confirmation et explication de l’acte de combourgeoisie avec Berne et Fribourg a été publiée.
Les ambassadeurs de Lausanne étaient le bourgmestre Jean de Saint-Cierge, François de Prez, seigneur de Granges, Benoît Blécheret et François Sauvey, conseillers. /135/
Affaires religieuses.
1533. 17 février. – Fuit convocatum consilium et retro consilium de mane hora septima et propter hoc congregatum, ad postulacionem nobilium Anthonii Pavilliard militis et Ansons Cuynchyz burgoz maistre, ambassiatorum magn. dominorum Friburgensium, audituri eorum propositiones, qui proposuerunt tria puncta.
Primo, post recommandationes proposuerunt, quod ad noticiam suorum superiorum devenit quomodo nonnulli ex burgensibus sive habitatoribus Lausanne adduxerunt seu venire fecerunt a loco de Allioz unum predicatorem luterianum ad predicandum; dicentes, si velimus deviare a lege et fide nostra antiqua et semper permanere, et si velimus aliter vivere quam predecessores nostri, erit nobis vix reddere litteram comburgencie.
Secundo, quod facimus complures violencias et opera facti frangendo portas de nocte dominorum canonicorum et presbisterorum et alias rebelliones contra rev. dominum nostrum Lausannensem, et quod posuimus officiarium, videlicet mistralem, contra preeminencias et auctoritatem suam.
Tercio, quod nolumus solvere decimas et alios census debitos ecclesiasticis et quod deffendimus agricolis ne solvant.
Item, eadem die hora duodecima, fuerunt convocati burgenses, cum consilio et retroconsilio, quibus fuit per quos supra dominos ambassiatores propositum ut supra.
Quibus fuit responsum, super primo quoad predicatorem, debere respondere quod dictus predicator non fuit adductus per quemque de Lausanna, licet fuerit Lausanne; sed /136/ tamen non predicavit publice neque occulte, sed eumdem fecimus recedere et recessit, et quod non intendimus vivere nisi prout predecessores nostri.
Super secundo, ubi dicunt quod facimus violencias et insolencias, fuit responsum quod rev. dominus noster Lausannensis est debitor justicie et si quis plantum faciat, quod eisdem justicia ministretur et dabimus favorem et auxilium justicie.
Super tercio, quod nolimus solvere census, primicias et alios census debitos et quod fecimus deffensiones illis qui debebant, fuit responsum quod quando creditores facient fidem debitoribus de debitis, illud volunt solvere et satisfacere dum modo non sint nimis antique et ubi fuit consuetum solvere antiquitus.
1533. 26 mars. – Fuit convocatum consilium de mane, hora septima, deliberaturi super una littera parte magnifficorum dominorum Bernensium, qui mandaverunt debere admictere unum predicatorem luterianum et ipsum manutenere. Fuit deliberatum et conclusum dictum predicatorem esse adhuc modicum dimictendum huc Lausannam, in hoc tamen quod non debeat predicare.
1533. 27 mars. - Super responsione fienda dominis Bernensibus quoad predicatorem luterianum, fuit deliberatum debere expectare adhuc modicum, et expectato, quod ponatur simul retroconsilium et burgenses.
1533. 1er avril. - Fuit deliberatum debere rescribere magnificis dominis Bernensibus responsionem litterarum per eosdem missarum quoad magistrum Michaelem predicatorem /137/ luterianum, nobis parte prefatorum magn. dom. Bernensium adductum.
Fuit renvoyatus magister Michael predicator luterianus qui venerat huc Lausannam ad predicandum absque mandato et scitu communitatis, sed suo bono velle et sua temeraria auctoritate; et fuit eidem predicatori prohibitum ne regrediatur amplius, nisi fuerit eidem mandatum per litteram signatam per secretarium communitatis; qui tamen non predicavit; et ipsum cumcomitavit, parte rev. domini nostri, Christophorus, nuncius domini ballivi, et parte communitatis, dictus Bachouz et solvit expensas omnes borserius communitatis, tam stando in villa, quam ipsum reducendo, nec non eciam pro salario navateriorum.
1533. 4 avril. – Fuerunt congregati consilium retroconsilium et ducentum in domo communitatis, de mane hora septima, ad postulationem nobilis Anthonii Pavilliard, militis, et Ansoz Cuynchiz, nec non aliorum ambassiatorum magn. dominorum Friburgensium magni et parvi consilii, audituri eorum proposita. Qui dom. ambassiatores presentaverunt quam plures articulos eisdem dom. ambassiatoribus parte R. D. N. Sebastiani de Montefalcone episcopi Lausannensis et dominorum de capitulo et de clero datos et lectos, petentes nichillominus prefati ambassiatores dare responsionem, saltem super duobus punctis.
Primo, super modo bene vivendi.
Secundo, super illis qui offenderant, quod faciant reparationem et quod reddant id quod habent de alieno, et quam plures advertencias fecerunt.
Primo, fuit deliberatum eosdem remarciare de eorum bona advertencia. /138/
Item, super secundo, de modo bene vivendi, quod intendimus bene vivere ut predecessores nostri vixerunt.
Et ulterius, quoad illos qui faciunt insolencias, quod rev. dominus noster habet justiciam in se et est debitor justicie, et si aliquis offenderit evocetur per justiciam et assistemus justicie, auditis tamen deffensionibus illorum.
Eadem die fuerunt convocati consilium et nonnulli ex retroconsilio hora tercia post merediem, deliberaturi super curia tenenda pro assistendo in eadem et aliis parte prefatorum dom. Friburgensium, et fuit deliberatum assistere die sabbati crastina.
1533. 5 avril. — Die sabbati, quinta supradicti mensis apprilis, fuerunt iterum convocati et congregati burgenses hora secunda post merediem, ad postulacionem superius nominatorum dom. ambassiatorum Friburgensium, qui parte prelibati R. D. N. episcopi proposuerunt coram burgensibus ad castigandum malos, quod idem rev. dominus noster erat contentus dare potestatem et preeminenciam burgensibus posse et debere capere de die, et quod officiarii sui possint et debeant capere de nocte cum burgensibus, quare petebant dom. ambassiatores responsum, et se retraxerunt. Quibus retractis fuit deliberatum per quos supra burgenses et fuit communis opinio et maior dictorum burgensium, non debere permictere rev. domino nostro quemquam capere per officiarios suos de nocte, et quoad quod vult largire burgensibus capere de die, illud acceptaverunt et acceptant secundum consuetudinem Lausanne.
Et prefatis dominis ambassiatoribus reversis auditisque responsis prefatis, non bene contenti de eisdem assignaverunt discretum virum Johannem de Sancto Ciriaco /139/ burgimagistrum una voce ad marchiam tenendam Paterniaci ad diem dominicam de Quasimodo proxime venturam, compariturum in gieto.
L’année 1533 fut féconde en dissensions entre les bourgeois de Lausanne et le clergé. Les articles du manual qu’on vient de lire font connaître quelques moments de cette lutte, mais comme rien dans le texte ne les rattache les uns aux autres, il est nécessaire, pour comprendre la liaison de ces articles, que le lecteur ait sous les yeux un narré suivi de ces événements.
Ruchat (tom. III, pag. 204-213) donne un récit assez complet de ces démêlés; et son histoire est la source principale, si ce n’est unique, où ont puisé les historiens subséquents, comme Vulliemin (Chroniqueur, pag. 185 et 186) et le P. Schmitt. (Mémoires historiques sur le diocèse de Lausanne, tom. II, pag. 327-335.) Les renseignements donnés par Ruchat sont suffisants et assez circonstanciés; cependant les documents publiés ces dernières années par M. Herminjard (Correspondance des Réformateurs, tom. III, pag. 19-22; 34-36) et surtout dans le Recueil des Recez des Diètes (Sammlung der ältern eidgenöss. Abschiede, tom. IV, Abth., I, C) permettent de donner quelques détails supplémentaires qui pourront intéresser les curieux. Ainsi, bien que les principaux traits de cette histoire soient généralement connus, on tentera de la résumer de nouveau, en profitant des documents récemment mis en lumière.
Dès le 27 janvier 1533, le conseil de Lausanne, qui paraît avoir été très flottant, très craintif de se compromettre et très désireux de conserver la faveur des deux villes combourgeoises, avait envoyé une députation pour déclarer à MM. de Fribourg qu’ils pouvaient compter sur les services de Lausanne, dès qu’il s’agirait de défendre la vraie religion. Le même jour, l’évêque avait aussi envoyé à Fribourg son secrétaire, porteur d’une lettre où il offrait corps et biens pour le maintien de l’antique, vraie et chrétienne foi.
Néanmoins, comme on le sait, la population de Lausanne était en guerre ouverte avec l’évêque et le clergé. La jeunesse /140/ turbulente, conduite par l’abbé des nobles enfants de la ville de Lausanne 1 , ne laissait guère passer une occasion d’insulter et de vilipender les ecclésiastiques. Les mœurs de ceux-ci n’étaient rien moins qu’exemplaires, comme on l’a déjà vu (article du 11 août 1510) et le verra par la suite.
Voici un exemple de la conduite désordonnée de la jeunesse lausannoise. Lors des secours envoyés par Lausanne à Berne, en octobre 1531, pour la guerre de Cappel, il était naturel que les prêtres vissent de très mauvais œil l’aide donnée par des citoyens catholiques aux ennemis de leur religion. Aussi un ecclésiastique s’était-il permis de dire en chaire qu’il souhaitait qu’il ne revînt pas un seul homme de cette expédition; que d’ailleurs, comme il l’avait lu dans les prophéties de sainte Brigitte, le temps était proche où les Lausannois seraient battus de verges 2 . Appelé devant le conseil de la ville, ce prédicateur avait reconnu sa faute et fait amende honorable; mais il avait été sévèrement blâmé de sa condescendance par le chapitre. C’est ce même ecclésiastique qu’en février 1533 la jeunesse de la ville choisit pour butte des grossières plaisanteries dont elle avait l’habitude. On le saisit, on le lie sur une luge (traineau) et on le traine dans toutes les rues de la ville en le fouettant, enfin on le laisse devant la maison du bourreau.
Cet exploit ne fut pas le seul de ce genre, comme on le verra par le cahier de doléances reproduit dans l’appendice.
A peu près à la même époque, vers le 12 février, arrive à Lausanne un prédicant évangélique (predicator luterianus) nommé maître Michel Doute ou Doubte (en latin Dubitatus), pasteur à Ormont-dessus, sur les terres de Berne. D’après le texte du manual, il paraît être venu de son propre chef, à moins qu’il n’eût /141/ été secrètement envoyé par MM. de Berne, ou appelé par les partisans lausannois de la Réforme. Quoi qu’il en soit, le conseil ne permit point à maître Michel de se faire entendre et le fit partir immédiatement.
Tous ces faits furent incontinent portés à la connaissance de MM. de Fribourg, qui étaient zélés catholiques et protégeaient de tout leur pouvoir le clergé contre les insolences des Lausannois et contre le mauvais vouloir de plus en plus évident du conseil de Berne.
A l’ouïe de ces désordres, le conseil de Fribourg envoie à Lausanne, le lundi 17 février, l’ambassade mentionnée dans le texte. Les députés étaient le chevalier Antoine Pavilliard et Hans Cuenzis, bourgmestre. (Le manual l’appelle Ansons Cuynchyz.) Ils étaient chargés de se plaindre de la présence du prêcheur luthérien, de diverses violences contre le clergé et rébellions contre l’évêque, et enfin de ce que les Lausannois empêchaient le payement des dîmes au clergé. Ils ajoutèrent de plus que si Lausanne ne voulait pas conserver la religion de ses pères, Fribourg se verrait dans la nécessité de renoncer à la combourgeoisie. (Si velimus deviare a lege et fide nostra antiqua et semper permanere et si velimus aliter vivere quam predecessores nostri, erit nobis vix [vis] reddere litteram comburgensie.)
Le conseil des Deux Cents, réuni à midi, répondit en rétablissant les faits au sujet du prédicateur Michel Doubte. Sur le second point, il dit ironiquement que l’évêque avait le droit de justice, qu’il n’avait qu’à l’administrer et qu’on lui aiderait à la rendre. Quant aux dîmes, on les voulait bien payer quand les créanciers pouvaient faire valoir leurs droits et que les dettes n’étaient pas trop anciennes (dummodo non sint nimis antique). L’ambassade fribourgeoise fut très bien reçue par l’évêque, qui lui fit « bonne chière, » mais elle fut fort mécontente de la réponse du conseil.
Le lundi, 24 février, les députés présentent leur rapport, et, le même jour, MM. de Fribourg écrivent à Sébastien de Montfalcon qu’ils ne peuvent « bonnement prendre plaisir » à ce qu’ils ont entendu de leurs ambassadeurs, qu’ils sont fort mécontents des entreprises des gens de Lausanne contre l’autorité de l’évêque et /142/ l’honneur du clergé. Ils prient l’évêque de leur envoyer un rapport détaillé sur tout ce qui s’est passé et ensuite ils établiront une journée avec les Lausannois pour « estre hors de la bourgeoisie faicte avec eulx 1 . »
Cette lettre, qui paraît être venue à la connaissance du conseil de Lausanne, l’effraya fort. Il députe, le 5 mars, à Fribourg, Ant. Bovard et Guy Gendron, pour demander et donner des explications. Ces ambassadeurs demandent qu’on leur nomme ceux qui les ont accusés; de plus, ayant appris que le chapitre de la cathédrale veut se mettre sous la protection spéciale de Fribourg, ils s’y opposent; enfin ils désirent qu’on n’écoute aucune plainte contre les gens de Lausanne sans que ceux-ci soient entendus.
Le conseil de Fribourg leur répond hautainement qu’il n’a pas l’habitude de révéler les noms de ceux qui lui présentent leurs doléances; que cependant il se croit exactement informé sur les auteurs des scènes turbulentes qui ont eu lieu. Il leur demande si les gens de Lausanne s’imaginent que ce soit conforme à la combourgeoisie d’entrer violemment dans les maisons des chanoines, de fouetter un prêtre dans les rues de la ville et de le livrer au bourreau, de permettre qu’un citoyen danse sur la tombe de son père avec tabourin et fifre. Le conseil de Fribourg avisera et verra ce qu’il doit faire.
Les désordres paraissent avoir continué malgré les menaces de MM. de Fribourg.
Sur ces entrefaites, le prédicant Michel Doubte revient à Lausanne porteur d’une lettre de recommandation du conseil de Berne, datée du 21 mars, et dans l’intention de prêcher. Cette lettre mit évidemment le conseil de Lausanne dans un grand embarras. L’évêque et ses aboutissants reçurent fort mal ce prédicateur et lui firent même des menaces de mort, au dire des Lausannois 2 . /143/ D’ailleurs, quoique la population eût l’habitude d’insulter son évêque et d’attaquer les prêtres, elle ne paraît pas avoir été disposée, du moins en majorité, à quitter son ancienne religion et à se ranger du côté des novateurs. On a vu que le conseil s’était prononcé plus d’une fois dans ce sens auprès des magistrats de Fribourg, qui s’étaient érigés en protecteurs de l’évêque et de la foi catholique.
D’un autre côté, s’il ne voulait pas déplaire à Fribourg, le conseil de Lausanne avait une peur tout aussi grande de se compromettre auprès de MM. de Berne, dont le mécontentement serait fort à redouter.
La lettre de Berne, apportée par le prédicant, fut l’objet de délibérations anxieuses le mercredi et le jeudi 26 et 27 mars; mais ne pouvant arriver à une détermination franche dans un sens ou dans l’autre, le conseil décida d’attendre un peu, avant de répondre à la lettre et d’autoriser Michel Doubte à prêcher. Il convoqua aussi les LX et les CC pour prendre leur avis sur ce qu’il y avait à faire pour sortir d’embarras.
Dans l’intervalle, il se produisit de nouveau de graves désordres. Dans la soirée du dimanche 30 mars, plusieurs citoyens enfoncèrent les portes de la maison d’un chapelain de la cathédrale et la ravagèrent; puis ils se rendirent à l’église paroissiale de Saint-Laurent, d’où ils enlevèrent « presque toutes les ymages, dont à l’une d’icelles fust la teste fendue, à l’aultre furent le meins couppées, ensemble pluseurs autres vitupères, et après, pour plus grande dérision furent pourtées, mises et laissées ès bourneaulx (fontaines) de la ville, là où on les trouva au matin 1 . »
Le mardi 1er avril, le conseil se réunit, ayant sans doute pris l’avis du rière conseil et des Deux Cents. Il décida de répondre à la lettre de Berne du 21 mars, réponse que je n’ai pas retrouvée, /144/ et en même temps il fit repartir pour le gouvernement d’Aigle le prédicant Michel Doubte, après avoir payé tous ses frais 1 , en lui enjoignant de ne pas revenir sans être appelé par une lettre signée du secrétaire du conseil.
Cette expulsion est fondée sur ce que maître Michel était venu pour prêcher à Lausanne sans aucun mandat de la commune, mais de son propre et téméraire mouvement. Par ces considérants, qui faisaient semblant d’ignorer la recommandation expresse de MM. de Berne, on se flattait sans doute de s’être habilement tiré d’une position désagréable 2 .
Le mercredi 2 avril, une députation des chanoines de Lausanne arrivait à Fribourg pour demander, au nom de l’évêque et du clergé, protection contre la ville de Lausanne, qui les laissait attaquer par ses ressortissants et ne défendait pas la religion. Les magistrats fribourgeois envoyèrent immédiatement à Lausanne une ambassade composée du chevalier Antoine Pavilliard, Hans Cuenzis, bourgmestre, Hans Roginer, banneret, Pierre Dick, Hans zur Tannen et Nicolas Kuster. Cette députation était munie des instructions suivantes : 1o Signifier aux bourgeois de Lausanne que le conseil de Fribourg a été informé qu’il s’est commis dernièrement plusieurs actes inconvenants contre l’évêque et le clergé, qu’en particulier, tout récemment, on avait fait effraction dans l’église de Saint-Laurent, emporté et détruit les images des saints; que de tels actes sont contraires à la juridiction de l’évêque qui est formellement réservée dans l’acte de combourgeoisie. Avertir le conseil de Lausanne qu’il ne doit pas s’opposer à ce que l’évêque fasse justice de ces méfaits, comme les bannerets s’y sont opposés jadis. 2o Si les Lausannois reconnaissent la juridiction de l’évêque, les députés doivent observer si on ne l’entrave /145/ pas dans l’exercice de son droit de punition. 3o Si les Lausannois ne veulent pas reconnaître cette juridiction, les députés doivent rendre la lettre de combourgeoisie de Fribourg et exiger que Lausanne rende la sienne. En cas de refus, les assigner à une journée de droit à Payerne au dimanche de Quasimodo. (20 avril.)
Cette ambassade fribourgeoise se présenta devant le conseil des Deux Cents de Lausanne, le vendredi et le samedi 4 et 5 avril. Comme on le voit par le texte, les Lausannois firent une réponse à peu près identique à celle qu’ils avaient faite le 17 février; de plus, ils voulaient conserver le droit de saisir les turbulents et les malfaiteurs de jour, mais refusèrent positivement à l’évêque le pouvoir de les saisir de nuit. C’était absolument entraver toute action de la justice de leur seigneur et continuer à laisser les ecclésiastiques à la merci des malveillants.
L’ambassade fribourgeoise se retira, et, conformément à ses instructions, assigna le conseil de Lausanne au 20 avril à Payerne.
Si, dans cette querelle, Fribourg prenait le parti de l’évêque, Berne ne prenait pas moins vivement celui des Lausannois. Ceux-ci, se voyant sous la menace de la rupture de leur combourgeoisie avec Fribourg, envoyèrent immédiatement (le 8 avril) quelques-uns des leurs au conseil de Berne pour raconter à leur manière tout ce qui s’était passé et pour demander conseil et assistance 1 . Les magistrats bernois conseillèrent aux gens de Lausanne de se rendre à la journée de Payerne, promettant que les députés de Berne feraient dans cette occasion tout leur possible pour que la combourgeoisie avec Fribourg ne fût pas rompue et qu’on s’employerait auprès de l’évêque et du chapitre pour arriver à un arrangement 2 .
Suivant la procédure assez compliquée en usage dans ces journées de marche, on prenait pour juges des différends qui s’élevaient entre deux villes alliées, deux conseillers de chacune de /146/ ces villes, qu’on déliait du serment de fidélité qu’ils devaient à leur bourgeoisie, afin qu’ils pussent juger en toute liberté. Ainsi, dans le cas présent deux conseillers de Lausanne et deux conseillers de Fribourg devaient être juges, et deux autres conseillers de chacune des deux villes devaient plaider la cause de leurs communes respectives.
Dans la journée de marche de Payerne, qui se tint le lundi 21 avril, les députés de Fribourg étaient Humbert de Praroman, ancien avoyer, et Laurent Brandenburger, ancien boursier, juges; le chevalier Antoine Pavilliard et le bourgmestre Hans Cuenzis, accusateurs, chargés, dit le conseil de Fribourg dans la lettre de créance qu’il leur remit, « de comparoir en nostre nom au lieuz de Payerne par devant les juges dapart la cyté de Lausanne et nous par vigueur de la combourgeoisie d’entre ycelle et nous faicte. » Les députés de Lausanne étaient le bourgmestre Jean de Saint-Cierge et M. de Granges (François de Prez), juges; François Guibaud et Saturnin Ruffy, chargés de la défense de leur ville. Les députés de Berne qui assistaient à la séance étaient le banneret Wolfgang de Weingarten et le maisonneur Michel Augsburger.
On n’a pas retrouvé le procès-verbal de cette séance. Mais elle n’aboutit pas, très probablement par l’influence des députés bernois, qui avaient pour instruction de faire observer aux délégués fribourgeois que, la combourgeoisie avec Lausanne ayant été contractée par les deux villes de Berne et de Fribourg simultanément et solidairement, l’une d’elles n’avait pas le droit de la rompre sans le consentement de l’autre.
Une nouvelle journée fut fixée au 18 mai, à Payerne.
Le conseil de Lausanne, voyant que l’intervention de Berne lui avait été si utile, envoya le 23 avril une députation de quatre personnes 1 pour remercier ses alliés de leurs bons services et les prier de vouloir bien les continuer. Le conseil de Berne y consentit volontiers, et, à cet effet, une ambassade bernoise se présenta le 5 mai devant les magistrats fribourgeois, afin de leur demander de se désister de leur projet de rupture et de se joindre /147/ à Berne pour envoyer une députation commune à Lausanne, afin d’essayer d’y amener une pacification. Mais le conseil de Fribourg n’ayant point voulu faire cette démarche, les Bernois en informèrent les Lausannois par lettre du 8 mai, les invitant à envoyer des délégués à Fribourg le 13, époque à laquelle il y aurait dans cette ville une ambassade bernoise chargée de négociations au sujet des affaires de Genève. Le conseil de Berne invita en même temps l’évêque à s’y rencontrer, afin qu’on pût tenter un accommodement en présence de toutes les parties intéressées.
Je ne sais si cette conférence avec l’évêque eut lieu; il est à supposer que non. Mais ce qui est certain, c’est que pendant sa présence à Fribourg du 12 au 16 mai, l’ambassade bernoise réussit à détourner le conseil de cette ville de son projet de rupture immédiate avec Lausanne, à renoncer à la journée de droit fixée à Payerne au 18 mai, et à envoyer des délégués à une conférence de pacification qui aurait lieu à Lausanne le 25 mai.
Les députés lausannois, qui avaient enfin réussi dans leurs négociations, rentrèrent dans leur ville pour être témoins d’un nouveau tumulte, à l’occasion de Claude de Prez, curé de Saint-Paul et chanoine de Notre-Dame, dont il a été question plus haut. Pierrefleur a raconté cette déplorable affaire, et c’est dans ses mémoires que Ruchat et tous les historiens subséquents ont puisé leurs récits. Voici ce que dit Pierrefleur : « Le troisième Dimenche de may, qui fust le 18 dudit mois, fust meu différent si que le totage fust jusques a sonner l’effroy. La cause de leur dit différent fust ainsi que, le prédit jour de dimenche, l’on jouoit à la paulme et, en jouant, fut faist vn coup qui tomba en différent, dont il en fust demandé à plusieurs qui estoyent là assistans. Entre les autres fust demandé à un qui estoit du nombre des Banderets de la ville, lequel en dit, comme l’on peut présumer, la vérité de ce qu’il scavoit. Lors, vn chanoine de l’église nostre Dame de Lausanne, lequel estoit fils de noble Barthélemy de Prel (Prez), seigneur de Corselle, de Lutry, lequel estoit de la partie du jeu de la paulme, dementist le dit Banderet en l’appellant meschant et plusieurs autres injures, dont peu s’en fallust qu’il n’y eust gros chaple. Ledit Banderet estant marry d’estre ainsi injurié en fist le plaintif, tant aux seigneurs du Conseil que /148/ aussi à l’abbé des enfans de la ville, dont sur ce fust conclu que le jour suyvant, la maison dudit chanoine seroit mise en pillage. Ledit chanoine estant de ce adverty mist bonne garnison en sa maison, tant prestres que laics, lesquels firent bonne resistance contre toute la ville qui estoit fort irritée contre lesdits deffendeurs. En la fin c’est que la ditte maison fust prinse et tout le dedans fust mis en pillage. »
Le 25 mai, jour de la conférence, approchait. L’évêque et le clergé avaient remis leurs plaintes au conseil de Fribourg avant la journée de Payerne 1 ; les Lausannois voulurent aussi faire connaître les leurs d’avance au conseil de Berne et ils déléguèrent dans cette ville deux conseillers, le 22 mai, pour les y déposer 2 . /149/
Sur la demande de l’évêque, le conseil de Soleure, qui n’était cependant pas en cause, décida le 24 mai d’envoyer aussi deux de ses membres à Lausanne pour aider à l’œuvre de pacification à laquelle on voulait travailler.
Les délégués de Berne, Fribourg et Soleure se réunirent à Lausanne. Mais Antoine Pavillard et Laurent Brandenburger, députés de Fribourg, avaient reçu pour instructions de conserver une attitude d’observation et de demander une nouvelle journée de droit pour le dimanche 15 juin, si les Lausannois ne donnaient pas entière satisfaction à l’évêque. Ils prirent part aux conférences; mais, Fribourg étant en contestation juridique avec Lausanne au sujet de la combourgeoisie, ils ne se joignirent pas à l’ordonnance d’accommodement qui en résulta le 29 mai. Cette ordonnance a été publiée dans les présents Mémoires, t. VII, pag. 746-758, en sorte qu’on n’en parlera pas ici.
Les ambassadeurs de Berne et de Soleure demeurèrent à Lausanne environ quinze jours, et le conseil donna à chacun d’eux plusieurs écus d’or au soleil pour sa peine 1 .
Les Fribourgeois, mécontents de l’issue de la conférence, se retirèrent en assignant le conseil de Lausanne à une nouvelle /150/ journée de droit à Payerne, pour le dimanche après la Fête-Dieu, 15 juin. Aussi plusieurs conseillers lausannois accompagnèrent-ils jusqu’à Berne l’ambassade de cette ville, afin de demander encore assistance et de bons avis. Le résultat de cette démarche fut la lettre suivante du conseil de Berne à celui de Lausanne :
« Nostre amiable salutation devant mise. Nobles, magniffiques, prudans, saiges, singuliers amys et trèschiers combourgeoys, Nous avons entenduz ce que vostre ambassadeur de vostre part nous az donné entendre, pareillement ce que nous ambassadeurs lesquel ces jours passés ont esté en vostre ville ont besoignié. Sur ce ensuivant le bon vouloyr et amitié que vous pourtons, puis que desmandés nostre conseil, ayde et assistance sur la journée laquelle nous combourgeoys de Frybourg vout ont assigné sur dimenche prochain à Payerne, avons advisé d’y envoyer sur vostre requeste nostre ambassade; touttefoys vous advertir de nostre bon conseil à nostre semblant, comme par cy devant deja avons faict, quand vous ambassadeurs feusrent ici le VIIIe d’avril dernièrement passé, comme vous l’avés peuz entendre de nous ambassadeurs, que sont estés après à Payerne, c’estassavoyr que nous samble, puisque nous dit combourgeoys de Frybourg prennent la querelle de vostre évesque à eulx, que cella soyt /151/ contre la bourgeoysie qu’avons par ensemble, pourtant ne debvés condescendre à cella, ny en sorte que soyt sur la journée de Payerne respondre, veuz et attenduz que la cause ne touche à eulx, ains vostre évesque, protestant de la nullité de ladite journée et à l’encontre aléguant que, sy vostre évesque a quelque querelle contre vous, que icelle ne doyt venir à décision à une marche à Payerne, ains que le juge ordinayre de vous et de vostre évesque sur cella doige connoystre et devant icelluy la cause estre ventillée, dequoy vous debvés ouffrir à obéir à cella. Et sy nousdits combourgeoys de Frybourg ont quelque querelle contre vous, ou que prétendent d’avoir bonnes raysons de quitter la bourgeoysie, que cella puissent fayre par voye de justice selon le contenuz de la bourgeoysie, assavoyr, à la forme d’icelle que vous y ordonnés deux juges de vostre part et nous les deux villes deux. Cecy vous avons bien voulsuz escripre sur le propost que vostre ambassadeur aujourdhuy nous az tenuz, affin que vous saichés conduisre sur la journée prochaine de mie marche à Payerne, sur laquelle envoyerons nous ambassadeurs, ainsi que desirrés, avec semblable charge et commission comme dessus, car à vous fayre playsirs, services et gratuités summes tousiours prest, à l’aide de Dieu, que vous doingt prospérité. Datum XIa junii 1533.
» L’aduoyer et Conseilz de Berne. »
Suscription : Aux nobles, magniffiques, prudans et saiges Burguemeistre et Conseilz de Lausanne, nous singuliers et bons amys et trèschiers combourgeoys.
(En marge, de l’écriture du secrétaire de Lausanne : Recepimus die XIIIa mensis jugnii.)
(Archives de Lausanne, EE, 824. Lettre missive originale, avec traces du sceau de Berne plaqué.)
Cette journée du 15 juin paraît n’avoir pas eu lieu; elle fut renvoyée au mois d’octobre 1 , puis au mois de février, au mois d’avril, au mois d’octobre et enfin à l’an 1535. /152/
Pour en finir avec ce sujet et pour ne pas y revenir, nous dirons que, le 16 décembre 1534, la commune de Lausanne commença par se réconcilier momentanément avec son évêque. En effet, on lit dans le manual : « Die dominica ante festum sancti Thome apostoli anno domini millesimo quingentesimo trigesimo quarto fuerunt congregati in stupha domus communitatis domini justicie cum certis aliis, videlicet : primo Nobilis Franciscus Gimel, ballivus; Johannes Costabilis, locumtenens; Jacobus Didini, salterius; Johannes Joffrey, maior; Johannes Gignilliati, commissarius reverendi domini nostri; Ludovicus Constantini; Franciscus Duplex; Benedictus Trollieti; G. Gumini; Guido Rosseti; nobilis Franciscus de Chabie, cum consiliariis, super concordio fiendo inter communitatem et reverendum dominum nostrum Lausannensem. »
Enfin on lit encore dans le manual : « Die lune, vigilie carnispervii, octava februarii anno domini millesimo quingentesimo trigesimo quarto (1535, nouv. style) in Paterniaco, hora consueta pro causa marchie contra magnificos dominos Friburgi, actores contra communitatem Lausanne, fuit absoluta dicta communitas a petitione et expensis per nobilem Franciscum de Prez alias Tavel et spectabilem dominum Gerardum Grand, judices. »
D’après la procédure en usage, comme il a été dit plus haut, la cause devait être jugée à Payerne par deux conseillers de chacune des deux villes. Deux autres conseillers de Fribourg devaient soutenir l’accusation et deux conseillers de Lausanne présenter la défense. Je n’ai pas retrouvé les noms des Fribourgeois présents à cette dernière conférence. Les avocats de Lausanne étaient (d’après les comptes) Guillaume Ravanel et Jean de Saint-Cierge. Après cette décision en faveur du maintien de la combourgeoisie, celle-ci fut continuée jusqu’après la conquête bernoise. Alors les vainqueurs en exigèrent la rupture. /153/
Pro moneta facienda 1 .
Mon très redoubté Seygneur. Nous avons regardé à l’ordonance de vous monoye laquelle nous a estée présentée par vostre seygneurie et à l’honneur de vostre seygneurie et à la conservacion du prouffit commun.
Avons regardé que vostre seygneurie doege fayre battre monoye d’or, comme ducas vaillent XLIIII gros, escus vaillent XLIII gros.
En oultre avons regardé que vostre seygneurie doege fayre battre monoye d’argent à raison de XXV florins de sols de fim; et que vostre seygneurie ne doege prendre, tam pour vostre seignoriage comme pour le brassage du maistre, que six gros et dymie par marc avec le remède quan il se trouveront, comme sus pièce de teston, sus pièce de dimie teston, sus pièces de six gros, sus pièces de troys gros, sus pièces de six quart, sus pièces d’ung solz, sus pieces d’ung quart, sus pièces de troys quart, sus pièces de deux quart.
Et sus les pièces de denier, que ledit maistre ne doege prendre si non quatre gros et dimiez avecques le remède, quant il se trouveront, tant pour vostre seignoriage que pour son brassage.
En outre, que vostre seigneurie ne doege faire battre monoye tam d’or que d’argent, que elle ne soit du poix cellon la loys. En oultre, avons veu en vostre ordonance des escus de /154/ XXXVI gros, lesqueulx nous laissons à part, pource que vostre maistre ne nous laisseroit escus ne ducas à fondre, come on a faict les rolebachez, les teston, les solz de Savoye, lesqueulx pourterions gros dommaige aut pais.
Par commandement P. Wavre.
Noces de la nièce de l’évêque.
1533. 25 juin. – Fuit congregatum consilium et retroconsilium de mane, deliberaturi super expositis et requisitis parte R. D. N. Lausannensis episcopi, qui dixit se velle facere nupcias neptis sue dominica sequenti post nativitatem Johannis Baptiste et intellexisse communitatem Lausanne velle facere congregacionem gencium et levare maium, et propterea rogavit idem prelibatus rev. dominus noster ut dicta congregacio prolongetur de octo diebus, ut non fiat tumultus propter dictam congregacionem, quia ubi multitudo ibi confusio. Et fuit conclusum, saltem per maiorem partem, debere prorogare dictam levacionem de octo diebus post dictas nupcias, et debere facere honorem prelibato rev. domino nostro; et quod dicta congregacio non fiebat nisi per bonum respectum.
L’évêque de Lausanne avait plusieurs sœurs mariées, entre autres deux, nommées l’une et l’autre Jeanne. L’aînée des deux Jeanne avait épousé Antelme de Montvuagnard, seigneur de Boège, dont elle eut un fils, Alexandre de Montvuagnard, seigneur de Boège et des Tours, dont il sera question plus tard. (Voyez 1534, juillet.)
Jeanne la cadette épousa : 1o Philibert de Clermont, seigneur de Vaulserre en Dauphiné; 2o Christophe de Diesbach, seigneur de Worb, et 3o Méraud de Grolée, baron de Vivirille et seigneur de Châteauvillain. De son premier mariage Jeanne, la cadette, /155/ eut deux filles : Sébastienne, qui épousa François de Grolée, seigneur de Vivirille, et Claudine, qui épousa Balthazard de Martin, seigneur de Dizimieu. (Communication de M. l’abbé Gremaud.) C’est peut-être du mariage de Sébastienne ou de Claudine qu’il s’agit dans le texte. Le seigneur de Dizimieu est évidemment le neveu auquel l’évêque adressa sa lettre du 25 mars 1535, mentionnée plus tard. Dizimieu est au nord du département de l’Isère, près de Crémieu.
Coulevriniers allant à Berne pour un prix.
1533. 24 juillet. – Fuit deliberatum quod dentur sociis burgensibus ville colovrineriis ire volentibus Bernum ad ludendum cum colovrina in certis preciis colovrine ad hoc per dominos Bernenses mandati (sic), videlicet : tria scuta auri.
Election du bourgmestre, du boursier et du conseil.
1533. 7 septembre. – Die dominica ante festum nativitatis B. Marie Virginis, septima mensis septembris anno Domini millesimo quingentesimo trigesimo tercio, convocatis omnibus burgensibus civitatis et ville Lausanne per sonum campane, ut est consuetum, et propter hoc congregati in domo communitatis sita in Palude, pro uno burgozmaistre, consiliariis et uno borserio eligendis et aliis negociis tractandis, fuit iterum electus et nominatus in burgozmaistre egregius dominus Johannes de Sancto Ciriaco, qui ad postulacionem maximam et requisicionem omnium burgensium ibidem presencium dictum officium acceptavit pro complemento suorum trium annorum.
Item, fuit electus borserius, loco Guill. Ravinel, qui complevit suos tres annos, videlicet providus Petrus Gautheri. /156/
Item, Mesonarrez : G. Bosson.
Quiquidem electi et nominati prestiterunt juramentum super sacro sancto canone prestari consueto.
Item pro consiliariis eligendis et banderetis, presentes ibidem se diviserunt per banderias, secundum quod de qualibet erant.
Primo, pro banderia Civitatis fuerunt electi in banderia Paludis, videlicet spectabiles domini Stephanus Loys, G. Grant; Jo. Rochyz, G. Ravinel, G. Gumini, B. Blecheret, Jo. Borgeys. Item, fuit eciam pro bandereto idem Jo. Borgeys.
Item, in Sancto Laurencio; Satur. Ruffi, Fran. Guibaud, G. dou Crest, G. Fontannaz. Item, banderetus Jacobus Bouz.
Item, in banderia Pontis : Petrus Gautheri, G. Bosson, Reg. Pivard, Anth. Bovard, G. de Lalex junior et Soffredus Buet, et idem Soffredus pro bandereto.
Item, in banderia Burgi : Nobiles Franciscus de Prez dominus Grangiarum; Franciscus de Praroman dominus Capelle, Ste. Grant hospes Leonis, Franciscus Souveys et Enabulus de Laz Cort. Item, idem Franciscus Souveys pro bandereto.
Item in banderia Civitatis : Petrus Wavre, providus Petrus filius quondam domini B. Raveri et Guill. Sodallez. Item, idem Sodallez pro bandereto.
Fiat cum clausulis opportunis et necessariis, dictamine sapientum. Die et anno quibus supra.
Wavre.
1533. 2 octobre. – Superius nominati domini consiliarii prestiterunt juramentum per levacionem manus, qui juraverunt esse boni et fideles communitali, procurare /157/ bonum et evitare, malum, bene consulere juxta eorum posse, et se iniunxerunt, quilibet eorum pro quolibet deffectu, de tribus solidis, nisi fuerit causa justa.
Droit de péage sur le vin à Saint-Sulpice.
1533. 30 octobre. – Fuit conclusum et arrastatum quod tociens quociens adducitur vinum in Sancto Sulspicio et alibi penes territorium ville et villagiorum et arripatur, si ponatur super terram, tenetur ad tributum corde; et si quadrigetur a navi sine ponendo in terram, non tenetur ad tributum corde, videlicet ad unum denarium pro quolibet sextario vini; et si admodiatarius non evocetur et non se juvet quadrigare, non tenetur ducens vinum, nisi ad medietatem mensure sive tributi.
Sur le tribut de la corde, ou impôt pour le mesurage des tonneaux de vin chargés dans la ville, voyez M. D. R. XXVIII, pag. 273.
Cet impôt à Saint-Sulpice, qui avait été probablement décidé quelques jours auparavant, mais qui n’est enregistré qu’à la date du 30 octobre, attira au conseil de Lausanne la lettre suivante de MM. de Berne :
« Nobles, magniffiques seigneurs, singuliers amys et trèschiers combourgeoys, Nostre homme qui az conduict nostre vin d’Aillioz (d’Aigle) sur le lac nous az donné entendre comme vuilliés avoyr le piage dudit vin à Sainct Sulpy, que nous est chose bien estrange, car jamays de cella ne sumes estés advertis, et ne scavons croyre que soyons entennuz de baillier tieul piage. Dont vons prions vous dépourter de cella ou informer que nous debvons tieul piage, adoncq nous ferons scelon que rayson requerraz. Datum XXX octobris anno XXXIIIo.
» L’advoyer et conseilz de Berne. » /158/
Suscription : Aux nobles, magniffiques, saiges, pourvéables seigneurs, Burgemestre et Conseilz de Lausanne, nous singuliers amys et trèschiers bourgeoys.
(Sceau de Berne plaqué. Archives de Lausanne EE, 827.)
Secours refusés aux Fribourgeois.
1533. 7 novembre. – Fuit congregatum consilium et retroconsilium, deliberaturi super quadam littera, missa parte magnificorum dominorum Friburgensium, qui mandabant ut haberemus eligere centum hacquebutier bene equippatos ad arma et guerram, quia intellexerunt se invasuros per nonnullos eorum inimicos. Fuit deliberatum et conclusum non debere eligere donec et quousque sciamus contra quos volunt ire.
1533. 19 décembre. — Fuit per dom. Johannem de Sancto Ciriaco burgimagistrum recepta una littera in mane, parte magnific. dominorum Friburgensium transmissa, tenoris ut habere debeamus eligere et tenere preparatum numerum de haquebutier et eisdem mictere quando mandabunt. Super qua fuit consilium congregatum et per eosdem conclusum debere eligere ambassiatores mictendos Friburgum ad sciendum ubi eosdem volunt mandare et contra quos. Et fuerunt electi providi viri Glaudius Gumini et Johannes Borgeys.
Les troubles religieux qui avaient eu lieu à Soleure le 30 octobre 1533, et qui nécessitèrent l’intervention des confédérés, furent bien près d’amener une nouvelle guerre de religion en Suisse. Les cinq petits cantons, Fribourg et Vallais avaient entre eux un pacte pour la défense de la religion catholique et avaient noué des négociations avec le pape et l’empereur. De leur côté, les cantons protestants, abattus par la guerre de Cappel, se /159/ rapprochaient; Berne s’était entendu avec Bâle. Ainsi dans les deux partis, on se préparait en secret à une lutte armée qui cependant put être évitée. (Voyez Abschiede, IV, I, C, pag. 152 à 228.)
C’est peut-être en vue de ses préparatifs pour cette lutte que Fribourg avait demandé à Lausanne les secours mentionnés dans le texte. Comme le conseil de Lausanne devait bien se douter que ces troupes seraient opposées à Berne, sa ferme alliée contre l’évêque, il voulut prendre ses précautions. Il est probable que la demande de Fribourg n’eut pas de suite, puisque la guerre fut évitée.
Consultation de droit.
1534. 18 janvier. – Ad postulacionem et requisitionem receptoris domini dou Chastellard nec non bandereti ejusdem loci et unius alterius parte hominum loci ejusdem dou Chastellard, fuit congregatum consilium super casu detencionis unius hominis eiusdem loci et subdicti eiusdem domini, petentes consilium a dominis consiliariis Lausanne, cum sint secundum consuetudinem Lausanne, dicentes quod dominus dou Chastellard detinet in suo castro dictum hominem captum sine cognicione, super certis verbis per dictum captum prolatis contra dominum suum, ut asserit, nolens eumdem remictere mediante caucione, requirentes oppinionem ven. consilii communitatis Lausanne, cum sit caput et ipsi membra.
Communis opinio ven. consilii Lausanne fuit et est, ut in placito generali continetur, articulo XLIX, cujus tenor talis est :
Item, dominium Lausanne quodcunque sit non potest seu debet capere seu capi facere aliquam personam sine cognicione.
Et ista est consuetudo Lausanne et captura alio modo /160/ facta est nulla et reparanda secundum consuetudinem Lausanne. Datum die et anno predictis.
Guerre de Genève.
1 1534. Juillet. - In mense julii fuerunt verba occurentia quod dominus de Boejoz 2 , nepos R. D. Sebastiani de Montefalcone faciebat ultra lacum congregacionem sociorum et armigerorum et alii in Grueria adducendorum huc lausannam ad faciendum violencias burgensibus et ville, propter quod fuerunt excubie in nocte et qualibet nocte, ob timorem quia currebant verba quod volebant incendere villam, et faciebat intendere idem dominus de Boejoz quod eramus omnes luteriani et quod R. D. N. episcopus non audebat exire castrum suum, quod non est veritas.
1534. 16 juillet. - Fuit congregatum retroconsilium ad postulacionem nobilis Francisci de Chabie, abbatis infancium communitatis Lausanne, super quibusdam occurrentibus, videlicet, quod intellexerunt quod fit congregacio plurium gencium et sociorum armigerorum volencium invadere velle presentem civitatem. Fuit conclusum debere eligere capiteneos et conductores sociorum et burgensium Lausanne, casu predicto adveniente, quod absit, ad obviandum. Et fuerunt electi conductores et capitanei videlicet /161/ Nob. Franciscus de Chabie, Enabloz de Laz Cort, Guido Gendron et Petrus de Sancto Ciriaco, qui prestiterunt juramentum super sanctis Dei evangeliis bene et honeste conducere totum factum.
1534. 25 août. - Fuit deliberatum et conclusum super occurrentibus in civitate Gebennensi debere alloqui dominum ballivum, ut proclametur quod nullus socius, cuiuscunque status sit, audeat exire Lausanna pro eundo ad guerram.
Et fuit deliberatum debere (convocare) ad diem crastinam dominos de retroconsilio, deliberaturos super dictis Occurrentibus.
1534. 26 août. — Fuit magis conclusum et deliberatum, quod omnes habeant se munire baculis aptis et congruentibus ad deffensionem ville et personarum, et quod bandereti faciant visitacionem domorum, et qui noluerit et contradicat habeat exire villam ville et ressortorum, et quod burgenses et habitantes ville non habeant absentare villam.
1534. 27 août. – Fuit preceptum Johanni Dralliat, Baptiste dou Mont, Blasio et Georgio Forney, Glaudio Tivel antenato et Glaudio juniori ire volentibus Gebennas, ne habeant ire; et fuit factum mandatum per burgimagistrum et officialem temporalem.
1534. Dimanche 30 août. – Fuit congregatum consilium et retroconsilium atque ducentum burgenses, deliberaturi super punctis sequentibus : Primo super occurentibus, videlicet super meniis reficiendis tendentibus ad ruynam. /162/
Item, super non habentibus baculos.
Fuit deliberatum quod fiant desenarii et quod evocentur ad preparacionem et reparacionem meniarum et aliorum necessariorum.
Item, quoad non habentes baculos aptos ad deffensionem ville et personarum, quod ex nunc se habeant munire, et fiat visitacio per banderetos.
Item, super locacione domorum quod nullus habens domum non habeat locare straneis, nisi de voluntate et consensu ven. consilii.
Item, quod habentes ortos affrontantes meniis ville in fossalibus teneantur et debeant portare terram ab inferius superius, usque ad cruces existentes in meniis.
Item, quod domificator,communitatis possit scidere arbores existentes contra menia et qui sunt nocivi meniis.
1534. 24 septembre. - Fuit electus capitaneus mictendus cum sociis ville super campos, super occurrentibus et tangentibus guerram cum magnificis dominis Bernensibus qui volunt ire ad juvamen Gebennarum, videlicet nobilis Enabloz de Laz Cort et eius banderetus Guido Gendron.
Item, pro assistendo in villa, videlicet Anthonius Bovard et eius banderetus B. Blecheret.
Item, fuerunt electi et deputati Jo. Borgeys, G. Sodali, Ja. Bouz, B. Frontones et Ja. Dalliens, bandereti, pro visitando ressortos et qui sunt muniti baculis pertinentibus ad guerram.
Les articles du manual qu’on vient de lire ont surtout trait à la guerre que l’évêque de Genève et le duc de Savoie faisaient contre Genève en 1534. L’évêque de Lausanne, Sébastien de Montfalcon, était un gentilhomme de Savoie; il était très partisan /163/ du duc, fort opposé aux nouvelles idées religieuses qui s’introduisaient peu à peu dans sa capitale, toujours en lutte avec ses sujets, qui de leur côté favorisaient les citoyens genevois; en sorte qu’il est bien naturel que cette guerre entre un prince, seigneur du Pays de Vaud, et une ville si voisine fût suivie avec intérêt à Lausanne par tous les partis et y produisit une grande émotion.
Il ne peut être question de faire ici un récit, même abrégé, de ces hostilités, qui ont été cent fois racontées; on se bornera uniquement à éclaircir les articles du manual et à les rattacher à la suite des événements.
Les nouvelles opinions religieuses avaient fait de rapides progrès à Genève. Le conseil et la majorité des citoyens de cette ville étaient en opposition ouverte avec leur évêque et avec le duc de Savoie, qui leur faisaient la guerre par tous les moyens à leur disposition. Après de fréquents avertissements et des conférences inutiles à Lausanne, au mois d’avril, les Fribourgeois, partisans déclarés de l’ancienne religion, avaient rompu, au mois de mai, la combourgeoisie qu’ils avaient contractée avec Genève huit ans auparavant. Les Bernois, partisans non moins décidés de la Réforme, et caressant peut-être des projets futurs sur la succession de l’évêque, soutenaient les Genevois. D’un autre côté, les Etats de Vaud avaient, dès le mois de mars, assuré le conseil de Fribourg de leur intention de défendre l’ancienne foi, avec l’approbation du duc, leur seigneur. Les petits cantons catholiques avaient fait avec Fribourg et le Vallais une alliance secrète, approuvée par le pape Clément VII, dont le but était la défense de la foi catholique, et dans laquelle le duc de Savoie et l’évêque de Lausanne désiraient être compris.
Au milieu de tous ces événements, le conseil de Lausanne demeura, comme toujours, irrésolu, dominé par l’impression du moment, ne sachant prendre de parti décisif, ni dans un sens, ni dans l’autre; également craintif de trop se compromettre vis-à-vis de Berne, de Fribourg et de la Savoie. Tantôt, comme le 1er août, il offre un secours de cent arquebusiers à Genève; tantôt comme trois semaines plus tard, il interdit aux Lausannois de se mêler de la guerre. Tout dépend de ce qui présente le moins de danger immédiat et de la domination plus ou moins grande /164/ qu’exerce sur un conseil sans caractère une bande de mauvais sujets dont on a vu ci-dessus les exploits. C’est ce qu’on peut conclure avec assez de vraisemblance de tous les documents qui nous sont parvenus, car on ne trouve que peu d’informations dans le manual.
Celui-ci nous transporte subitement au mois de juillet. Les ennemis de Genève avaient réuni une nombreuse armée pour envahir cette ville par terre et par eau. Il est fort probable que le neveu de Sébastien de Montfalcon, M. de Boège 1 , mentionné dans le texte, aura voulu profiter de l’occasion pour détourner de leur destination quelques bandes armées, afin de tenter un coup de main sur Lausanne, et d’y rétablir définitivement l’autorité de l’évêque, qui était fort ébranlée. Pour intéresser les chefs de bandes à son entreprise, il fait courir le bruit que Lausanne est entièrement gagnée au lutheranisme et que l’évêque est prisonnier dans son château.
En tout cas, les Lausannois paraissent avoir eu une belle peur, car ils prennent à la hâte des mesures de défense, mettent en ordre leurs fortifications, font des rondes de nuit, envoyent des messagers du côté de la Gruyère pour savoir si les ennemis annoncés viennent, en Savoie pour avoir des informations sur les mouvements de M. de Boège, en Valais; à Nyon, ils nomment des chefs militaires et reçoivent de leurs combourgeois de Berne des promesses de secours.
Mais cette alerte fut sans doute fort courte, car dès le 1er août, le conseil de Lausanne offre à ses voisins de Genève un contingent de cent arquebusiers en cas de besoin.
Quel fut le rôle de Sébastien de Montfalcon dans cette affaire et surtout dans la guerre de Genève ? C’est ce qui n’est pas clairement élucidé, mais il est fort probable qu’il ne se borna point à faire des vœux platoniques pour le succès du duc de Savoie. La lettre suivante du conseil de Berne au conseil de Lausanne montre que du moins on l’accusait d’être fort au courant de ces entreprises : /165/
« Nostre amyable recomendation devant mise, Nobles, magnifficques seignieurs, singuliers amys et féaulx combourgeoys. Nous sumes advertis par nous combourgeoys de Genèfve, aussy par nostre chier et féalz bourgeoy Jacque Tribollet, lequelz est audit lieu de Genèfve, comme les gentilhommes et gens du pays de Savoye et aultres soyent en grand nombre en armes à l’entour de Genèfve et ayent fourragéz aulcunes granges appartenantes a nousdits combourgeoys de Genèfve, pareillement prins aulcungs de leurs citoyens et d’aulcungs ayent euz la chasse. Sur ce avons advisé d’envoyer nostre ambassade pour expérimenter tout cella et d’y mectre ordre convenable. De quoy vous avons bien voulsuz advertir, vous priant que vuilliés aussy de vostre cousté expérimenter comme les choses vont et aussy avoyr resgard sur lesdits de Genèfve, considérant que si eulx souffrent quelque froutée, que cy après l’on vous pourroyt semblablement molester; car comme par cy devant sumes advertis, touttefois ne luy adioustons foy, votre évesque doyt avoyr quelque scavoyr de ladite entreprinse. Vous priant de nous tousiours advertir de ce que en cestuy endroict expérimenterés. Datum dimenche IIa augusti anno XXXIIII.
» L’advoyer, petit et grand Conseilz de la ville de Berne. »
Suscription : Aux nobles, magnifficques Seignieurs, Burguemeistre et Conseilz de la ville de Lausanne, nous singuliers amys et trèschiers combourgeoys.
(Archives de Lausanne EE, 829. Lettre missive originale avec le sceau de Berne plaqué.)
Sébastien de Montfalcon n’était peut-être pas aussi innocent que le conseil de Berne feignait de le croire. Déjà au mois d’octobre précédent il avait obtenu, à Marseille, de Clément VII, une lettre de recommandation, par laquelle le pape engageait le conseil de Fribourg à l’admettre avec son chapitre et tout son clergé dans l’alliance particulière des cantons catholiques. (Voy. Herminjard, Correspondance des Réformateurs, III, 89.) En vertu de cette recommandation, il fit des démarches réitérées, soit auprès de Fribourg, soit auprès des députés des cantons catholiques /166/ réunis à Thonon au mois de novembre 1534 pour les affaires de Genève. (Voyez Abschiede, IV, I, C, pag. 441.) Voici la lettre qu’il écrivit au conseil de Fribourg le 5 août 1534 :
« Magnifiques et trèspuissans seigneurs, mes singuliers amys et protecteurs, tant et de si bon cueur que fere puis à voz seigneuries me recommande.
» Messeigneurs, vous scavez que tant par moy que les miens vous ay pluseurs foys faict advertissement des voulentez, ouvres de faict, usurpations, tant sus les droibs de mon esglise que sur moy aussi, des batteries, larrecins, multres, que journellement se font icy, à quoy sans aveuz et port plus fort que le mien ne puis obvier ny résister par justice, ny aultrement, ce que voulenté et force y dominent. Et pource que l’on dict communément que l’ung des péchéz ameyne l’aultre, je crains fort qu’il ne tombe à plus gros inconvénient, c’est de perdre la foy, pluseurs qu’il en ya; cart quelque chouse qu’il disent, leurs gestes et actes sont tous évidens; et encoures ses jours passéz il on rompu au cloistre de Nostre Dame le bras de l’ymage sainct Sebastian et ont aussi chanté chansons diffamatoyres de nostre saincte foy crestienne; de tuer et battre c’est ung ordinaire. Pourquoy, messeigneurs, considérant tous ses afferes et esclandres, ne seroit plus possible à mes serviteurs officiers, ny à moy, habiter en ce lieu, sinon qu’il playse à voz seigneuries me donner ayde et faveur, de quoy avez bon pouvoir, quant vous playra le fere; c’est de tenir moien et prier messeigneurs des quantons crestiens que je soye comprins en l’aliance de la foy qu’avez entre vous aultres, messeigneurs; pour lequel affere nostre sainct père leurs a escript des brefz, comme je vous ay faict entendre; aussi messeigneurs de Saleure m’ont mandé que quant il playra à voz seigneuries donner charge à voz embessadeurs en parler, qu’il feront le semblable. Si vous prie, messeigneurs, tant que je puis, si messieurs vos embessadeurs ne sont encoures partys pour aller à la journée, leurs vouloir donner charge en parler, et si sont partys, leur escripre et commettre ainsi de fere, pour le grand bien que peult en advenir et éviter les inconvéniens, que pour les raysons que dessus pourroient en sortyr; vous suppliant /167/ prendre la chouse à bonne part et mieux l’entendre que ne la vous scay escripre et tousiours me tenir en vos bonnes grâces. Priant sus ce nostre Seigneur vous donner, magnifiques et trèspuissans seigneurs, mes singuliers amys et protecteurs, trèsbonne vie et longue.
» A Lauzanne ce Ve d’aoust 1534.
» Le tout vostre L’evesque de Lauzanne. »
Suscription : A magnifiques et trèspuissans seigneurs, messeigneurs les advoyez et conseilz de Fribourg, mes singuliers amys et protecteurs.
(Archives cantonales fribourgeoises, No 124. Abscheids de Payerne. Lettre missive originale scellée des armes de Montfalcon sur un pain à cacheter.)
Le coup de main sur Genève n’avait pas réussi au mois de juillet; mais les partisans du duc de Savoie n’en continuèrent pas moins à rassembler des troupes, dont le commandement fut confié au châtelain de Mus, qui avait eu maille à partir avec les Suisses et qui, voulant se venger d’eux, avait embrassé le parti du duc de Savoie. Le conseil de Berne déploya une grande activité en faveur de ses combourgeois et dépêcha des ambassades en Savoie, aux Etats de Vaud et aux Valaisans pour les détourner de faire la guerre à Genève. Il écrivit entre autres au conseil de Lausanne l’intéressante lettre que voici, sous date du 20 septembre :
« Nostre amiable salutation devant mise. Nobles, magnifficques seignieurs, singuliers amys et trèschiers combourgeoys, Vous tenés sans doubte ancores bien mémoyre à quelle cause sumes ses ans passés estés occasionnés d’aller secourir nos combourgeois de Genèfve, aussy ce que par les ambassadeurs de nous alliés et confédérés surce à Sainct Jullin a esté concluz; en après estre audit lieuz la paix aulcugnement faicte et que telle cause feust remise en droyt à Payerne, illecq du tout apointé; duquelz apointement nous et nousdits combourgeoys de Genèfve jusques ici nous sumes tenus, et espéré per ce estre et desmeurer en bonne /168/ paix. Ce que touttefoys vers illustrissime seignieur de Savoye n’az peuz avoir lieuz, car ces jours passés les gentils et soubgets dudit duc et les officiaulx et commis de l’evesque de Genèfve avoint entreprins traiteusement assaulter ladite ville de Genèfve, en tout premier ceulx que estoient au divin sermon sans aulcune deffiance ny recordation de leur honneur méchantement en l’esglise occire et murtrir, ce que touttefoys Dieu az contregardé, auquelz soyt gloyre.
» En après que leur faulse entreprinse leur az mal prins, soy sont à grosse honte retiré; toutteffoys ne soy sont de ce contenté, ains derechieffz entreprins ladite ville de Genèfve ruiner, et surce comme véritablement sumes advertis, az mandé et esleus le chastellain de Muss et aultres estrangiers, capitainnes et gens d’armes. Et quant ce avons perceuz avons envoyé nostre ambassade vers ledit duc et telz acertement donné d’entendre, luy priant cella vouloir appaiser et laisser nousdits combourgeoys de Genèfve en paix, sans molestation, decousté le dit arrest et sentences, aussy decousté droyct auquelz tousiours soy ouffrent obtempérer.
» Sur ce nous a tramis son ambassade, laquelle nous az beaucoup donné de belles parolles, maix du tout par faintise; car, comme nous sumes par nous ambassadeurs que de présent sont à Genèfve informé, sont deffenduz les vivres ausdits de Genèfve, prins tous les passaiges, pillés et fourragés le leurs sus son pays, aussy deans les limites de leur ville, aussy faict les monstres par tout son pays de Savoye; et ses jours passés est esté assaulté ung des nostres, nomé Caspar de Kilchberg, deça Genèfve, de telle sorte que, sy gens de bien ne luy eussient aydé, fust estre occis. Et summayrement soy desmontrent les choses de telle façon qu’est à doubter, sy l’on ne vaz secourir, nousdits combourgeoys soyent affoulés.
» Depuis doncques que par honneur ne les serions laisser, avons, comme ceulx désirrans paix et tranquillité, de second envoyé nostre ambassade en Savoye, pour leur trèsacertement remonstrer nous et nousdits combourgeoys de Genèfve laisser desmourer decousté ledit arrest et droict obtenuz; avecq telle proposition, s’ils entendent que nous ou nousdit combourgeoys /169/ de Genèfve à l’observation d’iceulx ayns (ayons) fally, nous soubmettons en venir en droict pardevant nous alliés qu’en ont desia congneuz, et quilz n’amennent estranges gens en cestuy pays, spécialement ledit chastellain de Muss, lequel, comme scavés, est à tous nous nostre mortelz ennemis, avecq ce que az ouvertement dict qu’ilz soy vengeroyt de nous et d’aultres alliés, ce que az en parthie par nous pays faict, à tous ces traictes qu’ilz a tramis et payé pour nous brusler nous maysons. Et sy doncques le cas luy prévoyt bien, n’est chose plus certainne, scinon que aux pays des ligues pourteroyt trèsgrieff dommaige.
» Et pour à ce obvier, avons concluz que quant ledit Savosien et évesque ne soy vouldront baster avecq l’aide et conseilz d’aultres nous alliés, fayre tout ce que nécessité requerraz et, per l’ayde premièrement de Dieu, en après de vous et d’aultres nous adhérans, lesdits nous combourgeoys de Genéfve, comme apertient à gens de bien, deuement secourir et préserver d’une telle violence et force. Ilz sont aussy ouffert nous et vous contenter de la primièrez tirée et de la suivante, avecq oufferte de leurs corps et biens. De ce vous avons par temps bien voulsuz advertir, affin que vous sachés aprester, quand vous manderons à tout vostre bande de gens darmes estre debout, que soyés accoustrés et tout prest.
» Davantaige, treschiers combourgeoys, pource que sumes advertis que tous passaiges sont prins et que nous combourgeoys de Genèfve de heure en heure attendent l’assault, vous prions que vuilliés avoir esgard sur cella et envoyer vous espies sur les champs pour expérimenter la chose, et de ce que véritablement vous espierés nous en advertir en toute diligence. Pareilliement, les advertissement que nous ambassadeurs que s’en vont vers le duc et ceulx que sont à Genèfve nous envoyeront et ceulx que nous leur donnerons cy après, les fayre seurement tenir à nous et à eulx; en ce nous ferés grands plaisirs.
» Datum dimenche XXa Septembris anno XXXIIIIo.
L’advoyer, petit et grand Conseilz de Berne. » /170/ M
Suscription : Aux nobles, magniffiques, prudans seignieurs Burgermeistre et Conseilz de Lausanne, nous singuliers amys et trèschiers combourgeoys. (Archives de Lausanne EE, 829. Lettre missive origninale, avec le sceau de Berne plaqué.)
C’est ensuite de cette lettre que le conseil de Lausanne prit la décision consignée au manual, sous la date du 24 septembre.
Election du conseil.
1534. 6 septembre. - Convocatis omnibus burgensibus civitatis et ville Lausanne …, pro uno burgoz maistre et consiliariis pro anno futuro eligendis et aliis tractandis, qui presentes elegerunt et nominaverunt burgoz maistrez discretum virum Guillelmum Ravinel presentem qui … dictum officium acceptavit pro tribus annis proxime et continue futuris … qui prestitit juramentum.
Item fuerunt electi consiliarii. Et primo, per banderiam Civitatis in banderia Paludis : Spectabilis dominus Stephanus Luys, Gerardus Grant, dom. Jo. de Sancto Ciriaco, Johannes Borgeys, Johannes Rochyz, Benedictus Blecheret, Guido Gendron, Ste. Menestrey.
Item in banderia Sancti Laurencii : Nob. Franciscus de Chabie, G. dou Crest, Franciscus Guibaud, Anthonius Grandis, Ja. Bouz.
Item, in banderia Pontis : Petrus Gautheri, Regnerius Pivard, G. Bosson, Anthonius Bovard, Soffre Buet, G. de Lalex.
Item, in banderia Burgi : Nob. Franciscus de Prez, Enabloz de Laz Cort, Franciscus Souveys, Ste. Grant.
Item, in banderia Civitatis : P. Raveri, P. Wavre, G. Sodali. /171/
Menaces faites contre la ville.
1534. 28 octobre. - Fuit convocatum consilium et retroconsilium, deliberaturi super certa differentia et minis factis per nobilem Magot, qui jactavit velle verberare burgenses Lausanne et congregasse certos socios straneos ad offendendum burgenses euntes ad nundenas Morgie. Quapropter fuit deliberatum debere mictere socios ville ad obviandum operibus facti, et fuerunt missi plures burgenses et socii ville Lausanne. Nihilominus domini Morgie providerunt dictis operibus facti. Et fuerunt electi conductores Franciscus Guibaud et Ste. Grant, hospes Leonis, qui iverunt Morgiam cum eorum comitiva.
Je n’ai pas trouvé de renseignements sur le noble Magot, mentionné dans le texte. Il faisait probablement partie des troupes rassemblées par M. de Boège, car on lit dans les Comptes de la ville : « Item magis libravi die festi sanctorum Simonis et Jude die nondine Morgie, quando duxerunt socios contra dominum de Boejoz et Margot pro eorum expensis, etc., XII lib. VII sol. »
Ordonnances religieuses.
1535. Dimanche 28 février. - Fuerunt convocati omnes burgenses sive commune, deliberaturi super cridis factis die sabbati precedenti quoad blafemias que fiunt cothidie. Fuit conclusum quod non fiant amplius blafemie.
Item, super illis qui comedunt carnes diebus deffensis, nec non caseum et butirum tempore quadragesimalli, fuerunt communis oppinionis quod observentur quoad blafemias et quod primus blafemans teneatur pro prima vice obsculare terram, pro secunda sit pro tribus solidis, et pro tercia ponatur in colari publice, coram toto populo. /172/
L’ordonnance qu’on vient de lire ferait supposer qu’il y avait alors à Lausanne une minorité de personnes qui n’observaient point les règles de l’église catholique et se permettaient, comme les réformés, de manger de la viande en temps défendu. Mais il n’y a pas lieu de les identifier avec la bande turbulente qui terrorisait la ville et la remplissait de tumultes.
Peu de jours après cette date, Sébastien de Montfalcon se trouvait à Fribourg. D’après Berchtold, historien de Fribourg, il demanda la bourgeoisie. Le 22 mars, il se présenta devant le conseil et s’y plaignit de la désobéissance de ses sujets et même du clergé. (Voyez Abschiede.) Le 25, il écrit à son neveu M. de Dizimieu la curieuse lettre dont M. Herminjard a publié un fragment (Correspondance des Réformateurs, III, 281), et dans la quelle il témoigne de son consentement des mesures de rigueur prises par François Ier contre les réformés, et dit qu’il a été parfaitement reçu à Fribourg, où il trouverait deux mille hommes en cas de besoin. L’original de cette lettre (Archives cantonales, bailliage de Lausanne, No 3312) a été évidemment saisi, probablement par les Bernois. On lit les notes suivantes sur le dos de la lettre : L’évesque se vante de 2000 fribourgeois. Fryb. IIM man verhiss. Schribt wie er fro exequutionis lutheranorum.
Sur M. de Dizimieu, voyez l’article du 25 juin 1533.
Bruits de guerre.
1535. 30 mars. – Fuit deliberatum et conclusum debere facere bonas excubias nocte et die, propter certa occurrencia ad causam guerre quam dubitatur evenire hoc anno et in brevi.
Prix de coulevriniers.
1535. 13 avril. - Fu ordonné touchant les compagnyons joyant à la colovrine que quant ilz joyeront le papaguex que celluy qui l’abactra, pour soustenir les charges doege avoir /173/ congréguer dix floryns, pour les ceste foys, de la ville; en ce qui doege compagnyons colovrinier quan mestier sera 1 .
Commune de Pully.
2 1535. 20 avril. - Comparuit in consilio Johannes Martyn, gubernator Pulliaci, associatus de Glaudio dou Port, filio Petri dou Port junioris, parte communitatis Pulliaci, dicentes se et communitatem Pulliaci velle bene vivere cum communitate Lausanne prout hacthenus fuit consuetum et esse obedientes communitati Lausanne.
Etalonage des mesures.
1535. 29 avril. - P. Gautheri borserius retulit quomodo Petrus Wagnyerrez, receptor R. D. N. Sebastiani de Montefalcone episcopi, dictum P. Gautheri borserium requisivit ut eidem receptori sigillaret sigillo communitatis unum bichetum et unum quarteronuum nemoreos. Qua relacione facta, fuit eidem borserio preceptum ut dictos bichetum et quarteronum sigillet 3 . /174/
Râpes.
1535. 18 mai. – Conclusum non debere amplius a modo in futurum accensare de communibus in Raspis perpetue, nisi esset ad tempus, sed conserventur pro communitate et conserventur arbores quercuum.
Contributions des villages du ressort pour les murs de la ville.
1535. 25 mai. – Comparuerunt certi de ressortibus; primo certi de Bémont, de Crissier, Frigidavilla, Bretignye, Cugie, Romanel, Jouctens, Mexiriez, evocati per communitatem, ut habeant se juvare ad adducendum certum marrinum a Joreto sive Raspis ad construendum et domificandum turrim novam Sti Laurencii. Et primo, illi de Bémont se obtulerunt facere sex currus; illi de Crissier sex currus; Frigidavilla tres currus; Bretignye duos currus; Cugie tres currus; Romanel quinque currus; Jouctens et Mexiriez tres. Morrens se obtulit se obedire et facere juxta eorum posse. Pullie dixit referre eorum communitati.
L’état troublé du pays et les craintes continuelles de guerre engagèrent le conseil à faire réparer les fortifications de la ville qui étaient en fort mauvais état. La tour de Saint-Laurent surtout, quoiqu’elle n’eût été construite qu’en 1459, menaçait ruine. On fit venir des pierres de la carrière de Pissiaux, près de Martheray, des chênes et surtout des sapins du Jorat. Les villages du ressort étaient astreints à certaines prestations pour l’entretien des murs, comme on l’a dit dans la note à l’article du 13 février 1432. (M. D. R., XXXV, pag. 146.)
Les corvées mentionnées dans le texte furent faites. Comme on le voit par les comptes de la ville, Froideville, Morrens et le Grand-Mont fournirent 16 chars pour le Jorat et l’on dépensa /175/ 37 sols en vin, pain et fromage donnés aux charretiers. Belmont, Pully, Lausanne fournirent 20 chars; les rafraîchissements pour les hommes coûtèrent 47 sols 3 deniers. Chesaux fournit 7 chars; le Petit-Mont, le fermier de la Maladière d’Epesses et celui du Rionsier envoyèrent 6 chars, Ecublens 5 chars, Chamblandes 3 chars, Cour et Vidy 9 chars.
On fit de la poudre à canon, on arrangea dans les tours de la ville des armoires pour la conserver; on remit en état l’artillerie qu’on possédait et l’on acheta quelques autres canons, comme on le voit par les deux articles suivants, traduit des comptes :
« Payé au seigneur de Bottens pour une pièce d’artillerie de laiton, pesant 81 livres, chaque livre vendue 3 sols et demi : XIIII lib. III sols.
» Payé au même seigneur pour cinq pièces d’artillerie de fer, pesant 181 livres, à cinq quarts par livre : XI lib. VI sols. »
Jorat.
1535. 10 juin. – Comparuerunt dominus de Combremont, dominus de Corcelles et frater Philippus Panchaulx, supprior de Monteron, una cum certis probis hominibus dictorum locorum de Corcellis et de Roppra, se conquerentes et dicentes quod nos de Lausanna pasturamus et carbones facimus super certis eorum possessionibus sitis in Joreto et eisdem abbergatis per certos dominos de Gumuens. Fuit eisdem allegatus usus noster.
Le droit d’usage dans les forêts du Jorat (Jorat d’Echallens, Jorat de l’évêque) donnait lieu à des difficultés incessantes entre la commune de Lausanne et les concessionnaires avoisinants. Nous avons dit (art. du 27 juin 1409) que, outre sa propriété des Râpes, la ville de Lausanne possédait des droits considérables sur les forêts du Jorat. Les autres parties en cause avaient aussi reçu d’anciennes concessions. Les sires de Gumoëns, fondateurs et bienfaiteurs de l’abbaye de Montheron et /176/ hauts-forestiers du Jorat, avaient donné à cette maison religieuse divers quartiers de forêt et des droits d’usage dans d’autres. En 1239, Guillaume de Gumoëns, dit le Roux, en avait fait autant pour les communes de Ropraz et de Corcelles, et, en 1426, Humbert de Gumoëns-le-Jux abergea à ces communes pour deux tiers et à l’abbaye de Montheron pour l’autre tiers un mas de forêts au Jorat, contre certaines redevances. Ces communes ayant négligé pendant trois ans de payer leurs redevances, Humbert de Gumoëns leur retira cette concession et réabergea en 1429 ces deux tiers aux nobles Cerjat de Moudon, devenus plus tard seigneurs de Combremont-le-Petit.
En outre, les villes de Fribourg et de Berne, possesseurs depuis 1476 du bailliage d’Echallens, avaient succédé aux nombreux droits des sires de Montfaucon, anciens seigneurs de ce pays. Toutes ces prétentions, et d’autres encore trop longues à énumérer, reposant sur des titres qui souvent manquaient de clarté, étaient la source de procès continuels dont on trouve de nombreuses traces dans les manuaux et les comptes de la ville, mais qui n’offrent aucun intérêt. Des échanges territoriaux et la cession réciproque de diverses droitures féodales effectuées avec les Etats de Fribourg et de Berne dans le cours des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles, mirent fin à ces difficultés et affranchirent les propriétés des différentes parties en litige des servitudes que l’ancien usage avait imposées.
Tumulte à Lausanne.
1535. 20 août. – Fuit convocatum retroconsilium numero LXta virorum unacum consilio ordinario, deliberaturi super nonnullis insolenciis enormibus factis per nonnullos ex sociis et infantibus communitatis die festi sancti Theodoli (3 mai), in redditu de Ochie, in conventu Marie Magdalenes, contra honorem communitatis et contra Deum. Fuit deliberatum et conclusum concorditer, illos qui tales insolencias fecerunt debere pugniri et castigari atque pugniri secundum quod deliquerunt. /177/
Die martis vigilie nativitatis Marie fuit iterum congregatum retroconsilium hora secunda post merediem. Quod retroconsilium iterum reconfirmaverunt supradictam oppinionem.
Si la date des actes de violence commis contre le couvent de la Madeleine est exacte (jour de Saint-Théodule, 3 mai), il faut reconnaître que le conseil tarda beaucoup à s’occuper de la répression de ces désordres. Ne serait-ce point encore une preuve qu’on n’osait guère sévir contre cette bande turbulente ? Il est évident qu’elle n’était point composée de réformés, puisqu’il est dit expressément que les désordres furent commis par les enfants de la ville, c’est-à-dire par l’abbaye des nobles enfants, dont on a déjà vu les nombreux exploits. Or le chef ou l’abbé de cette société était Ferrand Loys, alors zélé catholique et l’un des défenseurs de l’ancienne religion dans la dispute publique qui eut lieu à Lausanne au mois d’octobre de l’année suivante.
Le conseil n’aurait peut-être pas osé s’occuper de cette affaire s’il n’avait appris que l’évêque allait à Fribourg. Il s’y trouvait, en effet, le 25 août, comme ambassadeur du duc de Savoie, et il profita de l’occasion pour se plaindre des violences commises par les Lausannois contre les ecclésiastiques, ajoutant qu’il y avait lieu de craindre qu’ils ne voulussent imiter les Genevois. (Abschiede, pag. 547.) Et c’est sans doute sur une verte observation de Fribourg que, le mardi avant la nativité de la Vierge (7 septembre), comme nous l’apprend le texte, le rière conseil convoqué à l’extraordinaire, affirma de nouveau son intention de punir les délinquants.
Réfugiés genevois.
1535. 20 août. – Quia sunt plures Gebennenses qui huc Lausannam se refugiunt qui sunt luteriani, fuit deliberatum debere alloqui hospites, ut habeant advertere hospitantes, ne habeant loqui neque disputare de eorum lege, ut aliquod inconveniens civitati et ville non incurrat neque eveniat. /178/
Protecteurs donnés aux couvents.
1535. 24 août. - Fuerunt electi et nominati advoyerii conventuum Sancti Francisci, Magdalenes et Bellium vallium, videlicet in conventu Sancti Francisci, discretus Benedictus Blecheret; in Magdalena, Johannes Borgeys; et ad Ballevaulx, Stephanus Menestrey, qui acceptaverunt bono velle.
Sur l’abbaye de Bellevaux, voyez M. D. R., tom. XXXIV.
Couvent de Saint-François. – L’ordre des Franciscains ou Frères mineurs, fondé par saint François d’Assise au commencement du XIIIe siècle, se répandit rapidement dans toute la chrétienté et comprenait un nombre considérable d’établissements, qui furent divisés en provinces.
Le 23 janvier 1256, le pape Alexandre IV adressa à Jean de Cossonay, évêque de Lausanne, un bref par lequel il lui recommandait de favoriser les Frères mineurs de la province de Bourgogne dans l’exécution de leur projet de s’établir à Lausanne et de les aider de ses conseils et de son secours pour l’acquisition d’un lieu convenable pour bâtir un couvent.
Les Franciscains n’eurent pas besoin d’acheter d’immeubles pour leur premier établissement, car deux ans plus tard ils reçurent en don l’un des beaux emplacements de Lausanne. En effet, le 4 novembre 1258, Pierre, sénéchal de l’évêque (dapifer), et Jaquete, sa femme, firent dresser un acte authentique, par lequel ils déclarent avoir donné, en aumônes et pour le salut de leurs âmes, aux Frères mineurs de la province de Bourgogne, leur terre en dehors de la porte de Condemine, ou d’Ouchy, le long des murs de la ville et près du chemin conduisant à Rive d’Ouchy. Cette terre devait un cens annuel de 18 deniers, à titre d’aumône, au chapitre de Notre-Dame, mais les donateurs assignent ce cens sur une autre propriété, afin que leur don aux Frères mineurs soit libre de toute charge. Pierre et Jaquete paraissent avoir été seigneurs terriens dans ces parages, car ils accordent aux Frères /179/ le droit d’acquérir, à titre d’achat ou de donation, toutes terres attenantes qui sont du fief des donateurs, et d’extraire de toutes leurs propriétés quelconques les matériaux nécessaires pour la construction de leur couvent et de leur église 1 .
Parmi les plus illustres bienfaiteurs du couvent de Saint-François il faut ranger Pierre II, comte de Savoie, qui lui fit un legs de 12 livres; Louis de Savoie, baron de Vaud, lui laissa par testament 20 livres; Amédée VI, le comte Vert, 500 florins pour la réparation de l’église. Par une suite de legs et de dons pies, les Frères mineurs agrandirent leurs possessions et acquirent des maisons dans la ville, quelques vignes à Pully, à Montagny sur Lutry, à Cour, des redevances à Vufflens-la-Ville, etc. Au milieu du XIVe siècle, ils achetèrent encore des maisons et des terres près de la propriété qui leur avait été donnée à l’origine; c’est ainsi que se forma le magnifique clos qui s’étendait en face du lac, au midi du couvent, et qui depuis a été morcelé entre divers propriétaires.
Cependant l’on voit par les comptes de ce monastère qui nous ont été conservés qu’il n’était point riche. Le résumé du compte de Saint-Jean 1534 à Saint-Jean 1535 porte le revenu en argent à 214 livres 1 sol 8 deniers; dont 166 livres 11 sols pour cens en argent et 47 livres 10 sols 8 deniers pour le casuel, consistant en messes, quêtes, processions, etc. Ce revenu en argent concorde approximativement avec celui que percevait en 1548 le receveur de la ville, nouveau propriétaire du couvent, et qui était de 194 florins. A ces sommes il faut ajouter les revenus en blé qui étaient de 2 muids et demi (18 hectolitres) et en vin 9 à 10 chars ou 75 hectolitres. Naturellement le revenu casuel devait varier, et il est probable qu’il avait beaucoup diminué pendant la dernière année de l’existence du couvent, alors que le pays était fort troublé et que la Réforme avait fait certains progrès dans la ville. Cependant il n’en reste pas moins certain que l’établissement était loin d’être riche.
Le nombre des moines était variable; en 1456 ils étaient 13, y compris le gardien; en 1466, 13; en 1470, 15; en 1472, 8; en 1499, 11. /180/
Voici les gardiens ou chefs de la communauté dont j’ai retrouvé les noms :
1311. 1314. Willermus dictus Friem.
1321. 1333. Johannes de Marchie.
1350. 1351. Aymo de Bussy.
1365. Johannes de Bioleto.
1375. 1376. Petrus de Athallens.
1403. Willermus de Vouflens.
1420. Petrus de Aquiano.
1420. 1426. Franciscus dictus Jauglaz.
1428. 1429. Johannes Clementis.
1434. 1435. Richardus Legerii.
1439. Johannes Rosselletti.
1450. Petrus Capellan.
1456. Humbertus Anserim.
1466. Petrus de Vaux.
1470. Jordanus de Culaex (des Culayes).
1472. Stephanus Brunelli.
1481. 1487. Jordanus de Culaes.
1498. Anthonius Rebitel.
1499. 1516. Johannes Panisavene.
1522. 1535. Georgius Boverio.
En 1533. 1534. Guido Regis était lecteur et procurateur.
En 1534. 1535. Franciscus Chassoti était procurateur, soit économe et comptable.
Les bâtiments du couvent étaient à cheval sur les murs de la ville et entouraient l’église de toute part, ne laissant qu’une étroite rue le long des maisons qui sont au nord de la place actuelle de Saint-François. Le cimetière des religieux était à l’occident, près de la porte du Chêne, sur l’emplacement occupé maintenant en partie par l’ancien hôtel des postes.
Les historiens racontent que l’église et le couvent furent reconstruits en 1442 par Amédée VIII, duc de Savoie, élu pape au concile de Bâle sous le nom de Félix V. Ce concile, transféré à Lausanne en 1448, y siégea jusqu’à sa dissolution en 1449. La tradition porte que les séances se tenaient dans des salles sur /181/ l’emplacement desquelles M. Polier de Saint-Germain fit bâtir, dans le siècle dernier, la maison qui est maintenant celle de M. Auguste Grenier.
La tradition porte aussi que, dans la cave de la maison de la Grotte (élevée sur d’anciens bâtiments du couvent), il y a une porte secrète conduisant à un passage souterrain qui passe à côté de l’église et avait son issue dans la cave de la maison située à l’angle septentrional de la place de Saint-François.
La voûte de la cave de la Grotte était (et peut-être est encore) soutenue par quatre gros piliers en maçonnerie, reliés entre eux par des madriers disposés en forme de croix. On raconte que, peu de temps après la Réformation, le conseil de Lausanne fit faire certaines réparations dans cette cave. Un charpentier, monté sur une échelle, voulant planter sa hache dans un de ces madriers, reconnut que la poutre n’était qu’un assemblage soigneusement fait de quatre planches, laissant entre elles un vide dans lequel on trouva les vases sacrés du couvent et d’autres effets. Huit de ces calices servaient encore à la fin du siècle dernier pour la célébration de la communion dans les églises de la ville.
Le couvent fut supprimé en 1536 et devint la propriété de la ville de Lausanne. L’église fut consacrée au culte protestant et devint église paroissiale. Les autres parties du monastère eurent des destinées diverses, comme on le dira en son lieu. Aujourd’hui il n’en reste que quelques vestiges.
Couvent de Sainte-Marie-Madeleine. – L’ordre des Dominicains ou Frères prêcheurs fut introduit à Lausanne en 1234 sous Jordan de Saxe, deuxième général de l’ordre, et par les directions de Regner, docteur en théologie, originaire de Lausanne.
Cet établissement n’eut pas lieu sans quelques tiraillements avec le chapitre de la cathédrale. Voyez Cartulaire de Lausanne, M. D. R., VI, 611-615; Ruchat, Histoire ecclésiastique; Mémorial de Fribourg, etc.
Quand les premiers Dominicains vinrent à Lausanne, sous la conduite de W., prieur, de Besançon, le chapitre leur offrit son secours pour l’acquisition d’un terrain à Pérabot 1 , appartenant /182/ à Dalmase Bover, mais dépendant de l’église de Notre-Dame. Les Dominicains préférèrent acheter dans le même quartier un autre terrain, appartenant en partie à Willerme Bevroz et en partie à d’autres propriétaires qui le tenaient du chapitre. Les Frères prêcheurs y élevèrent immédiatement une chapelle en bois, sous le vocable de Sainte-Marie-Madeleine, et se mirent à rassembler des matériaux pour la construction d’une église et d’un couvent en maçonnerie, sans l’assentiment du chapitre.
A ce premier grief contre les Dominicains, le chapitre en joignit un autre. Le nouvel ordre religieux avait été accueilli avec une telle faveur dans la ville que le peuple se portait en foule aux offices de la petite chapelle, de sorte que les églises paroissiales, qui dépendaient du chapitre, étaient presques vides et les confessionnaux délaissés.
Les chanoines se plaignirent à S. Boniface, évêque de Lausanne, mais ne pouvant obtenir de lui aucune satisfaction, ils eurent une conférence avec les Dominicains, dont le résultat fut un arrangement amiable qui fut signé au commencement de l’année 1235. Les Dominicains s’engagèrent à ne célébrer leurs offices et faire leurs processions, en certains jours de fêtes, qu’après la messe et les processions de la cathédrale; à assister, en d’autres fêtes, aux messes et processions de la dite église; à se rendre aux messes solennelles de sépulture des chanoines défunts; à ne célébrer l’office dans leur chapelle qu’après la fin des messes paroissiales; à ne donner asile à aucune personne excommuniée ou interdite par le chapitre; à ne recevoir aucune confession et ne faire aucune sépulture sans l’autorisation du curé paroissial. De leur côté les chanoines s’engagèrent à venir processionnellement et solennellement, avec le clergé de Notre-Dame, à l’office de vêpres qui se célébrait chez les Dominicains le jour de Sainte-Marie-Madeleine, patronne de leur chapelle, et à assister à la sépulture des Dominicains défunts quand ils y seraient invités.
La même année un incendie détruisit la ville de Lausanne presque entière. Toutes les églises, sauf celle de Saint-Laurent, furent brûlées et sans aucun doute la chapelle de bois des Frères prêcheurs disparut aussi. /183/
Depuis la convention de 1235, les Dominicains paraissent avoir vécu en très bonne intelligence avec l’évêque et le chapitre.
En effet, au mois de janvier 1241, Jean de Cossonay, nouvellement élu au siège de Lausanne, et le chapitre donnèrent aux Frères prêcheurs 45 livres lausannoises pour agrandir leurs acquisitions dans le quartier de Pérabot et acheter précisément le terrain de Dalmase Bover, dont il avait été question en 1234 et qui était situé des deux côtés du mur de la ville. En outre, le chapitre abandonna ses droits de seigneurie sur cette possession, sous la condition expresse que le couvent n’aurait point d’autre défenseur et avoué et que, si les Dominicains venaient à quitter Lausanne, toutes leurs terres lui feraient retour, au prix d’achat. Enfin, l’évêque, comme seigneur, permit aux religieux de pratiquer une porte dans les murs de la ville. Ce fut la porte nommée de Pérabot ou de la Madeleine.
Dans la même année, Aymon de Glans vendit aux Dominicains un chesal dans le même quartier, vente qui fut ratifiée par Guillaume, comte de Genève, dont ce chesal relevait 1 .
Dans le cours du XIIIe siècle, les Frères prêcheurs acquirent successivement de différentes personnes, par don ou par achat, les terres et les maisons voisines de leur établissement et devinrent propriétaires de tout le terrain situé entre l’Escalier-du-Marché au midi, le ruisseau à l’ouest, la Barre au nord et la Cité à l’est. Les noms des vendeurs et donateurs, consignés dans les actes, sont : Richard, dit de Pantéréaz; Lambelin, dit Fobers; Hugues de Capella; Pierre de Capella; Pierre, dit Li Werra; Jaques, dit Li Bauz; Guillaume, dit Aglentina; Girold dit de Vixi; Léonette, veuve de Guillaume Bevroz, chevalier; Berthold Bevroz, chevalier; Christin, dit de Morges, meunier 2 . /184/
Les Dominicains de Lausanne reçurent aussi nombre de legs et de dons, entre autres de Pierre II de Savoie, de Sybille de Baugé, femme d’Amédée V, de Louis II, baron de Vaud, des nobles de Prez, d’Etienne Guerry, chevalier, de Marguerite de Salabruche, veuve de Louis de Cossonay, de Raymond de Rue, évêque d’Accon, ancien prieur du couvent, etc., etc. Ils acquirent ainsi des maisons à Moudon, à Vevey, des prés et des vignes.
Une des acquisitions les plus importantes fut la dîme de Villars-le-Terroir.
Dans les premières années du XVe siècle, Messire Etienne Guerry, de Lausanne, chevalier, mari de Froa de Blonay 1 , légua aux Frères prêcheurs, un cens annuel de un muid de froment, assigné sur deux moulins en dessous de Lausanne, et de deux muids de vin et deux muids de froment, assignés sur tous ses biens. Son héritier était son fils Urbain, lequel décéda sans postérité. Froa de Blonay hérita de son fils Urbain et paraît s’être acquittée régulièrement des charges de la succession. Après son décès, tous ses biens dévolurent à ses héritiers Philibert, fils de feu Pierre de Blonay, seigneur de Saint-Paul, et André, fils de Rodolphe de Blonay. Ces seigneurs négligèrent de payer les cens dus au couvent et furent condamnés par contumace au payement des arrérages de leur dette. Par sentence du 5 juillet 1434, les /185/ Dominicains furent mis en possession des deux dits moulins, et, en 1438, ils saisirent encore une partie de la grande dîme de Villars-le-Terroir, dont une portion appartenait alors à François de Blonay, mais mouvait du château d’Echallens 1 .
D’un autre côté, par testament en date du 14 septembre 1394, Marguerite de Salabruche, femme de Louis III, sire de Cossonay et de Berchier, avait légué au couvent de la Madeleine un muid /186/ de froment de cens annuel, assigné sur sa part de la grande dîme du même Villars-le-Terroir. En 1441 et 1449, Humbert de Glérens, seigneur de Surpierre et de Berchier, qui avait succédé aux droits de la maison de Cossonay à Villars, eut plusieurs difficultés avec les Dominicains au sujet de cette dime. Enfin le 14 mai 1465, Georges de Glérens leur vendit pour 220 livres lausannoises tous ses droits quelconques dans ce village. /187/
De cette manière, le couvent devint propriétaire des deux tiers de la grande dîme de Villars-le-Terroir. (Le dernier tiers appartenait à l’abbaye du lac de Joux.) Le 25 février 1517, les Dominicains firent en faveur des villes de Berne et de Fribourg, nouveaux propriétaires de la seigneurie d’Echallens, une reconnaissance de cette dîme qui s’élevait en tout à 36 coupes de froment et 30 sols de cens, à la charge de célébrer quatre grandes messes par an, avec vigiles des morts, pour la conservation des deux dites illustres villes. (Archives de Lausanne. Divers titres.)
Le 9 septembre 1536, la ville fit faire par Pierre Menestrey un inventaire des possessions des Dominicains. Ils possédaient alors, outre leur bâtiment, les prés et jardins qui l’entouraient, douze et demi poses de vignes et percevaient en cens trois cent cinquante-deux quarterons de froment et 164 florins 1 sol 4 deniers en argent. Le mobilier avait disparu en grande partie. Voici la traduction de l’inventaire de ce que Pierre Menestrey trouva dans le couvent : « Dans la grande salle : une petite cloche, deux tables, un escabeau, une chaise de barbier et un buffet. Dans la cuisine : dix écuelles d’étain à oreilles, huit grelet, un grand plat d’étain, vingt-quatre assiettes d’étain, deux plats de cuivre, deux poêles à frire, trois broches, deux landey, deux marmites, cinq pots de cuivre. Dans le garde-manger : deux coquasses, sept pots de la contenance de un à trois pots, deux salières. Dans le réfectoire : plusieurs escabeaux de peu de valeur et deux cloches. Dans la cave : dix tonneaux tant bons que mauvais, deux grandes tonnes de bois, quatre cuves. Dans le pressoir : cinq grandes cuves et une deschargière, dix houes a bect, un mot et deux pichards 1 . »
Le nombre des moines était fort variable. En 1371, ils étaient 10, y compris le prieur; en 1449, ils étaient 13; en 1462, 15; en 1474, 16; en 1500, 23; en 1502, 24.
Voici les prieurs dont j’ai relevé les noms :
1234. W prior bisuntinus.
1246. Johannes. /188/
1250-1260. Aymo de Crustilly. (de Mülinen.)
1261. Nicolaus de Novocastro
1268. Aymo de Crustilly
1268. 19 octobre. Petrus
1308. Petrus Maior.
1316. Johannes de Staviaco. (Mülinen.)
1317. 13 mai. Johannes de Sancto Mauricio.
1331. Juillet. Johannes de Friburgo.
1350. 26 février. Johannes de Morgia.
1351. Johannes de Font. (Mülinen.)
1356. Henricus de Chastonay d’Ollon. (Mülinen.)
1361. 31 mai. Johannes de Morgia.
1371. 29 mai. Henricus de Chastonay.
1377. 1er juillet. Petrus de Cossonay.
1382. 16 mars. Jacobus Poroz.
1384. 9 février. Humbertus Franconis.
1387. 7 mai. Humbertus de Fontiniaco.
1389. 10 mai. Nicodus de Rotundomonte.
1399. 10 janvier. Johannes de Cletis.
1434. 1435. Humbertus Chassot.
1438. 12 mars. Wilelmus de Vufflens.
1444. 19 décembre. Uldricus de Torrente.
1446. 2 mai. Raymondus de Rota.
1449. 27 novembre. Thamas Fable.
1450. 27 juillet. Henricus Chouneti, inquisiteur en 1449.
1462. 11 juin. Anthonius Boccel.
1465. 16 octobre. Petrus de Pascua.
1474. 1er avril. Idem.
1484. 14 janvier. Nycodus Rulionis.
1487. 22 février. Petrus de Pascua.
1492. 3 janvier. Idem.
1493. Franciscus Fossaudi.
1500. 3 décembre. Petrus de Cresto.
1502. 27 octobre. Natalis Torneguyi.
1509. 21 février. Petrus de Cresto.
1517. 12 juin. 14 octobre. Ludovicus Catibodi ou Cactiboz. /189/
1521. août. novembre. Benedictus de Tarentasia, doctor.
1532. 30 novembre. Petrus Clavelli.
1534. 6 novembre. Franciscus Rosset.
Sans aucun doute, les Dominicains de Lausanne comptèrent dans leur sein un certain nombre d’hommes marquants, mais je ne connais pas assez l’histoire de l’ordre pour en relever d’autres que les suivants. Jean d’Estavayer, issu de la noble maison de ce nom, prieur en 1316 et directeur des Dominicaines de Sainte-Marguerite de Lieu-Clos (de loco clauso) à Echissy, sous Lausanne, transféra ces religieuses à Estavayer, où leur couvent existe encore. Jaques de Lausanne, Dominicain et provincial de l’ordre en France, à peu près à la même époque, était un prédicateur distingué. Raymond de Rue, prieur en 1446, fut nommé à l’évêché d’Accon in partibus infidelium et fut vicaire général de Guillaume de Varax, évêque de Lausanne. En 1465, il fit don de tous ses immeubles au couvent de la Madeleine.
La faveur avec laquelle les Dominicains furent reçus à Lausanne ne se démentit point dans la suite des siècles. Cette maison religieuse fut toujours spécialement affectionnée par le conseil de la ville inférieure. Jusqu’en 1468, époque de l’achèvement de la maison de ville, le conseil tenait habituellement ses séances dans une des salles du couvent. (Parva ou magna stupha fratrum predicatorum.) Le chauffage de la salle paraît avoir été à la charge du conseil. L’assemblée générale de la commune se tenait aussi souvent dans le réfectoire des Dominicains, quand elle n’avait pas lieu sur la place de la Palud. Par exemple, en 1454, c’est dans ce réfectoire qu’eut lieu l’élection des syndics.
Les archives de la ville étaient aussi conservées dans le couvent. Quand on en fit l’inventaire, en février 1401, elles étaient dans une arche, placée dans une chambre voutée, bâtie à la tête du dortoir des frères, près du chœur de l’église. Elles paraissent avoir été transférées plus tard dans l’église même. C’est là qu’elles étaient lorsqu’elles furent pillées par les bandes suisses en 1476. (M. D. R., VII, 648.) En 1502 les archives, contenues dans deux arches, furent transportées à la maison de ville.
C’est à l’église de la Madeleine que le conseil de la ville se /190/ rendait en corps dans les occasions solennelles, pour les services funèbres célébrés en l’honneur de ses membres ou de grands personnages étrangers. En 1438, on y célébra une messe solennelle en l’honneur du défunt empereur Sigismond, qui avait renouvelé la charte de franchises de la ville. (Voy. l’article du 26 mai 1434.)
La ville inférieure avait son horloge dans le clocher de l’église. Ce n’était qu’une grosse cloche sur laquelle l’un des moines était chargé de frapper les heures. La ville lui payait dès 1406 40 sols par an pour ce service. Plus tard, en 1432, elle payait 50 sols. En 1435 la cloche de l’horloge fut renouvelée.
Les bâtiments de la Madeleine ont presque entièrement disparu; il en reste encore quelques vestiges dans les sous-sols des maisons environnantes. Ces bâtiments étaient sans doute assez vastes et contenaient des salles spacieuses, puisque la commune y avait ses assemblées et que plusieurs chapitres provinciaux et généraux de l’ordre y furent tenus. D’après un acte de vente de l’an 1553, on peut conclure qu’il y avait deux cloîtres, l’un grand et l’autre petit.
Il reste encore une cloche qui appartenait au couvent de la Madeleine. Elle a été transportée dans le clocher de l’église de Saint-François; c’est la seconde en grandeur des cinq cloches de cette église. Elle date de l’an 1493. Autour de la partie supérieure de la cloche on lit en minuscules gothiques ce qui suit : Dimissa sunt ei peccata multa quoniam dilexit multum. Ora pro nobis beate Dominice ut digni efficiamur pro missionibus Christi. Plus bas : Ave Maria gratia plena dominus tecum. De l’autre côté, à la même hauteur : un crucifix avec les deux Marie, suivi de la légende : Jesus Christus, ecce crucem Domini, fugite partes adverse. Autour du bas de la cloche, en majuscules semi gothiques : Presens campana sub reverendo patre fratre Francisco Fossaudi tunc priore hujus conventus Lausannensis ordinis beati Dominici - laudis et glorie accio Deo viventi et beatissime virgini genitrici ejus Marieque Magdalene hujus ecclesie patrone inclite – A. D. millesimo IIII nonagesimo tercio fabricata est.
On verra plus tard ce qui se passa au couvent en 1536. /191/
Nomination du conseil.
1535. 5 septembre. – Noverint universi, etc., quod die dominica ante festum nativitatis beate Marie virginis, quinta mensis septembris, anno domini millesimo quingentesimo trigesimo quinto, congregata in sala domus communitatis, hora duodecima merediei, per sonum cymballi, ut est assuetum, multitudine nobilium, civium et burgensium atque habitancium Lausanne, pro consulibus et consiliariis anni futuri eligendis et aliis negociis communitatis tractandis et consulendis, habita prius collacione inter cives et burgenses ibidem presentes, se diviserunt in quinque partes per banderias, secundum quod de qualibet erant, secundum ritum et ordinaciones antiquas, pro eligendis consiliariis.
Et primo, per banderiam Civitatis fuerunt electi in banderia Paludis, primo spectab. dom. G. Grant, Johannes de Sancto Ciriaco, Johannes Borgeys, Anthonius Gavet, B. Blecheret, Jo. Rochyz, Ste. Menestrey.
Per banderiam Paludis fuerunt electi in banderia sancti Laurencii nobilis Franciscus de Chabie, G. dou Crest, Anthonius Grandis, F. Guibaud, Ja. Bouz banderetus.
Per banderiam Sancti Laurencii fuerunt electi in banderia Pontis P. Gautheri, Regnerius Pivard, G. Bosson, Soffre. Buet, Anthonius Bovard, P. Curnillion, Ja. Dalliens banderetus.
Per banderiam Pontis fuerunt electi in banderia Burgi Nob. Franciscus de Prez, Enabloz de laz Cort, Ste. Grant, F. Souveys, G. Burdet, Bon. Frontonex banderetus.
In banderia Civitatis fuerunt electi P. Ravier, P. Wavre, Guillermus Sodali banderetus. /192/
Quêteur pour l’hôpital Notre-Dame.
1535. 29 septembre. – Dominus Petrus, appellatus Werchoz, fuit admissus questor hospitalis Domine Nostre; quiquidem questor dat pro dicta questa, videlicet viginti quatuor cupas frumenti, viginti quinque libras caseorum; nec non promictit dare duo linteamina nova et duo copertoria de Romont, pro uno anno proxime futuro. Et ad hoc fuit eidem iniunctum auctoritate ven. domini officialis Lausanne.
Défense d’aller à la guerre et enrôlements pour Genève.
1535. 14 octobre. – Ja. Dalliens et Jacobus Bouz, nec non Bona. Frontonex eciam banderetus, retulerunt fuisse et ivisse per ressortos communitatis ac eciam apud Chesaulx, noviter de ressorto, et eisdem precepisse ne debeant ire ad guerram et se habeant munire baculis aptis ad guerram. Quiquidem de ressorto responderunt non velle neque debere ire, sine consensu et mandato communitatis Lausanne, actentis occurrentibus.
1535. 15 octobre. – Fuit congregatum consilium et retroconsilium in bono numero, deliberaturi super certis occurrentibus, videlicet super certis capitaneis, videlicet dicto Baudichon de Gebennis qui vult facere congregacionem armigerorum ducendorum Gebennas. Fuit communis oppinio non permictere dictum capitaneum debere facere congregacionem, vulgariter dictam bendez.
Item, quod debeat permicti transitus de uno repassu et quod eisdem ministrentur victualia pro eorum peccuniis. /193/
Item, et quod renovetur crida jam facta, in hoc quod fiat parte reverendi domini nostri Lausannensis et burgensium.
1535. 17 octobre. - Die dominica sequenti comparuerunt in consilio certi ambassiatores parte trium parochiarum vallis Lustriaci, exponentes quod ad eorum noticiam erant capitanei Gebennenses volentes facere congregacionem armigerorum, rogantes illud non velle permictere debere facere et velle advertere reverendum dominum nostrum Lausannensem.
1535. 18 octobre. - Item, die lune, festi sancti Luce, comparuerunt Johannes de Jurino et Jacobus Cugnod, ambassiatores Morgie, rogantes dominos consiliarios ut non habeant permictere facere nonnullas bendez armigerorum, quia eisdem de Morgia posset esse maximum dampnum in exitu Lausanne.
1535. 21 octobre. – Fuit deliberatum debere facere excubias de nocte et custodire portas de die, et quod assistant bandereti.
1535. 23 novembre. - Fuit remonstratum excubiis et vigilibus nocturnis communitatis Lausanne, quod a modo in futurum faciant bonas excubias, ut est moris. Et ita promiserunt sub pena consueta et ordinata.
1535. 25 novembre. - Nota quia in anno presenti domini de capitulo miserunt socios de valle ad guerram existentem contra Gebennenses ultra deffensionem et cridam factas; et fuit electus capitaneus dominus decanus de Prez, curatus sancti Pauli. /194/
Les péripéties de la guerre de Genève pendant l’automne de 1535 sont connues. Il est inutile de les rappeler ici.
Jean Baudichon de la Maisonneuve passa sans doute plusieurs jours à Lausanne avec ses « capitaines », pour essayer de faire des enrôlements, car le conseil de Fribourg eut le temps d’en être informé et d’écrire à celui de Lausanne à ce sujet. Cette lettre produisit de l’effet, car nous apprenons par le manual de Lutry qu’en réponse à la prière de ceux de Lutry, qu’on voulût bien congédier les officiers et les soldats de Genève, le conseil de Lausanne les assura qu’il l’avait déjà fait. (17 octobre.) A ces observations de Fribourg et de Lavaux se joignirent les craintes des gens de Morges, qui redoutaient les excès que pourraient commettre des bandes armées en passant par leur ville.
Ainsi le conseil de Lausanne fit défense expresse à ses administrés d’aller à la guerre en faveur d’aucun des deux partis, et l’on mit de fortes gardes aux portes de la ville pour empêcher la sortie de citoyens armés.
Les gens de Lavaux étaient attachés à leur évêque et à l’ancienne religion; aussi le bouillant curé de Saint-Paul put-il, malgré les édits, y lever une bande armée qu’il comptait mener au secours des ennemis de Genève. Il faut remarquer que le texte ne dit point dans quelle partie de Lavaux Claude de Prez leva ces hommes, ni la date exacte de son expédition. Celle-ci peut très bien avoir eu lieu au mois d’octobre, avant l’édit que le conseil de Lutry publia au commencement de novembre, interdisant à quiconque d’aller à la guerre, sous peine d’une amende de 60 livres.
Tutelle d’un enfant.
1535. 30 novembre. - Comparuerunt in consilio relicta Jaquemodi Sanctus existens gravida, nec non Sanctus Tivel et Syboes Boctollier ruerius, amici dicti quondam Jaquemodi, petentes et requirentes eisdem eligi et dari unum tutorem et gubernatorem bonorum ipsius quondam Jaquemodi Sanctus et conservatorem eorumdem. Et elegerunt /195/ amici videlicet Glaudium Sanctus et parte venerabilis consilii Jacobus Dalliens, qui juraverunt super sanctis Dei evangeliis gubernare et regere bona et facere inventarium. Et premissa laudavit et rattifficavit Anthonia, dicti quondam Jaquemodi relicta.
1535. 14 décembre. - Comparuit Franciscus Devantey, petens et requirens provideri cuiusdam neptis sue, filie quondam Johannis Curtat carpentatoris Lausanne, de curatore, cum sit minor de quatuordecim annorum. Fuit provisum de Francisco Porchet et eius uxore matre filie, nec non de provido viro Anthonio Grandis. Qui juraverunt in forma et dictam filiam non uxorare sine consensu dictorum tutorum et parentum suorum atque facere inventarium bonorum dicte pupille.
Police des marchés.
1535. 16 décembre. – Fuit deliberatum et conclusum debere alloqui dominum ballivum ad faciendum deffensionem, ne quis audeat emere mercancias nullas ante horam consuetam, neque easdem mercancias emere in Rippa Ochiaci, quin primo apportentur in villa.
Guerre de Genève.
1535. 19 décembre. – Die dominica ante festum nativitatis Domini nostri fuit convocatum consilium, retro consilium et ducentum representantes totum commune, deliberaturi super certis occurrentibus quoad guerram quam dubitatur evenire prius quam bona pax. Propter quod, ad maiorem securitatem et custodiam ac conservacionem /196/ ville et habitancium, fuit electus capitaneus generalis qui habeat conducere socios et burgenses ac villam, videlicet nobilis Enabloz de Laz Cort, qui acceptavit et juravit, levando manum, esse bonus et fidelis communitati, bene conducere et tractare negocia guerre.
Item, eadem die, nobilis Franciscus de Chabie, electus capitaneus in banderia sancti Laurentii, prestitit juramentum, nec non Benedictus Blecheret, capitaneus banderie Paludis, prestitit juramentum.
Item, eadem die, presentes et assistentes prestiterunt juramentum levando manum, esse obedientes capitaneis et servire communitatem.
Renouvellement de la combourgeoisie avec Berne et Fribourg.
1536. 9 janvier. - Die dominica nona Januarii, anno Domini millesimo quingentesimo quinto, fuit renovatum et confirmatum juramentum cumburgencie inter magnificos dominos Bernenses, presente Auspurgoz ambassiatore Berni, qui recepit juramentum nobilium et burgensium communitatis, levando manum, dicendo : Vous juré de tenir et observer les articles contenu en laz borgesyz, ainsi Dieu nous vullie ayder et les sainct.
Et pariter, die lune sequenti, presentibus Yacob Verlyz et Hyacob Ridallaz ambassiatoribus Friburgi, fuit pariter factum et receptum juramentum.
Item, fuerunt electi ante epiphaniam Domini mictendi Bernum et Friburgum, videlicet Bernum, honesti Johannes Borgeys, banderetus Paludis et Anthonius Bovard.
Item, Friburgum, spectabilis dominus G. Grant et Petrus Raveri, cum uno servitore sive heraldo portante arma communitatis. /197/
Voyez la note aux articles du 10 sept. 1525 au 11 mars 1526.
Le conseil de Berne avait adressé à celui de Lausanne la lettre suivante en date du 31 décembre 1535 :
« Nobles, magnifficques seignieurs, singuliers amys et chiers combourgeoys. Avoyr entenduz vous lettres touchant la confirmation de la bourgeoysie entre vous et nous, avons estably journée de cella parfayre, assavoyr dimenche IXme du prochain moys de janvier. Dont à vostre requeste vous en advertissons, affin que surce saichés mander vostre ambassade par devers nous et nous ferons le cas semblable de la nostre, affin que le serement soy face de tous coustés sus ledit jour. Datum ultima decembris ineunte XXXVIto anno 1 .
» L’advoyer et Conseilz de Berne. »
Suscription : Aux Nobles, magnifficques seignieurs Burguemeistre et Conseil de Lausanne, nous singuliers amys et chiers combourgeoys.
(Archives de Lausanne EE, 825. Lettre missive originale, avec traces du sceau de Berne plaqué.)
Les deux ambassades de Lausanne pour Fribourg et pour Berne partirent le 6 janvier.
Gérard Grand et Pierre, fils de feu Benoît Ravier, qui étaient envoyés à Fribourg, avaient avec eux un héraut de la ville et un serviteur. Les ambassadeurs étaient à cheval, le héraut et le serviteur à pied. Ils furent absents six jours. Cette ambassade coûta 9 livres 17 sols, outre 5 livres 4 sols pour le loyer des chevaux.
Antoine Bovard et Jean Borgeys, qui allèrent à Berne, avaient avec eux Dominique Carrad. Ils emportaient quatre douzaines d’oranges (pro IIII dudenis pomorum orengie) coûtant 16 sols, comme présent aux Bernois. Ils furent absents sept jours. L’ambassade coûta 11 livres 12 sols, y compris les oranges. Le loyer des chevaux fut de 4 livres 4 sols. /198/
Le manual ne dit pas quel fut le député fribourgeois qui vint à Lausanne avec Augsburger, l’envoyé bernois. Ces seigneurs furent reçus à l’hôtel du Lion, chez Etienne Grand, auquel on paya un mémoire de 26 livres 8 sols pour les frais de leur séjour. En outre on leur donna une partie de chasse dans les forêts de la ville et on leur servit à l’auberge de Montheron une collation qui coûta 4 livres.
Pendant leur séjour à Berne, les députés lausannois eurent soin de demander que Lausanne fût informée un peu d’avance si Berne avait l’intention de marcher au secours de Genève, afin qu’on eût le temps de se préparer. (Voyez la lettre de Berne du 15 janvier 1536. Chroniqueur, pag. 218. Verdeil, Histoire du canton de Vaud, I, 363.)
Epoque de la conquête bernoise 1 .
Mardi 18 janvier 1536. – Bene mane, personaliter assistentibus et congregatis consilio et retroconsilio, comparuerunt ven. vir frater Jacobus Copyn, prior de Monteron, associato fratre Jacobo Marguerat, religioso dicte abbacie. De consensu omnium religiosorum supplicaverunt et requisierunt, quatenus habeamus eisdem dare, pro eorum custodia et bonorum dicte abbacie, duos ex dom. consiliariis communitatis et debere eisdem dari arma communitatis et ipsa affigenda in uno pilari dimictenda semper. Et fuerunt deputati, videlicet Petrus Rusti et Stephanus Menestrey.
Jeudi 20 janvier 1536. – Comparuerunt parte duarum perrochiarum, scilicet Lustriaci et Villete, certi ex burgensibus, proponentes et dicentes, quod de bonis advertenciis /199/ eisdem dicta occasione occurrencium quoad guerram regratulantes, dicentes velle esse tales quales nos, casu quo aliquis vellet nos invadere et quod nos faciamus et sumus similiter.
Eadem die comparuit domina abbatissa Bellium Vallium, soror Margareta de Sarsino, petens et requirens sibi velle dare unum ex dominis consulibus pro custodia et securitate bonorum suorum et personarum dicte abbacie.
Vendredi 21 janvier 1536. - Ordinatio. Fuit congregatum totum commune voce preconis et cride atque cymballi, comparituri in domo communitatis pro certis negociis occurrentibus, quoad concernit guerram proxime venturam. Comparuerunt maxima multitudo populi, qui comparentes elegerunt in capitaneos pro conductione gencium et populi videlicet, infra villam, Anthonium Bovard, et pro conductione extra villam, videlicet nobiles Enabloz de Laz Cort et Franciscum Chabie, qui capitanei dicti prestiterunt juramentum, levando manum, esse boni et fideles communitati et bene conducere eorum onus atque socios, et pariter totum commune prestitit juramentum esse obedientes capitaneis electis.
Item, fuit ordinatum et conclusum quod nullus debeat exire villam, nisi de voluntate et consensu ven. consilii et sub capitaneis electis et esse obedientes.
Item, fuit electus prepositus, galice prévoz, qui habeat pugnire inobedientes. Et prestitit juramentum ut ceteri. Et omnia debeant fieri cum consilio.
Et erant presentes ex officiariis reverendi domini nostri, videlicet Jacobus Didini, salterius; Jo. Joffrey mayor; Jo. Gignilliati commissarius; B. Trollieti; G. Gumini. /200/
Dimanche 30 janvier 1536. – Providus vir Petrus Gautheri, borserius communitatis, recepit a Georgio dou Crest, hospitalario Sancti Rochi, de pecuniis per Johannem Bocterent de Granges solutis. Qui fuerunt mandati sociis communitatis existentibus cum armata dom. Bernensium qui vadunt Gebennas, videlicet viginti unum scuta auri.
Mardi 22 février 1536. - Fuerunt electi mictendi Yverdunum ad capitaneos, ut habeant deffendere illis de Lausanna et aliis qui non sunt de roleto armigerorum, qui se habeant et debeant recedere et absentare armatam, quia non vadunt nisi ad pilliandum. Et fuerunt electi Stephanus Grant et Anthonius Bovard.
Item, fuit deliberatum quod proclametur, ne quis debeat ire ad guerram nec post, nisi fuerit electus, sine consensu et voluntate consilii.
Lundi 6 mars 1536. - Fuit evocatum retro consilium una cum consilio ordinario, deliberaturi super tribus punctis … fuit conclusum super facto domini P. Perrini 1 quod nulle fiant insollencie et quod remonstretur illis qui tales insollencias faciunt, ut ab inde se abstineant.
Item, fuerunt electi mictendi Bernum pro ambassiatoribus, videlicet nobilis Franciscus Chabie, Enabloz de Laz Cort, Stephanus Grant ex dominis consiliariis; Gerardus Pivard pro parte retroconsilii, et Jacobus Bouz, banderetus sancti Laurencii, parte duorum centum, qui iverunt die martis septima marcii et redierunt die mercuri quindecima in cero.
Mardi 7 mars 1536. - Comparuerunt certi ambassiatores Lustriaci regratulantes ven. consilium communitatis Lausanne de pena et laboribus pro eisdem adhibitis erga /201/ magnifficos dominos Bernenses, qui dictos de Lustriaco volebant castigare, occasione unius predicatoris luteriani de Allioz, qui in dicto loco Lustriaci fuit invasus et verberatus per nonnullos particulares. Quiquidem domini ambassatiores obtulerunt pro dictis pena et laboribus adhibitis, videlicet quatuor scuta auri. Qui eisdem dom. ambassiatoribus pro amore quem habet communitas Lausanne eosdem reddiderunt.
Jeudi 9 mars 1536. – Comparuerunt dom. ambassiatores Morgie, videlicet discretus Johannes Tissot, cum una littera credencie parte consilii Morgie, exponentes quod, cum sit observatum antiquitus quod de contrario non est hominum memoria, quod illi de Morgia non debent pedagium in Lausanna nec barrantur; et pari modo illi de Lausanna, illos de Morgia, nichillominus dom. Franciscus Gendron et Guido Gendron fratres barrare fecerunt Johanni de Juriens de Morgia certas res adductas et refugiatas propter guerram. Fuit eisdem responsio facta, quod quoad concernit pedagium sumus exempti unus ab altero, scilicet burgenses; sed quoad concernit facere barrare, illi de Lausanna barrant illos de Morgia, et illi de Morgia illos de Lausanna.
Jeudi 9 mars 1536. – Fuit deliberatum quoad nonnullos qui fecerunt cadere ymaginem Domine nostre existentem in porta S. Francisci tendente ad Monbenon, quod accipiantur informaciones.
Item, quoad illos qui comedunt carnes, quod fiat deffensio hospitibus ne habeant coquere neque preparare carnes, et quod comedentes pugniantur, et fiat deffensio sub pena decem florenorum. /202/
Dimanche 12 mars 1536. – Comparuit providus vir Michael Francisci, castellanus Ochiaci, parte R. D. N. Sebastiani de Montefalcone episcopi Lausannensis, proponens quod magnifici domini Bernenses volunt eidem R. D. episcopo occupare jurisdicionem suam apud Berchie, quoad appellaciones causarum civilium; petens propterea sibi dari unum ex dominis de consilio associaturum ambassiatores prelibati Rev. Dom. nostri. Et fuit electus providus Guido Rosseti ex dominis retro consiliariis cum uno heraldo portante arma communitatis.
Mardi 14 mars 1536. - Comparuit unus ambassiator parte dom. abbatis de Monteron associatus ven. dominis Jacobo Copyn et Jacobo Marguerat religiosis ipsius abbacie, excusando dom. abbatem predictum ex eo quod non venit pro adepcione sue possessionis, requirens dom. consiliarios quatenus vellemus eumdem habere recommissum in possessione sua; proponens ulterius quod illi de Yverduno intraverunt grangiam de Chevrissier, spectantem dicte abbacie, et in eadem ceperunt bladum quod deportaverunt penes villam Yverduni pro succurrendo ville propter tumultum guerre dom. Bernensium; requirens propterea sibi dari duos ex dom. consiliariis ipsos associandis apud Yverdunum, rogando dominos Yverduni ut habeant facere satisfacionem. Et fuerunt electi Anthonius Bovard et Johannes Rochyz.
Jeudi 16 mars 1536. - Comparuerunt nobilis Franciscus Gimel, ballivus Lausanne, Johannes Gignilliati, commissarius, et Michael Francisci parte R. D. N. episcopi, propter eius absenciam, exponentes quod est nunc hic Lausanne unus predicator luterianus, petentes super hoc debere /203/ habere bonum advisum et bonam deliberacionem; et super eo quod sunt nonnulli stranei qui ipsum conducunt; dicens ulterius dom. ballivus quod policia pertinet communitati.
Similiter comparuerunt ven. domini Amedeus Raveri, P. Perrini, P. Brisseti et Jo. de Bioleis, canonici, proponentes parte ven. capituli, quod venit quidam predicator qui predicavit in conventu fratrum minorum S. Francisci; dicentes quod non est consuetum habere duos predicatores; petentes illum expelli debere. Quibus fuit responsum quod habeant advidere cum R. D. nostro, cui pertinet spiritualitas.
Mardi 24 mars 1536. – Comparuerunt ven. domini P. Perrini, Petrus Fabri, P. Brisseti et Bioleys canonici, exponentes parte ven. capituli quoad predicatorem luterianum, ut habeamus advidere et habere conferenciam simul eum R. D. nostro. Secundo, quod velimus supplicare dominos Bernenses ut habeant in recommissum ecclesiam, ne aliquod inconveniens eidem ecclesie possit evenire et ecclesie inferatur, si armigeri transeant qui transituri sunt; et quod intendunt a modo infuturum bene et honeste vivere.
Item, parte ven. gardiani et religiosorum conventus S. Francisci comparuerunt duo ex religiosis, petentes sibi dari et provideri de uno advoierio, ad conservacionem et gardam dicti conventus, bonorum et religiosorum, et quem ex nunc petunt. Et fuit electus pro advoierio, videlicet providus vir Benedictus Blecheret ex consiliariis, qui contemplacione ven. consilii acceptavit. Quamquidem electionem dicti religiosi nomine tocius conventus acceptaverunt reddentes gracias ven. consilio. /204/
Mercredi 22 mars. - Fuit convocatum retroconsilium per sonum campane, post prandium, super oblatione communitati per ven. dominos de capitulo, qui obtulerunt pro missionibus sustentis per communitatem occasione occurrencium propter guerram, videlicet centum scutorum auri. Quiquidem dom. retro consiliarii deliberaverunt et concluserunt non debere illos accipere, sed quod nobis dimictant jurisdicionem temporalem suarum plathearum Sancti Prothasii, de Essertines et Dompni Martini.
Jeudi 23 mars 1536. – Comparuit dominus de Tanney, abbas de Monteron, sive substitutus, associatus dom. religiosis Jacobo Copyn, priore, et Philippo Panchaud, exponentes quod, cum parte communitatis fuerit positus in castellanum dicte abbacie providus vir Stephanus Menestrey, nichillominus petunt quod fiat eisdem littera quod dicta posicio non sit in preiudicium abbatis neque abbacie; dicens ulterius quod si infuturum ponatur castellanus, quod sit ex consiliariis burgensibus ville.
Les trois premiers mois de l’année 1536 furent très importants pour le Pays de Vaud, car c’est dans cet intervalle qu’il passa sous la domination bernoise et fribourgeoise. Lausanne, capitale de l’évêché, fut conquise par les Bernois. Le manual du conseil de Lausanne ne donne presque aucune information sur cette époque si intéressante. Les rares indications qu’on y rencontre exigeraient de longues notes pour être rattachées à l’histoire du pays. D’un autre côté, la conquête bernoise a été racontée si souvent et avec tant de détails qu’il serait oiseux d’y revenir. Afin, si possible, de rendre à ce sujet si souvent traité quelque nouveauté, je disposerai les faits par ordre chronologique et je mettrai en parallèle ce qui se passait chez les vainqueurs et chez les /205/ vaincus, en me bornant essentiellement à ce qui concerne Lausanne et son voisinage 1 .
| Jeudi 13 janv. 1536. – Le conseil de Berne décide de déclarer la guerre au duc de Savoie. | |
| Samedi 15 janvier. – En vertu de la combourgeoisie, le conseil de Berne écrit à celui de Lausanne de tenir son contingent prêt à se joindre à l’armée qui doit aller au secours de Genève. (Cette lettre a été publiée par MM. Vulliemin et Verdeil.) | |
| Dimanche 16 janvier. – Le conseil de Berne envoie sa déclaration de guerre au duc de Savoie. | |
| Mardi 18 janvier. – Les moines de Montheron prient le conseil de Lausanne de prendre leur abbaye sous sa sauvegarde et d’y placer un pilier aux armes de la ville, pour marquer que le couvent est sous sa protection.
Le conseil de Lausanne envoie deux de ses membres aux gens de Lutry /206/ pour leur demander qu’en vertu de leur alliance ils tiennent prêt un secours de soldats, dans la crainte que l’armée bernoise ne fasse quelque ravage. Le conseil de Lutry répond qu’il joindra ses troupes à celles de Lausanne, en cas de besoin, sous la réserve expresse que les Lausannois ne les emploieront point contre l’évêque et qu’ils ne sortiront pas de leur ville, mais se contenteront de la garder; que d’ailleurs il envoie des députés pour conférer avec l’évêque sur les mesures à prendre. De son côté, l’évêque envoie son vicaire général (François de Lutry, prévôt du chapitre et curé de la paroisse de Sainte-Croix à Lausanne), pour demander au conseil de ce lieu : 1o qu’il soit enjoint aux hommes de ne pas pas sortir en armes sans le consentement de l’évêque; 2o qu’il envoie cinquante hommes pour la garde du château de Lausanne. Le conseil de Lutry consent à la première demande, mais n’accorde que trente hommes pour la garde du château, à condition que l’évêque ne les emploiera point contre les Lausannois, ni ailleurs, et qu’ils ne sortiront point du pays. L’évêque accepte avec remerciements 1 . /207/ Le même jour une députation des paroisses de Villette et de Lutry vient à Lausanne remercier le conseil pour ses avis au sujet de la guerre et dire que ces paroisses veulent se conduire exactement comme Lausanne, et, qu’en cas d’attaque, on devra se prêter un mutuel secours. |
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| Mercredi 19 janvier. – Une diète des cantons assemblée à Lucerne décide d’avertir Berne de prendre garde que la guerre qu’elle va entreprendre n’attire des malheurs sur la Confédération. | |
| Jeudi 20 janvier. – Marguerite de Sergy, abbesse de Bellevaux sur Lausanne, invoque la protection du conseil pour son couvent. | |
| Vendredi 21 janvier. – Les Lausannois n’étant pas satisfaits de la réponse des gens de Lutry, leur demandent de les servir où il plaira au conseil de Lausanne. La commune de Lutry, réunie pour en délibérer, répond qu’on servira Lausanne à forme des alliances.
Le même jour, les paroisses de Lutry et de Saint-Saphorin envoient des députés à Fribourg pour demander protection, tant de la part de l’Etat que des particuliers qui possèdent des vignes dans le territoire. Il paraît que la /208/ réponse de Fribourg fut qu’on ferait tout ce que les circonstances permettraient de faire. En exécution de la demande contenue dans la lettre de Berne du 15 janvier, le conseil de Lausanne fait assembler toute la communauté dans la maison de ville, afin de procéder à l’élection des chefs militaires. Antoine Bovard est nommé chef pour l’intérieur de la ville. Nobles François de Chabie et Ennable de la Cour sont élus capitaines du contingent qui doit faire la campagne. On interdit en même temps à tout citoyen d’aller à la guerre autrement que sous la conduite des chefs régulièrement nommés. Enfin on nomme un prévôt pour maintenir la discipline. Les chefs prêtent serment de fidélité à la commune et tous les hommes présents jurent obéissance à leurs capitaines. Tout cela se passe en présence de quatre officiers de l’évêque. Ruchat pense que ces troupes quittèrent Lausanne immédiatement, mais on verra qu’elles ne rejoignirent l’armée bernoise que le 27, à Crissier. |
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| Samedi 22 janvier. – L’armée bernoise, forte de 6000 à 7000 hommes, se met en marche sous les ordres de Jean-François Nægueli. Elle arrive le soir à Morat. | Samedi 22 janvier. – Les gens de Lutry commencent à nettoyer les fossés de la ville. /209/ |
| Dimanche 23 janvier. – L’armée quitte Morat et vient à Payerne, qui se soumet, et où elle est rejointe par les contingents de Neuchâtel, Gessenay, Château-d’Ex, Aigle. | |
| Lundi 24 janvier. – L’armée est passée en revue et assermentée. Puis elle est divisée en trois corps. Elle passe la Broie et arrive le soir aux environs de Murist. | Lundi 24 janvier. – La grande paroisse de Villette envoie des députés à Lutry et à Saint-Saphorin pour demander : 1o qu’on s’engage par serment à se secourir les uns les autres en cas d’attaque et qu’on fasse la même proposition à Lausanne; 2o que l’on convienne d’un signe de ralliement qui permette de se reconnaître en toute circonstance; 3o qu’on envoie des espions de divers côtés, afin d’être informés des événements et surtout des mouvements de l’armée bernoise. Lutry accepte ces propositions. |
| Mardi 25 janvier. – Les Bernois, évitant Lucens et Moudon, se dirigent sur Echallens où ils arrivent le soir. En chemin ils reçoivent l’acte de soumission des villes de Moudon et de Rue. D’Echallens, on envoie un trompette sommer Yverdon de se rendre.
D’un autre côté, le conseil de Fribourg avait envoyé deux députés à Lavaux, qui déclarent que leurs seigneurs voient avec plaisir que les gens de Lavaux ne veulent point prendre part à l’entreprise des Bernois, et recommandent qu’on n’inquiète ni l’évêque, ni le clergé, et que chacun reste chez soi, pour mieux être en état de se défendre. | Mardi 25 janvier. – MM. de Lutry envoient des députés à Villette pour recevoir le serment, qui est prêté le même jour. Il est convenu entre les trois paroisses de Lavaux qu’en signe de ralliement leurs hommes porteront une marque bleue et rouge, devant et derrière.
Le conseil de Lausanne envoie un banneret à Lutry pour annoncer qu’il est arrivé cinq cents Italiens à Morges, et que, d’après les informations reçues, ces troupes doivent attaquer Lausanne. Lausanne demande en conséquence 50 /210/ hommes de Lutry pour cette même nuit. Lutry envoie 25 hommes. Villette et Saint-Saphorin envoient aussi quelques hommes. (Ces Italiens étaient un renfort de la petite armée que le duc de Savoie avait rassemblée entre Saint-Sulpice et Morges et qui se dispersa à l’approche des Bernois.) En même temps, ou peu de jours auparavant, Sébastien de Montfalcon avait envoyé son bailli et son secrétaire dans toute la ville de Lausanne demander de maison en maison si on voulait être de son parti ou de celui de la ville, alliée des Bernois, son dessein étant de mettre aux demeures de ses partisans un écusson à ses armes et aux armes de Savoie, pour qu’elles ne fussent pas pillées, probablement par les troupes qui étaient aux environs de Morges. Le 25, l’évêque part pour son château de Glérolle, afin d’organiser la résistance et écrit de là à son bailli de Vevey, M. de Curtilles, pour l’engager à faire son devoir contre les Bernois. (Cette lettre a été publiée plusieurs fois.) A son passage à Cully, l’évêque trouve deux conseillers de Fribourg. |
| Mercredi 26 janvier. – L’armée prend un jour de repos à Echallens. Les chefs en profitent pour organiser leurs conquêtes, et nomment Claude de Glane, seigneur de Villardens, bailli de Vaud. On reçoit des avis annonçant qu’une armée de 4000 Italiens est rassemblée à Morges pour barrer le passage.
D’autre part, le conseil de Fribourg écrit à ses députés pour leur témoigner son déplaisir de ce que ceux de Lausanne ont fait prêter serment à leurs hommes, ce qui paraît contraire aux prérogatives de l’évêque. Il s’agit, sans doute, du serment prêté par le contingent lausannois le vendredi précédent. | Mercredi 26 janvier. – L’évêque revient de Glérolle à Lausanne; les députés fribourgeois y sont aussi, venant de Lavaux.
Le conseil de Lutry décide de mettre la ville en état de défense, et à cet effet de faire des remparts à l’est et à l’ouest, /211/ jusqu’au bord du lac. On envoie immédiatement trente hommes travailler à des fascines et l’on nettoye les fossés. L’évêque demande des hommes aux trois paroisses pour sa garde. |
| Jeudi 27 janvier. – Claude de Glane prête serment à Moudon comme bailli de Vaud.
L’armée bernoise quitte Echallens et vient bivouaquer aux environs de Crissier, où le contingent lausannois la rejoint. |
Jeudi 27 janvier. – Le conseil de Lutry, très partisan de l’évêque, se repentant du secours de 25 hommes qu’il a envoyé à la ville de Lausanne deux jours auparavant, les fait redemander, parce qu’il a ouï dire qu’il pourrait en arriver quelque inconvénient, mais donne quelques hommes pour la garde du château de Saint-Maire, comme l’évêque l’a demandé.
Le même jour le contingent lausannois se réunit à l’armée bernoise à Crissier. Voici le rôle des hommes, tel qu’on le lit dans les comptes de la ville : /212/ « Sensuyvent le rolet des nobles, citoyens et habitans de Lausanne, ensenble leurs resors, lesqueulx on estés éleu par les nobles citoyent de Lausanne par le advertissement et mandement des magnifficques et puyssans seigneurs, messeigneurs de Berne nous combourgois, lesqueulx nobles citoyens et bons compagnyons, comment enfans d’hobédience, desirans l’honnours, proufit et utilité de la cité de Lausanne, on de très bon cueur assecte et pris poenne à toute deligence son aler trover à Crissie la trèspuyssante armée de Berne, lesqueulx nobles citoiens et compagnyons furent par les seigneurs capitaine de Berne amiablement receu, et avesque ladicte armée son alés jusque à la Cluse, et depuys la Cluse auprès de Rumillie, et luy on demoré, alan et venan, trente et troys jours. » Et premièrement furent éleu, asçavoir : » Noble Francey Chabie, capitaine. » Noble Ennable de La Cour, lyoutenent. » Noble Jaque de Praroman, porteur d’enseignyz. » Noble Loys Gemel; messire P. de Sainct Cierge, scribe; Dominique Carrad, forier. » Noble Ferrand Loys, Guyd Gindron, Loys Diverdon, Humbert le barbier, P. Quiquos, Macthey Violet, Francey Riguaud, Monet Rochet, Ph. Boverat, Glaude George, Pierre Doufort, Joham de Lalex, Hugoz de la Moulaz, /213/ Mermet Boctollier, Johan Gerbex, Glaude Santhus aultrement Thivel, Glaude Hugoz, George Forney, P. Manthel, P. Musiquyn, le servitour de Glaude Amys, Guilliaume Benex, Nycod Jaqueti alias Secrestain, P. douz Pra, Jo. Arensort, mestre Mory Cossandey, Johan Joly, Guichard Moegnoz alias Virey, Francey Merlinjot, Hugonyn David, Amey Dou pyn, Denys Gruat, serrurier, Johan Sajoz, P. Boctollie alias Cibuyex, Guilliaume Masot, Magnigaure, Francey Verney, Acquellyn, P. de Lestelaz, Bernard le bragard, Mermet Victoz, Jaque Bugnyon, Glaude Branchyz, Loys Meijot, Amey Macthey, Glaude Guydon, Girard Rojot, P. Hemoy, Denys Marjolat, Nycod Guyon, Guilliaume Curtet, Pauloz Bonet, Michaud Meri, Francey Frechaud, Jaques Vinter, Jaques Corsat, Jo. Diserens, Jaques Burdet, P. dou Port, Germain Dellens, Jo. Geynaud, Amey Borjaud, Symon Thoumi, Michiel Baud, P. Jaques, Glaude dou Port, Emoz Maliard, Jaques Frinson, Francey Regame, Miliquet, Francoy Bussy, Guilliaume Aubelley, Michiel Collon, P. Bessard, Jo. Clert, Glaude Menem, Francey de Myevillaz, Glaudoz du Pra, Pierre Dyedey, Mermet Baud, Claude Bellet, Glaudoz Burgoz, Jo. Forestey, Jaque Burnier, Machtey Musi, Francey Barrilliod, Laurent Jaquet, Hemry Neyr, Johan Guybaud, Glaude douz Pra, Pierre Perret, Guilliaume Villard, Johan Thoma, P. Douznant, taborin; Guilliaume du Mont /214/ fifert; Pesson fifert. » (103 hommes tout compris.) |
| Vendredi 28 janvier. – L’armée s’avance du côté de Morges. Près de Saint-Sulpice se trouve une flottille commandée par le châtelain de Muss. Elle s’éloigne, prend à son bord les troupes italiennes et fait voile pour la Savoie. L’armée entre à Morges sans coup férir. | Vendredi 28 janvier. – Le conseil de Lausanne reçoit des chefs de l’armée bernoise la lettre suivante :
« Nobles, magniffiques, singuliers amys et trèschiers combourgeoys. Nous vous prions trèsacertes que vous plaise fere toute diligence que de vostre ville nous soyent envoyés vivres pour nous deniers. Nous avons aussy escript à nostre officier d’Eschallens d’envoyer du blé en vostre ville. En cestuy endroit veilliés faire et vous employer, comme en vous avons nostre parfaicte fiance et nous le deservirons, aydant Dieuz auquel prions que soit garde de vous et tous nous. Datum à Morge XXVIII anno XXXVIo. » Capitain, lieutenant et conseilliers de Berne. » Suscription : Aux nobles magniffiques sgr Bourgimaistre et Conseil de Lausanne. (Archiv. de Lausanne EE, 829. Lettre missive originale, avec traces de sceau.) |
| Samedi 29 janvier. – L’armée arrive à Rolle le soir. | |
| Dimanche 30 janvier. – L’armée va de Rolle à Divonne. | Dimanche 30 janvier. – Le conseil de Lausanne envoye 21 écus d’or aux compagnons de la ville qui sont en marche avec l’armée des seigneurs de Berne. Je trouve dans les comptes de la ville la note suivante au sujet de cette campagne : /215/ Sensuyvent les livrées faictes par Guilliaume Ravinel aulx devans nommés compagnyons.
» Premyèrement az deslivré du commandement de mesrs de conseil az XI lesqueulx fuctz promis double guage : » A noble Francey Chabie, capitaine3 Δ (écus). » A noble Ennable de La Cour, lyoutenent2 Δ demie. » A noble Jaque de Praroman, banderet2 Δ » A noble Loys Gemel, 2 Δ » A messire P. de SaincCierge2 Δ » A sgr G. Gendron2 Δ » A sgr Jo. Pivard2 Δ » A Dominique Carra2 Δ » A P. Mallagnye2 Δ » Aut taborin2 Δ » Aut fifert2 Δ » Item, az deslivré az la reste des compagnyons az simples guages, à chescun deux florins, lesqueulx sont devant escript, monte en sommeVIIIxx XIIII flor. » Item, aut sgr Francey Souvey et aut sgr P. Curnillion, anbassadeur eleu par messr de conseil pour aler aut camp porter d’argent aulx compagnyons de nostre part, ausi pour les advertir de bien servir leurs mestre, ainsi comment en avons nostre confiance, de fere l’honnour de la citel de Lausanne ensemble le leur, et fust deslivré aut prest de La Cluse laz sume de cent Δ, reduyt à livres, à IIII flor. X sol par écu; somme2c LXXXX liv. /216/ » Item, leur fust donné pour leur dispense alan et revenant, avoier faicte leur chargeXIII flor. II sols » Item, az deslivré aulx dessus nommés sgr ambassadeur pour porter à nous compagnyons de guerre a Collonges la summe deIIIIc L. flor. » Item, az deslivré pour la dispense des devant nommés ambassadeur alant et venant et aussi pour bancater avesque nous gens, laz summe deX flor. » Item, az deslivré au sgr Francey Souvey, ambassadeur envoyé vers nous compagnyons de guerre aut prest de Yverdon, tam pour deslivré aulx dict compagyons que pour saz dispenseXIIIxx flor. I sol. » Item, az délivré az quatrevingt et unzes compagnyon des simples guages à leur retour, avoier faict le compte avecque monsr leur capitaine Chabie et le scribe, ensemble pluseurs sgr de conseil et aultres, futz acordé de poye de reste a chescun quarante et I sols, excepté ung lequel receu par le commandement du capitaine ung escu aut soler, et par ainsi monteIIIc XV flor. III sols. » Item, as deslivré a la femme du taborin, laquelle demorave aut prest du lyon, et son mari estoit avesque nous gens, par le commandement de messr de conseilII flor. » Item, a délivré au sire Johan Mercye pour le loyage de son cheval le terme de trente et trois jours, quel cheval chevauchoit le sigr Ennable X flor. /217/ |
| Lundi 31 janvier. – L’armée va de Divonne à Gex. | |
| Mardi 1er février. – L’armée reste à Gex. Le général expédie un trompette à Vevey, La Tour, Chillon et Villeneuve, pour sommer ces places de se rendre.
Une diète des cantons assemblée à Lucerne décide d’intervenir entre les belligérants et de tâcher d’amener un arrangement. | |
| Mercredi 2 février. – Les Bernois entrent à Genève où ils restent jusqu’au samedi 5 février. | |
| Jeudi 3 février. – Le conseil de Fribourg avise les cantons catholiques des progrès de l’armée bernoise, les informe que Lausanne a fait cause commune avec Berne et que Fribourg va être environnée de luthériens. | Jeudi 3 février. – L’évêque de Lausanne est à Ripaille, d’où il a prié l’un des députés fribourgeois qui sont à Lausanne de se rendre auprès de lui. Le conseil de Fribourg ne veut pas y consentir, car ses députés ne doivent pas se séparer.
On sonne l’effrei (tocsin) à Lausanne. Le conseil envoie en hâte demander du secours à Lutry, d’où il arrive immédiatement cent quarante hommes. Ceux-ci, voyant qu’on s’est effrayé sans cause, sont repartis de suite, sans accepter aucun dédommagement et sans boire ni manger. La cause de cette /218/ alarme n’est pas indiquée, mais on peut supposer que des bandes d’Italiens et de Savoyards battaient la campagne aux environs de la ville, tandis que l’armée bernoise était à Genève. On lit dans les comptes du boursier de Lausanne à cette date : « Libravi Johanni Sacoz pro certis expensis factis per illos de Cullie quando venerunt in adjutorium ville, pro una gallice larmaz (alarme) de mane, et erant XVI. XXVII sols. Pro certis expensis factis per illos de Valle et erant XIII. XIX sol, VI den. Pro certis expensis factis per illos de Pullie et erant XVI, pro illis de Cullie existentes XVI, magis pro duobus gubernatoribus de Sancto Simphoriam III lib. » Il paraît donc que l’alarme avait été chaude, puisqu’on était accouru de toutes les parties de Lavaux. |
| Vendredi 4 février. – Le trompette envoyé par le général bernois somme Vevey de se rendre. | |
| Samedi 5 février. – L’armée bernoise quitte Genève pour Saint-Julien. On ne la suivra pas dans toutes ses étapes. | |
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Dimanche 6 février. – Le conseil de Lutry fait avertir les gens de Paudex de venir aider à achever le rempart /219/ près du lac, vu qu’ils n’avaient pas travaillé aux fossés.
Il envoie aussi des députés à Lausanne pour offrir de payer les frais des soldats qu’il avait fourni à ses alliés et pour s’informer des mouvements et des desseins de l’armée bernoise. Le conseil de Lausanne répond qu’il se charge des frais occasionnés par les soldats de Lutry; quant à l’armée bernoise, il ignore si Lavaux a quelque chose à craindre, mais il avisera ses voisins de tout ce qu’il pourra découvrir à cet égard. Le prieur de Lutry écrit à MM. de Fribourg pour leur demander de prendre son prieuré sous leur protection. Il fait porter sa lettre par le curé de Lutry, Jean Semoraud, qu’il charge en même temps d’instructions verbales. Voici cette lettre : « Mes tresredoubtez seignieurs, je moy recommande treshumblement à vous bonnes grâces. » Messrs, le bon voloyer que j’ai cogneu à vous seignieuries à la protection de l’esglise et de la saincte foy catholique m’a provoqué à vous supplier estre mes protecteurs et de mon prieuré de Luttri et des subiects d’icelluy et aussy de toutte la religyon et suppos d’icelle. Je vous supplie derechefz ayés pitié de celle noble esglise et moy retenés du nombre des vostres et la mettés en vostre protection pour l’honneur de Dieu et de la saincte foi. Et le curé de /220/ Luttri, porteur des présentes, vous dira ce que à présent ne veulx rescripre pour brieffetté de lettre, lequel vous plaira croyere por ceste fois. Et àtant je prie à Dieu, mes tresredoubtés seignieurs qu’il vous doent très bonne et longe vie. De Luttri le VIe de febuurier 1536. » Votre trèshumble subiect et serviteur » Jehan de Montfalcon, prieur de Luttri. » Suscription : A mes très redoubtez seignieurs Messrs l’advoyé et conceil de Fribourg. (Archives de Fribourg, Affaires ecclésiastiques, No 182 1 .) La ville de Morges envoie des députés auprès du général bernois à Saint-Julien pour faire sa soumission, qui est acceptée sous certaines conditions. |
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| Mercredi 9 février. – Le conseil de Saint-Saphorin envoie des députés à Lutry pour dire que Vevey, se croyant menacée d’une descente des montagnards de Château-d’Ex et du Gessenay, a demandé du secours, mais qu’on n’a pas voulu donner de réponse /221/ sans avoir l’avis des autres paroisses de Lavaux, de Lausanne et de l’évêque. MM. de Lutry répondent que, Lavaux étant terre d’église et n’ayant rien eu affaire avec la guerre jusqu’à présent, il fallait rester neutres jusqu’au bout et ne point envoyer de secours à Vevey. Deux conseillers de Lutry ayant accompagné les députés de Saint-Saphorin à Lausanne paraissent avoir reçu la même réponse de l’évêque et de la ville.
Le même jour, le bruit se répand à Lausanne qu’on a sonné l’effrey à Lutry. Le conseil envoie trois hommes à cheval pour s’informer de ce qui se passe et pour annoncer des secours en cas de nécessité. Les gens de Lutry les remercient de leur bonne volonté et disent qu’une autre fois leurs bons voisins ne doivent pas se déranger sans qu’on les demande. |
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| Vendredi 11 février. – Le conseil de Berne somme Yverdon de se soumettre. | |
| Samedi 12 février. – Dans le vain et tardif effort d’arrêter la guerre et d’amener un accommodement entre Berne et la Savoie, les députés de Zurich, Glaris, Bâle, Schaffouse, Appenzell, Saint-Gall et des trois ligues des Grisons sont allés à Berne, et, passant par Lausanne, se rendent à Genève et au camp bernois, où leur mission demeure sans succès. | Samedi 12 février. – Yverdon, voulant demeurer fidèle au duc de Savoie, refuse de se soumettre à Berne.
Arrivée à Lausanne des députés de la diète suisse. Ils y rencontrent M. de Boisrigault, envoyé du roi de France, et repartent le lendemain pour Genève. /222/ |
| Dimanche 13 février. – Prise du château de la Cluse (Fort de l’Ecluse) par l’armée bernoise. Le contingent de Lausanne se distingue dans ce fait d’armes. | |
| Mercredi 16 février. – L’armée bernoise revient à Genève. | |
| Jeudi 17 février. – Le conseil de Fribourg, craignant de voir Romont tomber aux mains des Bernois, d’être complètement environné d’hérétiques et isolé de ses coreligionnaires du Valais, décide de se rendre maître de cette ville et à demander un contingent lausannois pour l’y aider. Mais les gens de la Gruyère s’étant interposés, l’expédition n’a pas lieu pour le moment. /223/ | |
| Vendredi 18 février. – L’armée bernoise quitte Genève pour aller assiéger Yverdon.
Négociations entre Fribourg et Berne au sujet de la prise de possession de Romont, Rue, Vaulruz, Châtel-Saint-Denis, Saint-Aubin, Estavayer, Vevey, Montreux. | Vendredi 18 février. – Le conseil de Lausanne envoie un messager à Lutry pour annoncer que l’armée bernoise, revenant de Genève, passera par Lavaux, allant à Vevey, et pour demander qu’on apprête des vivres. Le conseil de Lutry ordonne de préparer du pain, il envoie aussi un député au conseil de Lausanne pour demander son avis sur la conduite à tenir et pour savoir si Lutry n’a pas encouru la male grâce de MM. de Berne. |
| Samedi 19 février. – L’armée bernoise arrive à Morges, où Vevey et La Tour envoient des députés pour faire leur soumission. | Samedi 19 février. – Le conseil de Lausanne persuade aux députés de Lutry d’aller se recommander aux capitaines bernois et offre deux de ses membres pour s’y présenter avec eux. Après avoir pris l’avis de l’évêque, les députés de Lutry, accompagnés de deux conseillers de Lausanne, se rendent au camp bernois à Morges, où ils sont fort mal reçus. On leur fait de vifs reproches de l’indigne traitement qu’ils ont fait subir l’année précédente à Michel Doubte, prédicant d’Aigle (voy. Chroniqueur, page 59), de leur refus absolu de faire justice et des mauvaises dispositions du conseil de Lutry, et on les menace de brûler leur ville si les coupables ne sont livrés aussitôt.
MM. de Fribourg avaient demandé un contingent lausannois pour leur aider à se rendre maîtres de Romont. Mais n’ayant point eu besoin de déployer de forces militaires pour parvenir à leur but, ils font rebrousser /224/ chemin aux renforts lausannois par la lettre suivante : « Nous l’advoyé et conseil de la ville de Frybourg à gens de guerre de nous trèschiers et féaulx combourgeoys de Lausanne, que sont sus chemyn de venir par devers nous, mandons nostre salut, vous faisant sçavoir coment nous trèschiers et féaulx bourgeoys de Gruyère se sont mesler du différent d’entre nous voysins et de nous. Dont a ester fayct bon arrest, de sorte que de la tyrée que avyons proposé l’avons retardé et mis a seurances pour ceste foys. Dont vous advertissons, sur ce vous retyrans en vous maysons. Et pour attestacion avons mys nostre seaul secret à ces présentes. Donnée le XIXe de febvrier anno XXXVIo. » (Sceau de Fribourg.) En marge de la main du secrétaire de Lausanne : Recepimus presentem litteram per manus nobilis Auberti Loys die martis festi sancti Petri in cathedra anno 1535. (22 février 1536.) (Archiv. de LausanneEE, 68. Lettre missive originale avec le sceau de Fribourg plaqué.) |
| Dimanche 20 fév. – L’armée bernoise va de Morges à La Sarra, dont elle incendie le château et va camper à Rances. Par les comptes de la ville, on peut voir qu’il y avait des Lucernois dans la garnison du château de La Sarraz : « 1535 20 déc. Tribus sociis de Lucernaz qui ibant versus dominum de Sarrata ipsum servicium agendo in bello : III testones regis, et hoc causa quia infantes Lausanne fecerunt eis quoddam incommodum volentes eos verberibus affligere currendo super ipsos. » | Dimanche 20 février. Sur le rapport des députés qui étaient allés à Morges, le conseil de Lutry s’est assemblé en hâte la veille. Comme l’un de ceux qui ont maltraité le prédicant est serviteur du prieur de Lutry et qu’il se trouve dans ce moment au château de Saint-Maire (faisant sans doute /225/ partie de la garde de ce château), le conseil députe six de ses membres pour demander à l’évêque de livrer cet homme et pour réclamer de nouveau l’intercession de MM. de Lausanne auprès des chefs bernois. Le coupable ayant été livré, les députés de Lutry, accompagnés de trois conseillers lausannois, l’emmènent au camp bernois à La Sarra. |
| Lundi 21 février. – L’armée bernoise vient camper devant Yverdon pour en faire le siège. Ce siège dure jusqu’au 25. | Lundi 21 février. – Le conseil de Lutry somme tous ceux qui ont pris part à l’affaire du prédicant de se faire connaître et de se soumettre à sa décision. |
| Mardi 22 février. – Plusieurs volontaires de Lausanne étant allés rejoindre l’armée, le conseil députe deux de ses membres à Yverdon pour demander aux capitaines bernois de les renvoyer, vu que ces volontaires ne sont à l’armée que pour piller. Il interdit de nouveau à ses ressortissants d’aller à la guerre sans permission.
Lausanne fit des fournitures de pain à l’armée bernoise pendant le siège d’Yverdon. En effet, on lit dans les comptes de la ville : Pro expensis factis per illos qui duxerunt panem eundo et veniendo in campo dom. /226/ Bernensium ante Yverdunum, inclusis jornatis et veyturis currus et pane dato pro amore Dei pauperibus : XIII lib.VI sols. » Pendant ce même siège, Pierre Viret passa dans le camp bernois avec son ami Christophe Fabri. Voici ce qu’on lit dans le Chroniqueur(page 252) : « Les deux évangélistes passant auprès de cette ville (Yverdon) rencontrèrent dans l’armée les arquebusiers lausannois, dont les officiers les abordèrent et prièrent Viret de venir à Lausanne, où il lui promettaient de lui donner bon appui. Viret se rendit à leurs vœux. Il laissa Fabri poursuivre seul son chemin, et lui-même alla à Orbe chez son père, attendre qu’Yverdon fût prise et que les Lausannois vinssent l’emmener pour leur annoncer la vérité. » |
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| Mercredi 23 février. – Trois ecclésiastiques de Lutry, Pierre Bergier, religieux de Lutry, Jaques Ramu alias Rigaut, chapelain, et Mermet Mestraux, religieux de Savigny, qui ont pris part aux violences exercées contre le prédicant Michel Doubte, se remettent à la discrétion du conseil de cette ville et répondent, sur tous leurs biens meubles et immeubles, des frais que cette affaire peut occasionner 1 . /227/ | |
| Jeudi 24 février. – MM. de Lutry députent quatre conseillers à l’armée bernoise devant Yverdon pour découvrir les dispositions des chefs à leur égard. | |
| Vendredi 25 février. Après un siège de quatre jours, la ville d’Yverdon est prise. | |
| Samedi 26 février. – Une partie de l’armée bernoise est licenciée. /228/ | |
| Dimanche 27 février – Le reste de l’armée rentre dans ses foyers en passant par Payerne, où il y a des scènes orageuses entre les chefs de l’armée et les membres du conseil de Berne au sujet des concessions faites à Fribourg. A la suite de ces discussions, Berne décide de garder Vevey qui s’était rendue aux chefs de l’armée, mais que le gouvernement avait cédé aux Fribourgeois. | Dimanche 27 février – Les députés de Lutry reviennent et racontent qu’Yverdon s’est rendue aux Bernois; que les Lausannois présents au camp ont vivement intercédé pour qu’on ne fit aucun mal à Lutry, ni aux autres paroisses de Lavaux. Les chefs de Berne ont promis de ne faire aucun dommage, disant que le contingent du gouvernement d’Aigle passera par Lutry le lendemain, et que les autres se retireront chacun en son lieu.
Ensuite on fait venir les moines du prieuré devant le conseil et on leur demande de contribuer aux dépenses faites pour la garde de la ville et de son église et aux présents à faire aux chefs bernois pour les apaiser. Les religieux commencent par refuser toute contribution, mais le conseil les ayant menacés de les abandonner au ressentiment des Bernois, ils promettent de payer leur quote-part des frais. Enfin l’on décide de prier le conseil de Lausanne d’envoyer quelques-uns de ses membres à Lutry le lendemain, au moment du passage du contingent d’Aigle. |
| Jeudi 2 mars. – Les ambassadeurs des cantons, après avoir été au camp bernois et à Genève, sont de retour à Berne. Leurs efforts de médiation sont sans succès. Le conseil de Berne leur annonce même qu’il a l’intention de s’emparer de Chillon. On fixe une journée d’arbitrage à Lausanne, au 26 mars. On y conviera aussi les députés du Valais et de Fribourg. | Jeudi 2 mars. - Le conseil de Lausanne envoye un messager à Lutry pour avertir de sa part et de celle des Bernois de faire défense à tous bateliers de mener des bateaux à Chillon.
Le conseil de Lutry décide de faire un présent à celui de Lausanne, en reconnaissance de ses bons offices et /229/ des dépenses faites par ses députations à Morges et à La Sarra. Ce présent consistera en deux chars de vin pour la ville et pour quelques particuliers deux testons à chacun. |
| Vendredi 3 mars. – Quatre bannerets de Lausanne se rendent à Lutry pour s’informer de l’exacte vérité sur l’affaire du prédicant Michel Doubte. Le conseil de Lutry répond qu’il n’y a eu aucune part et qu’il en avait été fort marri. F. Mermet, appelé pour déposer sur cette affaire, déclare sous serment que les seuls coupables sont B. Bergier, dom Jaques Rigaut, Nicod Métraux et deux serviteurs de l’évêque. Jaques Rigaut fait la même déposition. | |
| Dimanche 5 mars. – On décide à Lutry d’envoyer à Lausanne 8 écus, au lieu de deux chars de vin, savoir 6 écus en espèces et 2 écus pour un repas; et l’on nomme quatre conseillers pour porter ce présent. | |
| Lundi 6 mars. – Le conseil et le rière conseil de Lausanne font une ordonnance pour interdire les insolences. Comme cette ordonnance vise spécialement le chanoine Pierre Perrin, il est à présumer qu’il avait été victime de quelque voie de fait de la part des mauvais sujets de la ville. /230/ | |
| Mardi 7 mars. – Le conseil, le rière conseil et les Deux Cents de Lausanne envoient une ambassade à Berne, qui revient le mercredi 15. Je n’ai pu découvrir le but de cette ambassade. Il n’est point téméraire de présumer que les Lausannois voulaient plaider la cause de leurs alliés de Lutry, qui avaient tout à craindre de la vengeance de MM. de Berne, à cause des mauvais traitements infligés à Michel Doubte.
Le même jour arrive la députation de Lutry; elle remercie le conseil de Lausanne de toute la peine qu’il s’est donnée dans cette malheureuse affaire, et offre au conseil un présent de 4 écus d’or. (Le manual de Lausanne dit 4 écus, celui de Lutry dit 6 écus.) Le conseil de Lausanne refuse ce présent, disant qu’ils ne sont pas gens à prendre aucune récompense de ceux de Lutry, parce qu’ils n’ont fait que leur devoir envers leurs alliés et combourgeois. Le capitaine Jean Roche ne veut point non plus recevoir les deux testons qu’on lui présente. |
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| Jeudi 9 mars. – Le conseil de Lausanne ordonne une enquête pour découvrir ceux qui ont renversé une statue de la Vierge, placée sur la porte qui de Saint-François conduit à Montbenon. De plus, comme c’est le temps du carême, il fait défense de manger de la viande et interdit aux aubergistes d’en servir à leurs hôtes sous peine de 10 florins d’amende. /231/ | |
| Samedi 11 mars. – MM. de Berne, voyant que la garnison de Chillon inquiète et pille leurs anciens et nouveaux sujets, entre autres Villeneuve, décident de lever une nouvelle armée de 1000 hommes sous les ordres de Nægueli pour s’emparer de cette place forte. Etant aussi informés que l’évêque de Lausanne a pris activement parti contre eux, ils profiteront de l’expédition pour se rendre maîtres de ses terres. Les députés de Genève offrent au conseil de Berne de donner aide de leurs corps et de leurs biens pour la prise de Chillon, ou pour toute autre expédition. | |
| Dimanche 12 mars.L’évêque Sébastien de Montfalcon, tout inconscient de l’orage qu’il a attiré sur sa tête par ses pratiques, veut faire une démarche auprès de MM. de Berne, qui lui enlèvent sa juridiction à Berchier. Il demande au conseil de Lausanne, allié des Bernois, de vouloir bien joindre un de ses membres à la députation qu’il va envoyer à Berne. /232/ | |
| Mardi 14 mars. – Comme on l’a vu plus haut, les moines de Montheron avaient mis leur couvent sous la protection de la ville de Lausanne. Pendant la guerre, les gens d’Yverdon, afin de s’approvisionner en vue du siège de leur ville par les Bernois, avaient emmené le blé qui se trouvait dans la ferme voisine de Chevressy, appartenant à l’abbaye. Les religieux viennent demander au conseil de vouloir bien joindre deux de ses membres à la députation qu’ils envoient à Yverdon pour « obtenir satisfaction. » | |
| Jeudi 16 mars. – L’évêque de Lausanne est absent. On a vu que le 3 février il était à son prieuré de Ripaille. Peut-être y est-il encore ?
On se souvient (22 février) que, pendant le siège d’Yverdon, les Lausannois s’étaient abouchés avec Pierre Viret et l’avaient engagé à venir prêcher dans leur ville. Il paraît s’être rendu à cette invitation dans la première quinzaine de mars, puisque le 16 les ecclésiastiques se plaignent de sa présence. En effet, une lettre de Viret, dont M. Herminjard a publié quelques passages (Correspondance des Réformateurs, IV, 31), nous apprend qu’il a prêché à Lausanne du temps de l’évêque, avant la prise de la ville par les Bernois, et que plusieurs citoyens l’ont favorisé et bientôt après ont professé sa doctrine. Quoi qu’il en soit, les représentants de l’évêque se présentent en conseil, /233/ le 16 mars, disant qu’il y a dans la ville un prédicateur luthérien, amené par des étrangers, et que la commune, à qui appartient la police, doit y mettre ordre. De son côté, le chapitre de Notre-Dame, se plaignant du prédicant qui prêche dans l’église de Saint-François, dit que ce n’est pas la coutume à Lausanne d’avoir deux prédicateurs à la fois et demande qu’on l’expulse de la ville. Le conseil répond fort correctement que le chapitre n’a qu’à s’adresser à l’évêque, à qui appartient le pouvoir spirituel. Il faut se rappeler, comme on l’a dit dans la première partie de ce travail, que c’était l’usage de faire venir un prédicateur pour le carême. Le prédicateur régulièrement appelé était Dominique de Montbousson, moine dominicain, qui prêchait alors le carême dans la cathédrale. Afin de se débarrasser de Viret, les chanoines prennent le biais de dire qu’un second prédicateur est contre l’usage. Ne pouvant obtenir satisfaction, le clergé paraît avoir porté ses doléances à MM. de Fribourg, qui, le 20 mars, écrivent au conseil de Lausanne de ne point souffrir la présence de ce prédicant et de demeurer fermes dans l’ancienne religion, selon les promesses faites à réitérées fois. Le même jour, le conseil de Lausanne écrit aux paroisses de Lavaux, les invitant à envoyer, le lendemain à midi, des députés à Lausanne, où on a des choses fort importantes à leur communiquer. /234/ |
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| Vendredi 17 mars. – Le conseil de Fribourg écrit aux cantons catholiques : il a appris que le lundi suivant, 20 mars, une armée bernoise de 1500 hommes doit se mettre en marche, apparemment contre Chillon; mais le véritable but de l’expédition est d’attaquer le comte de Gruyère, qui n’a pas fait hommage pour ses seigneuries situées dans le pays conquis. Une seconde armée attaquera peut-être Fribourg; en conséquence il demande du secours à ses alliés.
En même temps, le conseil de Fribourg envoie des députés å Berne pour offrir de renoncer définitivement à Vevey, si l’on s’engage à ne pas inquiéter le comte de Gruyère. | Vendredi 17 à lundi 20 mars. – Les députés de Lavaux accourent à l’invitation du conseil de Lausanne. Celui-ci les informe qu’il a appris des Bernois qu’ils vont attaquer Chillon, que leur armée passera par Lutry et Lavaux, mais qu’il veut prier le conseil de Berne de faire passer son armée par un autre chemin et offrir des guides pour la conduire. MM. de Lausanne ont en outre ouï dire que les Bernois se proposent d’établir des officiers dans le pays nouvellement conquis, entre autres un châtelain à Vevey, qui aura sous sa juridiction Lavaux et Lutry.
Les députés de Lavaux font rapport à leurs commettants. Le conseil de Lutry envoie trois de ses membres à Lausanne avec mission de dire que ceux de Lutry veulent joindre deux députés à ceux de Lausanne, pour aller au devant de l’armée bernoise et la conduire à Chillon par un autre chemin. MM. de Lutry prient aussi ceux de Lausanne de s’opposer au démembrement de Lavaux, qui serait d’ailleurs préjudiciable à leur ville, puisque les appels du pays y sont portés. Nicod de Prez, seigneur de Corsier sur Lutry, demande au conseil de Lutry sa recommandation auprès de celui de Lausanne pour en obtenir deux de ses membres qui servent de sauvegarde à ses biens, si l’armée bernoise passe par ce chemin. Le conseil de Lausanne s’en excuse, alléguant qu’il n’y est pas autorisé par ses /235/ alliances avec Berne, que d’ailleurs il faudrait assembler la communauté pour en délibérer. Enfin, les moines de Lutry ayant appris que six cents hommes doivent prochainement passer par la ville demandent au conseil de les protéger eux et leur couvent. On députe deux personnes à Lausanne pour avoir des informations et pour demander du secours en cas de besoin. |
| Lundi 20 mars. – L’armée quitte Berne pour marcher contre Chillon. | |
| Mardi 21 mars. – Le conseil de Lausanne envoie, comme ses représentants à Lutry, Guy Gendron et Aubert Loys, pour sauvegarder cette ville, au moment du passage de l’armée bernoise. Il envoie aussi des représentants à Cully et à Saint-Saphorin.
Un banneret apporte une lettre de MM. de Lausanne demandant qu’on lui prête main-forte pour saisir un nommé Tyoti, qui avait été châtelain d’Yverdon. Tyoti est saisi et conduit à Lausanne le même jour 1 . Le prieur de Lutry, Jean de Montfalcon, écrit au conseil de cette ville pour le supplier de prendre le prieuré /236/ sous sa protection. On lui répond qu’on fera volontiers ce qu’on pourra, mais que la ville a assez affaire à se garder elle-même, n’étant point à l’abri des appréhensions. Il reçoit du conseil de Fribourg la réponse suivante à sa lettre du 6 février dernier : « Révérend seigneur, à vostre révérende paternyté et bonne grâce tant que fere pouvons nous nous recomandons. » Révérend seigneur, nous avons entendu la charge qu’avés donnée à mons le curé por la préservation de vostre personne et pryoré. Sus ce avons advysé, s’il vous plaict nous résigner ledit pryoré et qu’ayés lesfruyts por pension vostre vie durant et donner à nostre chantrerye ou à l’hospital six chertz de vin annuellement, nous vous recevrons vostre personne et pryoré en nostre garde et protectyon et ferons comme bons protecteurs. Et s’il est à vostre playsir pourrés venir icy ou mander procure suffisante à ce fere. A ce pryons le Créateur qu’il vous tyenne en sa saincte garde. Datum XXa martii, anno 1536. » L’advoyer, petit et grand conseil de la ville de Fribourg. » /237/ Suscription : A révérend père en Dyeu monsr le pryeur de Lustrye nostre honoré seigneur. (Archives cantonales vaudoises, A, Miscell. No 15.) Le même jour une députation du chapitre se présente au conseil de Lausanne et lui fait les deux demandes suivantes : 1o Que le conseil veuille bien avoir une conférence avec l’évêque au sujet du prédicant; 2o qu’il ait la bonté de recommander l’église de Notre-Dame à MM. de Berne, afin que l’armée n’y cause aucun dommage, si elle passe par Lausanne. Le chapitre ajoute que les chanoines se proposent dorénavant de vivre honnêtement et bien. (Quod intendunt a modo infuturum bene et honeste vivere.) Le couvent des frères mineurs de Saint-François demande aussi un protecteur. Le conseil nomme à cet office Benoît Blécheret, que les conventuels acceptent avec reconnaissance. La date du 21 mars est la dernière où il soit fait mention de l’évêque dans les manuaux du conseil. Il avait sans doute appris que l’armée bernoise en marche pour Chillon avait des intentions hostiles contre lui; sa conscience lui disait peut-être aussi que cette inimitié était assez justifiée. On a tout lieu de croire qu’il se réfugia immédiatement chez les Fribourgeois qui, fervents catholiques, avaient constamment et chevaleresquement pris son /238/ parti pendant ces dernières années. Toujours est-il qu’en mai et juin, il paraît avoir été à Fribourg, d’où son secrétaire faisait des démarches en sa faveur auprès du conseil de Berne (Schmitt, Mém. histor. sur le diocèse de Lausanne, II, 359), mais on voit par le manualdu conseil de Berne du 21 juin que ces démarches n’eurent point de succès. (Abschiede, pag. 705.) Les historiens ne sont pas d’accord sur les destinées ultérieures de ce prélat. Il mourut en 1559 ou 1560. |
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| Mercredi 22 mars. – Les chanoines de Notre-Dame, désirant sans doute obtenir la protection efficace du conseil de Lausanne qui, comme on l’a vu, était dans les bonnes grâces des Bernois, lui offre 100 écus d’or pour les frais occasionnés par la guerre. Cette offre est refusée, mais en revanche on demande au chapitre de céder à la ville la juridiction temporelle, soit la seigneurie de Saint-Prex, Essertines et Dommartin. On verra par l’article du 2 avril que ces négociations n’aboutirent pas. | |
| Vendredi 24 mars.
Les ambassadeurs des puissances se présentent devant le conseil de Berne. L’envoyé de l’empereur demande qu’on n’attaque pas Chillon, celui du roi de France recommande chaudement l’évêque de Lausanne. Le conseil de Berne décide de passer outre. Il accepte l’offre de Fribourg de renoncer définitivement à Vevey et promet de ne pas inquiéter le comte de Gruyère pour les seigneuries qu’il possède dans le Pays de Vaud. On écrit dans ce sens aux chefs de l’armée.
Les commissaires bernois, qui étaient partis de Berne le 13 mars pour organiser et rançonner le pays conquis, ont passé par Cudrefin, Yverdon, Romainmôtier, Cossonay, et arrivent à Lausanne le 24 mars au soir. Ils repartent, le 2 avril, pour Morges et La Côte. | Vendredi 24 mars. – Deux fourriers de l’armée bernoise arrivent à Lutry et demandent logement pour cinq cents chevaux pendant quatre jours. On leur répond que c’est impossible. Alors les fourriers demandent à visiter les écuries, les provisions de foin et d’avoine et ordonnent de préparer des vivres qui seront menés à l’armée à l’endroit /239/ qu’on indiquera. On répond qu’on fera ce qu’on pourrra pour contenter l’armée. |
| Dimanche 26 mars. – L’armée bernoise, ayant évité Lausanne et passé le long du lac, arrive à Lutry, y dîne et repart après dîner.
C’est la date fixée pour la journée de médiation à Lausanne, entre Berne et le duc de Savoie. Les commissaires bernois font l’inspection de la maison et du jardin de Billens. Ils saisissent le registre des jugements (Gerichtbuch) et les titres du juge (Weibell). Ils enjoignent à celui-ci de continuer son office, comme jadis, mais avec plus de soin; ils l’assermentent et le laissent dans sa charge pour le moment 1 . | Dimanche 26 mars. – Au moment où l’armée bernoise quitte Lutry pour Chillon, quelques soldats refusent de payer au nommé Berthod Borgeis une petite somme qu’ils lui doivent. Celui-ci va s’en plaindre aux deux députés gardiens de Lausanne, Guy Gendron et Aubert Loys; « par quoy il se mut un gros différent et batteme » où /240/ trois soldats bernois sont blessés. Le conseil de Lutry, fort épouvanté de cette nouvelle et fâcheuse affaire, expédie sur-le-champ trois de ses membres pour en informer MM. de Lausanne et pour les prier de vouloir bien joindre un des leurs aux députés qu’il veut envoyer immédiatement auprès des chefs bernois, afin d’expliquer l’affaire. Le conseil de Lausanne envoie Etienne Grand. En même temps ceux de Lutry décident qu’ils payeront toute la dépense de Gendron et Loys.
Les Lausannois s’employèrent à mener l’artillerie bernoise devant Chillon. On lit, en effet, dans les Comptes de la ville : « Libravi Rod. et Joh. Blanc, pro certis expensis per eos supportatis pro octodecim sociis qui duxerunt artilieram dom. Bernensium ante castrum Chilionis et duxerunt quattuor magnas naves et manxerunt septem dies, facto computo cum ipsis XXV flor. Magis libravi pro eorum jornatis pro quolibet die II sol. in summa XXI flor … XXVII lib. XII sols. » /241/ |
| Lundi 27 mars. – L’armée bernoise est arrivée devant Chillon.
N. Girard Mestral, avoyer de Payerne, qui est au camp bernois devant Chillon, avise ceux de Lutry que les chefs bernois sont très irrités contre eux de ce qu’ils ont maltraité les soldats et leur conseille d’envoyer des députés pour faire leurs excuses et prévenir un plus grand mal. Les députés des cantons arrivent à Lausanne. | Lundi 27 mars. – La paroisse de Saint-Saphorin fait dire au conseil de Lutry qu’elle a l’intention de faire un présent de deux chars de vin aux chefs bernois et lui propose d’en faire autant. |
| Mardi 28 mars. – Le conseil de Lutry décide de faire comme les deux autres paroisses de Lavaux et de donner aussi deux chars de vin. Il députe trois de ses membres pour présenter des excuses aux capitaines bernois, en leur donnant pour instructions de s’adresser d’abord à l’avoyer de Payerne. | |
| Mercredi 29 mars. – Les capitaines bernois refusent d’écouter les députés de Lutry. L’avoyer de Payerne leur conseille d’essayer la voie des présents pour les apaiser.
Le château de Chillon se rend. | Mercredi 29 mars. – Sur le rapport de leurs députés, MM. de Lutry décident de donner au capitaine général trois tonneaux d’avoine, deux moutons, quelques chapons, si l’on en peut trouver, avec quelques poules, et d’envoyer quatre conseillers le lendemain avec ces présents. /242/ |
| Jeudi 30 mars. – Le capitaine refuse de voir les députés de Lutry et d’accepter leur présent.
L’armée bernoise se met en marche pour Lausanne. Les députés du duc de Savoie sont à Lausanne. |
Jeudi 30 mars.Le conseil de Lausanne paraît avoir joint trois de ses membres à cette dernière ambassade de Lutry, qui rencontra le général bernois à Vevey, à son retour de Chillon. En effet, on lit dans les Comptes de la ville « Libravi domino J. de Sancto Ciriaco ac Jo. Borgey et Stephano Grand ac Colleto Magnyn (le héraut de ville) qui fuerunt cum illis de Lustriaco Viviacum versus dominos Bernenses. » |
| Vendredi 31 mars. – L’armée bernoise, ayant franchi la Veveyse, somme les paroisses de Lavaux de se soumettre, arrive à Lutry et fait son entrée à Lausanne dans l’après-midi.
La conférence entre les ambassadeurs des cantons et ceux de Savoie et de Berne a lieu. Les députés bernois n’ont pour instruction que d’écouter et faire rapport. Fribourg n’a envoyé personne, ne voulant traiter qu’avec le duc seul. Valais de même, parce qu’il veut conserver par l’épée le pays qu’il a conquis. La conférence n’arrive à aucun résultat : 1o parce que les députés arbitres de Glaris et d’Appenzell ne sont pas présents; 2o parce que Fribourg et Valais n’ont pas voulu s’y faire représenter; 3o parce que Berne et la Savoie n’ont pas donné d’instructions suffisantes. |
Vendredi 31 mars. – A leur arrivée à Lutry, les capitaines bernois font assembler le conseil; et, proférant des menaces, se plaignent vivement : 1o du mauvais traitement infligé au prédicant d’Aigle; 2o de ce que le dimanche précédent on a battu des soldats bernois. Sur le premier point, le conseil répond que le coupable a été remis entre leurs mains; sur le second, que ceux qui ont eu querelle avec les soldats ne sont point gens de Lutry et qu’on a eu connaissance du fait qu’après coup. Puis Nægueli dit : « A qui êtes-vous ? N’êtes-vous pas à l’évêque de Lausanne ? Il a été contre nous et s’est opposé à Messieurs. Soumettez-vous sur-le-champ. » Le conseil demande terme jusqu’au coucher du soleil pour consulter l’assemblée de commune. C’est inutile; de sorte que pressé par le danger, par les menaces d’incendie et de carnage, le conseil se soumet et accepte d’être aux Bernois, à condition : 1o que si la commune ne ratifie pas cette soumission, il /243/ ne sera pas inquiété; 2o que les franchises et libertés, écrites et non écrites, de la commune seront conservées. Ces réserves étant admises, les conseillers présents prêtent serment de fidélité à Berne sur un livre (sans doute les Evangiles) et le reste de la commune reçoit terme jusqu’au coucher du soleil pour venir à Lausanne en faire autant.
Le même soir, sept députés de Lutry viennent à Lausanne prêter serment au nom de tous. Ils y trouvent les envoyés des autres paroisses de Lavaux, et, tous ensemble, au nombre de vingt-huit, en présence de deux conseillers de Lausanne, jurent fidélité à Berne, en réservant leurs franchises et le maintien de leur foi, de quoi il est ordonné au secrétaire de Berne de délivrer aux paroisses des lettres testimoniales. Les Lausannois aussi demandent qu’on leur laisse leurs franchises et « fasson de vivre. » Les commissaires leur répondent que rien ne sera changé, qu’on ne saisit que le pouvoir temporel de l’évêque, mais ils exigent que personne ne soit inquiété au sujet de la foi 1 . |
Samedi 1er avril 1536. - Les commissaires bernois font comparaître devant eux, d’abord les officiers de l’évêque, puis le conseil de Lausanne. /244/
En premier lieu, ils font venir le bailli, le châtelain d’Ouchy et un autre officier qu’ils appellent « weybell » et leur exposent qu’ils s’emparent de la juridiction temporelle de l’évêque; en conséquence ils ordonnent aux officiers épiscopaux de continuer à remplir leurs charges, conformément à leur serment, et de rendre la justice au nom de MM. de Berne.
Ensuite il font venir Giguilliati, commissaire de l’évêque, lui annoncent qu’ils veulent faire un inventaire des reconnaissances féodales de l’évêché et l’avertissent, sous les peines les plus sévères, de ne rien dissimuler.
Puis les députés de Berne appellent le conseil de la ville, lui déclarent qu’ils ont reçu l’hommage des sujets de l’évêque à Lavaux, et qu’ils veulent aussi prendre possession de son château et de sa juridiction temporelle, mais que les libertés et franchises de la ville seront scrupuleusement respectées.
Le conseil répond que, le château ayant toujours été l’ennemi de la ville et la cause de beaucoup de dissensions, il se recommande à Messieurs de Berne.
Les commissaires répliquent que les Lausannois tiendront le château, y mettront garnison au nom de MM. de Berne, jusqu’à nouvel ordre, et qu’ils doivent y apposer l’ours de Berne, après avoir fait un inventaire du mobilier.
En conséquence, les commissaires prennent possession des clefs du château et les rendent immédiatement à ceux qui sont préposés à sa garde. On procède à l’inventaire, qui est reconnu par Sebastien Naegueli, l’un des commissaires 1 et les armoiries de Berne sont apposées contre l’édifice 2 . /245/
Avant de quitter Lausanne, les députés des cantons écrivent au conseil de Berne une lettre où ils déplorent l’insuccès de leur médiation. Puis ils se rendent à Berne, où on leur expose (4 avril) les motifs de la guerre qu’on a faite à l’évêque de Lausanne.
Affaires religieuses.
1 Dimanche 2 avril 1536. – Super facto dom. canonicorum, quod non accipiantur peccunie pro neccessitatibus communitatis sustinendis minori de duobus centum scutis solaribus, sine condicionibus ponendis. /246/
Item, ulterius quod ponantur post prandium ducentum burgenses, qui fuerunt congregati, deliberaturi super insolenciis que continue fiunt in ecclesiis.
Fuit conclusum quod sumantur informaciones contra illos qui tales insolencias faciunt. Quiquidem ducentum burgenses dederunt potestatem ven. dominis consiliariis quem (quos) promiserunt manutenere.
Mardi 4 avril 1536. - Fuit congregatum totum commune per sonum cymballi et voce preconis, visuri et deliberaturi super occurrentibus et insolenciis que fiunt in ecclesiis et de modo bene vivendi.
Fuit communis oppinio, omnes bene vivere debere in pace et bono amore unus cum alio.
Item, quod quis voluerit ire et audire predicatorem, quod vadat et audiat; et qui voluerit audire missam, quod audiat.
Item, et quod nulle insolencie fiant.
Item, quod non impediatur divinum officium.
Item, quod eligatur unus ex duobus conventibus ad predicandum.
Item, quod non predicet in tabernis neque carreriis, sed in loco deputato.
Item, quod nullus audeat deridere de alio, neque improperare aliqua verba. /247/
Jeudi 6 avril 1536. - Fuit primo convocatum consilium, retro consilium et burgenses numero ducentorum hominum, deliberaturi super certis occurrentibus ad causam divini officii fiendi in conventu fratrum predicatorum Marie Magdalenes. Coram quibus dom. burgensibus comparuerunt dom. religiosi, videlicet frater Petrus de Magdalena, supprior, una secum fratre … nomine tocius conventus, exponentes magnificis dominis assistentibus, quatenus placeat eorum dominacioni velle eos dimictere in dicta eorum religione et conventu facturos divinum officium, ut est consuetum, ut adimpleatur voluntas fundatorum et benefactorum, et eisdem dare et deputare locum unum; se propterea et totum conventum atque eorum bona ponendo protectioni et tuicioni atque salve gardie ven. et magnifici consilii atque burgensium tocius communitatis. Et ipsis retractis fuit deliberatum et conclusum prout sequitur :
Primo, quoad locum, quod eisdem religiosis dimittatur totum claustrum et totus conventus, una cum capellis in dicto claustro existentibus et fundatis; et ibidem faciant divinum officium, dempto tempore quo predicator sive prédicant predicabit et annunciabit verbum Dei.
Ad conservacionem et manutencionem status omnium nobilium, civium et burgensium Lausanne et stabilitatem reipublice Lausanne, fuit per eosdem nobiles et cives ad sonum campane et vocem preconis congregatos in palacio et domo communitatis Lausanne facta ordinacio et constitucio, modo et forma subscriptis :
Primo, fuit ordinatum, constitutum et conclusum unanimiter, quod unus quisque nobilium et civium Lausanne et alter cum altero, de maiore usque ad minorem et e contra, paciffice, quiete, honeste et amicabiliter ad invicem /248/ vitam duceret et ducere deberet, nemoque eorumdem nec alter alterum lederet, neque vim vel violenciam inferret, tam in personis quam bonis, sed unus quisque alter alterum tuere (sic) et deffendere deberet.
Item, quod unus quisque libere et ad sui beneplacitum audire possit evangelium et verbum Dei.
Item, et equidem constitutum fuit quod quilibet libere et ad eius liberum arbitrium possit audire missam et aliud divinum officium, more solito et prout hacthenus ab antiquo fuit observatum.
Item, quod nemo nobilium et civium et habitancium Lausanne, cuiuscunque condicionis, status et sexus fuerit, debeat quamcunque personam audientem et accedentem ad verbum Dei vel missam audiendum diffamare, neque eidem injuriam actualem aut verbalem inferre, aut verbum conviciosum vel opprobrium aliquod de eodem proferre aut propallare.
Item, quod verbo Dei et evangelio nunciando et declarando fuit ordinatus et destinatus unus locus, scilicet templum ab antiquo in Lausanna constructum sub nomine Marie Magdalene; quodque altaria in eodem existencia remaneant prout sunt, nuda, sine demolicione et destructione lapidum; atque etiam sedes sive forme in ipso templo existentes remaneant integre, simul cum nemore organorum, quoniam illud nemini nocet, nec quemquam impedit ad verbum Dei audiendum.
Item etiam, pro missa dicenda et ad aliud divinum officium dicendum et celebrandum fuit religiosis et fratribus ordinis sancti Dominici Lausanne relictus et destinatus conventus ab antiquo in Lausanna constructus in quo de presenti moram faciunt et inhabitant. Quosquidem /249/ religiosos et ad eorum preces et instanciam nobiles et cives Lausanne, totam communitatem facientes et representantes, admiserunt et receperunt sub eorum salva gardia et protectione, tam personarum quam bonorum eorumdem. In quoquidem conventu dicti fratres debeant infuturum habitare, honeste, virtuose et religiose vivendo; possintque in claustro seu capitulo dicti conventus missam celebrare et aliud divinum officium decantare atque sacramenta ministrare more solito, prout hacthenus ab antiquo observatum fuit.
Item, eisdem fratribus fuit reservatus usus cymballorum ac jus funerandi et sepeliendi corpora deffunctorum, secundum formam, modum et usum hacthenus et ab antiquo solitum et observatum.
Item, eciam conclusum fuit quod dicti religiosi teneantur murare portam dicti templi, per quam ab ipso templo fit aditus ad claustrum dictorum religiosorum, nec non portam alteram per quam ad dormitorium eorum fit ingressus ad ipsum templum.
Item, eciam fuit ordinatum et conclusum quod ex nunc et infuturum cessarent nulleque fierent, tam de die quam nocte, tam in ecclesiis quam alio quocunque loco, novitates, violencie, neque voluntates. Quodque bona mobilia quecunque subtracta per has novitates dominis consulibus consilii ordinarii Lausanne remictantur et restituantur.
Item, fuit eciam dictis religiosis provisum pro administratore eorum domus et bonorum de duobus advoyeriis, videlicet de discretis viris Francisco Guibaud et Petro Menestrey.
Datum Lausanne in domo communitatis Lausanne, die sexta apprilis A. D. millesimo quingentesimo trigesimo sexto. /250/
Et ita fuit juratum ita observare et tenere per levacionem manus.
De mandato ven. consilii signatum. P. Wavre.
Le dimanche des Rameaux, 9 avril, le conseil général de Lutry décida : 1o que nul ne devait faire venir un prédicant, sous peine de 10 florins d’amende; 2o s’il s’en introduisait un, qu’on n’irait point l’entendre prêcher, mais qu’on ne lui ferait aucune insulte; 3o que nul ne devait gâter ou vitupérer les images dans les églises ou ailleurs, ni commettre aucune violence ou indécence dans les églises, sous la même amende.
Il paraîtrait qu’en l’an de grâce 1536, les chirurgiens de Lausanne étaient meilleurs que ceux de Genève; du moins MM. de Berne en jugeaient ainsi, comme la lettre suivante du 12 avril, en fait foi :
« Nobles, magniffiques seignieurs, singuliers amys et chiers combourgeoys, Ilz a quatre de nous soubgés à Genèfve que sont esté blessé de l’artillerie à la Cluse, et pource quil n’a illecq cirurgien ny barbier sçavant pour les guérir, avons mandé à ceulx de Genèfve les laisser mener sus l’eau jusques en vostre ville, car entendons soyés pourveuz de bons maistres. Dont vous prions, quant iceulx quatre nous soubgets arriveront vers vous, les vuilliés à nostres coustes pourveoyr d’ung bon barbier et administrer ce que leur sera de besoing, ainsin que à vous nous fions et avecq ce que vous en satisfayrons nous ferés grand playsir, à recongnoistre Dieu aydant, lequel vous doingt prospérité. Datum XII aprilis anno XXXVIo.
» L’advoyer et Conseilz de Berne. »
Suscription : Aux Nobles, magniffiques seignieurs Burguemeistre et Conseilz de Lausanne, nous singuliers amys et chiers combourgeoys.
(Archives de Lausanne EE, 829. Lettre missive originale, avec le sceau de Berne plaqué.) /251/
Le lecteur remarquera que, immédiatement après la conquête, le style du sénat de Berne n’a pas encore changé; les Lausannois sont traités comme auparavant de chers combourgeois.
P. Viret.
Jeudi saint 13 avril 1536. - Comparuit magister Petrus Viret, predicator evangelii, qui presentavit certos articulos dandos et tradendos ven. fratri predicatori, qui predicavit in ecclesia maiori Lausanne, videndos et visitandos.
Depuis l’ordonnance du 6 avril, P. Viret avait transféré ses prédications de l’église de Saint-François à celle des Dominicains de la Madeleine. En même temps le jacobin Dominique de Montbousson (qu’on a nommé plus haut), prêchait le carême à Notre-Dame. Viret accusa ce moine d’enseigner l’erreur et remit par écrit au conseil certains articles contre lui. Montbousson répondit à Viret au mois d’octobre pendant la dispute de religion. Voyez Ruchat, loc. cit., IV, 141, 142, et Herminjard, loc. cit., IV, 29 à 31, où l’on peut lire le discours prononcé par Viret, 13 avril, devant le conseil.
Abbaye de Montheron.
Mardi après Pâques, 18 avril 1536. – Comparuerunt dominus de Tanney et nobilis Franciscus Champion dominus de La Bastiaz ac eciam de Vauruz, petentes et requirentes eisdem dare duos ex dom. consiliariis pro conservacione abbacie de Montheron et bonorum eiusdem, qui electi et deputati habeant exigere et recuperare sub manu consilii et communitatis. Et fuerunt electi et nominati, videlicet discreti viri Petrus Curnillion et Stephanus Grant, nec non ad requisicionem fratris Jacobi Copin, prioris, et Jacobi Marguerat religiosorum. /252/
Un autre article tout semblable du manual a quelques variantes; on lit entre autres : « Ven. dom. Franciscus Vernier, dominus de Tanney, tanquam admodiatarius, ut asseruit, abbacie de Montheron eidem facta a R. D. cardinali de Serviatis abbate.
Les rentes de cette abbaye étaient amodiées 1 pour 1000 florins.
Jusqu’à l’arrivée des commissaires qui devaient installer un bailli à Lausanne, comme dans les autres provinces du pays conquis, le conseil de Berne n’avait point changé les officiers temporels de l’évêque. Ainsi F. Gimel, dernier bailli de l’évêque, conserva sa charge jusqu’à l’arrivée du nouveau bailli bernois.
Le manual ne raconte pas que, le 21 avril, le bailli François Gimel fit publier, par ordre de MM. de Berne, une ordonnance de police interdisant les actes de violence entre personnes de religion différente. Cette publication ayant été faite sans l’aveu du conseil de Lausanne, celui-ci protesta et reçut du bailli la lettre testimoniale suivante :
« Notum sit cunctis, cum parte metuendissimorum ac magnificorum dominorum Bernensium seu nonnullorum ipsorum parte deputatorum, nobilis Franciscus Gimel eorumdem in Lausanna baillivus, fuerit exortatus quatenus in dicto loco Lausanne, ipsorum parte nonnulle fierent cride per inferius exaratum modum, videlicet nemini diu noctuque cujuscunque existeret qualitatis licere quasvis insolencias sive facti opera perpetrare, sub confiscatione talis perpetrantis corporis et bonorum; que premissa auribus nobilium, burgensium et incolarum Lausanne intonuere; Et cum premissa cedant in detrimentum libertatum et franchesiarum totius ville et communitatis, Ea propter anno Domini millesimo quingentesimo trigesimo sexto et die vigesima prima mensis aprilis, nomine et pro parte prefatorum nobilium, burgensium et incolarum Lausanne, secus prefatum spectabilem dominum ballivum se transtulerunt honorabiles viri Guillermus Ravanelli, burgi magister Lausanne, nec non Soffredus Buet et Bonaventura Frontinnex, ex dominis consilliariis ville Lausanne, qui protestati fuere quatenus ipse tales cride prejudicium non inferrent dictis eorum libertatibus et franchesiis, cum ultra morem solitum eorumque generale placitum inite et facte essent, petentes /253/ nomine quo supra super premissis concedi literas testimoniales, quas nos baillivus prefatus concessimus et presentium per tenorem concedimus per juratum et secretarium nostrum subsignatum ad rei petite memoriam perpetuam, cum clausulis opportunis. Datum die et anno premissis.
Fran. de Playct. »
Au dos, de la main de Pierre Wavre, secrétaire du conseil de Lausanne : Protestaciones facte per communitatem contra certas cridas factas parte magnificorum dominorum Bernensium.
(Arch. de Lausanne, 354. Pièce originale, de la main et avec la signature de François de Playct, secrétaire du bailli de l’évêque.)
Le mayor de Lutry et ambassade à Berne.
Jeudi 11 mai 1536. - Comparuit nobilis Johannes Mayor, maior Lustriaci, petens et requirens sibi dari duos ex dom. consiliariis pro assistendo coram dominis electis dominorum Bernensium. Et fuerunt electi dominus G. Grant, Johannes de Sancto Ciriaco et Johannes Borgeys.
Item, fuerunt electi ituri ad dominos Bernenses, videlicet dom. Johannes de Sancto Ciriaco, Franciscus Souveys, Anthonius Bovard et Aubertus Luys, ambassiatores, super facto plurium insolentiarum que fiunt Lausanne.
Installation du bailli bernois.
Mercredi 17 mai 1536. - Comparuerunt coram ven. consilio personaliter congregato in stupha domus comunitatis Lausanne domini ambassiatores et commissarii dominorum Bernensium, qui presentaverunt in ballivum nobilem virum Sebastianum Neguillyz, burgensem Bernensem, petentes ipsum velle per nos admicti, offerentes se velle prestare juramentum hacthenus per episcopos Lausanne prestitum et manutenere libertates et franchesias communitatis, prout in litteris juramentorum episcoporum. /254/
L’installation de Sébastien Nægueli, premier bailli bernois de Lausanne, n’eut pas lieu sans quelques tiraillements.
Les commissaires chargés d’installer les baillis dans le pays récemment conquis partirent de Berne le dimanche 14 mai, passèrent le lendemain à Moudon, où ils établirent Hans Frisching comme bailli, et arrivèrent à Lausanne le mardi 16 mai 1 .
Dès leur arrivée, ils mandent N. François Gimel, bailli de l’évêque, et le châtelain d’Ouchy, qu’ils avaient laissé provisoirement en charge, et s’informent auprès d’eux des différents offices temporels qui avaient jadis relevé de l’évêque.
Ensuite les commissaires font réunir le conseil de la ville et lui présentent Sébastien Nægueli comme gouverneur et bailli de Lausanne. Le conseil se borne à répondre qu’il en référera à ses commettants, c’est-à-dire aux conseils des Soixante et des Deux Cents.
Le lendemain, mercredi, les commissaires se rendent de nouveau au conseil, présentent Sébastien Nægueli encore une fois, et font lecture des instructions que MM. de Berne ont données à leurs baillis.
Le conseil de Lausanne fait observer aux commissaires qu’il a envoyé une ambassade à Berne et leur demande de ne prendre aucun arrangement avant le retour de ces députés. Mais les commissaires bernois ne consentent point à ce retard, expliquent qu’ils ne demandent pas autre chose que ce dont l’évêque avait toujours joui, que d’ailleurs le bailli offre de jurer, selon l’ancienne coutume, de maintenir les franchises de la ville; ils disent, en outre, /255/ que le conseil et les bourgeois de Berne ont choisi ce bailli et ont donné l’ordre de l’installer, que les Lausannois s’exposent au déplaisir de MM. s’ils persistent dans leur opposition; en conséquence ils demandent qu’on réponde catégoriquement, par oui ou non, si on veut recevoir le bailli.
Les commissaires bernois s’étant retirés, le conseil, après délibération, les prie de rentrer en séance et leur dit que, comme il s’agit pour Lausanne d’accepter un nouveau seigneur, la décision ne peut être prise que par la communauté entière, qu’on l’assemblera le lendemain et qu’ils pourront s’y présenter et exposer leurs demandes.
Le jeudi 18 mai, dans la matinée, les commissaires se présentent devant la communauté assemblée qui, comme le conseil, donne d’abord une réponse dilatoire. Mais les commissaires insistent, ne peuvent assez s’étonner de l’opposition de la ville et la déplorer, assurent que MM. de Berne n’ont aucune intention d’enfreindre leurs libertés, mais veulent plutôt les augmenter; en conséquence ils demandent encore une fois une réponse par oui ou non. Puis ils se retirent. /256/
Après avoir délibéré, la communauté rappelle les commissaires et déclare que le bailli est accepté. Celui-ci prête immédiatement le serment accoutumé, devant la porte de Saint-Etienne, puis il est mis en possession de l’évêché et du château, et, en signe de son investiture, il touche le verrou de la porte d’entrée.
Ayant obtenu ce qu’ils désiraient, les commissaires versent aux citoyens présents des rasades du vin qu’ils avaient trouvé dans les caves de l’évêque.
Voyez le Chroniqueur, pag. 275, 276.
Voici l’acte qui fut délivré aux Lausannois :
« In nomine Domini, amen. Per hoc presens publicum instrumentum omnibus et singulis fiat manifestum quod, anno Domini millesimo quingentesimo trigesimo sexto, indicione nona, die vero decima octava mensis maii, in mei notarii publici subsignati et testium subscriptorum presencia, fuit personaliter constitutus nobilis et generosus vir Sebastianus Neguily, burgensis Bernensis, qui nomine et pro parte magnifficorum et potentium dominorum Berne, ad instar et juxta ac secundum tenorem juramentorum olim et retrofluxis temporibus per reverendos dominos episcopos Lausannenses factorum et prestitorum, juravit per manus levationem in celum tenere, custodire, observare et de facto manutenere et nullo modo infringere jura, libertates, franchesias et consuetudines, tam scriptas quam non scriptas, nobilium, civium, burgensium et tocius communitatis Lausanne ac tocius jurisditionis terre ecclesie Lausannensis, castrorumque, /257/ villarum et opidorum ejusdem. Et ita, ut prefertur, juravit, nomine quo supra, sic Deum in sui adjutorium rogando. Et fuit hujusmodi juramentum prestitum per prefatum nobilem Sebastianum ante portam communitatis prope ecclesiam Sancti Stephani, ubi solitum est prestare talia juramenta per episcopos, presente honnorabili viro Guilliermo Ravanelli burgimagistro tocius communitatis Lausanne, eoque, nomine omnium et singulorum quorum supra interest et intererit qualitercunque infuturum, instante et requirente hujusmodi juramentum fieri. Datum Lausanne in carreria publica ante supradictam portam civitatis, presentibus nobilibus Hans Rodulph Grafferrier, Hans Rodulph Neguily, Hans Franceys Neguily et Augustino de Lucternoz, burgensibus Berne; nobili Francisco Tavel alias de Prez, domino Grangiarum; Jacobo de Praromand, domino de Capella Vaudannaz; providis et discretis viris Johanne de Sancto Ciriaco; Johanne Borgeys, bandereto Paludis; Guilliermo Sodali, bandereto Civitatis; Regnerio Pigvard, Girardo Bosson, necnon pluribus aliis burgensibus, civibus et habitatoribus Lausanne ad premissa astantibus.
« François Gigniliat. »
(Archives de Lausanne EE, 69.)
Comme on le voit, dans l’origine, le conseil de Berne prétendait seulement se substituer à l’évêque pour ce qui concernait le pouvoir temporel. (On laisse de côté pour le moment la question religieuse, qui ne fut décidée que plus tard.) Il y avait une grande différence entre ce pouvoir féodal, tempéré par les coutumes écrites et non écrites, et ce qu’il devint plus tard entre les mains de MM. de Berne. Mais au début de la conquête, ils n’avançaient que pas à pas. On employa les six mois suivants à amuser le conseil de Lausanne avec des négociations, à lui promettre des biens ecclésiastiques, à le concilier par des concessions plus apparentes que réelles; et lorsqu’on eut bien compris qu’il n’y avait rien à craindre de l’apathie de gens qui, tout en protestant de leur fidélité à l’ancienne foi, avaient consenti, avant la dispute de religion, à traiter sur la base de la spoliation de l’église, on leur accorda définitivement une partie des dépouilles /258/ ecclésiastiques qu’ils réclamaient et l’on acheta ainsi leur soumission complète et irrévocable.
Le manual dit que, le 11 mai, le mayor de Lutry avait prié deux conseillers de Lausanne de l’assister, lorsqu’il se présenterait devant les commis de Berne. Il voulait leur demander la réinvestiture de sa charge, ce qu’il fit, nous apprend le manual de Lutry, le 17 mai, le jour même où le bailli Sébastien Nægueli était présenté au conseil de Lausanne. Mais MM. de Berne le renvoyèrent à leur prochain passage à Lutry. Ils l’installèrent, en effet, le 6 juin.
La charge de mayor de Lutry était fort importante pour les deux paroisses de Lutry et de Villette et avait quelque intérêt pour Lausanne, parce que les appels de ses jugements y étaient portés. Voici ce que dit de cet office une supplique des Lausannois à MM. de Berne, écrite à la fin de 1536. Il s’agit des appels de Lavaux qu’on voulait enlever à la ville de Lausanne pour les remettre au bailli bernois.
« … Item, tant quilz touche les troes parroche, c’est à sçavoyer Lustriez et Villette et Senseforin, que iceulx ont heu d’ancianetté et par si long temps quilz n’est mémoyere du contreyre, ungjeuge ordineyre ès causes civiles, c’est à sçavoyer ung nommé le mayor de Lustriez et ung chastellain de Senseforin, lequel a heu tousiour la cognoysance de la première instance de touttes causes, excepté les causes de mariage, décimales, de perieus, (parjure) desqueles l’official de Lausanne ou le phisco en a heu tousiour la cognoysance comme jeuge ordineyre de la diocèse de Lausanne.
» Item, des causes mêmement civiles, desqueles a esté par ledit mayor donné quelque passement et desqueles sont estées fayctes aulcunes appellacion, l’appel est touiour venu pardevant ung signeur ballifz de Lausanne et desqueles les nobles et bourgoys (de Lausanne) en ont eu tousiour la cognoyscance et selont icelle a esté jeugé et rapporté. /259/
» Item, dient lesdits nobles et bourgoyes que, quant a esté pris aulcung prisonnier rière lesdites troes perroches touchant cas criminel, requérent punicion ou effusion de sang, que le mayor de Lustriez, par lui ou ces officiers, ont touior remis ledit prisonnier au chatelleyn d’Ochiez, et ledit chatelleyn a touiour remis ledit prisonnier et détenu au ballifz de Lausanne où à ses officiers, comme jeuge supérieur dudit maior, et de ancianeté et de si longtemps quilz n’est mémoyre du contrayre, et lesdits nobles bourgoyes de Lausanne sont touiour esté invoqué à l’examen dudit prisonnier et ont assisté et ont heu tousiour la cognoyscance comme on doyet procéder et assisté à justice, et selont la cognoyscance et rapport desdits nobles et bourgoes a esté feyct justice dudit malfacteur et des aultres à Lausanne, ou lieu accotumé de fayre justice… »
(Archives de Lausanne, C. 21.)
Pour en finir avec la date du 17 mai, on citera la lettre suivante du conseil de Berne au prieur de Lutry :
« Monsieur le pryeur, Vostre commis nous ast requis vous voloyr par lui tramettre ung saufconduyt pour seurement venir par devant nous, à cause de vos négoces; par advis nous, regardant la soubmission qu’avés faicte à nous ambassadeurs et commys, ne nous a semblé nécessayre de vous tramettre icelluy, sy non que jouxte ladicte soubmission vous pourrés entre cy et la sainct Jehan prochayne vous transporter par devers nous en toute seureté de vostre vye et personne. Datum XVIIa maii 1536.
» L’advoyer et conseil de la ville de Berne. »
Superscription : A vénérable Jehan de Montfalcon, prieur de Lustrye.
(Archives cantonales vaudoises, Miscell A, No 15. Copie contemporaine.)
Jean de Montfalcon, prieur de Lutry, avait encouru d’une manière toute particulière la disgrâce de MM. de Berne. Probablement ses tentatives de se donner aux Fribourgeois étaient /260/ venues à la connaissance des Bernois. En tout cas, ceux-ci avaient l’œil sur lui. En effet, les premiers commissaires bernois, qui avaient passé à Lausanne à la fin de mars et qui, de là, étaient allés à La Côte, à Genève et en Chablais, inscrivent sur leur journal, à Thonon, à la date du 15 avril, que le prieur de Lutry a été fait prisonnier et qu’il est un homme peu sûr 1 . Il paraît, d’après la lettre ci-dessus, avoir fait sa soumission un peu tardive.
Ambassade à Berne.
Samedi 20 mai 1536. - Domini ambassiatores, videlicet Johannes de Sancto Ciriaco, Franciscus Souvey, Anthonius Bovard, Stephanus Grant et Aubertus Luys, ambassiatores missi Bernum pro sollicitatione (pro) habenda temporalitate, retulerunt habuisse responsum, quod facerent in tantum quod haberemus nos contentare infuturum.
C’est ici l’ambassade que les Lausannois avaient envoyée à Berne et dont ils demandaient qu’on attendit le retour, avant de procéder à l’installation de Sébastien Nægueli comme bailli. (Voyez l’article du 17 mai.)
D’après le texte, cette députation aurait été chargée de demander, en faveur du conseil de Lausanne, la concession du pouvoir temporel de l’évêque. MM. de Berne congédièrent l’ambassade avec de bonnes paroles.
Les Lausannois se faisaient bien des illusions, j’allais dire étaient bien naïfs, en s’imaginant que le conseil de Berne, après s’être rendu maître du Pays de Vaud, avait fait la campagne de Chillon et la conquête de Lavaux et de Lausanne, pour remettre tout le pouvoir temporel de l’évêque à ses combourgeois. Cette seigneurie, ayant été bonne à prendre, était bonne à garder. /261/
Contribution du clergé.
Mardi 23 mai 1536. - Comparuerunt coram magnificis dom. consiliariis honorabiles domini Johannes Marsillier, Petrus Colleti, Johannes Moneti et Franciscus Gendron, presbiteri, parte dom. capellanorum et cleri Lausanne, se recomandantes, dicendo quod sustinuimus magnas expensas pro manutencione communitatis, super quibus nullas peccunias tradiderunt, offerentes nichillominus dare triginta scuta auri in promptis scutis.
On a vu aux dates du 22 mars et du 2 avril, les négociations avec les chanoines de Notre-Dame, pour obtenir d’eux une contribution pour les frais de la guerre. Le clergé de la ville se montre de meilleure composition et offre 30 écus d’or.
On sait que le corps ecclésiastique de Lausanne était composé de l’évêque, des trente chanoines et du clergé (la clergie) qui desservait les paroisses et les nombreuses chapelles de la cathédrale et des églises paroissiales. Il y avait, en outre, le clergé régulier, soit les religieux de Saint-Maire, de Saint-François et de Sainte-Marie-Madeleine. Hors de ville, il y avait encore les couvents de Montheron et de Sainte-Catherine-du-Jorat. (L’abbaye de Bellevaux était un couvent de nonnes.)
Comme le manual nomme plusieurs fois des ecclésiastiques de Lausanne, le lecteur sera peut-être bien aise d’en avoir la liste. On conserve aux archives cantonales (Layette 105, Bailliage de Lausanne, No 3317) le Rôle des chanoines et gens d’église du Pays de Vaud, Gex et Chablais qui ont comparu au synode (dispute de religion) de Lausanne l’an 1536. J’en extrais les noms de ceux qui appartiennent au clergé de Lausanne, tout en faisant observer que la liste n’est pas complète ou ne contient que les ecclésiastiques qui avaient été convoqués, car plusieurs membres du clergé lausannois qui, peu de mois après, acceptèrent la réformation de MM. de Berne ne sont pas mentionnés dans cette liste. D’ailleurs, d’après l’intitulé du rôle, celui-ci ne mentionne que les ecclésiastiques « tenant bénéfice. » /262/
Sensuyvent les noms des chanoine de Lausanne, curé des perrochiales de Lausanne et altarien tenant bénéfice.
- Premièrement en l’église de Lausanne.
- Messire Françoys de Lustriel, prévost, curé de Sainte-Croix 1 .
- Messire Claudoz de Monfalcon, tressourier 2 .
- Messire Johan Grand, chanoine.
- Messire Johan de Monfalcon, chanstez (chantre) 3 .
- Messire Amey Ravier, chanoyne.
- Messire Pierre Perrini, chanoynne.
- Messire Françoys de Vernetis, chanoynne.
- Le prothonotaire de Gabex, chanoynne.
- Messire Johan Musard, chanoynne.
- Messire Lorent Sinquensoz, channoyne, curé de Sainc Lorent.
- Messire Jaques Perrini, chanoyne.
- Messire Roz Boveri, chanoyne.
- Messire Begnoy Pontherosaz, chanoynne.
- Messire de Gingino, channoyne 4 .
- Messire Joffroy de Fabrica, chanoyne.
- Messire Claude de Prez, chanoyne, curé de Sainct Polz.
- Messire Loys Bruneti, chanoyne.
- Le prothonotayre de Sensale, chanoyne, capitayne de la grilierie de Chillion.
- Messire Pierre Vuarneri, chanoyne.
- Messire Estienne Grivel, chanoyne 5 .
- Bone ville vacat.
- Messire Claude Blam. /263/
- Praroman vacat.
- Messire Pierre Brusseti, chanoyne.
- Messire Nereti, chanoyne.
- Alexandrez de Montvuanyard, chanoyne.
- Messire Pierre Fabri, chanoyne 1 .
- Messire Johan de Gomoins, chanoyne 2 .
- Le prothonotoire de Confignon, chanoyne 3 .
- La Clergie de Lausanne.
- D. George Chevallier, mareglier (marguillier).
- D. Pierre Boschard, mareglier.
- D. Gaudini, mareglier.
- Le pety Bastian Loys, mareglier.
- Janistez (portiers).
- D. Pierre Marmandy.
- D. Guilliaulme Baleyson.
- D. Claudoz Denisat.
- D. Vittor Vullieri.
- D. Pierre Collet 4 .
- D. Johan Moneti 5 .
- D. Johan Bergeri.
- D. Johan de Marsiliaco.
- D. Vincent.
- D. Jasques de Marsiliaco. /264/
- D. Jacques Pachon 1 .
- D. Guilliaulme de Crouba ( ?)
- D. Françoys de Bessio.
- D. Claudoz Thonassi.
- D. Johan de Capis.
- D. Loys Brocat, curé de Sainct Pierre 2 .
- D. Bernaz Billiet.
- D. Johan Billiet.
- D. Amey de Terniaco.
- D. Johan Gay.
- D. Symon Bondatti.
- Le Borboneys.
- Messire Barrilieti.
- D. Françoys Ponveyroz.
- D. Nycolas de Nanto.
- D. Guido de Pascua.
- Domp Berthod.
- D. Aymo Guibaud.
- D. Amey Lugrini.
- D. Berthoratti, curé de Sainct Estienne.
- D. Amey Ponveyre.
- D. Guilliaulme Gruatti.
- D. Pierre Richard.
- D. Johan Gautheri.
- D. Loys Brocal, tenant la cure de Sainct Pierre.
- D. Guillierme Du Settaz.
- D. Le curé de Baleygue.
- D. Ancelly.
- D. Françoys Gindron 3 .
- D. Guilliaulme de Venthica. /265/
- D. Claudoz Coschez.
- D. Claudoz Seppom.
- D. Bicheti.
- D. A. Scofferi.
- D. Guilliermus Morelli.
- D. Semeraulx, curé de Lustriez.
- D. Babatti.
- Bastian de Sainct Scierge, altarien de Saincte Katherine 1 .
- Michiel Rolant, curé de Dompmartin.
- D. Anthoyne Lisedi, curé de Sulen.
- D. Pierre Mayre, prestre de Lustriel.
- Le curé de Lucye.
- D. Pierre Fransisi.
- Le convennt de Sainct Françoys.
- Frère George, gardiant.
- Frère Anthoynne Ribitel.
- Frère Françoys Chassot.
- Frère Testaz Longin.
- Frère Tossent.
- Frère Carementran.
- Le convent de la Madelaine.
- Frère Françoys Rosseti.
- Frère Françoys de la Madelainnez.
- Frère Johan de Alix.
- Frère Johan de Bagnyen.
- L’abaye de Monteron.
- R. D. Jo. de Salviattit, cardinalis.
- Frère Jaques Oppyn, prieur 2 . /266/
- Frère Philippe Panchaulx, soubprieur.
- Frère Johan Bevrez.
- Frère Begney Guillier.
- Frère Johan Cangnys.
- Frère Jaques Margerat.
- Frère Claudez Cartheri.
- Frère Blaysoz.
- Frère Buet.
- Frère Thoma Panchaulx.
- Le filz de Johan Rochi.
- Sainct Mayre.
- D. Aymon Gindron, soubprieur.
- D. Chavornay.
- D. Bernaz de Choutagnye.
- D. Jaques du Pont.
- D. Nycolard Ragui, curé de Sourepierrez.
- D. Françoys de la Flechierez.
- D. Johan Allemant… Rüterhäusly nostre dame de Thor 1 .
- D. Pierre Sasset.
- Le convent de Saincte Katherine ou Joratz.
- Frère Claudoz.
- Frère Benex.
Sainte Catherine de Jorat.
Mardi 30 mai 1536. - Fuit datum onus Anthonio Bovard et Soffredo Buet domus abbacie Joreti sancte Catherine cum pertinenciis et bonis eiusdem, qui faciant inventorium bonorum dicte abbacie. /267/
Salaire du prédicant.
Item, quod detur predicatori unus currus vini, dimidium modium frumenti et sex floreni pro eorum pidancia.
Dimanche 4 juin 1536. – Immédiatement après la conquête, les commissaires de Berne avaient imposé au pays un impôt de guerre ou rançon. La ville de Lausanne, qui avait été alliée de Berne dans la guerre, en avait été exemptée; mais les habitants des lieux imposés avaient voulu obliger les bourgeois de Lausanne à payer leur quote-part de l’impôt pour les propriétés qu’ils possédaient hors de la juridiction de la ville. C’est ce que les commissaires bernois ne permirent point, comme on le voit par le document suivant auquel le manual ne fait aucune allusion. C’était un nouvel effort pour réconcilier les Lausannois avec l’idée de leur assujettissement, pour calmer l’irritation qui commençait à se manifester et pour mieux disposer les esprits à recevoir les articles qu’on voulait présenter.
Jhus.
Nos commissi et delegati, ambasiatores illustrissimorum dominorum nostrorum urbis Bernensis, universis et singulis fidelibus nostris subdictis et eorum cuilibet insolidum per has expresse mandamus, sub pena indignacionis prefatorum nostrorum dominorum Bernensium, Quod cum fideles nostri, nobiles et burgenses civitatis Lausannensis, in sussidium et juvamen exercitus nostri manu armata contra illustrem dominum ducem Sabaudie ultimate factus (sic), Et quia hiidem nobiles et burgenses civitatis Lausannensis possideant in circumvicinis locis in jurisdicionibus prefatorum nostrorum superiorum dominorum Bernensium quam plurima bona, fuerit itaque ipsis subdictis nostris circumvicinis dicte civitatis Lausannensis imposita galice una Ranson, in qua nituntur de facto ipsi subdicti nostri circumvicini dicte civitatis facere contribuere juxta equalitatem suarum rerum et possessionum. Unde nobis supplicaverunt prefati nobiles /268/ burgenses ipsos et eorum bona a dictis contribucione et solutione eximi et exentari, viso quod partim supportaverunt pondus diei et estus dicte guerre, illisque inhiberi sub formida[bi]libus penis ne ulterius ipsi circumvi[ci]ni subdicti nostri ipsos nobiles et burgenses molestare habeant, ad revocationem gestorum. Et quia justa petentibus non est assensus negandus, igitur vobis omnibus officiariis, castellanis, mistralibus nostris, necnon omnibus universis et singulis circumvicinis et subdictis nostris mandamus et deffendimus ac inhibemus, ne quis vestrum turbet, molestet, cogat et compellat dictos nobiles et burgenses Lausanne, demptis personis presbiteralibus et, ut solet dixi, ecclesiasticis, abbatibus, monachis, canonicis, quibus in dictis Ranson juxta facultatem bonorum suorum contribui jubemus et volumus, excepto in dicto numero sacerdotum nobili Glaudio de Pratoromano, canonico Lausannensi, quem in dictis contribucionibus comprehendum non intendimus. Revocando quascunque levaciones et vendiciones bonorum dictorum nobilium et burgensium civitatis Lausanne per officiaros nostros ad instanciam dictorum nostrorum subdictorum circumvicinorum dicte civitatis sub facie contributionis dicte Ranson factas. Datas Lausanne die quarta Jugnii anno Domini millesimo quingentesimo trigesimo sexto, subque sigilli Hans Franz Negely, borserii civitatis Bernensis, impressione.
De mandato prefatorum illustrissimorum dominorum commissorum et ambassiatorum.
Mel Quïodi.
(Archives de Lausanne C, 1. Acte original sur papier, scellé du sceau de Hans-Franz Nægueli, fort bien conservé. L’acte lui-même, très fatigué, a été doublé.
Nomination de jurés, etc.
Lundi 5 juin 1536. – Fuerunt simul congregati consilium, retroconsilium simul et ducentum burgenses, visuri et deliberaturi super posicione juratorum pro curia temporali. Fuit visum et deliberatum atque conclusum debere ponere. /269/ Fuit insuper deliberatum debere requirere dom. commissos magnificorum dom. Bernensium, ut habeant nobis dare tres septimanas, ut possint eligere boni et ydonei jurati. Tandem personaliter existentibus nobilibus Hans Rodulphoz Grafferrier, Hans Rodulphoz Nesguillyz et Hans Francey Neyguillyz commissis, qui ad requestam tocius communis fuerunt contenti de dictis tribus ebdomadis, ut sanius eligantur.
Item, fuerunt presentati nobilibus commissis pro locumtenente dom. ballivi videlicet nobilis Johannes Constabloz.
Item, pro scriba et secretario curie temporalis, videlicet Nycodus Rusti.
Item, fuit presentatus prefatis commissis pro mistrali, pro execucione policie communitatis.
Passage de troupes.
Mardi 6 juin 1536. – Fuit deliberatum quod fiant excubie in nocte propter armigeros qui affluunt et se congregant huc Lausanne 1 .
Articles de MM. de Berne
Vendredi 9 juin 1536. – Fuit deliberatum et conclusum quod articulos parte magnifficorum dom. commissorum datos, illos non debere neque esse admictendos, cum /270/ sint contra libertates et franchesias communitatis Lausanne 1 .
Impôt de guerre sur la grange Chevressy.
Eadem die comparuit grangerius de Montheron in grangia de Chevrissier versus Yverdunum, pro gieto facto per illos de Yverduno ad causam guerre dom. Bernensium, super qua fuerunt positi de gieto, pro dicta grangia, centum scuta auri. Pro qua quidem summa fuerunt petiti dicto grangerio decem scuta auri 2 .
Couvent de Saint-François.
Dimanche 11 juin 1536. – Comparuit coram ven. consilio frater Franciscus Chassot, ordinis Sti Francisci Lausanne, petens et requirens sibi dari licenciam eundi extra dictum conventum, actentis occurentibus eminentibus et specialiter in dicto suo conventu, quia stimulatur ut se desistat et dimictat habitum. Fuit eidem responsum quod non velit dictum conventum dimictere adhuc pro nunc, nichillominus advideat de meliori.
On ne dit pas quels étaient les faits qui s’étaient passés au couvent de Saint-François. Probablement il s’agit de la suppression totale du culte catholique qui eut lieu dans les deux couvents de Lausanne plusieurs mois avant la dispute de religion. Elle était accomplie avant le 16 août, comme on le voit dans une missive de MM. de Berne au conseil de Lausanne, où il est dit :
« Touchant les deulx convent de la Magdeleine et de Saint Francoys, puisque toutes les cérémonies papales en yceulx sont abolies et amendées, veulen nousdit seigneurs que ycelles ne soyent relevées, ny dedans les dictes églieses, ny dehors es habitacions des moyennes (moines) soient tenues. » (Voyez aussi la note à l’article du 22 juin.) /271/
Mestral.
Mardi 20 juin 1536. - Rodulphus Daux mistralis peciit sibi dari pondera et sigilla communitatis ad sigillandum quarteronos et ad marcandum pondera; nec non eligere duos ex consiliariis ad ipsum associandum pro policia. Fuerunt electi borserius et Franciscus Guibaud.
Prés du bailli.
Item, Johannes Verdam, servitor domini moderni ballivi Nesguillyz parte magnifficorum dom. Bernensium, peciit dicto dom. ballivo prolongari terminum secacionis pratorum que debent esse secata et recollecta in festo nativitatis beati Johannis Baptiste, quia hoc presenti anno tempus non bene habuit propter pluvias. Fuit eidem largitus terminus octo dierum post nativitatem beati Johannis Baptiste 1 .
Articles de MM. de Berne.
Comparuerunt ambassiatores trium parrochiarum vallis cum certis ex burgensibus Lausanne, deliberaturi super responsionibus fiendis super articulis datis per dom. Bernenses. Fuit consultum et conclusum dictos articulos non esse admictendos saltem omnes, cum sint contra libertates et franchesias communitatis.
Ambassade à Berne.
Jeudi 22 juin 1536. - Fuerunt destinati ambassiatores mandati ad dom. Bernenses, videlicet domini G. Grant et /272/ Jo. de Sancto Ciriaco, super articulis parte dom. Bernensium datis pro modo vivendi et iverunt jovis ante nativitatem Johannis Baptiste (22 juin).
Qui dom. ambassiatores redierunt die lune post nativitatem Johannis Baptiste (26 juin) in cero, et retulerunt eorum onus martis sequenti (27 juin); videlicet quod domini responderunt quod domini non sunt ibidem assistentes omnes et quod materia est longa et indiget consultacione et quod habebunt inter se advisum.
L’affranchissement de la rançon ne devait pas, aux yeux de MM. de Berne, être une pure gracieuseté. Ils demandaient un équivalent. Les commissaires bernois présentèrent immédiatement certains articles à l’acceptation des Lausannois; et, le 6juin, jour de l’installation du mayor de Lutry, ils en présentérent aussi aux paroisses de Lavaux. Ces articles rencontrèrent partout une vive opposition. Le vendredi 9 juin, les conseils de Lausanne résolurent de ne pas les accepter; le dimanche suivant les députés de Lavaux vinrent en conférer avec les Lausannois et décidèrent aussi de les refuser, parce qu’ils étaient contraires aux libertés et franchises du pays.
Je n’ai pas retrouvé le texte de ces articles, mais par la réponse des Lausannois (Chroniqueur, 298, Ruchat, IV, 154), on voit qu’ils devaient être, du moins en partie, les mêmes que ceux qui sont contenus dans le décret d’institution des bailliages (Chroniqueur, 273, 274), et dont il avait été donné communication au conseil de Lausanne, le 17 mai précédent. Le conseil de Berne se proposait de transporter ailleurs le siège de l’évêché, de changer le sceau de l’official, de faire des lois et statuts sans le concours des trois Etats, de faire rédiger les actes officiels en français plutôt qu’en latin, enfin d’imposer l’acceptation de la réformation.
C’est pour réclamer à ce sujet que Lausanne et Lavaux envoyèrent une ambassade à Berne le 22juin. Les députés de Lausanne devaient aussi se plaindre de la conduite des réformés qui, /273/ au lieu de suivre tranquillement leur culte dans l’église de la Madeleine, suivant l’édit du 6 avril, y avaient brisé les images et les autels et en avaient fait autant à l’église de Saint-François. (C’est probablement à ces événements que le Franciscain Chassot fait allusion le 11 juin quand il demande la permission de quitter son couvent.)
Les ambassadeurs revinrent le 27 juin. Ils ne rapportaient qu’une réponse dilatoire. On leur avait dit que la matière était ardue, qu’elle nécessitait beaucoup de réflexion, que d’ailleurs le conseil n’était pas en nombre, que le grand capitaine Nægueli et le trésorier étaient dans le pays conquis, mais qu’on tiendrait tout ce que ces deux seigneurs auraient promis. (Manual de Lutry.)
Députation à Genève.
Jeudi 6 juillet 1536. - Fuerunt electi mittendi Gebennas ad assumendum informaciones contra Johannem Goulaz, qui prohibit certa verba iniuriosa contra communitatem Lausanne, presente Johanne Copyn burgensi Lausanne, videlicet Anthonius Bovard et Franciscus Guibaud.
Religieux de la Madelaine.
Item, Franciscus Guibaud advoyerius religiosorum B. Marie Magdalenes exposuit in consilio quod dom. ballivus Sebastianus Nesguillytz precepit dictis religiosis quod vadant ad predicacionem. Fuit conclusum per assistentes quod si voluerint ire vadant, et si voluerint manere quod maneant.
Ambassade de Lavaux.
Jeudi 13 juillet 1536. - Comparuerunt certi ambassiatores trium parrochiarum Vallis Lustriaci, remarciando dom. consiliarios ex eo quod adverterunt ipsos quoad certos /274/ (articulos) eisdem datos; dicendo ulterius quod si mandetur Bernum, quod eisdem notifficabitur 1 .
Lettre de Charles-Quint.
Mardi 18 juillet 1536. - Fuit mandata per Karolum imperatorem Lausannam una lictera que fuit lecta coram ducentis burgensibus.
Dimanche 23 juillet 1536. - Fuit evocatum consilium, retroconsilium et ducentum burgenses, deliberaturi super una lictera parte Caroli imperatoris Romanorum communitati Lausanne transmissa et destinata, incipiente : Carolus divina favente clemencia, etc., coram cunctis personaliter assistentibus in lingua materna et latina lecta et promulgata. Fuit (conclusum) per maiorem partem assistentium debere et esse bene vivere in pace et bono amore, et quod nulle insolencie neque innovaciones fiant, sed debere expectare concilium tenendum.
Depuis longtemps, le bruit s’était répandu que MM. de Berne ordonneraient une dispute de religion à Lausanne. Farel fait allusion à cette rumeur dans une lettre du 22 avril; le 12 juin un ambassadeur de Fribourg essaie de dissuader le conseil de Berne de son projet; les députés de Lausanne, à leur retour de Berne le 27 juin, avaient rapporté la nouvelle que la dispute était chose décidée. Ainsi il n’est point étonnant que Charles-Quint en fût informé à Savigliano le 5 juillet, date de la lettre mentionnée dans le texte. Cette lettre, dont l’original est conservé aux archives de la ville, a été publiée nombre de fois, ensorte qu’on ne la reproduira pas ici. Elle fut apportée à Lausanne par les ambassadeurs du duc de Savoie qui se rendaient à Baden, où une diète devait se tenir le 31 juillet. /275/
On voit par le texte que la majorité des conseils de Lausanne décida de demeurer dans le statu quo et de ne permettre aucune violence et aucune innovation jusqu’au prochain concile, qui avait été convoqué à Mantoue pour le 7 mai 1537.
MM. de Berne publièrent, le 16 juillet, l’édit ordonnant l’ouverture de la dispute pour le dimanche 1er octobre. Ils le firent imprimer à Genève à trois cents exemplaires qui étaient prêts le 2 août. On conserve aux archives cantonales vaudoises un exemplaire de ce placard. La date du 1er octobre avait été laissée en blanc et a été remplie à la plume.
(Voyez Eidgenöss. Abschiede, pag. 705; Chroniqueur, 39, 68, 83; Herminjard, Correspond. des Réformateurs, IV, pag. 39, 68, 83.)
L’édit fut envoyé au mayor de Lutry le 16 août, avec ordre de le faire afficher à la porte de l’église. Le conseil de Lutry voulut s’y opposer.
Ambassade à Berne.
Mercredi 26 juillet 1536. - Fuerunt destinati ambassiatores apud Bernum, videlicet dom. G. Grant, Glaudius Burdet et Petrus de Sancto Ciriaco, qui portaverunt certos articulos parte communitatis super materia articulorum dom. Bernensium datorum communitati.
Retulit dom. Gerardus Grand die jovis onus suum, videlicet quod mictent eorum commissos qui habebunt facere relacionem.
L’ambassade mentionnée à la date du 26 juillet était partie le 19, fut absente sept jours et dépensa 24 livres 13 sols. Gérard Grand rendit compte de sa mission le 27.
Des députés de Lutry s’étaient joints aux Lausannois pour leurs propres affaires, et, après beaucoup de difficultés, paraissaient avoir fini par obtenir une lettre testimoniale de leurs franchises, qui leur fut délivrée le 20 août.
Les articles proposés par les Lausannois me sont inconnus. Le texte nous dit que le conseil de Berne renvoya sa réponse à /276/ plus tard, qu’elle serait apportée par ses commis (voy. l’article du 22 août); mais il paraît qu’on profita de la présence des ambassadeurs de Lausanne pour leur faire entendre qu’on serait disposé à acheter la soumission de leur ville par une large part des dépouilles de l’église. Cette insinuation aurait été, au premier abord, mal reçue à Lausanne, dit le Chroniqueur, pag. 306, c’est ce qu’on peut conclure de l’article du manual du 22 août.
Présent à la femme du bailli.
Item, eadem die fuit deliberatum debere facere unum parvum donum graciosum uxori dom. ballivi Sebastiani Nesguilliz que est in puerperio.
Voici l’article du compte sur ce sujet (traduction) : « Livré à Louis de Folly, apothicaire de Lausanne, pour certaines épices prises chez lui par le sr bourgmestre et Antoine Bovard pour donner à la femme du seigr gouverneur Neyguely quand elle fit un garçon :VIII lib. XV sols. »
Je note ici que, le 30 juillet, on joua encore un mystère sur une place de Lausanne. On lit dans les comptes à cette date : « Libravi sociis ville qui luxerunt unam ystoriam XXIIII sols. »
Permission au bailli de couper du bois.
Item, Johannes Verdam, servitor dom. ballivi Neyguillyz, parte ipsius dom. ballivi peciit sibi largiri posse et debere scidere super nemoribus Rasparum circulos sive perchias. Qua requisicione facta et audita fuit eidem largitum unum currum, pro hac vice tantum 1 .
Cet article, quelque insignifiant qu’il paraisse, est important. On a vu dans la première partie de ce travail (M. D. R. XXXV, 134-139) que la ville de Lausanne était propriétaire des Râpes /277/ et qu’elle accordait aux évêques et au chapitre, sur leur demande et de grâce spéciale, la permission d’y couper du bois 1 . Sébastien de Montfalcon, soit par négligence, soit de propos délibéré, ne se conformait pas toujours à l’usage et faisait prendre, à son gré, du bois dans les forêts des Râpes. Il faut croire que l’évêque, étant souvent absent, n’était pas informé des délits que commettaient les gens de sa maison. Le conseil de Lausanne décida, le 24 mai 1533 et le 26 octobre 1535, de saisir les chars et les chevaux de l’évêque et de mettre à l’amende ses gens, si on les surprenait coupant du bois dans les propriétés de la ville, sans son autorisation expresse. On lit dans le manual, à la dernière date citée : « Conclusum debere pignorare currum rever. dom. nostri Lausannensis episcopi, si reperiatur in raspis scindentem quercus sine licencia ven. consilii, pro faciendo certas reparaciones in ponte castri d’Ochie, qui alias petebat et requirebat in consilio, quando volebat facere aliquod opus. »
Du reste, le titre de la ville avait été formellement reconnu par l’arbitrage de Berne et de Soleure, le 29 mai 1533, comme on peut le voir M. D. R. VII, 749.
C’est pour se conformer à la règle que le bailli Sébastien Nægueli, héritier par droit de conquête des droits de l’évêque, demande, comme le dit le texte, la permission de couper des cercles de tonneaux et des perches dans les forêts des Râpes. On lui en accorde un char, pour une fois seulement.
La petite largition du 1er novembre 1536, par laquelle MM. de Berne donnèrent à la ville plusieurs biens ecclésiastiques, qui comprenaient des forêts dans ces parages, ne changea rien au mode de vivre établi. En effet, dans cet acte MM. de Berne réservent expressément « les droictz d’autruy esquels ne veulent, ne prétendent par ceste donation desroguer. Aussi les paturages communances et contributions lesquelles doibvent demeurer en /278/ leur estre et valeur comme du passé. » (M. D. R. VII, 771.) La grande largition du 18 avril 1548 confirme ses réserves.
Le 7 août 1537, après la largition, le même bailli, Sébastien Nægueli, revint à la charge, comme on le voit par l’article suivant du manual :
« Conparut noble Sebastien Neygueli, baillif de Lausanne pour la part des magniffiques seigneurs de Berne, proposant q’il luy estayet venuz à notisse que certeyn jour dernièrement passé en saz, aulcuns ses serviteurs estiont allés de son comandement aux Raspes copper des sercles, lesquieulx ont esté gaygés par les forestier de la ville, proposant ausi que luy, comant tenant le lieu de l’évesque, il povoyet aler, car le dit évesque estoyet en us et en costume aller copper aux dictes Raspes. Auquel fut respondu par le bourguemeystre et seigneurs de Conseyl, nyant totalement cella estre vérité que le dit évesque fut jamays en us et costume d’aller aux dictes Raspes copper boyes. Lequel baillif, après beaucop de propost, dist expressément non entendre que cella fut aux Raspes, combien que cella fut testiffiez par le forestier. Auquel baillif fust derechef dit et prier cella non mettre en conséquence, et de grâce spéciale luy fust oultroyé le dit boyes, protestant de non en oultre il copper, veuz que cela [est] contre l’auctorité et préhéminence de la ville. Lequel fust par luy accepté. De laquelle présente protestation à moy noteyre desoub escript az esté demandée la présente. Donné l’an et jour que dessus.
» Sainct Cierge. »
Le 1er février 1543, le bailli Antoine Tillier, envoya au conseil une supplique, dit le manual (supplicationem), scellée de son sceau, demandant vingt-quatre grosses pièces de bois à prendre aux Râpes pour la reconstruction de la cure de Crissier, ce qui lui fut accordé de grâce spéciale. (Quod fuit eidem largitum de gratia speciali, videlicet ad humilem supplicationem ipsius, quare videatur et custodiatur ipsa supplicatio ad futuram memoriam. Manual.)
En 1544 et 1545, le même bailli adressa au conseil trois nouvelles suppliques pour du bois. Elles furent également conservées pour future mémoire. (Archives de Lausanne C, 33.) /279/
Le 26 août 1552, MM. de Berne concédèrent à la ville les bois de Sauvabelin et de Fiougieres en toute propriété avec les réserves suivantes : 1o Réservé à LL. EE. dans les dits bois haute, moyenne, basse et omnimode jurisdiction. 2o Réservé à LL. EE. les abergements faits par leurs baillis avant la date des présentes. 3o Réservé au bailli de Lausanne le pâturage de deux vaches siennes, dans les dits bois. 4o Réservé au dit bailli de pouvoir couper des verges dans les dits bois. (Archiv. de Lausanne C, 58.)
Pour abréger, je ne ferai que mentionner des demandes de bois faites par les baillis en 1593, 1599 et 1657 pour diverses contructions dans le bailliage et en dehors du bailliage de Lausanne. (Archives de Lausanne EE, 817, 821, 822.)
On voit par ce qui précède que, jusqu’au milieu du XVIIe siècle, la ville de Lausanne faisait des concessions de bois de construction aux représentants du gouvernement bernois, mais que ces concessions étaient à bien plaire et non obligatoires. La ville y consentait par déférence pour ses souverains et un peu par crainte, sans que ces réquisitions pussent s’appuyer sur aucun autre titre que la bonne volonté de la ville.
En 1676, le bailli suscita une difficulté à la ville au sujet de ses forêts. Il prétendit que le Jorat devait descendre beaucoup plus bas du côté du midi, que les députés bernois qui avaient placé les bornes lors de la grande largition avaient été mal informés et avaient trop reculé au nord les limites des Râpes de la ville. Le conseil de Lausanne répondit par un mémoire, où il établissait qu’au contraire les dites bornes avaient été bien placées, et, que depuis plus de deux siècles, la ville était en possession des Râpes, telles qu’elles avaient été limitées.
Cette difficulté fut tranchée par une convention entre le gouvernement de Berne et la ville de Lausanne, en date du 6 septembre 1677. Par cet acte, on limita l’étendue de forêts appartenant à la ville dans lesquelles LL. EE. pourraient prendre le bois nécessaire pour l’affouage du château de Saint-Maire et pour leurs bâtiments situés dans le bailliage de Lausanne. Tout ce qui était au nord de cette étendue demeura exclusivement la propriété de LL. EE.; tout ce qui était au midi fut reconnu comme propriété de la ville de Lausanne, sur laquelle LL. EE. n’avaient /280/ aucun droit. Les bornes mentionnées dans l’acte font voir que la forêt sur laquelle LL. EE. se réservaient le droit d’usage comprenait uniquement le bois des Censières. Dans toutes les contestations qui se sont élevées dans la suite à ce sujet, la ville en a toujours victorieusement appelé à l’acte du 6 septembre 1677.
Pendant plusieurs années, il n’y eut plus de difficultés. Les baillis trouvaient leur bois de hêtre dans la forêt de la Chapelle, qui leur était spécialement affectée, et leur bois de sapin dans la forêt des Censières. Mais le bois de la Chapelle, étant mal aménagé, fut bientôt ruiné; les baillis n’y trouvèrent plus leur affouage en suffisance et demandèrent au conseil du bois dur, à prendre ailleurs. Cela eut lieu en 1724. Le conseil refusa. Le bailli revint à la charge en 1726 et 1741. Le conseil refusa d’abord; mais, soit par déférence pour le bailli, soit parce que celui-ci promettait que ce serait sans conséquence pour l’avenir et seulement jusqu’à ce que la forêt de la Chapelle fut rétablie, le conseil finit par consentir.
Les demandes de bois de construction se succédèrent aussi pendant tout le cours du XVIIIe siècle; elles furent très fréquentes, et ordinairement accordées sans observation, par crainte et par déférence pour le bailli, bien que la ville n’y fût aucunement obligée.
Cependant, en 1770, la ville se hasarda à faire des remontrances au sujet des exigences multipliées du bailli bernois. LL. EE. pensaient à établir un grenier en l’Ale de Saint-Laurent. Le bailli demanda au conseil s’il était disposé à fournir les bois pour cette construction. Le maître charpentier, ayant été conduit à la forêt des Censières n’y avait point trouvé de plantes suffisamment grandes, mais en avait trouvé dans une autre forêt de la ville, dite la Charrette, en conséquence la ville était priée de fournir ces bois pour le dit grenier.
Le conseil répondit que, d’après l’acte du 6 septembre 1677, il n’était tenu à aucune prestation en dehors de la forêt des Censières, que néanmoins, en vue d’un établissement aussi utile, la ville était disposée à dépasser ses obligations bien déterminées et à prendre les bois nécessaires dans ses autres forêts. Cependant le conseil faisait observer au bailli que la forêt du Jorat /281/ [appartenant à ?] l’Evêque pourrait fournir en abondance les matériaux nécessaires et qu’ainsi la ville serait délivrée d’une lourde charge, à laquelle elle n’était point obligée. (Archives de Lausanne, Mémoires X, 109, 112, 117.)
En 1788, LL. EE. vendirent à la ville la forêt de la Chapelle, se réservant une redevance annuelle de bois pour l’affouage du château, stipulant en outre qu’il ne serait point dérogé aux actes qui obligeaient la ville à fournir des bois de construction et d’affouage sur ses autres forêts. On a vu que le seul acte faisant règle à ce sujet était la convention du 6 septembre 1677, citée plus haut.
En 1797, la chambre économique de Berne demanda un rapport sur les forêts du Pays de Vaud. Dans ses réponses au formulaire de questions, le conseil de Lausanne ne mentionne aucune charge sur ses forêts, que la redevance sur les bois de la Chapelle et des Censières et une fourniture annuelle à faire au ministre de Morrens. (Archives de Lausanne, Mémoires IX.)
Survint la révolution, puis la liquidation des cens et des dîmes. En 1810, le gouvernement vaudois, désirant libérer ses forêts des charges qui les grevaient, entra en négociations avec la ville de Lausanne pour s’affranchir des droits considérables de coupage et d’affouage que celle-ci possédait de toute ancienneté sur le Jorat d’Echallens. Le 14 juin 1813, la municipalité de Lausanne proposa que cette libération eût lieu par voie de compensation, c’est-à-dire que l’Etat et la ville se libéreraient réciproquement de leurs charges respectives sur leurs forêts. Voici comment la ville établit son compte :
Elle est chargée de neuf toises de bois par an pour le chauffage du collège. Cette redevance était d’abord à bien plaire; elle ne commença qu’en 1727 que la ville, cédant aux instances réitérées du gouvernement bernois, accorda vingt-quatre chars de bois pour cet usage. Cette redevance fut ensuite portée à neuf toises. Cette fourniture de bois qui, dans son origine, n’était qu’une pure libéralité, devint obligatoire par l’article 46 de la loi du 28 mai 1806.
Elle est chargée, en outre, de certaines redevances pour l’affouage du château et du ministre de Morrens, du pâturage de /282/ deux vaches du bailli dans les forêts de Sauvabelin et de Fiaugieres, de la permission de laisser couper des verges dans les dites forêts, enfin de la fourniture de bois de construction à prendre dans la forêt des Censières.
Toutes ces redevances peuvent être estimées à la somme annuelle de 722 liv.
La ville estime son droit d’affouage et de coupage sur le Jorat d’Echallens comme égal à la propriété de soixante-quinze poses de cette forêt, ce qui, au prix de 250 livres la pose, produit un capital de 18750 livres, représentant un intérêt annuel de 937 livres 5 batz. Différence en faveur de la ville de 215 livres 5 batz, qu’elle propose d’abandonner entièrement, afin que les charges mutuelles des forêts soient annulées. (Mémoires V, 85.)
Cette négociation fut interrompue, puis reprise en 1817 sur les mêmes bases.
Enfin, le 1er mai 1818, une convention notariée fut passée entre le gouvernement et la ville, par laquelle l’Etat fut libéré de tous les droits de la ville sur le Jorat d’Echallens, et la ville fut affranchie de toute redevance en bois de chauffage pour le château et la cure de Morrens et en bois de construction à prendre dans la forêt des Censières, à teneur de la convention du 6 sept. 1677. (Archives de Lausanne, Actes publics, I, 158.)
Ainsi se termina cette longue et épineuse affaire qui avait traîné pendant des siècles.
Des lois postérieures imposent à la ville certaines charges de bois de chauffage pour quelques établissements publics. Je n’ai point à m’en occuper.
Sel de Salins.
Jeudi 3 août 1536. – Comparuerunt nob. Petrus Blanc una cum alio ambassiatore exponentes quomodo sal Salini est valde carum et quod non possumus habere pro peccuniis, dicentes elegisse ambassiatores mictendos Sallini, quare petebant nos velle eligere ambassiatorem unum. /283/
Les Lausannois faisaient aussi venir du sel du midi de la France. Voici une note de la main de P. Wavre, secrétaire du conseil; elle n’est pas datée, mais il y a tout lieu de croire qu’elle est d’environ l’an 1530.
« Ce que couste la somma de laz sel maryne :
» Premièrement de Vallence la soma couste tant achet que veyture, piages et aultres effrés et mesurage, rendu a Moyrens, videlicetXVIII fl. VI s. Roy.
» Item, de Moyrens à Sainct Genys, videlicet de veytureIII fl. VI s. Roy.
» Item, en sacheryz reffort de MonéazIX gros Roy.
» Item, de charrey de Sainct Genys au portII s. Savoye.
» Item, de Sainct Genys à SeyselI flor VIII gro Savoye.
» Item, pour les piages et commun de Sainct GenysV gro Savoye.
» Item, aut mesurage a Saing GenysII gro Savoyes.
» Item, mesurage de SeyselI gro Savoye.
» Item, veyture de Seysel a GenèveII flor VI gro Savoye.
» Sans les despences, loyages de butiques et maison, chevauchage et aultres mains frès qui fault faire en conduysant ladicte marchandise, adobages des sas, se cousage, et ung au mesureur, que sont frès extra ordinaire.
» La soma de Vallence faict X sas de Seysel.
» Marché est faict avec le marchiand pour XXXVI florins de Savoye la somma, rendue à Genève. »
Une note en marge du manual nous apprend que noble Pierre Blanc, qui est mentionné dans le texte, était envoyé par la ville de Vevey.
Appels à Berne.
Item, nobilis Aubertus Luys peciit sibi concedi et dari litteras commendatorias mictendas Bernum pro una causa appellacionis contra nob. Gerardum Chastel. Qua audita peticione fuit eidem largita. /284/
Cloche du tocsin.
Mardi 8 août 1536. - Fuit ordinatum quod si eveniat aliquod inconveniens ignis, quod pulsetur orologium, ut est consuetum, loco sinballi ignis; et si aliud inconveniens guerre aut aliud, quod pulsetur grossum cinballum.
Articles envoyés par MM. de Berne.
Mardi 22 août 1536. - Fuit deliberatum et conclusum quoad concernit articulos parte dom. Bernensium datos die lune precedenti, illos non velle admictere neque acceptare, quia illo modo; et illos remarciare quia nobis volunt dare quod non possemus gubernare, eosdem rogantes ut nos habeant dimictere in nostra possessione et usu ut eramus per prius.
Item, congregato retro consilio post prandium qui fuerunt opinionis ven. consilii.
La réponse promise aux articles proposés par les Lausannois, dans leur ambassade du 19 au 26 juillet, fut arrêtée à Berne le 16 août et présentée aux conseils de Lausanne le mardi 22 août.
L’article du manual nous dit que les Lausannois en furent très mécontents. Les projets de réplique publiés plus bas, nous apprennent que ce mécontentement portait surtout sur deux points : 1o Le peu de biens d’église qui leur était offert. 2o La diminution considérable de la juridiction de la ville. Sur ce second point, les Bernois proposaient, en effet, d’assez grands changements. Sous le régime qui venait de finir, l’évêque, seigneur temporel, connaissait de toutes les causes civiles et criminelles de Lausanne et des villages du ressort et jugeait en dernier appel celle des paroisses de Lavaux et des autres parties de sa seigneurie temporelle. Mais, ces causes se jugeant devant la grande cour séculière de Lausanne, présidée par le bailli de l’évêque, les citoyens /285/ de la ville, qui composaient cette cour et étaient les assesseurs de l’officier du seigneur, avaient une grande part aux jugements. Les articles de Berne limitaient la juridiction de la ville à son enceinte et à ses faubourgs immédiats et instituaient le bailli bernois comme juge unique pour les villages du ressort et les paroisses de Lavaux.
Malgré leur longueur, je crois utile de publier les pièces suivantes qui sont les articles bernois du 16 août et deux minutes de projets de réplique des Lausannois. Ces minutes ne sont ni datées, ni signées, mais leur contenu fait voir qu’elles furent rédigées avant la dispute de religion. Je n’ai pu découvrir à Lausanne cette réplique dans sa rédaction définitive 1 .
Articles de MM. de Berne.
Responce et résolucion des magniffiques nous redoubtés segr messr l’Avoyez, petiz et grant conseil de Berne sus les articles ad eulx proposé par les ambasadeur de leur trèschier combourgeois de Lausanne.
Premièrement, touchant la borgesie, sont nousdit sigr de Berne trèscontem que ycelle demoure en sa viguour.
Secundement touchant les deulx convent de la Magdeleine et de saint Françoys, puis que toutes les cérémonies papales en yceulx sont abolies et amendées, veulen nousdit sigrs que ycelles ne soyent relevées, ny dedans les dictes églises, ny dehors és habitacions des moyennes soient tenues.
Consernant la garde et protection des dict deux convens et les biens, comment censes, rentes, revenues et aultres meubles et immobles, soyt sont nousdict sgr résolus de les layser aut dict /286/ sgr de Lausanne leur combourgeois, toutefois que yceulx biens soyent convertis pour l’entretenement des moennes que se seront conformé à la parole de Dieu, ausy des prédicant et des poures.
Item, soy sont nous redoubtés sgr résolus de non puent permectre que innovations soyent fayctes ès quatres églieses parochiales, à savoier saint Pol, saint Pierre, saint Estienne et saint Laurent et ausi en l’égliese cathédrale, jusque aprest la disputacion, adon se que serat maintenu par la saincte escripture aurat lieu et sera selon sela besognyer.
Touchant les disputacions, on nousdit sgr conclus de les tenir et de procéder tout ainsi que les mandemens publié les divisent, causant les raysons en ycelluy emprimée; ausi est leur voloier et commandement que entre deulx, ambes parties, les évangelliques et les aultres, vivens en bone paix, transquilité et union.
Surse son noustrèsredoubtés sgr résolus de layser à leur trèschiers combourgois de Lausanne leurs premmières franchises, privilèges, libertés, bons us et costumes.
Et afin que il cognoissent la bonne affection et amitié que nousdit sgr leur portent, son trèscontent de leur donner et layser toute la temporalité, asçavoir quil puissent élire les jurés et ausi ung seguat ( ?) et avoier ung magistral comment les aultres villes impériales, lesquelles auron l’aministracion de justice, cognoissances et adiudication, et par ausi aulte et basse juridiction sus toutes causes, tam civiles que criminelles, lesquelles surviendron entre les borgois, citoiens et habitans en la vile et cités de Lausanne, dedans les murallies et ès faulbourg d’icelle, ausi entre les passans, par condiction que administren bone et briève justice, affin que les maulvais soient pugnis et les bons maintenus, et les long procès que par cy devant l’on a démené, par lesqueulx les poures gens ont esté destruit, cessent.
Pareliement que tous acte de justice se démène en langue romane et en ycelle escripte et non pas latine.
Et conclusivement que l’on ensuyve la forme des articles de l’ordonance que nousdit sgr surce on faicte.
Et quand aulcune persone serat agavée d’une sentence, qu’elle puisse appellé par devant le conseil de Lausanne, de là devant les soysante, si les on, et suyvant devant le grant conseil. /287/
Aprest tout cela est asçavoier que nousdit signour réservent ad eulx.
Premièrement, la souverannité et ses appertenances, comment la monoe et aultres préminences.
En aprest, la juridition sur les hommes et biens de l’évéché, que son dehors des dictes limites.
Pareliement, le juge de Billens 1 , ausi le chapitre, ensenble leur apertenances et dependences.
Pareliement, réservant que leur ballif puisse fayre saz résidence en la ville et cité de Lausanne, là où il lui playrat, pour governé les forenses susdit et aministre justice sur eulx, représentan la persone de nousdit sgr.
Ausi, que les dict de Lausanne se deporton de tout ce que dehors des dictes limites surquoyt on mis main et illec dressé leurs armes, toutefois ceulx que par le passé son aler a la guere avesque eulx desoub leur enseignye, que si aprest ausi soyent entenus à cela.
Touchant le juge spirituel veulen messr qui ne exercent leur office, mais totalement cesse jusque à la disputacion.
Quan au causes spirituelles, comment matrimoniales et aultres, on nousdit sgr aviser de doner ung consystoire et député juge sur cela aprest la disputacion.
Conclusivement, puis que nous dict sgr on tenus si bones parties à leur chier combourgeois de Lausanne, demandent qui se obligent par lectres et seaulx, pour eulx et leurs successours, de non puent fere alliance, bourgoisie, intelligence, avesque princeps, sigr, ville ni communaulté, ne persone quil soyt, ne ausi de cherché ne demandé ayde, faveur, assistence, protection, sans le sceu et consentement de nousdit signour de Berne et leur successeur 2 .
Actum Berne sexdecima augusti anno Domini millesimo Vmo trigesimo sexto.
Les commis de Berne.
(Archives de Lausanne, EE, 689. Copie contemporaine.) /288/
Projets de réplique des Lausannois.
I
Sensuyvent les responces et supplications lesquelles font les nobles et bourgoys de Lausanna sus les articles à eulx doné, au non et pour la part de trèspuisant magques et redoubtés seigneurs mesigneurs de Berne, lesquel se commence : Responsce et résolutions etc.
Et premièrement, tochant le premier article, supplient estre fayctz jouste le contenu d’icelluy.
Item, tochant le second et tiers articles, supplient les dictz nobles et bourgoys que les biens, censes et revenues meubles et immeubles des deux convent, enssemble la religion des dames de Bellevaulx et ceulx qu’ilz sont rière leur ressort desgent demorer nuement à la dispositions des dictz nobles et bourgoys de Lausanna, veu que seulx se sont soubmis soub la protection de ceulx de Lausanna et quilz sont riére eulx; néantmoyns que les dictz nobles et bourgoys n’entendent aulcunement les dictz biens employer, sinon au proufit des pouvres et à euvre pitoyable.
Item, tochant le 4e article, supplient les dictz nobles et borgoys, que innovacions ne leur soyent fayctes à leur esglises, comme dessus, jusque après le concillez 1 , et néantmoyns quant il pleyroyt aulx dictz magques et redoubtés srs que aucung service en icelles ne fut fayctz, que icelles desgent demourer serrées et fermées jusques apprès le dictz concillez, sans quelque service, et néantmoyns les dictz nobles et borgoys de cez se veulent bien réglez celon vostre bon advis et conseyl.
Tochant le 5e, requièrent estre fayct comme dessus.
Au regard du sixiesme, requièrent et supplient les dictz nobles et bourgoys que leur liberté et franchises et costumes estre lessées, comme il en ont usé le passé, sans aucune contredicte.
Item, au regard du septiesme, supplient les dictz nobles et bourgoys de Lausanna, affin que tousiours de mieulx en mieulx /289/ puysent fayre honneur, pleysir et service auxdictz maques segrs, ce que désirent, que tochant la jurisdiction temporelle et spirituelle, que cela se desge entendre et exctandre rière tout le balifvage de Lausanne, tout le ressort et ausy rière les trois parroches, c’est à sçavoyr : Lustriez, Villette et Sainctseforin, veu que ceulx sont rière la costume de Lausanna. Et ausy que les appellations fayctes de leur jeuge inférieur viennent par devant le sigr ballifz de Lausanne, et ausi quant l’on prent aucung prisonnier rières les dictes troys parroysses, yceulx sont tenu le remettre au dictz sig ballifz de Lausanne, sus lequel prisonnier les dictz de Lausanna ont la cognoysance, tout ausy que s’ilz estoyt pris rière la ville et cité de Lausanne.
Au regard du witiesme article, supplient estre fayctz jouste le contenu de celluy.
Item, tant qu’ilz toche au neufviesme article, requièrent les dictz nobles et bourgoys que leurs libertés et franchises leur soyent observées sans aucugne réserve.
Item, tochant le Xe, supplient les dictz nobles et bourgoys estre fayctz jouste le contenu de celluy, et que la cause se desgez terminer dedans la dicte ville de Lausanne, estre fayctes les troys instances, sans appellacion quelcunque.
Au regard du unsiesme article, qui se commence : Premièrement etca, sont contans les dictz nobles et borgoys que la sauverenneté, ensy que la reyson le veult, demeuret aux dictz maques et redoubtés sgrs, messeigneurs de Berne; et tout le remanant desuz demourer aux dictz nobles et bourgoys de Lausanne, tant ausy que par avant en usoyt ung signeur évesque de Lausanna.
Item, sus le douzièsme, supplient les dictz nobles et bourgoys de Lausanne, touchant le jeuge de Belleyn 1 , ycelluy desge avoyr son lieu au regard des estrangiers, comme est dict et respondu au septiesme article; et tochant les sugés 2 des sigrs de chappitre de Lausanna desquelz il en y ast beaucop qui sont rière Lausanna, requièrent les dictz nobles et bourgoys que les cause d’iceulx se desgent déduyre dedans Lausanna, jouste le contenu du dixiesme article. /290/
Item, tochant le treziesme article, requièrent les dictz nobles et bourgoys estre fayctz jouste le contenu du septiesme article.
Item, tochant le quattorziesme et quinziesme article, requièrent et supplient les dictz bourgoys estre fayctz comme est dictz au septiesme article; et au regard des armes de la ville de Lausanna, requièrent que ycelles leur demeurent, comment a esté de costume, et ausy aux lieux èsqueux pleyrat aux dicts maques et redoubtés sigrs donner aux dictz de Lausanne jurisdiction.
Item, au regard du sexiesme article, requièrent les dictz nobles et borgoys estre fayctz comme est contenu en l’article, lequel se commence : Et quant aucune personne etca.
Tochant le dernier article, supplient et requièrent les dictz nobles et borgoys de Lausanna qu’il playse aux dictz magques et redoubtés sigrs les voloyr leyser en leur liberté et franchise, ensi qui en ont usez.
Magques trèspuissans et redoubtés srs, vous exelences sont assés informées comme une ville de Lausanne par le passés a sottenu beaucop de charge, et ausy comme il sont esté appovri, tant par les évesques du passé, tant par les chanoynne de Lausanne et autres gens d’églisez, à ceste occasion vous prient et supplient les dictz nobles et borgoys, affyn que pour l’advenir les dictz borgoys de leur personne et biens 1 , se que désirent, leur voloyr lesser, pour leur et leur successeur, les biens non acquis qui sont des dictz sigrs chanoynne et aultres prestres de l’eglise de Lausanna, qui sont tant rière le territoyre de Lausanna comme rière leur ressort. (Archives de Lausanne C, 5.)
II
Sur le premier article proposé de messrs les commis de nos très redoubtés et manifiques seignyeur de Bernez, nos trèschier comborgoys.
Un, sur le premier articlez, prions nous redoubtés et manifiques seignyeur de Berne que l’aliance se face perpetuellez pour touiours mays, affin de cez que puyssyons vivre en amitiez les /291/ ung avecques les aultres, en pourchassant l’honneur les ung des aultres.
Second, nous en sommes contens.
Tercement, nous pryons nous redoubtés et manifiques seigyeur que, quant la dispute sera achevez, que sy le cas advient que ès dictes églises et semblablement les aultres, tant dedans la ville, que dehors rière nostre ballivage, et les cerimonies papalles soyent abolliez, prions nos redoubté et manifiques seignyeur qu’elles soyent az la disposicion des nobles et borgoys, en faisant du bien à cieulx qui auront tenu les benifices, sy voulent servir à Dieu et déclayrer saz parolle.
A la quarte, touchant les disputation, nous noz résolvons à cez que bon vous sembleraz.
Aut cinquiesme, respondons que vostre plaisir soyt de nous laissez nous libertés et franchises, comment nous croyons que le ferés et aussy ly avons nostre parfaicte confiance.
Aut seziesme, touchant la temporalité tant civiles que criminales et semblablement aulte et basse juridicion en la ville de Lausanne et en ces faubourg, nous pryons nos redoubté et manifiques seignyeur que leur bénignité se condescende à nous laissé laz juridition sur tout nostre ballivages, à cause de cez que nous avons estéz conseignyeur avecques nos évesques passé, et avons heu tous les rappert 1 aut derniez par devant nous. Et pour donné a entendre les limites de nostre ballivage, nous le lymiterons tousiours, nous contendans de demander les biens mondains, comme vignyes, terres, censes, revenues, maysons qui pourriont avoir esté à l’évesques.
Septiesmement, nous y consentons.
Aut vuytiesme, touchant que l’on ensuyve les articles donné par nos redoubté et manifiques seignyeur, leur prions et supplyons qui nous laisse vivre jouste nos libertés et franchises, quant à cez nous y avons porveu, que sy s’en trouvez quelque chosse qui ne soyt pas metables, nous l’oterons, affin de ce que puissions vivre en l’amour et crainte de Dieu.
Aut IX, nous y acordons. /292/
Sur les réserves que nos redoubtés et manifiqnes seygneur font à eux :
Sur la première, pryons et requérons nosdit M.Sr. que leur plaisir soyt de ceux contenter que nous leur facions l’hommage comme à nos souverains seignyeur.
Sur la seconde, touchant la juridition sur les hommes et biens de l’évesché, à celaz nous le vous laysons, reservez comment aut seziesme article avons respondu.
Sur la troziesme. Nous vous prions tout premièrement, touchant Bellent 1 , que vostre plaisir soyt celaz laisser aller, car jamays nous n’eusmes rappert 2 dedans Bellens, que nous n’en aussyons protester contre cieulx qui nous y ont volsu faire aller, car il ne le pouvient ne devion faire; car celaz, avecques des aultres chosses, nous az faict priéz vos manificences pour avoyer borgoysiez avecque vous. En oultre, touchant chapitre, vous prions et requérons que vostre bon plaisir soyt nous laisséz cez qui est en nos limites.
Sur la quatriesmez réservez, ont advisez nosdit seignyeurs qui sont bien content que monsr le ballif demoure là out bon luy semblera. Touttefoys pour régir et governez les forensis, il ne semble pas qui deuz avoyer deux justice dedans une ville de Lausanne, car il n’y auroyt synon noyse et débat; et vos manifiques seignioriez nous penserions avoyr fayct ung grand bien et cez seroyt ung grand mal pour nous, car en nous donnans la aulte et basse juridition, laquelle entendons que vos manifiques seignyories nous donne, cela seroyt tout aut contraire, veheu que monsr le baillif tinse sa court dedans Lausanne; pourquoy prions vos manificences nous laiser estre comment avons déclairé aut dessus.
Manifiques seignyeur, quant à la 5 réservez, que font mention que nous déportons de cez qu’est hors des limites par vos seigniories données, nous disons que, auregard de nous, nous noz déporteron volontiers, par conditions que, comment avons deia dit, qu’on nous laisse nostre ballivage et aultre chosse ne demandons
/293/ nous à nos manifiques seignyeur, aussy par la vertu de cez qui n’est mémoyre du contraire, que ne ayons toutiours heu les rappert par devant nous et les remise des malfaicteurs; priant toiours vos benignité nous laissé ce qu’avons heu par avant.
Aut seziesme, vostre volonté seyt faicte.
Aut septiesme, touchant les causes spirituelles, nous semble que quant le magistral, ensemble quatre de messr de conseil, ensemble les jurés en pourront distribui et dicerni aut plus près de leur consciences.
Aut vuytiesmez nous semble, touchant les borgeysies, convenances et aliance, que auregard de cez, quant nous aurons vostre amytiéz perpétuelle et quant vous avés la souverainité, que vous ne devés poyent avoyer de doubte que nous volsisions faire chosse qui allast contre vostre manificence, veheu et attendu aussy que nous noz periuririons meschamment; pourquoy prions vos magnifiques seignyories à celluy article ne vouloyr regardé, car à l’aide de Dieu nous nos conduirons si bien avecques vos manificences qu’aurés occasions de vous contenter.
(Archives de Lausanne C, 6 et 5. Minutes originales.)
Négociations avec le chapitre.
Mardi 29 août 1536. – Fuit deliberatum et conclusum debere ire ad dominos de capitulo et eisdem petere pro expensis et les effrey sustentis tempore guerre dom Bernensium unam bonam sommam argenti. Et fuerunt electi le bourgoz meistre, dom. G. Grant, Johannes Borgeys, Anthonius Gavet 1 .
Election de bourgmestre et conseil 2 .
Dimanche 3 septembre. – … Convocatis omnibus burgensibus et habitatoribus communitatis Lausanne … fuit /294/ electus in burgimagistrum videlicet providus vir Johannem Borgeys presentem, nec non borserius Regnerius Pivard, atque in secretarium Petrus de Sancto Ciriaco, qui electi in presencia assistencium prestiterunt juramentum prestari solitum, etc.
Item se retraxerunt assistentes per banderias secundum quod de qualibet banderia erant et primo :
Per banderiam civitatis fuerunt electi in banderia Paludis, primo ven. dom. Gerard Grant, Johannes de Sancto Ciriaco, Anthonius Gavet, Johannes Rochyz, G. Ravinel, G. Gumini, Stephanus Menestrey, Aubert Loys.
Per banderiam Paludis fuerunt electi in banderia Sancti Laurencii : nobilis Franciscus de Chabie, Georgius dou Crest, Franciscus Guibaud, Jacobus Bouz.
Per banderiam Sancti Laurencii fuerunt electi in banderia Pontis : Guillelmus de Lalex, Anthonius Bovard, Petrus Curnillion, Regnerius Pivard, Petrus Gautheri.
Per banderiam Pontis fuerunt electi in banderia Burgi : nobilis Franciscus Gimel, Enabloz de Laz Cort, Stephanus Grant, Franciscus Souveys, Glaudius Burdet, Bonaventura Frontonex.
Per banderiam Burgi fuerunt electi in banderia civitatis : Petrus Raveri, Petrus Wavre, Guillelmus Sodali.
Violation des franchises de la ville.
Mardi 19 septembre 1536. – Fuit datum in mandatis G. Ravinel burgimagistro ut mandet illis de Valle, videlicet Lustriaci, Culiaci et Sancti Simphoriani, ut habeant comparere huc Lausanne die jovis proxime futura pro facto franchesiarum. /295/
Jeudi 21 septembre 1536. – Post prandium hora duodecima fuit congregatum retroconsilium cum consilio, in parvo numero dicto consilio, deliberaturi super infractione liberatum et franchesiarum infractarum per nob. Sebastianum Neguylliz ballivum parte magn. dom. Bernensium.
Primo, super capcione cuiusdam Allemani capti sine clama et cognicione.
Item, domini Johannis Moneti capellani capti et detenti sine clama et cognicione.
Item, pro Johanne Carradi secretario R. D. N. qui fuit captus et ductus et detractus extra dominium Lausanne.
Item, super appellacione unius cause inter dominum priorem de Provalle, dominum Georgium de Prez, contra dominum de Laz Bastiaz.
Fuerunt electi, cum nob. Enabloz de laz Cort et Stephano Grant, videlicet Glaudius Burdet et Johannes Copyn vel Stephanus Gaudim antenatus.
Georges de Prez, prieur de Port Vallais, sacristain du prieuré de Lutry et curé de Belmont, avait postulé le 5 juin 1528 l’amodiation de l’abbaye de Montheron. Le 18 avril 1536, François Champion, seigneur de La Bâtie, était amodiateur de cette même abbaye avec François Vernier, seigneur de Tannay. (Voyez les articles à ces dates.) Le procès entre ces deux personnages avait peut-être quelque rapport avec cette amodiation.
Le manual de Lutry nous apprend que les députés de cette ville se rendirent le 21 septembre à l’invitation que le conseil de Lausanne leur avait adressée le 19 et que les deux villes s’unirent pour envoyer une ambassade à Berne, qui partit le 22. (Voyez l’article du 30 septembre.)
Gardiens nommés pour la cathédrale.
Mardi 26 septembre 1536. - Comparuerunt ven. viri domini P. Perrini et Michael Barberi parte ven. capituli, /296/ proponentes quod habeamus in conservacionem ecclesiam cathedralem beate Marie virginis, et ita prefati dom. canonici requirunt. Quibus fuit responsum quod facient et manutenebunt eorum toto posse.
Item, fuit preceptum et datum in mandatis G. Ravinel burgimagistro ut habeat mandare per parrochias ressortorum ut habeant apportare jacolia (jocalia) et ornamenta eorum parochie custodienda, actentis occurrentibus.
Jeudi 28 septembre 1536. - Fuerunt electi pro custodia ecclesie, primo Stephanus Menestrey, Anthonius Bovard, Bonaventura Frontonex, G. de Cresto.
Sur la protection accordée par le conseil de Lausanne à l’église de Notre-Dame en vue de la dispute de religion qui allait s’ouvrir, voyez Le trésor de l’église cathédrale de Lausanne, Lausanne 1873, in-8, où j’ai publié plusieurs documents sur ce sujet.
Violation des franchises.
Samedi 30 septembre 1536. - Nobilis Ennabulus de Curia, Stephanus Grand, Claudius Burdet et Johannes Coppin, ambassiatores parte consilii et retroconsilii pro eundo Bernam pro facto ville et maxime pro exponendo quod nob. Franciscus de Prez fuerat captus et detentus per nob. Sebastianum Neygili gubernatorem ville Lausane parte illustrissimorum dom. Bernensium, videlicet in carreria Burgi et ante domum suam, que carreria Burgi est francha; et quod illud est contra libertates et franchesias ville Lausane, quas ipse gubernator juraverat observare et manu tenere. Quiquidem dom. Bernenses hunc fecerunt responsum ipsis ambassiatoribus, dicentes quod ipse Franciscus de Prez merito erat detentus et fecerat ultra ejus /297/ debitum, quod tempore et loco foret manifestum, contra ipsam villam Lausane. Et retulerunt ipsi dom. Bernenses quod nullo modo volebant libertates et franchesias infrangere nec violare, sed potius observare. Relatum fuit in consilio die et anno quibus supra.
L’ambassade dont il est fait mention dans cet article et à laquelle des députés de Lutry se joignirent, comme on l’a vu, se présenta devant le conseil de Berne le mercredi 27 septembre et revint à Lausanne le samedi suivant.
D’après les Abschiede, pag. 766, qui citent le manual de Berne, cette députation demanda par écrit : 1o qu’on laissât le bailliage de Lausanne dans l’état où il était; 2o que la combourgeoisie avec Berne fût rendue perpétuelle; 3o qu’on observât les franchises de Lausanne que le bailli bernois avait violées en emprisonnant irrégulièrement certains citoyens; 4o que la dispute de religion se tînt dans l’église de Saint-François et non dans la cathédrale.
J’ai retrouvé dans les archives de Lausanne une minute des instructions données par le conseil à ses députés. A en juger par le manual de Berne, cette minute n’est pas complète, néanmoins elle mérite d’être publiée, comme spécimen de style abject.
« Sensuyt le commandement des nobles et borgoys de Lausanne fayt a leur embassadeurs pourt la part de la communité de Lausanne.
» Tout premièremant, après estre faictes les recomandations, exposeront devant nos manifiques seignyeurs comment aynsy soyt que per le temps passé ayons heu beaucopt de poyne et traval pour maintenir nos libertés et franchises; se non obstant, comment le croyons, du commandement de nos redoubtés et manifiques seignyeurs, ont esté pris aulcuns d’eux, lesqueulx n’ont pas esté pris jouste nos libertés et franchises, pourquoy pryons nos redoubtés et manifiques seignyeurs nous vouloyr maintenir en nos libertés, car il nous semble que à l’avenir il nous pourroit porté dommage.
» Secondemant, trèsredoubtez et manifiques seignyeurs, nous, qui sommes vos pouvres et humbles serviteurs, vous voudrions /298/ prier que, puys que nos sommes d’aultre part entenu en vous, que vostre bon playsir se condesendisez az nous vouloyr fayre ce bien de nous laisser notre ballivagez et de nos fayre tant de bien, que nous, qui sommes vos pouvres et humbles serviteurs, puyssyons tousiours estre cieulx que vous puyssyons fayre service et honneur, car quant vous nous aurés donnés du bien, il seraz vostre entièremant.
» Tiercemant, tresredoubté et manifiiques seignyeur, pryons vos ecellences que la borgoysiez, laquelle est entre vous et nous, se face entièremant et perpétuelle à jamays.
» Quartemant, manifiques et redoubté seignyeur, nos n’entendons pas, combien que nous ayons demandé nostre ballivage, de rien avoyer du bien de l’évesque, comme rentes, censes, héritage et ce qui se pourroyt conster qu’auroyt esté à luy, de cela vous manifiques seignyories en feront ce que bon leur sembleraz. Priant Dieu le Créateur vous avoyer tousiours en sa saincte garde. »
(En marge, d’une autre main : die 27 Septembris 1536.)
(Archives de Lausanne C, 7.)
La députation reçut à Berne l’assurance qu’on n’avait pas l’intention d’enfreindre les libertés de la ville et que (ajoute le manual de Lutry) les commis de Berne, qui allaient arriver pour présider à la dispute, donneraient une réponse plus ample.
Dispute de Lausanne.
Mardi 3 octobre 1536. – Accesserunt in consilio domini de Valle, dicentes et exponentes super facto disputationum quod si dom. Bernenses ipsos de Valle vellent interrogare an vellent inpugnare contra disputationes factas Lausane aut non; petentes ipsis de consilio eorum consilium. Quod consilium est tale : quod respondeant ipsis dom. Bernensibus quod haberent advisum cum ceteris de Valle et tunc facerent responsum et non ante. /299/
Des extraits très amples des procès-verbaux de la dispute de Lausanne ont été publiés dans l’Histoire de la Réformation de Ruchat et dans le Chroniqueur de Vulliemin, où l’on peut les lire.
De tous les membres du clergé de Lausanne, pas un seul ne voulut tenir tête aux réformateurs dans cette discussion publique. On laissa ce soin à quatre ecclésiastiques d’autres parties du pays et à Dominique de Montbousson, ce dominicain étranger qui avait prêché le dernier carême dans la cathédrale. Deux laïques se présentèrent aussi pour opposer les thèses de Farel; ce furent Ferrand Loys, chef de l’abbaye des nobles enfants de Lausanne, qui abjura immédiatement après la dispute, et Blancherose, médecin français établi à Lausanne, « homme tenant de la lune et fort fantastique, dit Pierrefleur, lequel en ces disputes mesloit la medicine avec la théologie et faisoit incontinent à rire. »
Le conseil de Lutry députa trois de ses membres pour assister à la dispute : Jean Marsens, secrétaire (auquel nous devons les renseignements si intéressants du manual de Lutry), Jean Dumur et François Blanchet. On voit par le texte qu’ils ne savaient pas trop quel rôle ils devaient y jouer et que, ayant consulté le conseil de Lausanne sur la conduite à tenir, si les commissaires bernois venaient à les interroger à ce sujet, on leur dit qu’il valait mieux temporiser et dire qu’on ne répondrait qu’après avoir pris l’avis des paroisses de Lavaux.
Il faut croire que le conseil de Lausanne se fit aussi représenter à cette dispute, mais le manual n’en dit pas un mot. Tout ce qu’on peut savoir de son rôle dans ces journées importantes, est qu’il éprouva fortement le besoin de se remonter le moral, car on trouve dans les comptes l’article suivant de dépenses d’auberge faites par le conseil : « A la Poudessyt pour dispensa feyte en sa meyson au temps des disputes XXVI flor. »
Election de bannerets.
Jeudi 5 octobre 1536. – Fuerunt electi bandereti Johannes Coppin, G. Sodali, Bonaventura Frontonay, Jaques Bouz, Guillelmus de Lalex, qui prestiterunt juramentum. /300/
Violation des franchises.
Mardi 10 octobre 1536. - Acisterunt in consilio sequentes : dom. Johannes de Sancto Ciriaco, G. Gumin, A. Gavet, Johannes Rochiz, P. Gauthey, P. Vuavrez. Sic restat, eo quod cito exierunt consilium.
Die martis predicta fuerunt convocati burgenses et commune, quibus fuit expositum per burgimagistrum ut prestarent juramentum, ut moris est. Et se submiserunt esse pignorandi quando defficerent accedere, audita campana. Quibus fuit expositum per burgimagistrum quod ipsi de consilio fuerunt in hospitio Leonis ubi erant locati dom. Bernenses, quibus exposuerunt quod nob. Franciscus de Prez fuerat detentus et captus in carreria Burgi et ante domum ipsius, absque clama, quod est contra libertates et franchesias ville Lausane et quod non antea fuerat actum; qui dom. Bernenses juraverant, vel eorum officiarius gubernator parte ipsorum, quod ipsas franchesias observarent. Qui responderunt dicentes quod ipsas franchesias non intendebant habere infractas nec violatas et totiens placeret dominis de consilio darent ipsi Bernenses litteras testimoniales de non prejudicando libertatibus Lausane et quod in futurum non prejudicaret. Tunc ibidem fuerunt electi pro eundo Bernam Johannes Borgeys, dom. G. Grand, Regnerius Pivard, Franciscus Sauvey, E. La Court, Anthonius Bovard.
Clefs de la cathédrale remises au bourgmestre.
Tunc ibidem fuit conclusum, eo quod domini de capitulo exposuerunt quod nonnulli habitatores et burgenses, qui vocantur evangeliste qui maiorem ecclesiam saltem altaria /301/ dirruere volebant, et quod ipsi dom. de capitulo deprecabant ipsos de consilio ut haberent ecclesiam recomendatam, et quod darent claves ipsius ecclesie cui placeret consiliaribus. Et promiserunt qui supra non facere innovationes, eo quod tradite fuerunt claves burgimagistro dicte ecclesie, et juraverunt.
A la suite de la dispute de Lausanne, MM. de Berne adressérent, le 19 octobre, à leurs baillis et officiers des pays conquis l’ordre de se transporter dans les églises et dans les monastères pour y abolir les cérémonies papistiques et détruire les images et les autels. D’après le manual de Lutry, la destruction officielle des images et des autels ne se fit à Lavaux qu’au commencement de novembre. A Lausanne, il paraît que des réformés ardents et turbulents avaient devancé les temps et commencé à saccager la cathédrale immédiatement après la clôture de la dispute; c’est pourquoi les clefs de l’église furent remises au bourgmestre. La cathédrale semble être demeurée fermée jusqu’au milieu de février 1537, alors que les commis de Berne vinrent faire exécuter l’édit de réforme. Voyez Le trésor de l’église cathédrale de Lausanne, par E. Chavannes, pag. 12 et 13.
Je trouve dans les comptes de la ville l’article suivant, non daté : « Libravi magistro Claudio, lathomo, pro tribus jornatis factis remuando et deponendo grossos lapides altaris S. Francisci et Magdallenes : XII sols VI den. Magis pro deponendo lapides et altares in ecclesia Domine nostre, de precepto ven consilii. pro XV jornatis : V flor. II sols VI den. »
Comme les exécutions mentionnées dans cet article du compte se firent par ordre du conseil, elles eurent probablement lieu en 1537.
A Lutry, le conseil mit en sûreté les vases et les vêtements sacrés, qu’il remit l’année suivante au bailli de Lausanne, sur un ordre formel de MM. de Berne. /302/
Femmes suspectes.
Tunc ibidem fuit conclusum quod mulieres suspecte et existentes in luppanari essent expulse et abirent infra paucum tempus, sed tamen fuit ipsis datum terminum.
Le 12 octobre, on donna aux femmes suspectes huit jours de terme pour sortir de la ville et du bailliage, sous peine de 60 sols.
Rière conseil.
Mercredi 11 octobre 1536. - Acisterunt in consilio domini de consilio unacum retro consilio. Qui quidem de retro consilio omnes simul prestiterunt juramentum suum et se submiserunt venire totiens quociens invocarentur, sub pena trium solidorum et quod possint pignorari per banderetos. Quare michi secretario per banderetos fuit requisita littera testimonialis.
Tunc ibidem fuit propositum ut domini predicti darent instructiones ambassiatoribus euntibus Bernam, et eo quod jam erant instructiones facte, fuit eis propositum an volebant in ipsis instructionibus aliquid jungere vel removere. Qui responderunt se non velle addere nec removere, sed ponunt discretioni ambassiatorum 1 .
Sequuntur qui fuerunt electi pro anno millesimo quingentesimo XXXVI pro retro consilio :
In banderia Pontis : R. Perrin; S. Buet; Ste. Gaudyn; G. Bosson; B. Mutunerii; B. Richard; Jo. Michat; M. Roget; G. Amys; P. Pomettaz; G. Pasquier; Joh. de Bouchioz; Jacques Dailliens. /303/
In banderia S. Laurentii : Loys Bouz; M. Duret; A. Grand; P. Rusti; B. Ruffi; G. Rosset; Joh. Ancel; Joh. Hemeri; Georgius Battailliard; Ste. Chardoney; G. Gyrod.
In banderia Burgi : Nob. G. de Praromad; H. Chautran; G. Genevaz; Johannes Richardi; Joh. Udry; Brisie; A. Currelat; Joh. Apostelloz; Ja. Vinter; P. Jesson; Ste. Gaudyn.
In banderia Civitatis : Legie Semoraud; G. Braliard.
In banderia Palludis : Phil. Chouz; L. Diverdon; G. Gendron; G. Rosseti; P. Musiquin; B. Troilliet; Joh. Gignilliati; Gr. Pivard; N. Bergier; P. Bagotz; R. Daux; Joh. Boverat; Ferrad Loys; Ste. Chapuis; P. Clavel; P. Menestrey; G. Paris; Joh. Godard; B. Blécheret; G. Georgoz; de Plano.
Règlement de boucherie.
Jeudi 12 octobre 1536. – Fuit conclusum quod nullus auderet interficere porcos quyn prius visitetur per mistralem et quod les saucisez fiant rationabiles et quod quinque ipsarum debeant pondurare unam libram.
La largition est acceptée.
Dimanche 5 novembre 1536. – Nous le sénatz, conseyelrière et deux cent, faysons sçavoyer à ungchescum par la teneur de ses présentes, Que nous avoyer veuz et meurement considéré la science, prudhomie et diligence et vertus de nous conseylliers et ambassadeurs soubnommés, et à ceste occasion hémeuz, heussions donné puissance d’ynpétrer vers nous magniffiques et très puissans srs de Berne nous combourgoyes, jurisdition aulte, moyenne et /304/ bassez au prouffit et à l’honeur de nostre ville et cité de Lausane, et seci en recordation des services par nous à eux fayet, tant en fayet de guerre et d’armes que aultrement; Et que aynsi soyet que nous ditz conseylliers et ambassadeurs que moyeant leurs bonnes vertus et diligenses, ayant bien éxécuté leurs charges et commandement aynsyn comme s’ensuyt par aulcum articles; Et pourcest que les choses dignes de mémoyre et les biensfayecteurs de la chose publique ne soy doibve aulcunement oblier, et ausi pour mieulx inciter au temps avenir les conseylliers de la dicte ville de Lausane de procuré l’honeur et prouffit; à ceste occasion avons commandé à nostre secreteyre de réduyre ses présentes en récordation et perpétuelle mémoyre des choses dessusdictes; lesquel articles sont esté lehuz par devant les dessusdict petit et grand conseyel, la dimenche cinquiesme de novembre mille VcXXXVI.
Les noms des ambassadeurs :
Jo. Borgeys, bourguemeystre.
Spectable G. Grand.
N. Fran. Chabie.
N. Ennable de La Court.
P. Curnillion.
Ste. Grand.
B. Frantonay, banderet.
Guydo Rosseti.
Regnier Pivard.
Anth. Bovard.
Jo. Copyn.
P. Sainct Cierge. /305/
Après la dispute de religion, les pourparlers entre Lausanne et Berne, qui n’avaient jamais été interrompus, reprirent avec une nouvelle activité. Je n’ai pas eu toutes les pièces sous les yeux, mais il est facile de suivre le fil des négociations.
Dans leur réponse aux articles du 16 août, les Lausannois avaient insisté en particulier sur deux points : 1o Une plus grande part aux biens d’église, si la dispute tournait en faveur de la réforme, ce qui était à prévoir. 2o Le maintien de leur juridiction sur les villages du ressort et sur Lavaux.
On voit par le manual, aux dates du 10 et du 11 octobre, que, immédiatement après la dispute, les conseils eurent une conférence à Lausanne avec les commissaires bernois au sujet d’une violation de leurs franchises, à l’issue de laquelle on députa six conseillers à Berne, soit pour demander une réponse à leurs réclamations, soit pour essayer d’obtenir de nouvelles concessions. Je n’ai pas retrouvé le texte de la supplique présentée par l’ambassade, mais la réponse de MM. de Berne, en date du 20 octobre, qui est, dans un grand nombre de points, conforme à la largition du 1er novembre suivant, montre que, dans leur nouvelle requête, les Lausannois établissaient les limites du bailliage, en dedans desquelles ils demandaient que toute juridiction leur fût laissée et qu’ils réclamaient une augmentation de la concession des biens d’église.
La réponse de Berne du 20 octobre fit droit à une faible partie de ces réclamations. On laissa aux Lausannois la juridiction sur leur ressort, mais on la leur refusa sur les paroisses de Lavaux; on leur accorda les biens de quatre paroisses de la ville et des couvents avoisinants, mais on leur refusa toute part aux propriétés de l’évêché et du chapitre.
Sur le vu de cette réponse peu satisfaisante, les Lausannois expédièrent immédiatement une nouvelle et nombreuse ambassade, qui se présenta devant MM. de Berne le 28 octobre, insistant encore sur le dernier appel dans le bailliage et pour les causes ne dépassant pas 300 florins entre parties étrangères au bailliage. Quant aux biens d’église, ils désiraient avoir encore ceux de la paroisse de Sainte-Croix, le chalet et le moulin de /306/ Gubet, le château d’Ouchy, le château de Saint-Maire ou l’Evêché, et une promesse formelle de plus grandes concessions dans un avenir prochain.
La réponse à ces réclamations ne se fit pas attendre. Elle est contenue dans la largition.
Les négociations furent terminées le lundi 30 octobre et la largition fut expédiée le mercredi 1er novembre 1536.
Ces deux pièces, les articles de Berne du 20 octobre et la nouvelle supplique des Lausannois du 28, sont assez intéressantes pour que je les donne ici in extenso.
I
Résolutions de MM. de Berne, en date du 20 octobre.
Sur les desmandes que les ambassadeurs de Lausanne ont faictes à mes trèsredoubtés seigneurs, soy sont iceulx résolus comme s’ensuyt :
Premièrement de oultroyer, laisser et donner èsdits seigneurs de Lausanne toute haulte moyenne et basse jurisdicion sus toutes causes tant civiles que crimineles et sus toutes personnes et biens de quelle condition et qualité que soyent, estans deans les limites par iceulx mises en escript. Touteffoys par réservations, conditions et exceptions suyvantes :
Premièrement, que lesdits de Lausanne administrent bonne et briefve justice; en après que les trois parroiches en La Vaulx, assavoyr Lustry, Villete et Sainct Saphorin, aussi la parroiche de Corsy, ensemble toutes leurs apertenances et dépendences desmeurent à mesdits seigneurs de Berne et nullement comprises ne enclavées deans lesd. limites.
Secondement, que lesd. limites ne soy extendent plus oultre que jusque à la riva du lac; aussi le chasteaulx d’Ochie réservé à eux mesdits seigneurs. Touteffoys si lesd. troys parroiches, ensemble Corsy, ont quelque debvoyr à une ville de Lausanne, cela soyt en suyte de guerre, ou lesdits de Lausanne eussient congnoissance et adiudication sur eulx, cela ne veulent mesdits seigneurs ouster èsdits de Lausanne, maix leur laisser comme par le passé. /307/
Tiercement, reservent aussy mesdits seigneurs de Berne à eulx la souveraineté, assavoir la monnoye, la grâce, dernière apellation et suitte de guerre.
En apres, l’évesché, le chapitre et clergie, ensemble toutes apertenances et deppendences d’icelles.
Donnant, laissant et abandonnant èsdits de Lausanne tout le desmeurant non réservé et excepté cy dessus, comme les deux convents de Sainct Francoys et de la Magdeleine, aussy les quatres parroiches deans la ville, St Sulpy, Monteron, Saincte Catherine du Jorat, Bellesvaulx, ensemble leurs apertenances et deppendences, icelles soyent deans ou dehors desd. limites.
Touteffoys par condition qu’ils pourvoyent les prédicans qui seront sur lesd. cures, en après les moennes et nunnins qui voudront vivre selon l’évangille et soy fayre conformes à la réformation de mesdits seigneurs, que à iceulx et icelles leur vie durant soyt donné leur vivres selon leur nécessité.
Reservant aussy à monsr de Bonmont ledit prioré de S. Sulpy, aussy sans préiudice du droict d’aultruy, non prétendant par cestuy oultroy desroguer à personne.
S’ouffrant mesdits seigneurs, quant le cas adviendra que le chapitre et clergie seront par décès abolis, de non point oblier lesdits de Lausanne.
Actum XXa octobris anno XXXVIo.
Secrétayre de Berne.
(Archives de Lausanne EE, 72. Copie contemporaine.)
II
Nouvelle pétition des Lausannois, en date du 28 octobre.
Les ambassadeurs lausannois rédigèrent une minute de la pétition qu’ils présentèrent à Berne le 28 octobre et du petit discours qu’ils firent en déposant une copie de leur requête. Sur la même feuille de papier, ils notèrent quelques points de leurs négociations et probablement envoyèrent cette pièce à Lausanne avant leur retour. Au dos du même document, on trouve un mémoire des dépenses de l’ambassade. C’est ce curieux document que je publie. Le texte de la pétition est tiré, non point de la minute, mais de la /308/ copie même qui fut présentée à Berne et au dos de laquelle le secrétaire de LL. EE. a écrit ces mots : Lausannensium secunda petitio. Cette copie ne diffère de la minute que par des variantes d’orthographe et par le changement de quelques mots sans aucune importance.
Treshonnorés, magnifiques, redoubté et puissant seigneur nous summes ysi ranvoyé par devant vos exellence de la part des nobles petit et grant conseyl de la ville de Lausanne, vos trèshumbles comborgeys et serviteurs, lesquieux tousiour se recommande à vos excellences et magnifiques seigneurie; aux quelx avons communiquez et déclarer les biens qui son contenuz en vostre amiables responses par escript, don lesd. nobles et borgeys on accepter don il vous mar[cient] tam que à leur le possible, et ausy voyant vostre libéralité et que vous main ne son pas close pour leur fayre plus grant biens, avonns requis queques aultre requestes, don supplion vosdite magnifiques signeurie ycelle nous vuilliés laysé ? et outroyer, et en cy fesant nous obligerés nous et les nostres à touz jamès avoyer sovenance des biens que nous feréz.
Les articles que leur avons demandé après lesdites recomandations oultre les premier :
(Texte de la pétition.) « Les nobles de Lausanne ont entendu par leur ambassadeurs la libéralité az eulx faictes par leurs trèsredoubtés et puyssant seignyeur de Berne, lequel bien il ne refusent pas, mays d’ycelluy grandemant les les mmerciez.
» Touttefoys lesdit de Lausanne, voyant laz libéralité de leurs dit seigyeurs de Bernez, ont considéréz, que quant bien il demanderont quelque petite requestez oultre cez que portez ladicte concession, que lesdit de Lausanne ne seront pas répulsé ny regettéz de leurs pétitions.
» Pourquoy, laz out messieurs de Bernez se réservez la dernière appellation, cieulx de Lausanne demandent que touttes les personnes habitans dedans les limites du ballivage de Lausanne, ensemble les troys perroches, sy ont questions, différences et procès en justicez, que les appellations soyent terminées et achevées par devant lesdit de Lausanne. /309/
» Toutteffoys, si aulcum personnage dehors des dictes limites et subiet de nosdit seignyeur ont cause en justicez contre aulcune personnes habitans dedans lesdictes limites, et la question et différence passe oultre troys cens florins, monnoyez de Lausanne, adoncques le condampné par lesdit de Lausanne pourraz appeller par devant le juge député dedans la ville de Lausanne pour la part de nosdit seigyneur de Berne et aut procès et instance dudit appel, out il procéderaz aut mode et manièrez acoustumé par le passéz.
» Oultrez, demandent la perrochiez de Saincte Croys, qui est est à Lausanne, et le challet de Gobet, qui est de la directe de la ville, duquel l’évesque per le passé leur en az faict grande iniustice, et aussy lesdit de Lausanne le passé en ont faict quérimonies per devant nos dit seignyeurs, et aussy demande le moulin dudit Gobet, lequel est obligé ad maintenir les murs de la ville, et az l’ocasion dudit moulin les murs de la villez sont ruynéz et par terre, comment se conste de présent, et ne les sçauroyt on refayre pour quatre cent escuz, desquieulx challet et moulin la ville az droyt en la moytiéz par vendition faictes à laz ville per le frère dudit Gubet, comment avons bonnes informations.
» Et pourcezque la villez n’ast poen de place pour tenir les prisonnier, supplien lesdit de Lausanne nosdit seigyeur de Bernez leur délaissé le château de Sainct Mayre, lequel aussy az estez fondé contre la volunté de laz ville sus leur terres et commun, aut leur laissé l’éveschiez, aut le château d’Ochiez près du lac, avesques le curty adionct, et de ceci lesdit de Lausanne suppliez nos redoubtés seignyeurs trèsaffectueusemant.
» Et finablemant, lesdits nobles de Lausanne, peti et grand conseil, accepte expressémant le dernier articlez contenu aulx articles de la libéralitéz que nosdit seignyeur de Bernez nous ont faicte, lequel article contien comme nos redoubté seignyeurs de Bernez se offront que, quant le cas adviendra que le chapitre et clergiez seront par décès abolli, de non poen oblier lesdit de Lausanne, et en celaz il se confien certainemant lesdit de Lausanne que les mains de nosdit seignyeur ne seront poen serréez à l’avenir en leur demandes et pétitions. » /310/
Response de messeigneurs.
Messeigneurs on respondu, comme eulx on entendu vous recommandations, encemble comme vous avés accepter les articles que messeigneurs vous on oultroyé et la offerte comme vous voz offrés, personne et biens, de toutes vostre puissance à leurs fayre playsir et service, et que vous debés entendre que ausy messeigneurs ce offrez à vous de fayre de mesmes.
Et pource que ha messeigneurs avés donné aulcuns articles plus oultre, eis queux dictes que messeigneurs n’on pas serré leur mains ha vous fayre des biens ad l’advenir, comme yl hon fayt jusques ycy, messeigneurs sus ce on dist que il ne son pas du touz adcemblé pour avoyer advis, mès il assembleront lundi ouz mardi les borgeys, pour adviséz sur toute la mactièrez.
Ausy messeigneurs nous on adverty d’avoyer regard sur nous despence etca. Sambedi XXVIII d’octobre 1536.
Messeigneurs de Lausanne, sy messeigneurs ne nous accorde les articles desus escript, nous nous perforceron de obtenir et fayre de ceste laz charge par vous donnée par articles a monsr le bourgozmaystre le seigneur Jehan Borgeys.
(D’une autre main.) Messeigneurs de Lausanne, messeigneurs de Berne lundy ont commis certain du conseil, avec lesqueulx avons faitz, après grand sermons, arrest, et se sont accorder de vous laissé le moulin de Gubet et le challet, Saincte Croys et laz maison de l’éveschie.
Au dos, de la même main que le dernier alinéa ci-dessus :
Les derniers articles exposés à Berne par les nobles de Lausanne, sambedi XXVIII d’octobre 1536.
XLIX bach pour home et cheval par l’espace de sept jours, et durant les VII jours nous avons esté neuf hommes, et checons jours sept bech.
Die mercuri prima novembris anno 1536 fuerunt expediti litere jurisditionis nobilibus Lausanne per dominos Bernenses. /311/
Somme par homme II Δ et ung bach, valen l’escus XXIIII bach; summa tota XVIII Δ et IX bach.
VII persone extraordinare, summa X bach et demy.
Suma tota XVIII escus et demy.
Item VI g. ou mareschal. Item II testons pour le vin des serviteur.
Item pour ung par de choses (chausses) de laz devise de Lausanne pour le nepveu de nostre hoste de Berne.
(Archives de Lausanne EE, 73. Archives cantonales, Onglets des bailliages, Lausanne A.)
Le résultat de cette ambassade fut, comme on l’a dit, la largition du 1er nov. 1536. En la lisant (M. D. R., VII, pages 768-772), on peut reconnaître combien la députation des Lausannois fut infructueuse. Ils n’obtinrent point la juridiction sur Lavaux, ni le dernier appel; celui-ci fut réduit au chiffre dérisoire de 20 florins. Quant aux biens ecclésiastiques, le conseil de Berne se contenta d’apaiser les réclamations des Lausannois en leur octroyant la vieille masure de l’Evêché, le moulin et le chalet de Gobet et les revenus assez minces de la cure de Sainte-Croix; mais il refusa les châteaux d’Ouchy et de Saint-Maire et ne voulut faire aucune promesse formelle de concessions ultérieures. Ainsi la différence entre la largition projetée le 20 octobre et celle qui fut définitivement accordée le 1er novembre est minime; celle-ci demeurait bien en dessous des demandes des Lausannois et des espérances qu’ils avaient conçues.
Quoi qu’en dise Ruchat, qui écrivait sous les yeux de la censure bernoise, la tradition porte, qu’à son retour l’ambassade lausannoise fut reçue avec une explosion d’indignation; ce ne serait qu’avec beaucoup de peine qu’elle aurait obtenu, le 5 novembre, du conseil des Deux Cents, la ratification de son œuvre. On prétend même que l’article du manual, qui contient un éloge si pompeux des efforts et des succès des ambassadeurs, fut mendié et extorqué; que ceux-ci se firent délivrer des copies authentiques de cette pièce, pour leur décharge, et conservèrent ces copies dans leurs archives de famille, comme sauvegarde de leur honneur. /312/
Depuis ce moment l’assujettissement de Lausanne est consommé. De capitale d’un vaste évêché, de combourgeoise et alliée de Berne, de ville impériale possédant de grandes franchises et une juridiction assez étendue, elle descend au rang de simple chef-lieu d’un bailliage bernois, avec de nombreux privilèges sans doute, mais qu’elle estime être à peine l’ombre de ceux qu’elle a perdus … un peu par sa faute.
/313/
APPENDICE
I
Couvent de Sainte-Marie-Madeleine.
Voyez pages 181 à 190.
A
V., comte de Genève, ratifie la vente d’un chesal, faite par Aymon de Glans aux dominicains de Lausanne.
Anno 1240.
V. Comes gebennensis universis presentes litteras inspecturis rei geste noticiam cum salute. Noverit universitas vestra quod ego de consensu et laude omnium liberorum meorum approbavi venditionem quam fecit Aymo de Glans fratribus ordinis predicatorum Lausannen. de quodam casali sito Lausanne in vico ascendente a foro ad gradus civitatis, juxta casale Uldrici mercerii ab inferiori parte, quod erat de feodo meo. Concessi insuper prefatis fratribus pro remedio anime mee et predecessorum meorum in perpetuam elemosinam duodecim denarios censuales qui michi super casale predictum annis singulis debebantur. In cujus rei testimonium sigillum meum duxi presentibus litteris apponendum.
Datum anno Domini MoCCoXLo.
Fragment de sceau équestre en cire brune. On lit encore en exergue IS †S. /314/
B
Rodolphe et Henri, fils du comte de Genève, ratifient la vente du chesal mentionné dans le document précédent et y ajoutent le don d’un cens de 12 deniers.
1241. 1er avril.
J. divina permissione electus Lausannensis universis presentes litteras inspecturis, rei geste noticiam cum salute. Noveritis quod Rodulfus et Henricus, filii nobilis viri comitis Geben. karissimi consanguinei nostri, in presentia nostra constituti, de consensu nostro laudaverunt et concesserunt fratribus predicatoribus Lausannensibus venditionem cujusdam casalis factam ipsis fratribus ab Aymone de Glans; quod casale situm est Lausanne in vico ascendente a foro ad gradus Beate Marie, inter domum Uldrici Loramus et casale Uldrici mercerii, et inter predictum vicum et terram Bovariorum, et est de feodo quod prefatus comes tenet a nobis. Dederunt etiam predicti Rodulfus et Henricus supradictis fratribus in helemosinam pacifice in perpetuum possidendam XII denarios censuales et quecunque alia sibi debebantur super predictum casale, et promiserunt quod prefatam helemosinam laudari facerent a comite et comitissa parentibus suis et a fratribus suis et a mistrali de Melduno qui tunc temporis prefatum censum habebat titulo pignoris obligatum. In cujus rei testimonium presentes litteras sigilli nostri robore duximus roborandas. Dictus etiam Rodulfus ad maiorem confirmationem sigillum suum fecit apponi. Datum per manum Willermi cantoris Lausannensis chancellarii nostri. Anno Domini MoCCoXLIo. kal. april.
Fragment du sceau de l’évêque Jean en cire rouge. /315/
C
L’évêque et le chapitre donnent 45 livres lausannoises aux frères prêcheurs pour acheter des terrains en Perrabot, sous certaines conditions.
1241. Janvier.
Johannes, permissione divina ecclesie Lausannensis electus humilis, et Cono prepositus, capitulumque ejusdem ecclesie, universis presentes litteras inspecturis, rei geste notitiam. Noveritis quod nos pie et misericorditer moti, in signum familiaritatis et amicitie dedimus fratribus ordinis predicatorum Lausanne commorantibus quadraginta quinque libras Lausannenses, ad emendum quicquid jure hereditario possidebant extra muros ville Wilelma relicta Dalmasii Boverii de Lausanna et filii ejusdem, a strata publica de Perrabot usque ad muros superiores civitatis et viam infra muros ville, decem pedum in latitudine per terram ipsorum quantum ibidem se extendit versus vicum ascendentem a foro ad gradus civitatis. Me preposito omne dominium quod in dicta terra habebam, de consensu capituli nostri Lausannensis libere et in perpetuum dictis fratribus concedente; tali pacto superaddito, quod jam dicti fratres alium tutorem vel advocatum preter prepositum et capitulum Lausann. non poterunt constituere, nec in terra ecclesie nostre sine consensu capituli circa se terminos suos dilatare. Si vero fratres nominatos dictum locum alibi mutare contingeret, vel omnino, quod absit, a villa recedere, quicquid emptum est de supradicta pecunia a nobis eis data, videlicet septem solidi Lausannenses censuales et tota terra quam in predicto loco extra muros supradicti Wilelma et filii ejus in proprio dominio habebant, et via supradicta infra muros, preposito et capitulo Lausann. remaneret. Residuum vero quod ibidem supradicti fratres emerint, soluto fratribus precio quod ipsis constiterit, prepositus et capitulum retinerent, necnon et terram fratribus ibi datam haberent, precium ejus secundum bonorum virorum estimationem fratribus persolventes. Fratres vero de edificiis ibidem ordinatis, suam libere facerent voluntatem. /316/
Nos siquidem, Johannes electus, de assensu capituli nostri Lausann., concessimus predictis fratribus libere et in perpetuum transitum per muros ville bonum et latum, ubicunque posset competentius fieri, secundum eorum voluntatem.
Preterea sepedicti fratres, in signum dilectionis, ad petitionem nostram concesserunt nobis ad sepulturam canonicorum nostrorum in civitate Lausann. sepeliendorum aliquos de fratribus mittere, secundum quod prelato eorum videbitur expedire, quando eis fuerit nuntiatum.
Ut autem hoc ratum et stabile permaneat, nos Johannes electus et Cono prepositus et capitulum Lausannensis ecclesie sigilla nostra presentibus litteris fecimus apponi. Datum per manum Wilelmi cantoris nostri et cancellarii curie Lausannensis, anno Domini MoCCoXL mense januario.
Des trois sceaux pendants en cire rouge attachés par des cordons de soie bleue et blanche, il ne reste qu’un fragment de l’un d’eux, où on lit… VS LAVS.
D
Archives de la ville de Lausanne EE, 902.
9 septembre 1536. (Voyez pag. 187.)
L’inventeyre des biens de laz Marye Magdelleyne des beau père religieulx dudit convent. Premyerement
Vignes. | |
| En Acraz | III poses et demy. |
| En Monbenon | demy pose. |
| En Mornex | II poses. |
| Item, en laz Bastarde | I pose. |
| Item, Ochiez | I pose et demy. |
| Item, en Chamblande | I pose et demy. |
| Item, en Cynalleche | I pose. |
| Item, en Villard laquelle tient Glaude Rolet aut tyer | I pose et demy. |
| Item, à Viveys, que furent au beau père Clavelli | X fosserey. |
| /317/ | |
Censuyt les prés. | |
| En Acraz aut près de la meyson. | I petyjardyn. |
| Item, de dessoubt le chemyn lequel tyent Pierre Pollient | I grand préz. |
| Item, aut prés dessusdict en tyrant à laz grange de Pierre Rusti | I pety préz. |
| Item, au dict lieu lequel tyent Jehan Clerc qui est engaigé de Glaude Meyjoz | I préz. |
| Item, dernyer le convent | I jardyn. |
| Item, dernyer le convent | I curty. |
| Item, sur laz place de laz Magdelleyne lequel tient Jehan Rosche d’amodiation | I curty. |
Censuyt les censes de bléz. | |
| Premyèrement le disme de Villar le terrieor. | |
| Item, laz recepvery | X carts de tout bléz. |
| Item, une grange pour laquelle ung doibt | demy muys de froment. |
| Item, Pierre et Gerard Espinaz et François Pictet | XII coppes de froment pour VIXX flor. |
| Item, à Bussens vers les Ballifz | XII coppes de froment et I chappon et XII sols. |
| Item, Monsr de Gruère | XII coppes de froment de légat. |
| Item, Jaque Perreard de Boloz | VI coppes de froment pour cent florins. |
| Item, Bernard Burchet, Jeham Boverat et George Munerat ces fiances | XII coppes de froment pour VIIxx florins. |
| Item, Benoît Richard | VI coppes de froment pour cent florins. |
| Item, Jehan Passiez | II coppes de froment pour XXIIII florins |
| /318/ | |
| Item, a Sainct Surpys pour dompt Nicolas de Nanto | X carts de froment. |
| Item, les Thomas d’Estanyère | VI cartz de froment I chappon. |
| Item, le gentil de Crissiez | I coppe de froment. |
| Item, Pierre Gret alias Panchaux | I coppe de froment. |
| Item, les Richard de Cossoney | IIII coppes de froment à laz mesure de Cossoney |
| Item, les heretiers de seignior Guille de Bionens | VI coppes de froment à laz mesure de Cossoney pour une foys. |
| Item, a Prevont davaux, perroche de Denisiez, ceulx du four | X cartz de froment. |
Censuyt les censes en argens. | |
| Premyèrement, Glaude Rolet pour saz meyson | XV flor. |
| Item, Glaude Pasquier sur ses vignes de Bonmetaz | VII flor. VI sol. |
| Item, Glaude Visin sur saz meyson | IIII flor. |
| Item, les Grivat de Martherey | III sol. |
| Item, Jehan Collon dessus saz meyson | V flor. |
| Item, Constantini sur saz meyson | VI flor. |
| Item, laz Gantheretaz sur ung champ | XXV sol. |
| Item, les heretiers de Michiez Vaullion sur une possession | VII sol. |
| Item, Regnier Pivard et Soffrey Buet sur leurs meysons | XXX sol. |
| Item, Pierre Rusti pour luy et pour Hugo Vuanyerre | I flor. |
| Item, N. Anthoyne de Gruffiez de sainct Safforins | XXX sol. |
| Item pour le pleyt et pour laz cyre du disme de Villard | VI flor. VII sol. |
| Item, Jaque Vinter sur saz meyson | XIII sol IIII den. |
| /319/ | |
| Item, Jehan et Dominicoz Carrad sur saz meyson | XXV sol. |
| Item, Syboes de dirette sur saz meyson | VI den. |
| Item, les bons varlet de Clément | VIII sol. |
Censuyt les légat. | |
| N. Michiez Joten. | V flor. |
| N. Fran. Rosyn | VIII flor. VI sol. |
| Item, Monsr Glaude Praromant | XXX sol. |
| Item, les heretiers de N. Benoît de Monthey | VII flor. VI sol. |
| Item, Jehan Goudard | V flor. VI sol. |
| Item, Mermet Malliet | XXX sol. |
| Item, Jehan Tapy pour seignior Jehan Laurent | XXX sol. |
| Item, Loys Dyverdon pour innyversayre | X sol. |
| Item, celluy mesme pour Loys Masdy | V flor. |
| Item, celluy mesme pour XII messes | XVIII sol. |
| Item, Estienne et Pierre Menestrey | V flor. |
| Item, Amey Regnaud pour innyversaire | XVIII sol. |
| Item, George du Crest. | VI flor. |
| Item, Vulliemoz Gex | XII sol. |
| Item, seignior Glaudi Gumini pour le légat de saz femme | XII sol. |
| Item, les heretiers de Jehan Geoffrey. | XVI sol. |
| Item, Peter Burgondi | VI sol. |
| Item, Rod. Daux | VI sol VI den. |
| Item, Denys Gruet | III sol. |
| Item, les heretiers de Rolin de laz Molaz | XII sol. |
| Item, les heretiers de Glaude de laz Molaz | XII sol. |
| Item, Peter Clavelli | VI sol. |
| Item, Jaque Langin | III sol. |
| Item, les heretiers de laz femme de meystre Bon | X flor. |
| Item, frère Benoît religieulx de Montheron | X sol. |
| Item, Jaque Malliard heretier de Fran. Favre | X glor. |
| Item, celluy mesme pour innyversayre | XVII sol. |
| /320/ | |
| Item, les heretiers de monsr Anthoyne Pavilliard de Frybourg | V flor. |
| Item, Jehan Chemyn de Cour | II sol. |
| Item, laz dame de Chissiez de Mex | VI sol. |
| Item, messrs de laz clergi de Viveys | XII sol. |
| Item, Jehan Senevey | XII sol. |
| Item, Du Pertuys et Nycod Du Bochet de Mutru | III flor. |
| Item, laz donne Pernete Papanye | XLIII sol. |
| Item, les Papans de Collumbier | XX sol. |
| Item, Papan de Morge | VII sol. |
| Item, Loys Favre alias Bosse, de Pont, perroche de Sainct Martin de Vaux | V flor. |
| Item, Girard Rame de Pullie | VIII sol. |
| Item, les Chevalley de Crissiez | IIII sol. |
| Item, les heretiers de Marcellin de Buloz | XV sol. |
Die sabbati post festum nativitatis Marie Virginis nona mensis septembris anno domini millesimo quingentesimo trigesimo sexto fuit factum inventarium de bonis mobilibus fratrum predicatorum beate Marie Magdalenes Lausanne.
Primo
In magna stupha unum parvum simballum.
Item, duas mensas, unum scannum, unam sedem barbitonsoris et unum buffetum.
In quoquina decem scutellas auriculatas stanni, octo grelet, unum magnum discum stanni, viginti quatuor discos stanni, duas patellas pendentes cupri.
Item, duas patellas frissorias, duos verutos et unum parvum verutum, duo landey, duo quoquipendia.
Item, quinque potos cupri, unum grossum tortorium.
Item, in dispensa duas coquassias, duos potos tenoris cuiuslibet trium potorum et unum potum quarteroni, unum potum tenoris unius potus cum dimidio. Item unum potum et unum dimidium potum pauci valoris.
Item, duas sallerias.
Item, in refectorio plura scanna pauci valoris et duas campanas. /321/
Item, in cellario decem dolia tam bona quam debilia.
Item, duas magnas bossias nemoris.
Item, quatuor tignyez.
Item, in torculari quinque magnas cuvas et unam deschargière.
Item, torculas cum suis pertinentiis.
Item, decem ligones a bect, unum mot, duos pichardos.
Suprascritum inventarium recepit discutus Petrus Menestrey die et anno quibussupra.
Au dos de la même écriture : L’inventeyre de la Magdaleyne.
II
Couvent de Saint-François.
Voyez pag. 178 à 181.
A
Le pape Alexandre IV mande à l’évêque de Lausanne d’aider aux frères mineurs dans leur projet de s’établir dans sa ville.
1256. 23 janvier.
(Archives de Lausanne, EE, 901.)
Alexander episcopus, servus servorum Dei, venerabili fratri … episcopo Lausanensi salutem et apostolicam benedictionem. Sedis apostolice circumspecta benignitas dilectos fratres de ordine minorum et per se ipsam pio favore prosequitur et eis apud alios oportuni favoris impetrare gratiam delectatur; maxime cum iidem fratres pro Christi nomine sub extrema paupertate viventes adhoc habeantur tota mente solliciti quod per ipsorum ministerium salus provenire valeat animarum. Cum itaque quidam ex fratribus ejusdem ordinis provincie Burgundie in civitate /322/ tua locum habere desiderent, in quo divino cultui per eos possit humiliter deserviri, fraternitatem tuam affectuose rogandam duximus et monendam per apostolica tibi scripta firmiter precipiendo mandantes, quatinus circa ipsos pro divina et nostra reverentia interne dirigens benignitatis affectum, eos verbis et operibus honorare studeas, ac etiam super acquirendo loco, apto religioni et ipsorum votis accomodo, tribuas consilium et auxilium oportunum. Ita quod eis gaudentibus te in hac parte sibi repperisse propitium, tibi exinde divine gratie ac nostri favoris proveniat incrementum. Datum Laterani X kal. februarii pontificatus nostri anno tertio.
Sigillum deest.
B
P., sénéchal, donne aux frères mineurs de Bourgogne une terre pour y bâtir une maison et une église.
1258. 4 novembre.
(Archives de Lausanne, Titres de Saint-François, No 1, bis.)
Universis Christi fidelibus ad quos presentes littere pervenerint. Ego Petrus dapifer Lausannensis et Jaqueta uxor mea rei geste noticiam cum salute. Noverit universitas vestra, quod nos per Dei gratiam mentis nostre compotes, scientes et prudentes et spontanei dedimus et damus, pro nobis et pro successoribus nostris, in elemosinam et pro remedio animarum nostrarum libere et absolute, fratris minoribus provincie Burgundie, in perpetuum possidendam, terram nostram sitam extra portam de Condemina, secus muros Lausanne, que terra collateralis est domini Giroldi Joran, ab uno latere, et ès terrauz de Lausanna ab alio; juxta terram Poncete relicte Michaelis Valier a parte posteriori, et stratam publicam qua itur versus Ripam a parte anteriori. Verum cum super dicta terra debeantur octodecem denarii reddi capitulo Lausannensi nomine elemosine annuatim, nos bona fide promittimus dictam elemosinam tali modo eidem capitulo assignare /323/ quod ipsa terra remaneat predictis fratribus a dicta elemosina penitus absoluta. Additum est eciam in dicta donatione quod predicti fratres possint obtinere, nomine emptionis seu donationis vel cujuslibet alius contractus, quaslibet terras vel possessiones confines predicte terre sibi a nobis concesse, licet a nobis moveri dignoscantur, non obstante aliqua contradictione nostra; quia ? si de predictis ipsis fratribus datum seu venditum fuerit aliquid, nos illud approbamus et autorizamus; et concessimus eis quod ipsi in quibuslibet locis nostris habeant et accipiant sibi necessarios ad edificandum ecclesiam et domum suam. Nos autem bona fide promittimus pro nobis et pro successoribus nostris esse guerentes eisdem fratribus de premissis omnibus inperpetuum contra omnes. In cujus rei testimonium, ego dictus dapifer pro me et pro uxore mea predicta sigillum meum apposuit (sic) huic scripto. Datum anno Domini MoCCoLo octavo feria secunda post festum omnium sanctorum.
Sigillum deest.
III
Hôpital de la vierge Marie.
(Voyez page 76.)
L’évêque Guillaume de Champvent règle l’administration de l’hôpital de la Vierge Marie récemment construit.
1282. Novembre.
(Archives de Lausanne. Bulles, Evêques, etc., No 25. Acte original. A 3. Vidimus du 23 juillet 1343.)
Nos Williermus, Dei gratia Lausannensis episcopus, notum facimus universis quod nos, habito tractatu et deliberato consilio ac eciam diffinito cum capitulo nostro Lausanne et de ipsorum concensu, atque eorum expressa voluntate qui ad fundationem et edificationem hospitalis novi Lausanne principaliter de /324/ bonis suis contulerunt, exemimus dictum hospitale a nobis quantum ad legem diocesanam, ita quod nos et successores nostri aut dictum capitulum ab ipso hospitali, rectoribus seu administratoribus ejusdem, nomine cathedratici seu quolibet alio nomine vel ratione aut qualibet occasione, non possimus aliquid petere aut de bonis eius aliquid appropriare aut eciam occupare; immo cedant in usum et sustentationem pauperum ac provisionem infirmorum jacencium in eodem. Retinemus eum tantum nobis et successoribus nostris subjectum quantum ad legem jurisditionis, ut in ipso habeamus correctionem et visitationem et censuram ecclesiasticam in personas eiusdem hospitalis exercere volumus. Ordinantes et concedentes primicerio sacerdoti canonico Lausann., id est, ei canonico qui primo in sacerdotem inter sacerdotes canonicos ordinatus fuerit, sive ejus sacerdocium precesserit canoniam sive subsequatur, quod idem primicerius perpetuo presentare valeat nobis administatorem ydoneum seu procuratorem qui gerere possit et debeat procurare seu administrare negocia et movere causas et actiones prosequi et providere pauperibus dicti hospitalis exigereque possit debita et super hiis transsigere aut amicabiliter componere, duntaxat interveniente consensu primicerii antedicti. Idem autem administrator quater in anno rationem de proventibus et exitibus omnibus adventiciis sive ordinariis seu compotum in capitulo presente supradicto primicerio, si presens fuerit Lausanne dictus primicerius, in quatuor temporibus et de statu toto dicti hospitalis reddere teneatur, vel pluries vel minus secundum quod videbitur expedire; cujus administracio anno expirabit et ultra annum non extendetur, sed lapso anno alius presentabitur vel ipse qui autea ministrabat, et tunc si ydoneus fuerit concedetur ei administracio juxta modum conditiones et formam prenotatos. Si vero minus ydoneum prenotatus primicerius presentaret, eodem presentato reprobato, alium vel alios tociens poterit presentare et variare usquequo suficienter ydoneum representet. In cujus rei testimonium nos et dictum capitulum ad perpetuam rei firmitatem sigilla nostra presentibus litteris duximus apponenda. Datum anno Domini MoCCoLXXXo secundo, mense Novembris. /325/
IV
Mœurs lausannoises entre 1528 et 1534.
(Voyez pag. 133, 139 à 152, 176.)
A
Plaintes de l’évêque et du clergé contre les citoyens de Lausanne.
Archives cantonales fribourgeoises, No 124. Abscheids de Payerne. Cahier de seize pages in-folio, dont les trois dernières sont blanches.
Cette pièce se trouve aussi aux Archives de la ville de Lausanne EE, 688. Elle a été analysée dans Amtliche Sammlung der ältern eidgen. Abschiede, tom. IV, I, C, No 55.
Elle fut déposée à Fribourg avant le 19 avril 1533. (Voyez page 148, note.)
Les euvres de faict commises et perpétréez par aulcuns citoyens et habitans de Lausanne contre l’auctorité et seignorie ensemble la justice de monseigneur, monseigneur de Lausanne, leur seigneur et prince; et mesmement depuis la dernière pronunciacion faicte par messeigneurs des troys villes, Berne, Fribourg et Solleurre.
Premièrement, ilz ont estably ung conseil des soixante et deux cens, pour lesquelz congréger ilz ont imposé de sonner la clouche. Et par cecy ont ousté le pouvoir de plusieurs bourgeoys et habitans de ladite ville, serviteurs tant de mondit seigneur que dou chappitre, de soy trouver audit conseil commun, lequel commun se souloit par avant congréger par voix de crie. Aussi imposé et usurpé noms nouveaulx et non accoustuméz aux officiers de la ville : comme bourguemaystre au lieu des gouverneurs, et davantage boursier et maysonnare, soy veuillant équiparer à mesditz seigneurs des troys villes et aultres, quy sont seigneurs et princes en leurs terres, et non considérantz lesditz citoyens et /326/ habitans qu’il sont nuement subgectz, ce qu’est pareillement contre ladite pronunciacion et aultres jadys fayctz et aussy contre l’auctorité de leur seigneur et prince.
Item, ilz sont venuz en certain nombre devers leurdit seigneur en son chasteau de Sainct Maire luy présumptueusement défendre troys choses, nonobstant que eulx mesmes selon leurs libertéz et franchises n’on poin accoustumé de user icy de défenses.
La première, qu’il ne dheust plus faire tirer de pierre dessoub la place de Montbenon, qu’est ung lieu commun, là où feu monseigneur de Lausanne, son oncle et prédécesseur, l’avoit faict tirer pour commencer le portal de l’église de Nostre Dame, lequel monseigneur de Lausanne moderne continuoit d’achever.
La secunde, qu’il ne dheust tenir que ung cher pour aultant que allors il en avoit deux, dont l’ung servoit pour mener la pierre, chaul, arenne et aultres choses nécessaires à la fabricque dudit portal, et l’aultre estoit ordinayre pour l’usance de sa mayson, ce que ilz ne vouloent permettre ne endurer, comme ilz disoient.
La tierce, qu’il ne permist de laisser ou faire coupper par ces ouvriers du boes aux Raspes, combien qu’il ne fust oncques vehu que ledit seigneur et ces prédécesseurs ne fussent en us d’y faire coupper pour l’affoyage de son hostel; oultre ce que le Jorat est à luy et est participant aux communs.
Item, selon la forme dudit playt général, il n’est licite de prandre nul dedans les maysons, sinon pour les cas contenuz en ladite pronunciacion de Fribourg et mesmement sans les officiers de justice. Ce néanltmoins contre l’auctorité de la seignourie, contrevenantz aussi audit playt général, aulcuns tant banderetz que de conseil et aultres sont entrés de nuyt en certainnes maysons, là où ilz ont prins gens, sans clame et cognoissance, et les ont mené en la mayson de la ville.
Item, lesdits citoyens et habitans de Lausanne ont contrain par menasses et aultres moyens de faire désister ung sien officier, nommé mestraul, de l’exercice de son office et, que pys est, par leur grand présumpcion en ont mis ung aultre, sans à ce jamays en avoir heue, ne à présent avoir, aulcune faculté ne puissance; car la constitucion dudit officier et de tous aultres appertient /327/ nuement au seigneur de Lausanne, tant d’auctorité de droit que de ancienne coustume, sans ce que jamays lesditz citoyens et habitans à ce ayent heu tiltre ne aultre rayson.
Item, lesditz citoyens, persévérantz contre l’auctorité de leur seigneur, ont eslevé et ordonné non seullement ung, mays deux et quelquefoys troys héraulx, comme s’ilz fussent seigneurs et princes, ce que à eulx ne à semblables d’eulx n’appertient, ains est au grant détriment de leur seigneur et contre les ordonnances, sentences et pronunciacions aultreffoys sur ce faictes.
Oultreplus, ilz ont souventefoys présumé de faire pluseurs défenses et commandement de leur part, sans en avoir aulcune puissance.
Item, ilz ont faict pluseurs foys par les rues de la ville aultres cries à son de tabourins, au nom de l’abbé et de ses adhérans, comme seigneurs et princes ont accoustumé de faire.
Item, ledit abbé et ces adhérans ont pris pluseurs actions et querelles, qu’ilz se sont faict remettre à l’une des parties, que ne sçavoit prandre l’aultre par justice.
Item, souventefoys est venu Bachou, quy fait l’office de crie par la ville, de la par dudit abbé commander aux chanoennes, à l’ung puys à l’aultre, que l’abbé vouloit venir disner ou soupper avec luy, ensemble troys ou quatre de ses conseilliers, moennes ou adhérantz, ou pluseurs.
Item, que l’an 1530, au commencement de janvier, aulcuns de Lausanne, armés de touttes pièces et montés à cheval, vindrent ès portes des maysons des chanoennes, l’une après l’aultre, leur faire commandement qu’ilz leur aprestassent à boyre et manger pour lejour des Roys.
Item, l’année devant, le lendemain de Roys, estoent entrés certein nombre de gens de Lausanne qui portoent des bonnés vers (bonnets verts), en la mayson de feu messire de Capella, lequel retournant de l’esglise trouvast son disner et aultres biens mangéz par ses (ces) gens.
Item, l’an 1532, le mois de … aulcuns de Lausanne portarent par la cité deux bastons sur lesquelz ilz pourtoent des bonnés de prestres, et certein nombre de gens alloent après avecq des ballays, que nous appellons remasses, lesquelles ilz /328/ mettoent en la boue et puys d’icelles frappoent lesditz bonnés des prestres.
Item, souventeffoys sont venuz aulcuns de Lausanne par la cité, de nuyt, criant et cornant et hurlant ès portes des chanoennes et aultres prestres et menant tonneaulx, pierres, charrettes et aultres choses par les rues.
Et combien que à chescun sa mayson luy doibt estre seur refuge, et mesmement de nuyt, ce néanltmoins ilz ont rompu et brisé par force et violence les portes des maysons de pluseurs chanoennes de ladite esglise, de nuyt, et sont entré dedans boyre et manger et faire ce que bon leur sembloyt, contre le vouloir desditz chanoennes 1 .
Successivement, une aultre nuyt, eulx passantz devant la mayson d’ung aultre chanoenne de Lausanne, tirarent et gectèrent pierres contre la porte et les fenestres de sa mayson, en telle sorte qu’ilz rompirent touttes les verrières et rames desdites fenestres estantz de la part de celle rue.
Une aultre foys, aussi de nuyt, vindrent rompre la porte de la mayson dudit chanoenne et icelle empourtèrent, parlant réverrentement, aux retraictz de la cité, laissantz ladite mayson ainsin ouverte et esgarée.
Item, le jour de la feste sainct Andrieu, ung gros nombre d’aulcuns desditz citoyens entrèrent en la mayson dudit chanoenne, après lesquelz survindrent pluseurs aultres de leur bende, lesquelz, estantz léans, se saysirent de touttes les clefz des chambres d’icelle mayson et mirent gardes aux portes et détenirent prisonnier ledit chanoenne par troys jours, et ne vouloent permettre qu’il allast nulle part, et là firent grosse chère de ses biens. Et combien que par crainte ledit chanoenne aye surce faict appointement, reste l’auctorité du seigneur blessé. /329/
Item, la dimanche 28 jour de juillet l’an 1527, après disner et aussy après l’assemblée du conseil et du commun, ung nombre de gens vindrent secrètement par divers chemyns prendre quatorze pièces d’artillierie, qu’estoentz à l’esglise ou en la cloistre, des appertenances de ladite esglise, lesquelles pièces estoient audit chappitre, de leurs places.
Tantost après vindrent en la chappelle de sainct Maure, où estoit une arche de noyer ou de chasne, bien ferré, dedans laquelle avoit pluseurs lectres, droictz et tiltres, appertenantz tant audit chappitre que à l’eglise et chappelle susdites. Ilz prirent l’arche avecq ce qu’estoit dedans et l’emportèrent en ladite mayson de la ville, où on l’a veue par pluseurs foys.
Au surplus, lesditz citoyens ont détenu par force le vin dudit chappitre venant de Viveys, pour contraindre ledit chappitre et aultres ecclésiasticques de poyer les retenues de leurs prédecesseurs du longuel, combien qu’ilz ne sont pas héretiers d’eulx, mesmement de messire Michiel de Sainct Cierge. Toutteffoys ilz ne lachèrent point ledit vin jusques à ce que ledit chappitre fust contrainct de remettre ausditz citoyens certainnes lectres de grosses censes qu’ilz leur debvoent, d’argent presté aultreffoys pour les retenues dudit longuel; et de mesmes aussi fust faict à ceulx de la clergie, contre l’auctorité du seigneur, leur prince, et réservacion faicte en leur bourgeoysie.
Aussi, une aultre foys, ilz retinèrent en ladite mayson de ville le blé d’ung chanoenne, pour quelque querelle et action qu’il avoent prinse, faisans acte magistral contre l’auctorité de leur prince.
Quelque foys ilz ont affronté les chanoennes et aultres gens d’esglise ayans chevaulx et monteures et les leur ont démandé à emprompter, avecque menasses envers ceulx quy leur en faysoent reffuz; et les aulcuns chevaulx qui leur ont estéz prestéz, ilz les ont rendu marfonduz et affouléz, et quelcung d’eulx n’a point voulu rendre à ung chanoenne le cheval qu’il luy avoit presté, ayns l’a retenu et vendu, sans luy en vouloir faire amande ne satisfacion.
Et pource que ung chapellein et habitué de l’esglise de /330/ Lausanne ne voulut prester son cheval, ilz rompirent la porte de son estable violentement et prirent sondit cheval, maulgré qu’il en heust, et de là vindrent frapper ung chanoenne en leur ouvrant la porte de son estable pour parler à eulx, et prirent son cheval maulgré luy.
Oultre plus, le jour de la fête sainct Pierre et sainct Paul l’an 1529, ung certain nombre de Lausanne altèrent au Jourat, et de la religion de saincte Katherine ilz dérochèrent, couppèrent et brulèrent les ayes et cises de préz de certainnes personnes, et après misrent le bestial et commun de Lausanne dedans lesditz préz pour y pasturer et paystre.
Delà après, aulcuns d’eulx allèrent à Montprevéroz, en la mayson dou prioré, où il n’avoit parsonne, et rompirent la première porte, après allèrent au cellier et rompirent et misrent en pièces la porte d’icelluy cellier, là où trouvèrent pein, vin, fromage, beurre et aultres choses du vicaire du lieu; ilz beurent et mangèrent tant qu’ilz peurent et davantage, en oultre ilz prirent beurre, fromage et environ 18 ou 19 comme pollailles, chappons et oysons et les emportèrent à Lausanne.
Et pource que allors ilz avoent accoustumé de mander intimer aux chanoennes qu’ilz leur apprestassent à disner ou à soupper pour certein nombre et compagnie d’eulx, et qu’il n’y heust pas faulte à leur retour de Montprevéroz, ils mandèrent à ung chanoenne qu’il leur fist apprester leur soupper en sa mayson, et luy, voiant qu’il n’estoit pas fourny pour tel nombre de gens, fist response et s’excusa, néanltmoins il dist qu’ilz allessent quelque part à la taverne et il poyeroit, ce qu’ilz firent et despendirent dix ou douze florins, lesquelx poya ledit chanoenne.
Après soupper ilz vindrent par la cité faire leurs accoustumées processions et trovèrent ung char de boys ou deux devant la mayson d’ung prestre habitué; ilz prirent ledit boys et l’emportèrent.
Ce estre faict, l’ung de ceulx de celle compagnie s’en retournant passa par sus le cimitère, auquel fust remonstré par quelcung des prebstres qu’estoent là, que c’estoit mal faict de prendre et emporter le boys dou poure chappellain; l’aultre vint à /331/ parolles si deshonnestes et iniurieuses, que à peu tint qu’il n’y heust gros desbat, furent espées tirées par ceulx de Lausanne, et ce voyant le rachette des fourches alla querre sa collovrine et rencontra ceulz qui luy avoent faictes les remonstrances et coucha et desbenda contre eulx, en manière si Dieu n’y heust esté et l’ung d’iceulx ne s’en fust apperceu, il y en heut heu de tiréz.
Item, combien que l’hospital de la cité a esté et est appelé l’hospital de Nostre Dame de Lausanne, quy a touiours accoustumé d’estre gouverné par le procureur et recteur esleu et présenté par ledit chappitre à monseigneur de Lausanne et aussi par le premier ordonné par ledit chappitre, ce néanltmoins lesditz citoyens de Lausanne, après les bourgeoisies faictes, ont déchassé l’hospitallier qui estoit constitué par le dit seigneur et présenté par le chappitre et par voulenté et force y ont mys ung aultre, qui depuys a tenu et occupé ledit hospital, en usurpant audit chappitre la prééminence qu’il doibt avoir audit hospital.
D’aultre part, jaçoyt que ung chanoenne de Lausanne soyt canonicquement institué et pourveu de l’hospital de sainct Johan de Lausanne, quy est à la présentacion de Montjou, ce neanltmoyns ceulx de l’abbaye se sont mys dedans icelluy hospital; quelques lectres et mandement faictz par mondit seigneur de Lausanne et ses officiers aux occupateurs, ilz n’ont jamays voulu permettre ledit chanoenne 1 prendre sa possession.
Item, ilz sont vennz souventeffoys prohiber à Mons l’official de Lausanne de non mettre en exécucion ses sentences données justement et jurisdicquement, et encoures ont défendu aux parties de non mettre en exécucion leurs sentences.
Ilz ont faict pluseurs statuz et constitucions sans l’auctorité de leur seigneur et prince, ce qu’ilz ne peuvent ne doivent faire aussy sans le consentement de chappitre et troys estatz, comme est contenu au playt général.
Ilz déténent par force audit chappitre la mayson de feu messire Jaques de Montfalcon qu’il donna à l’église et audit chappitre pour ces bienfaictz et pour ses anniversaires. /332/
Item, combien que certeins biens de Abicel de Belmont, estans en débat avecque son nepveu, fussent mis en la main de la justice, ce néanltmoins pource que ledit nepveu remist sa querelle ès banderetz et à l’abbaye, ilz allèrent prendre lesditz biens, sans actendre la discussion de la justice, oultre les défenses des officiers, au grant préiudice du poure homme Abicel, qui en est intéressé de bonne somme, ce que est contre l’auctorité de la seigneurie.
Item, vaccant dernièrement ung office de maruglerie ilz pourchassèrent tant envers monsr le trésourier, auquel appertient la collacion des marugliers, de la faire donner à leur appétit, de quoy il leur feict reffuz, pource que desia il l’avoyt conféru à ung aultre homme de bien; ce voyantz, ung certein jour de feste vindrent messire Johan de Sainct Cierge, qu’ilz appellent bourguemaystre, les banderetz, une part du conseil et pluseurs aultres de l’abbaye, en la présence de leur seigneur et prince de tout le chappitre et clére et tout le peuple, devant le grand aultier, et ung jour de dimenche, devant la grant messe, misrent en possession de ladite maruglerie par force ung quy n’y avoit droict ne tiltre, contre l’auctorité de leur seigneur et prince et en icelle mesprisant, contre les prééminences du chappitre et dudit trésourier; et se conste de ce, car celluy qu’ilz misrent en possession depuys est venu en chappitre remettre ladite possession, demandant à Dieu pardon et ès parties blessées 1 .
Item, le 3 jour de septembre l’an 1529, lesditz citoyens de Lausanne /333/ sortirent en armes et bandière eslevée et déploée avec que artillerie et allèrent au village de Crissiez, auquel pluseurs portarent grand perde et dommage, aynsi qu’il se conste par ung role que les poures gens en ont donné au conseil, de quoy toutteffoys ilz n’eurent jamays aulcune restitucion.
Item, aulcuns d’eulx par une dimenche ont fouatté ung poure prestre boiteux et mal aysé de sa personne, sur une luge, par la ville de Lausanne, villainement et détestablement. Et après l’avoer bien fouatté et battu, l’ont mené présenter au borreau, qui se monstra plus discret qu’eulx, et après le laissèrent et remirent devant la mayson dudit borreau, que est ung acte si excécrable et abominable que l’on ne pourroit plus dire, contre l’auctorité de leur seigneur et prince, comme messrs les ambassadeurs de magnifficques et puissantz seigneurs messrs de Fribourg ont vehu et en sont informéz.
Au retour de la guerre d’Ongrie, aulcuns de Lausanne allérent après certains Espaignolz jusques à Sainct Sourpy, et là ilz les détroussèrent, tant de leur or, argent que de robbes, rapières et aultres bagues et biens, dedans l’esglise de Sainct Sourpy, où ilz s’estoent retiréz, sans avoir aulcune révérence ne crainte à Dieu. Ce que sont cas pendables.
Il y a passé ung an que leurdit seigneur feit bailler au conseil de la ville certeins articles concernantz nostre saincte foy catholicque, pour y donner quelque bon ordre, desquelz il n’a jamays peu avoir response. Et à présent lesditz citoyens luy ont mis en avant d’aultres articles, concernantz aultres affaires que de la foy, sur lesquelz ilz veulent avoir response soubdainne et en brief.
Au surplus, le dimenche de la passion dernièrement passée, aulcuns desditz citoyens allèrent de nuyt, à heure suspecte, rompre par force et violence les portes de la mayson d’ung chappelein de l’esglise de Nostre Dame de Lausanne et après entrèrent dedans ladite mayson, tant eulx comme aultres les suyvant, et la firent euvres de faict et pluseurs insolences, et non contentz d’avoir rompu ladite mayson, allèrent aussy rompre les portes de la mesme mayson appertenant à maistre Aymé cousturier, aynsi que encoures l’on peut veoir à présent, et en oultres pour /334/ (par) ladite fraction et ouverture violente furent desroubées au poure prestre, allors absent de Lausanne, pluseurs choses.
Item, celle mesme nuyt, furent prinses presque toutes les ymages de l’esglise parrochialle de Sainct Laurent, dont à l’une d’icelles fust la teste fendue, à l’aultres furent les meins couppées, ensembles pluseurs aultres vitupères, et après, pour plus grande dérision, furent pourtées, mises et laissées ès bourneaulx de la ville, là où on les trouva au matin.
Item, lesditz citoyens de Lausanne ont levé les portes de la Cité, lesquelles estoent là establies pour la garde et asseurance de l’esglise et des gens ecclésiasticques et ce ilz ont faict pour plus facillement avoir accès de jour et de nuyt par ladite Cité, pour faire, ainsi que clèrement ilz s’appart par leurs effaictz, ce qu’est contre l’auctorité du seigneur, auquel appertiennent lesdites portes, et au grand dommage du chappitre et aultres.
Item, recontrèrent ung prestre qui alloit dormir, venant d’une prochainne mayson de chanoenne, lequel ilz battirent et luy ostèrent sa roubbe.
Item, quant Johan Blanchard fust mis en prison du consentement de ceulx du conseil, pour quelque meffayct qu’il avoit perpétré, l’abbé fist sonner le tabourin par la ville et amasser les compagnions, lesquelz vindrent devant l’évesché, usantz de grosses parolles et menasses, entant qu’il faillit quasi par force relascher ledit Johan Blanchard prisonnier.
Item, ont usurpé la jurisdicion de leur seigneur et faict euvre magistalle, car le banderet Fontanne et Dominicque Carrad, le jour de sainct George dernièrement passé, gagèrent Johan de Thallens, cordeannier, d’une pièce laquelle est encores rière eulx.
Item, que lesditz chanoennes et prebstres ont toujour heu pacience de tout, jusque ilz ont actenté à les fouatter par la ville le jour de la saincte dimenche, et que à celle cause les rustres et manovriers, voyans les prestres par les rues et sur les champs, leur crie : « a à la luge et au foet, » en gros vitupère.
Leur dit seigneur et prince veult justifier des articles ce que luy touche et le chappitre et clère avec lui ce que leur touche, et encoures d’aultres articles qu’ilz mettront en avant en temps et lieu, lesquelz ilz laissent pour le présent. /335/
B
Plaintes des citoyens de Lausanne contre l’évêque et le clergé.
Archives cantonales fribourgeoises, No 124. Abscheids de Payerne. Cahier de dix pages in-folio d’une écriture contemporaine 1 .
Analysé dans Amtl. Samml. der ältern Eidgenos. Abschiede, tom. IV, I, C, No 55.)
Ce cahier de doléances fut déposé à Berne le 22 mai 1533. (Voyez pag. 148.)
S’ensuyt les plaintif qui font les nobles et bourgeoys de Lausanne az l’ocation des insolences faictes et perpetréez par mon seigyneur de Lausanne.
Et premièrement, mosieur de Lausanne az défendu aut curés et vicayres et confesseurs qui ne duissent poen absouldrez les pénitans à pasques qui aurion mangé beurrez et fromagez, la karesme, qui est contre Dieu et rayson.
Item mès, ledit seignyeur vne aultre foys absolvi et relaxa tous débiteurs, sans le voloyer et consentement des créditeurs.
Item mès, ledit seignyeur a fayt mettre et élevez vng gibet sus possessions privéez sans le voloyer de tieulx de qui lesdites possessions estoyent et oultre le vouloyer de la communitéz et de la villez, qu’en est blesséez à cause de l’infection et des libertés et franchises.
Aussy en az fayt élevez vng aultre à Sainct simphorin de Cheybres et az fayt fayrez procès, qui est contre les libertés et franchises, et illec a fayt fayrez procès contre la teneur de nostre plaist général, commettant la poynez de la buele impériale.
Item mès, ledit seignyeur est contrevenu à l’ordonnance faictez par les troys estat touchant la monnoye, laquelle debvoyt estre bonne et raysonnablez et proffitable aut pays, laquelle chosse n’et pas trovéez aynsy. /336/
Item mès, que ledit seignyeur à tout grand coup de pierre az enpesché l’officez et criez de la villez de fayre sondit officez.
Item mès, nous pleignons de nostre dit seigneur qui n’ast poent fayt justicez de ses serviteurs qui sont venu de nuyt parmi la villez et on bastu jusques à fin de mort ung burgeoys de Lausanne, de quoyt il n’ast estéz poen fayt de justicez, combien que on l’aye demandéez.
Item, depuys certain temps en saz, fust tuéz ung homme dedans les estuves par les serviteur dudit seignyeur, de qui on ne en az poent fayt de justicez, mays veinrent certain aultres serviteurs dudit seignyeur qui firent barbez a certain nobles et borgeoys de Lausanne qui vouloyent inster contre ledit malfaicteur, et az cause de cez ledit malfaicteur eschappaz.
Item, fust fayt contre mon Révérend seignyeur et messieurs de chapitre et semblablemant la clergiez que nul ecclésiastique ne deu ne ne peut tenir ribaudez en sa mayson, à laquelle chosse, pour plus privéement joyr de leur infames ribaudez, leur ont achetéz des maysons, en disant que ont ne les doybt poent bannir à cause de ce qu’elles sont borgeoysez de nostre dite villez et aynsy faysant il joysez tousiours de leur infames putain.
Item mès, nous pleignons de nostre Révérend seignyeur qui az amenéz ung homme qui s’apelloyt Orliez, lequel estoit murtrier manifest, comment illast esté cognieu et az estéz de fayt par justicez, pourquoyt nous nez sçavons si il l’avoyt fayt venir pour nous fayre déplaysir aut non, plustot l’on pourroyt considéréz que il fust vrayt que aultrement; et de présent il nous demande justicez de quelque petit cas que aucunez gens ont fayt et luy n’ast poen fayt justice d’un murtrier manifest, mays l’a logé par plusieurs jours en sa mayson, en le favorisant et luy faysant playsir et servicez.
Item, nous pleignons de nostre dit seigyneur, qui nous a fayt menasez grosse merveillieusement, en profférant telles parolles : « Coment je ferayt tant que vous et vos enfans et les enfans de vous enfans en plorerez sur vostre genoyl, » et aultres parolles fort malrereuses (sic) et d’aultre grosse menasses.
Item mès, nostre dit seignyeur az menasséz ung prédicant qui est de nos manefiques et radoubtéz seignyeur de Bernez et /337/ prédicant du mandement d’Alioz en la perrochez d’Ormon, disant tieulles aut semblables parolles : « Je le tueréz sy preschez, et en ce faysant je ferayt ung grand bien, car j’aurayt tuéz ung homme hérétiquez et meschant contre la loy de Dieu. »
Item mès, ledit seignyeur nous destruit nos Rappes de Lausanne et dit que il doybt avoyer du boys des dites Rappes pour son fougagez, et sur ce nous trouverons l’usance du contrayrez, comment il sont venu aulcun de ses serviteurs demander du boys des dites Rappes, en demandant licencez à la villez et ly en ont largéz par grasse specialez, comment il se consteraz par lettres une chescune foys.
Item mès, monseignyeur nous occupez ung challet qui est en nos Rappes, qui nous est ung grand dommagez et qui est de nostre dirette, sans rendre le debvoyer et le mettre aussy hors de ces mayns.
Item, fust défayt ung citoen et burgeoys de Lausanne qui s’apelloyt Henri Gubet et, à cause de cez, tien tous les bien qui possédoyt et ne veut poent satisfayre aux créditeurs dudit exéqutéz.
Item mès, nostre dit seignyeur occupe az une femme veufvez son mariagez et son aulmentemant ensemble les hus fruit, et estoyt la dite fenne relayséez dudit Henri Gubet, et selaz nous semble estre contre Dieu et rayson.
Item mès, illostez la part et portion ensemble la légitimez des enfans de Henri Gubet, qui est contre Dieu et rayson et libertés de pays, et aussy la part de Pierre Gubet qui estoyt son frèrez.
Item, ung procureur phiscal de monsieur pour souffrir ung adultèrez manifest illast esté pensionayre de la la somme de deux escuz par ans pour souffrir ledit adultèrez.
Item, par plusieurs foys ont az priéz monseignyeur de fayre estoppéz les fenestres et refayrez les muraillies et la ont dit az chapitre, et de cez n’ast rien estéz fayt, pourquoy illont contrevenu aux estatu, qui est fort dommageable à la communitéz de la villez.
Item mès, ledit seignyeur n’ast pas fayt fayre ce qui se apertien à cause du molin de Gubet, pourquoyt les muraillies de la ville s’ent vont par terrez, aut grand dommage de la communitéz. /338/
Item mès, est venu ung nepveux de monsieur aut milieu de la palu et c’est pris à parolles avecques maystrez Michiez, prédicant aut mandement d’Alioz en Ormon, disant et proférant tieulles parolles, en mettant la mayn a l’espéez et jurant Dieu : « Il n’y a homme en ceste ville qui te puyssez gardéz que je ne te tuez. »
S’ensuyt les complaintes que font les nobles et borgeoys de Lausanne contre messieur les ecclésistiques, qui son for oltragieuse et contre Dieu et rayson.
Et premièremant, se pleignient de se que aulcum gens ecclésiastiquez, tant par leur que par leur complices, ont tuéz aut fayt tuer aulcun de nos comburgeoys, deux pour ung jours, et que ce non obstant que clamez ayez estéz faittez par leur parens et amys desdit occis, ce non obstant la justice n’az poent estéz faittez desdit malfaicteur, et se voyant lesdit parens sont esté contraint d’accordéz az argent pour ledit homicide.
Item en oultre, se plaignient que aulcum desdit prestres ont batu aucum des citoen dedans l’esglisez, az grand copt de poen, ce pendant que l’officez se fasoyt, dequoy n’en az esté fayt ny rayson ni justicez, combien que la chosse fusse assés notayre et manifestez.
Item en oultre, se pleignient que plusieurs desdit prestres sont concubinayrez publique et aussy adultèrez, tenant les femmes mariées, non content de celaz ont retiréz les biens meubles aut mari apartenans.
Item, dient plus oultrez contre lesdit ecclésiastiquez, que ce non obstant qui se diusent désister sur censures ecclésiastiques de leur concubines et adultères, az sesdictes monition se sont opposé, disant que nostre Révérend seignyeur n’avoyt poent d’auctoritéz desus eulx de les pouvoyer admonestéz ny excommuniéz, et sy ne ce sont opposé ont suffert la sentencez d’excommuniemant, laquelle illont soustenu longtemps et soustiennent tousiours, pourquoyt l’on peut entendre le bon voloyer qui l’ont envers Dieu et le mondez.
Item, dient que lesdit ecclésiastiquez se sont iniuriéz et batu /339/ dedans l’esglisez par plusieurs foy, dequoy n’ast poent esté faicte de pugnycion.
Item, dient que aulcum d’eux ont esté longtemps excommuniéz et sont encorez az Lausanne, d’aulcum borgeoys de Lausanne pour aulcum debtez à leur deu, et pour ce non poent laissé ny ne layssent az chanter messez.
Item, dient plus oultrez que lesdit ecclésiastiquez ont estéz trouvéz de nuyt en habit disimuléz portant espéez nuez, plumast et aultres chosses semblables.
Item plus oultre, sont venu plusieurs foys en la villez de jour assaillir et vouloyer batre des borgeoys de la villez le jour du marché, menant leur complices pour cela fayrez, duquel az estéz demandé justicez et non poent faicte.
Item, aulcun d’eux ont pris par forcez et subornement en la ville des servantes et petites fillies quérant l’ausmonez, et les vyoler en leur mayson, dequoyt il n’ast poen estéz faicte de justicez.
Item, dient plus oultre, aucun vicayre ont refuséz de baillier le jours de pasques corpus domini, les faysant lever de la tablez, disant tieulles parolles : « Tu ne mangeras pas le bon Jésus que tu n’aye poyéz ton resat. »
Item, aulcum d’eux chanoynes ce sont trouvéz espéez nuez tout en porpoent en ung fourt pour une femme lubriquez et mariéez.
Item mès, dient que aucun des chanoynes sont venu en l’esglisez des cordeliez pour avoyer une putain, menassant celluy la qui l’avoyt en gettant pierrez contre ledit cordeliez qui la gardoyt, et pource que ne la peut avoyer, deueni foz, courant les rues.
Item, aulcum religieux ont pris une ymagez de leur églisez et l’ont gettéz az terrez en faysant son infamitéz desus, pource que à celle causez peussent diffaméz aulcun des burgeoys.
Item, aulcum vicayres et curés ont vendu la sepulturez, faysant refus de les enterréz qui ne poyassent ladite sepulturez.
Item mès, quant la ville les ont priéz de porter la procession pour la disspoticion du temps en ont fayt aulcunement refus, se on ne leur fasoyt guerdon.
Item plus, aulcun seignyeur d’églisez ont fayt enterré secrètement de nuyt vne filliez abilléez en homme par malicez, et ne sçayt ont de quellez mort elle est mortez. /340/
Item plus, durant le temps de peste sont trespasés plusieurs personnes sans confession et sacrement par le défault des curés et vicayres, qui ont refuséz dy alléz et pourvoyer à celaz, qui est contre Dieu et rayson.
Item plus oultre, dient que lesdit ecclésiastiques sont joyeurs publiques et blasphémateurs par malicez, en disant et révélant les confession, disant « Je t’ay confessé, je scayt bien quel homme tu es. »
Item, en sonnant le conseil de la villez, aulcun des habituez ont dit per dérision : « Ont sonnéz le sermon. »
Item, aulcun chanoynes ont menasséz et batu les religieuses de Ballevaulx, dequoyt n’ast poent esté faictez de justicez ny de rayson.
Item, aulcun ecclésistiquez à cieulx qui allèrent aut servicez de messieurs ont dit : « Ja Dieu ne vuyllyez que jamays en torne poen » et ont pareilliemant dit que cieulx de la villez aurion du fuet tout aut long devant troys ans.
Item, aulcun ecclésiastiquez se trouvèrent aux estuves aut temps que l’on disoyt que la ville debvoyt parillier et que toutes gens se mettoyent en bonne disspoticion pour fayre la procession, lesdit ecclésistique se mocquaren d’eux en prenant vne toyllez de marchant et firent vng confanon et s’en allèrent, criant parmi la villez en dérision : Sancta Colletta, sancta Mermeta et aultres senblables nons, comment le non de touttes leur putain, qui est contre Dieu et rayson, dequoy n’ast esté poen fayt de justicez, et fasoyent ces chosses à la minuit.
Item, lesdit ecclésiastiques une foys en faisant leur festes, qui est le premier jour de l’an, venirent certain prestres en faysant le folz, batirent ung pouvre homme, et son voysin le vouloyt secourir, mays il fus trèsbien batu, et de ce n’en est poent heu faictez de justicez.
Item mès, nous pleignons d’aulcun prestres qui sub l’onbre de bonne foys il reçoyvent les testament et se sont donner et léguer biens et mettent aux testament plusieurs faulcetéz, pourquoyt nous disons qui ne doyvent poent recepvoyer lettres ny aultres instrumens et ne doybvent fayre aultre chossez synon prier Dieu, car pour cez fayre il sont diuvemant rentéz. /341/
Item mès, veniront certain officiéz de monsieur et ont assignéz ung burgeoys de Lausanne az heure non acoustuméez et ont raportéz la dite assignation, tant qui l’ont pris ledit nostre burgeoys contumax, et à cause de cez l’ont enprisonnéz et encarcéréz sans cause ny demande, qui est contre nos libertés et franchises de nostre dite villez.
Item mès, nous pleignons de aulcun prestres qui az fayt vne méchansetez az ung pouvre chapuys, luy disant : « Fayt moy vne mayson et je te donrayt ung tant. » Le bon homme, se confiant qui fust homme de bien, luy fist son cas bien et diuvemant, et quant illut parfayt l’ouvragez, illuy demanda son poyemant et ledit prestres luy refusa en le faysant playdoyer; certains temps après le pouvre homme feut allaz vers monsieur l’officiaulx disant : « Monsieur, je vous priez qui vous playsez me fayre briefvez justicez » et ledit officiau luy resspondi : « Illast grand tort de toy, mays vien t’en ung de ces jours et je donrayt sentense contre luy. » Sur cez le prestre fust adverti que l’on donrayt sentencez contre luy, il pris ung gras beuf et en fit ung présent a monsieur l’officiau, et ledit officiau pri le beuf et condempnaz le pouvre homme, qui est contre Dieu et rayson.
Item mès, nous pleignons de aulcun prestres qui ont tout plain d’enfans et ne leur ministre poent leur viez, mays les envoyez aut portes des bonne gens.
Item se grousent de certaynes nouvelles exaction faictes par le jugez ecclésiastiquez, pource que illexigen le ceau des contumantez ? et de cest de cieulx qui les font célez, qui ne fut jamays vieu et celaz az estéz fayt depuys que les excommunications ont estéz ostéez du pays de Vaulx, pour mieulx chargez le citoens et les subiet de la terrez, qui est contre touttes libertés et franchises.
Item mès, messeignyeurs de l’églisez, comment messieurs de chapitrez et messieurs de la clergiez, ont fayt portes, fenestres, collices et aultre grand pertuys en la murailliez, qui nous porte ung grand dommagez et grand préiudicez.
Item mès, de ce que monsieur le ballif aut son lieutenant, ung personnagez convenu par devant sa court pour ban d’estatu et de vyolencez estoyt en cause en la dite cor du ballif à l’instance /342/ du seignyeur et de la villez et de la partiez provéez par cognoysancez fust adiugé d’estre détenu, l’ont layssez aller aut grand dommage de la villez et de la dictez partiez, sans en fayre diligencez ny poursuytez, non obstant qu’il len ayez esté requis.
Item mès, nous pleignons d’aulcum chanoynes qui nous gasten nostre bordeau de la villez, car illy en y az qui le tiennent en leur maysons privéement pour tous venans.
Item mès, messeignyeurs de chapitre ont gouvernéz le grand hospital de Lausanne, aut quel hosspital ont tollu et ostéz de annuelle et perpetuellez censez seize coppe et ung bichet de froment, certayne cantitéz de vin, certaynes quantitéz de payns, de unze a douze livre d’argent, lesquieulles chosses n’on poen poyéz par l’espasse de quatrevint ans, et se sont fayt poyéz par les hosspitaliéz plusieurs censes et n’ont poen volu rabatre à l’ospital. Don ledit hosspital en est fort dommagéz.
Item mès, les prestres de l’esglisez de Lausanne ont tollu et ostéz vne vigniez à l’osspital qui estoyt pour pourvoyer et fayres aulmones aux pouvres, pourquoyt nous cognoysons que n’ont poent de charitéz envers Dieu, c’est cez qui nous irritez fort contre eulx, comment et la rayson le veult.
Item mès, nous pleignons de messieurs les ecclésiastiques qui ne veulent que deux fiancéz en mariagez se puysse conioendre ensemblez depuys quinse jours après chalande jusque après pasques, se il ne font lettres impétratives vers le seignyeur, en luy poyant argent, semblablement à son celioz et à ces clert.
Item, que nostre dit seignyeur az les droyt et information, comment les deux villages de Mont prevéroz et de Corselles sont du resort de Lausanne et en la aulte juridicion de l’esglisez, lesqueulx illast refuséz de bailléz et aydé la villez, qui est aut grand préiudicez de la ville et de l’esglisez.
Item, les officiéz de monsieur ont pris certaynes personnes pour debtes az heure prohibéez, contre les franchises, en commettant poynez.
Item, le dit seignyeur a fayt fayre criez par son officiéz le blez en Lausanne, pour la part de monsieur le duc de Savoyez, qui est contre lesdites et franchises et auctoritéz des seignyeurs de l’esglisez. /343/
Item, combien que par le statu passé soyt ordonné de non poent fayrez inybition pour les ban de statu, que ce non obstant lesdit officier de monsieur le passent.
Item, lesdit officiez ont pris et condempnéz aut fisque ung borgeoys, de quoyt illen az apelléz et aut temps de suyvre son appellation l’ont repris et composé, qui est contre les libertés et franchises, en commettant la poynez.
Item, que les serviteur dudit seignyeur font plusieurs insolencez de nuyt parmy la villez en dérision du guet et officier de la villez.
Item, ledit seignyeur az demandé de pouvoyer prendre la nuyt ès mayson les personnages adiugéz, lesquieulx l’on voyt aller parmi la ville tous les jours et les peuvent prendre, laquellez chosse il ne font poent, pourquoy il nous semble quy l’ayez cela demandé pour soyt ampliéz sur nos libertés et non poen pour fayre justicez.
Item mès, messieurs de chapitre et messieurs de la clergiez ont fayt séremens à la ville d’estre unis avec eulx et illont fayt le contrayrez et ont contrevenu à leur séremens.
Item mès, messieurs de chapitre tous en général ont soustenu long temps ung homme nommé le Merloz, lequel az estéz favoriséz d’eulx et az fayt beaucop de mal et l’ont portéz et fayt tirer hors de prison, en après luy ont bailliéz des gens pour luy ayder az rompre la mayson de Johan Guilliet et taillier arbres et arrachés vignies, et jamays ne volurent fayre justicez, duquel mal messieurs les anbassadeurs de Fribour l’ont vieu et sçavent comment illen vaz.
Item mès, nostre révérend seignyeur donna illyaz environ IIII aut cinq ans des pardons pour pouvoyer mangé beurre et fromagez, moennant que l’on donnast de l’argent pour refayre saincte Katherinez du Jorat, laquelle n’ast poen estéz refaictez combien que on en ayez donné grand argent pour ladite refaction.
Item, fust tuéz ung prestre de Lausanne hors la villez et le seignyeur ne az poen fayt de justicez, mays az composé lesdit malfaicteurs az argent et leur a fayt leur pardonance.
Item, ung prestre de Lausanne frappit vne femme grossez du /344/ piez aut ventre, et la pouvre femme fit l’enfant devant son termez et moru sans batesmez et poen de justicez faictez.
Item, il sont plusieurs curéz aut vicayres qui demande des chosses qui dient qu’on leur doybt et ne veulent poen informéz comment on le doybt.
Item mès, unt prestres que ont apelloyt don Arbin portoyt des faulces bulles, où estoyt contenu comment illasolvoyt de plusieurs énormes cas, de qui n’ast poent esté fayt de justicez, synon la ransonéz et le composé pour argent, combien que leussez déservi la mort la plus cruelle que l’on sçauroyt direz.
Item, monsieur ludoen [le doyen] Joham Musard est excommuniéz à l’instancez de l’osspitalier et n’en az poen fayt de semblant à ses paques et est escommuniéz àcause de ce qui last achetéz vne mayson à sa putain aut près de l’esglisez, qui doybt audit hospital XX soz de censez tous les ans.
Item, que monseignyeur quant illast sentu quelque bruyt s’en est alléz hors de Lausanne et ses gens sont alléz à l’encontre de messieurs et ne povons entendre pourquoyt il fayt celaz synon par inimitiéz.
Item, quant quelcun se donne à sainct Francoys aut à laz Madelaignez, les vicayres les veulent avoyer par forcez aut il fault que l’on leur poyez ledit enterrement, combien qui ne soyt pas enterréz en la perrochez.
Item mès, quand il se font prestres il jurent et promettent ès mains de l’esvesque de luy obéir et de tenir l’ordre de sainct Pierrez, lesquelles chosses il ne font poen.
Item, que aulcum prestres amenèrent une dimenchez, depuys ung moys en saz, ung chair de vin, voyant tout le mondez, que fust une grande commosion aut peuplez et grande erreur.
Item mès, venit ung homme à Lausanne qui avoyt saz première femme esposéez qui vivoyt et depuys n’ast deiaz heu deux aultres et dernièremant venit à Lausanne et en print encor une aultrez, et devant qui l’esposat il venit à noticez az ung homme de bien qui défendit aut vicayrez qui ne les esposat pas, car illavoyt la sienne première de qui illavoyt de baux enfans, le vicayre luy respondi, que se illuy en venoyt trente tous les jours illes esposerayt, et cela se proveraz per gens de foys. /345/
C
Attentats contre deux étrangers.
(Archives cantonales fribourgeoises. Abscheids de Payerne, No 124.)
On a vu les plaintes du clergé sur les insultes et les attaques de tout genre dont il était l’objet de la part des Lausannois. Un récit tiré d’un autre document montre que probablement il n’y a aucune exagération dans ces doléances. Il faut croire, pour l’honneur de Lausanne, que ces scènes sauvages n’étaient le fait que d’une bande forcenée de mauvais sujets qui terrorisaient la ville et défiaient les tribunaux. Du reste, on sait que, dans l’acte de combourgeoisie qu’elles conclurent avec Lausanne en 1525, les villes de Berne et de Fribourg avaient introduit une clause spéciale au sujet des malfaiteurs qui affluaient de tous côtés à Lausanne, comme en un lieu d’asile.
Voici ce qui s’y passa en 1534.
Le dimanche 28 juin, entre neuf et dix heures du soir, Noble Henri Salhbroch, de Haimbroch, passant près de l’église de Saint-Paul à la Cité, fut insulté et attaqué subitement par une trentaine d’individus qui se ruèrent sur lui avec des paroles injurieuses, criant : Tue ! tue ! et l’assassinèrent à coup d’épées et de pierres. La victime reçut une sépulture honorable dans l’église de Saint-Maire par l’ordre et aux frais de l’évêque Sébastien de Montfalcon.
Un parent de l’homme assassiné, nommé Noble Jean Luchtemaiter, de Haimbroch, porta plainte devant le bailli de l’évêque, juge pour les causes criminelles, contre les spadassins dont la plupart lui étaient inconnus, mais parmi lesquels il put reconnaitre Blaise Forney, dit Pernaud, Georges Pernaud, son frère, les deux Claude Tivel, l’aîné et le cadet, les deux frères Mermet et Pierre Botollier 1 . Or, comme il se rendait le vendredi 3 juillet, à l’heure de vêpres, accompagné de son valet Georges /346/ Hagen, à la cour du bailli pour obtenir justice des meurtriers, Georges Hagen fut attaqué sur le cimetière de la cathédrale par les complices et amis des coupables, frappé et battu de telle façon, que si quelques ecclésiastiques qui se trouvaient là ne l’avaient entraîné dans l’église, il eût été tué. Jean Luchtemaiter fut poursuivi par une foule menaçante. Ne voyant pas revenir son valet, le croyant tué, craignant ces malfaiteurs, voyant que, soit les officiers de l’évêque, soit les membres du conseil étaient impuissants à résister à cette faction turbulente, pensant que s’il poursuivait sa cause il serait assassiné, il préféra se désister de sa plainte et avoir la vie sauve. Mais il demanda un acte notarié de ce désistement et de ses causes, ce qui lui fut accordé le 5 juillet sous le sceau épiscopal.
Les villes combourgeoises firent sans doute des observations au conseil de Lausanne sur les mœurs de ses administrés; c’est peut-être en réponse à un blâme que le conseil de Fribourg reçut la lettre hypocrite que voici : « Magnificques, trèspuissans et redoubtés seigneurs, grand amys et trèschiers combourgeoys, à vous bonnes graces nous noz recomandons.
» Magnifiques seigneurs, nous avons veu ce que vous a pleu noz rescripre, vous remarcians de trèsbon cueur de vostre bon advertissement. Néanmoins sommes ceulx que ne vouldrions aucunemant contrevenir que raison et justice ne se fasse des délinquant, cellon nous libertés et franchises. Auci ne vouldrions aulcunement fayre chose que fu contre l’auctorité et prééminences de nostre révérend seigneur de Lausanne, mes à celluy voullons obéir comme raisons le porte et à sa justice, et ne désirons aultres choses que de bien vivre avec sa seygneurie. Non autre, sinon que vous plaise toujour nous avoir pour recomander comme vous bons amys et combourgeoys; et à tant prions le Rédempteur que vous magnifiques seygneurie vulliez préserver en augmentacions de tous vous bons désir.
» De Lausanne ce XVIe de juillet mille VcXXX4. Par vous bons amys et trèschiers combourgeois.
» Le bourgozmaistre et conseil de Lausanne. » /347/
Suscription : Aulx magnifiques trèspuissans et redoubtés seigneurs, monseigneur l’advoyé et conseil de Fribourg, nous bons grand amys et trèschiers combourgeoys.
Ce récit est tiré d’un acte notarié en latin, copié de la main de Krummenstoll, secrétaire de Fribourg. La lettre du conseil de Lausanne est la missive originale, scellée du sceau de Lausanne plaqué.
V
Inventaire du mobilier du château de Saint-Maire au 1er avril 1536.
(Voyez pag. 244.)
(Archives de la ville de Lausanne EE, 693.)
Cet inventaire ne contient évidemment qu’une partie du mobilier qui devait se trouver au château avant la fuite de l’évêque. Le reste a-t-il été sauvé par les gens de l’évêque, ou pillé après le départ de Sébastien de Montfalcon ? C’est ce qu’on ne sait pas.
Die prima apprilis anno Domini millesimo quingentesimo trigesimo sexto, in castro Sancti Marii Laus. recepta sunt mobilia sequentia.
Et primo, In cubiculo Reverendissimi Domini.
Unus lectus, una culcitra, unum pulvinal, unum copertorium de tapissery, unum celum ipsius lecti sargie nigre cum pendentibus.
Item, una anfora tenoris unius poti cum dimidio vel circa.
Item, unus alius lectus, unacum una culcitra, uno copertorio pauci valoris.
Item, una mensa nucis, unacum uno tapisserio desuper.
Item, duo scanna, item unus buffetus, item una archa ad modum unius couffroz. /348/
Item, una alia anfora tenoris unius poti cum dimidio vel circa.
Item, unus porpitrez, item una sedes galice jayeryz 1 .
Item, unum parvum scabellum nucis.
Item, unus parvus potus stanni tenoris unius poti vel circa, à bec.
Item, unus buffetus pauci valoris sapini, appellatus ratelly.
In stupha.
Una magna mensa nucis de duabus partibus, cum duobus trabichetis nucis et uno scanno et una sede magna de minusery.
Item, circumcirca stupham scanna de minusery.
In quoquina.
Primo, duodecim discos et tres scutelle plactez stanni et unam auriculatam.
Item, unum magnum discum stanni.
Item, duo morteys lapidis.
Item, due patelle frissorie 2 , due cassie, unus potus cupri.
Item, duo larderia 3 , item due grillie.
In aula.
Tres mense et quatuor trabichetos, item duo scanna.
In aula superiori.
Et primo, una culcitra, in quadam forma lecti uno pulvinali.
Item, una alia forma lecti cum uno copertorio pauci valoris, unacum celo sargie cum certa tapissery sargie rubee circumcirca.
Item, una mensa cum uno tapisserio diversi coloris et uno scanno.
Item, unum buffetum ferratum sine clave.
Item, una mensa quadrata pauci valoris.
In quadam camera juxta.
Et primo, una forma lecti.
Item, due mense. /349/
Item, unum celum lecti sergie diversi coloris cum pendentibus pauci valoris.
In quadam alia camera.
Et primo, duo buffeta clausa.
Item, duo landey ferri coperta lothoni.
Item, una mensa unacum uno scanno.
Item, una forma lecti decant ? minusie cum uno linteamine et uno copertorio de fautroz rubeo.
Item una sedes, item una forma lecti pauci valoris, unacum una culcitra et quodam parvo pulvinali et uno linteamine.
In quadam alia camera superiori a parte platee.
Tres forme lecti, due culcitre.
Item, unum celum de tappy; item, retro unam formam predictarum trium, unum pendentem sargie diversi coloris.
Item, duo trabicheta et una mensa sapini.
Item, una parva mensa quadrata.
Item, unum rosarium.
In quadam camera rotonda.
Una forma lecti reffecta cum una culcitra, uno pulvinali, uno oreliez, uno linteamine et uno copertorio panni grisei et una cutrepoentyz.
Primo, tres arche clause.
In furno.
Una calderia continens tres setulas.
In penu.
Viginti unum dolia magna vini.
Item, quinque parva dolia vini.
Item, tres bossie magne, de quibus est una que est duntaxat per medium vino repleta.
In stabulo.
Quatuor equi currus cum curru garnito, quorum unus est pillorum rubeorum, duo pillorum nigrorum et alius pilorum alborum. /350/
In rippa Ochiaci in parvo citurno.
Et primo, quatuor dolia nova repleta vino albo.
Item, unum parvum dolium tenoris sex sextariorum vini albi; bercliares de orto.
Item, una fusta dolii nova, tenoris unius currus.
In grangia sive collumberia.
De feno circa quatuor currus, item certa quantitas calcis fundite.
Item, infra castrum, de fimo equorum circa duodecim currus.
Pro duplo inventarii P. Wavre 1 .
Je Sebastien Nägellin, je recehuz le contenuz de lesd. inventoyre de commisse de laz ville de Losanne. Sebastien Nägellin.