SUPPLÉMENT
au Mémoire intitulé:
LES SIRES DE LA TOUR
MAYORS DE SION
SEIGNEURS DE CHATILLON, EN VALLAIS
ET LEUR MAISON
(Voyez le tome XXIV des Mémoires et Documents publiés par la Société d’histoire de la Suisse romande.)
Nous sommes aujourd’hui à même, grâce à la parfaite obligeance de M. l’abbé Gremaud, de pouvoir donner un supplément à notre mémoire sur les sires de la Tour. Poursuivant le cours de ses recherches dans les archives du Vallais, cet éminent historien, auquel nous sommes déjà redevable d’une grande partie des matériaux employés pour la composition de notre mémoire, a bien voulu nous communiquer un certain nombre de nouvelles chartes relatives aux sires de la Tour et à la branche, dite de Morestel, issue d’eux, qu’il a trouvées dans ses investigations. C’est pour nous une bonne fortune, car, au moyen de ces /144/ documents, nous jetons un coup d’œil intime sur le Vallais féodal si curieux de cette époque, et, d’un autre côté, ils nous permettent de compléter quelques points de la généalogie de la maison de Morestel et de mettre sous les yeux de nos lecteurs plusieurs circonstances intéressantes se rapportant à cette famille si historique. Quelques autres données sur elle, puisées à une autre source, trouveront aussi leur place dans ce supplément.
Nous suivrons, dans nos indications, l’ordre que nous avons adopté dans notre mémoire et mentionnerons, l’une après l’autre, les diverses branches de la maison de la Tour. Toutefois, une indication antérieure à la séparation de celles-ci se trouve dans un rôle des revenus du chapitre de Sion, écrit vers les années 1230 à 1240. On y lit que le chapitre perçoit des redevances à Hérens (Erœns) pour l’aumône faite par Willermette (soit Guillaumaz), mère d’Aymon et de Willerme, sires de la Tour 1.
Le Nécrologe de l’église de Sion nous a appris que cette dame avait légué un cens de dix sols au chapitre. (Voyez notre mémoire, pag. 194 [soit pag. 18 de notre tirage spécial], note 2 à la dite page.)
BRANCHE AINÉE
Nous n’avons pas grand chose à ajouter à ce que nous avons rapporté de cette branche de la maison de la Tour, moins marquante sous le rapport historique que celle des seigneurs de Châtillon. /145/
Nous avons indiqué que le donzel Simon de la Tour, qui apparaît dans les années 1255 et 1258, et n’était plus vivant en 1277, laissa, outre un fils et une fille, nés d’un premier mariage, encore un autre fils que lui donna Johannette (ou Jeannette), sa seconde épouse. (Voy. le premier des tableaux généalogiques de la maison de la Tour accompagnant notre Mémoire.) Or, ce second fils, désigné sous le nom de Pierre-Symont, laissa, d’une épouse inconnue, deux filles nommées Léonette et Françoise. La première, sous l’année 1322, était l’épouse de Jean, fils de feu Jacques, vidomne d’Orsières, tandis que la seconde était alors la femme de Perronet de la Roche (de Ruppe), donzel. Le 4 mai de l’année précitée (1322), le prénommé Jean, fils du défunt vidomne d’Orsières, prêta hommage lige, de main et de bouche, au révérend Aymon, évêque de Sion, pour les biens féodaux mouvants de la mense épiscopale qui étaient procédés de l’héritage du donzel Pierre-Symon de la Tour. Il prêta cet hommage en qualité de répondant de celui-ci 1, tant pour lui-même que pour sa femme Léonette, pour Françoise, sœur de cette dernière, toutes deux filles du prédit donzel Pierre-Symon de la Tour, et pour Perronet de la Roche, mari de la dite Françoise, se déclarant prêt à désigner et spécifier 2 au dit évêque les biens appartenant à ce fief, en temps et lieu compétents que lui assignerait le prélat, puis il reçut l’investiture corporelle 3 du dit fief, et cela en présence de Vuillelme /146/ d’Albignon, de Vuillelme d’Anniviers, de Perronet Merlins, donzels, de deux notaires publics et d’autres témoins 1.
BRANCHE DES SEIGNEURS DE CHATILLON EN VALLAIS
PIERRE (IV) DE LA TOUR, seigneur de Châtillon, bailli de Vaud, donzel.
(Voy. le second des tableaux généalogiques de la maison de la Tour.)
Par une charte donnée devant Nyon, le dimanche des Rameaux (22 mars) 1293, Pierre de la Tour, donzel, seigneur de Châtillon, en Vallais, déclare qu’en sa qualité de bourgeois de Berne il promet, sous serment, d’observer l’alliance que les Bernois ont faite avec les Fribourgeois 2. Néanmoins un historien bernois moderne rapporte que Pierre de la Tour prit parti pour les Fribourgeois, contre les Bernois, dans la guerre qui donna lieu au célèbre combat de Dornbühl, en mars 1298, où les Bernois remportèrent une victoire décisive 3. /147/
Nous avons fait observer dans notre Mémoire que l’on n’avait que peu de lumières sur la guerre que Pierre de la Tour et la majorité des seigneurs du Haut-Vallais, avec le secours des barons de l’Oberland bernois, soutinrent contre Boniface de Challant, évêque de Sion, guerre qui se termina par la défaite des premiers et la prise de Pierre de la Tour.
On nous a communiqué une indication relative au traité de paix qui finit cette longue lutte, indication précieuse quoique la rédaction en soit obscure et défectueuse. (Nous la donnons ici en note 1.) Ce traité serait daté du 17 des kalendes d’octobre 1299 et porterait que, par révérence pour le roi Albert, l’évêque Boniface relâcherait Pierre de la Tour et Amédée de Saxon, ses prisonniers; que les dommages faits dans la guerre seraient réciproquement /148/ remis; que les personnes astreintes, soit envers l’évêque, soit envers Pierre de la Tour, par les liens de l’hommage, demeureraient chacune d’elles dans les mêmes rapports; que le dit Pierre jurerait, sur le très saint corps de Dieu et les reliques, qu’il serait fidèle à l’évêque, à ses successeurs et à l’église de Sion.
Le traité précité, entre l’évêque Boniface, son église, son chapitre et ses coadjuteurs du Vallais, d’une part et les sires Arnold et Vautier de Waediswyl, frères, chevaliers, et Pierre de la Tour, d’autre part, aurait été moyenné, par révérence pour le roi des Romains, par le noble Henri, comte de Boeter ?, vassal de l’empire, et par Rodolphe de Weissenbourg, parce que divers comtes et nobles chevaliers avaient pris l’engagement de donner aide et conseil à l’évêque et de faire la guerre à Pierre de la Tour, s’ils en étaient requis, et que les nobles alliés de celui-ci ratifiaient ce traité, feraient la guerre au dit Pierre, s’il violait la paix, et se constitueraient en otage à Sion, jusqu’à ce que le roi des Romains eût agréé le dit traité.
Tel est, nous paraît-il, le sens de l’indication relative au traité de paix fait entre l’évêque Boniface et Pierre de la Tour et leurs alliés réciproques.
Pierre de la Tour, seigneur de Châtillon, en Vallais, /149/ ayant vendu à la communauté de Sion un cens de onze muids de seigle, froment et orge mêlés 1, que lui devaient les enfants de feu Vuillelme de Drone, Jean et Etienne, mayors de Drone, et Pierre, fils de feu Villencus de Drone, sur la dîme de Savièse, qu’ils tenaient de lui, il ordonne à ces censiers, le 4 des ides de février 1307, à Sion, alors qu’Albert régnait et que Boniface occupait le siége épiscopal de Sion, d’acquitter à la dite communauté, chacun d’eux pour la part qui le concerne, le cens qu’il lui a vendu, leur promettant la maintenance de la dite dîme à l’égard des autres usages qu’ils lui doivent à raison d’icelle. Dans le nombre des témoins de cette injonction se trouvent Nanterme d’Ayent, donzel, et Aymon d’Erdes 2.
PIERRE (V) DE LA TOUR, seigneur engagiste de Laupen, seigneur de Châtillon, en Vallais, de Frutigen, vidomne de Conthey, chevalier.
(Voy. le second des tableaux généalogiques de la maison de la Tour.)
Nous croyons devoir rapporter ici, d’après M. Ed. de /150/ Watteville, l’historien moderne de la ville de Berne, les contestations de Pierre de la Tour avec la cité de l’Aar, relativement, soit à la possession de la seigneurie de Mulinen (ou Muhlinen), soit à la perte de celle-ci pour le seigneur de Châtillon. Ces indications diffèrent en quelques points de celles qu’on lit dans notre Mémoire (pag. 286 et pag. 110 de notre tirage spécial) et qui émanent d’une source nous inspirant toute confiance. C’est du choc des opinions différentes que la lumière se fait.
Le baron Vautier de Wædiswyl, auquel appartenait la seigneurie de Mulinen, vivait encore en 1327 dans le château de ce nom avec Jeanne d’Oron, son épouse, de laquelle il n’avait pas d’enfants. Son plus proche héritier était Pierre de la Tour, seigneur de Châtillon, en Vallais et seigneur de Frutigen du chef de sa mère, Elisabeth de Wædiswyl, nièce du baron Vautier.
Pierre de la Tour devait aux Bernois une somme de 7006 livres et 11 schillings, pour une dette remontant à l’année 1324, laquelle se trouvait sous les noms de Berthold de Rumligen, Otton Lombard et Gérard Schowland, trois bourgeois de la ville de Berne. Les titres de cette dette avaient été remis en garde au couvent d’Interlaken. De leur côté, les barons de Weissenbourg avaient aussi des prétentions sur la seigneurie de Mulinen, soit qu’elles provinssent de leur parenté avec le baron Vautier, soit d’autres causes. Il est vraisemblable que les Bernois, à la mort de celui-ci, se mirent en possession du château de Mulinen, comme gage de la dette de Pierre de la Tour. Ce dernier et les barons de Weissenbourg vinrent assiéger ce château, dans lequel Otton Lombard, nommé plus haut, avait fixé sa demeure. Mais les Bernois envoyèrent à son /151/ secours un corps de troupes et les assiégeants se retirérent 1.
La dette de Pierre de la Tour se trouvait payée en 1334 et, selon toute apparence, elle avait été acquittée par les ressortissants de la seigneurie de Frutigen, cautions de leur seigneur. Néanmoins la seigneurie de Mulinen, que les Bernois occupaient encore en 1334, ne paraît pas avoir été rendue par eux à Pierre de la Tour, mais il est probable qu’ils la remirent directement aux barons de Weissenbourg, qui avaient aussi des prétentions à son égard. Ces derniers auraient possédé Mulinen en 1340, lors du traité de paix fait entre les sujets de Pierre de la Tour et ceux des seigneurs de Weissenbourg. Pierre de la Tour n’admettait pas la légitimité de cette possession et refusait de livrer aux sires de Weissenbourg les titres qui l’établissaient. Le baron Jean de Weissenbourg vendit Mulinen à son beau-frère, le sire Thuring de Brandis, lequel revendit cette seigneurie à la ville de Berne, en 1352. Pierre de la Tour n’avait pas encore remis, en 1355, à Thuring de Brandis les titres vainement réclamés de lui jusqu’alors 2. Il nous semble que cet épisode de la vie de Pierre de la Tour demanderait à être mieux éclairci.
La mestralie de la vallée d’Hérens relevait du fief lige de Pierre de la Tour, seigneur de Châtillon. Rodolphe, mestral d’Ayent, ayant vendu, pour le prix de 9 livres /152/ mauriçoises, le 6 février 1335, à Sion, dans la chapelle de Saint-Théodule, sa mestralie d’Hérens, avec tous ses droits et revenus, à Ansermod des Verney de Mage, Pierre de la Tour lode cette vente, moyennant le payement de trois gros tournois qui lui a été fait. Ansermod des Verney reçoit cette mestralie en augmentation du fief lige qu’il tient du seigneur de Châtillon. La vente faite par le mestral d’Ayent comprend son droit dans la taille qu’il recupère à Hérens comme mestral, au nom de Pierre de la Tour, sa part des ressats et tout ce qui lui appartient dans la prédite vallée d’Hérens, « depuis la Borgne en haut » (a parte Borny superius). Les témoins de cette transaction sont: Vuillermod de Grimisuat et Bastian Lumbard, jurisconsulte, alors du conseil et de la maison (de familia) du prénommé Pierre de la Tour. Celui-ci appose son sceau à l’acte de cette vente 1.
Guillaume d’Arbignon, chevalier, à la réquisition de l’égrége et puissant Pierre de la Tour, sire de Châtillon en Vallais, l’avait cautionné de la somme de quatre-vingts livres tournois, grosses, auprès des Lombards (banquiers) de Saint-Maurice. Contraint par la cour du comte Aymon de Savoie, il avait engagé, de sa propre terre, à raison de ce cautionnement, jusqu’à la valeur de quarante des dites livres tournois, dont il réclamait la restitution de la part de Pierre de la Tour. Celui-ci, en conséquence, lui assigna à Sion, le 10 avril 1337, pour les prédites quarante livres 2, trois cents (tres centas) livres mauriçoises, sur les tailles, services et revenus des plaids généraux du dit noble Pierre /153/ de la Tour (dans la châtellenie de Conthey), à percevoir dans le terme (infra) des six années suivantes, jusqu’à leur entier payement. Mermet d’Ollon et Jean de Gissinez, donzels, sont entre autres les témoins de cette assignation. Le lendemain, à Monniot, dans la maison de feu Vuillelme, mayor de Louèche 1, la noble Agnès de Grandson, épouse du sire Pierre de la Tour, approuve l’assignation précitée; et comme les tailles, services et plaids susmentionnés avaient été précédemment assignés en sa faveur avec les autres biens de son mari dans la dite châtellenie de Conthey, à raison de sa dot, son mari lui assigne, pour les dites six années, les tailles, services et usages dus à Loetchen et dans toute la châtellenie de Châtillon, ce qui a lieu en présence de Jean de Gissinez et de Rolet, mestral du prénommé chevalier Guillaume d’Arbignon 2. Nous ne comprenons guères pourquoi ce chevalier, pour la perte de quarante livres tournois, grosses, devait percevoir trois cents livres mauriçoises, dans le terme de six années.
La reconnaissance des habitants du village d’Arbaz, en faveur de Pierre de la Tour, seigneur de Châtillon, mentionnée par nous dans notre Mémoire (pag. 289 et pag. 113 de notre tirage spécial), porte la date du 16 mai 1342 3. Nous n’avions pu précédemment indiquer cette date. /154/
Il y avait deux mestraux à Ayent, savoir: le mestral de ce lieu, qui l’était de la part de l’évêque de Sion et de sa mense épiscopale, et celui dit de Bex, qui était le mestral du noble Pierre de la Tour, seigneur de Châtillon. Le 22 juillet 1342, l’évêque Philippe de Sion 1 fit prendre des informations par un commissaire spécial au sujet des droits de sa mestralie d’Ayent. La déclaration faite par son mestral, Antoine de la Chapelle, nous apprend la circonstance rapportée ci-dessus; de plus, que les deux mestraux et chacun d’eux (et quilibet ipsorum) doivent imposer dans l’église, en commun (pro communi), les bans de soixante sols et tous les autres bans, et que si quelqu’un d’autre en impose, ils sont sans valeur 2 ; que l’un des dits mestraux doit percevoir le plaid (placitum) d’automne et l’autre le plaid de mai, mais personne d’autre 3. Il ressort de cette déclaration que les mestraux, à Ayent, exerçaient des droits de jurisdiction.
Le noble Perrod (Pierre) de la Tour, seigneur de Châtillon, avait inféodé, sous hommage lige, à Etienne, fils de Jaquemod (Jacques) de Gisseney, citoyen de Sion, donzel, des biens procédés de feu Jacques d’Aragnon, donzel, mais il avait gardé à lui une part de la dime de Leytron soit de Montagnon qui appartenait à ce fief. Le prénommé Jacques de Gisseney, au nom de son fils, ayant demandé au dit Pierre de la Tour que sa bonne volonté et celle de l’égrége dame Agnès de Grandson, son épouse, fussent de lui /155/ inféoder la part de dîme réservée, vu que le fief qui lui avait été concédé n’était pas d’assez de valeur, en sus des charges, pour que son prédit fils et son épouse pussent subsister, Pierre de la Tour, du consentement de son épouse, accorde au prénommé Etienne, en augmentation de fief, un muid annuel de seigle sur les dix-huit fichelins que lui doit Ansermoz de Vernez, pour des biens situés à Mage. Il se réserve de pouvoir racheter le dit muid pour huit livres mauriçoises. Cette inféodation est datée de Conthey, dans le château (in castro) du noble Pierre de la Tour, le 21 novembre 1345 1.
ANTOINE DE LA TOUR, chevalier, seigneur de Châtillon et de Frutigen, etc.
(Voy. le second des tableaux généalogiques de la maison de la Tour.)
Le sire Antoine de la Tour fut en différend avec la ville de Berne, voici à quel propos: Ses sujets de la seigneurie de Frutigen réclamaient de lui une somme de 7000 livres qu’ils avaient payée à la dite ville comme cautions du sire Pierre de la Tour, son père. (Voy. ci-devant.) Afin d’en être payés, ils firent saisir, par cette ville, les revenus de la seigneurie de Frutigen. Le comte Amédée de Savoie, en sa qualité d’arbitre, apaisa les différends auxquels cette saisie avait donné lieu 2. Nous trouvons dans /156/ cette circonstance l’explication de l’accusation portée par Antoine de la Tour devant l’empereur Charles (IV) pendant son séjour à Berne, que la ville de ce nom attentait à ses droits dans la seigneurie de Frutigen.
Par une charte datée d’Aoste, le 2 janvier 1364, Antoine de la Tour, chevalier, seigneur de Châtillon, en Vallais, notifie que, à la réquisition de ses très chers oncles les chevaliers Guillaume et Thomas de Grandson et de son très cher consanguin Aymon de Pontverre, il tient Etiennet Gorrati, clerc, bourgeois de Louèche (Luchie), quitte de toutes les offenses qu’il lui a faites et il lui promet la paix à l’avenir. Il donne à cet égard les ordres nécessaires à ses châtelains et à ses sujets 1.
Les archives de Valère, à Sion, renferment l’état des réclamations et demandes que le chapitre de Sion adressait au sire Antoine de la Tour, à l’époque de la guerre entre celui-ci et l’évêque Guichard Tavelli. Ce document est le pendant de la prononciation du comte Amédée de Savoie, datée du 27 octobre 1368, entre l’évêque Tavelli et les sires de la Tour, dans laquelle les réclamations réciproques des parties sont rappelées. (Voy. notre Mémoire, pag. 305 et pag. 129 de notre tirage spécial.)
Le chapitre de Sion demandait en premier lieu que le sire de la Tour lui prêtât hommage, selon la teneur de leur charte.
Il demandait que ce seigneur lui assignât un muid de seigle, soit qu’il lui payât, pour une fois, dix livres mauriçoises, avec les retenues du prédit muid pour vingt-cinq ans, selon la teneur de la charte de composition. /157/
Item, qu’il rappelât le nonce qui prend le titre de sautier (psalterius) de Hérens et dit avoir l’office de la sauterie, parce qu’il ne doit y avoir à Hérens que deux mestraux généraux, un pour la mestralie de Bex et l’autre pour celle d’Ayent.
Item, qu’il assignât 40 sols que son père a donnés pour l’anniversaire de feu, de bonne mémoire, le sire Aymon de la Tour évêque de Sion, son oncle, et qu’il payât les retenues depuis sa mort.
Le chapitre réclamait du sire de la Tour dix livres de rente annuelle, dues au recteur de l’autel de Saint-François dans l’église de Sion, sur les biens de Pierre Fermenton soit des défunts héritiers de Jean de la Crista de Grimisuat, donzel, biens que le sire de la Tour occupait.
Item, quarante sols de rente annuelle dus au dit chapitre à Hérens, sur les biens de Henri de Bex, avec les retenues de quinze années.
Item, cent livres mauriçoises que le chapitre avait perdues en rachetant Henri d’Anschot, son homme lige, tenu captif par le sire de la Tour dans le château de Châtillon.
Item, cent livres mauriçoises dont le chapitre avait essuyé la perte par la prise du clerc Théobald de Bruxatis, tenu captif par le sire de la Tour dans le château de Conthey, lorsqu’il se rendait, avec des informations du chapitre, à la cour de Rome pour deux causes importantes (arduis), indépendamment du péril de la perte des dites causes.
Item, la restitution de 80 pièces de bétail (pièces bovines) prises par les gens du sire de la Tour aux habitants de Cordona, dans le mois de septembre, durant la trêve.
Item, qu’il lui fût fait restitution des dommages causés /158/ par les exactions, les incendies et beaucoup d’autres faits au dit chapitre par le sire de la Tour et ses gens, et que cela eût lieu comme pour le seigneur évêque et les autres «patriotes,» selon la qualité.
Item, que le blé de la dime de Neynda, des années 64 et 65, pillé par les gens du sire de la Tour, et appartenant au collecteur de cette dîme, fût restitué au dit chapitre.
Ce document est dépourvu de date, mais on peut fixer celle-ci aux environs de l’année 1366.
Pendant les hostilités qui eurent lieu entre Guichard Tavelli, évêque de Sion, et les patriotes du Vallais, d’une part, et les frères Antoine et Jean de la Tour, chevaliers, d’autre part, celui des trois châteaux de Granges qui appartenait à Jacques Tavelli, neveu de l’évêque, du chef de son épouse, Jeanne d’Anniviers, avait été violemment occupé par les sires de la Tour, alors qu’il était gardé par Jean, bâtard du noble Etienne de Châtillon, de la part de l’évêque et du prédit Jacques Tavelli. La tour voisine de la première porte appartenait aussi à ce dernier et ce château ainsi que les deux autres châteaux de Granges, dits maisons de Morestel et d’Ollon 1, relevaient du fief de l’évêque. Le prélat était sur le point d’assiéger le château occupé par les sires de la Tour, lorsque le nonce du pape, spécialement député pour ramener la paix entre les belligérants, obtint qu’il lui fût remis en dépôt, au nom du pape, et il fut décidé, par un traité fait entre les parties, qu’il le restituerait à celui ou à ceux à qui il devait appartenir. Sollicité par l’évêque Guichard, Nicolas Librohon, pénitencier du pape et son nonce en Vallais, pour terminer la guerre /159/ entre l’évêque Tavelli et les frères de la Tour, rendit, le 31 mai 1366, au château de Granges, une sentence arbitrale, par laquelle il restitua ce château à l’évêque Tavelli et à son neveu, sous réserve des droits de chacun, et il mit le sire Jacques de Minna, bailli du dit évêque, en possession réellement corporelle du château précité. Cette charte d’après laquelle il paraît que les sires de la Tour élevaient des prétentions à la possession de celui des châteaux de Granges procédé des nobles d’Anniviers, est datée de la quatrième année de la nonciature de Nicolas Librohon en Vallais, sous le pontificat d’Urbain (V) 1.
BRANCHE DES VIDOMNES DE BAGNES COSEIGNEURS DE GRANGES
PIERRE (III) DE LA TOUR, soit PIERRE (I) DE MORESTEL, vidomne de Bagnes et coseigneur de Granges, chevalier.
(Voy. le troisième des tableaux généalogiques de la maison de la Tour.)
[Note: voyez MDR Tome XXXIII, Gremaud, Documents relatifs à l’Histoire du Vallais, Tome V, p. 439, le commentaire de la charte No2177 et le tableau généalogique corrigé]
Les archives cantonales du Vallais renferment un volume intitulé: Liber deseni de Seduno. Ce liber de copies de chartes a été écrit vers l’année 1620. On y trouve l’accord fait, le 10 juillet 1244, entre Henri de Rarogne, évêque de Sion, d’une part, et le sire Pierre de la Tour et son neveu Guillaume, d’autre part, relativement à l’héritage des frères Louis et Willelme Calonis de Granges. /160/ Une copie abrégée de cette convention existe dans les archives de la bourgeoisie de Sion. Nous l’avons donnée dans le nombre des pièces justificatives qui accompagnent notre Mémoire, où elle porte le No 12. Elle nous a servi de guide dans ce que nous avons rapporté de cette convention. Nous pouvons aujourd’hui entrer dans quelques détails à son égard.
Le sire Pierre de la Tour y contracte, de l’approbation de son épouse Perrette, de son fils Vuillelme et de sa nièce Jeannette, ses autres enfants étant encore impubères. Lui et son neveu Vuillelme (soit Guillaume) remettent à l’évêque tout ce qu’ils ont à Nax et à Vernamièse, à l’exception du fief de Rarogne; ils lui remettent encore la totalité des fiefs de feu Vuillelme de Chaley (de Chalet) et de Vuillelme d’Anniviers, chevaliers, avec tous les droits, hommages et seigneurie qu’ils ont dans les biens précités. Tout le reste de l’héritage des prédits frères de Granges, « depuis le jardin (soit depuis la Borgne) en haut 1, » est reçu par les dits nobles de la Tour en augmentation du fief qu’ils tiennent de l’évêque, fief dont le dit Pierre est l’homme lige de l’église de Sion. L’évêque Henri leur concède, en augmentation de tout le prédit fief, quatorze livres mauriçoises annuelles, payables jusqu’à l’octave de la Purification de la B. Vierge, et il les assigne sur son pré, dit de l’Evêque, et sur les Condemines (Contamines), les Plantées (Plantadis) et le vergier, situés sur la route (super stratam), de telle manière que si les quatorze livres n’étaient pas payées au terme fixé, les nobles de la Tour entreraient en possession /161/ de cette assignation jusqu’au payement de la cense 1. Cette importante transaction, précédée de longues controverses entre les nobles de la Tour et, soit l’évêque Boson de Granges, prédécesseur de Henri de Rarogne, soit celui-ci, eut pour témoins les doyens Jacques et Aymon, Villelme, trésorier de Lausanne, Vautier, chantre, et les chevaliers Aymon de la Tour, Gérold de Langins, Nanterme d’Ayent et Rodolphe de Montjovet. Elle est datée de la cour épiscopale de Sion. Perrette, l’épouse du sire Pierre de la Tour et Jeannette, sa nièce, l’approuvèrent en présence de témoins, entre autres de Vautier, l’écrivain de ce document au nom du chantre Vautier 2.
Cette charte ne nous apprend pas qui étaient ces frères Louis et Vuillelme Calonis de Granges, dont la succession avait donné lieu à un différend considérable entre les nobles de la Tour et l’évêque de Sion. Nous présumons qu’ils appartenaient à la famille féodale de Granges et qu’ils étaient morts depuis longtemps.
Nous avons rapporté que Pierre de la Tour fut vidomne de Bagnes et qu’il prit, sans qu’on en connaisse la raison, le nom de Morestel, soit celui de son aïeule paternelle. Il est désigné sous ce nom-ci dès l’année 1279. (Voir notre Mémoire.)
Nous devons maintenant dédoubler Pierre de Morestel, s’il est permis de s’exprimer de cette manière. En effet, nous n’avons indiqué dans notre Mémoire qu’un seul Pierre de la Tour, vidomne de Bagnes, coseigneur de Granges, /162/ chevalier, déjà nommé en 1233 comme feudataire du prince Aymon de Savoie et apparaissant encore dans l’année 1297. Cette longévité nous semblait un peu extraordinaire, mais toutefois elle n’aurait rien eu d’absolument insolite. Aujourd’hui, nous savons que cet espace de temps comprend deux Pierre de la Tour, vidomnes de Bagnes et coseigneurs de Granges, tous deux chevaliers. Cette circonstance nous est révélée par la citation suivante de « l’Inventaire de la jurisdiction de Granges, » document qui se trouve dans les archives de la bourgeoisie de Sion:
« Ao 1281, Pierre de la Tour, dit de Morestel, convient avec ses cohéritiers au sujet des biens du noble Pierre, seigneur de Granges, son parent, donnés en prérogative au dit Pierre le jeune 1. »
Il résulte clairement de cette citation qu’il y a eu, l’un après l’autre, deux Pierre de la Tour, dits de Morestel, que nous désignerons sous les noms de Pierre (I) et de Pierre (II) de Morestel 2, et que celui-ci a succédé à l’autre à titre d’héritier. Or, Pierre (I) vivait encore le 25 octobre 1280, date d’une vente de cens qu’il fit au chevalier Guillaume, sénéchal de Sion, dans laquelle il est dit fils de Chabert. (Voy. notre Mémoire, pag. 336 et la suivante, et pag. 160 et la suivante de notre tirage spécial.) En revanche, il n’était plus vivant l’année suivante 1281, ainsi qu’en témoigne la convention faite à cette date entre ses héritiers.
[N.d.l.r.: voyez MDR Tome XXXIII, Gremaud, Documents relatifs à l’Histoire du Vallais, Tome V, p. 439, le commentaire de la charte No2177 et le tableau généalogique corrigé.]
Nous avons appris par la transaction faite en l’année 1244 entre le sire Pierre de la Tour et son neveu Guillaume, /163/ d’une part, et l’évêque Henri de Rarogne, de l’autre, relativement à l’héritage des frères Calonis de Granges, que l’épouse du premier était alors Perrette, et qu’il avait un fils nommé Vuillelme et d’autres enfants impubères. Pierre de la Tour survécut sans doute à ces divers enfants, puisque sa succession passa à ses parents.
PIERRE (IV bis) DE LA TOUR, soit PIERRE (II) DE MORESTEL, vidomne de Bagnes et coseigneur de Granges, chevalier.
C’est à lui que doit être appliqué tout ce que, dans notre Mémoire, nous avons rapporté touchant son prédécesseur, à dater de l’année 1281.
Nous ajouterons seulement ici que, d’après l’Inventaire de la jurisdiction de Granges précédemment cité, Pierre de la Tour, dit de Morestel, chevalier, aurait remis, en 1288, pour le prix de 65 sols, aux hoirs de Vuillelme de Dalet (de Daleto), son droit à un hommage lige et à une livre de poivre (de cens, sans doute). Ce chevalier n’était plus vivant en 1312. (Voir notre Mémoire, pag. 339 et pag. 163 du notre tirage spécial.) Nous supposons que Pierre (II) de Morestel était un neveu du premier Pierre, son prédécesseur, et partant un fils du donzel Uldric de la Tour, fils de Chabert. Nous ne saurions lui assigner une autre origine.
GUILLAUME soit WILLELME DE MORESTEL, vidomne de Bagnes et coseigneur de Granges, fils de Pierre (II) de Morestel. /164/
(Voy. le troisième des tableaux généalogiques de la maison de la Tour.)
Entre les années 1308 et 1312, le 16 des kal. d’octobre, à Granges, alors que Henri régnait et qu’Aymon occupait le siége épiscopal de Sion, Pierre Lyonnet de Granges, du consentement de sa femme Isabel, vend à Villelme de Morestel, pour le prix de dix livres mauriçoises, quinze fichelins de seigle, mesure de Granges, de rente, sur la tierce part de la dime de Grone; une prairie dite pré eys Grenons, sur laquelle l’acheteur percevait un quartier de mouton (carterium castronis), qu’il lui a remis; trois fichelins de seigle, de rente, dus par les hoirs de Bruni Crosat; trois deniers de service dus par les mêmes hoirs sur un champ dans la condemine de Chermignon-dessous; enfin, son jardin, situé hors de la porte de la Barra. Cette vente a pour témoins Jacques de la Tour, Villelme de Bastia, Pierre de Granges et Jacques Leynins, clerc, juré, etc. 1.
Nous ajouterons à ce qui précède l’indication de deux circonstances de peu d’importance concernant Guillaume de Morestel et que l’Inventaire de la jurisdiction de Granges nous fait connaître.
En l’année 1320, le dit Guillaume vend un champ situé à Chermignon-dessous, sous le service de quatre deniers, avec le plaît. Puis, en l’année 1325, il remet à Pierre Brunet certaines pièces de terre, situées à Chermignon, sous la rente annuelle d’un fichelin de seigle, un denier de service avec le plaît.
PIERRE ou PERROD (III) DE MORESTEL, vidomne de Bagnes et coseigneur de Granges, et son frère JEAN, /165/ tous deux fils de Guillaume de Morestel., vidomne de Bagnes, etc.
Selon « l’Inventaire de la jurisdiction de Granges, » Jean Messeiller, de Lens, vendit, sous l’année 1342, à Jean et Pierre, frères, fils de feu Jean de Morestel, certains biens situés au territoire de Granges, à Rua Gralion, et cela sous le service de trois deniers, avec le plaît. Il y a certainement ici une faute de copiste, car Jean et Pierre de Morestel étaient positivement les fils de Guillaume de Morestel. Voy. notre Mémoire.
Certains hommes de Saint-Léonard reconnaissent, en l’année 1359, tenir divers biens en nu fief (in feudum planum) de Perrod de Morestel et devoir, en conséquence, deux sols mauriçois (de service) avec le plaît 1.
AYMON DE MORESTEL coseigneur de Granges, second fils de Pierre (II) de Morestel, vidomne de Bagnes.
(Voy. le troisième des tableaux généalogiques de la maison de la Tour.)
Aymon de Morestel est titré de seigneur de Granges dans la vente que lui fit le donzel Jacques de la Tour de Granges de 35 fichelins de seigle de cens, et de deux sols de service dus à Hérens et au Pré de Plan 2.
Faut-il inférer de cette titulature qu’Aymon de Morestel possédait une part plus considérable de la seigneurie de Granges que son frère Guillaume, qui était vidomne de Bagnes ?
L’épouse du donzel Aymon de Morestel de Granges fut /166/ Françoise Albi. Le 4 des nones de juillet 1321, à Granges, le prénommé Aymon confesse avoir reçu pour la dot de sa femme Françoise, sœur de François Albi, quatre-vingts livres mauriçoises, plus onze des mêmes livres pour ses vêtements nuptiaux (pro garnimento). Cette confession a lieu en présence de Reymond, curé de Granges, de Villelme de Morestel, frère du dit Aymon et de François Albi, donzel. En considération des bons services que lui a rendus son épouse, Aymon de Morestel lui donne, pour une fois, vingt livres mauriçoises, en augmentation de dot 1.
JACQUES DE MORESTEL, donzel, fils d’Aymon de Morestel, de Granges.
(Voy. le troisième des tableaux généalogiques de la maison de la Tour.)
Le 16 septembre 1336, à Chermignon-dessous, Johannod fils de feu Berthold, le dîmeur, reconnaît tenir en nu fief de noble Jacquemod (Jacques) de Morestel, donzel, deux fossoriers de vigne, avec les vases (cum vasina), située à Baux, sous le service d’un denier et de deux deniers de plaît. Le prédit Jacques scelle l’instrument de cette reconnaissance 2.
Une transaction importante, moyennée par des amis /167/ communs, a lieu le 14 août 1339, à Sion, dans la cour épiscopale, entre les frères François, Louis et Perrod, fils du feu François Albi, de Granges, agissant pour eux, leur mère et leurs sœurs, d’une part, et Jacques de Morestel, donzel, pour lui et sa sœur Agnès, d’autre part. Le différend qui avait donné lieu à la prédite transaction avait pour cause la vente que le feu donzel Aymon de Morestel, père de Jacques, avait faite au feu donzel François Albi, père des prénommés frères, à titre d’alleu et pour le prix de septante livres mauriçoises, de certains hommes liges et taillables à miséricorde et autres feudataires, avec les fidélités, tailles, services, hommages, rentes, plaîts et autres usages qu’ils devaient, et tout droit, seigneurie, mère et mixte empire et omnimode servitude et jurisdiction sur eux. Ces hommes étaient au nombre de 37, dont 6 à Lens, 3 à Dyogny, 1 à Montana, 1 à Granges et 1 à Chermignon; le lieu de l’habitation des autres n’est pas indiqué. Le seigneur Philippe, évêque de Sion, avait réclamé les objets de cette vente, comme échus ou commis, parce que celle-ci avait eu lieu sans son consentement, soit celui de ses prédécesseurs, et que ces biens relevaient du fief lige de la mense épiscopale de Sion, duquel fief Perrod de Morestel était l’homme lige 1. Les frères Albi demandaient donc que Jacques de Morestel, héritier de son père, maintînt la vente faite par celui-ci et entrât en cause et jugement contre l’évêque. La transaction entre les parties décida que, pour l’abandon fait par les frères Albi à Jacques de Morestel des biens vendus par son père, le dit Jacques leur payerait les septante livres mauriçoises, prix de la vente, et cela de la manière, suivante: Jacques de Morestel livrerait 46 des dites livres /168/ et les 24 livres restantes seraient acquittées, pour le capital de 40 sols mauriçois annuels, que les frères Albi devaient aux frères Perrod et Jean de Morestel, cousins germains du prénommé Jacques, lesquels consentent à cet arrangement. Les frères Albi devaient ces 40 sols annuels aux frères Perrod et Jean de Morestel précités en vertu d’une convention faite avec eux, voici à quel propos: les parties tenaient en commun un fief du noble Pierre de la Tour, seigneur de Châtillon, à raison duquel les frères Albi devaient lui prêter hommage. Toutefois, ces derniers ayant refusé de remplir ce devoir féodal, Pierre de la Tour s’était mis en possession du fief, et c’était pour dédommager les frères de Morestel de la perte qu’ils avaient essuyée par suite de cette saisie que les frères Albi leur payaient les 40 sols annuels portés en compte dans la transaction qui nous occupe. Celle-ci eut pour témoins les chevaliers Conon de Châtel et Gothofred de Nuns, Jacques, doyen de Sion, Willelme de Clarens, chanoine de Sion, le sacristain Ebal, Aymon d’Ollon, Jean de Saxon, donzels, et d’autres personnes 1.
Jacques de Morestel de Granges épousa Jeannette (soit Joannette), fille de Jacques de Gisseney, citoyen de Sion, donzel, et de sa première femme Perrette, fille de Perronin Maieschat, de Conthey. Les conditions de ce mariage furent stipulées à Sion, le 10 juin 1345. Jacques de Gisseney donna en dot à sa fille cinquante livres mauriçoises, payables en divers termes, plus six bichets (bissaletos) de seigle, de rente, que doit lui payer Nanterme, vidomne de Martigny, en vertu du legs fait à la dite Jeannette par feu Germaine, épouse du dit Nanterme, sa tante; plus tout ce que la précitée Jeannette possède et possédera de biens pour cause /169/ de légitime succession de la prédite Germaine et de Nicolette, veuve de Marquet de Gisseney, demeurant à Conthey. Pour le payement de 20 des 50 livres de la dot, le père de l’épouse donne à celle-ci deux muids et demi de seigle, de rente, que doivent payer Johannod, dit de la Tour, et ses feudataires. Jacques de Morestel donne à son épouse future quatorze livres mauriçoises pour une fois. Comme garants du payement de la dot se constituent le chevalier Gotefred de Poleyn, François Albi, de Granges, donzel, et Johannod, dit de Gisseney, frère de l’épouse 1.
Jacques de Morestel survécut à son épouse. Le 26 mai 1367, à Sion, dans la chapelle de Saint-Théodule, il fait un traité avec Jean de Gisseney, frère de sa défunte épouse, relativement aux biens dotaux de celle-ci, qui, après son propre décès, devaient revenir au prénommé Jean de Gisseney, savoir: quatorze livres mauriçoises données par le prédit Jacques de Morestel à son épouse en augmentation de dot, plus 60 sols mauriçois, avec les deux muids et demi de seigle donnés en dot par son père à la défunte Jeannette de Gisseney et dus eis Agettes et à Salin. Jacques de Morestel assigne les 14 livres et les 60 sols précités sur cinq seytorées de pré, trois poses de champ et un demi-chésal de grange situé dans le dit pré et sur l’île du dit Morestel, dans la paroisse de Granges, au lieu dit Cresta d’Or. Jean de Gisseney, après le décès de Jacques de Morestel, entrera en possession des immeubles susmentionnés jusqu’à ce qu’il ait été payé des sommes qui lui sont dues. Il payerait alors à la mense épiscopale de Sion quinze sols de plaît au changement du vassal d’hommage, c’est-à-dire de François de Montjovet; il payerait encore trois deniers /170/ de service aux hoirs de François Albi, de Granges, donzel. Le prénommé Jean de Gisseney reconnaît qu’en vertu de certain traité fait avec Jaquet de Gisseney, son frère, il a cédé à celui-ci tout droit aux prémentionnés deux muids et demi de seigle, de rente. Le donzel Jean de Châtillon fut l’un des témoins de ce traité 1.
On ne connaît point de postérité au donzel Jacques de Morestel, dernier membre de la famille de ce nom.
BRANCHE DES NOBLES DE LA TOUR COSEIGNEURS DE GRANGES
GUILLAUME (III) DE LA TOUR DE GRANGES, donzel.
(Voy. le troisième des tableaux généalogiques de la maison de la Tour.)
Guillaume de la Tour, fils du donzel Uldric de la Tour, était vidomne d’Hérémence et ce vidomnat, après lui, passa à ses filles et aux héritiers de celles-ci. Guillaume de la Tour avait légué au chapitre de Sion un cens de cinq sols qui se percevaient à Grimisuat 2. Il laissa seulement deux filles: Christine et Agnès.
On n’apprend pas avec certitude qui Christine de la Tour de Granges épousa. Ses fils, les donzels Willelme et Pierre, dont le nom de famille n’est pas indiqué, font, le 13 des kal. de février 1313, à Sion, une vente d’un demi-muid de /171/ moût de cens, sur leur vigne des Plantaes (Plantées), à Eymeric de Torrenté 1.
Christine de la Tour eut une fille nommée Perrette, qui fut la femme d’Aymon Montellier, duquel elle était veuve lorsqu’elle vendit, le 2 des kal. de mars 1306, à Sion, pour le prix de 60 sols mauriçois, à Jean et Willelme, fils de Nicolas, vidomne d’Orsières (Orseires), et à Béatrice et Elika, leurs femmes, un cens de cinq sols et six deniers, procédé du fief de feu Guillaume de la Tour et dû à Montana et à Lens. De plus, elle leur céda, durant sa vie, pour dix-huit sols mauriçois annuels, ses prés sis en Champ-sec (in campo sicco 2 ) et son pré situé dans l’Ile ronde (in insula rotunda). Nicolas, fils de Reynaud de Martigny, chevalier, est l’un des témoins de cette transaction 3.
Christine de la Tour de Granges vivait encore dans l’année 1307 et fit alors deux ventes de biens féodaux à Boniface, évêque de Sion 4.
Ses héritiers, à l’égard de la part du vidomnat d’Hérémence, étaient, en 1335: Jean d’Orsières, citoyen de Sion, pour lui et comme curateur des enfants de feu Elice, sa /172/ sœur, Johannod, fils de la dite Elice, pour lui et ses autres frères et Perrod, dit Danneres (soit Daugreres), donzel 1.
Agnès, l’autre fille de Guillaume (III) de la Tour de Granges, épousa le chevalier Vautier de Chamoson. De ce mariage provint une fille, nommée Jaquette, héritière de dame Agnès, sa mère, et qui fut l’épouse de Nanterme de Colombier, donzel. Celui-ci apparaît en 1330 comme vidomne d’Hérémence, en qualité « d’avantier » (avantarius) de ce fief et il agit dans cette occasion tant pour lui, son épouse et les consorts de celle-ci, que pour Pierre, vidomne de Sion. On n’indique pas quelle part ce dernier pouvait avoir au vidomnat d’Hérémence ni d’où elle provenait.
Deux fois dans l’année, en mai et en octobre, le vidomne tenait le plaid général à Hérémence, sur le cimetière, devant l’église, et percevait des feudataires, dans cette circonstance, certains ressats (recepta), savoir, au mois d’octobre, treize et demi de ceux-ci, outre trente deniers pour le foin. Chaque ressat valait deux tercines (tercinas) de vin, cinq deniers pour la viande et deux deniers pour le pain. En mai il y avait douze et demi ressats de la valeur de ceux du mois d’octobre. Les seigneurs du plaid général se partageaient ces ressats, dans la proportion de la part de chacun d’eux à la possession du fief. Dans les mois de mai et d’octobre, la jurisdiction sur les résidents (residentes) du plaid appartenait au vidomne, qui percevait les clames et les bans pour chose jugée. Les émoluments de cette jurisdiction se partageaient entre les seigneurs du plaid, comme les ressats.
Du 22 septembre 1329 au 18 mai 1332, soixante et /173/ dix-sept reconnaissances féodales furent faites à Hérémence, tant en faveur de la prénommée Jaquette de Chamoson, épouse de Nanterme de Colombier, que de ses participants aux fiefs, usages et droits reconnus. Plusieurs de ces reconnaissances sont suivies d’un renouvellement fait en 1340. Alors Jaquette de Chamoson était devenue veuve. On trouve de nouvelles reconnaissances féodales, au nombre de soixante et treize, provenant d’accensements faits par la prénommée Jaquette et ses participants, à Hérémence, dès le 3 juillet 1334 au 15 mai 1346 1.
Le 13 des kal. de mai 1330, à Chamoson, dans la maison de feu Vautier de Chamoson, chevalier, appartenant pour lors à sa fille Jaquette, femme de Nanterme de Colombier, un grand nombre de feudataires avaient reconnu tenir de la dite Jaquette des terres situées à Chamoson, Ardon et dans les lieux voisins 2. Son fils Aymon apparaît comme témoin le 22 novembre 1335 et Jean, un autre de ses fils, apparaît en la même qualité en 1340 3.
JAQUET soit JACQUES DE LA TOUR, coseigneur de Granges, donzel.
(Voir le troisième des tableaux généalogiques de la maison de la Tour.)
Il règne quelque obscurité à l’égard de la filiation de la descendance du donzel Uldric de la Tour, et cela par suite de l’absence de documents. Nous n’avons pas trouvé d’éclaircissements sur ce point dans les nouvelles chartes qui nous ont été communiquées, quoique quelques-unes d’entre elles /174/ se rapportent au donzel Jaquet, soit Jacques de la Tour de Granges. Nous devons donc maintenir ici ce que nous avons avancé dans notre Mémoire, savoir que le donzel Jaquet était fils de Pierre de la Tour d’Ollon et de Jacobée, fille du donzel Symon de la Tour, de la branche aînée de la famille de ce nom, et que le précité Pierre de la Tour était fils d’un autre Pierre de la Tour, chevalier, dit l’aîné, fils, selon toute probabilité, du donzel Uldric de la Tour.
Il paraîtrait ainsi que ce dernier eut deux fils portant le même prénom, celui de Pierre, circonstance qui n’aurait rien eu d’insolite au moyen âge. L’un des deux aurait été Pierre de la Tour, dit le jeune, qui prit le nom de Morestel en succédant à son parent de même nom en qualité de vidomne de Bagnes. (Nous l’avons désigné dans le présent supplément comme étant Pierre IV bis de la Tour, soit Pierre II de Morestel.) L’autre Pierre de la Tour, probablement aussi fils du donzel Uldric, serait celui que nous avons désigné jusqu’ici sous le nom de Pierre VI et qui deviendrait maintenant Pierre VII, tandis que son fils, père du donzel Jacques de la Tour de Granges, serait Pierre VIII. (Voy. le tableau généalogique ci-dessous.)
Généalogie de la descendance de Chabert de la Tour
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[N.d.l.r.: voyez MDR Tome XXXIII, Gremaud, Documents relatifs à l’Histoire du Vallais, Tome V, p. 439, le commentaire de la charte No2177 et le tableau généalogique corrigé.]
Une sentence arbitrale rendue à Sion, le mardi après le dimanche de la Trinité 1301, entre dame Guigonne, veuve de Jacques d’Anniviers, chevalier, et ses enfants, d’une part, et Girold, fils de feu Antoine de Villeneuve et Jaquet de la Tour de Granges, d’autre part, nous montre la complication des rapports féodaux qui existaient entre les divers fiefs de la seigneurie de Granges.
Le donzel Vuillelme d’Anniviers agit dans cette circonstance comme chargé de procuration de dame Guigonne. /175/ Girold de Villeneuve et Jaquet de la Tour demandaient à celle-ci l’hommage (hominium) lige que Louis d’Anniviers, chevalier, devait à l’abergement (soit au fief) du dit sire Jacques, disant qu’il devait lui appartenir avec les fonds du dit hommage. Ce fief était situé à Anniviers, Vernamièse et ailleurs. Ils demandaient encore à dame Guigonne les hommes et les biens que le dit sire Louis tenait à Musot, la dîme de Villa et certaine vigne située au territoire de ce lieu, le fief de Willelme Fort de Reschy (Ressy) à Chaley et à Reschy et plusieurs autres choses dans ces lieux, certaines maisons et certains chasements (casamenta) et chésaux (casalia) à Granges, un arpent de champ et la vigne appelée Cochant à Grone, et certaine fidélité et certains usages qu’ils disaient leur être dus par l’abergement d’Anniviers. De son côté, le prénommé Vuillelme, au nom de dame Guigonne, réclamait de Girold de Villeneuve et de Jaquet de la Tour cinquante livres mauriçoises, auxquelles leur prédécesseur, le sire Pierre de la Tour, chevalier, était tenu envers le défunt sire Jacques d’Anniviers, chevalier, plus six setiers censuels de vin à raison de la défunte Pomette de Pensey, plus encore la dite vigne de Cochant.
La sentence rendue par le curé de Bex, Willelme, curé d’Anniviers, et François Quarterii, arbitres, débouta Girold de Villeneuve et Jaquet de la Tour de leurs demandes, sauf de celles qui concernaient la vigne de Cochant et les six setiers censuels de vin. Elle décida que dame Guigonne leur donnerait quittance des cinquante livres qu’elle réclamait d’eux et leur payerait, à titre de transaction, douze livres mauriçoises. Cette sentence, approuvée par les parties, fut ratifiée par dame Guigonne et ses enfants, Jean et Agnès, sur les mains du curé d’Anniviers, juré de la /176/ chancellerie de Sion, et par Isabelle, mère de Girold de Villeneuve et les enfants de celui-ci (Willelme, Henri, Béatrice et Nicolette, les autres étant encore impubères), sur les mains de Jean de Fribourg, juré de la dite chancellerie. Les témoins de cet acte important sont: Willelme, sénéchal de Sion, chevalier, P. de Mage, prêtre, Benoît de la Mauvaise cour (de Malacuria), le curé d’Ollon et d’autres 1.
La copossession de Girold de Villeneuve aux biens de la maison de la Tour à Granges, provenait sans doute des acquisitions faites par le chanoine Girold de Villeneuve de dame Jacobée de la Tour, mère du donzel Jaquet (voy. notre Mémoire, pag. 363 et pag. 187 de notre tirage spécial), mais au sujet desquelles nous sommes sans renseignements.
Jacques de la Tour, dans l’année 1309, lode à Granges, moyennant le payement de 15 sols qui lui est fait, la vente que Willelme et Nicolas, fils du sire Bruni, de Chandolin, ont faite à Jacques Félisar et à son neveu, de trois fichelins de seigle, de cens, qui sont mouvants du fief du dit Jacques de la Tour. Les témoins sont: François de Saxon, donzel, et Willelme, curé d’Anniviers 2.
Enfin, le 8 des kal. de mars 1310, à Granges, Jacques de la Tour de Granges, donzel, vend au noble Jean, seigneur d’Anniviers, tout son chésal (casale) situé à Granges (in villa de Granges), pour le prix de cent sols qu’il a reçus, deux deniers annuels de service et le plaît. Cette vente eut donc lieu à titre de fief. Elle eut pour témoins: François Albi, Willelme d’Anniviers, donzels, Pierre Lyonnet et Willelme, curé d’Anniviers 3.
Jacques de la Tour, donzel, n’était plus vivant en 1333, /177/ et à cette date ses biens étaient possédés par le donzel Mermet d’Ollon; toutefois on ignore à quel titre cela avait eu lieu. Celui des trois châteaux de Granges qui lui avait appartenu était désigné, sous l’année 1366, de maison d’Ollon. (Voir ci-devant, pag. 158.)
LA MESTRALIE DE LA COUR DE SION
Nous ne laisserons pas échapper l’occasion de rectifier une allégation contenue dans notre Mémoire relativement aux offices de la mestralie de la cour de Sion et de la sénéchalie de cette ville, que nous avons indiqués comme étant identiques et cela d’après l’opinion d’un auteur très compétent. (Voy. notre Mémoire, pag. 224 et 48 de notre tirage spécial, ainsi que la note 3 aux dites pages.) Ces offices étaient différents, ainsi que cela ressort de la brochure publiée en 1872 par M. l’abbé Gremaud, intitulée: la Sénéchalie de Sion. Le sénéchal était le maître d’hôtel de l’évêque, tandis que le mestral était gardien de la cour épiscopale, soit de la résidence du prélat.
Observation. — Nous ne faisons pas suivre notre texte de la publication des chartes dans lesquelles nous avons puisé les notions que nous y avons rapportées, parce que M. l’abbé Gremaud nous a fait part de son intention de les faire paraître dans son Cartulaire du Vallais.