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Mémoires et documents de la Société d’histoire de la Suisse romande

Edition numérique

Jean GREMAUD

Documents relatifs à l'histoire du Vallais : Tome V
(1351-1375)  :
Avant-propos et Introduction

Dans MDR, 1884, tome XXXIII, pp. V-CXV

© 2024 Société d’histoire de la Suisse romande

DOCUMENTS RELATIFS A L’HISTOIRE DU VALLAIS

TOME V

 

/V/

AVANT-PROPOS

 

Ce cinquième volume termine la première série des Documents relatifs à l’histoire du Vallais dont la société d’histoire de la Suisse romande a entrepris la publication. En commençant ce travail nous n’avons pas pu prévoir le développement qu’il a pris et nous comptions renfermer dans ces cinq volumes les documents antérieurs au XVIe siècle. Nous avons été trompé dans nos prévisions par l’abondance des actes qui sont venus successivement enrichir notre collection. On trouvera peut-être que nous aurions dû faire un choix plus restreint et omettre bien des pièces qui ne présentent que peu d’intérêt. Cependant nous croyons pouvoir dire que nous n’avons publié que celles qui, après mûr examen, nous semblaient présenter une utilité réelle. Notre but n’a pas été seulement de réunir des matériaux pour l’histoire proprement dite du Vallais, mais de recueillir tout ce qui peut faire connaître /VI/ ses institutions, son organisation, ses évêques et son clergé, ses familles féodales, son peuple, sa vie économique, ecclésiastique, morale et intellectuelle, ses relations commerciales et politiques; et si l’on examine les documents publiés, on y trouvera des détails qui se rapportent à l’un ou l’autre de ces objets.

Malgré le développement de notre œuvre, nous avons dû omettre dans le supplément qui termine ce dernier volume, un grand nombre de documents intéressants, découverts pendant l’impression de l’ouvrage. L’espace dont nous pouvions disposer ne nous a pas permis de publier tout ce qui méritait de l’être. Au reste nous savons qu’il y a encore beaucoup de découvertes à faire dans les archives des localités secondaires. Nous espérons que l’exemple que nous donnons, portera ses fruits et que d’autres travailleurs feront pour ces localités ce que nous avons fait pour l’ensemble du pays. Nous désirons surtout que les trésors des riches archives de l’abbaye de Saint-Maurice soient bientôt communiqués au public. On ne connaîtra bien l’histoire du Bas-Vallais que lorsque cette publication aura été faite.

La période comprise dans notre publication, qui s’arrête à la mort de l’évêque Guichard Tavelli et à l’expulsion du Vallais de la famille des la Tour-Châtillon (1375), la plus puissante alors dans ce pays, est assez nettement distincte /VII/ de celle qui suit. Jusqu’à cette date les communautés, ou dizains, comme on les appela plus tard, n’ont joué qu’un rôle secondaire; elles se sont organisées peu à peu et ont commencé à prendre part à la gestion des affaires publiques. Dans la période suivante leur rôle grandit et se développe toujours plus. L’évêque doit partager avec elles sa souveraiueté temporelle, qui lui est vivement disputée. Cette souveraineté que la féodalité n’a pu détruire, tombera après deux siècles de luttes persistantes, entre les mains des patriotes, qui en dépouillent définitivement l’évêque au commencement du XVIIe siècle, en lui laissant toutefois un titre, qui depuis lors n’est guère qu’honorifique. Cette seconde période n’est pas moins intéressante que la première. Nous avons recueilli la plus grande partie des documents qui peuvent la faire mieux connaître, et notre intention est de les publier plus tard.

Nous ajoutons à cette première série de documents une introduction destinée à en faciliter la lecture et à résumer les données qu’ils contiennent sur quelques-uns des points les plus importants. Pour être complet, ce travail aurait demandé des développements qui dépasseraient les bornes d’une simple introduction et surtout de la place dont nous pouvons disposer. Notre but est plutôt de fournir aux lecteurs quelques renseignements et des indications sommaires sur les matières de nature diverse contenues dans /VIII/ notre publication. Nous avons extrait les pierres de la carrière; nous leur donnons un premier coup de ciseau; et nous abandonnons à d’autres la construction du bâtiment. Exoriare aliquis.

Nous rappelons les notions données dans l’avant-propos au premier volume, notions qui nous dispensent de revenir dans cette introduction sur certains points qui y sont traités.

Pour simplifier l’indication des documents que nous avons à citer, nous renvoyons simplement au No du document, et lorsque ce renvoi se rapporte aux Chartes sédunoises publiées dans le XVIIIe volume des Mémoires et documents de notre société, nous faisons précéder le No des lettres C. S. Enfin lorsque nous citons ces mêmes Mémoires et documents, nous le faisons par l’abréviation généralement adoptée M. D. R.

Pour la rédaction de l’introduction nous devons des remerciements tout particuliers à M. le professeur Charles Le Fort, de Genève, qui a réuni et coordonné de nombreuses notes extraites des cinq volumes des Documents; il a eu l’extrême obligeance de les mettre à notre disposition en attendant qu’il les utilise lui-même pour une publication importante qu’il prépare. Nous avons le regret de n’avoir pas pu profiter de l’offre obligeante qu’il nous a faite de collaborer à la rédaction de cette introduction et nous aurions été heureux d’en profiter, si la distance n’avait /IX/ pas rendu cette collaboration trop difficile. Le regret sera encore plus vivement senti par nos lecteurs, qui tous connaissent l’érudition et la compétence de M. Le Fort.

Nous témoignons aussi notre reconnaissance à toutes les personnes qui ont facilité notre tâche ou nous ont communiqué des documents, en particulier à M. le chanoine Grenat, archiviste du vénérable chapitre et de la ville de Sion, dont l’obligeance a été inépuisable, et à M. Ferd. Schmid, curé de Moérel, qui, avec un rare désintéressement, a transcrit pour nous un très grand nombre de chartes dans les archives du Haut-Vallais.

Fribourg, le 4 décembre 1883.


/X/

/XI/

INTRODUCTION

I

Le Vallais jusqu’à la fin du XIVe siècle.

Entre les deux chaînes de montagnes les plus élevées de l’Europe s’étend une longue vallée arrosée par le Rhône supérieur depuis sa source jusqu’à son embouchure dans le lac Léman, sur un parcours d’environ cent soixante kilomètres. Elle est désignée dès l’antiquité sous le nom commun de vallée qui indique sa configuration physique, en latin Vallis, Vallesium; cette dernière forme n’a été transformée en Vallesia que dans la seconde moitié du XVIe siècle. Le nom français Vallais a été écrit avec un double l, conformément à son étymologie, par le plus grand nombre des auteurs jusqu’à la fin du XVIIIe siècle; la forme Valais, qui se rencontre déjà dans plusieurs écrivains de ce dernier siècle, n’est devenue officielle qu’au commencement de notre siècle; mais les deux ll se sont cependant conservés en allemand, en latin et en italien, Wallis, Vallesia, Vallese. Nous croyons devoir, dans une publication historique, maintenir la forme étymologique. /XII/

L’histoire du Vallais commence par la soumission de ce pays aux Romains, l’an 58 avant Jésus-Christ. César nous apprend que la vallée était alors habitée par les Nantuates, les Véragres et les Séduniens. Octodure (Martigny), le bourg principal des Véragres, était située sur les deux rives de la Dranse. Les Nantuates s’étendaient des confins des Véragres jusqu’au lac Léman, et les Séduniens habitaient la partie centrale de la vallée, dans les environs de Sedunum (Sion). César ne parle pas des habitants de la partie supérieure de la vallée; c’est Pline qui nous les fait connaître; dans l’énumération qu’il donne des peuples des Alpes, il place les Vibères ou Ubères aux sources du Rhône et il rattache cette peuplade aux Lépontiens.

Les habitants du Vallais avaient déjà alors fortifié leur pays; Sergius Galba, envoyé contre eux par César, dut s’emparer d’un grand nombre de forteresses (castellis compluribus eorum expugnatis) pour les soumettre. Les passages des Alpes étaient connus et traversés par les marchands; mais, dit César, ces derniers ne pouvaient les passer sans courir de grands risques et payer des droits onéreux. C’est le prétexte que le général romain prend pour déclarer la guerre aux peuplades du Vallais.

Le pays avait alors une population nombreuse, puisque César évalue à plus de trente mille les soldats qui combattirent contre Galba; si ce nombre n’est pas exagéré, il indiquerait une population presque aussi considérable que celle de nos jours. Les nombreuses découvertes archéologiques faites dans toute la vallée du Rhône, surtout de tombeaux antérieurs à la période romaine, montrent qu’elle était habitée depuis longtemps et la nature des objets /XIII/ découverts atteste un certain degré de civilisation, qui se développa rapidement lorsque ce pays passa sous la domination romaine après la conquête par Sergius Galba. Il n’entre pas dans notre plan d’étudier cette partie de l’histoire du Vallais ni de discuter les nombreuses questions qui s’y rattachent; nous nous bornons à rappeler qu’il fit alors partie de la province des Alpes Graies et Pennines et qu’il avait pour cité principale Octodure, Civitas Valensium Octodoro 1. Il est vrai qu’une inscription de Saint-Maurice mentionne, sans les nommer, les quatre cités de la vallée pennine, qui correspondaient, sans doute, aux quatre peuples du Vallais, mais trois de ces cités n’avaient qu’une position secondaire et devaient être subordonnées à celle d’Octodure.

La domination romaine fut remplacée par celle des Burgundes vers le milieu du Ve siècle. On sait que les anciens habitants durent partager leurs terres avec les envahisseurs et on croit que ceux-ci occupèrent plus particulièrement certains districts. Les Burgundes, depuis longtemps en relations avec les Romains, adoptèrent la civilisation et la langue de ces derniers. C’est ce qui eut lieu dans toutes les contrées qu’ils occupèrent, et en particulier dans la plus grande partie du Vallais; mais dans la vallée supérieure nous trouvons une autre langue; là l’allemand domine entièrement. La limite entre les deux langues se trouvait, au moyen âge, un peu au-dessus de Louèche. Ce n’est que dans la seconde moitié du XVe siècle que l’allemand a envahi la partie inférieure jusqu’à Sion. La présence d’une population allemande dans le Haut-Vallais prouve l’envahissement de cette contrée par /XIV/ les Alémannes, en traversant ou les Alpes bernoises ou la Furka. Si cet envahissement a précédé l’arrivée des Burgundes, ceux-ci auront dû s’arrêter à Louèche; s’il est postérieur, on pourrait admettre l’invasion du Haut-Vallais par les Burgundes et ensuite leur fusion avec les Alémannes. Dans tous les cas ces derniers ont dû être indépendants dans l’origine. Nous ignorons quand et comment ils ont cessé de former une tribu à part et ont été réunis politiquement aux autres habitants du Vallais.

Les seuls faits connus de l’histoire du Vallais pendant la domination burgonde se rapportent à l’abbaye de Saint-Maurice, fondée ou plutôt restaurée et agrandie par le roi Sigismond. Les donations faites par ce prince à l’abbaye comprennent de vastes territoires dans diverses parties de la vallée du Rhône et prouvent que le domaine royal y était très étendu.

Le royaume des Burgundes passa, en 534, sous la domination des Francs, dont l’autorité fut ainsi reconnue en Vallais. Quarante ans plus tard (574) les Lombards, maîtres de l’Italie, traversèrent les Alpes et ravagèrent une grande partie de la vallée du Rhône; c’est probablement alors que la cité d’Octodure fut détruite. Ils furent cependant complètement battus près de Bex et les débris de leur armée repassèrent les Alpes.

Nous n’avons aucun document sur l’histoire civile du Vallais avant le règne de Louis le débonnaire. On connaît les nombreux partages successifs que ce prince fit de l’empire carlovingien entre ses fils. Lothaire eut toujours dans sa part le gouvernement de la Bourgogne transjurane et ainsi du Vallais. La Bourgogne fut assignée, il est vrai, à Charles, en 829; mais cette disposition ne put pas être /XV/ mise à exécution. Le comté du Vallais (comitatus Vallissorum) est nominativement mentionné pour la première fois dans le partage fait à Worms, en juin 839, et il est attribué à Lothaire. Les guerres qui suivirent la mort de Louis le débonnaire se terminèrent, en 843, par le traité de Verdun, qui laissa Lothaire en possession du Vallais.

Lothaire se retira dans un couvent en 855 et ses états furent partagés entre ses trois fils. Lothaire II, ou le jeune, obtint une partie de l’ancienne Austrasie, qui forma le royaume de Lotharingie ou Lorraine et comprenait la Bourgogne transjurane. Ce prince épousa Theutberge, fille du comte austrasien Boson et sœur de Hucbert, dit l’abbé. Destiné d’abord à l’état ecclésiastique, Hucbert avait reçu la tonsure, mais il n’avait de clerc que ce signe; il renonça à recevoir les ordres majeurs pour se marier; ce qui ne l’empêcha pas de posséder plusieurs bénéfices ecclésiastiques, abus qui n’était alors que trop commun. Le mariage de sa sœur Thietberge avec Lothaire II lui valut la faveur du roi, et il en profita pour s’emparer par la violence de l’abbaye de Saint-Maurice, qu’il enleva à l’évêque de Sion. En 859 Lothaire II lui remit le duché situé entre le Jura et le Mont-Joux. Cette même année Lothaire céda ce duché à son frère Louis II, roi d’Italie, à l’exception de l’hôpital du Mont-Joux; mais Louis ne put pas y faire reconnaître son autorité, et Hucbert resta en possession du duché malgré la guerre que lui firent les deux frères, jusqu’à ce qu’enfin il perdit la vie dans une bataille que lui livra Conrad, comte d’Auxerre, près d’Orbe (866 ou 867). D’après quelques auteurs récents Conrad aurait été investi de la Bourgogne transjurane par le roi Lothaire II et son fils Rodolphe lui aurait succédé dans le /XVI/ gouvernement de ce duché; mais rien dans les témoignages contemporains ne prouve cette assertion. Il n’y est fait aucune mention d’un duc ou gouverneur de la Transjurane. Tout ce qu’ils nous apprennent c’est que Charles le chauve qui, à la mort de Lothaire II (869), s’était emparé d’une partie de ses états, donna l’abbaye de Saint-Maurice avec d’autres dignités à Boson, fils du comte Buvin et frère de Richilde, son épouse (869). Peu après l’abbaye se trouve au pouvoir de Rodolphe, fils de Conrad comte d’Auxerre, qui porte le titre d’abbé de Saint-Maurice dans une charte sans date, mais probablement de l’année 870.

Quinze ans plus tard nous voyons paraître un personnage nommé Rodolphe avec la qualification de comte et de marquis dans deux chartes du comté de Vaud; il est probable que c’est le même Rodolphe qui était abbé de Saint-Maurice. Etait-il simplement comte de Vaud, ou son autorité s’étendait-elle sur d’autres parties de la Transjurane ? c’est ce qu’il n’est pas possible de savoir. Quoi qu’il en soit, à la mort de Charles le gros, Rodolphe s’empara des contrées situées entre le Jura et les Alpes pennines et se fit couronner roi à Saint-Maurice, en 888. Ce souverain et ses successeurs restèrent en possession de la plus grande partie des biens de l’abbaye d’Agaune. Le Vallais fut compris dans le nouveau royaume, dont il forma l’un des comtés; mais les noms des comtes qui le gouvernèrent ne nous sont pas connus.

En 999, le roi Rodolphe III donna à Hugues, évêque de Sion, et à ses successeurs le comté du Vallais dans son intégrité, avec tous ses revenus (utilitatibus), comme en avaient joui antérieurement les fidèles du roi et de son père. (No 71.) Le diplôme royal n’indique pas l’étendue du comté; essayons de la déterminer. /XVII/

Nous voyons par l’acte de fondation de l’abbaye de Saint-Maurice d’Agaune (515) qu’au commencement du VIe siècle le pagus Vallensis comprenait toute la vallée du Rhône, depuis la source de ce fleuve jusqu’au Léman, car nous y trouvons énumérées comme appartenant à ce pagus plusieurs localités entre Louèche et Vouvry. Dans le partage des états de Louis le pieux entre ses fils, en 839, le comitatus Vallissorum a encore la même étendue, puisqu’il est indiqué seul entre la vallée d’Aoste et le comté de Vaud. Plus tard, dans les chartes du Xe et du XIe siècle paraît un nouveau pagus ou comté, celui du Chablais (Caput Lacense), qui comprend la vallée inférieure du Rhône, depuis le Trient au Léman. L’ancien comté du Vallais aurait été ainsi divisé, au commencement du second royaume de Bourgogne, et le nouveau comté du Vallais n’aurait plus compris que la partie de la vallée qui s’étend de Martigny à la Furka. Nous croyons que c’est ce comté restreint qui a été donné à l’évêque de Sion, et nous trouvons la confirmation de notre opinion dans le fait suivant. Parmi les droits régaliens dont jouissait l’évêque de Sion, figurait la grande route (strata publica) qui traversait la vallée. Or le droit de l’évêque s’arrêtait à la croix d’Ottans, près du Trient, ainsi à la limite du comté du Chablais 1. Au reste nous ne voyons jamais l’évêque de Sion exercer /XVIII/ la juridiction temporelle dans ce dernier comté, qui appartint de bonne heure à la maison de Savoie, sans qu’on connaisse ni l’origine ni la date de cette acquisition.

Devenu comte du Vallais, l’évêque de Sion n’en conserva pas le territoire dans son intégrité. Dès le XIIe siècle les comtes de Savoie y ont de vastes possessions et les actes relatifs à la lutte qui éclata, au milieu du siècle suivant, entre l’évêque Henri de Rarogne et Pierre de Savoie prouvent que ce dernier possédait les châtellenies de l’Entremont, de Saxon, de Saillon et de Conthey. Dans cette partie du Vallais l’évêque n’avait conservé que Martigny, Ardon et Chamoson. Pierre avait également des droits dans le Haut-Vallais, en particulier le fief de Moérel.

Quelques-unes de ces possessions de la Savoie, Orsières et Saillon, avaient appartenu, dans la première moitié du XIe siècle, à Ulric de Lenzbourg, qui les transmit en héritage à son neveu Aymon de Savoie, évêque de Sion; celui-ci les donna, le 12 juin 1052, aux chanoines de son église (C. S. No 4), qui ne les conservèrent pas.

Comment les comtes de Savoie devinrent-ils maîtres de cette partie du comté du Vallais, c’est ce que nous ignorons; les documents font complétement défaut. Mais que les évêques de Sion en aient joui en vertu de la donation de 999, c’est ce que prouve l’existence de vidomnats dans plusieurs de ces localités. Le vidomnat, dans la Suisse romande, est un office qui ne se trouve que dans les seigneuries ecclésiastiques. Il s’en rencontre, il est vrai, dans des seigneuries laïques, mais lorsqu’on peut remonter à leur origine, on constate que dans le principe ces offices dépendaient d’évêques ou de maisons religieuses. Divers documents nous montrent l’existence de vidomnats /XIX/ à Conthey, à Saxon, à Leytron, dans l’Entremont en général, et à Orsières et à Liddes en particulier. Nous ne pouvons expliquer ce fait que par la domination primitive des évêques de Sion.

En l’absence de documents positifs, on a émis diverses suppositions pour expliquer l’origine de la souveraineté de la Savoie dans ces lieux détachés du comté du Vallais; ces suppositions peuvent être plus ou moins ingénieuses et probables; il serait trop long de les examiner. Dans tous les cas elles ne sortent pas du domaine des suppositions.

Le premier document relatif aux rapports de l’évêque de Sion avec le comte de Savoie au sujet de leurs possessions respectives en Vallais ne remonte qu’à l’année 1179; c’est une convention entre l’évêque Conon et le comte Humbert III. (C. S. No 17.) Il en ressort que des difficultés avaient déjà existé antérieurement, difficultés qui se renouvellèrent fréquemment dans la suite, surtout à l’époque de Pierre de Savoie. La grande cause de ces différents était principalement dans le fait que les possessions des deux parties étaient enchevêtrées les unes dans les autres, l’évêque en ayant dans la partie inférieure du Vallais, comme le comte, dans la partie supérieure. Pierre de Savoie crut trouver un remède à cet état de choses en imposant, en 1260, à l’évêque Henri de Rarogne un traité par lequel la Morge de Conthey était prise comme limite entre les deux parties, qui renonçaient à ce qu’elles possédaient, l’évêque en aval de cette rivière, et Pierre en amont. (No 668.) Mais ce dernier s’était fait la part du lion; aussi, après la mort de Pierre, l’évêque réclama l’annulation du traité, annulation à laquelle le comte Philippe consentit en 1268. (No 745.) Cependant les hostilités ne tardèrent pas à se renouveler /XX/ et ensanglantèrent le Vallais à plusieurs reprises. Plus d’une fois la capitale de l’évêché tomba entre les mains de la Savoie et à la fin le comte Amédée VII parvint à se faire céder définitivement, en 1384, Martigny, Ardon, Chamoson et toutes les autres propriétés de l’évêque au-dessous de la Morge de Conthey. Cette rivière devint alors la limite réelle entre le Vallais épiscopal et le Vallais savoyard jusqu’aux guerres de Bourgogne, dont l’évêque et les patriotes profitèrent pour faire, en 1475, la conquête non seulement de la partie du Vallais démembrée de l’ancien comté de ce nom, mais encore du Chablais.

Outre le territoire dont nous avons parlé, les évêques eurent des possessions assez considérables en dehors du comté du Vallais : Morcles et Massongex dans celui du Chablais, et dans celui de Vaud un vaste territoire qui s’étendait de l’Eau-froide à Vevey (No 535) et avait été en partie inféodé à divers seigneurs, parmi lesquels figurait le comte de Savoie pour le fief de Chillon. Une autre partie formait le vidomnat de Montreux, qui fut vendu par l’évêque Boniface de Challant, en 1295, à Gérard d’Oron, chantre de l’église de Lausanne et doyen de Valère. (No 1061.) L’évêque de Sion avait encore des possessions considérables au Vully (C. S. No 31); elles furent vendues, en 1246, par l’évêque Henri de Rarogne à Pierre de Savoie. (No 495.) Mentionnons encore les alpes de Gurnigel et d’Entschligen (No 379) et les châteaux de Felsembourg et de Mulinen, dans le canton de Berne (No 1764), etc.

En recevant l’investiture du comté du Vallais l’évêque de Sion devint par là même vassal du roi de Bourgogne et bientôt après de l’empereur d’Allemagne, héritier de ce royaume; il relevait directement de l’empire et jouissait de /XXI/ l’immédiateté. Cette situation fut modifiée lorsque l’impératrice Agnès, pendant la minorité de son fils Henri IV, conféra, en 1057, à Rodolphe de Rheinfelden le titre de duc ou recteur de Bourgogne, dignité qui passa plus tard aux Zaehringen. Les seigneurs et les évêques de ce pays cessèrent de relever directement de l’empire pour passer sous la dépendance immédiate des recteurs. Il est possible que cette disposition ait subi de nouvelles modifications pendant la lutte engagée entre Henri IV et Rodolphe de Rheinfelden, appelé à la couronne impériale par les adversaires de l’empereur, lutte qui se termina par la mort de Rodolphe. Nous manquons de documents sur la position des évêques de Sion pendant cette période. Lorsque, en 1156, le mariage de Frédéric Ier avec Béatrix de Bourgogne amena le démembrement du rectorat de Bourgogne, le recteur Berchtold IV de Zaehringen reçut de l’empereur, l’année suivante, l’avouerie des évêchés de Lausanne, de Genève et de Sion, avec l’investiture des régales. Peu après l’avouerie de Sion passa entre les mains d’Humbert III, comte de Savoie, qui avait épousé Anne, sœur du duc Berchtold. C’est ce que nous apprend un diplôme d’Henri VI, qui gouvernait l’empire comme roi des Romains pendant la croisade entreprise par son père Frédéric Ier. L’empereur y rappelle que le comte Humbert a été mis au ban de l’empire à cause de ses violences et que tous ses alleux et ses fiefs ont été confisqués; que lorsqu’il les a rendus au comte Thomas, après la mort d’Humbert, il a gardé sous sa dépendance directe (ad manum imperii retinuimus) l’évêché de Sion dont les évêques avaient pendant quelque temps reçu les régales de la main des comtes de Savoie; enfin que lui-même a /XXII/ investi l’évêque Guillaume des régales. Aussi pour augmenter la dignité de cette église, il statue qu’à l’avenir aucun évêque de Sion ne recevra l’investiture des régales, si ce n’est des mains de l’empereur. Le diplôme est daté de Bâle, le 7 mai 1189. (No 176.)

Berchtold IV et son successeur Berchtold V de Zaehringen cherchèrent à faire reconnaître leur autorité dans le Vallais épiscopal, et en présence de l’opposition qu’ils rencontrèrent, ils eurent recours à la force des armes. D’après quelques historiens modernes il y aurait eu de nombreuses expéditions de 1160 à 1212. Mais, dirons-nous avec J. de Muller, « ici tout est obscur 1. » Les chroniques vallaisannes dont on invoque le témoignage, sont de beaucoup postérieures aux événements et remplies d’erreurs; elles ne méritent que trop l’observation placée par un écrivain du pays à la fin de l’une d’elles. Le copiste avait terminé son travail par les mots Finis coronat opus, une autre main a ajouté manifestis mendaciis repletum. Ce que l’on peut regarder comme certain, c’est la défaite du duc dans le Haut-Vallais en 1211 et l’inutilité de ses efforts pour soumettre le pays.

Nous avons vu qu’Henri VI avait réservé à l’empereur l’investiture des régales dans l’évêché de Sion; cependant le comte de Savoie ne tarda pas à rentrer en possession de ce privilège. Déjà en 1224, dans une transaction conclue entre l’évêque de Sion et le comte de Savoie, il est fait mention du plait que le premier devait au second pour les régales. (No 309.) Nous avons le texte de l’hommage prêté au sujet des régales par l’évêque Boniface de Challant au comte Amédée V, le 2 août 1293 (No 1040), /XXIII/ ainsi que par plusieurs autres évêques jusqu’au dernier hommage connu qui est du 18 septembre 1425. Les droits du comte de Savoie furent confirmés et même étendus par l’empereur Charles IV, qui, par diplôme du 12 mai 1365, lui conféra le vicariat impérial dans le diocèse de Sion, comme dans plusieurs autres. (No 2093.) Cette concession fut révoquée le 13 septembre de l’année suivante (No 2116), mais le comte n’en continua pas moins à agir comme vicaire impérial; ainsi il prend ce titre, imperatorie magestatis vicarius, dans une sentence qu’il prononça, le 27 octobre 1368, entre les frères de la Tour et l’évêque Guichard Tavelli. (No 2135.)

Pendant plusieurs siècles les évêques de Sion eurent à lutter contre les prétentions des comtes de Savoie, qui cherchaient à étendre leur domination sur les terres épiscopales. Dans cette lutte ils furent ordinairement soutenus par les nobles et les communautés du Vallais, quoique, plus d’une fois, plusieurs nobles se soient révoltés contre leur seigneur. Les choses changèrent sous Guichard Tavelli, qui pendant longtemps fut en guerre avec ses sujets et, en particulier, avec les nobles de la Tour. Guichard invoqua l’appui du comte de Savoie; celui-ci s’empressa d’intervenir et profita des circonstances pour établir par les armes son autorité dans le Vallais épiscopal. Sous le titre de bailli de l’évêque, il s’attribua l’autorité de ce dernier. Des luttes sanglantes, le pillage, l’incendie désolérent le pays. L’empereur intervint, prit les communautés sous sa protection et leur donna des vicaires ou capitaines impériaux (No 1354), mais plus tard (No 1365) il conféra, comme nous l’avons vu, le vicariat impérial dans le diocèse de Sion au comte de Savoie avec lequel il s’était réconcilié. /XXIV/ L’influence de la Savoie se maintint ainsi et dura jusque vers la fin du XIVe siècle. Parmi les adversaires de Tavelli, les nobles de la Tour étaient les plus acharnés. Antoine poussa la haine jusqu’à se rendre coupable du meurtre de l’évêque 1. Cet attentat fut vengé par les patriotes, qui battirent les troupes d’Antoine à Saint-Léonard, et lui-même dut quitter le Vallais et vendre ses biens au comte de Savoie pour les sauver de la confiscation. Ainsi le pays /XXV/ fut délivré de cette famille turbulente qui y avait causé tant de troubles. Après la mort de Tavelli, le comte de Savoie parvint à faire monter un de ses parents, Edouard de Savoie, sur le siège de Sion, dans l’espoir de maintenir son influence. Edouard racheta les biens des la Tour situés au-dessus de la Morge de Conthey, pour les réunir à la mense épiscopale; mais ils devinrent plus tard un sujet de dissensions entre les évêques et les patriotes. La lutte entre ces derniers et la Savoie ne tarda pas à se rallumer et elle dura pendant tout l’épiscopat d’Edouard et celui d’Humbert de Billens, son successeur. Elle tourna à l’avantage de la Savoie, qui imposa au Vallais un traité en vertu duquel toutes les propriétés de l’évêque au-dessous de la Morge (Chamoson, Ardon, Martigny, etc.) lui étaient cédées (1384 et 1392). C’était le renouvellement du traité imposé en 1260 à l’évêque Henri de Rarogne par le Petit Charlemagne.

 

II

Diocèse de Sion.

Le diocèse de Sion comprenait tout le bassin supérieur du Rhône; il était limité au nord par l’Eau-froide, près de Villeneuve, et la rive méridionale du lac Léman jusqu’à la Morge de Saint-Gingolph. Il renfermait ainsi tout le canton actuel du Vallais, avec la partie du canton de Vaud qui s’étend, sur la rive droite du Rhône, du pied de la dent de Morcles à Villeneuve. Il était divisé en deux doyennés /XXVI/ ou décanats : le doyenné supérieur, ou de Sion, dit aussi des Allemands, qui, en 1364, comptait vingt-huit paroisses, et le doyenné inférieur, ou de Valère, soit des Romands, divisé en trente-six paroisses, dont sept se trouvent maintenant dans le canton de Vaud. Ils étaient séparés par la Sionne et les montagnes qui s’étendent entre les vallées d’Hérens et de Nendaz. Sion appartenait au doyenné inférieur.

Le plus ancien pouillé ou état des paroisses que nous ayons, est celui de 1364, dressé pour la perception des décimes papales (No 2090); il en existe un second du même genre de l’année 1428. A l’époque du premier la partie supérieure du Vallais, de Rarogne à la Furka, paraît avoir été moins peuplée qu’aujourd’hui, car on n’y trouve que huit paroisses, nombre qui à présent est plus que quadruplé. Le district de Conches, en particulier, n’avait que les deux paroisses de Münster et d’Ernen. Un peu plus tard, Binn, qui n’avait d’abord qu’une chapelle, fut détaché d’Ernen et il paraît comme paroisse dans le pouillé de 1428. La paroisse de Moérel était moins étendue que les précédentes. Naters renfermait presque tout le district de Brigue; la vallée seule du Simplon en était séparée et formait la paroisse de ce nom. Glyss n’avait qu’une chapelle, filiale de Naters. Venait, un peu plus bas, Viège, qui comprenait les vallées de Saas et de Viège dans toute leur étendue. Trois chapelles existaient dans cette paroisse, celles de Stalden (Morgi en 1256), de Visperterminen, fondée en 1256 (No 633), et de Saas. Les deux premières étaient probablement desservies par les chapelains ou vicaires de Viège, tandis qu’un vicaire perpétuel résidait à Saas. (No 1117.) La vallée de Saint-Nicolas avait deux /XXVII/ paroisses : Saint-Nicolas (Chouson) et Zermatt (Pratum Burnoz). Au-dessous de Viège, Rarogne et Châtillon étaient beaucoup moins considérables. Au contraire, la vallée de Loetschen n’avait qu’un curé. A Gampel commençait la paroisse de Louèche, qui s’étendait jusqu’à la Raspille, au-delà de Salquenen. Le val d’Anniviers formait la dernière des grandes paroisses du doyenné supérieur. De la Raspille à Sion les paroisses sont nombreuses et en général peu étendues. C’est une preuve que cette contrée a été, dès le principe, plus peuplée que la partie supérieure; ce qui s’explique facilement par la configuration physique du pays et la différence de climat.

Un fait singulier, c’est que Sierre, la localité la plus importante et probablement la plus ancienne de cette partie du Vallais, puisqu’elle est mentionnée dans l’acte de fondation de l’abbaye de Saint-Maurice (516), ne figure pas comme paroisse dans le pouillé de 1364, quoique les documents nous fassent connaître deux curés de Sierre antérieurs à cette date : Columbus, de 1331 à 1343, et Jean de Pontally, en 1362. Ce pouillé indique comme paroisse (Saint-Maurice de) Laques, en ajoutant qu’autrefois elle était appelée de Géronde. Dans l’acte de fondation de Géronde (No 1622) l’église de ce lieu est, en effet, dite paroissiale. Comme anciennement le bourg de Sierre était plus rapproché de Géronde qu’aujourd’hui, il est possible que son église paroissiale ait porté ce dernier nom et que ce ne soit qu’au commencement du quatorzième siècle que son curé ait pris le nom de Sierre. Le rôle des taxes papales de 1364 peut avoir été rédigé avant cette époque et on aura négligé d’y inscrire cette modification. Dans le pouillé de 1428 Sierre est cité comme paroisse. Ce second /XXVIII/ pouillé ne contient que deux paroisses de plus que le premier, celles de Sierre et de Binn. Nous ne poursuivons pas ces observations sur les autres paroisses du diocèse; elles ne présenteraient pas d’intérêt. Nous nous bornons à faire remarquer qu’un nom a été complètement défiguré par le copiste du pouillé de 1364. Il a écrit Vrludium pour Villugium, Vollège, à l’entrée de la vallée de Bagnes. La dernière paroisse indiquée dans le doyenné inférieur est Belmont; c’était une ancienne église sise au-dessus de Bex, au tiers de la montagne.

 

III

Evêché de Sion.

L’origine de l’évêché de Sion est inconnue. On sait que le christianisme y avait pénétré avant 377; la célèbre inscription de Pontius Asclepiodotus (No 2) prouve qu’un temple chrétien avait existé à Sion avant cette époque, mais il ne paraît pas que l’Evangile ait eu des disciples en Vallais avant le IVe siècle, ou s’il en existait, ils devaient être bien peu nombreux. C’est ce que prouve l’oubli dans lequel sont restées pendant longtemps les reliques des martyrs thébéens, mis à mort à Agaune entre les années 285 à 302. Saint Eucher, dans sa relation du martyre, rapporte, d’après la tradition, que leurs corps furent révélés à l’évêque saint Théodore, qui fit bâtir une basilique pour les recevoir. On sait avec quel respect et quelle vénération les premiers chrétiens recueillaient et conservaient /XXIX/ les reliques des martyrs. Si, à cette époque, il se fût trouvé des chrétiens à Agaune et dans les environs, auraient-ils laissé ainsi les martyrs thébéens dans un oubli si complet, pendant trois quarts de siècle, qu’il ait fallu une révélation pour découvrir leurs corps ? Le paganisme n’avait pas même entièrement disparu à la fin du IVe siècle; saint Eucher parle d’un ouvrier païen qui travaillait à la construction de la basilique des martyrs.

Saint Théodore est le premier évêque connu du diocèse, dont le siège était alors à Octodure; il assista, en 381, au concile d’Aquilée, et quelques années plus tard à celui de Milan. Ses successeurs continuèrent à résider à Octodure, jusqu’à Héliodore qui, en 585, porte le titre d’évêque de Sion. La translation du siège dans cette ville aura probablement eu lieu après la dévastation d’Octodure par les Lombards, en 574. Il n’est pas facile d’établir la série des premiers évêques du Vallais; nous avons cherché à éclaircir les principales difficultés dans une dissertation spéciale, publiée dans le XVIIIe volume des présents Mémoires, pag. 474 et suiv. Dans le même travail nous croyons avoir démontré que le diocèse de Sion a toujours fait partie de la province des Alpes Graies et Pennines, dont Tarentaise était la métropole, mais avec une certaine subordination, pendant quelque temps, à l’archevêque de Vienne. En 1513 le cardinal Mathieu Schiner, évêque de Sion, obtint du pape Jules II que son siège fût détaché de la Tarentaise et relevât directement du pape. Nous avons aussi publié dans le volume cité ci-dessus un catalogue des évêques de Sion, nous le réimprimons avec quelques corrections à la suite de cette introduction. /XXX/

Quoique nous n’ayons que peu de données sur l’élection des évêques de Sion pendant la période correspondante aux documents que nous avons publiés, nous devons cependant admettre que, d’après les lois canoniques et quelques indications, ce droit appartenait au chapitre; mais il est probable qu’à Sion, comme ailleurs, les souverains se sont plus d’une fois attribué ce droit, dont les papes ont aussi fait usage, comme par exemple dans la nomination de Philippe de Chamberlhac. Plus tard, les communautés du Vallais intervinrent dans cette élection; leurs prétentions de plus en plus grandes causèrent des luttes assez vives entre elles et le chapitre; ces luttes finirent en 1807 par un arrangement en vertu duquel, à chaque vacance du siège épiscopal, le chapitre présente au Grand Conseil quatre chanoines, parmi lesquels cette haute autorité choisit l’évêque. Cette élection n’est définitive que lorsque l’élu a été préconisé par le pape 1.

Jusqu’au XIe siècle l’histoire des évêques de Sion se borne à la mention de leurs noms dans quelques documents et actes de conciles. Aymon Ier de Savoie paraît dans plusieurs chartes, mais d’intérêt purement temporel. Ermanfroid, son successeur, a joué un rôle assez considérable en France et en Angleterre, où il a été chargé de diverses missions par les papes Victor II, Nicolas II, Alexandre II. Sous S. Grégoire VII, il prit le parti de l’empereur Henri IV contre ce pape dans la célèbre querelle des investitures. Il paraît cependant s’être momentanément réconcilié avec Grégoire VII, car il est cité parmi les évêques qui, en mai 1080, assistèrent, comme délégués /XXXI/ pontificaux, au plait tenu à Turin pour terminer les difficultés survenues entre les abbés de Saint Bénigne de Turin et de Fructuaria. Mais deux ans plus tard (1082) nous le retrouvons à la suite de l’empereur à Albano. D’après les Annales necrologici Prumienses 1 il est mort en 1082 (No 2167) et le nécrologe de Sion donne le quantième du mois, 11 décembre. L’origine d’Ermanfroid est inconnue. Son inscription dans les Annales nécrologiques de Prum indiqueraitelle qu’il est né dans ce pays ?

Depuis cette époque jusqu’à Guichard Tavelli nous connaissons la patrie de la plupart des évêques de Sion. Sept sont Vallaisans, quatre Vaudois, trois du val d’Aoste, un Genevois et deux Français; comme on le voit, les étrangers forment la majorité. Viennent ensuite quatre évêques étrangers, après lesquels tous les évêques, à l’exception de trois, appartiennent au Haut Vallais jusqu’à l’évêque actuel, Mgr Adrien Jardinier, de Monthey, qui est le premier bas Vallaisan élevé sur le siège de Saint-Théodule depuis Guillaume de Saillon, au commencement du XIIIe siècle.

L’évêque exerçait la juridiction ecclésiastique soit lui-même immédiatement, soit par des délégués. Une partie en était confiée aux doyens de Valère et de Sion, qui avaient leur cour particulière, surveillaient les prêtres et visitaient les paroisses, chacun dans son doyenné; ils ne jugeaient cependant que les causes légères. La juridiction contentieuse était exercée par l’official, qui était nommé par l’évêque et révocable ad nutum. Le premier official mentionné dans les documents est le chanoine Nanczo, en 1271. Les vicaires généraux ne paraissent que plus tard, sous l’épiscopat d’Aymon III de la Tour; en janvier 1333 /XXXII/ cet évêque nomme deux vicaires généraux, tant pour le temporel que pour le spirituel. L’action du vicaire général, pour le spirituel, embrasse régulièrement, sauf les réserves faites par l’évêque, la juridiction épiscopale ordinaire non contentieuse.

A l’évêque appartenait encore un pouvoir législatif, limité par les lois générales de l’Eglise, à moins qu’il n’y fût dérogé par des usages légitimement établis dans le diocèse. C’est en vertu de ce pouvoir que l’évêque pouvait promulguer des statuts synodaux. Ces statuts émanaient de l’évêque seul; s’il le jugeait à propos, il consultait sur leur rédaction le chapitre cathédral et le clergé, mais ceux-ci n’avaient que voix consultative. Chaque année l’évêque réunissait en synode le chapitre et le clergé, et c’est dans cette réunion qu’étaient publiés les statuts appelés à cause de cela synodaux. Nous en avons publié un assez grand nombre, en commençant par ceux de l’évêque Landri de Mont promulgués vers 1219. Ces documents sont d’un grand intérêt pour l’histoire religieuse du diocèse, dont il font connaître l’organisation, la discipline et l’état moral. L’importance en est d’autant plus grande que les monuments de ce genre sont très rares pour cette époque. C’est ce qui nous a engagé à publier tous ceux que nous avons trouvés. /XXXIII/

 

IV

Le chapitre de Sion.

Le chapitre de l’église cathédrale de Sion était composé de vingt-cinq membres; il avait à sa tête quatre dignitaires : les doyens de Valère et de Sion, le sacristain et le chantre. Les deux doyens avaient autorité non seulement sur les chanoines, mais encore sur les prêtres des deux doyennés du diocèse. La préséance appartenait au doyen de Valère, dont dépendait le doyenné inférieur ou des Romands; le doyen de Sion ou des Allemands obtint plus tard cette préséance, lorsque l’élément allemand domina par la conquête du Bas-Vallais sous l’évêque Walter Supersax.

Les chanoines étaient élus par le chapitre lui-même; mais au XIVe siècle un grand nombre furent nommés par les papes en vertu de bulles d’expectative. Ils ne résidaient jamais tous; le nombre des résidents variait entre quinze et vingt. Nous ne pouvons pas entrer ici dans les détails de l’organisation du chapitre, on les trouvera dans les nombreux statuts capitulaires que nous avons publiés.

Le siège du chapitre était à Valère. Quatre chanoines seulement étaient chargés du service de l’église inférieure ou de Sion. Les dignitaires habitaient Valère et c’est là qu’avaient lieu les réunions officielles des Calendes, ainsi appelées parce qu’elles étaient fixées, dans la règle, au premier jour de chaque mois. Jusqu’au commencement du XVe siècle les chanoines romands dominent dans le chapitre et on en compte un grand nombre d’étrangers au /XXXIV/ Vallais, Vaudois, Savoyards et Italiens. Peu à peu l’élément national et allemand se développa et finit par prévaloir entièrement.

Le chapitre avait de nombreuses possessions soit en biens-fonds soit en revenus de diverse nature, avec des droits de juridiction.

Ces biens avaient d’abord été indivis et servaient à l’entretien des chanoines qui, à Sion comme dans la plupart des diocèses, vécurent en communauté, probablement sous la règle de saint Chrodegang de Metz. Le rôle des possessions du chapitre au XIe siècle (C. S., No 8) indique cette communauté de biens et de vie; il y est parlé de la cuisine des frères et de la table des frères. Nous ignorons l’époque précise où la vie commune cessa, mais ce fut, au plus tard, dans la première moitié du XIIe siècle. Une part des biens du chapitre fut assignée alors à chaque chanoine sous le nom de prébende. Quelques revenus restèrent cependant en commun et étaient distribués chaque mois aux chanoines qui résidaient soit à Valère soit à Sion et assistaient aux divers offices de l’église. Ces distributions consistaient en argent et en blé; elles s’élevaient de quinze à vingt sols et de quatre à cinq fichelins de froment par mois. Pendant l’année écoulée du 1er juillet 1340 au 30 juin 1341 il fut distribué ainsi 268 livres, 10 sols et 3 deniers en argent et 69 muids, 3 fichelins et 4 pains en froment 1.. Il faut y joindre les distributions faites pour les anniversaires, variant suivant les donations léguées par les fondateurs. /XXXV/

Le métral du chapitre percevait les revenus communs et faisait les distributions. La juridiction sur les terres et les hommes du chapitre était exercée par des chanoines dont l’un était châtelain de Valère et d’autres vidomnes de Vex, de Hérens, de Mage, de Nas, d’Anset et du voisinage, de Painsec, Granges et Lens, et de Louèche et au-dessus. Ces offices étaient ordinairement annuels.

Outre les chanoines, un grand nombre de prêtres, sous le nom de petit clergé, altariens, chapelains, recteurs, étaient attachés au service des églises de Valère et de Sion. En 1364, on en comptait 10 à Valère et 15 à la cathédrale de Sion; ces prêtres devaient célébrer des messes aux différentes chapelles ou autels fondés dans les deux églises et assister aux offices et aux heures canoniales; ils dépendaient du chapitre et étaient placés sous la surveillance spéciale du chantre. Il faut encore ajouter les recteurs des hôpitaux de Saint-Jean, de Saint-Georges et de la maladrerie, les recteurs des chapelles particulières de Saint-Michel, de Saint-Paul et de Saint-Théodule; dans cette dernière église ils étaient au nombre de cinq. Tous ces altariens ou recteurs jouissaient des bénéfices constitués par les fondateurs des autels ou chapelles. Au XIVe siècle, il y avait ainsi ordinairement à Valère et à Sion environ une cinquantaine de prêtres au moins.

 

V

Ville de Sion.

La ville de Sion doit son nom primitif, Sedunum, au peuple qui habitait le centre de la vallée du Rhône, et son /XXXVI/ origine est antérieure à la domination romaine, puisque César mentionne les Séduniens parmi les peuplades de la vallée au moment de la conquête. Cette antiquité est attestée également par les nombreuses tombes découvertes dans la partie du quartier de la ville appelé Pratifori, qui forme aujourd’hui la rue de Lausanne. La plupart des objets trouvés dans ces tombes sont en bronze; quelques-uns seulement en fer 1. Un fait important ressort de ces découvertes, c’est qu’à cette époque le terrain situé sur la rive droite de la Sionne était moins élevé que pendant le moyen âge. Les tombes ont été trouvées à 10 ou 12 pieds et même l’une à 17 pieds de profondeur, dans une ancienne couche végétale, sous les alluvions de la Sionne. On a de même trouvé des restes de squelettes et des urnes funéraires enfoncées dans les alluvions à une profondeur de 8 à 10 pieds. Il faut ainsi admettre qu’à l’époque des premières sépultures la Sionne n’avait pas encore recouvert ses rives de gravier et que son lit était plus profond. Les alluvions ont commencé bientôt après, puisque des urnes funéraires y ont été déposées. Il est probable que d’autres tombes encore existent dans le voisinage et que ce cimetière se trouvait à une certaine distance des habitations, qui ont dû être construites sur un terrain à l’abri des inondations de la Sionne. C’est en effet sur la hauteur qui s’élève à gauche de ce torrent, que la cité de Sion s’étageait à l’époque romaine. Elle était restreinte à la partie de la ville actuelle située entre les monticules de Valère et de Tourbillon, partie qui, aujourd’hui encore, porte le nom de Cita ou Cité. Elle /XXXVII/ était fermée du côté de la Sionne par un mur qui, partant de l’extrémité du rocher de la Majorie, s’avançait le long du plateau du collège. On entrait dans la cité par une porte placée non loin du rocher, là où aujourd’hui se trouve un passage vouté sur la rue du Château; c’est sans doute celle qui est mentionnée dans un titre inédit, du 19 mars 1285, relatif à une maison située « juxta portam veterem antique civitatis. »

Plus tard, la cité s’étendit jusqu’à la Sionne et une nouvelle porte fut construite non loin de la rivière, près du grand pont; elle est mentionnée aussi dans plusieurs titres inédits, dans lesquels on lit :

« Domus sita supra portam civitatis Sedun. juxta magnum pontem » (1388); — « Ante portam civitatis supra magnum pontem. » Ces deux portes figurent sur la vue de Sion publiée dans la Topographia Helvetiæ de Zeiller de 1642. La première est surmontée d’une tour et la seconde encadrée d’un simple mur crénelé.

Pendant les premiers siècles du moyen âge la ville s’étendit au delà de la Sionne, et il est très probable qu’au neuvième siècle, au plus tard, elle avait atteint son développement actuel. C’est ce que nous croyons pouvoir déduire d’une manière positive du caractère de l’architecture du clocher de la cathédrale. Un auteur des plus compétents, M. Blavignac, qui en a fait une étude spéciale, n’hésite pas à l’attribuer au neuvième siècle. La construction de ce monument est nécessairement postérieure à l’agrandissement dont nous venons de parler, car on doit admettre qu’une église en rapport avec les proportions de ce clocher n’a pu être élevée que dans un lieu assez bien fortifié pour la mettre à l’abri des invasions et des attaques /XXXVIII/ si fréquentes à cette époque, surtout de la part des Sarrasins, maîtres pendant longtemps du passage du Mont-Joux.

A cette opinion on objecte un passage d’une charte de l’évêque Aimon, du 12 juin 1052, charte donnée « in ecclesia sancti Pauli que extra murum urbis est sita. » (C. S. No 4.) On sait que l’église ou chapelle de Saint-Paul était située dans le voisinage du château de la Majorie; dès qu’il est prouvé par ce passage qu’elle se trouvait hors du mur de la ville, il faut admettre, dit-on, qu’il ne peut être question ici que du mur de l’ancienne cité et que, par conséquent, en 1052, la ville ne s’étendait pas au delà, ou au moins qu’il n’y avait que des bâtiments en dehors de l’enceinte fortifiée. Une autre interprétation peut être donnée : Dans ce texte le mot urbis peut signifier simplement l’ancienne cité, dont le mur subsistait encore, et il pouvait y avoir deux enceintes, comme cela se rencontre fréquemment dans les villes qui se sont agrandies successivement. Le clerc qui a rédigé la charte de 1052 aurait ainsi simplement indiqué que cette chapelle était située en dehors du mur de la cité proprement dite. Si l’on prend ces mots à la lettre, il faut admettre ou que la cathédrale n’existait pas encore en 1052, ou qu’elle se trouvait en dehors de l’enceinte fortifiée. La première alternative est en contradiction avec tous les caractères architectoniques du clocher et la seconde, comme nous l’avons dit, ne se comprend pas dans ces temps de troubles et de guerres si fréquentes.

Tout indique ainsi que l’enceinte de Sion, au IXe siècle, était la même que celle qui a duré jusqu’à nos jours et qu’on voit représentée sur les plans de cette ville, faits dans /XXXIX/ les trois derniers siècles et en particulier dans celui de la Topographia Helvetiæ de Zeiller.

Les remparts avaient quatre portes principales : au nord, celle de Savièse ou de Malacuria et celle de Louèche, dite aussi parfois de Strata ou d’au delà du moulin; à l’ouest, celle de Conthey ou de la Barre, et au sud, celle du Rhône. La vallée entre Valère et Tourbillon était fermée à sa partie orientale par un rempart, avec la porte du couvent ou covent, porta conventus. Enfin, la petite porte, ou porte de la cibe, se trouvait dans la partie du rempart qui finissait au pied septentrional du rocher de la Majorie. Plus tard, une nouvelle porte fut ouverte dans le rempart entre celles de Conthey et du Rhône; on l’appela la porte neuve.

La ville était traversée par le torrent de la Sionne, qui coulait alors à découvert et sur lequel étaient jetés plusieurs ponts. Le principal est souvent cité dans les anciens documents sous le nom de grand pont, il existait en face de la maison de ville actuelle. Les maisons construites sur les deux rives de la Sionne formaient l’une des rues principles. Sion était divisé en quatre quartiers dont j’ai indiqué la position dans l’avant-propos du 1er volume, p. xxii. Le plus ancien est celui de la Cité ou Citta, dominé par les châteaux du Vidomnat, de la Majorie et de Tourbillon, d’un côté, et de Valère, de l’autre. C’est là, probablement, qu’a existé la première église chrétienne, reconstruite en 377, par Pontius Asclepiodotus; c’est là aussi qu’ont habité les premiers évêques de Sion, jusqu’à ce qu’ils vinrent se fixer dans le voisinage de l’église cathédrale actuelle, où ils construisirent un palais, souvent cité dans les documents, et qui fut ensuite cédé par l’évêque au chapitre; /XL/ c’est aujourd’hui la maison dite des chanoines ou des calendes. La cour de l’évêque ou le siège de son tribunal resta fixé dans la partie de la cité où se trouvait l’église de la Trinité et où fut ensuite construit le collège. Au XVe siècle, le bâtiment de la cour épiscopale était encore muni d’une tour, qui s’élevait en face de la Majorie. Le vidomne avait aussi sa cour dans le voisinage.

 

VI

Châteaux de Sion et des environs.

Trois châteaux dominent la ville de Sion : Valère, Majorie et Tourbillon. L’origine des deux premiers est inconnue; le troisième a été construit à la fin du XIIIe siècle. La plupart des auteurs font remonter le château de Valère à l’époque romaine et dérivent son nom de Valeriana, mère de Titus Campanius Priscus Maximianus, à qui elle fit élever un monument dans la cité de Sion 1. Nous n’avons aucun renseignement sur ce château pendant les premiers siècles du moyen âge. Ce n’est que vers 1168 qu’il commence à paraître dans les documents. Il appartenait alors au chapitre et servait de résidence aux chanoines, à l’exception de quatre, qui desservaient l’église inférieure. Si avant cette époque les documents manquent, l’église de Valère est là pour prouver que ce lieu était habité bien avant cette époque. M. Blavignac attribue au huitième ou au neuvième siècle la construction des parties les plus /XLI/ anciennes de l’édifice. L’église ne pouvait pas exister seule sur ce monticule, et si nous y trouvons les chanoines établis en 1168, il est naturel d’admettre que leurs habitations y étaient aussi anciennes que l’église qu’ils desservaient.

Valère était un vrai château fortifié, renfermant dans son enceinte, outre l’église, un grand nombre de maisons dont on peut voir l’énumération dans le document No 2001. Il était protégé par des remparts et des tours, et n’était accessible que du côté du levant par une porte ouverte sous la tour principale; c’était la première porte. Un mur construit sous l’église divisait le château en deux parties. Une seconde porte, la porte ferrée, faisait communiquer la partie inférieure avec la supérieure. Chacune avait son gardien ou portier. Ils devaient passer la nuit à Valère et ouvrir et fermer les portes aux heures fixées. Celui de la première porte levait et abaissait le pont-levis et remettait le soir les clefs aux doyens, ou, en leur absence, au sacristain ou au chantre. Tous les étrangers qui entraient dans le château devaient déposer les armes qu’ils portaient et les laisser à la première porte; s’ils refusaient, le portier avait ordre de les leur enlever et il ne les rendait qu’à leur sortie. Trois hommes, excubiæ, étaient chargés de la garde du château et un autre de sonner de la corne. Pendant les troubles qui eurent lieu sous Guichard Tavelli, le chapitre prit des mesures spéciales de défense; le nombre des gardes fut augmenté, et ils devaient veiller pendant la nuit; un chanoine fut chargé de faire deux rondes chaque nuit, pour voir s’ils remplissaient leur office. Le gardien de la première porte ne pouvait laisser entrer aucun étranger qu’après en avoir reçu la permission et sur le /XLII/ signal donné par le corneur, et refermer immédiatement la porte. Il fut défendu au gardien de la porte ferrée de quitter celle-ci après l’avoir ouverte pour les matines, à moins de se faire remplacer par quelqu’un.

Tous ces hommes étaient placés sous l’autorité du chanoine qui remplissait les fonctions de châtelain de Valère, et comme l’entière juridiction dans le château appartenait au chapitre, c’était le châtelain qui l’y exerçait au nom des chanoines.

Valère avait son arsenal dont on peut se faire une idée en consultant les documents sous les Nos 423, 2089 et 2105.

La difficulté était de l’approvisionner d’eau. La seule ressource était une citerne alimentée surtout par les eaux pluviales du toit de l’église. Le document No 1737 fait connaître comment elle fut restaurée en 1338.

Les chanoines ont habité Valère jusqu’en 1798; ils se sont alors tous fixés dans la ville même. Les habitations abandonnées sont tombées en grande partie en ruines; quelques-unes seulement ont été conservées et affectées au séminaire diocésain de 1817 à 1874.

Aujourd’hui Valère n’est plus habité que par un ermite et une ou deux pauvres familles. L’ancienne salle des réunions capitulaires ou calendes, à côté de la maison du doyen de Sion, vient de recevoir une destination parfaitement en harmonie avec l’état actuel du vieux château. C’est là qu’est établi le musée des antiquités nationales.

Le monticule qui s’étend parallèlement à celui de Valère supporte deux châteaux, celui de la Majorie dans sa partie inférieure et celui de Tourbillon dans la supérieure. La Majorie servait de résidence au major épiscopal, qui lui a /XLIII/ donné son nom. L’origine en est inconnue; elle est citée pour la première fois en 1221 (No 288) sous le nom de la tour de Sion, et plus tard tantôt sous ce nom tantôt sous celui de maison de la tour. Le major Bertholet de Greysier la vendit à l’évêque Guichard Tavelli, le 15 janvier 1373. Elle devint alors la résidence des évêques jusqu’au grand incendie de 1788. Elle avait déjà souffert dans des incendies antérieurs, en particulier en 1529, et l’évêque Adrien Ier de Riedmatten la reconstruisit avec beaucoup plus d’élégance, dit Simler 1. Les armoiries de cet évêque se voient encore dans les parties épargnées par l’incendie de 1788. A la suite de cet incendie plusieurs constructions se sont écroulées et les bâtiments qui restent servent aujourd’hui de caserne.

La Majorie avait sa chapelle particulière dédiée à Saint-Michel et mentionnée déjà en 1221. (No 288.)

On désigne souvent de nos jours sous le nom de Majorie deux constructions tout à fait séparées et qui ne doivent pas être confondues sous le même nom. La Majorie proprement dite forme le bâtiment le plus élevé. Au-dessous de celui-ci et à l’extrémité du rocher qui domine la ville se présente un autre bâtiment que quelques auteurs (en particulier Sinner et le chanoine de Rivaz) disent avoir été la demeure du sénéchal; nous croyons plutôt que c’était celle du vidomne; le chanoine de Rivaz croit que cette dernière se trouvait sur l’emplacement actuel du collège. Cette opinion ne concorde pas avec les indications que nous trouvons dans quelques documents. Ainsi dans un acte de 1404 il est question d’une maison située dans la cité, sous le rocher du vidomne de Sion, à côté de la voie /XLIV/ publique qui conduit aux châteaux de Valère et de Tourbillon. Les mêmes indications sont données dans un acte de vente, du 15 février 1437, d’une maison située à Sion dans le quartier de la Cité, du côté de l’orient, le long d’un passage commun et du côté de l’occident, près de la maison de l’acheteur, et sur la voie publique qui conduit au château de la Majorie et sous la maison et les édifices du vidomne de Sion. Il suffit d’examiner la topographie de Sion pour reconnaître que ces indications ne peuvent pas s’appliquer à un bâtiment qui aurait occupé la place du collège actuel et qu’elles ne conviennent qu’au rocher qui se termine au-dessous de la Majorie, et que c’est là en conséquence qu’il faut chercher la maison du vidomne. Pour prouver son opinion, le chanoine de Rivaz cite un titre de 1434 dans lequel il est parlé d’un jardin situé « vers l’ancienne cour du vidomnat de Sion, à côté du rocher du château de Valère. » Ici l’auteur confond la cour, siège de la justice, avec l’habitation. Plusieurs autres titres prouvent, en effet, que le vidomne, comme l’évêque, avaient leur cour sur la place du collège, mais l’un comme l’autre avaient leur habitation ailleurs.

Dans les anciens plans de Sion (Cosmographie de Munster, 1550, Topographie de Zeiller, 1642 et 1654) la majorie et le bâtiment inférieur sont parfaitement distincts; ce dernier y est appelé Vogtey, terme qui indique la demeure d’un bailli, d’un châtelain, ce qui ne peut pas s’appliquer au sénéchal, qui n’avait aucun droit de justice. Nous croyons donc, jusqu’à preuve du contraire, que le château du vidomne était au-dessous de celui du major. Le premier sert aussi, à présent, de caserne.

Au sommet du monticule dont la majorie et le vidomnat /XLV/ occupent la partie inférieure, s’élevait le château de Tourbillon, dont la construction remonte à la fin du XIIIe siècle. Il est probable que ce lieu était déjà fortifié antérieurement, mais il ne paraît pas qu’il fût très important. Nous avons publié un rôle des hommes astreints à la garde de Tourbillon. (No 1150.) Quoi qu’il soit sans date, nous pouvons la fixer approximativement au moyen des hommes qui y sont mentionnés.

Parmi ceux qui doivent la garde le lundi se trouve Jean d’Arvillard, que plusieurs documents nous apprennent avoir été fils de Willelme d’Arvillard, dit Curta Soula, de Bramois (Nos 694, 867 et 995); ce dernier mourut entre les années 1267 et 1278 (Nos 772 et 867). Il est naturel d’admettre que le devoir de la garde obligeait le chef de la famille, qu’ainsi Jean n’y aura été astreint qu’à la mort de son père, soit après 1267. Le seigneur Aymon de la Tour devait une garde le jeudi. Ce seigneur est évidemment Aymon III, le seul membre de la famille de la Tour qui portait ce nom à l’époque ci-dessus. Aymon III mourut le 20 septembre 1276 1. Nous avons ainsi les deux dates extrêmes (1267-1276) entre lesquelles le rôle a pu être rédigé.

Le lieu fortifié qui devait être alors gardé, était-il un château proprement dit, dans les proportions de celui dont les ruines existent encore ? nous en doutons; et voici pourquoi. A la mort de l’évêque Pierre d’Oron, le chapitre de Sion nomma (en 1287) des châtelains pour les châteaux épiscopaux de la Soie, de Montorge et de Martigny (No 976); il n’est pas question de Tourbillon, qui aurait eu certainement son châtelain s’il eût été un château /XLVI/ considérable comme celui que nous connaissons. Il est donc très probable que, alors, il n’y avait là qu’un lieu fortifié d’une importance secondaire. Quant à l’époque de sa construction, il est impossible de la déterminer; cependant nous ne croyons pas qu’elle remonte très haut. Dans le cas contraire, il en serait probablement fait mention, au moins incidemment, dans l’un ou l’autre des documents du XIIIe siècle.

Sans contester absolument la tradition qui raconte que les Romains avaient édifié un donjon sur ce rocher escarpé, nous ferons remarquer qu’aucune découverte archéologique ne l’a confirmée. Les moellons de calcaire jurassique qu’on voit à la seconde porte d’entrée, ont pu y être apportés des ruines de bâtiments de l’ancien Sedunum, car on aura dû transporter beaucoup de matériaux pour édifier le château.

On attribue généralement la construction du château de Tourbillon à l’évêque Boniface de Challant, qui a gouverné l’église de Sion de 1290 à 1308. Cette opinion est confirmée par des faits positifs. Nous voyons, en effet, Boniface séjourner à Tourbillon dès l’année 1301 (No 1163), tandis qu’auparavant il résidait à Sion, comme le prouvent les chartes dans lesquelles il paraît. Le 25 mars 1302, l’évêque acquiert, par échange, des champs situés près de la dernière porte de Tourbillon, porta ultima (No 1175). Deux actes de l’année 1308 mentionnent la chapelle que Boniface a fait construire nouvellement dans le château : capella nostra de Turbillon, quam ibi de novo construimus (Nos 1270 et 1273).

Des détails et des dates qui précèdent, nous devons conclure que le château proprement dit de Tourbillon a été /XLVII/ construit par l’évêque Boniface de Challant dans les dernières années du XIIIe siècle; ce bâtiment a remplacé le donjon ou lieu fortifié qui y existait auparavant. Si nous tenons compte des événements qui se sont accomplis vers l’époque où ces deux constructions commencent à être mentionnées, nous croyons pouvoir émettre sur leur origine une hypothèse qui ne manque pas de vraisemblance : la première remonterait vers le milieu du XIIIe siècle, au temps des guerres entre Pierre de Savoie, surnommé le petit Charlemagne, et l’évêque Henri de Rarogne; la seconde, aux luttes entre l’évêque Boniface de Challant et les nobles du Vallais, en particulier Pierre de La Tour, seigneur de Châtillon, à la fin du même siècle.

Les évêques de Sion ont souvent résidé à Tourbillon pendant la première moitié du XIVe siècle. Guichard Tavelli préféra le séjour du château de la Soie. On connaît les luttes qui ont agité le Vallais pendant de longues années, après le meurtre de cet évêque et qui ensuite, après un intervalle de paix, ont recommencé sous l’épiscopat de Guillaume V de Rarogne, le jeune; Tourbillon fut souvent attaqué et pris par les partis qui se disputaient le pouvoir; il fut même en grande partie détruit, en 1416, par les patriotes vallaisans.

L’évêque Guillaume VI de Rarogne restaura le château de Tourbillon, ainsi que la chapelle, sur les murs de laquelle on voit encore ses armes. L’acte de consécration de la chapelle restaurée nous a été conservé; nous en donnons la traduction :

« L’an 1447, le second jour du mois d’octobre, qui fut le lundi après la fête de saint Michel, archange, le révérend Père en Jésus-Christ et notre seigneur Guillaume de /XLVIII/ Rarogne, troisième 1, évêque de Sion par la grâce de Dieu et du siège apostolique, préfet et comte du Vallais, revêtu des armes sacrées du Dieu Tout-Puissant et des ornements pontificaux, animé par la dévotion, comme il convient, pour accomplir la cérémonie suivante, a consacré et béni la chapelle de son château de Tourbillon, que lui-même a restaurée, soit reconstruite, avec l’autel de la chapelle, et il l’a dédiée en l’honneur, la gloire et la louange des bienheureux Georges, martyr, Grat, évêque d’Aoste, et Guillaume, prévôt de Neuchâtel, confesseurs. Il a voulu et ordonné, comme il veut et ordonne que la dédicace de cette chapelle se célèbre chaque année, à perpétuité, le troisième jour du mois d’octobre, sans que jamais ce jour puisse être changé. » (C. S. No 63.)

Par son testament du 30 septembre 1450, le même évêque légua à la chapelle de Tourbillon ses reliques du bienheureux Guillaume, conservées dans une bourse dorée, avec un petit écrin en bois de cyprès.

L’évêque Guillaume VI n’a pas reconstruit en entier la chapelle; il l’a seulement restaurée; nous en avons la preuve dans un détail de la Notice de M. Ritz sur Tourbillon 2. Il nous apprend que sur un point des soubassements on découvre, sous une couche de mortier tombé, une peinture plus ancienne que les fresques actuelles; ces dernières ont été faites sous Guillaume VI, tandis que cette peinture plus ancienne doit remonter à l’époque de la première construction, sous Boniface de Challant. Il serait intéressant d’examiner avec soin les détails de l’architecture /XLIX/ et de déterminer quelles sont les parties de l’édifice qui appartiennent à la construction primitive et quelles sont celles qui ont été restaurées.

Depuis l’épiscopat de Guillaume VI le château de Tourbillon ne paraît pas avoir subi de changements. Au reste, son importance comme forteresse disparut bientôt, et pendant les derniers siècles il servit simplement de séjour aux évêques pendant les chaleurs de l’été.

L’évêque Adrien IV de Riedmatten porta un intérêt particulier à ce château. En 1653, il fit reconstruire l’autel de Saint-Georges dans la chapelle. Ce travail lui coûta 20 doublons et 126 écus, soit couronnes. Il fit également peindre les portraits, ou plutôt les tableaux des évêques de Sion, qui lui coûtèrent 100 ducatons et 150 écus. Ils furent tous détruits dans l’incendie du château, en 1788. La perte en est sans doute regrettable, mais leur valeur n’était pas grande au point de vue historique, car le très grand nombre ne pouvaient être qu’une œuvre d’imagination.

Les évêques de Sion possédaient encore deux autres châteaux dans le voisinage de Sion, sur deux monticules au couchant de cette ville, la Soie et Montorge; ces châteaux leur servaient de forteresses contre la Savoie, dont les possessions s’étendaient jusqu’à la Morge de Conthey, au pied même des monticules. D’après le livre de la Val d’Illiez, le château de la Soie (Seta, Seya, Seon) a été construit en 1209 par l’évêque Landri de Mont. Aymon de Savoie éleva des prétentions sur ce château, mais il y renonça par le traité qu’il conclut, en 1233, avec l’évêque Landri (C. S. No 48), et le château devait rester à l’église de Sion, « en paix, librement et absolument. » Plus tard, /L/ Pierre de Savoie éleva de nouvelles prétentions; il réclamait la moitié du château, parce que, disait-il, l’évêque Landri l’avait construit sur des pâturages communs, qui leur appartenaient par indivis. Le traité d’échange de 1260 assura le château à l’évêque.

La Soie formait un bourg; on sait que le mot castrum avait souvent cette signification au moyen âge. Aussi un document de 1384 mentionne le château et le bourg de la Soie. Dans l’enceinte se trouvaient plusieurs habitations particulières, comme le montrent, entre autres, les documents Nos 1804, 1807 et 1808. On pénétrait dans le château par deux portes successives; l’une donnait probablement accès dans le bourg et l’autre dans le château proprement dit; entre ces portes se trouvait le logement du portier, dont l’office était héréditaire, et qui en prêtait hommage à l’évêque. Ses droits sont énumérés dans les documents Nos 1233 et 1747. La juridiction était exercée dans le château ainsi qu’à Savièse par un sautier et un châtelain. (Nos 1498 et 1748.)

Plusieurs évêques de Sion ont résidé habituellement au château de la Soie. Deux souvenirs tragiques y restent attachés. C’est des murs de ce château que l’évêque Guichard Tavelli fut précipité, le 8 août 1375, par Antoine de La Tour. Pendant la guerre dite de Rarogne, l’évêque Guillaume le jeune de Rarogne, l’épouse de Guichard, oncle de l’évêque, et ses enfants, poursuivis par les patriotes, s’étaient réfugiés dans le château de la Soie, où ils furent bientôt assiégés. Le château dut se rendre; les assiégés obtinrent cependant de pouvoir sortir librement. Maîtres du château, les patriotes l’incendièrent (sept. 1417) et, depuis lors, il ne fut plus rebâti. Ce lieu continua cependant /LI/ à être fortifié, au moins pendant la plus grande partie du XVe siècle. Le 6 septembre 1462, les hommes de la communauté de Savièse, réunis sur la crête du château de la Soie, firent des statuts relatifs à leur organisation militaire. On établit contre les violateurs de l’un des statuts une amende de soixante sols, qui devaient être employés à la restauration et à la réparation de la crête du château de la Soie, « ad refectionem et reparationem criste castri de Seta. »

Vis-à-vis de la Soie, sur le monticule qui en est séparé par le vallon de Chatres, on voit encore aujourd’hui les ruines assez considérables du château de Montorge. Il fut construit par Aymon, fils de Thomas Ier, comte de Savoie, sur un terrain qui appartenait à l’église de Sion. L’évêque Landri réclama contre cette construction, et par traité du 18 mai 1233 (C. S. No 48), Aymon fut condamné à le démolir; ce qui ne fut fait qu’en partie, et peu après l’évêque Landri le répara et le rétablit. A son tour, Pierre de Savoie, héritier de son frère Aymon, en demanda la démolition à l’évêque Henri de Rarogne. Mais cette réclamation tomba en vertu du traité d’échange conclu entre les deux parties le 8 septembre 1260 (No 668), et le château resta la propriété des évêques. C’était simplement un lieu fortifié, qu’ils ne paraissent pas avoir habité et dont la garde était confiée à un châtelain. Il fut détruit pendant la guerre de Rarogne, vers 1417.

Les évêques possédaient encore quelques autres châteaux que nous nous bornons à mentionner; c’étaient ceux de Martigny, du Crêt (de Cresta), au-dessus d’Ardon, de Chamoson, de Sierre, de Louèche et du Rocher (de Saxo) à Naters. /LII/

 

VII

Eglises de Sion.

La première église chrétienne construite à Sion remonte au moins au milieu du Ve siècle. On est d’accord à regarder comme un édifice sacré les ædes augustæ que Pontius Asclepiodotus fit construire en 377, et dans l’inscription qui en consacre le souvenir (No 2) il est dit positivement que Pontius fit reconstruire (restituit) un édifice plus remarquable (præstantius) que celui qui avait existé auparavant. En l’absence de toute autre donnée il est impossible d’assigner une date à cette première construction. Où se trouvait l’église reconstruite en 377 ? Plusieurs auteurs la placent à Valère, mais sans appuyer cette opinion de raisons suffisantes. Ce qu’il y a de certain c’est qu’elle a dû exister dans la cité primitive, dont Valère, sans doute, faisait partie; mais il nous paraît plus naturel de la placer au milieu des habitations qu’au sommet d’un monticule dont probablement on avait fait un lieu fortifié pour la défense de la cité. La question pourrait être plus facilement tranchée si on savait où l’inscription ci-dessus a été découverte, mais je n’ai pu trouver aucun renseignement à ce sujet; les premiers auteurs qui la font connaître, indiquent seulement le lieu où elle était placée de leur temps. Scheuchzer, qui l’a copiée en 1709, dit qu’elle se trouve à la maison de ville (in curia) et qu’elle n’a pas encore été mentionnée par d’autres 1. /LIII/

Lorsque, dans la seconde moitié du VIe siècle, l’évêque transporta son siège d’Octodure à Sion, il dut construire une cathédrale, ou donner ce titre à l’une des églises de son nouveau siège. Nous ignorons ce qui se passa alors, les documents historiques faisant complètement défaut jusque vers 1168 (C. S. 34), époque où l’on constate l’existence des deux églises de Valère et de Sion, desservies par les chanoines du chapitre épiscopal. Mais si les documents mentionnent si tard ces deux églises, on peut suppléer en partie à leur silence par les caractères architectoniques des parties primitives des monuments eux-mêmes. La construction de l’église de Valère, dit Blavignac, « appartient à différentes époques. A l’orient se trouvent les plus anciens fragments qui peuvent dater du huitième ou neuvième siècle; la nef appartient en grande partie aux douzième et treizième, époque où le jubé en pierre qui sépare la nef du chœur et qui est si bien conservé, s’éleva; les stalles de ce chœur, d’une magnificence peu commune, sont du dix-septième siècle (1662-1664); le chœur même et les chapelles qui l’accompagnent portent les caractères du dixième 1. » Le même auteur assigne au IXe siècle la construction du clocher de la cathédrale de la ville, ou de l’église inférieure, comme on l’appelait en opposition à l’église supérieure ou de Valère. La construction de cette dernière paraît ainsi un peu antérieure à celle de l’église inférieure; on peut en conclure qu’elle fut la première cathédrale et c’est ce qui nous explique pourquoi le grand nombre des chanoines résidait à Valère. Bientôt après l’église inférieure partagea /LIV/ avec elle le titre de cathédrale 2 et elle finit par le porter seule.

Nous n’avons que très peu de détails sur l’église de Valère. Un document de 1315 (No 1373) nous apprend qu’elle était alors en mauvais état et qu’elle avait besoin de réparations et même de reconstruction, qui ne pouvaient se faire sans de grands frais. En 1353 le toit de l’église et de la chapelle de Sainte-Catherine furent recouverts. Peut-être avait-il été endommagé l’année précédente lors de la prise et du sac de la ville par le comte de Savoie. Trente ans plus tard, le jeudi 9 janvier 1382, le toit et la charpente de l’église furent entièrement brûlés par accident. Dans le compte de la fabrique de l’année 1435 on trouve une livrance de 12 florins payés à maître Maquenber pour la peinture de l’église de Valère « pro pictura ecclesie Valerie. » Il est probable que l’église de Valère fut d’abord placée sous le vocable de la Sainte Vierge, car les plus anciens documents qui font mention de l’église cathédrale la désignent sous le nom de l’église de la bienheureuse Marie, sans distinguer entre les deux cathédrales. Ce n’est que dans le XVe siècle qu’elle commence à porter le titre de Sainte Catherine. On trouve dès 1235 (No 402) un autel dédié à cette sainte dans l’église de Valère, mais c’était celui d’une chapelle particulière, à côté du chœur, chapelle à laquelle beaucoup de donations furent faites et qui attirait de si nombreux pélerins que, dans la seconde moitié du XIVe siècle, le chapitre engageait sept hommes pour garder le château le jour de la fête de la sainte. Les chanoines ont célébré l’office canonial à Valère jusqu’à la prise de Sion par les Français /LV/ en 1798; ils se sont alors tous fixés dans la ville même et le service divin cessa dans l’antique église; il y fut rétabli lorsque l’autorité ecclésiastique y installa le séminaire diocésain; le séminaire a aussi quitté Valère et les cérémonies du culte ont de nouveau cessé. L’église n’est plus visitée que par les pèlerins et les curieux. Espérons que le sentiment religieux et le patriotisme ne laisseront pas tomber ce monument pieux, auquel tant de souvenirs se rattachent et dont la destruction serait une perte irréparable pour l’histoire de l’art religieux dans nos contrées.

Nous avons vu que Blavignac fait remonter la construction du clocher de l’église cathédrale inférieure ou de la ville de Sion au IXe siècle; si l’église même est d’une architecture plus récente, il faut cependant admettre qu’il a dû exister une église antérieure construite à la même époque et dans le même style que le clocher. D’après le recueil intitulé Livre de la Val d’Illiez, cette église a été incendiée en 1010. Reconstruite ensuite, puis réparée au commencement du XIVe siècle (No 1373), elle subit un nouvel incendie lorsque Amédée VI comte de Savoie prit d’assaut la ville de Sion, le 3 novembre 1352, et la brûla en partie. La cathédrale fut d’abord pillée et dépouillée d’une partie de ses reliques, ornements et vases précieux et il ne resta que les murs de l’édifice, de sorte qu’il fut impossible d’y continuer le service divin. Appauvri par les guerres de cette époque, le chapitre ne put procéder que lentement à la restauration de la cathédrale et l’église n’était pas encore recouverte en 1364, puisque le chapitre s’adressa alors au comte de Savoie pour obtenir des tuiles pour couvrir l’église de Sion. Le comte accorda la demande /LVI/ et donna des ordres en conséquence à son châtelain de Conthey et de Saillon. (No 2087.)

Un nouvel incendie, au moins partiel, eut lieu le 14 juin 1403, jour de la Fête-Dieu; dans un compte de cette année il est dit que les cloches furent alors brûlées (combustæ et comsumptæ). Pendant la guerre de Rarogne la cathédrale fut de nouveau incendiée. A la tête de ses partisans et de nombreux Bernois, Guichard de Rarogne envahit Sion à l’improviste, le 7 octobre 1418, livra la ville au pillage et les flammes consumèrent la cathédrale, l’église de Saint-Théodule et un grand nombre d’autres bâtiments. Le chapitre fit marché avec le maître charpentier Jaquet de Sion pour reconstruire la toiture de la cathédrale; il s’engageait à fournir le bois et les autres matériaux nécessaires et à lui payer 80 écus d’or et trois muids de blé. L’ouvrage fut terminé en 1423, et comme Jaquet se plaignait de l’insuffisance du salaire, le chapitre lui donna un chesal de maison situé derrière le cloître de l’église. L’ensemble des réparations coûta environ 1000 florins, payés par le chapitre. Cependant ces réparations étaient insuffisantes, car on avait conservé les anciens murs, quoiqu’ils eussent été calcinés par l’incendie. Bientôt on reconnut la nécessité de reconstruire les murs eux-mêmes, à l’exception de ceux du clocher, qui ne paraissent pas avoir souffert. Cette reconstruction fut décidée vers 1450. On en trouve la preuve dans le testament de Jaquema de Challant, épouse de Hildebrand de Rarogne, seigneur d’Anniviers, fait le 24 mars 1451. Cette dame choisit sa sépulture dans le chœur de l’église de Sion, près du grand autel, et cela, ajoute-t-elle, après la reconstruction du dit chœur, qui doit être refait. C’est ce /LVII/ qui est confirmé aussi par une circulaire de l’évêque Walter Supersax, du 5 octobre 1481, adressée au clergé du diocèse. L’église cathédrale, dit-il, a été si souvent incendiée que ses murs sont desséchés (arefacti) et menacent ruine, comme une simple vue le montre; il y a trente ans que la reconstruction a été commencée en pierres taillées très dures et cela à grands frais. Mais la continuation de cette œuvre encore imparfaite, et qui demandera de grandes dépenses, ne peut se faire avec les seules ressources de la fabrique de l’église; c’est pourquoi l’évêque sollicite la charité des fidèles. Cet appel fut renouvelé par l’évêque Schiner en 1502. Quelque temps auparavant l’évêque Jost de Sillinen avait envoyé des quêteurs dans diverses parties de l’Europe pour recueillir des aumônes dans le même but. On parle d’autres quêtes faites en 1511 et 1519. Commencée ainsi vers 1450 la nouvelle cathédrale ne fut terminée que sous le cardinal Schiner. On lit sur trois des clefs de voûte de la nef les dates 1496, 1497 et 1499. Malheureusement l’œuvre est restée imparfaite, car l’étendue du choeur n’est nullement en rapport avec celle de la nef; cette partie ne devait sans doute être que provisoire, mais elle est restée définitive.

Sous le chœur existait autrefois une crypte, dont on voit encore le haut de deux fenêtres au niveau du sol. Lorsque, vers 1830, on dalla le chœur en marbre, le caveau destiné à la sépulture des évêques fut agrandi; en y travaillant on découvrit l’escalier qui conduisait à la crypte ainsi que la porte qui avait encore ses gonds. L’intérieur était rempli de matières calcinées, débris, probablement, des incendies de la cathédrale. Malheureusement aucune importance ne fut attachée à cette découverte et la crypte fut /LVIII/ laissée comme elle avait été trouvée, sauf la partie détruite pour l’agrandissement du caveau.

Les stalles ont été faites en 1622 et 1623 par le maître charpentier Michel Pfauro pour le prix de 150 écus, outre 4 muids de seigle et 16 setiers de vin.

Sur le côté septentrional de la cathédrale inférieure se trouvait un cloître qui figure encore sur la vue de Sion de 1642. La partie orientale était fermée par des maisons. Dans l’intérieur du cloître, près d’une porte de la cathédrale aujourd’hui murée, une chapelle avait été construite en l’honneur de saint François. Le cloître servait à la sépulture des chanoines et des clercs et les laïques étaient enterrés dans le cimetière, au sud et au couchant de la cathédrale; plusieurs évêques et quelques personnages marquants furent ensevelis dans l’intérieur même de l’église.

Il y avait dans les deux églises de Valère et de Sion de nombreuses chapelles ou autels, dont il est souvent question dans les documents.

On voyait encore à Sion plusieurs églises ou chapelles particulières, que nous nous bornons à mentionner en indiquant la date à laquelle elles apparaissent pour la première fois dans les documents.

L’église de Saint-Théodule, près de la cathédrale (1229) reconstruite par le cardinal Schiner.

La chapelle de la Sainte-Croix, contiguë à la cathédrale (1296).

La chapelle de Saint-Paul, au bas de la Cité ( 1052).

La chapelle de Saint-Michel, dans le château de la Majorie (1221).

L’église de Saint-Pierre, sur la place du collège (1287). /LIX/

La chapelle de la Trinité, dans la cour épiscopale, au même lieu (1288).

La chapelle de Saint-Genêt, entre Valère et Tourbillon (1287).

La chapelle de Tous les Saints, en Planchamp, sous Valère, fondée par Thomas de Blandrate, chantre de Sion, vers 1325.

 

VIII

Hôpitaux de Sion.

Sion avait trois hôpitaux et une maladrerie. Le plus ancien est celui de Saint-Jean, qui existait déjà en 1163. (C. S. No 13.) Il est situé au-dessous de la ville, entre la porte et le fleuve du Rhône. Il subsiste encore. Pendant longtemps le chapitre en a eu l’administration et nommé le recteur. On peut voir au tom. IV, pag. 587-589, la valeur des biens de cet hôpital et le serment que le recteur devait prêter. Cette maison possédait une chapelle dédiée à saint Jean-Baptiste.

Un second hôpital fut fondé vers la fin du XIIIe siècle; il est cité pour la première fois dans un acte de 1294 (No 1054) et souvent depuis lors dans les actes des années suivantes; il est habituellement désigné sous le nom de l’hôpital neuf de la bienheureuse Vierge Marie dans la rue (vicus) du pré de l’évêque, ainsi dans le quartier de Pratifori; d’après un titre de 1442 il se trouvait près de la porte de Conthey. Il n’était pas encore fondé en 1287, car l’évêque Pierre d’Oron, dans son testament de cette /LX/ année (No 965), fait une donation à l’hôpital, sans autre désignation, ce qui prouve qu’il n’en existait encore qu’un. L’hôpital de la Vierge Marie dépendait de l’évêque.

Le troisième hôpital, celui de Saint-Georges, avec la chapelle dédiée à ce saint, a été fondé par Christin de Husogny, maréchal, citoyen de Sion. Dans son testament daté du 17 mars 1328 1, il rappelle qu’il a fondé cet hôpital vers le moulin de Strata (hors de la porte de Louèche), et il fait une nouvelle donation en sa faveur. Il en confie l’administration à sa femme, et après la mort de celle-ci, à l’évêque de Sion.

Après avoir eu pendant quelque temps des recteurs particuliers, les trois hôpitaux n’en eurent plus qu’un en commun. Cette administration unique existait déjà avant 1388; le 6 février de cette année mourut Humbert Bonnivard, recteur des trois hôpitaux. Son successeur, Jacques Rongeti fut nommé, le 21 du même mois, par le chapitre comme collateur de l’hôpital de Saint-Jean, par les citoyens de la ville collateurs de celui de Saint-Georges et par l’évêque collateur de celui de la bienheureuse Vierge Marie. Comme on le voit, le droit de provision donné par le fondateur de celui de Saint-Georges à l’évêque avait passé aux citoyens; c’était probablement en vertu d’une donation importante faite à cet hôpital par Guillemette de Drone, le 14 juin 1380, avec la clause que les syndics et douze citoyens de Sion auraient le droit de nommer le recteur.

L’unité d’administration amena la fusion des trois hôpitaux en un seul. Dans un mémoire adressé, vers 1424, à /LXI/ l’archevêque de Tarentaise, André de Gualdo, administrateur de l’église de Sion, réclame contre cette fusion faite par le chapitre au préjudice de son droit de patronat et de celui des citoyens, et il se plaint du triste état dans lequel l’hôpital est tombé. La fusion fut maintenue, mais les droits des collateurs furent remis en vigueur. Le chapitre céda ses droits à la ville, le 18 février 1569; plus tard l’évêque céda également ou perdit les siens et l’hôpital passa ainsi sous la dépendance complète de la ville.

Sion avait une maladrerie ou léproserie, mentionnée pour la première fois en 1272 (No 791), avec une chapelle, dite neuve en 1301. (No 1158.) Dans un acte de 1431 paraît Pierre Rude recteur de la chapelle de Sainte-Marguerite de la maladrerie hors des murs de la ville de Sion. La maladrerie n’existe plus depuis longtemps; la chapelle n’a été démolie que l’année dernière. Elle était située entre l’hôpital actuel et le Rhône, près de la route.

Aux hôpitaux nous pouvons rattacher les confréries du Saint-Esprit et de la Sainte Vierge destinées au soulagement des pauvres. La première existait déjà en 1250 (No 622) et la seconde en 1272 (No 792).

 

IX

Officiers temporels de l’évêque.

Devenu seigneur temporel par la concession du comté du Vallais, l’évêque de Sion dut confier, au moins en grande partie, l’exercice de son autorité à divers officiers. /LXII/ Il eut, au XIe siècle, son avoué épiscopal; nous connaissons les noms de trois d’entre eux, mais sans aucune donnée particulière sur leurs fonctions; nous voyons seulement que, dans les contrats, ils agissaient au nom de l’évêque. Il n’en est plus question depuis l’année 1054. Vers la fin du XIIe siècle apparaissent à Sion le major et le vidomne, qui jouissent d’offices héréditaires, en vertu desquels ils exercent au nom de l’évêque la juridiction temporelle.

La majorie était possédée en fief par les seigneurs de la Tour, qui doivent probablement leur nom à la tour qui leur servait de résidence, dite tour de la majorie. On a prétendu les rattacher à la famille de la Tour du Pin, mais rien n’autorise cette supposition. Le premier major connu est Guillaume de la Tour, qui, vers 1179, conclut un accord avec l’évêque Conon (No 17). Vers 1265 la majorie passa dans la maison de Greysier par le mariage de Béatrix, fille de Gérold de la Tour, avec Aymon de Greysier. Le major avait l’omnimode juridiction, haute et basse, dans la ville; il recevait les clames (plaintes contre celui de qui on a reçu préjudice), imposait les bans ou amendes, et jouissait du mère et mixte impère. Cette juridiction n’appartenait cependant au major que pendant une partie de l’année; elle était exercée par le vidomne pendant les mois de mai et d’octobre, ainsi que pendant la nuit. Le major devait porter l’étendard de l’évêque, et lorsqu’il l’accompagnait hors de Sion, il était entretenu par l’évêque : celui-ci, si le major était chevalier, lui devait une robe d’écuyer ou de chevalier, quand il habillait ses familiers. Le major percevait, en outre, les langues de la boucherie. Il devait l’hommage lige à l’évêque et 50 livres de plait /LXIII/ (No 1831). Nous pouvons nous faire une idée des revenus de la majorie par l’amodiation que Bertholet de Greysier en fit en 1340 pour une pension annuelle de 30 livres. Le 15 janvier 1373 le même Bertholet vendit la majorie et toutes ses dépendances à l’évêque Guichard Tavelli pour le prix de 500 florins d’or, avec un cens de 100 sols à payer annuellement au chapitre, et d’un muid de vin au major de Monthey (No 2151). L’évêque réunit ainsi la majorie à la mense épiscopale et en fit ensuite exercer les fonctions par un châtelain.

Une partie de la juridiction était confiée au vidomne vice-dominus, lieutenant de l’évêque; comme la majorie cet office était un fief héréditaire, pour lequel le vidomne devait l’hommage lige et un plait de 50 livres. Il avait une maison forte située sous la tour du major.

Les droits et les attributions du vidomne sont spécifiés en partie dans quelques uns des documents que nous avons publiés et d’une manière plus complète dans les actes d’hommage du 18 juillet 1464 et du 25 avril 1476, ainsi que dans l’acte de vente de cet office, du 13 janvier 1560. En voici l’énumération :

1o L’omnimode juridiction séculière dans la ville et baronnie de Sion, avec l’exercice du droit de glaive pendant les mois de mai et d’octobre. Les causes commencées pendant ces deux mois peuvent être continuées et terminées par le vidomne pendant le reste de l’année; à cet effet il donne les assignations et les délations pénales ou simples selon l’usage du lieu et la nature de la cause.

2o L’omnimode justification et vérification des mesures, poids et balances.

3o L’omnimode disposition, ordination et exécution des /LXIV/ viances ou déviances (délimitation) dans les pâquiers communs, les routes publiques et les chemins dans toute la baronie de Sion.

4o La pesée du pain destiné à la vente, ainsi que sa justification, avec le droit de punir les coupables et de percevoir les bans.

5o La visite des moulins de Champ-sec et de Glaviney.

6o Le droit de permettre seul l’ouverture des sacs de blé sur la place publique les jours de marché et de foire.

7o La punition ou le ban de ceux qui, les jours de marché, conduisent de grandes pièces de bois par la grande rue du marché, depuis la porte du Rhône à celle de Louèche et aussi depuis la porte de Conthey à travers la cité.

8o L’omnimode juridiction dans la ville et baronnie de Sion pendant la nuit, ainsi que la garde, la punition et les bans de ceux qui alors circulent dans la ville sans lumière ou en vociférant après le coup ordinaire de la cloche.

9o La punition et le ban des taverniers qui vendent du vin et laissent leur tavernes ouvertes pendant la nuit, après le coup de la cloche.

10o L’omnimode juridiction, saisie, punition et exécution de tous les traîtres trouvés dans la ville et baronnie de Sion, à l’exception de ceux qui conspirent contre le seigneur évêque et se rendent coupables du crime de lèse-majesté.

11o Le ban et la punition des pêcheurs et autres qui portent des poissons à vendre dans la ville sans les présenter d’abord au seigneur évêque et ensuite au vidomne.

12o La perception de trois oboles sur chaque balle de /LXV/ marchandises passant par Sion, à prélever sur les droits de péage du seigneur évêque.

Le premier vidomne connu est Guillaume, qui paraît dans un acte de 1179; viennent ensuite Pierre (1195-1211), Rodolphe (1212-1217), Jocelme ou Jocelin Ier (1220), Thomas († av. 1242). Le nom de famille de tous ces vidomnes est inconnu. Thomas n’eut qu’un fils, qui mourut peu après son père, avant sa quatorzième année, et ainsi avant d’être entré en possession de l’héritage paternel.

Le vidomnat fut alors partagé entre quatre cohéritiers; l’un d’entre eux Jocelin II de Castello, du Novarais, acheta les parts échues à Pierre de Courmayeur et à Mathilde d’Aoste et à leurs parents et un tiers resta à Pierre d’Ollon, dont les descendants en jouirent jusqu’en 1346. Hugonette, veuve du vidomne Thomas et épouse, en secondes noces, d’Amédée de Rarogne, prétendit à l’héritage de son fils mineur et attaqua Jocelin de Castello, mais ses prétentions ne furent pas admises (Nos 623 et 717). Jocelin mourut, paraît-il, sans enfants, puisqu’en 1265 nous trouvons les frères Henri et Rodolphe, fils de Jean de Rarogne, en possession du vidomnat, comme héritiers de Jocelin. Henri, chanoine et évêque élu de Sion, mourut le 14 octobre 1274 et le vidomnat resta à Rodolphe, qui le transmit à son fils Antoine. Celui-ci mourut sans enfants, vers 1302; le vidomnat passa alors, du consentement de l’évêque (No 1187), au cousin germain d’Antoine, Pierre, sénéchal de Sion, fils du sénéchal Guillaume et d’Hélécha, sœur d’Henri et de Rodolphe de Rarogne.

Pierre, mort vers 1310, eut un fils du même nom, qui hérita du vidomnat et mourut en 1343 en ne laissant qu’une fille, Amphélisie, mariée à Humbert de Villette, seigneur /LXVI/ de Chevron. C’est ainsi que le vidomnat entra dans cette famille, qui le posséda pendant plus de deux siècles, jusqu’à ce que Nicolas de Chevron le vendît à la ville de Sion, le 13 janvier 1560, pour le prix de 800 écus d’or au soleil. La ville fit exercer depuis lors les fonctions du vidomne par un vice-châtelain.

Il existait encore à Sion un troisième officier qui exerçait un droit inférieur de juridiction, c’était le sautier, salterus, que l’on trouve dès le commencement du XIIIe siècle. Il tenait son office en fief de l’évêque, auquel il devait l’hommage lige, un servis annuel de 15 sols et 60 sols de plait. Cet hommage était prêté pour l’office et la juridiction du sautier à Sion et à Salin, la maison, la grange et le jardin du sautier situés dans la rue des Faverges, et quelques terres. Les attributions du sautier sont déterminées dans un acte du 21 septembre 1433, à l’occasion d’un conflit de compétence entre cet officier et le châtelain qui avait remplacé le major de Sion. Le sautier dépend du châtelain (ainsi avant 1373 du major) et il lui transmet et notifie les clames et les fréveries 1 qu’il reçoit; il a la juridiction de /LXVII/ Salin ainsi que sur les voleurs dans la ville et baronnie de Sion, il perçoit six deniers de chaque clame qui lui a été faite, il est chargé de la visite du chenal du moulin (mugneria) qui de la place traverse le quartier de Pratifori et de le faire réparer.

Venait enfin un dernier officier, l’huissier, qui remplissait aussi les fonctions de crieur public. Il faisait les annonces dans la ville, les jussiones, les gagements et les saisies tant dans la ville qu’en dehors; dans ce dernier cas il percevait six deniers et dans le premier deux deniers. Il recevait le même émolument quand, sur l’ordre de l’évêque ou de ses officiers, il exécutait des sentences ou des décrets hors de la ville. Il devait aussi convoquer les gardes de la ville, servir le châtelain et lui remettre les causes majeures.

A ces officiers publics de l’évêque à Sion, il faut ajouter un officier dont les fonctions étaient plutôt privées et domestiques; c’est le sénéchal (senescallus, dapifer). Il était le maître d’hôtel de l’évêque, de qui il tenait cet office en arrière-fief sous hommage lige. Le cuisinier de l’évêque était son vassal et il était placé sous sa direction immédiate; c’était le sénéchal qui lui transmettait les ordres de l’évêque. Un sceau apposé au testament de l’évêque Pierre d’Oron (12 février 1287) représente le sénéchal revêtu d’une robe qui lui descend jusqu’aux genoux, tenant un bâton de la main gauche et de la droite portant un vase. Derrière lui un personnage plus petit tient un objet qu’on ne peut distinguer, mais qui est probablement un plat ou un vase. Dans les cérémonies publiques le sénéchal accompagnait l’évêque en portant devant lui l’épée de la régalie, symbole du pouvoir temporel. /LXVIII/

La première mention de cet office se trouve dans un acte de 1227 par lequel Rodolphe d’Aigle, sacristain de l’église de Sion et son frère Guillaume vendent à Amédée et Henri de Rarogne tous les droits qu’ils ont de Louèche en amont, à l’exception du droit de la sénéchalie (C. S. No 45). Celle-ci appartenait donc alors à la famille d’Aigle.

De 1265 à 1301 le sénéchal Guillaume figure dans un grand nombre d’actes, sans que son nom de famille soit jamais indiqué, il est probable qu’il était fils du Guillaume d’Aigle du titre de 1227, mais rien ne prouve cette filiation si ce n’est la possession de l’office. Dans tous les cas il est impossible de le rattacher aux familles de la Tour ou de Rarogne, comme on a tenté de le faire. Le sénéchal Guillaume épousa Hélécha de Rarogne, dont il eut plusieurs enfants. Pierre, qui succéda à son père, hérita du vidomnat de Sion, comme nous l’avons vu plus haut, et les deux offices du vidomnat et de la sénéchalie furent ainsi réunis; nous avons vu aussi comment ils parvinrent aux Chevron-Villette. Lorsque, en 1560, Nicolas de Chevron vendit le vidomnat, il conserva la sénéchalie; mais, comme il n’avait pas d’enfants, il institua pour héritiers les petits-fils de sa sœur Barbe, qui avait épousé François de Monthéolo ou Monthéis. La sénéchalie passa ainsi à cette famille, qui la conserva jusqu’à ce que l’office fût supprimé en 1798, à l’époque de la révolution helvétique.

Les droits du sénéchal furent déterminés par l’évêque Henri de Rarogne, le 12 février 1256, de la manière suivante : l’évêque doit au sénéchal la nourriture pour lui et un écuyer ou garçon, l’entretien de deux chevaux, comprenant le foin et les fers, mais seulement hors de la ville de Sion, lorsque le sénéchal accompagne l’évêque à cheval /LXIX/ pour le service du prélat. Il lui doit encore deux paires de robes chaque année. Le sénéchal perçoit, en outre, la dixième partie des obventions appelées fréveries et encheites de vingt sols et au-dessus, auxquelles le vidomne a part, et vingt sols pour les cuirs des bœufs tués pour la cour à Noël et à Pâques. Le sénéchal tient son office en fief du vidomne et doit lui payer un plait de 300 sols; cependant il prête hommage lige à l’évêque lui-même. Il doit aide au vidomne contre tous, l’évêque excepté (No 627).

Cette déclaration de l’évêque Henri donna lieu à des difficultés sous son successeur, Rodolphe de Valpelline. Une enquête fut faite sur les droits du sénéchal, et deux témoins produits devant l’évêque, en firent la spécification, sous la foi du serment le 17 juillet 1271 (No 777).

Le cuisinier de l’évêque ou de la cour, dirent-ils, doit tout faire dans la cuisine d’après les ordres du sénéchal, qui lui-même reçoit ceux de l’évêque. Les témoins affirment avoir vu souvent le sénéchal envoyer à qui et où bon lui semblait une portion de viande ou de poisson. Il a droit à l’avoine nécessaire pour deux chevaux à la cour de Sion. S’il a un destrier ou cheval d’armes, il peut également exiger l’avoine ainsi que le foin, mais ce destrier doit être employé au service de l’évêque. Le sénéchal doit être nourri à la cour avec deux donzels; il a droit chaque année à deux paires de robes avec les paines (peaux, fourrures), d’étoffe à son choix, à l’exception cependant du vair et de l’écarlate. Il a aussi le cuir du bœuf tué à Pâques et à Noël, des bœufs donnés à la cour, et des bœufs, des vaches et des moutons dus à Ernen pour le droit de gîte. Enfin, il a une part dans les recettes en deniers de l’évêque auxquelles le vidomne participe, ainsi qu’un denier /LXX/ dans les plaits du seigneur, à l’exception des plaits des vassaux du domaine seigneurial (de casamentis). Ces dépositions furent reçues en présence de témoins, constatées par un acte public, et plus tard confirmées par l’évêque Pierre d’Oron, le 7 janvier 1287 (No 959). Cependant, à la suite de contestations, des modifications furent apportées à quelques articles, d’abord le 1er mars 1291 (No 1014), puis le 20 juillet 1339 (No 1773); comme ces dernières ont été définitivement en vigueur, nous en donnons la teneur : Le sénéchal perçoit de la cour du seigneur évêque une prébende de foin et d’avoine pour deux chevaux, chaque jour qu’il est présent à Sion et que le seigneur évêque réside à Sion ou à Tourbillon, ou que le sénéchal accompagne l’évêque dans le diocèse ou au dehors pour les affaires de l’église. Il perçoit également une prébende de foin et d’avoine pour un grand cheval coursier, quand il doit en avoir un pour le service de l’évêque. Lorsque celui-ci fait des robes pour ses écuyers, le sénéchal doit en recevoir deux paires pour lui et l’un de ses écuyers. Il a droit chaque jour à sa prébende à la cour et à la table de l’évêque; il doit être regardé comme membre de la famille épiscopale dans les lieux indiqués plus haut, avec un écuyer et un domestique; mais l’évêque n’est pas obligé de lui fournir la prébende hors de sa cour. Il a droit, en outre, à une prébende dans sa propre maison. Il doit servir chaque jour à la table de l’évêque et y déposer les mets. Il peut se faire remplacer dans cet office par un homme choisi dans la famille de l’évêque et agréé par ce dernier. Il reçoit un cuir de bœuf à Noël et à Pâques, lorsque, en ces jours, l’évêque en fait tuer pour sa cour. Lorsque l’évêque consacre une église dans son diocèse, les nappes qui ont /LXXI/ servi à son repas appartiennent au sénéchal. Ces articles sont reproduits dans les prestations d’hommage des années 1464 et 1474, avec l’adjonction que pendant la vacance du siège épiscopal le sénéchal doit avoir une châtellenie.

Nous ne parlons pas de quelques officiers inférieurs, dont les fonctions étaient tout à fait subalternes.

La juridiction des officiers épiscopaux que nous venons de faire connaître se bornait à Sion et à ses dépendances. Les autres parties du domaine temporel de l’évêque formaient douze districts principaux, où la juridiction du seigneur était exercée, comme dans la capitale, par des vidomnes, des majors et des sautiers. C’est l’organisation que nous trouvons à Conches (a monte Dei superius) ou Ernen, Morel, Naters, Chouson (Saint-Nicolas), Viège, Rarogne, Louèche, Sierre et Anniviers, dans le Haut-Vallais, à Chamoson, Martigny et Massongex 1 dans le Bas-Vallais. Les documents ne mentionnent cependant pas de sautier à Massongex, Conches, Chouson et Anniviers, ni de major à Massongex et Martigny. Ces offices étaient donnés en fiefs héréditaires. Les évêques cherchèrent à les réunir à leur domaine direct, soit lorsqu’ils tombaient en commise, soit en les rachetant; c’est ce qui eut lieu pour /LXXII/ le vidomnat de Naters en 1303 et la majorie d’Ernen en 1344.

Nous avons placé Rarogne parmi les possessions de l’évêque; nous y trouvons, en effet, un vidomne, un major et un sautier, et il résulte de l’accord conclu entre les frères de Rarogne, le 15 janvier 1235, au sujet des vidomnats de Louèche et de Rarogne, que l’évêque avait dans ces derniers lieux des mansars qui lui devaient le service militaire et qui étaient tenus comme tels de payer la taille au vidomne (C. S. No 50). D’autres titres postérieurs constatent également les droits de l’évêque à Rarogne. Cependant ces droits paraissent avoir été restreints, et le lien féodal pour le vidomnat se perdit de bonne heure. Ce vidomnat passa dans les mêmes mains que celui de Sion; il appartint d’abord aux Rarogne, puis aux sénéchaux de Sion et enfin aux Chevron-Villette, qui possédèrent aussi les vidomnats de Sierre et de Viège. Nous avons plusieurs hommages prêtés aux évêques par les Chevron pour ces vidomnats, mais celui de Rarogne n’y est jamais compris, quoiqu’ils l’aient possédé jusqu’à ce que Nicolas de Chevron le vendit, le 28 octobre 1538, à la paroisse de Rarogne. Il faut en conclure que ce vidomnat n’était plus regardé comme un fief épiscopal.

Il serait intéressant de réunir les données que nous avons sur ces offices dans les diverses châtellenies, d’en constater les rapports et les différences, mais nous ne pourrions le faire sans sortir des limites d’une simple introduction. Nous nous bornons à quelques détails pittoresques des attributions du vidomne, du major et du sautier de Louèche, tels que nous les trouvons dans un acte d’hommage prêté le 23 avril 1339 par le sautier Perrod (No 1754). /LXXIII/

Le sautier doit garder les voleurs pendant trois jours dans la tour de l’évêque, à Louèche; il les livre ensuite au major. Il doit appliquer à la question les voleurs et les autres coupables. Lorsque l’un d’eux est condamné à mort, le sautier doit le bander, le lier et le remettre ainsi au major pour le conduire aux fourches. Le sautier monte l’échelle en conduisant le condamné, que le vidomne pousse par derrière; lorsque le voleur est pendu, le sautier retire l’échelle. Le vidomne construit les fourches à ses frais et le sautier fournit et porte ou fait porter l’échelle. Si le coupable est condamné à avoir la tête tranchée, le major le conduit au lieu du supplice, le vidomne fournit le tronc et la hache et tient cette dernière pendant que le sautier frappe dessus avec un maillet, jusqu’à ce que la tête soit coupée. Si le condamné doit être noyé, le major le conduit auprès de l’eau, le vidomne procure le sac et le sautier noie le condamné. Remarquons qu’à cette époque c’était Rodolphe de Rarogne qui était vidomne, et Marquet de Blonay, major.

Outre ces officiers locaux, nous trouvons des baillis et des recteurs généraux de la terre du Vallais, au nom de l’évêque. Le premier bailli épiscopal connu est Rodolphe de la Roche, qui exerçait ces fonctions entre les années 1274 et 1277 (No 849). Deux recteurs paraissent, Maffin de Bissunco, en 1339 1, et Pierre de la Tour, en 1343 2.

Nous manquons de détails sur la nature des fonctions du recteur, mais il est très probable qu’elles étaient les mêmes que celles du bailli, et il est hors de doute qu’elles étaient exercées au nom de l’évêque. Dans un acte du /LXXIV/ 29 avril 1354 (No 2016), nous voyons figurer Jean d’Attinghausen comme recteur de la terre du Vallais, de Viège en amont, sans qu’il soit dit au nom de qui il est établl en cette qualité. Nous croyons que c’était au nom de l’évêque, et qu’il était recteur de cette contrée au même titre que le furent antérieurement dans tout le pays les deux recteurs cités plus haut; nous basons cette opinion sur l’identité du titre. On a émis la supposition qu’il s’agirait ici d’un recteur impérial 1; elle ne nous paraît pas suffisamment fondée. Il est vrai que l’empereur Charles IV intervint à cette époque dans les affaires du Vallais à l’occasion de la lutte qui existait entre l’évêque Guichard et le comte de Savoie, d’un côté, et les patriotes du Vallais, de l’autre. Amenée par les plaintes de ces derniers, l’intervention de l’empereur n’eut lieu qu’un mois après l’acte ci-dessus par la nomination d’abord de Burchard Moench, le 29 mai 1354, et ensuite de Pierre d’Arberg, le 9 septembre suivant, aux fonctions de capitaines ou vicaires impériaux du Vallais (No 2017). Si dans ce moment-là il eût existé un recteur impérial dans une partie du pays, l’empereur n’eût-il pas dû en parler dans les diplômes de nomination des capitaines pour régler leur position relative ? Cela était d’autant plus nécessaire que les pouvoirs donnés aux deux capitaines s’étendaient à tout le pays sans restriction. D’un autre côté, il paraît positif que les plaintes ne furent pas adressées par toutes les communautés à l’empereur. Dans le diplôme du 31 août 1354, par lequel Charles IV les prend sous sa protection, il énumère celles qui ont eu recours à lui; c’est Louèche, Rarogne, Viège, Naters et /LXXV/ Moérel (No 2022). Comme on le voit, il n’est pas question de Conches (a monte Dei superius). Un autre document du 10 octobre 1355 (No 2029) nous apprend que les communautés de Conches et de Moérel n’avaient pas fait cause commune avec les inférieures dans ces circonstances; « cum maxima dissensio et discordia orta foret inter illos de Morgia et a monte Dei superius, ex una parte, et illos de Leuca, » etc. La suite du document nous apprend également que ce sont seulement les communautés au-dessous de Conches (a monte Dei inferius) qui se sont soumises à l’empereur et à ses capitaines. N’y a-t-il pas là une preuve évidente que Conches n’avait pas reçu de recteur impérial ? Quant au fait que Jean d’Attinghausen était recteur non seulement de Conches, mais de Viège en haut, cela ne détruit pas la valeur de la preuve ci-dessus. On peut seulement en conclure que la conduite de certaines communautés a varié.

Quoi qu’il en soit, les fonctions des capitaines, comme celles du recteur, n’ont été qu’exceptionnelles et transitoires. Il n’en est plus question depuis cette époque.

Sous l’épiscopat d’Aymon III de la Tour nous voyons encore fonctionner un autre officier général, sous le nom de juge de l’évêque. François de Cagnio remplit ces fonctions en 1331 (No 1633). Nous retrouvons fréquemment ce magistrat sous les successeurs d’Aymon; il est nommé juge général de l’évêque, ou juge général de la terre épiscopale du Vallais. /LXXVI/

 

X

Les Communes.

Les communes ont été établies de bonne heure dans le Vallais épiscopal comme dans le Vallais savoyard. Nous ne connaissons pas leur origine, mais nous les trouvons constituées dès le XIIIe siècle et il est évident qu’elles sont antérieures. C’est à Sion seulement que nous pouvons constater l’existence d’une commune au XIIe siècle. Dans le traité conclu, vers 1179, entre l’évêque Conon et Guillaume de la Tour (C. S. No 17) il est dit que si l’évêque ne veut pas retenir pour lui les étrangers, il est libre aux citoyens de les garder, en réservant le droit de l’évêque. Il y est dit encore que si une difficulté légère s’élève entre les deux parties, elle doit être terminée par l’arbitrage des citoyens. Ces deux clauses prouvent évidemment l’existence d’une organisation communale à Sion, à cette époque. Nous trouvons quelques détails sur les libertés et franchises de cette ville dans la déclaration des droits de l’évêque et des citoyens faite vers 1217 (No 265) et dans les statuts de 1269 (No 751). Cependant l’ensemble de ces libertés est resté à l’état de coutume jusqu’à l’épiscopat de Philippe de Chamberlhac. Ce n’est qu’en 1338 qu’elles ont été définitivement rédigées et consignées dans un acte public, confirmé d’abord par des délégués de l’évêque, le 4 juillet de cette année (No 1720) et ensuite par Philippe lui-même, le 12 mars 1339 (No 1741). L’original de cette /LXXVII/ charte, égaré pendant longtemps, a été dernièrement réintégré dans les archives de la ville de Sion.

Martigny jouissait des mêmes libertés et franchises comme nous l’apprend le préambule de la charte du comte Amédée VIII, du 18 août 1399; placés alors sous la domination de la Savoie, les habitants de Martigny représentent au comte que pendant qu’ils dépendaient des évêques, ils avaient toujours joui des libertés de la ville de Sion, et ils lui demandent d’être maintenus dans cet usage; ce que le comte leur accorda par la charte ci-dessus, dans laquelle les franchises de Sion sont reproduites avec quelques modifications (arch. de Martigny). Sous la domination des évêques, Martigny avait obtenu deux confirmations générales de ses libertés; la première, le 10 juillet 1338 (No 1722), et la seconde, le 3 septembre 1340 (No 1806).

A l’avènement de Philippe de Chamberlhac, des délégués de la paroisse de Louèche se présentèrent devant son vicaire général et lui exposèrent que de temps immémorial leur paroisse était dotée de franchises contenues autrefois dans un acte public qui avait péri dans l’incendie de Louèche pendant les guerres; ils en demandèrent la confirmation, qui leur fut accordée le 3 juillet 1338. (No 1719.) Ces franchises sont moins développées que celles de Sion et en diffèrent sous beaucoup de rapports.

Aux franchises du Vallais épiscopal il faut joindre le droit coutumier qui remonte au moins au XIIIe siècle et dont il nous reste deux monuments très importants du XIVe siècle, que j’ai publiés sous les Nos 1483 et 1973, sans parler de points particuliers mentionnés incidemment dans divers documents.

Dans le Vallais savoyard les chartes de franchises communales /LXXVIII/ sont assez nombreuses. La plus ancienne est celle de Saint-Brancher, du 20 juillet 1239 (No 1609), renouvelée et développée en 1322 (No 1610). Viennent ensuite celles de Saillon, de 1271 (No 2176), de Conthey, du 7 mai 1302 (No 1178), modifiées le 24 février 1356 (No 2033), de Saint-Maurice, du 5 août 1317 (No 1401), confirmées le 3 février 1324 (No 1499), de Monthey, du 11 mai 1352 (No 1994), avec les déclarations du 25 novembre suivant (No 2005). A la même période appartiennent celles que le comte Amédée VIII accorda à Orsières, le 31 juillet 1376, mais que nous n’avons pas encore publiées, notre recueil s’arrêtant à l’année précédente.

Pour compléter les chartes générales de franchises, il faut étudier également les documents qui se rapportent à quelques articles particuliers et qui sont assez nombreux.

Ce n’est pas seulement dans les villes et bourgs que nous trouvons des communes établies, nous les rencontrons aussi dans de nombreux villages, surtout du Vallais épiscopal. Ces villages ont des propriétés, des droits communs; ils vendent et achètent, font des contrats, tiennent des plaits sous la présidence du seigneur ou de son officier; les seigneurs leur accordent ou leur reconnaissent certains droits particuliers; leur font remise de redevances, etc. Citons quelques exemples :

1240, 23 octobre. Convention entre les hommes de Reckingen et d’Ulrichen au sujet d’une alpe. (No 2170.)

1257, 1er juin. Les hommes de Granges et d’Ayent font, conjointement avec leurs seigneurs, un accord au sujet de l’usage des pâturages. (No 641.)

1277, 6 mars. Marquard de Moérel reconnaît les droits dont jouissent les hommes de Biel. (No 849.) /LXXIX/

1291, 16 août. Les hommes des vallées de Saas et de Saint-Nicolas font un accord avec ceux des vallées d’Anzasca et de Macagnana. (No 1021.)

1299, 1er juin. La commune de Vercorin donne à Jean du Marais un chesal pour y construire un moulin et défend l’établissement d’un autre moulin. (No 1124.)

1304, 1er mai. Pâturages communs entre les communes de Savièse et de Conthey. (No 1208).

1305, 25 avril. La commune de Grimence achète un cens. (No 1221.)

1305, 25 juillet. La commune de Nax donne une forêt en fief à Pierre, curé de Mage. (Acte inédit.)

1312, 3 décembre. La commune de Luc vend des pâturages. (No 1354.)

1357, 12 février. Alliance conclue entre les hommes de Boez, Inden, Albinen, etc. (No 2037.)

Sans doute les droits de ces communes rurales ne pouvaient pas être bien étendus, mais elles avaient cependant une vie propre et une action commune, comme il résulte des quelques faits que nous venons de citer. Les seigneurs de qui elles dépendaient y faisaient exercer la juridiction et percevoir leurs redevances par des vidomnes, des majors, des sautiers et des métraux. Dans l’origine, ces offices paraissent avoir été donnés en fiefs héréditaires; peu à peu cependant ils devinrent électifs.

Dans un certain nombre de lieux nous trouvons une institution spéciale, celle des plaits (placitum), qui ne doivent pas être confondus avec les plaits judiciaires du moyen âge. Nous devons même établir une différence entre celui de Sion, au moins dans les premiers temps, et ceux des autres lieux. Le plait général de Sion, tel que nous le voyons /LXXX/ dans le document No 751, a une compétence très étendue et fait des statuts et règlements pour la ville elle-même et participe ainsi à ce que nous pourrions appeler, dans une certaine mesure, le pouvoir législatif. Le rôle des autres plaits est bien moins important.

Autant que nous pouvons en juger par les documents que nous possédons sur cette institution, elle n’existait que dans les localités qui dépendaient d’un vidomne et les plaits ne se tenaient que pendant les mois de mai et d’octobre, les deux seuls mois durant lesquels les vidomnes exerçaient leur juridiction. Nos documents mentionnent les plaits de Conches, a monte Dei superius (No 725), d’Etiez (No 885), de Naters (No 1008), de Chamoson (Nos 1467 et 1491), d’Hérémence (No 1574), de Massongex (No 1589), de Saint-Léonard (No 1705), de Louèche (No 1907), d’Hérens (No 2182), de Mage (No 2183), de Moérel et de Grengiols (No 2195). En consultant les pièces relatives à ces plaits, on verra que tous les hommes de chaque localité avaient le droit et le devoir d’y prendre part et qu’on s’y occupait surtout des terres, de leur délimitation (viances), irrigation et usage privé ou commun (pâturages). Le plait de Chamoson établit, en outre, en 1323, une taxe pour les boulangers, les bouchers et les aubergistes. (No 1491). Il n’est question d’exercice de juridiction que dans le plait de Mage. (No 2183.)

Le plait était convoqué et présidé par le seigneur ou son représentant et les hommes présents y avaient voix délibérative. A cette occasion, ceux qui faisaient partie du plait devaient au seigneur et à ses assistants un repas et des redevances fixes. A Massongex le repas consistait en dix-huit pains blancs, d’un denier, douze quarterons de vin, /LXXXI/ viande de vache et de porc, sel, raves et châtaignes. (No 1589.) Le repas du plait d’Hérens est presque le même. (No 2182.)

Le rôle des communes du Vallais épiscopal ne se bornait pas à la simple gestion des affaires locales; dès la première moitié du XIVe siècle elles prennent part avec l’évêque à l’administration générale du pays. Leurs députés, nuncii, se réunissent et forment le conseil général de la terre du Vallais, qui est mentionné pour la première fois en 1339. (No 1771.) Il devait se réunir chaque année, le mardi après l’octave de Pâques (No 1937), mais il y avait souvent des réunions à d’autres époques, lorsque les circonstances l’exigeaient. Les députés représentaient un groupe de communes désigné d’abord sous le nom de communauté ou de contrée, contracta, et plus tard de dizain; ce dernier nom ne paraît qu’en 1417. On a émis diverses hypothèses sur l’étymologie du mot dizain; la plus probable est celle qui le fait dériver de decem, decima, dizaine; cette forme se trouve employée dans un acte du 10 octobre 1355, dans lequel il est question de la quelibet decima pars communitatum (No 2029), ainsi que dans un autre acte du 19 juin 1366 (No 2110), où il est parlé des hommes de la dizaine de Sion, gentibus decime dicte civitatis (Sedun.). Mais quel sens faut-il attacher à ce mot ? Le plus naturel est de regarder ce terme comme exprimant la division du pays en dix parties, chaque dizain formant ainsi le dixième, decima, du Vallais épiscopal. On objecte à cette explication que le pays était divisé en sept dizains, et non en dix. Cette objection n’est pas aussi sérieuse qu’elle le paraît à première vue. La circonscription et le nombre des sept dizains n’ont été définitivement fixés qu’au XVe siècle, /LXXXII/ lorsque déjà, depuis assez longtemps, le territoire épiscopal avait été diminué par la cession à la Savoie, en 1384, de la partie située au-dessous de la Morge, c’est-à-dire de Chamoson, Ardon et Martigny. Nous avons vu que le mot decima était déjà employé en 1366, ainsi à une époque où ces derniers lieux devaient former deux divisions, ce qui nous donnerait neuf divisions ou dizains. D’un autre côté Granges, qui a fait partie du dizain de Sierre, en était distinct en 1335, comme on peut le voir dans le No 1683, et formait alors une communauté ou division à part; nous avons ainsi les dix communautés ou dizains primitifs, et c’est en ce nombre que nous les trouvons énumérés dans le document ci-dessus.

Il serait intéressant de pouvoir déterminer quels étaient les droits reconnus officiellement aux communautés ou dizains, à l’époque dont nous nous occupons, mais cela n’est pas facile. Nous avons sans doute un assez grand nombre de documents relatifs à l’action commune des patriotes, avant la mort de l’évêque Guichard Tavelli, mais il ne faut pas perdre de vue que pendant cet épiscopat les communautés se sont insurgées contre leur souverain temporel, et qu’elles ont été ainsi nécessairement amenées à exercer des droits qui ne leur appartenaient pas ou dont elles ne jouissaient que conjointement avec l’évêque. Nous ne pouvons donc considérer comme certainement réguliers que les droits constatés avant ces insurrections. Les autres sont plus ou moins douteux.

Ce qui est positif, c’est que les communautés pouvaient se réunir en conseil général avec l’évêque et en vertu de la convocation faite par ce dernier. (No 1811.) En 1339, le conseil général fait un décret au sujet de la juridiction. /LXXXIII/ L’année suivante, l’évêque Philippe de Chamberlhac convoque le conseil, parce que, dit-il, plusieurs affaires rendent cette réunion nécessaire. Chaque communauté devra envoyer des députés avec autorité de pouvoir en son nom traiter, discuter et confirmer tout ce qui devra être traité dans le conseil en la présence de l’évêque, pour le bon état, la prospérité et la paix de toute la patrie vallaisanne et de ses sujets. (No 1811.) Le conseil général participait à l’administration de la justice, au moins en appel, comme le prouvent les articles 21 et 38 des franchises de Sion et un appel de la commune de Chamoson à l’audience de l’évêque ou du conseil de la terre du Vallais. (No 1942.)

Dans le traité conclu le 22 janvier 1348, entre le comte de Savoie et l’évêque de Sion, les communautés interviennent comme partie contractante avec l’évêque. (No 1930.) Quelques années plus tard, pendant la lutte entre l’évêque et les communautés, nous voyons ces dernières faire des traités et des alliances en leur propre nom, soit entre elles, soit avec l’étranger. Ainsi Martigny se place sous la sauvegarde de la Savoie (No 1987); les communautés traitent avec la Savoie (No 2003, 2062, etc.); elles font une alliance entre elles (No 2029); Louèche fait une alliance avec Frutigen (No 2025). Après la lutte, les communautés, avec l’assentiment de l’évêque, font un traité de paix avec les cantons forestiers. (Nos 2131, 2132 et 2136.)

Ces faits, surtout ceux se passent avant ou après la guerre contre l’évêque Guichard, prouvent que les communautés ou dizains du Vallais épiscopal jouissaient, dès le XIVe siècle, de droits politiques assez étendus, et que si l’évêque était réellement le souverain du pays, son pouvoir /LXXXIV/ fut de bonne heure tempéré par l’action du peuple agissant par ses députés dans les conseils généraux réunis périodiquement. Il serait intéressant de remonter à l’origine de ce régime représentatif; malheureusement les documents font complètement défaut.

 

XI

Familles féodales du Vallais épiscopal.

La noblesse féodale joue un rôle important en Vallais, surtout pendant le XIII et le XIVe siècle. Elle y est alors très nombreuse et elle se compose non seulement de familles du pays, mais en grande partie de familles originaires de la Suisse romande, du val d’Aoste, de la Savoie, du Novarais, etc. De Genève viennent les Tavel; de Fribourg, les de Corbières et de Châtel; de Vaud les de Bex, d’Aigle, d’Ollon, de Blonay; du val d’Aoste, les d’Aoste, de Challant, de Montjovet, de Châtillon, de Courmayeur, du Châtelard, etc.; de la Savoie, les de Chevron-Villette, d’Allinges, de Greysier, de Châtillon de Larringes, etc.; du Novarais, les de Castello et de Blandrate.

Parmi les familles du pays même les plus importantes sont celles de la Tour, de Rarogne, de Saillon, d’Arbignon, de Saxon, de Collombey, de Monthey, Albi de Granges, d’Ayent, Esperlin, de Viège, de Naters, de Moérel, d’Ernen, sans parler d’un grand nombre d’autres, dont les membres portent les titres de chevaliers ou de donzels.

Tous ces nobles possédaient en Vallais des fiefs et des /LXXXV/ offices héréditaires et reconnaissaient la suzeraineté ou de l’évêque de Sion ou du comte de Savoie; plusieurs tenaient des fiefs de ces deux suzerains en même temps et se trouvaient ainsi sous une double dépendance. Leurs possessions, en général, étaient éparses dans les différentes parties du pays et n’étaient formées que de territoires enchevêtrés les uns parmi les autres. Sauf quelques exceptions, le même village, la même vallée dépendaient de plusieurs seigneurs, qui s’en partageaient les terres et la juridiction. Il serait aujourd’hui impossible de faire un tableau complet et détaillé des fiefs et arrière-fiefs du Vallais, vu l’absence de documents suffisants; on ne pourrait qu’en tracer les grandes lignes. Ce dernier travail même ne peut pas être fait dans une simple introduction, tout comme il ne nous est pas possible d’aborder l’histoire de ces familles féodales; nous devons nous contenter de donner quelques détails sur celles qui se sont le plus distinguées.

Pendant l’époque dont nous nous occupons, ce sont les la Tour qui ont tenu le premier rang. Leur histoire généalogique a été écrite par l’un des membres les plus érudits de notre société, M. L. de Charrière, et publiée dans le tome XXIV des Mémoires et documents, et complétée ensuite par deux suppléments, publiés dans les tomes XXVI et XXXIV. Cette famille a probablement pris son nom, comme nous l’avons dit, de la tour qu’elle possédait à Sion, où Guillaume, le premier membre connu, exerçait les fonctions de major de l’évêque. Au commencement du XIIIe siècle elle se divise en deux branches principales, celle des la Tour seigneurs de Châtillon et celle des la Tour-Morestel. La première posséda, outre la seigneurie de Châtillon, les vidomnats d’Ollon et de Conthey, une partie de la /LXXXVI/ seigneurie de Bex, celle de Frutigen, et d’autres droits et propriétés en Vallais. Antoine, le dernier sire de Châtillon, ne laissa qu’une fille, Jeanne, qui épousa Jean de la Baume, comte de Montrevel. Le château de Châtillon fut détruit par les Vallaisans dans la guerre déclarée à Antoine à la suite du meurtre de l’évêque Guichard Tavelli.

La branche des la Tour-Morestel avait ses principales propriétés à Granges et dans les environs. Ils eurent aussi le vidomnat de Bagnes, qui fut vendu, en 1366, à l’abbaye de Saint-Maurice par Antoinette de Sarre, veuve de Perrod de Morestel, le dernier de cette branche.

L’origine de la famille de Rarogne est très incertaine. D’après un acte de l’année 1146, mentionné dans l’avant-propos de notre premier volume, pag. XXXII, Egelolf d’Opelingen possédait à Rarogne un alleu qu’il céda à son frère Diethelm. Faut-il voir dans ce dernier un ancêtre des Rarogne ? Rien ne fait connaître l’étendue de cet alleu ni, par conséquent, s’il a formé la seigneurie de Rarogne. Ce qui est certain, c’est que le territoire de Rarogne n’appartint pas en entier aux seigneurs de ce nom, comme nous avons déjà fait observer à propos du vidomnat du même lieu et comme cela résulte de l’accord de 1235. (C. S. No 50.) Il est positif que les Rarogne avaient la seigneurie d’une partie au moins de ce lieu et des environs, cependant ils ne portent dans aucun document le titre de seigneurs (domini) de Rarogne. Ils y avaient un château, sur l’emplacement duquel l’église paroissiale a été construite au commencement du XVIe siècle. L’ancienne église tombant en ruine et ne pouvant pas être reconstruite là où elle existait à cause des inondations auxquelles elle était exposée, l’évêque Mathieu Schiner autorisa /LXXXVII/ les paroissiens à la transférer à l’endroit où se trouvaient les ruines du château et une tour neuve. A côté du château le vidomne possédait une tour que Nicolas de Chevron vendit à la paroisse en 1538.

Le premier Rarogne connu est Henri, qui était vidomne de Louèche et de Rarogne; il vivait en 1210 (No 221 bis) et laissa cinq fils, dont l’un, le chevalier Amédée, est la souche des diverses branches qui se sont perpétuées jusqu’au XVe siècle. Pierre, fils d’Amédée, a formé la branche de Mannenberg, peu connue. Son frère Hugues est l’ancêtre des Rarogne seigneurs de Mont-la-ville, dans le val d’Hérens, éteints dans la personne de Guillaume VI, évêque de Sion, en 1451. La troisième branche descend d’Ulric, fils d’Amédée; elle possédait le vidomnat de Louèche ainsi que, plus tard, celui d’Anniviers par le mariage de Pierre de Rarogne avec Béatrix, fille de Jacques d’Anniviers et petite-fille et héritière de Jean, vidomne d’Anniviers, qui avait survécu à son fils Jacques; celui-ci mourut vers 1344, tandis que son père vivait encore en 1358. La fortune des Rarogne s’aggrandit encore par le mariage de Guischard fils de Pierre, dont nous venons de parler, avec Marguerite de Raetzuns, petite-fille de Frédéric V, comte de Toggenbourg. A la mort du dernier comte, Frédéric VI (1436), les deux fils de Guischard et de Marguerite, Petermann et Hildebrand, héritèrent de la plus grande partie de ce comté. Mais avec eux s’éteignit la famille de Rarogne par la mort de Petermann (31 juillet 1479), le dernier survivant des deux frères. C’est cette branche qui a jeté le plus d’éclat, surtout au XVe siècle.

Une quatrième branche qui remonte au donzel Jean, fils de Henri Ier de Rarogne, n’a compté que trois /LXXXVIII/ générations; c’est elle qui eut en partage le vidomnat de Rarogne; nous en avons parlé à propos du vidomnat de Sion et nous avons vu alors comment ces deux vidomnats furent réunis et passèrent aux Chevron-Villette. On a publié divers fragments de la généalogie des Rarogne (nous n’en connaissons pas de complète), mais nous croyons devoir faire remarquer qu’ils sont tous inexacts.

Une autre famille importante se rattache à Rarogne; ce sont les Esperlin ou Asperlin (Esperlini, Asperlini, Esper, Hesper, etc.), qui possédaient la majorie de ce lieu; ils remontent probablement à Guillaume, qui était major de Rarogne en 1221; quoique son nom de famille ne soit pas connu, nous pouvons le regarder comme le père de Jean Esperlin, qualifié major dans des documents de 1250 et 1268. Depuis ce dernier la filiation de la famille s’établit d’une manière positive. Quelques écrivains en font une branche cadette des Rarogne, mais c’est une assertion gratuite. Les Esperlin arrivèrent par de nombreuses acquisitions à une position assez brillante. Au XIVe siècle Jean marie sa fille Catherine à Pierre de Chevron et une autre fille, Marguerite, à Pierre de Corbières; son petit-fils Rodolphe épouse Agnès fille de Rodolphe de Rarogne, de la branche de Mont-la-ville, et le fils de Rodolphe, du même nom que son père, épouse Françoise, fille du célèbre Guischard de Rarogne, seigneur d’Anniviers; les fils de Guischard n’ayant pas d’enfants, Rodolphe Esperlin éleva sur la seigneurie d’Anniviers des prétentions qui le mirent en lutte avec l’évêque Walter Supersax et amenèrent sa retraite à Bex, vers 1463. Ses descendants ont subsisté dans le pays de Vaud jusque dans le XVIIIe siècle. La majorie de Rarogne appartenait à Jean, frère de Rodolphe; elle fut /LXXXIX/ vendue, en 1508, à l’évêque Mathieu Schiner par Théobald d’Erlach, qui avait épousé Jeanne petite-fille de Jean Esperlin. Comme Mathieu Schiner l’avait achetée en son nom propre, elle passa à ses héritiers et ceux-ci la revendirent, en 1527, à la paroisse de Rarogne.

Le vidomnat d’Anniviers a été possédé pendant le XIIIe et le XIVe siècle par une famille noble du même nom, qui par achats et mariages a acquis de nombreuses possessions å Granges et dans le voisinage, à Ayent, etc. Louis, le premier membre de cette famille, paraît en 1235, et son fils Guillaume était déjà alors investi du vidomnat. Guillaume épousa Agnès d’Ayent, et eut pour successeur son fils Jacques, marié à Guigone de Châtillon, du val d’Aoste. Leur fils Jean fut vidomne pendant un demi-siècle; il épousa Béatrix de la Tour, dont la parenté n’est pas connue, mais que nous supposons être de la branche des Morestel; nous voyons, en effet, le vidomne Jean prendre le titre de coseigneur de Granges (No 1930), où les Morestel avaient beaucoup de possessions. Jean d’Anniviers eut huit enfants, qui tous paraissent être morts avant leur père. Sa succession fut partagée entre les deux filles de son fils Jacques, qui avait épousé Marguerite d’Ayent en 1336. Béatrix, épouse de Pierre de Rarogne, hérita, comme nous l’avons vu, du vidomnat d’Anniviers et Jeanne, mariée à Jacques Tavelli, eut en partage les possessions de son grand-père à Granges et dans le voisinage. Les vidomnes d’Anniviers avaient deux châteaux dans cette vallée, celui de Vissoye et celui de Beauregard ou Périgard, sur un rocher qui domine l’entrée de la vallée. Ce dernier fut détruit par les patriotes en 1417.

Ayent a eu ses seigneurs particuliers dès le XIIe siècle; ils /XC/ portaient le nom de leur seigneurie et un grand nombre de membres de cette famille figurent dans les chartes du XIIIe et d’une partie du XIVe siècle, mais il n’est pas possible d’en dresser une généalogie suivie. Vers la fin du XIIe siècle vivaient Guillaume seigneur d’Ayent et ses frères Gérold et Louis. (C. S. No 30.) Cette seigneurie formait alors un alleu, au moins en grande partie, comme le prouve la cession que Guillaume d’Ayent fit, en 1229, à l’évêque Landri de sa grande tour d’Ayent et de tout ce qu’il possédait en alleu au château de ce lieu, biens qu’il reprit en fief de l’évêque. Nous voyons par ce même document que Guillaume tenait déjà antérieurement un autre fief de Guillaume de la Tour; celui-ci avait l’intention de construire une tour dans le château d’Ayent; l’évêque promet de faire son possible pour empêcher cette construction. (C. S. No 47.) Elle eut lieu cependant plus tard. La famille des nobles d’Ayent s’éteignit vers le milieu du XIVe siècle et une grande partie de ses propriétés passa aux Tavelli par le mariage de Jacques Tavelli avec Marguerite fille de Nantelme d’Ayent et héritière de son père et de son frère François, mort sans enfants.

Dans la partie du Vallais dont nous venons de nous occuper, existait l’ancienne seigneurie de Granges, possédée dès le XIe siècle par une famille noble de ce nom; plusieurs de ses membres ont porté le titre de comte. Nous avons recueilli et publié les détails relatifs à cette famille dans l’introduction au Nécrologe de l’église paroissiale de Granges (M. D. R. XVIII, pag. 301 et suiv.); nous n’y reviendrons pas ici. Au XIIIe siècle la seigneurie de Granges avait passé en d’autres mains et était divisée entre plusieurs familles nobles, qui y avaient chacune un château, une /XCI/ tour ou une maison forte; les Morestel y occupaient le premier rang; venaient ensuite les Montjovet, les Albi, les d’Ollon; plus tard nous trouvons les Tavelli, les d’Anniviers, les Rarogne, etc. Granges n’a gardé de son ancienne splendeur que quelques ruines, qui dominent le village actuel. Ses remparts sont tombés et les descendants des comtes, des chevaliers et des donzels ont disparu depuis longtemps. Si aujourd’hui un ennemi voulait s’emparer de Granges, il ne serait plus nécessaire, comme en 1366, de prier le chapitre de Sion de prêter son petit tonnerre (bombarde); les arbalètes et les carreaux suffiraient. (No 2105.)

Dans les dizains supérieurs les familles nobles étaient très nombreuses; nous y trouvons les de Viège, de Saxo (Naters), Rodier, de Mont, de Vineis (Weingarten), de Mœrel, d’Ernen, de Mühlibach, de Gluringen, etc; plus tard les Boza, les d’Ornavasso, etc. Parmi eux les Blandrate ou Biandrate tinrent pendant longtemps la première place 1. Originaires de la ville du même nom, dans la province de Novare, ils vinrent s’établir à Viège à la suite du mariage de Godefroid de Blandrate avec la fille du major de ce lieu. Vers le milieu du XIIIe siècle cette majorie appartenait à Pierre de Castello, de Novare. La famille du major Pierre est restée inconnue jusqu’à la publication de nos Documents, quelques-uns de ceux-ci nous la font connaître. Dans l’acte No 585 Pierre major de Viège est dit frère de Jocelin vidomne de Sion, et par l’acte No 623 nous apprenons que /XCII/ Jocelin était de la famille de Castello. Ce Pierre est évidemment le Perronerius de Castello, qui paraît dans les documents Nos 762, 927 et 1020; Perronerius est une forme du nom Petrus. Ce qui prouve cette identité, c’est le fait qu’Aldise, fille de Perronerius de Castello, est l’héritière de la majorie de Viège. Avant Pierre cette majorie appartenait à Walter (1218-1224), dont la famille n’est pas indiquée. Walter fut-il le père de Pierre ? C’est peu probable. Marguerite, l’épouse de Pierre, était-elle peut-être la fille de Walter et a-t-elle apporté cette majorie à son mari ? Les documents sont muets à ce sujet. Pierre de Castello paraît comme major de Viège de 1248 à 1257; il laissa deux enfants Marzo et Aldise. Celle-ci eut en partage la majorie de Viège et Marzo, la seigneurie de la vallée du Simplon. Aldise épousa le comte Godefroid de Blandrate (No 762), qui dès 1266 prend le titre de major ou de comte de Viège; il était en même temps vidomne de Conches (a monte Dei superius). Nous ignorons si ce vidomnat lui est également parvenu du chef de sa femme, car nous n’avons aucune donnée sur les possesseurs antérieurs.

Godefroid mourut vers 1270 et sa veuve Aldise porte le titre de majoresse de Viège jusqu’en 1284; leur fils Jocelin, comte de Blandrate, figure comme major de 1282 à 1309; il mourut peu après cette date, et laissa deux fils, Thomas, chanoine (1291), puis chantre (1298) de l’église de Sion, mort le 24 septembre 1337, et Jean, qui mourut plus jeune, probablement avant son père. Jocelin ne paraît jamais avec le titre de vidomne de Conches; cet office avait probablement appartenu à son frère Guillaume, au moins en 1301 nous le voyons en la possession de Jean fils de ce dernier, qui porte la qualification de comte de Viège, /XCIII/ tandis que Jean, fils de Jocelin, est désigné sous celle de comte de Naters. Le premier étant mort sans enfants, le vidomnat passa aux descendants de Jocelin.

Le chantre Thomas hérita de la majorie de Viège et il la donna en gage à son neveu Antoine, fils de Jean comte de Naters, en 1315. Celui-ci est le premier des Blandrate qui porte ce dernier titre; pour le prendre, il a dû jouir d’un office en ce lieu; les documents n’en indiquent pas la nature, mais ce fut nécessairement le vidomnat ou la majorie. M. de Gingins affirme à tort que ce fut le vidomnat; son erreur provient d’une confusion entre Jocelin d’Ornavas et Jocelin de Blandrate. Nous pouvons établir, au moyen des documents, la série des vidomnes de Naters à cette époque et nous n’y trouvons aucun Blandrate. En revanche, la série des majors de Naters s’arrête en 1300 par Março de Saxo, et Jean de Blandrate paraît comme comte de Naters en 1304 et 1306; le document No 1220 mentionne la tour du comte Jean à Naters, en 1304. Nous sommes ainsi naturellement amenés à admettre que Jean a été major de Naters, sans que nous puissions dire comment cet office lui est parvenu.

Jean n’eut qu’un fils, Antoine, qui hérita de son père le vidomnat de Conches et la majorie de Naters, et reçut en gage la majorie de Viège de son oncle Thomas. L’épouse d’Antoine n’est connue que par son nom de baptême, Luquette; elle est nommée dans un acte de 1328 et elle était veuve en 1333. Isabelle, leur fille unique, épousa François de Compey, qui devint ainsi comte de Blandrate, major de Viège et vidomne de Conches.

Dans son mémoire sur les Blandrate, M. de Gingins fait de cette Isabelle, non la fille, mais l’épouse d’Antoine de /XCIV/ Blandrate et il la suppose de la famille des la Tour-Châtillon. D’après lui, de ce mariage seraient nés deux fils, Rodolphe et Antoine II. Devenue veuve, Isabelle aurait épousé François de Compey, dont elle aurait eu un fils nommé Jean. Dans un petit mémoire publié dans l’Indicateur d’histoire suisse, 1883, pag. 58-60, j’ai prouvé par les documents Nos 1738 et 2043 qu’Isabelle, épouse de François de Compey, était bien réellement la fille d’Antoine de Blandrate et par les Nos 2040 et 2043 qu’Antoine II était fils de François de Compey et non d’Antoine de Blandrate. J’ai donné, à la fin du même mémoire, la généalogie des descendants de François de Compey.

François mourut vers 1360 et sa veuve Isabelle fut tuée à Naters, le 3 novembre 1365, avec son fils Antoine, par les patriotes vallaisans. Les fils de ce dernier conservèrent quelque temps la majorie de Viège, mais peu après toutes les possessions des Blandrate furent réunies à la mense épiscopale. Nous avons cru devoir devoir entrer dans quelques détails sur cette famille, tant à cause de son importance que pour rectifier quelques erreurs trop accréditées.

Nous trouvons aussi plusieurs familles nobles dans les terres épiscopales du Bas-Vallais, ainsi les d’Ardon et de Chamoson dans les lieux de ce nom, et les de Martigny dans ce bourg, dont ils avaient le vidomnat. Ils possédèrent aussi des terres dans le Haut-Vallais et ont figuré parmi les familles importantes du Vallais épiscopal. /XCV/

 

XII

Le Vallais savoyard.

Pendant les deux ou trois derniers siècles de la période dont nous nous occupons, les comtes de Savoie ont eu la souveraineté du Bas-Vallais, depuis la Morge de Conthey jusqu’au lac Léman, à l’exception d’Ardon, Chamoson, Martigny et Massongex, qui appartenaient à l’évêque de Sion. Ce territoire formait deux divisions principales, le Chablais et le Vallais proprement dit. Le Chablais vallaisan comprenait les châtellenies de Monthey et de Saint-Maurice; le Vallais, celles d’Entremont ou de Saint-Brancher et de Saxon, sur la rive gauche du Rhône, et celles de Saillon et de Conthey sur la rive droite. Quoiqu’elles soient souvent citées comme constituant des châtellenies distinctes, en réalité elles semblent n’en avoir formé que deux, car celles de la rive gauche dépendaient d’un seul châtelain, de même que celles de la rive droite. Le gouvernement général du Chablais et du Vallais savoyard était confié au bailli du Chablais; un procureur était chargé de soutenir les droits du souverain, et un juge présidait à l’exercice de la justice.

Toutes ces fonctions étaient annuelles et relevaient immédiatement du prince. Au-dessous de ces fonctionnaires supérieurs se trouvaient un grand nombre d’officiers d’un rang inférieur sous les noms de vidomnes, de majors, de métraux, de sautiers, etc., qui, la plupart, possédaient leurs offices en fiefs héréditaires. /XCVI/

Une partie des terres formait des fiefs possédés héréditairement par quelques familles nobles, qui n’eurent pas l’importance de celles du Haut-Vallais. Les principales furent celles de Saillon, de Saxon, d’Arbignon, de Collombey, de Monthey et d’Allinges.

Il est probable que les mandements de Saillon et de Saxon ont appartenu dans l’origine, au moins en grande partie, aux familles qui en ont porté le nom, quoique pour les Saxon nous n’en ayons aucune preuve.

La seigneurie de Saillon était déjà partagée au commencement du XIIIe siècle entre les nobles de ce nom et les Pontverre. Le 9 janvier 1222, Aymon de Pontverre céda tous ses droits sur la tour, le château et le mandement de Saillon à Thomas, comte de Savoie. (No 298.) Dix ans plus tard, les frères Pierre et Jacques de Saillon donnèrent en échange le château de Saillon avec toutes ses dépendances au même comte Thomas. (No 378.) Peu auparavant, Gui de Saillon lui avait également cédé toutes ses possessions. (No 377.) C’est ainsi que cette seigneurie passa dans le domaine direct de la Savoie. Aujourd’hui des ruines imposantes attestent encore l’importance de cet ancien bourg, auquel le comte Philippe accorda, comme nous l’avons vu, des franchises communales.

Saxon a eu aussi ses seigneurs particuliers. En 1228, le vidomnat de ce lieu et d’Entremont appartenait à Rodolphe d’Allinges. (No 607.) Conon d’Ayent et son fils Rodolphe vendirent, en octobre 1263, tous leurs droits sur le château et le mandement de Saxon à Pierre, comte de Savoie, pour le prix de 282 livres. (No 697.) Au-dessus du village actuel de Saxon s’élève encore une antique tour, qui domine au loin le paysage. A ses pieds commence à tomber en ruine /XCVII/ l’église paroissiale primitive, abandonnée, dans ce siècle seulement, à cause de son isolement et de sa trop grande distance du village.

Les nobles d’Arbignon ont pris leur nom d’un lieu aujourd’hui inhabité, mais qui formait jadis un hameau situé au pied de la dent de Morcles, près du village de Colonges. Ils se fixèrent dans le XIVe ou XVe siècle à Colombey, où ils ont possédé le château, sur les ruines duquel fut construit, en 1643, un couvent de religieuses de l’ordre de Cîteaux. Les d’Arbignon ont eu de nombreuses possessions dans le Bas-Vallais et ne se sont éteints qu’au commencement du XVIIe siècle.

Une famille noble portait le nom de Colombey et a été très nombreuse pendant le XIIIe et le XIVe siècle. Comme la précédente, elle avait des possessions éparses dans le Bas-Vallais. En 1348, les enfants de Girod vendirent à Guillaume de Châtillon, seigneur de Larringes, une tour, des terres et des redevances dans la châtellenie de Monthey. Une branche de la famille s’établit à Saillon. Guillaume, qui avait épousé Marguerite de Blonay, mourut dans ce bourg vers 1349 et ne laissa qu’une fille, Isabelle, épouse d’Amédée de Vallaise. Une autre branche était fixée à Monthey; le donzel Nanthelme, de cette branche, épousa Jaquette, fille de Walter de Chamoson et d’Agnès de la Tour, et devint ainsi vidomne d’Hérémence. La famille s’éteignit vers la fin du XIVe siècle.

Monthey (Montheolum) donna aussi son nom à une famille dont l’existence est constatée dès le commencement du XIIIe siècle et qui s’est perpétuée jusqu’à nos jours. Les de Monthey ou de Montheolo possédaient la majorie de ce lieu et le vidomnat de Massongex. Dans les siècles /XCVIII/ suivants, des alliances procurèrent à cette famille les vidomnats de Leytron, de Chamoson et de Martigny ainsi que la sénéchalie de Sion.

Nous nous bornons à mentionner les nobles de la Tour de Saint-Maurice, les d’Orsières, vidomnes de ce lieu, les d’Allinges, vidomnes d’Entremont et de Saxon, les de Mar, etc.

Dans la châtellenie de Conthey nous trouvons dès le XIIe siècle les nobles d’Erdes et de Conthey. Ces derniers possédèrent le vidomnat de ce lieu. Comme tels ils y partageaient l’exercice de la juridiction avec le châtelain. Rodolphe, vidomne de Conthey, qui paraît dans les chartes de 1212 à 1228, eut pour successeur Jacques, probablement son fils; il est cité en 1255 et il mourut avant 1277. A cette époque, le vidomnat passa, nous ignorons comment, aux la Tour, seigneurs de Châtillon, qui le conservèrent jusqu’à leur expulsion du Vallais. Il fut alors vendu au comte de Savoie. (8 août 1376.) Le bourg de Conthey avait deux châteaux, celui des comtes de Savoie et celui du vidomnat. Le premier était situé à l’angle nord-est du bourg, tandis que celui du vidomnat occupait l’angle nord-ouest. Les comtes négligèrent l’entretien de ce dernier, qui tomba bientôt en ruine.

Pour compléter cette esquisse du Vallais savoyard, nous devrions parler des possessions et des droits de l’abbaye de Saint-Maurice à Bagnes, Salvan, Choex, Vouvry, etc., mais comme nous n’avons pas pu publier les documents qui la concernent, nous ne pouvons que constater cette lacune. /XCIX/

 

XIII

Les maisons religieuses.

Le Vallais n’a eu qu’un petit nombre de couvents, dont deux cependant figurent parmi les maisons religieuses les plus célèbres.

Abbaye de Saint-Maurice d’Agaune. Elle a été fondée dans le lieu illustré par le martyre de la légion thébéenne et sa première origine remonte au Ve siècle. M. Aubert a publié un excellent résumé de son histoire dans son savant et splendide ouvrage intitulé : Trésor de l’abbaye de Saint-Maurice d’Agaune, Paris 1872.

Monastère de Saint-Pierre du Mont-Joux. Les documents des IXe, Xe et XIe siècles mentionnent ce monastère, sans donner cependant de détails sur son histoire. Il existait, non au sommet du col, comme l’hospice actuel du Grand Saint-Bernard, mais à Bourg Saint-Pierre, ainsi que le prouve la relation de la translation des reliques de l’impératrice sainte Hélène (No 42); car il y est dit positivement que le monastère était situé au pied de la montagne (ad radicem montis), ce qui doit naturellement s’entendre du pied du sommet, comme le contexte le prouve. Ce monastère était un hospice pour les voyageurs et les pèlerins; il est désigné sous le nom d’hôpital dans les Annales de Saint-Bertin. (No 46.) En 1011, Rodolphe III, roi de Bourgogne, le donne à son épouse Irmengarde. Il avait sans doute souffert, peut-être même avait-il été détruit pendant /C/ que les Sarrasins occupèrent le Mont-Joux et l’Entremont au Xe siècle. La dernière mention que nous trouvons de cet hospice se rencontre dans l’itinéraire de Nicolas Saemundarson écrit vers 1151-1154. (No 135.) Il est probable qu’alors déjà il dépendait du Grand Saint-Bernard.

Hospice et prévôté du Grand Saint-Bernard. Il est incontestable que cet hospice fut fondé par saint Bernard de Menthon, mais on est loin d’être d’accord sur l’époque où ce saint a vécu. Se basant sur une légende de sa vie, plusieurs biographes placent sa mort en 1008 et la fondation de l’hospice en 962 ou 968, tandis que d’autres fixent des dates différentes. Nous ne pouvons pas traiter ici en détail une question qui demanderait de longs développements, nous en indiquons seulement la solution. Un seul témoignage un peu ancien place la mort de saint Bernard en 1008; c’est la légende attribuée à Richard, archidiacre d’Aoste, et publiée par les Bollandistes. (T. II junii, p. 107.) D’après la légende elle-même, Richard aurait été le contemporain du saint et son successeur dans l’archidiaconat d’Aoste. Cette légende, telle que nous l’avons, contient les fables les plus absurdes, que les Bollandistes ont eu soin d’élaguer, et en outre des faits postérieurs de quatre-vingts ans et même de plus d’un siècle à l’année 1008. Pour connaître et raconter ces faits, Richard, archidiacre d’Aoste en 1008 aurait dû arriver à une vieillesse impossible. Si réellement ce Richard a écrit une vie de saint Bernard, il est évident que ce n’est pas celle qui est conservée sous son nom ou au moins que celle-ci a été défigurée et interpolée de la manière la plus grave. Rien ne prouve que la date n’a pas été interpolée, comme tant d’autres détails.

Outre cette légende les Bollandistes en ont publié une /CI/ autre tirée d’un manuscrit du couvent de Bodeke, ainsi qu’une très ancienne séquence. Il existe encore deux autres légendes anciennes, l’une dans un bréviaire manuscrit du Grand Saint-Bernard et l’autre dans un bréviaire également manuscrit d’Aoste. Le chanoine de Rivaz en donne des extraits dans une dissertation sur le sujet qui nous occupe. Aucun de ces documents ne contient de date, mais tous font saint Bernard contemporain de l’empereur Henri IV et du pape Grégoire VII et mentionnent une entrevue qui a eu lieu entre le saint et l’empereur, à Pavie, peu de temps avant la mort du premier, et cela au moment où l’empereur se préparait à marcher contre Rome. Cette entrevue n’a pu avoir lieu qu’en avril 1081, époque où Henri IV, en effet, se trouva à Pavie. Les légendes ajoutent qu’après l’entrevue saint Bernard se rendit de Pavie à Novare, où il arriva le 29 avril. Il y tomba malade et mourut après six semaines et quelques jours de maladie. Comme sa fête se célèbre le 15 juin, on peut admettre ce jour comme celui de sa mort, à moins qu’il ne faille le regarder comme celui de son enterrement, d’après l’une des légendes, qui dit qu’il fut enseveli ce jour-là, le troisième après sa mort.

Cette entrevue a embarrassé les Bollandistes, qui ont admis la date 1008; ils l’expliquent par une apparition du saint après sa mort à l’empereur. Le texte des légendes est trop clair et trop positif pour permettre cette interprétation.

Nous avons ainsi en présence une seule légende défigurée par des fables et des interpolations évidentes, avec la date 1008, d’un côté, et de l’autre des monuments exempts de ces défauts, sans date, il est vrai, mais contenant /CII/ les éléments nécessaires pour la fixer. Entre eux le choix s’impose et l’année 1081 doit être acceptée comme celle de la mort de saint Bernard de Menthon 1.

La fondation de l’hospice du Mont-Joux, appelé plus tard le Grand Saint-Bernard, ne peut ainsi être placée que vers le milieu du XIe siècle. Les plus anciens documents de cette maison sont malheureusement perdus; le premier ne remonte qu’à l’année 1125; depuis lors ils sont assez abondants. Nous pouvons nous faire une idée des nombreuses et importantes donations faites à l’hospice par les bulles de confirmation des papes, donations en Suisse, en Savoie, dans la haute Italie, en France et en Angleterre. Nous y voyons la preuve de la sympathie et de l’admiration générales que rencontra l’œuvre sublime de celui qu’on a appelé à si juste titre le héros des Alpes.

Saint Bernard confia son œuvre aux chanoines réguliers de Saint-Augustin, qui la continuent encore avec le plus héroïque dévouement. L’histoire de cet hospice a été publiée par Mgr Luquet dans l’ouvrage que nous avons cité, mais il est à désirer de la voir écrite d’une manière plus complète et plus approfondie.

Les Bénédictins ont établi quatre prieurés en Vallais : /CIII/ Port-Vallais, Clages, Granges et Ayent; l’origine en est inconnue et ils n’ont jamais acquis d’importance; il n’étaient habités que par un petit nombre de religieux, deux à l’ordinaire.

Le prieuré de Port-Vallais. L’église de ce lieu fut donnée à l’abbaye de Saint-Michel de la Clusaz (entre Suze et Turin), probablement dans le XIIe siècle, puisque déjà en 1216 le pape Innocent III en confirme la possession à cette abbaye. (No 2168.) Nous y trouvons un prieur en 1293. (No 1036.)

L’abbaye d’Ainay (Lyon) posséda dans le diocèse de Sion six églises, mentionnées dans les bulles de confirmation d’Eugène III, du 26 février 1153 (No 136), et d’Innocent IV, du 17 novembre 1250. (No 531.) Trois de ces églises devinrent des prieurés; ce sont :

Le prieuré de Saint-Pierre de Clages, qui porte déjà ce titre dans la bulle d’Innocent IV.

Le prieuré de Saint-Jacques de Granges, qui est cité sous ce titre dès 1277.

Le prieuré de Saint-Romain d’Ayent, dont le premier prieur connu est Gérold, en 1288. L’église d’Ayent est déjà confirmée à l’abbaye d’Ainay dans la bulle de Pascal II, du 12 février 1107. (Gallia Christ. IV, Instr. 13.) Les prieurés de Granges et d’Ayent furent réunis en 1379 et vendus au chapitre de Sion en 1620. ( C. S., No 64.)

Prieuré de Géronde. Au XIIIe siècle il dépendait de l’abbaye d’Abondance, en Chablais, de l’ordre des chanoines réguliers de Saint-Augustin; il n’y avait à l’ordinaire que deux religieux, dont l’un était prieur. Le premier connu est Rodolphe, qui vivait en 1233. L’évêque Aymon de la Tour, voulant introduire les Chartreux dans son diocèse, obtint la cession de Géronde de l’abbé d’Abondance, auquel /CIV/ il donna en échange l’église d’Illiés, le 15 janvier 1331 (No 1622), et le 19 du même mois il y fonda une chartreuse, la dota de biens assez considérables et lui accorda diverses franchises et exemptions. Perrod de la Tour, seigneur de Châtillon et neveu de l’évêque, contribua par un don spécial à la fondation faite par son oncle. (No 1623.) L’établissement des Chartreux à Géronde ne fut pas de longue durée. Le couvent eut beaucoup à souffrir pendant les guerres de la seconde moitié du XIVe siècle et les Chartreux, ne s’y trouvant plus en sûreté, l’abandonnèrent. Il tomba alors en ruine. L’évêque André de Gualdo le fit reconstruire et le donna, le 10 juillet 1425, aux Carmélites, qui y restèrent jusque vers le milieu du XVIIe siècle.

Prieuré du val d’Illiés. Nous venons de voir que l’évêque de Sion donna l’église de ce lieu en échange de Géronde à l’abbaye d’Abondance, cette église devint alors régulière et fut desservie par un prieur et un moine d’Abondance.

Prieuré de Châtillon. (Nieder-Gestelen.) Nous n’avons aucun renseignement sur ce prieuré, nous pouvons seulement en constater l’existence au XIVe siècle.

L’ordre militaire de Saint-Jean de Jérusalem possédait deux maisons en Vallais, Salquenen et le Simplon, mentionnées pour la première fois en 1235. (No 406.) La seconde est désignée plusieurs fois sous le nom d’hôpital des collines du Simplon ou du mont de Brigue. Elles se rattachaient aux commanderies de la Savoie.

Le Vallais a eu deux couvents de religieuses au moyen âge et les deux suivaient la règle de Saint-Augustin.

Louèche. L’existence de religieuses en ce lieu n’est constatée que par le testament de Marc d’Aoste, doyen de /CV/ Sion, du 21 novembre 1276. (No 846.) Il lègue aux sœurs religieuses de Louèche 10 sols. Ce manque de documents prouve qu’elles n’y ont eu qu’un séjour momentané. Elles ont quitté Louèche pour s’établir à Aoste, où elles ont possédé le monastère de Sainte-Catherine. Quoique cette translation soit positive, comme nous allons le voir, elle offre cependant une difficulté. Le legs du doyen Marc d’Aoste est de 1276 et il prouve qu’à cette date les religieuses existaient à Louèche. D’un autre côté, la bulle de Clément IV, du 15 octobre 1265, parle des possessions des religieuses de Sainte-Catherine d’Aoste à Louèche. (No 716.) Ces dernières y avaient donc déjà des possessions avant le départ de leurs sœurs de ce lieu. Pour résoudre la difficulté, on pourrait admettre que ces possessions auraient été données primitivement aux Augustinesses d’Aoste pour établir un couvent à Louèche; c’est sous cette forme que plusieurs fondations religieuses ont été faites. Le couvent y aurait été, en effet, établi, mais, pour une raison inconnue, les religieuses l’auraient quitté et seraient retournées à Aoste. On pourrait aussi admettre deux départs, l’un de la plus grande partie de la communauté avant 1265 et l’autre après 1276, ou encore que les religieuses de cette dernière époque étaient d’une communauté différente de celle qui alla s’établir à Aoste.

Quoi qu’il en soit, voici ce que nous lisons dans le Recueil contenant dissertation historique et géographique sur la vallée et duché d’Aoste par Jean Baptiste de Tillier, manuscrit rédigé vers 1737. Parlant des chanoinesses régulières de Saint-Augustin d’Aoste l’auteur dit : « Leurs constitutions portent qu’elles sont venues du lieu de Luesche, petite ville du haut Vallay, où elles avaient leur /CVI/ couvent primitif de même dénomination, avec de bons biens pour leur subsistance, qu’il leur fallut abandonner à cause des cruelles guerres de ce tems là, apparament des divisions qui s’y sont excitées sur la fin du règne de Fréderic second dans le temps que les barons de Raron, seigneurs tres puissans au dit pais, cherchaient à opprimer leur patrie et s’en rendre les maîtres et les habitants des autres dixains à se mettre en liberté 1, qui les obligèrent à quitter leur monastère et leurs biens, et la tradition porte qu’elles se sont introduittes dans le pais par le mont Servin au nombre seulement de cinq ou six sœurs, lesquelles se réfugièrent en Antey 2, où elles ont établi leur première demeure dans une maison particulière. » L’auteur ajoute qu’elles s’établirent ensuite à Porrosan 3 et enfin à Aoste « où elles étaient déjà logées avant l’année 1247. »

Si ce récit est vrai, nos deux premières suppositions ne peuvent être admises, car dans ces cas les religieuses auraient rejoint immédiatement leurs sœurs à Aoste, sans s’établir successivement à Antey et à Porrosan. Tillier parle des démarches que les religieuses d’Aoste firent pour rentrer dans la possession de leurs biens à Louèche en 1440 et les années suivantes et qui n’aboutirent qu’en 1457.

Couvent de Fiesch. Les documents du Vallais mentionnent un certain nombre de recluses dans diverses localités, ainsi à Sion, à Viège, à Ernen, etc. Le reclus était un solitaire qui demeurait enfermé seul, ou dans une /CVII/ cellule contiguë à un monastère, ou dans une habitation isolée dont la porte était ou murée ou scellée du sceau de l’évêque. Il se vouait exclusivement à la prière, à la méditation et au travail manuel. Si le reclus était prêtre, il célébrait la messe dans un oratoire qui communiquait avec sa cellule. S’il était laïque, la cellule était placée à côté d’une église ou d’une chapelle et entre deux était pratiquée une ouverture pour que le reclus pût assister au service divin. En Vallais c’étaient les femmes surtout qui embrassaient ce genre de vie.

A Ernen quelques personnes se vouèrent à cette vie solitaire et Pierre Murman, curé de ce lieu, s’adressa à l’évêque Philippe de Chamberlhac pour régulariser canoniquement leur position. Il lui représenta que dans ce but il avait fait préparer une maison située près du cimetière de son église et construire une chapelle attenante à la maison, et lui demanda de pouvoir y admettre six personnes, ses nièces ou ses parentes, qui étaient prêtes à s’engager par serment à y demeurer toujours en gardant la chasteté et promettant d’obéir au dit curé et à ses successeurs. L’évêque consentit à la demande le 13 mars 1339 et la récluserie fut immédiatement établie. (No 1742.) Les recluses furent d’abord au nombre de trois; le 5 juin de la même année, l’évêque permit d’étendre ce nombre à douze et les autorisa à suivre la règle de Saint-Augustin. (No 1762.) L’établissement prit le nom de Mont de Grace et fut confirmé par le pape Benoît XII, le 22 juin 1440. (No 1803.) La vie de recluses ne pouvait plus convenir pour un aussi grand nombre de personnes dans un même bâtiment; elle fut remplacée par la vie religieuse ordinaire sous la règle de Saint-Augustin. Bientôt le voisinage de /CVIII/ l’église présenta des inconvénients; aussi l’évêque Guichard Tavelli autorisa la translation du couvent à Fiesch, village de la même paroisse, par acte du 28 mai 1343. (No 1852.)

Le couvent prospéra pendant quelque temps. Peu à peu les revenus devinrent insuffisants pour l’entretien des religieuses, et en 1489 les dernières étaient mortes sans que de nouvelles se fussent présentées pour les remplacer. Les revenus n’étaient estimés alors qu’à 24 florins. En voyant cet abandon, l’évêque Josse de Silenen incorpora le couvent à l’église paroissiale d’Ernen, le 31 janvier 1489.


/CIX/

ÉVÊQUES DE SION

 

  • SIÈGE A OCTODURE

  • S. Théodore I, ou Théodule, assiste aux conciles d’Aquilée, en 381, et de Milan, vers 390, † 16 août.

  • S. Elie 1 , vers 400 ?

  • S. Silvius, 448.

  • Prothais I, V. 450.

  • Théodore II, assiste au concile d’Agaune, 516.

  • Constance, assiste au concile d’Epaone, 517 2.

  • Rufus, assiste aux conciles IVe et Ve d’Orléans, 541 et 549, et au IId d’Auvergne, v. 549.

  • Agricola, 565.

  • SIÈGE A SION

  • Héliodore, représenté par un délégué au IId concile de Mâcon, 585. /CX/

  • Leudemond, v. 612-617 1.

  • Protais II, assiste au concile de Châlons, v. 650.

  • S. Amé, 672, † 690.

  • Villicaire, d’abord archevêque de Vienne, en Dauphiné, puis abbé de St-Maurice d’Agaune et évêque de Sion, 765-780.

  • Althée, contemporain du pape Adrien I (772-795) et de Charlemagne (768-814).

  • Abdalong, 824.

  • Heiminius, 825-840.

  • Aimoinus, 858 2.

  • Walter I, 877-895, † 16 mars.

  • Asmundus, 932 3.

  • Wilfin ,... † 11 février.

  • Mainfroid, v. 940 ?

  • Amizo, 983-985.

  • Hugues, 998-1017, † 14 octobre. /CXI/

  • Eberhard, fils de Rodolphe III, roi de Bourgogne.

  • Aymon I (De Savoie), 1037, † 13 juillet 1054.

  • Ermanfroid, 1055, † 10 décembre 1082.

  • Gausbert, † avant 1092.

  • Villencus, ou Gillengus, 1107-1116, † 6 octobre.

  • Boson I, avant 1138, † 30 janvier, en revenant de Jérusalem.

  • S. Guérin, 1138, † 27 août, v. 1150.

  • Louis (De Granges ?), 1150-1160, † 13 mai.

  • Amédée (De La Tour), 1163-1168, † 28 décembre.

  • Conon, 1179-1181, † 22 juin.

  • Guillaume I D’ecublens, 1184, † 9 ou 10 juillet 1196.

  • Nantelme, ou Antelme d’Ecublens, 1196, † 12 mai 1203.

  • Guillaume II De Saillon, 1203, † 3 juillet 1205.

  • Landri De Mont, 1206, † 10 avril 1237.

  • Boson II De Granges, 1237, † 2 juillet 1243.

  • Henri I De Rarogne, 1243, † entre le 20 avril et le 18 juin 1271.

  • Rodolphe De Valpelline, 1271, † 24 mai 1273.

  • Henri II De Rarogne, 1273, † 14 octobre 1274, sans avoir été sacré.

  • Pierre D’oron, 1274, † 18 février 1287.

  • Boniface De Challant, 1290, † 18 juin 1308.

  • Aymon II De Chatillon (val d’Aoste), 1308, † 16 juillet 1323.

  • Aymon III De La Tour, élu vers le 17 novembre 1323, † 24 avril 1338.

  • Philippe I De chamberlhac (de Gascogne), nommé le 22 mai 1338 par le pape Benoît XII, transféré à l’évêché de Nice en novembre 1342, et ensuite à l’archevêché de Nicosie. /CXII/

  • Guichard Tavelli, élu en novembre 1342, † 8 août 1375.

  • Edouard De Savoie, d’abord évêque de Belley, puis de Sion, 1375, et transféré à l’archevêché de Tarentaise, en mars 1386, † 4 novembre 1395.

  • Guillaume III De La Beaume, 1386, † vers la fin de cette année.
    Robert Camerarius, chanoine de Genève et de Sion, fut élu par le chapitre, le 6 janvier 1387; mais le pape Clément VII (à Avignon) refusa de confirmer ce choix, et nomma lui-même

  • Humbert De Billens, 7 février 1388-24 novembre 1392.

  • Henri III De Blanches de Vellate, 1392; le 16 juillet 1393, il résigne en faveur de

  • Guillaume IV De Rarogne, le bon. Les Hauts Vallaisans refusèrent de reconnaître Humbert de Billens, nommé par le pape d’Avignon, et s’adressèrent au pape de Rome (Urbain VI, † 18 octobre 1389, ou Boniface IX, élu le 2 novembre 1389), qui nomma Guillaume de Rarogne; il ne fut reconnu que par les Hauts Vallaisans et ce n’est que par la résignation de Henri de Blanches que son autorité fut acceptée dans le Bas Vallais et à Sion. Il fit son testament le 27 mai 1402 et mourut peu après.

  • Guillaume V De Rarogne, le jeune; nommé par le pape Boniface IX, le 12 juillet 1402; il ne fut jamais sacré. Pendant la guerre de Rarogne, Guillaume dut quitter le Vallais et se réfugia à Berne, en 1417.

  • André De Gualdo, de Florence, archevêque de Colocza, en Hongrie, fut nommé administrateur du diocèse de Sion par le concile de Constance, le 6 juin 1418, et le 11 août suivant Martin V ratifia cette nomination. Guillaume de Rarogne étant mort vers 1431, Eugène IV nomma André /CXIII/ de Gualdo évêque de Sion, le 20 avril 1431. † 17 avril 1437.

  • Guillaume VI De Rarogne, élu le 24 avril 1437 par le clergé et par le peuple et confirmé par le pape Eugène IV le 2 juin suivant; † à Pallanza, en revenant de Rome, le 11 janvier 1451.

  • Guillaume VII Huhn, d’Etain, au diocèse de Verdun, créé cardinal par l’antipape Félix V, en 1444, nommé par Nicolas V administrateur du diocèse de Sion, le 13 mars 1451, quoique le chapitre eût élu Henri Esperlin, auquel il céda cependant ses droits, en 1454, † 28 octobre 1455.

  • Henri IV Esperlin, de Rarogne, élu le 22 janvier 1451, † 15 décembre 1457.

  • Walter II Supersax (Auf der Flue), élu le 20 décembre 1457, confirmé par le pape le 28 février 1458, sacré le 4 mars 1459, † 7 juillet 1482, à Tourbillon.

  • Josse De Silenen, de Lucerne, évêque de Grenoble, transféré à l’évêché de Sion en juillet 1482, exilé du Vallais le 15 avril 1496, † à Rome, probablement en 1497.

  • Nicolas Schiner, élu le 27 août 1496, résigne en faveur du suivant, son neveu, en septembre 1499, † 1510.

  • Mathieu Schiner, confirmé par Alexandre VI, en octobre 1499, sacré le 13 du même mois, à Rome, créé prêtre-cardinal du titre de Sainte-Pudentiane par Jules II, le 20 mars 1511, † 30 septembre 1522, à Rome.

  • Philippe II De Platea, élu le 20 octobre 1522, ne fut jamais confirmé par le pape, qui nomma successivement les cardinaux Jean Piccolomini (29 octobre 1522) et Paul-Emile Césio, sans qu’ils aient été reconnus en Vallais. Philippe résigna le 29 août 1529 et mourut le 22 avril 1538. /CXIV/

  • Adrien I De Riedmatten, élu le 8 septembre 1529, confirmé par le pape le 10 mai 1532, sacré le 21 juillet 1532, † 16 mars 1548.

  • Jean Jordan, élu le 22 mars 1548, † 12 juin 1565.

  • Hildebrand I De Riedmatten, élu le 22 juin 1565, confirmé le 20 février 1568, † 14 décembre 1604.

  • Adrien II De Riedmatten, élu le 27 décembre 1604, confirmé le 14 janvier 1606, sacré le 28 mai 1606, † 7 octobre 1613.

  • Hildebrand II Jost, élu le 18 octobre 1613, sacré le 29 novembre 1614, † 28 mai 1638.

  • Barthélemi Supersax, élu le 6 juin 1638, † 16 juillet 1640, sans avoir été sacré.

  • Adrien III De Riedmatten, élu le 30 août 1640, confirmé en octobre 1642, sacré le 21 décembre, † 19 septembre 1646.

  • Adrien IV De Riedmatten, élu le 11 octobre 1646, confirmé le 22 août 1650, sacré le 1 janvier 1651, † 13 août 1672.

  • Adrien V De Riedmatten, élu le 25 août 1672, sacré le 28 janvier 1673, † 20 mai 1701.

  • François-Joseph Supersax, élu le 2 juin 1701, sacré le 1 octobre, † 1 mai 1734.

  • Jean-Joseph Blatter, élu le 18 mai 1734, sacré le 21 novembre, † 19 janvier 1752.

  • Jean-Hildebrand Roten, élu le 31 août 1752, sacré le 24 février 1753, † 19 septembre 1760.

  • François-Frédéric Ambuel, élu le 18 décembre 1760, confirmé le 25 mai 1761, sacré le 30 novembre, † 11 avril 1780.

  • François-Melchior Zen Ruffinen, élu le 26 mai 1780, /CXV/ préconisé le 18 septembre, sacré le 18 novembre, † 14 juin 1790.

  • Joseph-Antoine Blatter, élu le 3 août 1790, préconisé le 29 novembre, sacré le 13 février 1791, † 19 mars 1807.

  • Joseph-Xavier De Preux, élu le 24 mai 1807, préconisé le 3 août, sacré le 8 novembre, † 1 mai 1817.

  • Augustin-Sulpice Zen Ruffinen, élu le 25 mai 1817, préconisé le 28 juillet, sacré le 12 octobre, † 21 décembre 1829.

  • Maurice-Fabien Roten, élu le 21 mars 1830, préconisé le 5 juillet, sacré le 24 août, † 11 août 1843.

  • Pierre-Joseph De Preux, élu le 8 novembre 1843, préconisé le 25 janvier 1844, sacré le 30 juin, † 15 juillet 1875.

  • Adrien VI Jardinier, élu le 19 août 1875, préconisé le 23 septembre, sacré le 5 décembre.


 

Notes :

Note n° 1, Page XIII : Mommsen, Inscript., N° 17. [retour]

Note n° 1, Page XVII : Dans un accord conclu, vers 1293, entre le comte de Savoie et l’évêque de Sion (N° 1041), il est dit que la regalia de ce dernier s’étend sur tout le Vallais jusqu’au sommet du Mont-Joux et à l’Eau-froide, ce qui comprendrait tout l’ancien comté et serait ainsi en opposition avec notre opinion. Mais cette assertion est contredite positivement par les faits, et l’accord ci-dessus, qui n’est connu que par un vidimus fait en 1481, après la conquête du Bas-Vallais, ne nous paraît pas présenter toutes les garanties nécessaires d’authenticité, au moins dans la forme sous laquelle il nous est parvenu. [retour]

Note n° 1, Page XXII : Histoire suisse, I, 382. [retour]

Note n° 1, Page XXIV : On a prétendu qu’Antoine de la Tour était le neveu (Muller) ou le petit-neveu (Boccard) de l’évêque Tavelli, par sa mère ou grand’mère Elinode ou Eléonore, sœur de l’évêque. M. de Charrière (Les sires de la Tour, p. 103) mentionne Elinode comme seconde femme de Jean, grand-père d’Antoine. Jean avait épousé en première noces Elisabeth de Waediswyl, mère de Pierre le père d’Antoine; il n’y aurait eu ainsi aucune consanguinité entre Antoine et Guichard. Nous croyons qu’il n’y a pas eu d’alliance matrimoniale entre ces deux familles. Remarquons d’abord que les auteurs qui en parlent, ne citent aucune preuve de ce fait; c’est une simple assertion, sur laquelle ils ne sont pas même d’accord. L’un des documents que nous avons publiés (N° 2070) prouve même le contraire. Il y est parlé de Pierre de Châtillon fils d’Elienarde sœur de l’évêque Guichard et fille de Pierre Tavelli. Malheureusement le nom du mari d’Elienarde n’est pas indiqué; cependant le nom de son fils prouve qu’il était de la famille de Châtillon. Or, les la Tour ne sont jamais désignés sous ce nom seul, mais celui qui possédait la seigneurie de Châtillon en Vallais s’intitulait toujours : N. de la Tour, seigneur de Châtillon en Vallais. Il s’agit donc ici d’un Pierre de Châtillon et non d’un Pierre de la Tour. Plusieurs familles portaient le premier nom en Savoie, dans le val d’Aoste, etc. Il est probable que c’est à l’un des Châtillon de Savoie qu’Eliénarde Tavelli a été mariée, sans que nous puissions le déterminer en l’absence de notices généalogiques suffisantes. On pourrait nous objecter qu’Antoine de la Tour avait un frère qui s’appelait Pierre et que le notaire qui a rédigé l’acte N° 2070 a pu se tromper et écrire Pierre de Châtillon, au lieu de la Tour-Châtillon. La réponse est très simple. La mère de ce Pierre de la Tour est connue par le testament du père de ce dernier, Pierre V de la Tour, qui confie la tutelle de ses trois fils, Antoine, Jean et Pierre, à leur mère Agnès de Grandson. (N° 1971.) C’est probablement ce nom Châtillon qui a donné occasion d’affirmer le mariage d’Elinode Tavelli avec un la Tour, seigneur de Châtillon. [retour]

Note n° 1, Page XXX : Il a paru un travail intéressant sur l’élection des évêques de Sion dans la Nouvelle Gazette du Valais, 1875, N° 90 et suiv. [retour]

Note n° 1, Page XXXI : Prum, diocèse de Trèves, Prusse rhénane. [retour]

Note n° 1, Page XXXIV : 1 muid=12 fichelins.
1 fichelin=16 pains.
1 fichelin de Sion = 1 quarteron fédéral et 8/10 = 27 litres. [retour]

Note n° 1, Page XXXVI : On trouve des détails sur ces découvertes dans l’Indicateur d’histoire et d’antiquités suisses, année 1856, pag. 8, et 1860, pag. 122; dans l’Indicateur d’antiquités suisses, année 1870, pag. 147. [retour]

Note n° 1, Page XL : Mommsen, Inscript. N° 9. [retour]

Note n° 1, Page XLIII : Vallesiæ descriptio, edit. 1574, f. 64. [retour]

Note n° 1, Page XLV : Voy. M. D. R. XXIV, 253, 254. [retour]

Note n° 1, Page XLVIII : Troisième évêque du nom de Guillaume de la famille de Rarogne, mais sixième du même nom dans la série générale des évêques de Sion. [retour]

Note n° 2, Page XLVIII : Publiée dans la Nouvelle Gazette du Valais, 11 décembre 1878. [retour]

Note n° 1, Page LII : Itinera alpina, pag. 489. [retour]

Note n° 1, Page LIII : Histoire de l’architecture sacrée, pag. 261. [retour]

Note n° 2, Page LIV : Duas ecclesias Sedun. que dicuntur esse cathedrales. A° 1262, N° 684. [retour]

Note n° 1, Page LX : Lorsque j’ai publié les documents de cette époque, je n’avais qu’un extrait sans date de ce testament. (N° 1604.) Ce n’est que plus tard que j’ai eu connaissance du testament entier. [retour]

Note n° 1, Page LXVI : Le mot fréveries, freveriæ, freweriæ, revient souvent dans les chartes vallaisannes. Il dérive du mot allemand Frevel, auquel Haltaus, dans son Glossarium germanicum medii aevi, donne la signification suivante : Excessus, insolentia, protervia, temeritas, ausus temerarius; et metonymice : mulcta temeritatis. - Ducange donne la définition suivante au mot Frevela : mulcta, compositio, qua fisco exsoluta reus pacem a principe consequitur, vel ob violatam pacem publicam indicta. En tenant compte et de ces définitions et de l’emploi du mot freveriæ dans les chartes du Vallais, nous pouvons lui assigner deux significations corrélatives. Il désigne tantôt la plainte devant le juge pour un acte de violence, tantôt l’amende encourue pour ce fait; ce serait ainsi une forme particulière de clame déterminée par son objet. Nous avons deux mots de même origine, l’un frévalue dans le canton de Vaud, et l’autre fravail dans le canton de Fribourg. [retour]

Note n° 1, Page LXXI : Il est rarement question du vidomnat de Massongex dans les documents que nous avons publiés et ils ne suffisent pas pour prouver que cet office dépendait de l’évêque de Sion. La preuve existe dans un acte qui nous a été communiqué par M. l’abbé Rameau, à Saint-Maurice. Par cet acte, qui est du 20 mai 1341, Marguerite veuve de Hugues, fils de feu Perronet de Monthey, donzel et vidomne de Massongex, reconnaît, comme tutrice de ses enfants, que ce vidomnat dépend de l’évêque de Sion, ce que, antérieurement, les dits Perronet et Hugues et elle-même, à la mort de son mari, ont déjà reconnu. [retour]

Note n° 1, Page LXXIII : Maffinus de Bissunco, rector terre Vallesii ( N° 1784). [retour]

Note n° 2, Page LXXIII : Petrus de Turre, rector generalis in Vallesio pro Rmo (N° 1857). [retour]

Note n° 1, Page LXXIV : Liebenau, Ueber das Rectorat von Wallis, dans l’Indicateur d’histoire suisse, 1881, p. 387. [retour]

Note n° 1, Page XCI : M. Fréd. de Gingins a publié un mémoire intéressant sur les Blandrate sous le titre Documents pour servir à l’histoire des comtes de Blandrate recueillis dans les archives du Vallais et précédés d’une notice. Turin 1847. C’est le seul travail sur l’histoire des Blandrate en Vallais. Malheureusement plusieurs documents importants étaient inconnus à l’époque où il fut composé; de là des erreurs graves, dont nous rectifions une partie. [retour]

Note n° 1, Page CII : Cette question a déjà été traitée par plusieurs érudits. Le premier est le chanoine Jérôme Darbellay, prieur de Bourg Saint-Pierre, dont le travail est resté manuscrit, mais a été utilisé par le Dr de Loges dans ses Essais sur le mont Saint-Bernard, 1789. Il a adopté la date 1081 pour la mort du saint. Le chanoine de Rivaz a laissé aussi une longue et savante dissertation manuscrite, dans laquelle il admet l’année 1082. C’est en suivant cette dissertation et les autres travaux du même auteur que Mgr Luquet a rédigé ses Etudes historiques sur l’établissement hospitalier du Grand Saint-Bernard, 1849. Le meilleur mémoire sur ce sujet est celui du chanoine Lütolf, de Lucerne, Ueber das wahre Zeitalter des Hl. Bernhard von Menthon und die bezüglichen Quellen, 1879. Il se prononce aussi pour 1081. [retour]

Note n° 1, Page CVI : Ici l’auteur confond les époques. [retour]

Note n° 2, Page CVI : Dans le Valtournanche. [retour]

Note n° 3, Page CVI : Valpelline. [retour]

Note n° 1, Page CIX : Les noms en italique sont ceux des évêques douteux. [retour]

Note n° 2, Page CIX : A cette époque, il y avait aussi un évêque du même nom à Gap. C’est lui, et non l’évêque du Vallais, qui assista à divers conciles tenus dans des villes du midi de la Gaule, qui faisait alors partie du royaume goth d’Italie. [retour]

Note n° 1, Page CX : M. W. Gisi vient de publier dans l’Indicateur d’histoire suisse, 1883, pag. 137 et suiv., un article sur les catalogues des évêques de Sion et de Genève, dans lequel il croit devoir admettre un nouvel évêque de Sion contemporain de Leudemond. Cet évêque aurait souscrit au synode de Paris de 614. Les signatures complètes de ce synode ont été publiées, en 1867, par Friedrich, d’après un manuscrit de Munich. On y trouve : Ex civitate Ualesse Leodemundus ep. et Ex civitate Sedonis Dracoaldus ep. M. Gisi croit qu’ils étaient évêques de Sion en même temps; Leudemond aurait été déposé à cause de la conspiration qu’il avait ourdie contre le roi Clotaire, et celui-ci aurait nommé Dracoald pour le remplacer. Mais dans ce cas comment expliquer la présence de deux évêques du même siège au synode ? Il y a là une difficulté sérieuse qui nous empêche d’admettre Dracoald dans le catalogue des évêques de Sion. C’est aussi ce qu’a fait le P. Gams dans sa Series episcoporum, dans laquelle il cite les évêques qui ont souscrit au synode de 614, sans parler de Dracoald à l’article de Sion. [retour]

Note n° 2, Page CX : Il pourrait être le même que le précédent; les noms ont beaucoup de rapport. [retour]

Note n° 3, Page CX : Gallia christ, fratrum Sanmarth. I, 122. [retour]