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Mémoires et documents de la Société d’histoire de la Suisse romande

Edition numérique

Arnold MOREL-FATIO

Histoire monétaire de Lausanne
(1394 à 1476)
Fragment

Dans MDR, 1879, tome XXXIV, pp. 361-464

© 2024 Société d’histoire de la Suisse romande

/361/

HISTOIRE MONÉTAIRE DE LAUSANNE

(1394 à 1476)

FRAGMENT

PAR A. MOREL-FATIO

 


 

Plusieurs années se sont écoulées depuis que j’ai entrepris d’écrire l’histoire monétaire de Lausanne. En abordant ce travail, je ne me faisais pas illusion sur les difficultés qui m’attendaient. L’absence de documents spéciaux m’était connue aussi bien que la rareté du numéraire épiscopal, mais j’étais soutenu par l’espoir que de nouvelles recherches dans nos archives cantonales et municipales me feraient découvrir quelque pièce inédite concernant le monnayage de l’évêché; j’osais compter aussi, mais moins sûrement, sur les fréquentes découvertes qui se font dans notre canton et dans les contrées avoisinantes.

La première de ces chances, bien que secondée par le concours dévoué de M. l’archiviste Aimon de Crousaz, n’a pas donné tout ce que d’abord elle avait semblé promettre, cependant je lui dois quelques renseignements profitables et je me fais un devoir d’exprimer ici à M. l’archiviste cantonal toute ma gratitude pour son utile coopération.

A l’étranger, quelques personnes ont bien voulu seconder mes investigations; je citerai au premier rang mon excellent ami M. de Saulcy, membre de l’Institut de France, qui, en étudiant les volumineuses archives de la Cour des /362/ Monnaies, a pris la peine de noter, à mon intention, toutes les mentions directes ou indirectes relatives à l’atelier de Lausanne.

La moindre de mes espérances, l’éventualité des découvertes monétaires, s’est réalisée, au contraire, avec un succès inattendu.

Indépendamment de quelques petites aubaines plus ou moins productives, quatre grandes trouvailles sont venues enrichir le médaillier cantonal et apporter à la numismatique lausannoise des notions appréciables. A Ferreyres, un petit trésor enfoui au XIIe siècle a été recueilli par les soins de M. le professeur Carrard; à Rumilly, en Savoie, c’est une précieuse découverte de plus de trois cents monnaies de nos évêques, gracieusement communiquée par M. L. Revon, conservateur du musée d’Annecy; puis Meillerie nous livre, par l’intermédiaire généreux de M. l’abbé Falconnet, une immense réunion de pièces épiscopales appartenant à la première moitié du XVe siècle; enfin, M. le syndic Jayet, à Moudon, réunit en faveur du musée cantonal les pièces éparses d’un dépôt confié à la terre au lendemain de la bataille de Morat.

Ces dons multipliés, et j’omets à regret d’en citer une quantité d’autres moins importants, en dotant le médaillier cantonal d’une foule d’exemplaires variés et de quelques types inédits, y ont accumulé les témoignages palpables de l’activité monétaire à Lausanne. Leur affluence aujourd’hui m’aide et m’encourage, malgré la privation de documents écrits, à en retracer l’histoire.

 


 

/363/

GUILLAUME DE MENTHONAY

1394-1406

G. de Menthonay succéda, en 1394, à Guy de Prangins. Il ne paraît pas avoir émis de monnaies pendant les deux premières années de son épiscopat.

En 1396 seulement, il prend pour maître de sa monnaie Jean de Canturio, de Milan, et fait avec celui-ci une convention dont les termes attestent l’entier développement de la réforme commencée par son prédécesseur, et aussi un nouvel affaiblissement de la monnaie lausannoise.

Voici, en substance, le contenu de cette pièce importante que M. l’archiviste Aimon de Crousaz a bien voulu me communiquer et dont on trouvera plus loin le texte intégral. (Voy. Pièces justificatives, No 1.)

Jean de Canturio dirigera la monnaie pendant une année; il devra frapper les pièces suivantes :

Ecus d’or à 23 12 carats de fin, et de 61 pièces au marc. Poids, 4 gr. 0123.

Gros à 10 deniers de fin, de 100 p. au marc. Poids, 2 gr. 4475. /364/

Demi-gros à 6 deniers de fin, 123 au marc. Poids, 1 gr. 9898.

Deniers à 2 deniers de fin, 307 au marc. Poids, 0 gr. 7972.

Oboles à 1 denier 12 grains de fin, 444 au marc. Poids, 0 gr. 551.

Il n’est pas sans intérêt de rapprocher de ces monnaies lausannoises les analogues frappées, peu d’années auparavant, par Amédée VII de Savoie. (Ordonn. du 23 février 1391.)

Ecu d’or de 61 au marc. C’est le même poids, mais le titre, un peu plus élevé, est de 23 34 carats.

Gros de Savoie, 96 pièces au marc et aussi d’un titre supérieur, à 11 deniers.

Demi-gros à 111 pièces au marc et à 6 deniers 12 grains.

Denier blanc, 294 pièces au marc et à 2 den. 12 gr. en loi.

Ce sont, on le voit, les mêmes monnaies mentionnées de part et d’autre, à l’exception toutefois de l’obole, qui ne se trouve pas portée dans l’ordonnance savoyarde; seulement la monnaie de Savoie apparaît déjà plus forte en poids et en titre. La différence n’est pas grande à cette date, mais elle ira chaque jour en augmentant et nous verrons, sous le successeur de Guillaume de Menthonay, cet état de choses s’aggraver et provoquer de la part des habitants du diocèse des réclamations légitimes et finalement victorieuses.

L’écu d’or fabriqué par Jean de Canturio ne nous est pas parvenu; ce devait être une belle et forte monnaie, frappée sans doute en petite quantité; il est à craindre qu’elle ait complétement disparu dans le creuset des billonneurs dont l’activité, à cette époque, nécessita plus /365/ d’une fois de sévères mais impuissantes répressions 1.

Le gros et l’obole ont eu le même sort que l’écu d’or; ni l’un ni l’autre ne sont connus. Le gros était d’assez bon titre pour être fondu avec avantage à de certains moments; quant à l’obole, protégée contre ce péril par sa faible valeur intrinsèque, elle a disparu par le fait d’une plus fréquente circulation et de sa ténuité.

On ne possède, de l’émission de Jean de Canturio, que les monnaies suivantes :

PlANCHE I, N<sup>o</sup> 1

GVILL. EPS LAUSAN. L’évêque, de face et assis, bénissant de la droite et tenant dans la gauche la crosse épiscopale; devant lui un écusson à ses armes. (De gueules au sautoir d’argent accompagné de quatre coquilles du même.)

Rev. † SITo NOMENo DNI o BENEDITVN. Croix entre quatre arceaux; à leur jonction quatre coquilles (armes de Menthonay) cantonnent la croix. En dehors des /366/ arceaux, quatre petites rosettes à cinq pétales.

(Pièce assez commune.) Demi-gros. Poids, 1 gr. 75. Musée cantonal.

Le poids de cet exemplaire est un peu faible, mais il en existe d’autres dont la moyenne est d’environ 1 gr. 85. La belle collection de M. Im-Hoof-Blumer, à Winterthur, en possède un de 1 gr. 88, avec la variante :

† SIT : NONEN : DN etc. On a plusieurs variétés de coin du demi-gros de Menthonay; sur la plus accusée, les coquilles de pèlerin sont placées en dehors des arceaux et cette fois ce sont les quatre petites roses qui cantonnent la croix.

PlANCHE I, N<sup>o</sup> 2

† SEDES : LAVSANE. Temple surmonté d’une boule (souvent noyée dans le grénetis). La croix placée avant le mot CIVITAS est disposée de manière à correspondre au sommet du temple. Au-dessous de ce dernier, trois annelets.

Rev. † CIVITAS LAVSANE : Croix cantonnée d’un annelet et d’un signe ressemblant à deux chevrons très allongés, placés l’un dans l’autre 1. Sur cet exemplaire l’annelet /367/ est dans le quatrième canton, l’autre signe dans le premier. (Exemplaire fleur de coin, pièce commune.) Denier. Poids, 0 gr. 68. Musée cantonal.

Ce denier provient de la très nombreuse trouvaille de Meillerie, qui contenait aussi toutes les variétés suivantes, sans parler de quelques autres qui méritent moins encore d’être rapportées ici.
- Un denier avec CIVITAS LASEANE.
- Un autre avec CIVITAS LAVSANE, sur les deux côtés de la pièce. Il existe trois variétés de ce type; leur poids est de 70 à 75 centigrammes. Belle conservation.
L’essai a donné pour ces deniers un titre de 175 millièmes de fin, soit 2 deniers 1/2 grains.
- Autre variété. SEDES, etc. Rev. CIVTAS LAVSANE.
- Autre avec CIVITAS A LAVSANE ou LAVSAE. Le titre de cette variété est de 160 millièmes de fin, soit 1 denier 22 grains.

Toutes ces variantes se compliquent encore par la manière dont les deux signes dont j’ai parlé plus haut cantonnent la croix. Il serait puéril d’entrer dans ces détails s’ils ne témoignaient pas, dans leur ensemble, de la prodigieuse fécondité de l’atelier de Lausanne pendant les douze années de l’épiscopat de Guillaume de Menthonay.

Il existe aussi une série de deniers dont l’attribution à cet évêque est peut-être sujette à contestation et que je vais décrire. Ces deniers offrent tous les caractères de ceux qui précèdent et ne s’en distinguent que par deux particularités. Le mot habituel LAVSANE est remplacé par la forme insolite LOSINI. /368/

Puis, par une altération évidemment préméditée, le caractère F remplace partout la lettre E.

PlANCHE I, N<sup>o</sup> 3

† SFDFS LAVSANF :

Rev. CIVITAS LOSINI :

Mêmes types que ci -dessus. Denier. Musée cantonal.

Le poids de cette monnaie est des plus variés. Quatre exemplaires du musée cantonal donnent, malgré leur belle conservation, les pesées suivantes : 0 gr. 48; 0 gr. 70; 0 gr. 80; 1 gr. 03.

— Une variété a une petite étoile après le mot LOSINI.

Cette variété a donné à l’essai 174 millièmes de fin, soit au titre de 2 deniers, 14 gr.

L’emploi de la lettre F pour E ne doit pas être imputé à l’impéritie du graveur des coins épiscopaux. C’est une altération volontaire, c’est le fait d’une habitude particulière à l’atelier de Lausanne, habitude que j’ai déjà signalée en publiant les monnaies de Gui de Prangins et dont plus d’un exemple se présentera encore par la suite. Il m’est démontré que ces altérations et modifications jouent sur la monnaie de Lausanne, au moins depuis la fin du quatorzième siècle, le rôle de points secrets, de différents monétaires, etc., et qu’elles ont servi à distinguer les unes des autres les émissions de pièces de même nature.

Depuis longtemps, en Savoie, les maîtres de la monnaie étaient tenus de placer sur leurs fabrications un signe convenu, tenu secret pour le public, mais consigné dans les lettres patentes du prince, à l’effet d’attester l’origine du numéraire et par suite la responsabilité de son auteur. /369/ Ce signe, qui affecte les formes les plus variées, une étoile, un point, une croix, une fleur, indiquait la fabrication générale du maître de la monnaie pendant toute la durée de son contrat; pour distinguer les diverses émissions de la même espèce de monnaie pendant cette maîtrise, on avait de plus recours à une autre notation, celle du point secret, petit point placé, à chaque émission et d’un façon variable, sous une certaine lettre de la légende et qui en devenait ainsi la caractéristique.

Ces précautions, si nécessaires pour assurer le contrôle de la fabrication des monnaies, ne paraissent pas avoir été prises à Lausanne tout d’abord et surtout de la même façon. Ce n’est guère que vers le milieu du XVe siècle que nous y verrons apparaître sur la monnaie la marque du maître; jusque-là l’atelier épiscopal ne différencie ses émissions qu’au moyen des lettres modifiées et, par exception aussi, à l’aide de quelques rares points secrets.

Sous G. de Prangins la légende de sesen porte RNDICTV au lieu de BNDICTV.

Sous G. de Menthonay tous les deniers avec le mot LAVSANE ont, sans exception, la lettre S retournée, et quand sur les deniers à la forme LOSINI la lettre E se trouve par ordre changée en F et devenir le signe particulier de cette émission, nous voyons l’altération désormais inutile de l’S disparaître et cette lettre reprendre sa forme normale.

Je vois d’ici sourire, à la lecture de ces minuties, les personnes à qui les observations numismatiques ne sont pas familières, mais le dénûment de nos archives monétaires, en nous privant des renseignements les plus importants, me fait un devoir de ne négliger aucun indice, /370/ aucune donnée concernant le difficile travail que j’ai entrepris.

Je ne sais si le denier à la légende LOSINI fait partie des émissions de Jean de Canturio; j’en doute très fort et serais tenté de le classer parmi les dernières fabrications du règne de G. de Menthonay, si ce n’est même dans celles de son successeur G. de Challant. J’aurai à revenir là-dessus; mais le doute n’est pas permis à l’égard de la monnaie suivante, qui ne se rapporte, comme poids et titre, à aucune des prescriptions de l’ordonnance de 1396.

PlANCHE I, N<sup>o</sup> 4

GVILL EPS LAVSAN. L’évêque debout, à mi-corps, bénissant de la droite et tenant de la gauche une crosse.
Au commencement de la légende une coquille dite de pèlerin. (Pièce du blason de l’évêque.)

Rev. SIT NOMEN DNI BENEDITUM. Croix égale cantonnée de quatre coquilles.

(Pièce unique et inédite.) Trésel. Poids, 1 gr. 38. Musée cantonal.

Il est difficile de donner un nom à cette précieuse monnaie. Suivant toutes les apparences, c’est un trésel ou pièce de trois deniers. L’ordonnance de 1396 n’en mentionne pas et nous avons là la preuve que J. de Canturio eut au moins un successeur à Lausanne. Cette pièce très bien conservée, trop faible pour être un demi-gros, trop forte et surtout trop élevée de titre pour être un fort ou pièce de un denier et demi, a fait partie de la riche collection de de M. le landamman Lohner, de Thoune.

Jean de Canturio rendit ses comptes à l’expiration de l’année stipulée; il doit les avoir rendus d’une façon satisfaisante, car il resta dans le pays et s’y fixa pendant longtemps /371/ avec sa famille, que l’on retrouve plus tard en Valais.

Le 17 octobre 1397, Guillaume de Menthonay donne la tour de Gourze en fief noble à Jean de Canturio. (Ruchat, Monn. de Lausanne, ms., pag. 69.)

On possède un acte de 1464 (du mercredi avant la St-Jean) qui mentionne un « abergement fait par la ville de Lausanne a Jehan de Canturio, alias de la monnoye, » d’une place et mas de terre situés auprès de la tour de St-François, près du faubourg du Chêne, sous la cense de 11 sols 6 deniers.

Ce Jehan, dont il est ici question, ne peut être le monnayeur de Guillaume de Menthonay, c’est sans doute son fils.

On a aussi, à la date du 17 août 1396, une confirmation des privilèges et franchises des gens de la monnaie 1 ; on remarquera que cette confirmation est postérieure à la nomination de J. de Canturio. (Voy. Pièces justificatives, No II.)

Les registres des Parlements des monnoyers nous renseignent sur plusieurs points qui intéressent la monnaie de Lausanne. « En 1397, Etienne de Villette y est délégué comme procureur pour les ouvriers et monnoiers de l’évêché.

» Item Jean de Canchurie de Millan, maître de la monnoie de Lausanne a été reçeu à monioier par la grâce que lui avait fait l’évêque de Lausanne. Item, Francequin de Capriata, de Lausanne, fils de Jen Venturini de Capriata, /372/ de Lausanne, ouvrier fait et créé par cressance, a été conformé. » (Sic.)

Ceci est extrait d’un travail publié par M. A. Perrin dans la Revue savoisienne de 1870. L’auteur ajoute :

« Nous n’avons pas trouvé d’indication de l’époque à laquelle la monnaie de Lausanne fut admise dans l’association du serment de l’empire. On peut supposer que ce fut peu avant le parlement de 1397, puisque le maître de cette monnaie, ainsi que le fils d’un ouvrier de Lausanne, y sont reçus dans l’association par grâce et créance du Prince-Evêque. Les ouvriers et monnayeurs qui déléguèrent un procureur à ce parlement appartenaient sans doute au serment d’empire avant de travailler à Lausanne, la plupart d’entre eux sont en effet de payscompris dans l’association. »

Francisquin de Capriata, nommé d’Egabria sur le registre des monnoyers, tom. 1, fol. 98 A et seqq., possédait à Lausanne une maison qu’il vendit en 1405. Les registres de la ville, en mentionnant ce fait, l’appellent Francisquin de Cavriat, monetarius. Il vivait encore en 1415.

Pierre Francisquin de Cabria, son fils, fut prieur de la ville basse de Lausanne, en 1457. (Conf. Ern. Chavannes, Comptes de la Ville inf. de Lausanne, pag. 91.)

 


 

/373/

PIÈCES JUSTIFICATIVES

 

I

Convention de Guillaume de Menthonay, évêque de Lausanne, avec son maître de monnaies, Jean de Quanturio, du 29 mars 1396.

In Nomine Domini, Amen. Per hoc presens publicum Instrumentum Cunctis appareat evidenter, Quod Anno a nativitate eiusdem domini millesimo Trecentesimo nonagesimo sexto, Indicione quarta, Die vero mensis marcii vicesima nona, Pontificatus sanctissimi in Christo patris et domini nostri domini Benedicti diuina prouidencia pape decimi tercii Anno Secundo, In mei notarii publici et Tertium Infrascriptorum ad hoc specialiter vocatorum et rogatorum presencia personaliter constituti Reuerendus in Christo pater et dominus Dominus Guillermus de Menthonay, miseracione diuina Lausanensis Episcopus, habito prius prout asserit consilio et matura deliberacione cum Canonicis et civibus Lausanensibus, ex vna parte; Et magister Johannes de Quanturio, de Mediolano, monetarius pro cudenda moneta prefati domini Episcopi, ex altera : Idem vero dominus episcopus concessit /374/ dicto magistro Johanni monetam suam cudendam vsque ad vnum annum nunc incipientem et continue futurum tantummodo et non vltra in modum et formam inferius ordinatos et declaratos : In Primis videlicet dictus magister Johannes monetarius facere debet et cudere Scutum quemlibet aureum cum Armis predicti domini episcopi ad viginti tres quaratos cum dimidio in lege auri fini et de sexaginta vno pro marca de Troys in pondere, cum octauo vnius quarati de Remedio in lege et de duodecim granis de Remedio in pondere, et tenetur dictus magister Johannes dare mercatoribus sexaginta vnum scutum pro qualibet marca Auri fini et accipere dictus dominus episcopus pro dominio duodecim solidos, habebunt que cursum dicti scuti quilibet pro viginti solidis. Item pronominatus magister facere debet et cudere Grossos ad decem denarios legis Argenti Regis in lege et de octo solidis et quatuor denariis in pondere pro Marca de Troys, ad tres granos plus uel minus in lege de Remedio et ad dimidium denarium grossum de remedio in pondere pro marca. Et recipiet dictus dominus episcopus pro dominio duos grossos pro marca. Ac eciam tenetur dictus magister dare mercatoribus pro qualibet marca Argenti regis Centum et tresdecim solidos et habebunt cursum dicti grossi quilibet pro duodecim denariis vel viginti solidis pro scuto. Item dictus monetarius magis facere et cudere tenetur medios grossos ad sex denarios in lege Argenti regis et de decem solidis et tribus denariis in pondere pro marca de Troys, ad tres granos plus uel minus de remedio in lege et ad vnum denarium (denarium) dimidium grossum plus uel minus de Remedio in pondere, Recipiet que dictus dominus episcopus pro dominio vnum grossum pro marca, et tenetur magister predictus dare mercatoribus pro qualibet marca Argenti regis Centum et tresdecim solidos, et habebunt cursum dicti medii grossi quilibet pro sex denariis. Rursus dictus monetarius facere tenetur et cudere denarios ad duos denarios et sex granos Argenti regis /375/ in lege et ad viginti quinque solidos et septem denariis in pondere pro marca de Troys et habebunt de remedio in lege tres granos magis uel minus et in pondere quatuor denarios magis uel minus pro marca, et Recipiet prefatus dominus episcopus pro dominio sex denarios pro marca, dabitque predictus monetarius mercatoribus pro qualibet marca argenti Regis centum et tresdecim solidos, et habebunt cursum quilibet pro vno denario et duodecim pro vno solido. Preterea dictus magister tenetur facere et cudere Obolos ad vnum denarium et duodecim granos Argenti regis in lege et de triginta septem solidis in pondere pro marca de Troys ad tres granos magis uel minus de remedio in lege et ad octo obolos magis uel minus de remedio in pondere pro marca et recipiet prefatus dominus episcopus pro dominio sex denarios pro qualibet marca, teneturque magister prenominatus pro qualibet marca Argenti Regis dare mercatoribus centum et tresdecim solidos ut supra. Et est factum et conventum Inter prefatum dominum Episcopum et magistrum Johannem monetarium predictum, quod omnia Remedia tam Auri quam Argenti in pondere et in lege in casu quo Reperiatur quando exagantur monete existantes in pisside apposite per custodem monete fiet, quod illa Remedia monetarum predictarum sint dicto domino episcopo quiete et pure, et teneatur idem magister illa Remedia dicto domino episcopo restituere. Item ordinatum est, quod de dictis scutis et grossis ac dimidiis grossis, quod custos dicte monete ponat in pisside de quibuslibet decem marchis vnam peciam tam auri quam argenti, et de maioribus magis et de minoribus minus ad valorem. Insuper est ordinatum, quod de denariis et obolis predictus custos monete ponat in pisside pro quibuslibet quinque marchis denariorum unum denarium et de quinque marchis obolorum vnum obolum, et de maioribus magis et de minoribus minus. Adhuc ordinatum est quod in dicta pisside sint /376/ tres claues, Quarum prefatus dominus episcopus habeat vnam, dictus monetarius aliam et custos predictus reliquam, Pretera inter Reuerendum in Christo patrem et dominum Lausanensem Episcopum predictum Et prefatum magistrum Actum, pactum, conuentum est et ordinatum, quod facta dicta moneta per dictum magistrum Custos monete aut specialis nuncius ipsius domini episcopi super hoc deputandus debet ipsam monetam examinare et probare quociescunque placuerit dicto domino episcopo, et si dicta moneta bona Reperiatur in lege et in pondere prout supra ordinatum est et declaratum, dictus dominus episcopus debet et tenetur eandem monetam a prefato magistro recipere, et si forte dicta moneta non esset legis et ponderis ac ordinacionis predicte, Idem magister tenetur ipsam monetam refundere et cudere ut sit sufficiens suis expensis et missionibus. Item debet dictus dominus episcopus dicto magistro suis expensis ministrare domum. Item ordinatum est quod custos predictus per dominum episcopum constitutus debet recipere super jure magistri predicti pro qualibet marca vnum denarium. Item adhuc ordinatum est, quod quando magister tradet les verges monete operariis et leffion monetariis, dictus custos monete sit presens cum dicto magistro tam in tradendo quam in recipiendo. Rursus factum est et ordinatum quod quando moneta erit facta monetarius tradat et eam expediat dicto custodi monete ad examinandum eam et hoc priusquam tradatur predicto magistro monete. Insuper ordinatum est, quod fiat vna Arca in qua sint due claves, quarum idem magister vnam habeat et dictus custos aliam, in qua arca custodiatur argentum et Aurum mercatorum et aliorum quorumcunque ut unicuique quod suum restituatur. Amplius ordinatum est, quod operarii et monetarius predicti non debeant nec possint capere seu petere eorum salarium seu mercedem nisi de moneta perfecte fabricata. Item vltra premissa ordinatum est, quod dictus magister /377/ Johannes reddere tenetur dicto domino episcopo, canonicis, clericis et burgensibus Lausane conmorantibus pro qualibet marca Auri Sexaginta et vnum scutos et pro qualibet marca Argenti regis Centum et tresdecim solidos, Ita tamen quod supradicti non possint emere Argentum, Iterum ordinatum est, quod fiant duo libri papirei, quorum habeat vnum custos monete predicte et dictus magister alium, in quibus scribatur tota moneta quam dictus magister cudet. Item vult prefatus dominus episcopus, quod dictus magister Johannes et sui familiares habeant omnia preuilegia et libertates quas habere debent et hactenus habuerunt monetarii Lausanenses. Predicta vero omnia et singula prout superius sunt expressa et narrata promisit dictus magister Johannes juramento suo ad sacrosancta dei euuangelia proposita in manu dicti domini episcopi corporaliter et flexis genibus prestito, et sub expressa obligacione omnium et singulorum bonorum suorum mobilium et Immobilium presencium et futurorum quorumcunque, prefatam monetam modo, forma et condicionibus superius expressis et adnotatis bene et legaliter cudere, Ac omnia et singula superius enarrata et sibi exposita firmiter actendere, complere et Inviolabiter obseruare et non contra facere uel venire per se uel per alium aliqualiter in futurum. Et ad predicta fienda complendaque melius et firmius Actendenda dictus magister Johannes de Quanturio monetarius plurius nominatus submisit se et bona sua omnia et singula Juridicioni, copercioni, potestati et compulsioni curie domini auditoris camere apostolice parui Sigilli, Montispessullani et omnium ac singularum aliarum curiarum tam ecclesiasticarum quam secularium. De quibus omnibus et singulis supradictis Dominus Episcopus et magister Johannes predicti pecierunt a me notario publico infrascripto sibi fieri publicum Instrumentum vna cum appensione Sigillorum dicti domini episcopi et curie officialatus Lausanensis, Acta fuerunt Lausane /378/ in Aula domus Episcopalis predicti domini episcopi, Anno, Indicione, mense, die et pontificatu quibus supra, Testibus ibidem presentibus, videlicet nobili viro domino Rodulpho de Langino, milite, bailliuo Lausanensi, domino Rodulpho de Bora, canonico Lausanensi, domine Aymone de Tanigio, licenciato in legibus, officiali curie Lausanensis Hanrico de Anassiaco, Berangerio de Loriaco, domicellis, Dompno Francisco curato de Belfol, Girardo de Alpibus ([Daux]), Johanne Rauerat, et Petro de Petra, clericis cum pluribus aliis fide dignis ad premissa vocatis specialiter et rogatis.

Ego vero Johannes Droullerii, clericus Meldensis (de Meaux) diocesis, publicus auctoritate Imperiali notarius Curieque officialatus Lausannensis Juratus, predictis omnibus et singulis dum sic fierent et agerentur, vna cum prenominatis. Testibus interfui, presens Instrumentum recepi et in hanc publicam formam redegi manuque mea propria scripsi et Signo mea consueto Signaui, vna cum appensione Sigillorum predictorum in testimonium omnium et singulorum premissorum Requisitus specialiter et vocatus.

Duplicatum est presens instrumentum.

(Archiv. cant., Titres du bailliage de Lausanne, No 2573.)

 

II

Nos Guillermus miseracione divina Episcopus Lausannensis Notum facimus universis presentibus et futuris quod nos visis et examinatis diligenter et mature exemplis sive auctenticis publicis litteris libertatum privilegiorum immunitatum et franchesiarum indultarum et concessarum magistris operariis et monetariis Regni Francie et comitatus Sabaudie per /379/ inclite recordationis serenissimos Reges Francorum et Illustres Principes Dominos Sabaudie Comites nominatos in licteris auctenticis et exemplis inde confectis presentibus annexis nobis oblatis pro parte operariorum et monetariorum in eisdem licteris contentorum supplicantium nobis et humiliter requirentium ut consimiles libertates et consimilia privilegia gratias immunitates et franchesias eisdem concedere dignaremus.

Nos attendentes et in nostre mentis consideratione revolventes firmam probitatem et veram legalitatem quibus ipsi operarii et monetarii cura eorum artis officium ac exercicium Illique apud nos fideli testimonio commendantur considerantes et grata obsequia nobis per eos fideliter impensa volentes ipsos favoribus exequi graciosis ipsorum supplicationi benigniter inclinati consimiles et consimilia libertates gracias franchesias privilegia et immunitates per prefatos recolende memorie Serenissimos Dominos Reges Francorum et Illustres Principes Dominos Sabaudie Comites Magistris operariis et monetariis suis ut premittitur concessas et concessa de quibus in dictis exemplis et auctenticis mentio habetur specialis et expressa et prout in eis seriosius describitur quas et hic pro expressis haberi volumus et habemus magistris operariis et monetariis predictis presentibus et futuris qui de sacramento artis et officii dictarum monetarum presentium et futurarum sunt et erunt infra civitatem nostram Lausannam et ecclesie nostre Lausannensis Baroniam et Districtum operantibus et non operantibus eorumque uxoribus et familie et ipsorum cuilibet.

Nos Episcopus prefatus ex certa nostra sciencia animoque benevolo et deliberato pro nobis et successoribus nostris effectualiter concedimus et liberaliter elargimus per presentes universis et singulis Baillivo, Senescallo, Majori, Salterio, Mistralibus, Castellanis aliisque officiariis nostris et Ecclesie nostre /380/ Lausannensis ac locatenentibus eorumdem nec non vassalibus, nobilibus, fidelibus et subditis nostris et nostre dicte Ecclesie Lausannensis aliisque quibuscunque infra Baroniam, Districtum nostros predictas jurisdiciones exercentibus presentibus et futuris seu eorum vices gerentibus harum litterarum … injungentes et expresse mandantes quatenus ipsas libertates gracias franchesias privilegia et immunitates predictis Magistris operariis et monetariis nostrarum monetarum Lausannensium de sacramento artis et officii ipsarum nostrarum monetarum presentibus et futuris nunc et in futurum existentibus ipsorumque uxoribus et familie et, cuilibet ipsorum teneant et attendant firmiter et observent tenerique actendi et observari inviolabiliter ab omnibus faciant integriter et perfecte nihil que in contrarium faciant, dicant, vel opponant dici, fierique aut opponi per quemquam quomodolibet patientur, quin ymo ipsis libertatibus, graciis, franchesiis, privilegiis et immunitatibus ipsos Magistros operarios et monetarios monetarum nostrorum predictarum presentes et futuros ipsasque uxores et familiam et quemlibet ipsorum quos eorumdemque et cujuslibet ipsorum res et bona quecunque in nostra et nostrorum protectione salvagardia et conductu recepimus et recipimus, tenemus pariter et habemus, receptosque teneri et haberi ex nunc et in posterum volumus per presenti uti et gaudere faciant et permittant sine corruptione aliqua pacifice et quiete omni contradicione et opposicione cessante prout et quemadmodum ceteri Magistri, operarii et monetarii in Imperio et Regno Francie operantes et non operantes utuntur et gaudent, utique soliti sunt simul et gaudere. In quorum omnium robur et testimonium presentes litteras fieri fecimus et Sigilli nostri impressione muniri. Datum Lausanne die xvij Mensis augusti anno Domini millesimo CCCo nonagesimo sexto.

 


 

/381/

GUILLAUME DE CHALLANT

1406-1431


Les améliorations apportées à la monnaie par Guillaume de Menthonay furent de courte durée. Guillaume de Challant lui succède, confirme les priviléges des monnayeurs en (nov… ?) 1408, et dès lors l’atelier de Lausanne retourne à ses anciens errements, à la fabrication d’un numéraire de bas aloi.

La teneur même de cette confirmation octroyée en faveur des anciens monnayeurs et aussi d’autres plus récents, « per nos de novo creatorum, » montre qu’à cette date le nouvel évêque avait déjà constitué, peut-être même commencé, son monnayage. (Conf. Pièces justificatives, No 1.)

Je dis peut-être, parce que, à l’exception d’un acte relatif aux sesens fabriqués en 1417, 1418, on ne possède aucun document sur les émissions monétaires de Guillaume de Challant.

Elles doivent avoir été fort abondantes si l’on en juge par la fréquence avec laquelle on rencontre encore aujourd’hui certains sesens, tresels et deniers de cet évêque. /382/

Quant à leur titre, il est généralement médiocre, cela est bien facile à constater; l’histoire est là, d’ailleurs, pour en donner de nombreux témoignages; elle dit à plusieurs reprises le mécontentement des sujets de l’évêque, les plaintes du diocèse et les représentations formulées par les principales villes du Pays de Vaud à l’effet d’obtenir le renforcement de la monnaie épiscopale. (Pièces justificatives, No II.)

Ces griefs n’étaient que trop fondés au moment où Guillaume de Challant prenait possession de l’évêché, la monnaie de Savoie se trouvait relativement faible, mais depuis cette époque de constants efforts l’avaient de jour en jour améliorée. Une lacune, de 1406 à 1418, dans les lettres patentes des princes de Savoie et dans les comptes de leurs maîtres des monnaies, empêche de suivre pas à pas cette progression ascendante. Mais il suffit d’en comparer les deux termes extrêmes, 1405 et 1421, pour se rendre compte de l’amélioration produite. (Voy. Pièces justificatives, No V 1.)

Or, pendant ce temps, la monnaie de Lausanne était restée stationnaire et les gens du diocèse ayant entre les mains un numéraire de plus en plus inférieur à celui des états voisins, il en résultait de graves difficultés; ils pouvaient craindre, par exemple, et cela eut lieu, de le voir défendu en Savoie.

L’évêque contraint, à la longue, de donner satisfaction /383/ à des réclamations aussi légitimes que méconnues, opéra vers 1420 une réforme dans sa monnaie : il en éleva le titre de manière à ce qu’elle se rapprochât surtout de celle de Savoie, pays avec lequel ses sujets étaient en contact journalier.

Les émissions opérées pendant le long règne de Guillaume de Challant se divisent donc naturellement en deux catégories distinctes : celle de la monnaie faible, soit de 1406 à 1420, et celle de la monnaie renforcée, qui, depuis cette dernière date, prend dans les anciens actes le nom de monnaie nouvelle, par opposition à l’autre qualifiée ancienne et aussi petite monnaie 1.

C’est ici qu’il nous faudrait le secours des documents authentiques sur la monnaie de Lausanne pour distinguer ces deux sortes d’émissions; mais ils font défaut, je l’ai dit, et par malheur le peu de détails qu’on rencontre parfois à ce sujet dans les anciens textes est inintelligible ou sans utilité. Il y règne une confusion constante entre l’ancienne et la nouvelle monnaie, et les équipolences y sont données en espèces trop vaguement désignées, comme, par exemple, en écus d’or, florins ou ducats, sans nommer le pays auquel elles appartiennent et par conséquent sans préciser ces points de comparaison.

Les comptes du trésorier fribourgeois Heintzli Bonvoisin nous donnent cependant, et par exception, une indication précieuse sur quelques points.

D’abord sur le rapport existant entre la monnaie ancienne et la nouvelle : il l’établit d’après une série d’essais /384/ comme étant de 30 à 17, c’est-à-dire que 30 gros de vieille monnaie égalent 17 gros de la nouvelle, proportion considérable qui montre toute l’importance de la réforme monétaire de 1420. (Pièces justificatives, No IV.)

Dans ce document, que j’emprunte encore au Recueil diplomatique de Fribourg, on ne trouve que la détermination du gros ancien et nouveau, suivie des mots :
« Item les demi-gros de Lausanne.
Item les quarts de L. »
Qu’il ne faut pas prendre au pied de la lettre en ce qui concerne le poids et le titre. Il ne s’agit ici que de la valeur relative des anciens avec les nouveaux. Le titre de ces monnaies divisionnaires, demi-gros, quarts, etc., ne peut avoir été le même que celui du gros, ce serait un fait anormal; nous avons d’ailleurs des preuves matérielles du contraire.

Si le trésorier fribourgeois est muet sur la valeur des sesens et des quarts nouveaux, il est plus explicite sur le titre et sur le poids du gros de nouvelle monnaie et des anciens sesens. D’après son dire 17 gros nouvelle monnaie pesaient 1 once et un quart et tenaient de fin un huitain et demi-quart de huitain (un gros et un huitième de gros), ce qui, ramené à nos valeurs modernes, donne, pour le poids des 17 gros, 38 gr. 24, dont 34 gr. 892 de fin, soit pour chaque gros de nouvelle monnaie 2 gr. 25 en poids, et comme titre un peu plus de 11 deniers de fin.

Ce sont, à peu près, les poids et titre du gros de Savoie mentionnés par les lettres patentes d’Amédée VIII, le 28 février 1420. Le poids est identique, 108 pièces au marc, le /385/ titre savoyard est légèrement plus élevé, 11 deniers et 12 grains.

De cette parité dans le gros des deux pays on peut raisonnablement conclure que les divisions de cette pièce étaient réglées à Lausanne sur le même pied que leurs analogues de Savoie.

Quant au sesen ancien, Bonvoisin dit que 30 gros de cette monnaie, c’est-à-dire 60 pièces d’anciens demi-gros, pesaient 4 onces et tenaient de fin 1 once. Ils étaient donc au titre de 3 deniers.

Le poids calculé à 4 onces ou 122 gr. 36 pour 60 sesens donne pour chacune de ces pièces 2 gr. 04 environ, soit une taille à 10 sols ou 120 pièces par marc 1. C’est à une bagatelle près la taille que nous verrons plus loin pratiquée pour les sesens de la fabrication de 1417, 1418, par Johannot de Canturio, c’est le poids de toute la première catégorie monétaire de Guillaume de Challant et en même temps celui de la monnaie de Savoie en 1405.

Le titre, il faut l’avouer, est très inférieur; Lausanne n’accuse que 3 deniers, tandis qu’en Savoie il était déjà, à l’époque que je viens d’indiquer, de 6 deniers 12 grains. Cet écart dans la valeur intrinsèque n’infirme pas nos évaluations la monnaie de Lausanne était de mauvais aloi avant la réforme de 1420, et l’évêque, conservant les apparences extérieures, le poids dans ses monnaies, ne livrait en réalité à ses sujets qu’une monnaie fort basse et ruineuse pour eux; c’est un fait notoire. /386/

Guillaume de Challant, en émettant sa « nouvelle bonne monnaie, » ne retira pas l’ancienne; celle-ci, au contraire, continua longtemps à avoir cours. On en trouve la preuve dans une « Prononciation rendue le 3 novembre 1436 entre François et Jean de Gruyère, d’une part, et leurs sujets de Château-d’Ex, d’autre part. »

On voit dans cet acte que les dits sujets prétendent acquitter leurs redevances en ancienne monnaie, tandis que leurs seigneurs les exigent en bonne monnaie.

Quibus petitis prenominati subditi de Oyez dicebant se ad hec minime teneri pro eo videlicet quod de dictis preisiis 1 se presentaverant adimplere solutionem in moneta parva, que de presenti currit et hactenus extitit cursibilis in tota patria et que cridata fuit per prefatum dominum episcopum et non de alia moneta solucionem facere tenebantur. (Hisely et Gremaud, Monum. hist. Gruyère, tom. II, pag. 9.)

Il existe aussi un autre document qui prouve le maintien de l’ancienne monnaie lausannoise concurremment avec la nouvelle, c’est une ordonnance du duc Amédée VIII, en date du 28 février 1420, où il stipule le prix auquel ses sujets devront désormais prendre, en monnaie de Savoie, les espèces lausannoises, « monetae veteris proxime precedentis, » savoir les demi-gros (sesens) 2, quarts (tresels), forts et deniers. (Pièces justificatives, No III.)

A défaut d’évaluations épiscopales, ces équipolences peuvent donner une idée approximative de la valeur intrinsèque de l’ancienne monnaie de Lausanne, et complètent /387/ ce que les comptes du trésorier Bonvoisin nous ont déjà fait connaître.

On remarquera que dans cette ordonnance le duc signale une nouvelle pièce de monnaie appelée « fort » et par contre qu’il omet de mentionner l’obole. Nous n’avons jamais rencontré cette dernière, mais est-il supposable qu’on ait négligé d’en faire frapper ?

L’époque précise de l’émission de la nouvelle monnaie n’est pas connue, elle a dû précéder de peu de temps l’ordonnance d’Amédée VIII; dans tous les cas il paraît que les prescriptions qui la réglementaient laissèrent à désirer puisque, le 20 novembre 1420, Guillaume de Challant promet encore au chapitre et aux bourgeois de régler le fait de la monnaie, « dare pedem monetae, ubi cavetur quod non potest cudere monetam sine consensu civium. » (Conf. Mém. Doc. hist. romande, tom. VII, pag. 655.)

Le rappel de cette dernière clause semble indiquer que, pendant la durée de sa première fabrication, celle de mauvais aloi, l’évêque avait enfreint l’article du Plaît-général : Item Dominus non potest monetam cudere nisi de consensu trium ordinum.

L’amélioration de la monnaie épiscopale la mettait à peu près sur le pied de celle de Savoie; ce rapprochement se maintiendra désormais et plus d’une fois nous aurons occasion de le constater sous les successeurs de Guillaume de Challant.

Le 5 avril 1422, ce prélat prend part, à Chambéry, à une délibération concernant la monnaie de Savoie. Notre évêque y figure comme conseiller d’Amédée VIII 1, mais on /388/ peut être certain que dans cette circonstance, tout en s’occupant des intérêts du duc, il n’oublia pas les siens et qu’il se pénétra de la nécessité de maintenir, autant que possible, la monnaie de Savoie et celle de Lausanne dans les mêmes termes.

En dehors de ce qui précède, on ne sait que peu de chose sur l’atelier de Lausanne à cette époque.

Les registres des Parlements généraux des monnoyers du Saint Empire romain nous apprennent qu’en 1411 Pierre l’Hôte était procureur des ouvriers monnayeurs de Chambéry, Nyon et Lausanne.

Cette dernière ville ne se trouve pas représentée au parlement suivant, celui de 1414.

1423. Bastian Grégoire, ouvrier, est indiqué comme procureur des ouvriers et monnayeurs de Nyon en Vaux, et Lausanne.

1422. Etienne Bourgeois, de Lausanne, est reçu monnayeur par l’empereur Sigismond.

On a remarqué sur les sesens de Guillaume de Challant une modification apportée à la croix du revers. A la croix simple, à branches égales, usitée par ses prédécesseurs, celui-ci substitue la croix dite chardonnée. Cette observation a fait, non sans raison, attribuer à cet évêque tous les deniers anonymes fabriqués à ce nouveau type, mais comme il est des monnaies de Guillaume de Challant qui portent la croix ordinaire et la mention de son nom, on se demande si ce n’est pas arbitrairement qu’on lui enlève /389/ tous les deniers anonymes munis de la croix simple. Peut- être en a-t-il frappé dans les commencements de son règne.

L’incertitude dans laquelle on est à cet égard est assurément fâcheuse, je le regrette pour ma part, à l’occasion du denier anonyme à la croix simple et à la légende « Civitas Losini, » dont j’ai précédemment parlé. Force m’a été, dans l’état actuel de nos connaissances, de ranger cette monnaie singulière parmi celles de Guillaume de Menthonay, mais instinctivement je préférerais la regarder comme postérieure à cette époque.

Plusieurs auteurs, Küenlin 1 entre autres, rapportent qu’en 1414 Fribourg crut avoir le droit de battre monnaie mais que Guillaume de Challant s’y opposa; je ne sais sur quelle autorité ce dire est basé, mais s’il existe quelque fondement à cette assertion, si vraiment Fribourg a mis à exécution son dessein de battre monnaie, il y aurait alors lieu de voir si le denier à la légende LOSINI n’en est pas le résultat.

Losini au lieu de Lausanae répond particulièrement au mot romand Lousine qu’on rencontre à maintes reprises dans les archives fribourgoises pour désigner Lausanne. La plupart des actes du Recueil diplomatique de Fribourg qui traitent de la monnaie emploient le mot Lousine. (Conf. tom. VII, pag. 36, monnea de Lousine; pag. 84, monnèe de Lousine, de Losine.)

Ce qui pourrait donner encore quelque probabilité à cette attribution, c’est la lettre F mise comme différent monétaire à la place de E dans les mots SFDFS et LAVSANF. /390/

Ces deux mots Sedes et Civitas n’y apportent aucune impossibilité, ils n’impliquent l’un et l’autre que l’idée de « diocèse, » nous en avons la preuve. Toutes les monnaies de l’évêché, connues jusqu’à ce jour, portent cette mention et nous savons pourtant que la faculté de monnayer n’était pas limitée à la seule ville de Lausanne.

Le commentaire anonyme du Plaît-général dit : Dominus Episcopus Lausanne potest facere cudere monetam seu fieri facere in quocunque locorum fortalitio sue jurisdictionis predicti, servatis conditionibus superius ubi de moneta scribitur et declaratur. (Mém. et Doc., tom. VII, pag. 420.)

Le texte même du Plaît-général le donne à entendre lorsqu’il dit :

Item in Burgo Lausanne debet cudi seu fieri moneta quando Lausanne fit …

Nous verrons aussi plus loin, sur la fin du monnayage épiscopal, une mention allemande de « Fünfer, » c’est-à- dire de tresels, frappés à Avenches.

Je ne me fais pas d’illusion sur ce que l’hypothèse que je viens d’avancer peut avoir d’aventuré, mais, en l’absence de documents, de données positives, chercher, supputer en s’étayant des moindres indices, devient un droit, que dis-je, un devoir.

Il n’existe, à ma connaissance, que sept monnaies différentes de Guillaume de Challant; c’est peu si l’on se reporte à la quantité de ce qui a dû être émis de types variés de 1406 à 1431, mais ce chiffre ne laisse pas que d’être intéressant puisque de ces sept monnaies quatre seront signalées ici pour la première fois.

PlANCHE II, N<sup>o</sup> 1

G D CHALAT EP’ LAVS’ L’évêque assis, bénissant de la droite et tenant de la gauche une crosse. Devant, un /391/ écusson à ses armes. (D’argent au chef de gueules; sur le tout une bande de sable, chargée d’une étoile de …)

Rev. † SIT NOMEN DNI BENEDTN. Croix chardonnée dans un entourage formé par quatre demi-cercles, à leur jonction quatre fleurons cantonnent la croix. Sous la petite croix qui précède la légende du revers, un point secret.

Pièce assez commune. Sesen. Poids 1 gr. 82. Musée cantonal.

Autre exemplaire avec quelques variantes de détail. Poids, 1 gr. 96. Musée cantonal.

Autre. Poids, 2 gr, 07. Coll. Im Hoof, à Winterthur.

Titre 320 millièmes de fin, soit 3 deniers, 20 1/4 grains.

Cette pièce est assurément le sesen ou demi-gros des premières émissions de Guillaume de Challant; le poids qui atteint, et nous le voyons par l’exemplaire de M. Im Hoof, dépasse même 2 grammes, répond exactement à l’indication donnée par Heintzli Bonvoisin.

La fabrication a dû en être abondante. Une seule de ces émissions de sesens, celle que Haller signalait au siècle dernier, s’élève à 3950 marcs, 5 onces et demie, et représente environ 479 500 pièces.

Un heureux hasard m’a fait retrouver et acquérir l’acte original où sont consignés tous les détails de cette importante fabrication; en voici le résumé :

Johannotus de Canturio y est dit maître, et Hugoninus de Malberto-fonte garde de la monnaie de l’évêque 1. /392/

Le monnayage des Sexti ou sesens est relaté jour par jour; quelquefois le travail se fait à deux reprises, mane et sero; il commence le 10 décembre 1417, et finit le 24 juin 1418.

La taille des sesens est en général à 10 sols, 2 deniers, soit 122 pièces au marc. Une seule fois, le premier jour, cette taille est à 10 sols, 3 deniers. Toutefois elle s’abaisse à 10 sols, 1 denier, mais pour une faible quantité de métal, 88 marcs et 4 onces.

Le sesen taillé à 10 sols, 3 den. devait peser 1 gr. 9898.
10 sols, 2 den. 2 gr. 0061.
10 sols, 1 den. 2 gr. 0225.

Le poids de cette fabrication, 10 sols, 2 deniers, montre qu’elle appartient encore au système de la monnaie ancienne ou de bas aloi. J’aurais voulu corroborer cette affirmation par l’indication du titre de ces sesens, mais Hugonin de Maubert-Fontaine est muet sur ce point.

Notre document paraît avoir été rédigé par ce garde de la monnaie, car l’écrivain dit fréquemment posui in pisside en parlant du nombre de sesens (deux pour chaque fabrication de 10 marcs) qu’il était tenu de déposer dans ce qu’on appelle « la boîte. »

Remarquons en passant que cette proportion 1 sesen de boîte pour 5 marcs diffère de celle que donne le /393/ commentaire anonyme du Plaît-général et qui là est de 1 sesen pour 6 marcs d’œuvre.

On regarde comme démontré que l’auteur inconnu de ce précieux commentaire ou du moins le dernier des collaborateurs existait encore vers l’an 1406, c’est-à-dire sous Guillaume de Challant. Cette estimation ne saurait s’appliquer à celui des auteurs qui a traité du fait de la monnaie. Car sous Jean de Prangins, en 1375, le denier de boîte est fixé à un pour quatre marcs, et, en 1396, sous Guillaume de Menthonay, nous l’avons vu, porté à un sesen pour dix marcs. Ces conditions sont tout autres que celles dont il parle, il ne les a donc pas connues.

Je me suis un peu étendu sur l’examen de l’acte de 1417-1418, mais ce document est le seul de son genre qui nous soit parvenu; il méritait donc les lignes que je lui ai consacrées.

PlANCHE II, N<sup>o</sup> 4

G D CHALT EP’ LAVS’ L’évêque, etc.; type du sesen.

Rev. † SIT NO[M]E DNI BNDT[M]. Croix chardonnée, comme sur le sesen, mais sans l’entourage.

Pièce unique et inédite. Tresel. Poids, 1 gr. 35. Musée cantonal.

Ce tresel, fabriqué au type du demi-gros de la vieille monnaie, doit faire partie de la même catégorie. Le poids est un peu faible, mais cet exemplaire unique n’est pas de la meilleure conservation.

PlANCHE II, N<sup>o</sup> 3

† SEDES LAVSANE. Temple à cinq colonnes, surmonté d’une boule; dans le fronton, trois points placés en triangle. Au dessus, un annelet entre deux points. /394/

Rev. † CIVITAS LAVSAN. Croix chardonnée, cantonnée au premier et au second des signes habituels du denier.

Pièce commune. Denier. Poids, 1 gr. Musée cantonal.

Le poids de ces deniers, même en bon état de conservation, est très variable. Le musée cantonal en possède de 0 gr. 95 et 0 gr. 80. Deux autres exemplaires bien conservés descendent jusqu’à 0 gr. 65.

Le titre, à l’essai, est de 157 millièmes soit 1 denier, 21 14 grains.

Variété † SEDES LAVSAN. Même type, temple mais sans les trois points du fronton.

Rev. CIVIAS LAVSAN. Croix, etc.

Poids, 0 gr. 90 et 0 gr. 85. Titre, 176 millièmes de fin, soit 2 deniers, 2 34 grains.

Onze exemplaires en bon état, mais de frappe assez négligée, sont au-dessous de 0 gr. 70.

Ces différences si marquées dans le poids de pièces convenablement conservées sont l’effet d’une taille faite avec précipitation ou du billonnage qui aura, dans le temps, fondu les pièces fortes pour ne laisser dans la circulation que les faibles.

Il se peut aussi que ces poids différents qui se rapprochent dans leur ensemble, les uns de 1 gramme, les autres de 0 gr. 65, procèdent d’une autre cause, c’est-à-dire représentent les deux systèmes de Guillaume de Challant, la monnaie ancienne faible d’aloi et plus pesante, puis la monnaie nouvelle, voisine de 0 gr. 65 en poids, mais d’un titre amélioré. /395/

Une série d’essais sur les uns et les autres de ces deniers est indispensable si l’on veut s’en rendre compte.

PlANCHE II, N<sup>o</sup> 6

† CIVITAS LAV SAN. Ecusson aux armes de Challant et surmonté de la crosse.

Rev. † SEDES : LAVSANE. Temple placé sur trois besants. Pièce unique et inédite. Exemplaire à fleur de coin, trouvé à Meillerie.

Denier ? Poids, 1 gr. faible. Musée cantonal.

Cette curieuse pièce appartient sûrement au monnayage de bon aloi, son poids pourrait la faire prendre pour un de ces « forts » nommés dans l’ordonnance d’Amédée VIII, en 1421, mais on retrouve sur l’une des faces le temple type accoutumé du denier et de l’obole. Il y a donc matière à hésitation quant au nom à donner à cette monnaie.

Le Musée cantonal possède les deux seuls exemplaires connus de cette pièce; nous n’avons pas cru pouvoir nous permettre d’en sacrifier un à l’essai du titre, essai qui aurait levé tous les doutes sur le nom de la monnaie. Jusqu’à preuve contraire je suis porté, en raison du type, à considérer celle-ci comme un denier, mais un denier, bien entendu, de la catégorie de bon aloi.

On remarquera dans la légende la présence des deux points placés au milieu du mot LAV : SAN. Ils ne peuvent être là que comme différent monétaire, et je ne sais pas d’autres moyens de justifier cette section insolite.

PlANCHE II, N<sup>o</sup> 5

AVE MARIA GRACIA. La Vierge et l’enfant Jésus sur un nuage.

Rev. † CIVITAS LAVSANE. Ecusson aux armes de /396/ Challant, sur une crosse épiscopale.

Pièce unique et inédite, trouvée à Vidy. Tresel ? Poids, 1 gr. 15. Musée cantonal.

Cette monnaie, dont le poids ne peut nous renseigner au point de vue de la classification puisqu’elle est assez usée, me paraît être un trésel. Je suppose que c’est une pièce de transition entre le quart de Guillaume de Menthonay et le trésel de monnaie nouvelle qui suit :

PlANCHE II, N<sup>o</sup> 2

† G D CHALLA EP LAS’. La Vierge et l’enfant Jésus sur une nuée.

Rev. † SIT NO[M]E DNI BE’TN. Croix fleuronnée. Pièce à fleur de coin. Trouvaille de Meillerie.

Trésel, Poids, 1 gr. 35. Musée cantonal.

Cette monnaie est assez commune. Le Musée en possède plusieurs exemplaires avec les variantes : EP LAVS; BNDICTVN; BNDICTV’; etc., etc.

Un exemplaire, au musée de Genève, porte comme différent monétaire un cœur après les mots CHALLAT au droit et SIT au revers.

Ces trésels appartiennent pour la plupart, si ce n’est en totalité, à la seconde catégorie postérieure à 1420. Ce type ne paraît pas avoir existé sous Guillaume de Menthonay, il est au contraire abondant sous Georges de Saluces.

PlANCHE II, N<sup>o</sup> 7

G D CHALLAT EP’ LAVS’. La Vierge et l’enfant Jésus au-dessus d’un écusson surmonté d’une crosse.

Rev. † SIT NOME DNI BNDTM. Croix égale.

Pièce inédite, trouvée à Meillerie. /397/ Demi-gros. Poids, 1 gr. 50. Musée cantonal.

Ce doit être un demi-gros de nouvelle monnaie. Si l’on tient compte de ce que cette pièce a pu perdre par la circulation, le poids s’accorde avec cette attribution.

Quant au titre, il est évidemment supérieur à celui des anciens sesens.

 

[N. d. l. r. nVoyez dans MDR Tome XXXV, pp. 109-119 l'article supplémentaire de l'auteur à propose de Guillaume de Challant]


 

/398/

PIÈCES JUSTIFICATIVES

I

Nos Guillelmus de Challans miseracione divina Episcopus Lausannensis notum facimus universis et singulis presentes litteras inspecturis, quod nos visis et cum matura deliberacione examinatis exemplis sive auctenticis ac litteris pie memorie Domini Guillelmi de Menthonay immediate predecessoris nostri presentibus annexis nobisque oblatis pro parte operariorum et monetariorum in eisdem descriptorum atque aliorum per nos de novo Creatorum nobis supplicantes et humiliter requirentes ut eisdem similes libertates, franchesias, privilegia, gratias et immunitates concedere dignaremur, quas in dictis exemplis et auctenticis vidimus contineri.

Quorum supplicationi benigniter annuentes actendentes que ipsorum legalitatem et industriam quibus apud nos ipsi monetarii et operarii circa ipsius artis exercicionem fideli commendantur testimonio ut ferventius ad nostra … obsequia et consimiles et consimilia libertates, franchesias, gracias, privilegia et immunitates per recolende memorie Serenissimos Franchorum Reges et Dominos Sabaudie Comittes magistris operariis et monetariis suis concessas et concessa de quibus in dictis /399/ exemplis et auctenticis mencio habetur specialis, prout in eisdem seriosius describitur, quas et que hic habere volumus pro expressis magistris, operariis et monetariis predictis presentibus et futuris qui de sacramento artis et officii dictarum monetarum presentium et futurarum sunt et erunt infra nostram civitatem Lausanne et ecclesie nostre Baroniam et districtum operantibus et non operantibus eorum que uxoribus et familie et ipsorum cuilibet.

Nos Episcopus prefatus ex certa sciencia et deliberato animo pro nobis et nostris successoribus effectualiter concedimus et liberaliter largimus per presentes universis et singulis Ballivis, judicibus, sescallis, salteriis, majoribus Castellanis, subditis, Vassalis, fidelibus et ceteris nostris officiariis quibus cunque seu eorum locatenentibus presentibus et futuris, distincte precipientes et mandantes eisdem monetariis presentibus et futuris ipsorumque uxoribus et familie dictas franchesias, libertates, privilegia et inmunitates teneant et observent observarique et tenore effectualiter faciant, absque contradictione quas etiam eisdem observari volumus atque ipsos et eorum quemlibet dictis franchesiis, libertatibus, privilegiis et immunitatibus de cetero uti et gaudere paciffice et quiete permittant quosquidem monetarios magistros et operarios atque ipsorum uxores, familiam, res et bona quecunque sub nostra salvagardia, conductis et protectione recepimus … Datum Lausanne 1 .. Mo iiijmo octavo. (Grandes archives de Lausanne, E. E. No 364.) /400/

 

II

Supplication adressée à l’évêque de Lausanne (Guill. de Challant) par plusieurs villes du Pays de Vaud tendant à ce qu’il fasse frapper une monnaie nouvelle et plus forte.
Acte du 30 avril 14.. (1406 à 1431).
(Arch. cant. vaud., Inv. bleu, II. Mélange, No 1.)

Reverendo in Christo patri ac domino domino Guilliermo, miseracione divina episcopo Lausanensi, pro parte Anthonii Bruyvanz, de Melduno, clerici, gubernatoris ville Melduni, Mermeti Mussy, burgensis et gubernatoris Rotundimontis, Roleti Porchat, burgensis Yvelduni, nomine ville Yvelduni, Mermeti Maliardo, Mermeti de Moneta, nomine ville Rote, Otthonodi Morinchat, Johannis Banouz, nomine ville Paterniaci, Johannis Cuendoz, de Grandissono, nomine ville Grandissoni, Johannis de Aubona, de Morgia, nomine ville Morgie, et Jaqueti Pirollez, nomine ville Nividuni, illustris et magnifici principis domini Sabaudie comitis subditorum, nominibus hominum, communitatum et resortorum omnium villarum predictarum exponitur quod cum ipsi et eorum predecessores, patriote Waudi, ex antiquissimo tempore preterito usi fuerint et utantur in omnibus contractibus suis moneta Lausannensi tamquam bona, admissibili et eciam usuali, de qua consueverunt redditus, census et alia quecunque annualia pecunie debita dicto domino comiti et ipsam per loca suarum castellaniarum recipi et admiti solvere tanto tempore quod de contrario hominum memoria non extat; et exinde prefatus dominus comes cudi fecerit monetam suam fortem de qua census, redditus et debita mandauerit sibi solvi, /401/ monetam vestram predictam Lausannensem repellendo, occasionem capiendo quod ipsa Lausanensis vestra moneta nuper cusa minoris legis moneta dicti domini comitis esse sibi videtur : unde cum dicti exponentes timeant ne, si ipsi ad soluendum census, redditus et debita predicta domino comiti de sua moneta forte compellantur et obmittentur soluciones fieri per eos consuete de vestra moneta Lausannensi contra suum usum, eis gravi cederet detrimento, cum si staret ita dictus dominus comes monetam suam maiorem vestra moneta Lausannensi cudi facere posset ultra modum ipsis exponentibus et suis posteritatibus onerosam et dampnosam : qua propter vobis humiliter supplicatur quattenus consideracione dictorum supplicancium dignemini monetam vestram predictam de novo cudi facere de tribus granis per marcam argenti fini forciorem quam moneta dicti domini comitis, ad eo quod vestra moneta itaque cudenda per dictum dominum et comitem et eius officiarios in et pro censibus, redditibus debitis predictis merito recipiatur a solutoribus predictorum tamquam bona moreque antiquitus observato legitime implicetur dictique exponentes cusione huiusmodi vestre monete Lausannensis et sui posteri usuali cursu Lausannensis monete predicte illesi reducantur, non intendentes quod predicta supplicata vobis successoribusque vestris in episcopali sede prejudicium inferat aliquod seu eciam gravamen in futuris temporibus modo quolibet seu forma. In cuius rei testimonium nos … nominibus quibus supra sigillum commune ballivie Waudi rogavimus apponi huic scripto. Et nos Ludovicus de Genville, dominus de Divona, ballivus Waudi, ad preces et requisicionem prenominatorum nobis oblatas per Anthonium de Stagno, clericum, de Melduno juratum ballivie Waudi, cui super hiis fidem plenam adhibemus, sigillum commune ballivie Waudi presentibus duximus apponendum. Datum die ultima mensis aprilis anno domini millesimo /402/ quatercentesimo… Dupplicata est presens lictera et quelibet facit per se fidem, et ista est pro reverendo in Christo patre domino episcopo predicto. Datum ut supra.

Et ego juratus predictus predicta recepi, scribi feci auctoritate mihi commissa signoque meo propria manu mea signavi. (signé) Idem …

Le document est endommagé vers la fin, entre autres à l’endroit de la date.

 

III

28 février 1420.
Le duc de Savoie Amédée VIII, fait une ordonnance monétaire dans laquelle il stipule que :

« Dimidius grossus Lausannæ monete veteris proxime precedentis quilibet ipsorum valebit duos denarios fortes cum dimidio dicte monete nostre argenti nove.

Quartus Lausannæ monete veteris proxime precedentis, quilibet ipsorum valebit unum denarium fortem cum dimidio dicte monete nostre nove.

Fortis Lausannæ monete veteris proxime precedentis quilibet ipsorum valebit unum denarium blanchetum dicte monete nostre nove.

Tres denarii Lausannæ dictæ monete veteris proxime precedentis, tres petiæ ipsorum in simul valebunt duos denarios blanchetos dicte monete nostre nove. »

Voici, pour faciliter l’équipolence de la monnaie de Lausanne avec celle de Savoie d’après ce qui précède, le dénombrement des pièces de la monnaie nouvelle réglée par Amédée VIII dans ses lettres patentes du 28 février 1420 : /403/

1o Florin d’or de petit poids à 23 karats;
91 pièces au marc, chacune pesant 2 gr. 689;
4 de ces florins vaudront 3 ducats Januinos;

2o Gros d’argent ou Gros de Savoie.
12 valent le florin précité;
16 valent le ducat Januinus;
11 den. 12 grains en loi;
9 sous au marc soit 108 pièces pesant 2 gr. 266.

3o Demi-gros de Savoie (d’argent);
2 valent un gros;
à 8 deniers de loi;
12 sols et 9 deniers au marc soit 153 pièces.
Chaque pièce pesant 1 gr. 60.

4o Quart de Savoie;
2 valent un demi demi-gros;
4 deniers 12 grains en loi;
15 sols au marc soit 180 pièces.
Chaque pièce pesant 1 gr. 36

5o Fort de Savoie;
2 valent un quart;
3 deniers en loi;
21 sols au marc soit 252 pièces.
Chaque pièce pesant 0 gr. 97

6o Blanchet de Savoie;
12 valent un gros :
3 deniers en loi;
31 1/2 sols au marc soit 378 pièces.
Chaque pièce pesant 0 gr. 647

7o Viennois;
2 valent un Fort;
2 deniers en loi /404/
30 sols au marc soit 360 pièces.
Chaque pièce pesant 0 gr. 68

8o Obole blanchet
2 valent un blanchet
à 1 denier en loi
à 36 sols au marc soit 432 pièces.
Chaque pièce pesant 0 gr. 566

9o Demi-Viennois;
32 valent un gros;
à 1 denier en loi;
à 36 sols au marc soit 432 id.
Chaque pièce pesant 0 gr. 566

 

IV

Monee nouve de Lausanne.
15 mai 1420.

Item peisont les g. de Lausanne qui sont auxi fait xvij g. per escut, peisont cillour xvij g. ung unce et j quart de unce, et peisont en argent fin une unce, j wittin et dimie quart de wittin.
Item les dimie g. de Laus.
Item les quar de Laus.
Item les sesens de la monee villie de Laus., deis quels lon donne xxx per escut, peisont cillour xxx g. iiij unces, et peisont en argen fin une unce

Recueil diplomatique de Fribourg, tom. VII, pag. 89, 90. /405/

 

V

Tableau comparatif du titre et du poids des monnaies de Savoie aux années 1405, 1420 et 1421 :

 

1405 1420 1421
Demi-gros. Titre : 6 den. 12 gr.
Poids 10 s. 1.
à 8 den.
12 s. 9 den.
à 8 den.
12 s. 9 den.
Quart. Titre 3 den. 20.
Poids 12 s. 5 den.
4 den. 12 gr.
15 s.
4 den. 12 gr.
14 s. 6 den.
Forts. Titre 2 den. 8 gr.
Poids 16 s. 6 den.
3 den.
21 s.
3 den.
20 s. 8 den.
Denier blanchet. Titre : 2 den.
Poids : 22 s. 4 den.
3 den.
31 s. 12
3 den.
31 s.
Obole blanchet. Titre : 1 den. 6.
Poids : 31 s.
1 den. 12.
36 s.
1 den. 12 gr.
35 s.

 


/406/ /407/

 

JEAN DE PRANGINS

1433-1440

PlANCHE JEAN DE PRANGINS

SEDES LAVSNS. Temple accosté de deux tours et surmontant une rosace à quatre lobes.

Rev. † CIVITAS LAVS LS. Croix chardonnée.

Poids, 0 gr. 65.

SEDES LAVS L’S.

Rev. CIVITAS LAVSNS.

Mêmes types.

SEDES LAVSNS.

Rev. CIVITAS LAVSNS’.

Mêmes types.

Cinq exemplaires dont le poids varie de 0 gr. 60 à 0 gr. 80.

Sur l’un d’eux la rosace, au lieu d’être placée tout entière dans le champ, descend jusqu’au bas de la pièce et coupe la légende. /408/

Cette monnaie anonyme connue sous le nom de « denier à la rosace » a été déjà publiée par plusieurs auteurs et avec des attributions très diverses.

F. Soret, en la faisant connaître, en 1841, dans la Revue de la numismatique française, Pl. XXIII, No 10, la donnait pour une pièce de transition précédant les monnaies signées d’un nom d’évêque, et dans tous les cas la considérait comme antérieure à l’épiscopat de Gui de Prangins. (1375-1394.)

Plus tard, Rod. Blanchet attribuait ce même denier à Guillaume de Challant (1406-1431), en raison de la croix chardonnée placée au revers, type qui se manifeste pour la première fois, à Lausanne, sur les monnaies de cet évêque. (Conf. R. Blanchet, Monn. des pays voisins du Léman. Pl. IV, No 7.)

La première de ces hypothèses n’est pas admissible, car, indépendamment de la croix chardonnée, le denier à la rosace présente une légende dont la contexture Civitas Lausannensis est décisive. Personne n’ignore que l’ancienne légende du denier lausannois Civitas Equestrium a persisté jusqu’à Gui de Prangins inclusivement.

L’attribution donnée par R. Blanchet est assurément préférable, mais ayant sous les yeux de nombreux éléments d’étude et de comparaison, je veux parler du riche médaillier cantonal de Lausanne, il aurait pu, ce me semble, serrer la question de plus près.

Le type principal de la monnaie qui nous occupe, avec son fronton, ses colonnettes accostées de tourelles et cette rosace (que Soret et Blanchet ont méconnue et appellent « un ornement en forme de croix »), ce type, dis-je, offre /409/ à l’étude au moins autant d’intérêt que la modification de la croix ordinaire en croix chardonnée.

Cette substitution d’un type aussi détaillé au type banal et séculaire du temple carolingien est un indice important. Cet édifice dont la forme s’éloigne avec une intention si marquée de celui qui figure d’ordinaire sur le denier lausannois, c’est la cathédrale de Lausanne elle-même, c’est du moins la fidèle représentation de la partie méridionale qui offre aux regards la magnifique rose du XIIIe siècle.

Il y a là toute une révolution monétaire. Guillaume de Challant, nous l’avons vu précédemment, a introduit quelques changements dans le type traditionnel du denier, mais ces modifications ne portent que sur des détails secondaires et ne touchent pas au temple carolingien qui, disons-le en passant, n’est pas exclusivement lausannois.

Ce temple n’est que le signe, l’attribut d’une « Sedes » quelconque et on le retrouve sur la monnaie d’une foule de localités étrangères.

Dans le denier à la rosace le changement est complet, le temple banal est devenu une église déterminée, notre cathédrale de Lausanne. Si la croix chardonnée s’y maintient, et on la verra longtemps encore sur notre monnaie épiscopale, ce type si récent est déjà fortement altéré; de lourde et massive qu’elle était, cette croix devient de plus en plus grêle.

Voilà pour le type : quant à la fabrication, elle n’a pas subi de moindres changements, le module a légèrement diminué, le titre du métal n’est plus tout à fait le même. En un mot le denier à la rosace est l’avant-coureur des importantes émissions de Georges de Saluces et de ses /410/ petits deniers. A la simple inspection de toutes ces monnaies on constate aisément les transformations successives du denier lausannois; celui de Guillaume de Challant vient le premier, le denier à la rosace suit immédiatement et précède enfin celui de Georges de Saluces.

Le denier à la rosace n’appartient plus à la fabrication massive du premier de ces évêques, il n’appartient pas davantage au système monétaire du second qui d’ailleurs a signé toutes ses émissions de son nom ou de ses armes. C’est un produit intermédiaire soit de la vacance de siége de 1431, soit de l’épiscopat de Jean de Prangins.

J’ai longtemps hésité entre ces deux attributions. La figure de la cathédrale, si bien personnifiée, me faisait pencher en faveur de la vacance de siége, c’est-à-dire du chapitre investi depuis longtemps du droit de gouverner au spirituel et au temporel pendant les interrègnes de l’évêché.

Mais rien ne prouve que le chapitre ait usé de ce droit pour frapper monnaie en 1431, et comme nous ne possédons aucune monnaie de Jean de Prangins, qui pourtant a occupé le siége de Lausanne pendant plusieurs années, il me semble préférable de lui attribuer notre denier anonyme.

Aucun document ne donne la certitude que Jean de Prangins ait fait usage de son droit de battre monnaie et jusqu’ici on n’a pas rencontré de monnaie à son nom. Cela est vrai, mais il existe aux grandes archives de la ville de Lausanne une série d’actes relatifs au monnayage épiscopal de 1355 à 1469, actes peu intéressants d’ailleurs, car ils ne font que répéter à satiété la confirmation des priviléges accordés de tout temps aux gens de la monnaie /411/ et rappeler quelques anciens titres très connus qui établissent et affirment le droit monétaire des évêques de Lausanne.

Aucun de ces documents, il faut le remarquer, n’émane du chapitre pendant la vacance de 1431, tandis que sous Jean de Prangins nous trouvons à la date du 4 mars 1435 un vidimus de l’official de Lausanne de huit actes constatant le droit de monnaie des évêques.

Il ne s’ensuit pas rigoureusement que Jean de Prangins ait profité de ce droit, mais cela ne peut sembler douteux si l’on songe à la persistante compétition de Louis de la Palud, nommé évêque par le concile de Bâle, en 1432, mais non reconnu dans le diocèse.

Jean de Prangins se trouvant en possession effective de l’évêché pouvait-il négliger de le constater aux yeux de tous en y frappant monnaie, fût-ce monnaie anonyme ?

Malgré la préférence que je crois devoir accorder ici à cet évêque sur le chapitre de Lausanne, je ne puis taire une objection assez grave puisée dans un document postérieur, dans les lettres de confirmation promulguées le 15 décembre 1469 par l’administrateur de l’évêque Barthélemi Chuêt, en faveur des gens de sa monnaie.

Dans le préambule de cet instrument il est dit : … Nos visis exemplis seu auctenticis ac licteris pie memorie reverendorum patrum dominorum Guillelmi de Menthonay, Guillelmi de Challant, Georgii de Salutiis et Guillelmi de Varax quondam episcoporum et comitum lausannensium quibus nostre sunt annexe

L’omission du nom de Jean de Prangins dans cette liste, et cela à une époque aussi voisine de son épiscopat, peut inspirer des doutes sur son monnayage, je ne puis en /412/ disconvenir, mais en même temps le monnayage présumé du chapitre n’y gagne rien en probabilité.

Il est certain, dans tous les cas, qu’à la fin de 1436 Jean de Prangins n’avait pas encore battu monnaie. Une prononciation du 3 novembre de cette même année parle de la bona moneta novissime cugnata seu fabricata inclite recordationis per dominum Guillermum de Challant episcopum Lausannensem, tam pro presenti preisia seu recollecta, quam pro tribus annis noviter elapsis.

Ici novissime et noviter signifient en dernier lieu, le plus récemment, et l’on ne se fût pas servi du premier de ces mots pour qualifier la monnaie de Guillaume de Challant, si dès lors Jean de Prangins en avait émis une autre plus nouvelle encore. (Conf. Hisely et J. Gremaud, Monum. hist. Gruyère, tom. II, pag. 9.)

Mais ce n’est pas tout; le denier à la rosace soumis à l’essai a donné 260 millièmes d’argent, c’est-à-dire un titre de 3 deniers, 3 grains de fin, ce qui est précisément celui du « Fort » des ordonnances de Savoie en 1420 et 1421. Dans tous les cas, ce qu’on appelle le denier à la rosace ne peut être un denier, c’est un Fort.

Aurions-nous là le fort de Guillaume de Challant, mentionné dans les lettres patentes d’Amédée VIII du 28 février 1420, et qui manque à la série monétaire de cet évêque ? Faudrait-il revenir à l’attribution de R. Blanchet en modifiant toutefois le nom de denier en celui de fort ?

Indépendamment du denier à la rosace que R. Blanchet a connu et publié, le Musée cantonal de Vaud en possède aujourd’hui un certain nombre : ils proviennent sans exception de la trouvaille de Meillerie dont toutes les pièces, on le sait, sont antérieures à Georges de Saluces. /413/

Plusieurs de ces deniers portent à la fin des légendes, soit d’un seul côté, soit de tous les deux, les lettres L et S. J’ai vainement cherché à en pénétrer le sens. Peut-être faut-il y voir les initiales d’un maître de la monnaie. Les renseignements nous manquent à cet égard.

Un exemplaire, celui que j’ai décrit en premier lieu, porte au revers, après le mot CIVITAS, au lieu de la rosette placée sur les autres deniers, un différent monétaire trop confus malheureusement pour être déterminé avec certitude.

C’est un petit signe qui affecte à peu près la forme du chiffre 3 ou peut-être mieux d’un petit aileron, peut-être aussi celle d’un heaume ouvert et vu de profil. En présence d’un objet aussi douteux il serait téméraire de se livrer à des suppositions que rien ne permet de vérifier; il faut attendre que le hasard nous mette en face d’un exemplaire mieux conservé.

Au premier moment j’ai cru reconnaître un heaume et je me flattais d’être sur la trace d’un renseignement chronologique, d’une date. En effet, les personnes familiarisées avec l’étude des monnaies de Savoie savent que le maître de la monnaie de Chambéry, de 1423 à 1424, Michel de la Balme, mettait sur ses fabrications une marque (contrasignum, intersignum) que les lettres patentes du 24 juillet 1423 définissent ainsi : ad formam unius galeae gallice hyaume (heaume).

Michel de la Balme, sorti de charge en 1424 et dont il n’est plus fait mention dès lors en Savoie, peut bien avoir passé au service de l’évêque de Lausanne; on connaît la vie nomade de ces industriels qui ne faisaient pas toujours preuve d’une gestion bien régulière. On les voit souvent en /414/ fuite, poursuivis pour malversation, et, chose singulière, composant en cet état avec le seigneur lésé, parfois même, après des infidélités constatées, rentrant en grâce … et en fonctions.

Ce n’est pas le cas de Michel de la Balme dont la gestion fut honorable. Amédée VIII, resté son débiteur et donnant des ordres pour faire solder ses comptes présents et à venir, le qualifie de dilectus.

Si d’aventure au lieu du heaume, le signe incertain dont je viens de parler était une petite aile éployée, nous nous trouverions en présence d’une donnée plus sûre, car l’aile est l’intersignum parlant de Jean de l’Ale (Johannes de Ala) de Salins, qui fut maître de la monnaie de Fribourg en 1446 et que nous retrouverons plus tard à Lausanne exerçant les mêmes fonctions sous Georges de Saluces en 1449-1450.

Le denier à la rosace, assez rare avant la trouvaille monétaire de Meillerie, ne l’est pas moins aujourd’hui, presque tous les exemplaires provenant de cette localité étant devenus la propriété du Musée cantonal.

 


/415/

 

PIÈCE JUSTIFICATIVE

Vidimus de l’official de Lausanne en date du 4 novembre 1435.

Cette pièce qui se trouve aux grandes archives, Layette EE. No 692, rappelle la teneur de huit anciens documents constatant les droits monétaires de l’évêché de Lausanne.

Les cinq premiers traitent du rachat par Guillaume d’Ecublens de la monnaie aliénée en 1195 par l’évêque Roger, en faveur d’Ulrich III, comte de Neuchâtel. Ces divers actes sont datés des années 1224, 1226 et 1229.

Le sixième est de 1299 et concerne les monnaies frappées à Nyon par Louis de Vaud, contre les droits de l’évêque de Lausanne, et la défense prononcée à ce sujet par l’empereur Albert.

Les deux derniers, datés de 1174, sont relatifs au conflit élevé au sujet des droits régaliens entre l’évêque de Lausanne et Berchtold de Zæringen.

Ces actes sont connus, aucun d’eux ne mérite d’être rapporté ici in extenso.

 


 

/416/ /417/

GEORGES DE SALUCES

1440-1461

L’épiscopat de Georges de Saluces peut être considéré comme la plus brillante époque de la monnaie de Lausanne, tant à cause de l’abondance des émissions que par certaines modifications apportées au système inauguré en 1375.

Ce prélat illustre, si attentif à l’administration religieuse et civile du diocèse, ne paraît pas cependant s’être occupé du fait de la monnaie, pendant les premières années de son règne. Si l’on consulte la date de l’acte par lequel il confirme aux monnayeurs de Lausanne leurs franchises et priviléges traditionnels (2 septembre 1449), on peut croire que c’est seulement alors que l’atelier de cette ville a recommencé à fonctionner.

On ne saurait rien affirmer de plus à cet égard, car bien que nos archives fournissent exceptionnellement plusieurs documents relatifs à la monnaie, il se trouve, chose singulière et regrettable, que ces actes parlent seulement de la nomination de certains personnages à diverses fonctions /418/ monétaires, mais sans jamais entrer dans aucun détail sur ce qui nous intéresserait davantage, le titre, le poids et aussi le nom des espèces qu’il s’agit de fabriquer.

C’est la nomination de noble Jean de l’Ale aux fonctions de maître de la monnaie le 21 avril 1449, de Willerme Perrusset comme graveur des coins, le 24 avril de la même année, d’Anthoine Cugin en qualité de garde de la monnaie, avril 1449 1.

Ce sont des instructions, Instrumentum ad cudendam monetam, données à Gui Vincent, de Lausanne, 23 janvier 1452. L’acte ne dit même pas à quelle fonction il est appelé, si c’est comme maître de la monnaie qu’il doit agir ou comme prévôt des ouvriers, prepositus operariorum; ce dernier titre paraît plus vraisemblable puisque plus tard, en 1459, nous retrouvons Gui Vincent portant encore cette qualification. /419/

Un autre de ces documents institue Guichard Regnault graveur de la monnaie, le 26 mars 1452, et se termine par ces mots ajoutés postérieurement : Fiat similis lictera de verbo ad verbum pro Bernardo Watellet filio Johannis Watellet, de Jognia, Lausannensis diocesis, sub data diei duodecime mensis aprilis anno a nativitate Domini Mo CCCCmo Lmo tercio. (Reg. d’actes div. sous G. de Saluces, fol. 19.)

Bernard Watelet succédait-il comme graveur des coins. à Guichard Regnault ? Cela est probable.

Par un autre acte plus connu, le 26 juin 1452, le duc Louis de Savoie accorde le cours dans ses états à la monnaie d’or de Georges de Saluces; constatation précieuse de l’existence de la monnaie d’or épiscopale : mais à quelle date précise remonte cette émission, quel en fut le titre, le poids, etc. ? On n’a pas encore vu ces monnaies d’or, disait G. Em. de Haller en 1795 1 ; nous ne sommes pas plus avancés aujourd’hui. Cet auteur ajoute, sans citer de document à l’appui, /420/ qu’elles ont dû être frappées en 1451. Rien n’empêche de croire que Jean de l’Ale en fabriqua dès son entrée en fonctions en 1449.

On a cru pouvoir aussi, comme évaluation de la monnaie d’or de Georges de Saluces, citer une transaction de 1450 par laquelle cet évêque achète de Jean de Compeys l’office de sénéchal, moyennant la somme de 1000 ducats de bon or, valant chacun 22 12 sols bons lausannois.

Mais ce renseignement manque par la base; il n’est pas dit dans l’acte que ces ducats soient monnaie épiscopale, ils ne sont pas qualifiés monetae nostrae ou Lausannensis.

Au milieu de cette obscurité, quelque chose cependant peut nous guider. En 1460, l’avoyer et conseil de Berne rendant une ordonnance au sujet de certaines monnaies d’or, évaluent les écus de Savoie et ceux de Lausanne au même prix « Savoyer und Lössner schild, einer für 2 Pfund 1. » (Missiv an den Schultheissen zu Thun, im stadt archiv Thun.)

Ce renseignement était nécessaire, car Louis de Savoie, en autorisant le cours des pièces d’or de Georges de Saluces, n’en fixe pas la valeur réelle. Il permet au contraire qu’elles soient reçues seulement pro suis veris liga et valore, suivant ce que sont ou seront leur titre et leur poids.

Ces monnaies, d’égale valeur intrinsèque, ou à très peu de chose près, devaient donc se ressembler comme loi et comme taille.

Or nous possédons cette double donnée pour la monnaie d’or de Savoie à une époque presque identique. /421/

Les lettres patentes de Louis et d’Amédée IX nous montrent l’écu invariablement fixé à 23 carats depuis 1449 jusqu’à 1467; voilà pour le titre.

Voyons pour la taille, c’est-à-dire le poids. D’abord taillé à 72 pièces au marc en 1449, l’écu se maintient à ce taux jusqu’en 1457. A cette époque il s’améliore et ne se taille plus qu’à 71 12 pièces au marc. En 1459 le marc ne doit plus fournir que 71 écus et cet état de choses durait encore en Savoie en 1467, c’est-à-dire quelque temps après la mort de Georges de Saluces.

Ces ducats paraissent avoir été frappés avec une certaine abondance; on les retrouvait parfois à l’étranger, témoin le fait suivant :

« Le dit 27 jour de Juing 1458, par Bernard du Plaissart sergent royal furent apportées au comptouer 48 pièces de monnaies d’or non courant, par luy prinses sur plusieurs marchans de Rouen, eulx retournant du Lendit (de la foire). Ensemble plusieurs pièces d’argent, c’est assavoir :

Sur Thomassin de Rouen marchand demeurant au dict lieu, deux Saluz, un escu de Losenque en Savoie…  »

Cet écu de Losenque en Savoie, et à la date de 1458, est évidemment l’écu de Georges de Saluces. Par malheur, le procès-verbal dont je donne ici le commencement annonce dans les dernières lignes que « l’escu de Losenque » fut fondu comme les autres pièces d’or confisquées et que le sergent royal eut pour sa part le quart de la « prinse. 1  » /422/

 

Monnaies d’argent et de billon.

Nous sommes loin de connaître tout ce que l’atelier de Lausanne a émis de 1440 à 1461; ce que nous possédons suffira néanmoins pour donner une idée assez complète de cette fabrication. Voici ce que trente années de recherches assidues m’ont permis de constater :

Pl. III, N<sup>o</sup> 1.

BEN(edictus) FRVCT(us) VENT(ris) T(ui). La vierge et l’enfant Jésus au-dessus d’un écusson aux armes de l’évêque (d’argent au chef de gueules.)

Rev. † G D SAL LAVS EPS. Croix dans un entourage formé de quatre demi-cercles; des annelets placés à leur jonction cantonnent la croix. Après le mot EPS une petite aile éployée.

(Pièce unique et inédite.) Demi-gros. Poids, 1 gr. 50. Musée cantonal.

Cette pièce, publiée ici pour la première fois, est d’un grand intérêt pour l’histoire de la monnaie lausannoise. L’aile placée au revers, à la fin de la légende, nous fait connaître le maître qui l’a fabriquée; c’est Jean de l’Ale, nous l’avons dit plus haut, qui dirigea la monnaie de 1449 à 1450. Nous connaissons aussi celui qui a gravé le coin du demi-gros, Willerme Perrusset, alias Dorerius.

C’est une rare aubaine que de pouvoir donner de pareils détails en publiant une monnaie inédite, plus rare encore quand il s’agit de Lausanne.

Pl. III, N<sup>o</sup> 2.

V(ir)GO M(ate)R DEI ORA P(ro) N(obis). La vierge et l’enfant Jésus à mi-corps sur un croissant. /423/

Rev. GD SAL LAVS EPS. Croix cantonnée de quatre étoiles; au-dessus, un annelet.

(Pièce inédite.) Demi-gros. Poids, 1 gr. 40. Musée cantonal.

Un autre exemplaire, usé; poids, 1 gr. 25.

Pl. III, N<sup>o</sup> 3.

G D SALVCIIS EP LAS. La vierge et l’enfant Jésus au-dessus d’un écusson aux armes de Saluces.

Rev. SIT NOME (n) DNI BND. Croix cantonnée de quatre étoiles. Au-dessus, un annelet; au-dessous, un point.

Demi-gros. Poids, 1 gr. 50. Musée cantonal.

Autre variété LAVS. Poids, 1 gr. 65.

Ces demi-gros ou sesens de Lausanne, soit pièces de 6 deniers, se trouvent en rapport parfait avec les demi-gros de Savoie. Ces derniers, d’après les ordonnances, sont à 5 den. 12 grains comme titre et à la taille de 150 pièces au marc, soit du poids de 1 gr. 631 la pièce.

Pl. III, N<sup>o</sup> 4.

G D SALVCIIS EP LASV (sic). La vierge, etc.

Rev. † SIT NOME DNI BENEDTV’. Croix fleuronnée.

Trésel. Poids, 1 gr. 20. Musée cantonal.

Cette monnaie est fort commune; le poids de la plupart des exemplaires dépasse habituellement, malgré une longue circulation, 1 gr. 15 et il n’est pas rare d’en rencontrer qui vont jusqu’à 1 gr. 30 et même 35.

Il existe bon nombre de variétés de coin; les émissions ont dû être très répétées. /424/

L’essai de cette monnaie a accusé 320 millièmes de fin, soit un titre de 3 deniers 20 14 grains.

Pl. III, N<sup>o</sup> 5.

G D SALVCIIS EP LAVS. L’évêque assis, de face et tenant dans la droite la crosse épiscopale.

Rev. † SIT NOME DNI BNNEDTV. Croix chardonnée.

Trésel.

J’ignore le poids et le titre de cette monnaie. Elle ne m’est connue que par une gravure empruntée à Muletti, Storia di Saluzzo, tom, V, pag. 113, No 3 de la planche jointe au texte.

Cette pièce, qui malheureusement semble perdue, ne peut être qu’un trésel ou pièce de trois deniers de Lausanne. D’après le type et la croix chardonnée, on doit la regarder comme appartenant à la première émission de Georges de Saluces.

Pl. III, N<sup>o</sup> 6.

† GD SALVCIIS. Ecusson aux armes de Saluces, entouré de trois demi-cercles cantonnés de trois roses.

Rev. † EPS LAVNES’. Croix chardonnée.

Denier. Poids, 0 gr. 85. Musée cantonal.

Monnaie très commune. Le titre est en général de 110 millièmes de fin, soit 1 denier 7 34 grains.

Pl. III, N<sup>o</sup> 7.

G D SALVCIIS. Petit écusson aux armes de Saluces; au dessous un annelet.

Rev. † EPS LAVNES. Croix chardonnée; dessous, un annelet.

Obole. Poids, 0 gr. 60. Musée cantonal. /425/

Autre exemplaire. Poids, 0 gr. 68. Coll. Im Hoof, à Winterthur.

Toutes les monnaies que je viens de décrire rentrent dans le système inauguré par Gui de Prangins, en 1375.

Les deux pièces qui vont suivre s’en éloignent, et ne peuvent, comme je le démontrerai, avoir été frappées avant l’année 1457.

Pl. III, N<sup>o</sup> 8.

AVE MARIA GRA PLENA DNS T. La vierge et l’enfant Jésus à mi-corps placés sur l’écusson de Saluces entouré de deux arceaux; au-dessous de l’écu, la lettre M.

Rev. † GD SALVCIIS EPS LAVSANESIS. Croix entre quatre segments de cercle; à leur jonction, quatre trèfles ou triolets cantonnent la croix. Au-dessous de celle-ci, un annelet.

Parpaillole. Poids, 2 gr. 95. Musée cantonal.

Autre exemplaire avec la variante LAVSANESI et sous l’écusson C.

Poids, 2 gr. 80. Coll. Im Hoof, à Winterthur.

Autre variété. AVE MARIA GRA DIS T.

Poids, 2 gr. 75. Cabinet de France.

Autre avec DNS TEC.

Poids, 3 gr. 02. Ibidem.

La date de ces monnaies ne peut être douteuse. Le type en est emprunté à la parpagliuola de Savoie, qui fit son apparition en 1457 seulement.

Les lettres patentes de Louis de Savoie, 29 janvier, adressées /426/ à Perronet Guiliod de Bourg en Bresse, en ordonnent la frappe au titre de 4 deniers 6 grains de fin et au poids de 6 sols 10 deniers, soit 82 pièces au marc, ce qui donne pour chacune de ces pièces 2 gr. 985, moins et plus la tolérance d’usage.

Pl. III, N<sup>o</sup> 9.

† MONETA NOVA LAVSANE. Ecusson aux armes de Saluces, placé sur une crosse épiscopale et entouré de trois segments de cercle. Au-dessous de l’écu, un annelet.

Rev. † G DE SALVCIIS EPISCOPV. Croix entourée de quatre demi-cercles. Deux trèfles cantonnent la croix. Au-dessous, la signature M surmontant un annelet.

(Pièce unique et inédite.) Demi-parpaillole. Poids, 1 gr. 45. Musée cantonal.

L’ordonnance de Louis de Savoie indique pour la mezza parpagliuola un titre de 4 deniers 6 grains, une taille de 13 sols 6 deniers, soit 156 pièces au marc, chaque pièce pesant donc 1 gr. 57 environ.

La parpagliuola, appelée aussi « pièce de trois quarts, » est caractérisée comme type par ses quatre arceaux qui entourent la croix du revers, et aussi par les quatre fleurons roses ou trèfles qui cantonnent cette croix.

La demi-parpagliuola n’est cantonnée que de deux de ces ornements.

Sous Georges de Saluces et en copiant pour la première fois ce type on s’y conforma d’abord fidèlement, mais nous verrons plus loin l’imitation devenir moins rigoureuse et cette caractéristique de la demi-parpaillole s’altérer sous Guillaurne de Varax.

 


 

/427/

PIÈCES JUSTIFICATIVES

I

Tractatus seu compuctata inter dominum et Nobilem Johannem de Lale, magistrum monete.

Vniversis et singulis presentibus et futuris harum serie notum fiat pariter et manifestum, Quod cum reuerendus in Christo pater et dominus dominus Georgius de Saluciis, etc., propter bonum et vtilitatem tam insignis ecclesie sue Lausannensis, quam eciam rei publice acque subdictorum suorum et eiusdem ecclesie sue, maturo consilio et deliberacione prehabitis ex facultate auctoritate et preheminencia eidem ecclesie sue et eius presultibus pro tempore existentibus competentibus et consuetis, disposuerit et ordinauerit monetas suas tam auri quam argenti in ciuitate sua Lausannensi de nouo cudi et operari facere ad legem, pondus et formam in capitulis super hoc confectis et conceptis lacius declaratis, huiusmodi que monetarum suarum magistrum ordinarium creauerit, constituerit et ordinauerit, videlicet nobilem virum Johannem de Lale, de Salins, Bisuntinensis diocesis, presentem et acceptantem, Hinc ad vnum annum proximum continuum et integrum, a die date presencium computandum, et vlterius, /428/ quamdiu tamen ipse nobilis Johannes benefecerit et prefati reuerendi patris domini Lausannensis fuerit voluntatis, prout in licteris eiusdem domini Lausannensis date diei hodierne confectis lacius continetur. Hinc est quod ipse reuerendus pater, dominus Georgius, Lausannensis episcopus et comes, ex vna parte, et nobilis Johannes de Lale, magister monetarum prefatus inter se, supradictis tamen licteris domini Lausannensis prefati nichilominus in suo robore permansuris, pacta et conuenciones fecerunt et inhierunt, tenoreque presencium licterarum faciunt et inheunt subsequentes. Primo videlicet, quod prefatus reuerendus pater dominus Lausannensis tenetur tradere et expedire eidem Johanni, magistro monetarum, vnam domum pro huiusmodi monetis cudendis et operandis, congruam et competentem, munitam eciam instrumentis propterea necessariis et opportunis; et casu quo dictus Nobis Johannes tempore officii sui magistratus huiusmodi durante aliqua ex ipsis instrumentis necessariis fieri faceret, illa seu eorum verus valor eidem magistro in suis computis deduci debeant et allocari. Item, quod omnes denarii, qui tempore predicto recipientur per custodem seu gardam predictarum monetarum tam pro faciendo probaciones seu les quam eciam pro ponendo in pixide, erunt sub onere seu expensis supradicti reuerendi patris domini Lausannensis. Ex alia parte vero supradictus Johannes de Lale, mediantibus premissis, juramento suo ac sub obligacione et ypotheca omnium et singulorum bonorum suorum presencium et futurorum quorumcunque, promisit et tenore presencium literarum promictit supradictas monetas bene et decenter, absque fraude et dolo cudi et operari facere; eciam custodi sive garde, sculptori, operariis monetarum et aliis officiariis quibuscunque in huiusmodi monetis operantibus seu operaturis, se et super suis salariis sibi inde debitis satisfacere et soluere, acque prefato reuerendo patri, domino Lausannensi /429/ episcopo, vel ab eo in hac parte deputando de suo dominio seu seignoragio huiusmodi monetarum bonum et fidele computum acque racionem. quociens super hoc fuerit requisitus, reddere, supradicta que necessaria monetarum instrumenta et alia vtensilia, que sibi per prefatum reverendum patrem dominum Lausannensem aut suos, propter premissa ministrabuntur, aut que ipse magister fieri faciat, vt prefertur, in fine temporis huiusmodi sui magistratus officii prefato reuerendo patri domino Lausannensi, vel suis propterea deputandis, reddere et restituere realiter et cum effectu; et insuper eciam, pro maiori securitate premissorum, bonos acque sufficientes fideiussores et caucionem securam ipsi reuerendo patri domino Lausannensi dare et prestare, quandocunque eidem placuerit, et visum fuerit expedire. Que omnia et singula nos Georgius, etc., et Johannes de Lale prenominati confitemur et recognoscimus esse vera, illaque laudamus, ratifficamus et approbamus, tenereque et complere et inuiolabiliter oberuare promictimus absque fraude et dolo quibuscunque, sub omni, eciam juris et facti renunciacione ad hec necessaria, pariter et cauthela. In quorum omnium et singulorum fidem, robur at testimonium premissorum, nos officialis curie Lausannensis, ad mandatum prelibati reuerendi patris domini Lausannensis episcopi, precesque et requisiciones nobilis Johannis de Lale, magistri premencionati, nobis oblatas fideliter et relatas per prouidum et discretum virum dominum Hugonem de Beea, presbiterum, Morinensis diocesis, apostolica et imperiali auctoritatibus notarium publicum, ipsius domini Lausannensis secretarium, ac curie officialatus nostri Lausannensis juratum, cui super hiis vices nostras commisimus, et eidem fidem plenariam adhibemus, Sigillum dicte curie nostre Lausannensis hiis presentibus licteris duximus apponendum. Datum et actum in castro Sti. Marii Lausannensis, die XXI mensis aprilis anno a natiuitate domini /430/ quatercentesimo quadragesimo nono, presentibus uenerabilibus et circumspectis acque nobilibus viris, dominis Petro de Grolea, magistro Chori, et canonico Lugdunensis; Jacobo de Pronanis, priore prioratus sancti Sulpicii; Jacobo de Turre, presidente Chamberiaci, Guidone de Prez, Anthonio de Yllens, et Anthonio Cugin, cum pluribus aliis testibus fidedignis ad premissa astantibus.

(Actes divers passés sous Georges de Saluces, évêque de Lausanne, fol. 236.)

 

II

Super officio garde monetarum pro Anthonio Cugini.

Georgius, etc., vniversis et singulis serie presencium notum facimus pariter et manifestum, quod cum nos propter bonum et vtilitatem tam insignis ecclesie nostre Lausannensis, quam eciam rei publice acque subdictorum nostrorum, et eiusdem ecclesie nostre, maturo consilio et deliberacione prehabitis, ex facultate, auctoritate et preeminencia eidem ecclesie nostre et eius presulibus pro tempore existentibus competentibus et consuetis, disposuerimus et ordinauerimus monetas nostras tam auri quam argenti in ciuitate nostra Lausannensi de nouo cudi et operari facere, ad legem, pondus et formam in capitulis super hoc confectis et conceptis lacius declaratis, ea propter de custode seu garda nobis fideli acque sufficiente et ydoneo in nostris huiusmodi monetis prouidere cupientes, fidelitatemque et legalitatem, constanciam ac alia virtutum merita, super quibus personam dilecti nostri Anthonii Cugin, Burgensis Lausannensis, agnouimus comprobatam, vt conuenit actendentes : Idcirco ex nostra sciencia et animo deliberato, ipsum Anthonium, presentem et /431/ acceptantem, tam ex nostra quam imperiali qua in hac parte fungimur, potestate, fecimus, creauimus et constituimus, facimusque, creamus et constituimus per presentes custodem seu gardam supradictarum nostrarum tam auri quam argenti monetarum in ciuitate nostra Lausannensi, vt prefertur, cudendarum, hinc ad vnum annum proximum et integrum a die date presencium incohandum, et vlterius, quandiu ipse benefecerit, et nostre fuerit voluntatis, et hoc pro et mediante pensione siue salario … … de et super qualibet marcha huiusmodi monete, vt prefertur, cudende, per ipsum Anthonium recipiendo, percipiendo et habendo. Volentes eciam quod ipse Anthonius, custos seu garda, omnibus et singulis prerogatiuis, priuilegiis, immunitatibus et indultis, quibus custodes seu garde monetarum nostrarum et ecclesie nostre predicte vti debent et gaudere, similiter gaudeat et vtatur. Ipse enim Anthonius nobis promisit corporaliter et jurauit tactis per eum propterea scripturis sacrosanctis, sub suorum eciam omnium et singulorum presencium et futurorum quorumcunque obligacione bonorum, huiusmodi officium custodie seu garde sibi collatum bene et fideliter exercere, et ea legaliter facere et adimplere que suo huiusmodi incumbunt officio, dolo et fraude ac aliis quibus suis reiectis inhonestis, mandantes hoc ideo magistro operariis, monetariis ac aliis officiariis monetarum nostrarum predictarum, nec non Baillivo, senescallo, salterio, maiori et Castellanis, ac aliis officiariis, fidelibus et subdictis nostris et dicte ecclesie nostre quibuscunque, quatenus huiusmodi nostras licteras cum earum toto effectu et tenore eidem Anthonio, quantum in eis est, obseruent, et ab aliis faciant obseruari inconcussas et illesas. Datum in castro nostro Sti. Marii Lausannensis, sub sigillo camere nostre, die … mensis aprilis, anno quo supra. (1449.)

(Actes divers passés sous Georges de Saluces, évêque de Lausanne, fol. 237.) /432/

 

III

Super sculptura cugnorum monetarum pro Willermo Perrusset, alias Dorerii.

Georgius, etc., vniuersis et singulis serie presencium Notum facimus pariter et manifestum, Quod cum nos propter bonum et vtilitatem tam insignis ecclesie nostre Lausannensis, quam eciam rei publice acque subdictorum nostrorum et eiusdem ecclesie nostre Lausannensis, maturo consilio et deliberacione prehabitis. Ex facultate, auctoritate et preheminencia eidem ecclesie nostre et eius presulibus pro tempore existentibus, competentibus et consuetis, disposuerimus et ordinauerimus Monetas nostras tam auri quam argenti jn Ciuitate nostra Lausannensi de nouo Cudi et operari facere, ad legem, pondus et formam jn Capitulis super hoc confectis et conceptis lacius declarata : Hinc est quod Nos de magistro probo et nobis fideli ac sufficiente et ydoneo ad cugna monetarum nostrarum huiusmodi sculpendum prouidere cupientes, fidelitatemque et legalitatem, constanciam ac alia virtutum merita, Super quibus dilectus noster Vuillermus Perusset, alias Dorerii, aurifaber Ciuitatis nostre Lausannensis, apud nos fidedigno commendatur testimonio, vt conuenit actendentes. Ex certa igitur nostra sciencia et animo deliberata, ipsum Vuillermum presentem et acceptantem, tam ex nostra quam imperiali, qua in hac parte fungimur, potestate, fecimus, creauimus et constituimus, facimusque, creamus et constituimus per presentes sculptorem Cugnorum nostrarum predictarum tam auri quam Argenti quarumcunque monetarum jn Ciuitate nostra Lausannensi, vt prefertur, cudendarum, /433/ hinc ad vnum annum proximum et jntegrum, a die date presencium incohandum, Et vlterius, quamdiu tamen ipse Willermus benefecerit et nostre fuerit voluntatis. Et hoc pro et mediante pensione siue salario vnius denarii cum obolo bone monete nostre Lausannensis de et super qualibet marcha monete huiusmodi vt prefertur cudenda per ipsum Vuillermum percipiendo et habendo; volentes eciam quod ipse Vuillermus, sculptor, huiusmodi suo durante officio, omnibus et singulis prerogatiuis privilegiis, immunitatibus et indultis, quibus magistri seu sculptores monetarum nostrarum huiusmodi et dicte ecclesie nostre vti debent et gaudere, similiter gaudeat, pariter et vtatur, Ipse enim Vuillermus Nobis promisit corporaliter et jurauit, tactis per eum propterea scripturis sacrosanctis, Sub suorum eciam omnium et singulorum, presencium et futurorum quoruncunque obligacione bonorum, huiusmodi officium sculpture sibi collatum bene et fideliter exercere, et ea legaliter facere que huiusmodi suo incombunt officio, fraude et dolo ac aliis quibusuis inhonestis proculmissis. Mandantes hoc ideo Magistro, custodi siue garde, operariis monetariis, ac aliis officiariis predictarum nostrarum Monetarum, Necnon Bailliuo, Senescallo, Saltero, Maiori et castellanis, ac aliis officiaris et eorum locatenentibus, fidelibusque et subdictis nostris quibuscunque, quatenus huiusmodi nostras licteras, cum toto earum vero effectu et tenore, eidem Vuillermo, in quantum in eis est, obseruent et ab aliis faciant obseruari inconcussas et illesas. Datum in castro nostro sancti Marii Lausannensis, sub Sigillo Camere nostre, die XXIIIIta mensis aprilis anno a natiuitate domini Mo IIIIc XLIXo. (1449.)

(Registre de divers actes de l’évêque de Lausanne, Georges de Saluces, par Hugonin de Bead, secrétaire de la mense épiscopale, fol. 234.) /434/

 

IV

Instrumentum ad cudendam monetam.

Georgius, etc. Dilecto nostro Guidoni Vincencii, ciui Lausannensi, salutem. Grata fidelitatis obsequia, que nobis et ecclesie nostre Lausannensi hactenus impendisti et cotidie impendere non designis, nos inducunt, vt te fauoribus et graciis prosequamus opportunis : Visis igitur licteris diue memorie domini Sigismondi, dei gracia Romanorum regis, etc., quibus nostre presentes sunt annexe; tuis eciam humilibus et deuotis supplicacionibus fauorabiliter inclinati, te ad monetas nostras tam auri quam argenti in nostra ciuitate Lausannensi cudendas, illarumque officium juxta predictarum imperialium licterarum vim, formam et tenorem admictendum, ac tibi licenciam in ipsis monetis fideliter et debite operandi concedendum duximus, admictimusque et concedimus per presentes; nostris semper et ecclesie nostre predicte acque nostrorum in eadem successorum juribus, priuilegiis, indultis et preheminenciis remanentibus semper saluis. Tu enim nobis promisisti et jurasti tactis per te propterea scripturis sacrosanctis, quod nobis et ecclesie nostre predicte ac nostris in eadem successoribus canonice intrantibus verus eris obediens et fidelis, commodum nostrum et dicte ecclesie procurabis, et incommodum pro posse euitabis, dictumque officium tuum bene et fideliter exercebis, et alia facies que huiusmodi tuo incvmbunt officio, fraude et dolo ac aliis quibusuis inhonestis proculmissis. In cuius rei testimonium sigillum camere nostre presentibus nostris licteris duximus apponendum. Datum in castro nostro Rippe Ochiaci, presentibus venerabili viro domino Johanne Andree, in decretis /435/ licenciato, officiali, ac nobili Anthonio de. Yllens. bailliuo nostris Lausannensibus, die XXIII mensis januarii anno a natiuitate domini millesimo quatercentesimo quinquagesimo secundo.

(Divers actes passés sous Georges de Saluces, évêque de Lausanne, fol. 251 verso.)

 

V

Registrum pro Guichardo Regnault, sculptore monete.

Georgius de Saluciis, dei et apostolice sedis gracia Lausannensis episcopus et comes, vniversis et singulis serie presencium notum facimus pariter et manifestum quod cum nos pridie propter bonum et vtilitatem tam insignis ecclesie nostre Lausannensis, quam eciam rei publice atque nostrorum et eiusdem ecclesie nostre subditorum, maturo consilio super hoc et deliberacione prehabitis, ex facultate, auctoritate, preheminencia eidem ecclesie nostre et eius presulibus pro tempore existentibus competentibus et consuetis, disposuerimus et ordinauerimus monetas nostras tam auri quam argenti in ciuitate nostra Lausannensi decudi atque operari facere ad legem pondus et formam in capitulo super hoc confectis et conceptis lacius declarata. Hinc est quod nos de magistro probo et nobis fideli ac sufficiente et ydoneo ad cugna monetarum nostrarum et huiusmodi sculpendarum providere cupientes, fidelitatemque et legalitatem, constanciam et alia virtutum merita, super quibus dilectus noster Guichardus Regnault, de Pagny, Bisuntinensis diocesis, burgensis ville Friburgi, diocesis nostre Lausannensis, apud nos fidedigno commendatur testimonio, vt conuenit actendentes : /436/ Ex certa igitur nostra sciencia et animo deliberato ipsum Guichardum, presentem et acceptantem, tam ex nostra quam imperiali nobis in hac parte facultate concessa, fecimus, creauimus et constituimus, facimusque, creamus et constituimus per presentes sculptorem cugnorum nostrarum predictarum tam auri quam argenti quarumcunque monetarum in ciuitate nostra Lausannensi vt prefertur cudendarum, hinc ad vnum annum proximum et integrum a die date presencium incohandum, et vlterius quamdiu tamen ipse Guichardus bene fecerit et nostre fuerit voluntatis, et hoc pro et mediantibus pensione sine salutario trium denariorum bonorum Lausannensium de et super qualibet marcha auri, vnius denarii cum obolo eiusdem monete nostre similiter de et super qualibet marcha monete huiusmodi vt prefertur cudende per ipsum Guichardum precipiendis et habendis : volentes, etc., quod ipse Guichardus sculptor huiusmodi suo durante officio, omnibus et singulis prerogatiuis, priuilegiis, immunitatibus et indultis, quibus nostri monetarum nostrarum huiusmodi et dicte ecclesie nostre scultores vti debent et gaudere, similiter gaudeat pariter et utatur. Ipse enim Guichardus nobis promisit corporaliter et jurauit tactis per eum propterea scripturis sacrosanctis, sub suorum, etc., omnium et singulorum mobilium et immobilium, presencium et futurorum quorumcumque expressa obligacione bonorum, nobis et ecclesie nostre fidelem esse, commodum nostrum et ipsius ecclesie nostre procurare, et incommodum euitare toto posse, huiusmodique officium suum bene, fideliter atque legaliter exercere, ac ea omnia et singula facere, que huiusmodi suo incumbunt officio, fraude et dolo ac aliis quibusuis inhonestis proculmissis. Mandantes hoc ideo magistro, custodi sine garde, operariis monetarum ac aliis officiariis predictarum nostrarum monetarum, presentibus et futuris, necnon bailliuo, senescallo, psaltero, maiori, castellanis ac aliis officiariis et eorum /437/ locatenentibus, fidelibusque et subditis nostris quibuscunque quatenus huiusmodi nostras litteras cum toto vero earum effectu et tenore eidem Guichardo, in quantum in eis est, obseruent et ab aliis faciant observari, inconcussis et illesis nostris et ecclesie nostro predicte atque nostrorum in eadem successorum juribus, privilegiis, indultis et preheminenciis, remanentibus semper saluis. Datum in ciuitate nostra Lausannensi, sub sigillo camere nostre, die XXVIta, mensis marcii anno Mo CCCCmo LIIdo.

Note. Fiat similis lictera, de verbo ad verbum, pro Bernardo Watellet, filio Johannis Watellet, de Iognia, Lausannensis diocesis, sub data diei duodecime mensis aprilis anno a nativitate domini Mo CCCCmo Lmo tercio.

(Registres d’actes divers passés sous Georges de Saluces, évêque de Lausanne, rédigés par Hugonin de Bead, secrétaire de la mense épiscopale, fol. 19.)

 

VI

1452. Ludovicus dux Sabaudie, Chablaysii et Auguste, sacri Romani imperii princeps vicariusque perpetuus, marchia in Ytalia, princeps Pedemoncium, Gebennensis et Baugiaci comes, Baro Vuaudi, Foucigniaci et Beugesii, Nycieque et Vercellarum dominus, universis serie presencium facimus manifestum, quod licet de anno presenti nostris mandaverimus licteris voce preconis et publice intimari, ne quis subditorum nostrorum mediatorum vel immediatorum aliquas monetas auri que cuderentur vel a sex mensibus ante hujus modi exequucionem licterarum cudite forent, exceptis duntaxat monetis serenessimorum Regis Francorum, domini Dalphini, ejus primogeniti, aut nostris seu aliis in territoriis nostris cursum habere solitum nullimode cursales et exponende /438/ reciperentur; et alias prout in dictis licteris plenius continetur : cumque a nonnullis hesitatum foret, an monete auri sub cugno ecclesie cathedralis beate Marie Lausannensis ac reverendi in Christo patris consanguinei nostri carissimi domini Georgii de Saluciis, dicte ecclesie Lausannensis episcopi et comitis, condite et fabricate deberent habere cursum et admicti : Hinc est quod de juribus, titulis, prerogativis, libertatibus et indultis prefatorum ecclesie et episcopi ad plenum informati, quibus nullomodo derogare aut derogatum fuisse intendimus ac volumus, matura deliberacione prehabita, actestamur nostre intencionis non fuisse aut esse, ut monetarum auri predictorum ecclesie et episcopi quovismodo impediretur aut impediatur cursus; quinymo harum per tenorem declaramus et volumus, ut in tota dicione nostra, citra et ultramontana, pro suis veris liga et valore currant, exponantur et admictantur. Mandantes propterea consiliis nobiscum Chamberiaci et ultra montes residentibus, vicedompnoque Gebennarum, Baillivis insuper et procuratoribus Sabaudie Gebennarum et Vuaudi, nec non universis et singulis generalibus magistris, custodibus, thesaurariis et ceteris monetarum nostrarum officiariis, fidelibus et subditis nostris mediatis et immediatis, ipsorumque officiariorum locatenentibus, et cuilibet eorumdem, quatenus hujusmodi declaracionem et licteras predictis ecclesie et episcopo, episcopisque Lausannensibus, eorum successoribus, prothenus observent, teneant, actendant et de puncto ad punctum exequantur, nichil de contingentibus in eisdem obmictendo, licteris primodictis non obstantibus, quoniam illis quo ad hec motu proprio et ex certa nostra sciencia et specialiter ac expresse derogamus et derogatum esse volumus per presentes. Datum Seisselli, die vicesima sexta mensis junii anno domini MCCCCLII.

Signé : Loys.

(Titres du Bailliage de Lausanne, No 2751.) /439/

 

VII

1459. Le 31 octobre, Jean fils d’Etienne Bourgeois monnoyer du Saint-Empire est reçu en la même qualité par les monnayeurs et ouvriers de la monnaie de Lausanne, savoir par :

Gui Vincent, prévôt des ouvriers;
Jean de Ballon, probablement le même qui figure dix ans plus tard au parlement des monnoyers de Bourg en Bresse sous le nom de Jean Bounaz alias de Ballon;
Jean Cusin, de Mont-Dragon;
Nicod et Jean Blondel, de Gresie;
Pierre Russillion, de Villette;
Tous les quatre ouvriers de la monnaie (operarii).
Antoine Cugin, marchand à Lausanne;
Jean Colin, de Nyon;
Jaquemet Morel, de Saint-Gervais;
Jean Blondel, de Gresie.
Ces quatre derniers monnayeurs (monetarii).

(Cet acte de réception a été publié intégralement dans les Mémoires de la Société d’histoire de Genève, tom. II, pag. 80.)

 

VIII

1461. Georges de Saluces achète du prieur de Saint-Sulpice sa maison sise à Lausanne « in Burgo Superiori, » moyennant 224 livres Laus. « pro moneta cudenda. »

(Archiv. Cant. Baill. de Lausanne, No 2812.)

 


/440/ /441/

 

GUILLAUME DE VARAX

1462-1466

Ce prélat, arrivé à l’évêché de Lausanne dans un âge déjà avancé, y a laissé peu de traces de son passage.

Il faut reconnaître cependant que durant ce court épiscopat le monnayage fit preuve d’une certaine activité, car, sans parler de ce qui a pu échapper à nos recherches, on possède de Guillaume de Varax les monnaies suivantes :

Pl. IV, N<sup>o</sup> 1.

AVE GRA PLENA. La vierge et l’enfant Jésus sur un écusson aux armes de Varax. (Ecartelé de vair et de gueules.)

Rev. † G D VARAX EPS LAVS & COM. Croix dans un entourage formé par quatre demi-cercles; au-dessous, un annelet entre deux points; au sommet, la signature I.

Parpaillole. Poids, 2 gr. 80. Musée de Genève.

Cette monnaie a été publiée dans le temps par R. Blanchet (Monn. du Léman, Pl. VII, No 9), mais d’une manière fautive. /442/

Un autre exemplaire porte la signature I entre deux annelets au bas de la croix.

Poids, 2 gr. 75. Musée cantonal.

AV.E GRACIA PLENA DOM T

Rev. G D VARAX EPS LAVS & COM.

Même types; sous la croix une signature différente mais illisible. Exemplaire fort usé. Musée cantonal.

On remarquera sur cette pièce la présence d’un point secret placé après la seconde lettre du mot AVE.

AVE GRACIA PLENA DOM.

Rev. G D VARAX EPS LAVS & CO.

Exemplaire de belle conservation, mais rogné. Musée cantonal.

Une autre variété se trouve encore indiquée dans plusieurs anciens placarts monétaires flamands du XVIe siècle, mais il est prudent de n’apporter qu’une créance limitée à ces clichés, pour la plupart du temps mal compris du graveur, ainsi que le témoigne, par exemple, le nom donné par ces placarts à la monnaie qui nous occupe.

Dans cette rédaction grotesque, la parpaillole de Guillaume de Varax devient un « Marigros (Marien groschen) van Wilack ! » (Conf. le placart intitulé : Donghevalveerde gouden ende Silveren munte, etc. Antwerpen Christoph Plantin, 1574, 8o, Fol. Cc ij recto.)

Faute de documents authentiques, je ne puis indiquer qu’à peu près le poids normal des monnaies de Guillaume de Varax. En tenant compte du frai subi par les divers /443/ exemplaires qui ont passé entre mes mains, et en me basant aussi sur les pièces analogues de Lausanne et de Savoie à cette époque, je crois pouvoir établir que le poids de nos parpailloles, au sortir des coins, atteignait environ 3 grammes, c’est-à-dire le poids de la parpagliuola édictée par Louis de Savoie, en 1457, soit 2 gr. 985.

Pl. IV, N<sup>o</sup> 2.

† G D VAR EPS LAVS & CO. Ecusson aux armes de Varax, dans un entourage de trois arceaux accostés d’un « point ouvert. » (Le punctum apertum des ordonnances monétaires.)

Rev. MANETA (sic) NOVA D LAVSANE. Croix entre quatre arceaux ornés à leur jonction d’annelets retombant dans les cantons. Sous la croix, un autre annelet. (Pièce unique et inédite.)

Demi-parpaillole. Poids, 1 gr. 40. Musée de Lyon.

Nous avons vu, en étudiant les monnaies de Georges de Saluces, que la demi-parpaillole était caractérisée entre autres choses, sur le prototype savoyard, par deux nœuds ou lacs qui cantonnent la croix du revers, tandis que la parpaillole est ornée de quatre de ces signes. (Conf. D. Promis, Mon. Ined. del Piemonte, suppl. 1866. Pl. I, No 13.)

Cet indice, déjà vaguement reproduit par Georges de Saluces, disparaît tout à fait dans la demi- parpaillole que nous venons de décrire. On peut conclure de ceci que l’atelier de Lausanne, tout en puisant ses inspirations premières dans ce que la fabrication savoyarde pouvait offrir d’utile, ne s’étudiait pas à la copier servilement. Loin de donner à son numéraire certaine ressemblance avec celui /444/ des états voisins, ressemblance habilement calculée de manière à établir une facile confusion, à augmenter de la sorte l’écoulement de ses émissions, l’évêché conservait à sa monnaie un caractère particulier, original et, par-dessus tout, honnête.

Il n’est pas inutile d’insister sur ce fait, car un peu plus loin nous verrons Lausanne entrer, comme tant d’autres états, dans la voie des contrefaçons monétaires, opérations plus ou moins lucratives, mais, à coup sûr, peu honorables.

Le poids normal de la demi-parpaillole, au sortir du coin, a dû être de 1 gr. 50 environ. Celle du duc de Savoie, en 1457, pesait 1 gr. 492.

Pl. IV, N<sup>o</sup> 3.

G D VARAX EPS. Ecusson aux armes de Varax posé sur la crosse épiscopale.

Rev. LAVSANE EPS. Croix fleurdelisée.

Denier. Poids, 0 gr. 95. Musée cantonal.

Autre exemplaire avec la variante LAVSANE P au lieu de EPS.

L’essai de ces deniers a donné pour résultat 100 millièmes de fin, soit 1 denier 4 34 grains.

La plupart des deniers qu’on rencontre, et ils ne sont pas rares, pèsent 0 gr. 75 à 0 gr. 80 en bonne conservation.

Un exemplaire fleur de coin appartenant à M. Im Hoof-Blumer, de Winterthur, ne dépasse pas 0 gr. 68. On en peut déduire que la taille de ces basses espèces, en /445/ général plutôt onéreuses que profitables pour les maîtres de la monnaie, se pratiquait avec un certain laisser-aller et qu’on ne demandait guère à ceux-ci que de livrer tant de pièces au marc.

Les variétés du denier de Varax sont nombreuses, l’une d’elles porte la légende rétrograde SPE ENASVAL.

Une autre G C VARAX. Cette lettre C, placée là pour un D, n’est peut-être pas une simple inadvertance du graveur des coins. Ainsi qu’on a pu le voir précédemment, et on le verra encore par la suite, la série monétaire lausannoise montre une habitude constante d’altérer dans les légendes une certaine lettre choisie à dessein, sans doute pour lui faire jouer le rôle d’un point secret, d’un différent monétaire.

Je ne parlerai pas des variantes de coin qui se reproduisent sous forme d’étoiles, de points ouverts ou fermés, d’annelets, de croisettes, etc.; le nombre en est infini et je ne mentionne la chose que pour donner une idée de la multiplicité des émissions de Guillaume de Varax.

Le poids des deniers de cet évêque est, comme nous l’avons vu, très variable; la trouvaille de Moudon qui nous en a fourni beaucoup d’exemplaires ne fait qu’accentuer ces différences dans les pesées.

Ces basses monnaies, d’un usage fréquent, sont toujours plus fatiguées que les autres, il serait difficile de se baser sur leur poids actuel pour rechercher ce qu’il a pu être à l’origine. Un de ces deniers pèse 1 gr. 07, un autre atteint à peine 0 gr. 50 sans être visiblement altéré.

Cette fois encore il faut demander à la monnaie de Savoie de nous servir de guide. L’équivalent de nos deniers me /446/ paraît être le « denier blanchet » frappé à 1 denier 9 grains en loi, et en poids à 22 sols 3 deniers, soit 267 pièces au marc de Troyes, ce qui met le poids de chaque denier blanchet à 0 gr. 916.

L’obole de Guillaume de Varax a dû être fabriquée sur le pied de l’obole blanchet son analogue, au titre de 22 grains et en poids à 32 sols 3 deniers, soit 387 pièces au marc, la pièce pesant ainsi 0 gr. 63.

Mais il ne faut pas s’attacher rigoureusement au poids des basses monnaies, nous l’avons vu. Aussi placerai-je aux oboles la pièce suivante, malgré son poids élevé.

Pl. IV, N<sup>o</sup> 4.

G D VARAX. Ecusson aux armes sur une crosse, accosté de deux annelets.

Rev. LAVS….. Croix fleuronnée.

Obole. Poids, 0 gr. 84. Musée cantonal.

Aucun des deniers de Varax ne porte de signature.

On ignore tous les détails relatifs à la fabrication de la monnaie de cet évêque; on ignore si un seul ou plusieurs maîtres y ont travaillé.

Le seul document qu’on puisse citer pour ce temps est une confirmation des privilèges accordés aux monnayeurs. Celle-ci est datée du 13 mai 1463 et doit être voisine de la première émission 1. Rien n’indique si elle lui est antérieure /447/ ou postérieure. On se rappelle, en effet, que, sous l’épiscopat de Guillaume de Menthonay, le maître des monnaies Jean de Canturio entrait en fonctions le 29 mars 1395 et que seulement le 17 avril de la même année les gens de la monnaie obtenaient la confirmation de leurs franchises.

 


 

/448/ /449/

 

JEAN DE MICHAËLIS

1466-1468

On ne possède de cet évêque qu’une petite pièce de monnaie dont voici la description :

Denier de JEAN DE MICHAËLIS

IO EPS ET COM. Ecusson aux armes de Jean de Michaëlis posé sur la crosse épiscopale.

Rev. LAVSANE EPS. Croix fleurdelisée.

Denier. Poids, 1 gr. 03. Musée cantonal.

Une variété de cette rarissime pièce porte la signature C au bas de l’écusson.

Il est probable que Jean de Michaëlis a fabriqué peu de monnaies, peut-être n’a-t-il émis que des deniers. Cependant on connaît une ordonnance rendue à Milan le 7 octobre 1469 par le duc Galéas Maria Sforza qui, entre autres monnaies, prohibe les quarts de Lausanne. S’agit-il là de /450/ quarts de Michaëlis ou de quarts non moins inconnus émis par Guillaume de Varax ? Je crois que l’ordonnance de Milan n’a trait ni aux uns ni aux autres, et qu’elle concerne probablement les nombreux trésels de Georges de Saluces qui devaient abonder en Italie tout comme les « ambrosini » de Milan affluaient dans nos contrées.

Le denier de Jean de Michaëlis a donné à l’essai 112 millièmes de fin, soit un titre de 1 denier 8 12 grains.

 


 

/451/

PIÈCE JUSTIFICATIVE

Moneta alcuna de Dinari sexe et da sexe in X. che non sia fabbricata in le zeche del prelibato Jll. signor nostro et quarti de Savoglia et de Losana non se deno spender ne recevere sotto pena de perder la moneta et de pagare per uno quattro la quale pervenga ut supra. Doue parte a la camera Ducale e per l’altra terza parte à l’inventore.

(Ordonnance proclamée à Milan, le 7 8bre 1469.)

/452/ /453/

 

BARTHELEMI CHUÊT

ÉVÊQUE DE NICE

ADMINISTRATEUR DE L’ÉVÊCHÉ DE LAUSANNE

1469-1472

 

Barthelemi Chuêt 1 fut nommé administrateur apostolique de l’évêché le 29 juillet 1469; le 15 décembre de la même année il confirmait, suivant l’usage, les privilèges et franchises des monnayeurs.

On a de lui les monnaies suivantes :

Pl. V, N<sup>o</sup> 1

PVLCRA VT LVNA ELECTA VT SOL. La vierge et l’enfant Jésus, à mi-corps, au-dessus d’un écusson armorié. (Un soleil rayonnant placé sur un croissant 2.) /454/

Rev. B EPS NICIEN ADMISTRATOR LAVSA’. Croix entourée de quatre demi-cercles; à leur jonction quatre quintefeuilles cantonnent la croix. Au-dessous de celle-ci, la signature C.

Parpaillole. Poids, 2 gr. 60. Musée cantonal.

Autre exemplaire. Les annelets qui séparent les mots dans les légendes sont remplacés par deux croisettes. Conservation très médiocre. Poids, 2 gr. 40. Musée cantonal.

Autre exemplaire à peu près identique au premier. Légère variété dans la légende. Poids, 2 gr. 90. Cabinet de France. No 2667 du catalogue.

Pl. V, N<sup>o</sup> 2

† B EPS ADMINISTRATOR LAVS. Ecusson ut supra, entouré de trois demi-cercles et posé sur la crosse épiscopale.

Rev. † MONETA NOVA LAVSAN. Croix entourée de quatre demi-cercles; à leur jonction, quatre annelets.

(Pièce unique et inédite.) Demi-parpaillole. Poids, ? Musée de Lyon.

Pl. V, N<sup>o</sup> 3

† B EPS ET CO. Ecusson sur une crosse; au-dessous, C.

Rev. † LAVS ACMIST. Croix fleurdelisée.

Denier. Poids, 0 gr. 90. Musée cantonal.

La trouvaille de Moudon a donné sept exemplaires de cette variété. Il faut encore remarquer la lettre C placée pour D dans le mot administrator. C’est un nouvel exemple /455/ de la coutume que j’ai signalée dans les pages précédentes.

Autre exemplaire sans la signature C.

Je n’indiquerai que pour mémoire plusieurs variantes de détail qui se rencontrent dans les signes séparatifs des légendes, etc.

La trouvaille de Moudon a fourni trente-sept deniers de Barthélemi Chuêt. Le poids le plus fort est de 1 gr. 14; quatre exemplaires dépassent 1 gr.; le plus grand nombre des autres parmi ceux dont la conservation est satisfaisante donne une moyenne de 0 gr. 90.

Si l’on tient compte de ce que ces pièces ont dû perdre par la circulation, leur poids normal au sortir des coins devait atteindre et même dépasser un gramme.

Comme titre ces derniers sont à 96 millièmes, soit 1 denier 3 34 grains.

Nous ne savons rien des conditions de poids et de loi qui ont régi la fabrication des monnaies de Barthélemi Chuêt. Elles paraissent identiques à celles qui fonctionnèrent sous Guillaume de Varax et, dans tous les cas, établies conformément au nouveau système institué par Georges de Saluces vers 1457, c’est-à-dire peu après les lettres patentes de Louis de Savoie.

Pl. V, N<sup>o</sup> 4

B EPS ET … Dans le champ la majuscule gothique L (Lausanna) entre deux annelets.

Rev. LAVS A(dministrator). Croix recroisetée.

Pièce unique et inédite. Obole. Poids, 0 gr. 50. Musée cantonal.

Il se peut que les pièces que je viens de décrire ne représentent pas la totalité des émissions de Barthélemi. Elles /456/ suffisent néanmoins pour établir par leur nombre et surtout par la quantité des variantes que, sous cette administration si courte et constamment entravée par les résistances du chapitre, l’atelier monétaire de Lausanne fit preuve d’une remarquable activité.

En 1469, les ouvriers et monnayeurs de Genève et de Lausanne envoient des délégués au parlement des monnoyers tenu cette année à Bourg en Bresse. J’aurais voulu donner ici le nom des gens de la monnaie de Lausanne, mais dans le document auquel j’emprunte ce renseignement les monnayeurs de Lausanne et de Genève sont confondus.

J’y distingue cependant Grant Jean Doctroz de Lausanne (peut-être le même que Jean Daultro, qui figure plus loin au parlement d’Avignon en 1477), Jaquemet Morel, qui s’y retrouve aussi en qualité de procureur, Jean Bourgeois le jeune, de Lausanne, Jean Revil, probablement le même que Jean Revit mercator et burgensis, prieur de Lausanne de 1488 à 1489.

 


 

/457/

PIÈCES JUSTIFICATIVES

I

15 Décembre 1469. - Bartholomeus miseracione divina Episcopus Niciensis et comes administrator in spiritualibus et temporalibus ecclesie et episcopatus Lausannensis, a Sancta Sede apostolica specialiter deputatus, Notum serie presentium facimus universis presentibus et posteris quod Nos visis exemplis seu auctenticis ac licteris pie memorie Reverendorum patrum dominorum Guillelmi de Menthonay, Guillelmi de Challant, Georgii de Saluciis, et Guillelmi de Varax quondam Episcoporum et Comitum Lausannensium quibus nostre presentes sunt annexe, supplicationibus quoque benedilectorum Nobis in Christo magistri operariorum et monetariorum in eisdem licteris mentionatorum, In hac parte benigniter annuentes … ut ipsi et eorum quilibet erga nos et ecclesiam Lausannensem predictam in huius artis exercicio et alias tanto ferventius et fidelius se promptos exhibeant et affectos quanto a nobis et predicta ecclesia sincerius se noverint pertractatos, Ex nostra igitur sciencia et animo deliberato pro nobis et nostris in dicta Lausannensi Ecclesia et illius administracionis successu canonice intrantibus, Omnes et singulas franchesias, gracias, privilegia et immunitates quas /458/ cunque per prelibatos Dominos in hujus modi Lausannense Ecclesia predecessores Episcopos, magistris, operariis et monetariis suis hacthenus concessas et indultas in predictis exemplis seu copiis ipsorumque quondam dominorum Lausannensium licteris sub annexis lucide descriptis et designatis Prememoratis magistro, operariis et monetariis presentibus et futuris qui de sacramento artis et officii dictarum monetarum fuerunt sunt et erunt in futurum infra Civitatem, terram dominium atque juridicionem predicte Ecclesie Lausannensis operantibus et non operantibus ipsorumque magistri operariorum et monetariorum uxoribus et familie ac ipsorum cuilibet laudamus, ratifficamus, homologamus, approbamus et confirmamus Ipsosque et quemlibet eorum atque bona sua quecunque sub nostris et dicte Ecclesie Lausannensis protectione salvoconductu et salvagardia reducimus, reponimus et retinemus per presentes universis et singulis Ballivo, Saltero, majori, judicibus, Castellanis, mistralibus, Vassallis, fidelibus et subditis ceteris que officiariis nostris et dicte Lausannensis Ecclesie presentibus et futuris cuilibetque et locatenentibus eorumdem quibuscunque harum sic propterea distincte precipiens mandantes quatenus hujus modi nostras licteras cum toto earum vere effectu et tenore magistro operariis et monetariis ipsorumque uxoribus et familie supra dictis observent quantum in eis est et ab aliis quorum interest observari faciant et promittant inconcussas pariter et illesas oppositione contradictione et difficultate cessantibus quibuscunque. Datum Lausanne sub sigillo camere nostre quo in talibus utimur die decima quinta decembris anno Domini millesimo quatercentesimo sexagesimo nono.

DE NESCHEL

(Grandes archives de la ville de Lausanne E. E. 364.)

A cet acte pendait un sceau aujourd’hui détaché et sur lequel on lit : /459/

SIGILLVM. R. IN. XPO. PATRIS. D. BARTHOLOMEI. EPI. NICIEN. ET. COMITIS. Ecusson au type de la monnaie de B. Chuêt avec un ours pour support.

 

II

Le nom du maître de la monnaie sous Barthélemi Chuêt, n’est indiqué nulle part, mais on peut suppléer à cette omission.

Les comptes de la ville inférieure de Lausanne publiés par M. E. Chavannes donnent à la page 12 la mention suivante :

« Stephanus Clavelli, mercator et magister monetæ, fut prieur de Lausanne depuis la Saint-Gall 1471 jusqu’à pareil jour en 1472 et banderet de Bourg en 1486. »

Or cette maîtrise d’Etienne Clavel ne peut avoir été exercée que sous Barthélemi Chuêt; son successeur Julien de la Rovère, nommé évêque de Lausanne au commencement de 1472, ne fut admis en cette qualité qu’un an après, à la fin de janvier 1473.

 


/460/ /461/

 

JULIEN DE LA ROVÈRE

1472-1476

Elu au commencement de février 1472, cet évêque, neveu de Sixte IV, et qui plus tard parvint à la papauté sous le nom célèbre de Jules II, éprouva une vive et longue opposition de la part des Lausannois. Ceux-ci ne le reconnurent qu’en mai 1474.

Ces troubles intérieurs, qui bientôt allaient se compliquer des suites de la bataille de Morat, c’est-à-dire de l’envahissement du territoire épiscopal par les vainqueurs, n’étaient pas favorables à l’administration du diocèse et partant à l’exercice du droit de monnaie.

Il paraît cependant que l’empêchement ne fut pas absolu, car nous voyons, en 1473, les monnayeurs de Lausanne figurer au « parlement des monnoyers » à Lyon et y envoyer des délégués 1.

En cette année, Julien avait choisi pour vicaire Burcard Stoer, prévôt d’Amsoldingen. C’est probablement aux soins /462/ de celui-ci qu’on doit la reprise du monnayage épiscopal; seulement il est douteux qu’il ait pu fonctionner à Lausanne même, car l’année suivante encore il fallut l’intervention armée des Bernois pour contraindre cette ville à reconnaître Julien de la Rovère comme évêque et Burcard pour son vicaire.

Quoi qu’il en soit, la fabrication eut lieu; nous en avons une preuve irrécusable dans la monnaie que voici :

Obole

Dans le champ, la majuscule gothique I (ulianus), à l’entour RO (boreus) EPS E

Rev. † LAVS EPS. Croix recroisetée.

Pièce unique et inédite. Obole. Poids, 0 gr. 42. Musée cantonal.

On ne possède aucun renseignement sur le monnayage de Julien. Il est à croire que sous cet évêque Lausanne ne s’est pas éloignée du système savoyard. On en trouvera le tableau plus loin. (Pièces justificatives, No 1.) Notre obole est faible en poids; elle a dû à l’origine se rapprocher de 0 gr. 62, c’est-à-dire de son analogue de Savoie, l’obole blanchet.

Cette importante monnaie provient de la trouvaille de Moudon et sa conservation nous est d’autant plus précieuse qu’on n’ignore pas combien les oboles, ces objets si petits et si minces, sont accessibles à l’altération, à la destruction.

Pour sauver cet humble monument d’autrefois, il n’a pas fallu moins qu’une sorte de miracle, un grand événement, la bataille de Morat !

Au lendemain de ce mémorable fait d’armes, les Bernois irrités contre le comte de Romont, allié des Bourguignons, /463/ viennent envahir ses terres. Ils arrivent devant Moudon : la terreur est au comble, on emporte en toute hâte ce que l’on veut dérober au pillage; les plus attardés, ceux que l’âge ou la maladie empêchent de fuir, cachent, enfouissent ce qu’ils ont de plus précieux.

Parmi ces objets de la dernière heure se trouvait sans doute notre obole. Déposée en compagnie d’autres monnaies de l’évêché, de quelques pièces étrangères et de menus objets, un collier, un chapelet et des débris d’argent, dans une pauvre marmite enterrée au plus profond, elle nous a été rendue, il y a quelques années, par la démolition de la vieille maison qui l’abritait depuis quatre siècles 1.

Je ne saurais mieux finir cet article consacré à la description de l’une de nos plus intéressantes monnaies épiscopales, qu’en signalant à nos lecteurs l’infatigable activité avec laquelle M. le syndic Jayet rechercha pour le Musée cantonal les pièces éparses de la trouvaille de Moudon.

Au moment de la découverte, chacun des assistants en avait voulu sa part, la dispersion était complète. Comment retrouver ces monnaies disséminées entre tant de mains ?

La tâche de M. le syndic Jayet fut singulièrement facilitée, disons-le à l’honneur de ses administrés. Chacun s’empressa de rapporter ce qui lui était échu en partage et de l’offrir au Musée cantonal.

C’est un fait fréquent chez nous, si fréquent même, que j’allais, je crois, oublier de le mentionner.

 


 

/464/

PIÈCE JUSTIFICATIVE

Tableau de la monnaie de Savoie en 1474 :

Pièces au marc. Poids de la pièce
Ducats d’or, à 23 carats et 7 octaves.
à 5 s. 9 den. et 2/3
69 2/3 3 gr. 5132
Pièce de 4 gros, à 10 den. 22 gr.
à 3 s. 4 1/6 den.
40 1/8 6 gr. 0997
Pièce de 2 gros, à 10 d. 22 gr.
à 6 s. 8 1/4 den.
80 1/4 3 gr. 0499
Pièce de 1 gros, à 10 den. 22 gr.
à 13 s. 41/2 den.
160 1/2 1 gr. 5249
Pièce de demi-gros, à 5 den. 12 gr.
à 13 s. 7 den.
163 1 gr. 5015
Parpilioles, à 4 den. 4 gr.
à 7 s. 9 3/4 den.
93 3/4 2 gr. 6107
Petits blancs,
(Demi-parpilioles)
à 4 den. 4 gr.
15 s. 7 1/2 den.
187 1 gr. 3053
Quarts, à 3 den. gr.
à 17 s. 2 den.
206 1 gr. 188
Fort, à 1 den. 18 gr.
à 19 sols.
228 1 gr. 073
Viennois, à 1 den. 9 gr.
à 31 s. 2 den.
374 0 gr. 654.
Obole viennois, à 21 gr.
à 43 s. 4 den.
520 0 gr. 47
Denier blanchet, 1 den. 9 gr.
à 23 s. 3 den.
279 0 gr. 877
Obole blanchet, à 21 gr. à 32 s. 6 den. 390 0 gr. 627

(Lettres patentes de Yolande de Savoie, 4 juillet 1474.)

 


 

Notes :

Note 1, page 365 : Le Recueil diplomatique de Fribourg rapporte plusieurs ordonnances rendues à diverses dates contre les billonneurs ; l’une d’elles est du mois d’avril 1401. Voyez aussi celle d’avril 1420.
Les savants éditeurs de ce recueil paraissent s’être mépris sur la véritable valeur du mot « billonner » , qu’ils traduisent par « battre monnaie » ; c’est le contraire qu’il fallait dire. Billonner signifie détruire, fondre de la monnaie pour en obtenir le métal fin, or ou argent, faire le triage des espèces les plus pesantes pour les fondre. L’effet de cette coupable industrie, qui n’a jamais cessé de se pratiquer, était de ne laisser à la longue, dans la circulation, que les espèces légères et ceci au préjudice de l’état, ou pour mieux dire, du peuple ; car lorsqu’il s’agissait d’opérer le retrait d’une ancienne émission, pour lui en substituer une nouvelle, l’état se bornait souvent à décrier l’ancienne, déclarant brusquement qu’elle ne serait plus prise désormais qu’à un certain prix réduit, et laissant de la sorte cette perte inattendue à la charge des détenteurs de la vieille monnaie mise hors de cours. [retour]

Note 1, page 366 : Ce signe, qui se maintient sur la monnaie de Lausanne pendant plusieurs siècles, a été l’objet de bien des commentaires. Je ne serais pas surpris, et je l’ai dit ailleurs, que ces deux objets qui cantonnent traditionnellement la croix du denier lausannois ne fussent autre chose que le soleil et la lune. Ces emblèmes se trouvent naturellement à leur place sur les monnaies de Lausanne et se relient au culte de la vierge Marie. On se rappelle la légende sol et luna mirantur des monnaies et jetons. On verra plus loin sur une de nos monnaies épiscopales les mots consacrés : pulchra ut luna, electa ut sol. (Cantiq., chap. VI.) [retour]

Note 1, page 371 : Cette pièce est accompagnée de deux liasses de confirmations analogues qui ont probablement servi de base à la rédaction de celle de l’évêque et émanent de Philippe de Valois, roi de France, Amédée VI de Savoie, etc. [retour]

Note 1, page 382 : A défaut de renseignements directs sur la monnaie épiscopale au temps de Guillaume de Challant, on trouvera dans ce tableau des données suffisantes pour apprécier la marche de celle-ci, en raison de l’analogie quelquefois interrompue, mais toujours rétablie, entre les monnaies de l’évêché et celles de Savoie. [retour]

Note 1, page 383 : Et pour memoeire orendroit vaut ung florin d’Alamagnie XXX s. lausanney de ceste pictite monee corent à Fribor. (Rec. diplom. de Fribourg, tom. VII, p. 202.) [retour]

Note 1, page 385 : Bonvoisin parle ici du gros ancien de Lausanne, mais il n’en donne pas l’évaluation ; il la remplace par celle de deux demi-gros. Cela conduit à penser que Guillaume de Challant, au moins jusqu’à cette époque, n’avait pas émis de gros. [retour]

Note 1, page 386 : « Preisia », récolte ; en patois, « preisa ». [retour]

Note 2, page 386 : De même que Bonvoisin, Amédée VIII ne mentionne pas de pièces effectives d’un gros, dans le système de l’ancienne monnaie. [retour]

Note 1, page 387 : Le prince donne à entendre dans ses lettres patentes qu’il a délibéré séparément et en dehors de son conseil avec Guillaume de Challant « super qua cedula matturam habuimus deliberationem et consilium longevum primo in consilio nostro nobiscum residenti, deinde cum Reverendo in Christo patre Consiliario et compatre nostro carissimo Episcopo lausannensi. » (Duboin, Raccolta delle leggi di Savoia, tom. XX, pag. 887.) [retour]

Note 1, page 389 : Dict. géogr. du canton de Fribourg, article Monnaies, tom. II, pag. 138. [retour]

[retour]Note 1, page 391 : Le premier est sans doute un fils, tout au moins un parent de Jean de Canturio qui fut maître de la monnaie en 1396, il est cité dans les registres des monnoyers à l’époque du parlement de 1411. Quant au second, ce doit être le même personnage qui en 1398 est qualifié « litteratus » dans les statuts de la cour séculière de Lausanne, puis en 1418 porte le titre de lieutenant du bailli épiscopal, et enfin de notaire en 1426.

Maubert Fontaine, d’où Hugonin tirait son nom, ou peut-être seulement son indication d’origine, est une petite localité des Ardennes, peu distante de Rocroi.

Note 1, page 399 : Le parchemin est détruit à cet endroit. Une copie peu ancienne de cet acte comble la lacune par les mots : sub sigillo nostro mense novemb.
J’ignore d’après quelle autorité. [retour]

Note 1, page 418 : Anthonius Cugini apothecarius et mercator, prieur de la ville inférieure de Lausanne en 1443, 1454 et 1455.
Un certain nombre de monnayeurs se sont recrutés dans cette profession d’apothecarius qu’il ne faut pas confondre avec le pharmacien de nos jours. Apotheca se prenait dans le sens de boutique (en italien bottega). On trouve au moyen âge les expressions apotheca vini, barberiae, notarii, pour cellier, boutique de barbier, étude de notaire. Apotheca s’employait aussi comme équivalent de horreum, grenier.
Les apothecarii étaient donc plutôt des marchands et même des marchands en gros qu’il faut bien distinguer de la foule des petits débitants au détail. (Conf. Ducange, Gloss. Lat. sous apotheca.) Ils vendaient sans doute des médicaments, mais on trouve dans certains comptes de leurs fournitures la mention de marchandises de toutes sortes. Le côté pharmaceutique de cette profession si complexe, l’habitude des pesées de précision, devait donner aux apothicarii une aptitude toute particulière pour les fonctions délicates du monnayage, les essais, vérifications et affinages.
On trouvera encore par la suite d’autres apothecarii parmi les noms des monnayeurs (monetarii) lausannois, mais non parmi les operarii, simples ouvriers de la monnaie. Tels sont : Pierre Blécheret, Jean Bourgeois ou Borgeys, Jean Roche, etc.
Une autre profession plus directement en rapport avec le maniement des métaux précieux, celle des orfèvres, a aussi fourni son contingent au monnayage, mais dans une proportion moindre.
Villerme Perrusset, le graveur des coins de Georges de Saluces, est sans aucun doute le même que le Vuilelmus Doreir, alias Pirisset, mentionné dans les comptes de la ville de Lausanne comme prieur de la Cité du 25 juillet 1426 au 25 juillet de l’année suivante, et aussi de 1434 à 1438. Son vrai nom était Pirisset ou Perusset ; Doreir (le doreur, ou mieux l’orfèvre) est le sobriquet indiquant sa profession. En 1400 un Aymon Perisset est qualifié aurifaber et remplit à cette époque les mêmes fonctions de prieur de la Cité. [retour]

Note 1, page 419 : Beschr. d. eydgenössischen Münzen. Tom. II, pag. 356. [retour]

Note 1, page 420 : Lohner, Münzen der Rep. Bern., pag. 256. [retour]

Note 1, page 421 : Archiv. nat. de France. Registre Z, I b 4, folio 42, 43. [retour]

Note 1, page 446 : Datum in Castro nostro Ocheaci sub sigillo Camere nostre presentibus ibidem Reverendo Patre Domino Raymundo de Rota Episcopo Acconensi, nostro in spiritualibus vices gerente. (Grandes Arch.de Laus., EE, 364.)
— Acon, Accon ou Ptolémaïs, aujourd’hui Saint-Jean d’Acre. On a paru hésiter entre ces noms et celui d’Ancône en Italie. Le document dont je rapporte ici la fin ne laisse aucun doute. Il y a Accon. [retour]

Note 1, page 453 : Cuetus, Cuettus d’après Ughelli. Italia Sacra, tom. V, pag. 1114. - B.-J. Jofredus, Nicea Civitas, Turin, 1658, 4o, l’appelle Chuettus ou Cuettus. - M. Schmit, Hist. du dioc. de Lausanne, l’appelle Choêt, je crois sans raison. Il est nommé Chuet dans les lettres patentes de Charles I de Savoie du 2 décembre 1455. [retour]

Note 2, page 453 : Barthélemi était, si je ne me trompe, originaire du Dauphiné et d’humble extraction. Les insignes qui décorent sa monnaie, ainsi que le sceau apposé à ses actes, ne doivent pas être pris pour un blason. Le soleil et la lune accompagnés de la légende : Pulchra ut luna, etc., ne sont qu’un hommage rendu au culte de la Vierge Marie par ce pieux et charitable prélat. [retour]

Note 1, page 461 : Ces délégués étaient : Grand Jean Dotroz, Etienne Clavel, Lambert et Pierre Magnin, de Genève. [retour]

Note 1, page 463 : J’ai, dans le temps, dressé un état sommaire du « Trésor de Moudon. » On pourra le trouver consigné dans l’Echo de la Broie, numéro du 28 novembre 1872. [retour]

 


 

 

 

 

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