LES ORIGINES DE FRIBOURG
ET
LE QUARTIER DU BOURG
AUX XVe ET XVIe SIÈCLES
PAR
PIERRE DE ZURICH
AVEC SIX ILLUSTRATIONS ET UN PLAN
LAUSANNE - GENÈVE - NEUCHATEL
VEVEY - MONTREUX - BERNE
1924
/5/

Fribourg en 1606
Extrait du plan de Martin Martini
AVANT-PROPOS
Le travail qui suit est divisé en deux parties. La première a trait aux origines de Fribourg et la seconde expose la physionomie générale du quartier du Bourg, ainsi que les modifications qui s’y sont produites au cours des XVe et XVIe siècles.
Cette étude devait, primitivement, être complétée par une troisième partie, dans laquelle je faisais l’historique de toutes les maisons du quartier du Bourg, depuis le milieu du XIVe siècle ou le début du XVe jusqu’au début du XVIIe siècle, c’est-à-dire jusqu’au moment où nous avons, par la perspective de Martin Martini, en 1606, un document iconographique nous permettant de nous faire une idée exacte de ce qu’était ce quartier, à cette époque.
Le coût élevé des travaux d’impression n’a pas permis de publier cette troisième partie, qui aurait formé, à elle seule, un fort volume des Mémoires et Documents. Si grand que puisse être l’intérêt d’un travail de ce genre, il présente néanmoins un caractère local, qui a justement fait hésiter le comité de la Société d’histoire de la Suisse romande à le publier. Son édition est donc renvoyée à des temps meilleurs.
Je tiens à adresser ici mes plus vifs remerciements à tous ceux qui ont bien voulu me prêter leur concours pour mon travail et en particulier au comité de la Société d’histoire de la Suisse romande, qui me fait l’honneur de le publier dans ses Mémoires et Documents. Je dois citer tout spécialement ici M. le Dr Paul Aebischer, qui m’a prêté son concours pour revoir les textes du Liber donationum d’Hauterive; /6/ M. le Dr Albert Büchi, professeur à l’Université de Fribourg, qui, en plus des précieux conseils qu’il m’a donnés, a pris la peine de vérifier les extraits de la chronique de François Rudella; mon ami le Dr Gaston Castella, professeur à l’Université de Fribourg, qui m’a fait l’honneur d’adopter mes conclusions et d’en faire état dans sa belle Histoire du Canton de Fribourg; M. Tobie de Raemy, archiviste de l’Etat de Fribourg et ses collaborateurs, qui m’ont fourni avec une inépuisable bonne grâce, les innombrables renseignements que j’ai puisés dans les trésors confiés à leur vigilante garde, et M. Max de Techtermann qui, avec sa grande obligeance, a mis à ma disposition sa parfaite connaissance de tout ce qui touche au passé de Fribourg.
Je dois également remercier très sincèrement S. E. M. Garbasso, Ministre de S. M. le Roi d’Italie en Suisse, qui a bien voulu obtenir pour moi la faveur de publier une reproduction photographique d’une charte des archives d’Etat de Turin; M. l’abbé François Ducrest, directeur de la Bibliothèque cantonale et universitaire de Fribourg, qui m’a autorisé à reproduire un extrait de la Biblia sacra d’Hauterive; la direction de la Bibliothèque de la Ville de Berne, qui m’a permis de reproduire une illustration de son précieux exemplaire de la chronique de Diebold Schilling, et la direction du Musée national, à Zurich, qui a mis à ma disposition la photographie de cette illustration.
Il me reste enfin l’agréable devoir d’exprimer ici toute ma gratitude à M. Maxime Reymond, qui, désigné par le Comité de la Société d’histoire de la Suisse romande, comme commissaire pour la publication de ce volume, a bien voulu, avec sa grande compétence et son amabilité coutumière, me rendre cette dernière partie de ma tâche aussi facile que plaisante, et aplanir toutes les petites difficultés techniques, qui ne manquent pas de se présenter dans un travail de ce genre.
Fribourg, juin-octobre 1924.
/7/
SOURCES ET PRINCIPAUX OUVRAGES CONSULTÉS
| I. MANUSCRITS | |
|---|---|
| A. Archives | |
| AEF | 1. Archives de l’Etat de Fribourg. |
| AM | Fonds « Affaires militaires » ou « Kriegsachen ». — Un fonds général et des fonds particuliers pour les différents quartiers. |
| AV | Fonds « Affaires de la Ville » ou « Stadtsachen ». — Divisé en partie A et partie B. |
| Primo Coll. | Première collection des lois. |
| Cop. | Copies de lettres. |
| Cpte. | Collection des comptes des trésoriers. |
| GLB pap. | Grand livre des bourgeois, en papier. (Voir AF. 1920, 153.) |
| GLB pch. | Grand livre des bourgeois, en parchemin, 2 vol. |
| Gremaud. Hôpital. | Cartulaire du Charitable Grand Hôpital des bourgeois de la ville de Fribourg. 2 vol. (Voir : Paul E. Martin. Catalogue des manuscrits de la Collection Gremaud, 33.) |
| Hautcrêt | Fonds « Hautcrêt ». |
| Haut. | Fonds « Hauterive ». |
| Illens | Fonds « Illens ». /8/ |
| Man. | Collection des manuaux du Conseil. |
| Mss. Lenzbourg. | Collectio diplomatica altaripana. 3 vol. |
| Mss. Rudella. | Fonds « Législation et variétés ». Nos 63 a, 63 b et 63 c. 3 vol. (Voir : Büchi (I) et Castella-Kern. ) |
| Mss. Schneuwly. | Dictionnaire du vieux langage. 1 vol. |
| RN | Collection des registres des notaires. (Voir : Schneuwly.) |
| ACN | 2. Archives du Chapitre de S. Nicolas, à Fribourg. |
| Donations | Fonds « Donations au clergé ». |
| Hôpital. | 3. Archives de l’Hôpital des Bourgeois à Fribourg. Les documents sont cités d’après les numéros qu’ils portent dans deux répertoires I et II. |
| Hôpital. Confrérie. | Fonds relatif à la grande Confrérie du Saint-Esprit. |
| Hôpital. Fonds pies. | Fonds relatif à l’administration des Fonds pies. |
| AMM | 4. Archives de M. le marquis de Maillardoz, à Fribourg. |
| Mss. Rudella–Maillardoz. | Chronique manuscrite de François Rudella. (Voir : Büchi (I).) |
| AEB | 5. Archives de l’Etat de Berne. Fonds « Laupen ». |
| ACV | 6. Archives cantonales vaudoises. Divers documents cités sous leurs cotes. |
| 7. Archives d’Etat de Turin. Fonds « Bénéfices de là les Monts ». /9/ | |
| B. Bibliothèques | |
| BCF | 1. Bibliothèque cantonale et universitaire de Fribourg. |
| Biblia | Biblia sacra. Mss. provenant de l’ancienne bibliothèque de l’abbaye d’Hauterive. |
| Liber | Copie photographique de PSB Liber, avec table donnant les concordances et divergences avec Gremaud. |
| Mss. Fontaine (I) | Collection des comptes des trésoriers de la ville de Fribourg, recueillis et rédigés par le chanoine Fontaine. 24 vol. |
| Mss. Fontaine (II) | Collection diplomatique du chanoine Fontaine. 34 vol. |
| Mss. Lenzbourg. | Bibliothèque économique, cote D 826. (Voir ASHF. X, 350.) |
| Mss. Raemy. | Chronique de Fribourg, par le Secret Jean Antoine Raemy. Mss. non classés. 1 vol. |
| BCC | 2. Bibliothèque du couvent des RR. PP. Cordeliers, à Fribourg. |
| Mss. Fontaine | Réponses aux questions faites par le R. P. Girard pour accompagner le plan de Fribourg d’un texte abrégé. |
| BVB | 3. Bibliothèque de la ville de Berne. |
| Haller | Halleri collectio diplomatica. Tome XX, (Miss. helv. III.) |
| PSB | 4. Preussische Staatsbibliothek, à Berlin. |
| Liber | Liber donationum Alteripe. Mss. classé sous la cote Mss. lat. oct. No 222. |
| II. IMPRIMÉS | |
| AF | Annales fribourgeoises. Revue fribourgeoise d’histoire, d’art et d’archéologie. 11 vol. 1913-1923./10/ |
| AHS | Archives héraldiques suisses. |
| AHVB | Abhandlungen (Archiv) des historischen Vereins des Kantons Bern. |
| Alt | Alt de Tieffenthal (Baron d’). Histoire des Helvétiens, aujourd’hui connus sous le nom de Suisses ou Traité sur leur origine, leurs guerres, leurs alliances et leur gouvernement. 10 vol. 1749-1753. |
| Amman | Amman (Alfred d’). Lettres d’armoiries et de noblesse concédées à des familles fribourgeoises. Paru dans AHS, 1919-1924. |
| ASHF | Archives de la société d’histoire du Canton de Fribourg. 12 vol. 1845-1921. |
| Avenel | Avenel (Vcte d’). Histoire économique de la propriété, des salaires, des denrées et de tous les prix en général depuis l’an 1200 jusqu’à l’an 1800. 6 vol. 1894-1913. |
| Bähler | Bähler (E). Versuch einer Geschichte der Herrschaft Oltigen a. d. Aare. Paru dans Berner Taschenbuch 1883. |
| Below (I) | Below (Prof. Dr G. von). Deutsche Städtegründung im Mittelalter mit besonderem Hinblick auf Freiburg i. Breisgau. 1920. |
| Below (II) | Below (Prof. Dr. G. von). Zur Entstehung der deutschen Stadtverfassung. Paru dans Historische Zeitschrift. Bd. 58 et 59 (Neue Folge 22 et 23). 1887 et 1888. |
| Berchtold | Berchtold (Dr). Histoire du Canton de Fribourg. 3 vol. 1841-1852. |
| Bertoni | Bertoni (G.). Notice sur la bibliothèque d’Hauterive aux XIIe et XIIIe siècles. Paru dans Revue des bibliothèques 1908. |
| Brackmann-Kehr. | Brackmann und Kehr. Die Papsturkunden der Schweiz. Paru dans Nachrichten /11/ von der königl. Gesellschaft der Wissenschaften zu Göttingen. Philolog. hist. Klasse 1904. |
| Büchi (I) | Büchi (A.). Die Chroniken und Chronisten von Freiburg i. U. Paru dans Jahrbuch f. schw. Gesch. XXX et tirage à part. 1905. |
| Büchi (II) | Büchi (Albert). Die Ritter von Maggenberg. Paru dans FGBL. XI. 1908. |
| Büchi (III) | Büchi (Albert). Freiburgs Bruch mit Oesterreich. Collectanea frib. VII. 1897. |
| Buomberger | Buomberger (Dr Ferdinand). Bevölkerungs- und Vermögensstatistik in der Stadt und Landschaft Freiburg im Uechtland um die Mitte des 15. Jahrhunderts. Paru dans FGBL. VI/VII. 1900. |
| Burnet (I) | Burnet (E. L.). Essai sur la sorte d’année employée à la Chancellerie épiscopale de Lausanne au XIIe siècle. Paru dans RHV. 1905. |
| Burnet (II) | Burnet (E. L.). Notes sur la date d’un document d’Hauterive. Paru dans RHV. 1907. |
| Cart. Hautcrêt | Cartulaire de l’abbaye de Hautcrêt. Paru dans MDR. XII. 1852. |
| Cartulaire | Cartulaire du Chapitre de Notre Dame de Lausanne, rédigé par le Prévôt Conon d’Estavayer (1228-1242). Forme le Tome VI des MDR. 1851. |
| Castella | Castella (Gaston). Histoire du Canton de Fribourg. 1922. |
| Castella-Kern | Castella (G.) et Kern (L.). Notes sur la chronique de Rudella. Paru dans AF. 1920. |
| Daguet (I) | Daguet (A.). Histoire de la Confédération Suisse. 7e éd. 1879. |
| Daguet (II) | Daguet (A.). Histoire de la Ville et /12/ Seigneurie de Fribourg. Paru dans ASHF. V. 1889. |
| Dahlmann-Waitz. | Dahlmann-Waitz. Quellenkunde der deutschen Geschichte. 8o Aufl. 1912. |
| Dändliker | Dändliker (Dr Karl). Geschichte der Schweiz, mit besonderer Rücksicht auf die Entwicklung des Verfassungs- und Kulturlebens. 3 vol. 1900-1904. (4e éd. du Tome 1). |
| Dellion | Dellion (R.P. Apollinaire). Dictionnaire historique et statistique des paroisses catholiques du Canton de Fribourg. Continué par François Porchel. 12 vol. 1884-1902. |
| DGS | Dictionnaire géographique de la Suisse. 6 vol. 1902-1910. |
| DHBS | Dictionnaire historique et biographique de la Suisse. Tome 1. 1921. Tome II. 1924. |
| DHV | Mottaz (E.) Dictionnaire historique, géographique et statistique du Canton de Vaud. 2 vol. 1914-1921. |
| Dierauer | Dierauer (Johannes). Histoire de la Confédération suisse. Traduit de l’allemand par Aug. Reymond. 5 vol. 1911- 1919. |
| Diesbach | Diesbach (Max de). Régeste fribourgeois (515-1350). Paru dans ASHF. X. 1912. |
| Du Cange | Glossarium mediae et infimae latinitatis conditum a Carolo Dufresne Domino Du Cange, auctum a monachis ordinis S. Benedicti cum supplementis integris D. P. Carpentarii et additamentis … 7 vol. 1840-1850. |
| Etrennes | Etrennes fribourgeoises. 4 vol. 1806-1809. |
| FA | Fribourg artistique à travers les âges. Publication des sociétés des Amis des Beaux-Arts et des Ingénieurs et Architectes. 23 vol. 1890-1914. /13/ |
| FGBL | Freiburger Geschichtsblätter, herausgegeben vom deutschen geschichtsforschenden Verein des Kantons Freiburg. 27 vol. 1894-1923. |
| Fontaine-Zurich | Fontaine (Chanoine). Notice sur la nature et l’organisation civile de la bourgeoisie de Fribourg, publiée par Pierre de Zurich avec un avant-propos et des notes dans AF. 1920. |
| Fontes | Fontes rerum bernensium. Berns Geschichtsquellen. Tome I. 1883. |
| Foras | Foras (Cte de). Armorial et Nobiliaire de Savoie. 5 vol. parus. 6e en cours de publication. 1868 et suiv. |
| Forel | Forel (François). Régeste soit répertoire chronologique de documents relatifs à l’histoire de la Suisse romande. Forme le Tome XIX des MDR. 1862. |
| Fournier | Fournier (Paul). Le royaume d’Arles et de Vienne. 1891. |
| Fuchs | Fuchs (Chanoine). Texte latin de Raemy-Fuchs. (Voir : Büchi (I)). |
| Galbreath | Galbreath (D. L.). Un sceau inédit de Berthold IV de Zaehringen. Paru dans AHS. 1921. |
| Galiffe | Galiffe (J. A.).Notices généalogiques sur les familles genevoises. 7 vol. 1829-1895 et 1892 et 1908. |
| Gallia christiana | Gallia christiana in provincias ecclesiasticas distributa. Tome XV. 1859. |
| Giesebrecht | Giesebrecht. (W. von). Geschichte der deutschen Kaiserzeit. 6 vol. 1855-1895. |
| Gingins | Gingins (Fréd. de). Mémoire sur le Rectorat de Bourgogne. Paru dans MDR. I. 1838. |
| Girard | (R. P. Girard). Explication du plan de Fribourg en Suisse. 1827. |
| Girard Nob. | Girard (François). Nobiliaire militaire suisse. 2 vol. 1787-1790. /14/ |
| Giry | Giry (A.). Manuel de diplomatique. 1894. |
| Godefroy | Godefroy (Frédéric). Dictionnaire de l’ancienne langue française et de tous ses dialectes du IXe au XVe siècles. 10 vol. 1880-1902. |
| Gremaud | Livre des anciennes donations faites à l’abbaye de Hauterive de l’ordre de Citeaux, publié par l’abbé J. Gremaud. Paru dans ASHF. VI. 1896. |
| Guichenon (I) | Guichenon (Samuel). Bibliotheca Sebusiana. Lugduni. 1660. |
| Guichenon (II) | Guichenon (Samuel). Bibliotheca Sebusiana. Editio nova. Réimpression de l’édition de 1660, faite à Leipzig en 1731 et comprise dans la Nova scriptorum ac monumentorum collectio de C. G. Hoffmann. |
| Guichenon (III) | Guichenon (Samuel). Bibliotheca Sebusiana. Editio nova. Turin. 1780. |
| Guillimann | Franciscus Guillimann. De rebus Helvetiorum sive Antiquitatum Libri V. Friburgi Aventicorum. MDXCVIII. |
| Gumy | Gumy (P. J.). Régeste de l’abbaye de Hauterive de l’ordre de Citeaux depuis sa fondation en 1138 jusqu’à la résignation de l’abbé d’Affry 1449. 1923. |
| Hegel (I) | Hegel (Karl). Die Entstehung des deutschen Städtewesens. 1898. |
| Hegel (II) | Hegel (Karl). Lateinische Wörter und deutsche Begriffe. Paru dans Neues Archiv der Ges. f. ältere deutsche Geschichtskunde. Bd. XVIII. 1893. |
| Hergenrother | Hergenrother (Dr J. Card). Handbuch der allgemeinen Kirchengeschichte. 5e Aufl. bearbeitet von Dr J. P. Kirsch. 3 vol. 1904-1909. |
| Herrliberger | Herrliberger (David). Neue und vollständige Topographie der Eydgnossschaft. 2 vol. 1754-1758. /15/ |
| Heyck (I) | Heyck (Dr Eduard). Geschichte der Herzoge von Zähringen. 1891. |
| Heyck (II) | Heyck (Dr Eduard). Urkunden, Siegel und Wappen der Herzoge von Zähringen. 1892. |
| Hidber | (Hidber (B.). Schweizerisches Urkundenregister. 2 vol. 1863 et 1877. |
| Historia | Historia patriae monumenta, edita jussu regis Caroli Alberti. 1863 et suiv. |
| Holder (I) | Holder (Prof. Dr). Ueberblick über die Freiburger Verfassungsgeschichte. 1900. |
| Holder (II) | Holder (Prof. Dr Ch.). Etudes sur l’histoire du droit fribourgeois. 1901. |
| Hoops | Hoops (Johannes). Reallexikon der germanischen Altertumskunde. 4 vol. 1911-1919. |
| Idiotikon | Schweizerisches Idiotikon. Wörterbuch der schweizerdeutschen Sprache. 7 vol. parus. 8e en cours de publication. 1881-1923. |
| Jacob | Jacob (Louis). Le royaume de Bourgogne sous les empereurs franconiens. 1906. |
| Justinger | Die Berner-Chronik von Conrad Justinger, herausgegeben von Dr J. Studer. 1870. |
| Keutgen | Keutgen (Dr F.). Untersuchungen über den Ursprung der deutschen Stadtverfassung. 1895. |
| Kirsch | Kirsch (J. P.). Die ältesten Pfarrkirchen des Kantons Freiburg. Paru dans FGBL. XXIV. 1917. |
| Kopp | Kopp (Joseph Eutych). Geschichte der eidgenössischen Bünde. 5 vol. 1845-1882. |
| Kuenlin | Kuenlin (F.). Dictionnaire géographique, statistique et historique du Canton de Fribourg. 2 vol. 1832. |
| Laurent | Laurent (Jacques). Cartulaires de l’abbaye de Molesme, ancien diocèse de Langres (916-1250). 2 vol. 1907-1911. /16/ |
| Lehr | Lehr (Ernest). La Handfeste de Fribourg dans l’Uchtland de 1249. 1880. |
| Maag | Maag (Dr Rudolf). Das Habsburgische Urbar. 2 vol. Forment les Tomes XIV et XV des Quellen zur schw. Geschichte. 1894-1904. |
| Man. gén. | Manuel généalogique suisse pour servir à l’histoire de la Suisse. 2 vol. Tome I. 1900-1908. Tome II. 1908-1916. |
| Martignier | Martignier (D.) et Crousaz (Aymon de). Dictionnaire historique, géographique et statistique du Canton de Vaud. 1867. |
| Maurer | Maurer (G. L. von). Geschichte der Städte Verfassung in Deutschland. 4 vol. 1869-1871. |
| MDR | Mémoires et documents publiés par la Société d’histoire de la Suisse romande. 39 vol. 1838-1899. |
| MDR. NS | Idem. Nouvelle série. 11 vol. 1887-1921. |
| Mémorial | Mémorial de Fribourg. 6 vol. 1854-1859. |
| Molsheim | Peter von Molsheims Freiburger Chronik der Burgunder kriege. Herausgegeben von Albert Büchi. 1914. Forme le Tome III de G. Tobler. Die Berner-Chronik des Diebold Schilling. |
| Montheron | Cartulaire de l’abbaye de Montheron. Paru dans MDR. XII. 1852. |
| Mülinen | Mülinen (E. F. von). Helvetia sacra. 2 vol. 1858-1861. |
| Müller | Müller (Jean de), Glutz-Blotzheim (Robert) et Hottinger (J. J.). Histoire de la Confédération suisse, traduite de l’allemand, avec des notes nouvelles et continuée jusqu’à nos jours par Charles Monnard et Louis Vulliemin. 19 vol. 1836-1851. |
| Muyden | Muyden (B. van). Histoire de la Nation suisse. 3 vol. 1896-1899. |
| Nabholz | Nabholz (Hans). Zur Geschichte der /17/ Vermögensverhältnisse in einigen schweizerstädten in der ersten Hälfte des 15. Jahrhunderts. Paru dans Festgabe Paul Schweizer. 1922. |
| NEF | Nouvelles étrennes fribourgeoises. 57 vol. 1865-1924. |
| Niquille | Niquille (Jeanne). L’Hôpital de Notre-Dame à Fribourg. Paru dans ASHF. XI. 1921. |
| Perrier | Perrier (F.). Nouveaux souvenirs de Fribourg. 1865. |
| Poupardin | Poupardin (René). Le royaume de Bourgogne. 1907. |
| Preuss | Preuss (Hugo). Die Entwicklung des deutschen Städtewesens. I. Bd. Entwicklungsgeschichte der deutschen Städteverfassung. 1906. |
| Raemy (I) | Raemy (Abbé Ch.). Le charitable Grand Hôpital des Bourgeois de Fribourg en Suisse. 1889. |
| Raemy (II) | Raemy (Ch. de). Les trois sanctuaires de Marie dans la ville de Fribourg. 1904. Paru dans La Liberté en février 1893. |
| Raemy-Fuchs | Chronique fribourgeoise du XVIIe siècle, publiée et traduite du latin, par Héliodore Raemy de Bertigny. 1852. |
| Rahn | Rahn (J. R.). Zur Statistik schw. Kunstdenkmäler. (Freiburg). Paru dans Anzeiger f. schw. Altertumskunde IV. |
| RDF | Recueil diplomatique du Canton de Fribourg. 8 vol. 1839-1877. |
| Reymond (I) | Reymond (Maxime). Les dignitaires de l’Eglise Notre-Dame de Lausanne jusqu’en 1536. Paru dans MDR. NS. VIII. 1912. |
| Reymond (II) | Reymond (Maxime). Les Sires de Glâne et leurs possessions. Paru dans ASHF. XII. 1918. /18/ |
| RHV | Revue historique vaudoise. 32 vol. 1892-1924. |
| Rietschel | Rietschel (Dr Siegfried). Die civitas auf deutschen Boden bis zum Ausgang der Karolingerzeit. 1894. |
| Rodt (I) | Rodt (Ed. von). Bernische Stadtgeschichte. 1886. |
| Rodt (II) | Rodt (Ed. von). Bern in XIII und XIV. Jahrhundert. 1907. |
| Rodt (III) | Rodt (Ed. von). Die Burg Nydegg und die Gründung der Stadt Bern. 1919. |
| Saladin | Saladin (Guntram). Zur Siedelungsgeschichte des freiburgischen Sensebezirks. Paru dans FGBL. XXVII. 1923. |
| Sander | Sander (Dr Paul). Geschichte des deutschen Städtewesens. Forme le Tome VI des Bonner Staatswissenschaftl. Untersuchungen. 1922. |
| Schmitt | Schmitt. L’abbaye de S. Jean de Cerlier. Paru dans ASHF. I, troisième cahier. |
| Schmöller | Schmöller (Gustav). Deutsches Städtewesen in älterer Zeit. Forme le Tome V des Bonner Staatswissenschaftl. Untersuchungen. 1922. |
| Schneuwly | Schneuwly (J.). Tableau analytique des notaires qui ont stipulé dans le canton de Fribourg, antérieurement au 31 décembre 1868. 1869. |
| Schnürer | Schnürer (G.). Das Necrologium des Cluniacenser Priorates Münchenwiler. Paru dans les Collectanea friburgensia. Nouvelle série X. 1909. |
| Schœpflin | Schœpflin (Jos. Daniel). Historia Zaringo-Badensis. 7 vol. 1763-1766. |
| Schreiber | Schreiber (H.). Urkundenbuch der Stadt Freiburg im Breisgau. 2 vol. 1828. |
| Schröder | Schröder (Richard). Lehrbuch der deutschen Rechtsgeschichte. 6e verbesserte /19/ Aufl. fortgeführt von Eberhard Frh. von Künssberg. 1919-1922. |
| Schultze | Schultze. Die Kolonisation und Germanisierung der Gebiete zwischen Elbe und Saale. 1896. |
| Sohm | Sohm (Rudolf). Die Entstehung des deutschen Städtewesens. 1890. |
| Stadelmann | Stadelmann (Jean). Etudes de toponymie romande. Pays fribourgeois et districts vaudois d’Avenches et de Payerne. Paru dans ASHF. VII. 1902. |
| Stadtchronik | Anonyme Stadtchronik (Bern). Annexe III de Justinger. |
| Suter | Suter (L.). Histoire suisse. Ouvrage traduit de l’allemand par G. Castella. 1914. |
| Suter-Castella | Suter (L.) et Castella (G.). Histoire suisse. 3e édit. 1918. |
| Techtermann | Techtermann (Max de). La maison Techtermann de Bionnens. Paru dans AF. 1914. |
| Varges | Varges (Dr Willi). Zur Entstehung der deutschen Stadtverfassung. Paru dans Jahrbücher für Nationalökonomie und Statistik. 3te Folge. Bd VI. 1893. |
| Welti | Welti (F. E.). Beiträge zur Geschichte des älteren Stadtrecht von Freiburg i. U. Paru dans Abhandlungen zum schw. Recht, du Dr Gmür. Heft 25. 1908. |
| Wochenblatt | Solothurnisches Wochenblatt. 1810-1834 et 1845-1847. |
| Zapf | Zapf. Monumenta anecdota historiam Germaniae illustrantia. 1785. |
| Zeerleder | Zeerleder (Karl). Urkunden für die Geschichte der Stadt Bern und ihres frühesten Gebietes bis zum Schluss des dreizehnten Jahrhunderts. 3 vol. et supplément. 1853-1855. /20/ |
| Zehntbauer | Zehntbauer (Dr Richard). Die Stadtrechte von Freiburg im Uechtlande und Arconciel-Illens. 1906. |
| Zemp (I) | Zemp (Josef). Die schweizerischen Bilderchroniken und ihre Architektur-Darstellungen. 1897. |
| Zemp (II) | Zemp (Josef). Die Kunst der Stadt Freiburg im Mittelalter. Paru dans FGBL. X. 1903. |
| Zurich (I) | Zurich (Pierre de). Les fiefs Tierstein et le terrier de 1442. Paru dans ASHF. XII. 1918. |
| Zurich (II) | Zurich (Pierre de). Catalogue des avoyers, bourgmestres, bannerets, trésoriers et chanceliers de Fribourg au XVe siècle. Paru dans AF. 1918. |
| Zurich (III) | Zurich (Pierre de). Histoire et généalogie de la famille seigneuriale de Billens. Paru dans AF. 1921 et 1922. |
| Zurich (IV) | Zurich (Pierre de). Les origines du décanat de Fribourg. Paru dans Büchi Festschrift et Rev. hist. eccl. 1924. |
| Zurich (V) | Zurich (Pierre de). La construction de l’Hôtel de Ville de Fribourg. Paru dans AF. 1924. |
| Zurlauben | Zurlauben (Béat Fidel Anton von). Tableaux de la Suisse ou voyage pittoresque fait dans les treize Cantons. 3 vol. 1780-1788. |
/21/
PREMIÈRE PARTIE
LES ORIGINES DE FRIBOURG
INTRODUCTION
L’histoire des origines de Fribourg est encore fort obscure.
Les chroniqueurs bernois du XVe siècle, auprès desquels nous devons aller chercher les premiers éléments de notre histoire, fixent la fondation de la cité des bords de la Sarine à douze années avant celle de Berne, c’est-à-dire en 1179, puisqu’ils datent cette dernière de 1191 1.
Pierre de Mölsheim, le premier auteur d’une chronique véritablement fribourgeoise, suit cette même version à la fin du XVe siècle 2.
François Rudella, dans sa chronique manuscrite de 1567 3, François Guillimann, dans son De rebus /22/ Helvetiorum publié en 1598 1 et le chanoine Fuchs, dans sa chronique rédigée à la fin du XVIIe siècle 2 adoptent également la même conclusion.
Un ouvrage d’une importance capitale pour notre histoire et dont la publication suffisait à démontrer l’inexactitude de l’affirmation des auteurs précédents, avait cependant paru avant que Fuchs eût terminé sa chronique. Je veux parler de l’édition, en 1660, par Samuel Guichenon, de sa Bibliotheca Sebusiana qui contient la charte de 1177 — erronément datée, il est vrai, de 1178 — par laquelle Berthold IV de Zaehringen rend au monastère de Payerne, l’alleu sur lequel était construite une partie de Fribourg 3. Il faut admettre que Fuchs n’en avait pas eu connaissance.
Le baron d’Alt n’en continue pas moins à fixer à 1179 la fondation de la ville, en 1749 4, de même que Herrliberger en 1758 5.
La publication de Guichenon n’avait cependant pas passé inaperçue d’historiens tels que Mgr de Lenzbourg et que le chanoine Fontaine, qui ont tous deux reproduit l’acte en question, dans leurs collections diplomatiques respectives 6. Aussi, le rédacteur /23/ des Etrennes 1806, qui a utilisé les travaux de Mgr de Lenzbourg 1, fixe-t-il la fondation « avant 1179 » et dit-il que la ville « a commencé d’être bâtie en 1175 et a été achevée en 1179 » 2 et en 1807, il répète encore « avant 1179 » et dit qu’« en 1162 Fribourg n’était qu’une petite paroisse » 3. De même, le Père Girard, en 1827, dans son Explication du plan de Fribourg, dont les notices historiques sont dues au chanoine Fontaine 4, parle de la fondation « un peu avant 1178 » et laisse entendre qu’il y avait auparavant un château et quelques maisons 5.
Kuenlin est dans l’incertitude en 1832 et prononce les dates de 1175, 1178 et même 1185 6. Jean de Muller, en 1837, dit que Berthold « transforma en ville Fribourg » et cite la date de 1178 7 et de Gingins, en 1838, place la fondation « vers 1178 » 8.
En 1841, Berchtold fait paraître le premier volume de son Histoire du Canton de Fribourg; il connaît les travaux du chanoine Fontaine, auxquels il a fait de fréquents emprunts, ainsi que les copies de documents de Mgr de Lenzbourg et il a de plus à sa disposition le Tome premier du Recueil diplomatique de Fribourg, édité en 1839, qui contient la charte de Berthold IV, avec la date exacte de 1177 9. Il a donc, entre les mains, /24/ la plus grande partie des données nécessaires pour résoudre le problème, mais semble incapable de trancher le débat et s’arrête à une solution mixte, en écrivant : « Fribourg fut fondé … selon les uns en 1160, selon d’autres beaucoup plus tard. La plupart des auteurs placent cette fondation en l’an 1179. Cette divergence d’opinions se laisse facilement expliquer. Une ville ne s’élève pas dans l’espace d’une année et l’on peut dater la bâtisse, du jour où elle a commencé ou de celui où elle a fini. D’ailleurs il s’agit moins d’une construction nouvelle que de l’agrandissement du village et du castel qui existait depuis un temps immémorial sous le nom de Fribourg 1 »
Héliodore Raemy se range à la manière de voir de Berchtold, en 1852 2. F. Perrier, en 1865, fixe la fondation « en 1178/79 3 », Alexandre Daguet, en 1879, « vers 1178 »4, tandis que Lehr, en 1880 5 et le P. Apollinaire Dellion, en 1888, citent la date de 1178 6.
Dans une notice sur la construction de St. Nicolas, communiquée à la Société d’histoire du canton de Fribourg, le 29 octobre 1874, le P. Nicolas Raedlé exposait que la date de la fondation de Fribourg n’était point encore connue d’une manière certaine; qu’on la plaçait, en général, en 1177 ou 1179, « mais que d’après certains passages du livre des donations /25/ d’Hauterive, où le nom de Fribourg apparaît plusieurs fois, on est obligé d’admettre que cette fondation est antérieure à la date ci-dessus, et qu’elle pourrait bien remonter aux premières années du rectorat de Berthold IV, c’est-à-dire à une époque très rapprochée de l’an 1152 »1.
Cette version nouvelle du savant Cordelier fut reprise, en 1889, par l’abbé Ch. Raemy, dans son travail sur l’Hôpital de Fribourg 2, mais la lecture de ce mémoire à la Société d’histoire, le 23 mai 1889, provoqua des observations de l’abbé Gremaud, alors président, qui déclara « qu’il est difficile de faire remonter la date de la fondation de Fribourg à une époque plus ancienne que celle admise ordinairement, soit vers 1178. Les auteurs qui ont adopté un âge plus ancien ont cherché à s’appuyer sur le livre des donations d’Hauterive, mais ce document ne fournit aucune date précise pour cette époque 3 » et c’est, sans doute, le ton catégorique de cette critique qui a empêché la version du P. Raedlé de faire plus tôt son chemin.
Alexandre Daguet, dans son Histoire de Fribourg, parue en 1889 et qui va, pendant plusieurs années, /26/ être la source principale à laquelle puiseront ceux qui étudient notre histoire, dit : « On ne sait pas exactement l’année où commença la construction de la cité. Mais elle était achevée en 1178. 1 » Heyck, en 1891 2, et Dändliker en 1900, disent que la construction commença « vers 1176 »3, tandis que van Muyden dit « en 1176 », dans son ouvrage paru en 1896 4.
Dans l’intervalle, l’abbé Gremaud a cependant publié, en 1896, — en pénitence sans doute de la téméraire affirmation émise par lui sept ans auparavant — son édition du Liber donationum Alteripae, qui va singulièrement faciliter, malgré ses inexactitudes, le travail des historiens 5. Une nouvelle période s’ouvre, au cours de laquelle le doute commence à s’insinuer dans l’esprit de ceux qui abordent l’étude de ce problème et, si M. Zehntbauer cite encore, en 1906, la date de « 1178 » 6, M. Zemp se borne à dire que la ville fut fondée par Berthold IV, sans donner de date 7 et une note dans Dierauer, en 1911, dit : « La date de la fondation est tout à fait inconnue. » 8 MM. Suter et Castella, qui, dans la première édition (1914) de leur Histoire suisse, reproduisaient à peu près les termes employés par Daguet en 1889 9, disent /27/ cependant, dans la troisième édition (1918), que la fondation eut lieu « probablement vers 1178. »1
Enfin, en 1908, deux historiens, MM. Welti et Büchi, ont étudié, d’une façon plus approfondie, ce problème auquel ils ont donné des solutions diamétralement opposées. M. Welti a fait remarquer que la construction de Fribourg avait certainement été commencée avant 1178/79 et que ceux qui plaçaient la fondation en 1160 n’avaient peut-être pas tort et il s’est rallié à la date d’« environ 1170 », tant pour la fondation que pour l’octroi d’une charte de franchises, en exposant, dans une note qui paraît un peu confuse, en raison de sa brièveté, les motifs qui le conduisaient à cette manière de voir 2.
M. Büchi refusait de se ranger aux conclusions de M. Welti et émettait l’hypothèse que la fondation de Fribourg aurait été décidée le 6 octobre 1175, à la « journée », au cours de laquelle Berthold IV fit une donation au monastère de Rueggisberg. Il date la fondation d’« environ 1177 », mais semble avoir été saisi d’un doute, car il dit « environ 1175 » à la page suivante 3 4.
Si l’on examine, maintenant, les causes que ces divers auteurs ont assignées à cette fondation, on constate que c’est Guillimann qui, le premier, a émis, /28/ à la fin du XVIe siècle, l’hypothèse que Fribourg avait été créé pour contenir la noblesse romande 1. Son affirmation semble avoir pour base l’inimitié, signalée par les chroniqueurs bernois du XVe siècle, entre Berthold IV et la noblesse de la Bourgogne transjurane, mais le fondement de cette assertion des chroniqueurs ne paraît pas très solidement établi et les prétendues preuves qu’en avance Gingins 2 ne me semblent pas très convaincantes. Presque tous les auteurs ont cependant accepté cette opinion, exprimée dans des termes divers 3 et le chanoine Fontaine 4, naturellement suivi par Berchtold 5, est l’interprète de la thèse que Fribourg faisait partie d’une chaîne de villes fortifiées, dont on ne s’explique que difficilement le mécanisme.
Dierauer cite, après Gingins, « l’hostilité des évêques de Lausanne » comme cause de la fondation de Fribourg 6 et son affirmation provient, sans doute, de ce qu’il admet implicitement, pour celle-ci, la date de 1178, — ce qui est faux — sous l’épiscopat de Roger de Vico Pisano (1178-1212), dont les démêlés /29/ avec le duc de Zaehringen sont bien connus 1, mais elle est sans valeur si cette création a eu lieu auparavant, car, quoiqu’en dise Gingins 2, les relations de Berthold IV avec Amédée de Clermont d’Hauterive (1144-1159) et avec Landry de Durnes (1159-1178) semblent avoir été bonnes 3.
Gingins a, par contre, le mérite d’avoir, à peu près seul, aperçu le caractère fiscal des fondations dues aux Zaehringen 4.
Cette incursion dans les travaux des historiens, qui se sont occupés des origines de Fribourg, suffit à montrer l’incertitude qui règne à ce sujet et qui est due, semble-t-il, au fait qu’aucune publication, basée sur les procédés de la critique historique moderne, n’a été faite jusqu’à ce jour.
Il m’a donc paru utile de reprendre la question en remontant aux sources originales, c’est-à-dire aux chartes du XIIe siècle.
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CHAPITRE PREMIER
LA DATE DE LA FONDATION DE FRIBOURG
Les chartes du XIIe siècle, relatives à Fribourg ou faisant mention du nom de cette localité, sont extrêmement rares. Elles peuvent être rangées en deux catégories :
A. Les chartes datées;
B. Les chartes non datées;
Nous allons les examiner successivement.
A. Les chartes datées.
Elles sont au nombre de quatre seulement, soit dans l’ordre chronologique :
1. La charte datée de l’année de l’Incarnation 1177, par laquelle Berthold IV de Zaehringen rend au monastère de Payerne l’alleu sur lequel il avait construit une partie de la ville de Fribourg, dont nous nous occuperons par la suite;
2. La charte datée du 11 janvier 1181 (1182), par laquelle Guillaume de Montsalvens confirme à Hauterive les donations faites par ses prédécesseurs 1 ; /32/
3. La charte du 6 juin 1182, par laquelle Roger, évêque de Lausanne, permet aux Fribourgeois de se faire ensevelir dans les monastères d’Hauterive, d’Humilimont et de Payerne 1 ;
4. La charte du 18 mars 1183, par laquelle le pape Lucius III prend le prieuré de Payerne sous sa protection et lui confirme ses droits et ses possessions, parmi lesquelles ecclesia que dicitur de Friborg 2.
Arrêtons-nous au premier de ces documents.
Contrairement à ce que disent Zurlauben 3, Zeerleder 4, Perrier 5, et les Fontes 6, l’original de cette charte n’existe plus.
Les Archives d’Etat de Turin en possèdent, par contre, un vidimus, daté de février 1300 (1301) 7, /33/ délivré par Hugues, abbé d’Hauterive 1 et Rodolphe, abbé de Cerlier 2 et auquel est encore appendu le sceau bien conservé de l’abbé Rodolphe 3. /34/
La charte originale elle-même, pas plus que le vidimus, ne paraissent avoir été connus des premiers historiens de Fribourg. Son texte a été publié, pour la première fois, en 1660, par Guichenon 1, qui dit que le document se trouve aux Archives royales de Turin, mais donne dans son texte la date de 1178, alors que le vidimus porte bien celle de 1177, ainsi que l’on pourra s’en assurer par l’examen de la photographie 2.

Pl. I. Vidimus de l'an 1300, de la charte originale de 1177
Archives d’Etat de Turin
Section I Bénéfices en-delà des Monts. Inv. 83, Paquet 6, No2
Cette charte a été reproduite maintes fois, avec la date erronée de 1178 3 et ce n’est qu’en 1839 que le premier volume du Recueil diplomatique du Canton de Fribourg donna le texte, qu’il dit avoir été collationné sur un vidimus de 1300 existant aux Archives royales de Turin, avec la date exacte de l’année de l’Incarnation 1177 4, c’est-à-dire entre le 25 mars 1177 et le 24 mars 1178, ainsi que le font remarquer les Fontes 5 et Heyck 6. Quelque incertitude paraît /35/ cependant avoir continué à régner, car les auteurs qui citent cette charte lui donnent, au gré de leurs préférences, les dates de 1777, 1178 ou 1179 1.
Si l’on examine, maintenant, le contenu de la charte, on constate qu’à cette date, soit entre le 25 mars 1177 et le 24 mars 1178, le duc Berthold IV de Zaehringen 2 fait connaître qu’il a édifié la ville appelée Fribourg, dont le quart est situé sur un fonds et un alleu appartenant au monastère de Payerne; qu’il a également construit l’église en l’honneur de saint Nicolas se trouvant dans le quart de la dite ville qui appartient au monastère de Payerne; que le prieur Pierre et les moines dudit monastère de Payerne lui ont demandé à maintes reprises de leur rendre leur terre; enfin, qu’après avoir pris l’avis de son conseil et avec le consentement de son fils B. il a rendu au monastère cet alleu et ce qui était construit sur lui, c’est-à-dire l’église de St. Nicolas avec le cimetière 3 et deux pièces de terre pour y construire la maison des moines 4.
Le fait que, le 24 mars 1178 au plus tard, une ville /36/ appelée Fribourg est construite et qu’à la même date une église est également édifiée, nous force à admettre que la fondation de cette ville est antérieure de plusieurs années au 24 mars 1178, car le terme de ville 1, dans le sens où il est employé ici, n’est applicable qu’à une localité comprenant déjà un certain nombre d’habitations, c’est-à-dire dont l’érection a demandé un temps assez long, la construction ne s’effectuant certainement pas au XIIe siècle avec la même rapidité qu’à notre époque et l’érection d’une église nécessitant, vraisemblablement, aussi un laps de temps de plusieurs années.
L’existence d’un cimetière 2 tendrait, elle aussi, à /37/ prouver que la ville est bien antérieure au 24 mars 1178, car, qui dit cimetière, dit tombes et qui dit tombes, dit habitants décédés, c’est-à-dire exprime l’idée d’une localité habitée depuis un certain temps. On n’avait certainement pas, au XIIe siècle, l’idée d’aménager à l’avance de vastes emplacements destinés à ensevelir les morts : il suffit, pour s’en convaincre, de voir ce qu’étaient encore les cimetières, en 1453, lors des visites de Georges de Saluces 1.
Le fait, rappelé dans la charte, que Payerne s’était adressé à maintes reprises (multipliciter) au duc, pour obtenir la reddition de son alleu, est aussi de nature à prouver que la construction de Fribourg avait commencé plusieurs années auparavant. Si l’on peut admettre, en effet, que la première réclamation des moines s’est produite dès le début de la construction, ce « multipliciter » nous fait entrevoir que cette restitution dut demander plusieurs années pour s’accomplir. La lenteur des communications entre Payerne et la résidence de Berthold IV dans le Brisgau, la déférence que le monastère ne pouvait manquer d’avoir envers le Recteur de Bourgogne et, conséquemment, l’impossibilité de renouveler ses instances à des dates trop rapprochées, enfin le fait que le duc — soit volontairement, soit parce que l’objet lui paraissait manquer d’importance — semble s’être fait tirer l’oreille, sont, à cet égard, des considérations que l’on ne peut négliger.
Ce sont ces raisons qui m’obligent à rejeter l’hypothèse, formulée par M. Büchi 2, aux termes de laquelle /38/ la fondation de Fribourg aurait été décidée le 6 octobre 1175 1. Le délai de deux ans ou deux ans et demi, au maximum, écoulé entre la « journée » du 6 octobre 1175 et l’année de l’Incarnation, où il est prouvé que la ville de Fribourg et l’église de St. Nicolas étaient construites, me paraît décidément trop court pour pouvoir admettre que la construction d’une agglomération urbaine, si petite soit-elle, ait pu s’effectuer au cours d’une période aussi brève et la fondation de Fribourg me paraît donc devoir être reportée à une date très antérieure au 6 octobre 1175.
On verra, par la suite, qu’il en est bien ainsi et que l’existence de Fribourg est prouvée plus de dix ans avant cette date. La charte de 1177 ne permet pas, à elle seule, de déterminer l’époque de la fondation. Son analyse nous permet cependant de dire que, si elle eut lieu plusieurs années avant le 24 mars 1178, ce ne fut certainement pas avant 1152. Elle dit en effet expressément que la ville fut fondée par le duc Berthold IV de Zaehringen; or, ce n’est que le 8 janvier 1152 que mourut son père, Conrad de Zaehringen 2 et le 12 janvier 1152 que Berthold IV porte, pour la première fois le titre de duc de Bourgogne 3.
L’examen des chartes non datées va permettre de serrer de plus près la solution du problème. /39/
B. Les chartes non datées.
Les chartes non datées, qui appartiennent au XIIe siècle et ont trait à Fribourg, sont au nombre de vingt et une et se répartissent comme suit, quant à leur origine :
Une provient de la Biblia sacra d’Hauterive 1 ;
Une du Cartulaire de Hautcrêt 2 ;
Une du Cartulaire de Lausanne 3 ;
Quinze du Liber donationum Alteripae 4 ;
Trois, enfin, des Archives d’Hauterive 5.
Comme il serait fastidieux, pour le lecteur, de suivre l’analyse et l’étude de tous ces documents, je me /40/ contenterai d’en examiner, ici, deux qui apportent de précieux éléments pour la solution du problème et renvoie ceux que la question intéresse plus spécialement aux Annexes de ce volume, dans lesquelles il trouvera toutes les indications relatives aux autres chartes.
Le premier document est une notice, dont l’original n’existe plus, mais dont une copie, datant très vraisemblablement du XIIe siècle, figure avec d’autres, sur trois feuillets de parchemin, en tête d’une Biblia sacra, provenant de l’Abbaye d’Hauterive, qui se trouve actuellement parmi les manuscrits de la Bibliothèque cantonale et universitaire de Fribourg. 1 On en trouvera une reproduction photographique à la planche II.

Pl. II. Notice de la Biblia sacra d'Hauterive
Original au fo 1 (verso) de la Biblia Sacra d'Hauterive
L’acte a la teneur suivante :
« Helias de Glane a donné à Ste Marie d’Hauterive son alleu de Berlens et la famille qu’il possédait là, son alleu de Cotens et famille, son alleu de Vilar Reinbolt et famille, son alleu de Nuruos et famille, son alleu d’Avriei et famille, son alleu de Martrans et Symeon de Villa qui était de sa famille et ce qu’il avait de droits dans les vignes de Solrie. Henri, mari de sa sœur, approuve ces donations et promet qu’elle-même les approuvera. Témoins sont : Cono de Groslerio et son fils Cono, Philippus de Chineis, Rodulfus de Barbereschi, Anselmus 2 dal Fribor, Guilelmus de Rossens. Du don de la famille d’Avriei /41/ et de Symeon de Villa. Témoins sont : Petrus et Julianus, moines et Cono, convers, Johannes de Cotens et son fils Uldricus, Petrus maçon (cementarius) de Favarniaco et Petrus maçon (cementarius) d’Arcunciei. Ceci a été fait à Hauterive dans la main de P. abbé ».
Ce document paraît être un résumé de plusieurs donations différentes, mais elles ont été faites en même temps ou à des époques très rapprochées et la mention de l’abbé P., qui se trouve à la fin, semble devoir se rapporter, non seulement à la donation relative à la famille de Avriei et à Symeon de Villa, mais encore à tout ce qui précède. Je pense en trouver la preuve dans le fait suivant.
Le Liber donationum Alteripae contient un acte qui dit : « Helias de Glana a donné dans le territoire de Martrans un lunage de son alleu avec ses appendances. Rainerius de Martrans tient d’Hauterive ce lunage pour un cens annuel de douze deniers payables à la nativité de Ste Marie. Témoins sont : Cono, prêtre d’Escuvilens, Rodulfus de Barbereschi, Martinus, convers 1 ».
On remarquera que, dans cet acte, qui est certainement postérieur au précédent, puisque Hauterive y donne à cens une partie de ce qui lui a été octroyé par Helias de Glana, on trouve comme témoins, d’une part Rodulfus de Barbereschi, qui figure aussi comme témoin, avec Anselmus dal Fribor, dans l’acte précédent, et, d’autre part, Cono, prêtre d’Escuvilens, /42/ qui figure dans des donations contemporaines de l’abbé P 1 ou antérieures à lui 2. On doit donc admettre que les différentes donations d’Hélias de Glana sont de la même époque et contemporaines de l’abbé P.
Les objets des donations n’apportent aucun élément pour déterminer la date du document.
Du donateur, Helias de Glana, on ne sait que fort peu de chose. Il est impossible de dire si, oui ou non, il appartient à la famille de Glâne. Il est encore cité dans un autre acte du Liber, faisant seulement allusion à une pièce de terre donnée par lui à Cotens 3. La copie, faite en 1478, par le commissaire Carmentrant, du document que nous étudions, appelle Helias « filius Cononis de Porta Glana » 4. Cette indication ne se trouve pas dans la Biblia, mais cela ne suffit pas pour dire qu’elle est inexacte, car le copiste peut l’avoir trouvée dans l’original de l’acte, qui existait peut-être encore en 1478, ou dans une autre pièce qui nous est inconnue. Elle semble, du reste, correspondre à la réalité, car on a, dans le Nécrologe de Villars-les-Moines, un acte de 1146, dans lequel paraît Dame Agnes, femme de Sgr Cono et son fils Helias 5. Cono de Porta Glana figure dans les actes Nos 5, 6, 31, 32, 40 et 237 de Gumy et c’est vraisemblablement aussi /43/ lui qui est mentionné sous le nom de Cono de Porta dans les actes Nos 4, 9 et 255. Or, les actes Nos 4, 5 et 6 1 sont du 25 février 1138 et Cono y paraît dans l’entourage du fondateur, Guillaume de Glâne; le No 9 est antérieur au 24 mars 1138, puisqu’il est confirmé avant cette date par Guy de Maligny, évêque de Lausanne 2 ; les Nos 31 et 32 sont antérieurs au 21 mars 1143, puisqu’ils sont confirmés à cette date par ce même prélat; la date du No 40 ne peut être précisée, pas plus que celle du No 237 et enfin le No 255, date du temps de l’abbé Guilelmus, dans lequel il faut sans doute, à cause des personnages cités, reconnaître l’abbé Guilelmus II, c’est-à-dire, au plus tôt de 1163, comme je vais l’expliquer par la suite. On sait encore que Helias de Glana mourut un 1er mars 3 ; qu’il était décédé avant 1214; que son neveu, le chevalier Uldricus de Cressier vivait encore à cette époque et que les fils de ce dernier, Borcardus et Cono — les petits-neveux de Helias — étaient, à cette date, en âge de donner leur consentement à un acte 4.
Si nous passons aux témoins cités aux côtés d’Anselmus dal Fribor : Cono de Groslerio est cité dans un acte 5 dont on peut fixer la date entre 1157 au plus /44/ tôt et 1162 au plus tard, parce qu’il est fait mention de Petrus, prieur de Villars-les-Moines, qui remplissait cette fonction en 1158 1 et de R. abbé d’Hauterive, qui ne peut être que Richardus, abbé après 1157 et avant 1162, comme je vais l’expliquer par la suite. Philippus de Chineis est témoin dans un acte 2 certainement antérieur à 1143, puisqu’on y voit paraître Guy de Maligny, évêque de Lausanne, qui résigna sa charge en 1143, et dans deux autres actes, dont il n’est pas possible de fixer la date 3. Guilelmus de Rossens est encore témoin dans un autre acte 4, aussi passé en présence de l’abbé P. et où figurent également les moines Petrus et Julianus, dont il est question dans le document analysé. Les noms des autres témoins n’apportent pas d’indications suffisamment intéressantes pour être signalées.
Ces données suffiraient pour permettre de penser que l’acte en question est du milieu du XIIe siècle, mais la personnalité de l’abbé P. va nous donner des précisions plus grandes.
L’abbé P. est très certainement l’abbé d’Hauterive Pontius, car, dans le catalogue des abbés, il n’en est aucun autre dont l’initiale soit P, avant l’abbé Pierre /45/ de Gruyère, qui occupa cette charge au milieu du XIIIe siècle seulement 1.
La première liste des abbés d’Hauterive, établie au plus tard au début du XIVe siècle 2 cite les abbés dans l’ordre suivant : Girardus, Richardus, Pontius, Astrolabius, Hugo de Port, Uldricus de Martrans, Wilhelmus li Provinciaul. L’abbé Girardus est encore abbé d’Hauterive en l’an de l’Incarnation 1157 3, soit entre le 25 mars 1157 et le 24 mars 1158; le Nécrologe dit qu’il mourut le 1er janvier 1157, par quoi il faut probablement entendre le 1er janvier 1158, en comptant d’après le style de Lausanne. Ces deux indications ne sont donc pas absolument contradictoires, mais les renseignements donnés par le Nécrologe sont fort sujets à caution et il est certain que Girardus vécut encore comme moine, après avoir résigné la charge d’abbé, car il figure sous la désignation de « Girardus, moine de Cherlieu, jadis abbé d’Hauterive » (monachus de Caroloco olim abbas Alteripae) dans un acte 4 dont la date précise ne peut être fixée, mais qui est donc certainement postérieur à 1157, et sous celle de « Girardus, moine de Cherlieu » dans deux autres actes non datés 5 et il se trouve, dans l’un d’eux, avec l’abbé Richardus, son /46/ successeur 1. L’abbé Richardus paraît une fois sous ce nom et deux fois sous l’initiale R dans trois documents dont la date ne peut être fixée 2.
Si l’on s’en tenait à la première liste des abbés, le successeur immédiat de Richardus aurait été l’abbé Pontius, mais cette liste fait évidemment une erreur, car on a la preuve certaine qu’entre Richardus et Pontius, il y a eu un abbé portant le nom de Wilhelmus ou Guilelmus.
En effet, on possède un acte dans lequel paraît cet abbé Wilhelmus; on n’en connaît point la date, mais on sait qu’il fut fait le jour de la translation de Guillaume de Glâne 3. Or un autre acte, aussi passé le jour de cette translation 4, fut confirmé par l’évêque Landry de Durnes en l’an de l’Incarnation 1162, en présence de l’abbé P. d’Hauterive 5 et un autre acte, dans lequel figure également l’abbé W. 6, est aussi confirmé en 1162 par Landry de Durnes. Un beau chirographe des archives d’Hauterive 7 rappelle, de /47/ plus, une donation faite à Hauterive et à l’abbé Guilelmus, par Guilencus, prieur de Payerne, de tout ce que le monastère de Payerne possédait dans le Dasalei. Il dit également que, par la suite, ce même Guilencus vint à Hauterive et confirma cette donation entre les mains du prieur d’Hauterive, Theodoricus. Il indique ensuite quelle était la loi de l’usage au Dasalei et ajoute « actum anno incarnationis domini 1173 1 ». A la suite de cette mention, il est dit que, plus tard, le prieur de Payerne, Petrus, successeur dudit Guilencus, céda à Hauterive les dîmes que Payerne possédait au Dasalei. Cet acte rappelle donc trois donations. La date de 1173 est évidemment celle de la confirmation par Guilencus de Payerne, lors de sa venue à Hauterive, en présence du prieur Theodoricus d’Hauterive et cette attribution se trouve confirmée par le fait qu’un autre acte de 1173 2 mentionne aussi Theodoricus comme prieur à cette époque. La cession faite par Petrus, prieur de Payerne, est évidemment postérieure, puisque Petrus y est dit successeur de Guilencus. Quant à la donation de Guilencus à Guilelmus, abbé d’Hauterive, elle est évidemment antérieure à 1173, puisque Guilencus la confirme à cette date, mais le document ne permet pas d’en fixer la date. Un autre acte va nous y aider.
Un autre chirographe d’Hauterive 3 rappelle cette donation faite à Hauterive par Guilencus, prieur de /48/ Payerne; il rappelle également la donation de Petrus, successeur de Guilencus et ajoute que plusieurs années après (post plurimos annos), Theobaldus, prieur de Payerne, réclama en disant que ces conventions n’avaient pas de valeur, parce qu’elles avaient été faites au temps du schisme d’Alexandre et d’Octavian (prescriptas donationes et conventiones tempore scismatis Alexandri et Octaviani, tamen non causa scismatis factas et ob hoc non debere stare reclamarunt) et en firent une nouvelle confirmation.
Le schisme dont il est ici question, est celui de l’antipape Victor IV. Or Alexandre III fut élu le 7 septembre 1159 et consacré le 20 du même mois; le cardinal Octavian fut consacré le 4 octobre 1159, sous le nom de Victor IV et mourut le 20 avril 1164 1. Bien que le schisme se soit prolongé jusqu’en 1178, avec Guido de Crémone et Jean de Strume, que l’Empereur suscita comme compétiteurs à Alexandre III, sous les noms de Pascal III et de Calixte III, il ne peut s’agir ici que du schisme qui se termina par la mort de Victor IV, puisqu’il est parlé du schisme d’Alexandre et d’Octavian.
La mention d’un acte passé au temps de ce schisme ne peut pas s’appliquer à la confirmation par Guilencus de Payerne en présence de Theodoricus, prieur d’Hauterive, puisque celle-ci porte la date certaine de 1173. Elle ne peut donc se rapporter qu’à la première donation, celle faite par Guilencus de Payerne à Guilelmus, abbé d’Hauterive, et il s’ensuit donc que c’était Guilelmus qui était abbé au temps de ce schisme, /49/ soit entre octobre 1159, au plus tôt, et avril 1164, au plus tard.
On a donc la preuve certaine qu’un Guilelmus a été abbé d’Hauterive peu avant 1162, bien que la première liste des abbés ne fasse pas mention de lui. Il semble du reste qu’il occupa cette charge pendant fort peu de temps, car on a des preuves certaines que c’était Pontius qui était abbé en 1162.
L’abbé Pontius figure, en effet, dans un acte 1 par lequel Endricus de Espendes renouvelle, entre ses mains, des donations précédemment faites à Hauterive 2. Or, il est dit, dans ce document, que ce renouvellement s’est effectué au temps où l’empereur Frédéric assiégeait Milan (hoc est tempore quo Fredericus imperator Mediolanum obsidiebat) et cette indication est suffisamment précise pour permettre de dire que l’acte a été rédigé entre 1159 et le début de mars 1162 3. Il figure encore, mais sous l’initiale P seulement, dans l’acte daté de l’an de l’Incarnation 1162, par lequel Landry, évêque de Lausanne, déclare prendre sous sa protection l’église du monastère d’Hauterive et confirme des donations faites /50/ antérieurement 1, dans deux actes non datés 2 mais certainement antérieurs à 1162, puisqu’ils sont confirmés par l’acte de 1162 dont je viens de parler, et enfin dans quatre autres actes non datés, auxquels rien ne permet d’attribuer une date 3. Son existence comme abbé d’Hauterive n’est donc prouvée qu’en 1162 et peu avant 1162 et il ne semble pas qu’il ait exercé cette charge après cette date.
Entre Pontius, abbé en 1162, et Guilelmus, dont l’existence comme abbé est prouvée au plus tard en 1172 4, la première liste des abbés place les abbés Astrolabius, Hugo et Uldricus. Le premier ne figure que dans un seul document 5, dont la date ne peut être établie, le second ne paraît dans aucun acte, mais il semble difficile de nier son existence et enfin le troisième paraît dans trois documents, dont on ne peut déterminer la date 6. Le fait que quatre personnages /51/ différents ont occupé la charge d’abbé d’Hauterive, dans le court espace de dix ans, montre que la durée de leurs fonctions a été fort courte et il semble difficile d’admettre que Pontius a été abbé pendant plus de deux ou trois ans.
De tout ce qui précède, il paraît résulter que la donation faite par Helias de Glana, entre les mains de l’abbé Pontius, en présence d’Anselmus dal Fribor date de 1162 ou d’une époque extrêmement voisine de cette date.
Je ne veux aucunement m’attribuer le mérite d’être le premier à avoir établi la date de ce document. Si Mgr de Lenzbourg lui a assigné celle de 1179 1, qui est manifestement fausse, puisqu’à cette époque l’abbé portait le prénom de Guilelmus, le P. Nicolas Raedlé a déjà envisagé la possibilité de dater cet acte de 1162 2, M. F. Welti le place entre 1160 et 1172, en invoquant une partie des arguments auxquels je viens moi-même d’avoir recours 3 et Mgr Gumy /52/ conclut également, pour des motifs analogues, à la date de 1162 1.
Il me reste à tirer la conclusion de cette constatation : c’est que, s’il existait en 1162, au plus tard, un personnage appelé « Anselmus dal Fribor », la ville de Fribourg a été fondée par Berthold IV de Zaehringen avant 1162.
Trop respectueux, peut-être, de l’opinion généralement admise, M. Welti et Mgr Gumy n’ont pas osé énoncer cette conclusion, qui s’impose cependant. M. Welti s’est borné à fixer l’octroi de la charte de franchises de Berthold IV à Fribourg « vers 1170 » 2, tout en reconnaissant que ceux qui placent la fondation de la ville en 1160 n’ont peut-être pas tort 3. Mgr Gumy a émis d’autre part, après Fontaine, Jean de Muller, Berchtold et d’autres, l’hypothèse « que sur l’emplacement où fut bâtie la ville des Zaehringen, il existait déjà un château ou un hameau portant le nom de al Fribor 4 ». Comme cette hypothèse, à laquelle je m’étais naturellement aussi arrêté un instant, doit être rejetée, parce que la toponymie est incapable d’expliquer le nom de « Fribor » autrement, qu’avec le sens de « freie Burg », c’est-à-dire « ville libre », qui présuppose l’octroi d’une charte de franchises, il ne reste qu’à conclure résolument que la fondation de Fribourg est antérieure à 1162.
Si je puis me borner à étudier dans les Annexes, les chartes non datées qui mentionnent Lambertus /53/ mansionarius dal Fribor 1, Hugo sacerdos dal Fribor puis decanus dal Fribor 2, Enguicius dal Fribour ou de Friborch 3, Galterus de Friborch 4, Gerlais dal Fribor 5, Raymundus canonicus et decanus de Friborc 6, l’altare de Fribor, un modium avene dal Fribor et enfin Fribor 7 et à y renvoyer ceux que ces recherches intéressent, il est nécessaire que j’étudie encore ici un autre document non daté du XIIe siècle.
Ce document est une missive adressée par B. dux et rector Burgundie à H. sacerdoti et T. sculteto ceterisque burgiensibus tam majoribus quam minoribus, par laquelle l’expéditeur invite les destinataires à ne plus se permettre, envers le monastère d’Hauterive, qu’il a pris sous sa protection et qu’il a libéré de tout cens, des exactions comme celle qu’ils se sont permise au sujet de la maison que ce monastère possède dans leur ville 8.

Pl. III. Lettre de Berthold IV de Zaehringen à Fribourg
Arch. de Etat de Fribourg, Fonds Hauterive III No2
On se trouve ici en présence d’un problème particulièrement difficile, puisque la missive n’est pas datée et qu’elle ne mentionne que d’une façon imprécise l’expéditeur et les destinataires. L’écriture est /54/ certainement du XIIe siècle, mais cette seule constatation ne permet pas de décider si B. dux et rector Burgundie se rapporte à Berthold IV de Zaehringen († le 8 septembre ou le 8 décembre 1186) ou à son fils Berthold V († le 18 février 1218). Cependant, comme l’auteur de la missive rappelle qu’il a pris Hauterive sous sa protection, ce qui est le fait de Berthold IV, il semble que l’on puisse en conclure que c’est bien de celui-ci qu’il s’agit.
En ce qui concerne les destinataires, on constate que le document est adressé à une ville dont Berthold IV est le suzerain, puisqu’il lui donne des ordres et à une ville dans laquelle Hauterive possède une maison et dont le curé porte un prénom qui commence par H. On doit donc admettre que c’est à Fribourg qu’est adressée cette missive : elle est en effet vassale des Zaehringen, on lui connaît un curé du nom de Hugo, dans la seconde moitié du XIIe siècle 1 et la possession d’une maison par Hauterive y est prouvée déjà au milieu du XIIIe siècle 2. Le nom d’un avoyer au prénom commençant par T ne se trouve, par contre, dans aucun autre document.
Tout ce que l’on peut dire avec ces éléments est que l’acte est antérieur à 1186; la plupart des auteurs qui s’en sont occupés le datent de 1179 ou d’environ 1179, sans dire pour quelle raison 3. /55/
Essayons de préciser la date de ce document. Le sceau, jadis appendu à cette missive, n’existe plus, mais il a existé et deux auteurs, au moins, l’ont encore vu au début de la seconde moitié du XVIIIe siècle, Haller 1 ne date pas le document, mais le place immédiatement avant l’acte de 1157 par lequel Berthold IV de Zaehringen affranchit Hauterive de tout tribut 2 et il donne des sceaux de ces deux actes la même reproduction schématique, c’est-à-dire un lion au centre, entouré de l’inscription Berchtoldus Dux Zeringiae et Burgundiae Rector, semblant ainsi admettre que ces deux documents sont contemporains. Schœpflin décrit à son tour les sceaux, en 1765. Pour la charte de 1157, il dit : « Chartae huic appendet sigillum, quod exhibet leonem a dextra ad sinistram salientem cum epigraphe : Berchtoldus Dux Zeringie et Burgundie Rector » 3 ; pour la missive, il s’exprime comme suit : « Sigillum appendens rotundum e cera, in area rubra leonem aureum, a dextra ad sinistram salientem exhibet, cum inscriptione : Berchtoldus Dux Zeringie et Burgundie Rector 4 ».
Tout en s’étonnant que Schœpflin ait pu reconnaître des émaux dans un sceau en cire datant d’une époque /56/ où leur représentation graphique était inconnue 1, on peut admettre, d’après les indications de Haller et de Schœpflin, que le sceau de la missive était identique à celui de la charte de 1157. Zeerleder a tiré, lui aussi, cette conclusion et il en a déduit, le premier, que le B. dux et rector Burgundie était bien Berthold IV et non son fils 2.
Or, si le sceau de la missive a disparu, celui de la charte de 1157 existe encore ou, du moins, il en subsiste encore des fragments dont la reproduction a été donnée par le Dr Heyck 3 et M. D.-L. Galbreath 4. L’examen de ces vestiges équivaudra donc à celui du sceau jadis appendu à la missive. Ceux qui s’attendaient, sur la foi des indications de Haller et de Schœpflin, à y voir le « lion des Zaehringen » seront sans doute assez surpris de constater que le sceau « montre le duc tenant le gonfanon de la main droite et appuyant la gauche sur son écu, sur lequel on ne distingue d’ailleurs plus rien d’utile 5 ». Quant à la légende, dont quelques lettres seulement subsistent et où l’on ne peut lire que « …x et rector Burgundie », elle paraît avoir été « Bertoldus Dux et Rector Burgundie », comme le comporte le titre de Berthold IV dans la charte de 1157 et en tête de la missive, mais n’a certainement jamais été le « Berchtoldus Dux Zeringie et Burgundie Rector » qui constitue une forme dont Berthold IV n’a jamais fait usage. On a donc là, /57/ sous les yeux, un sceau pédestre de Berthold IV de Zaehringen, fondateur de Fribourg et puisque ce sceau de 1157 était identique à celui de la missive, on doit en conclure que celle-ci était aussi munie du sceau pédestre de ce personnage.
La constatation faite à propos du sceau de l’acte de 1157 ne surprendra pas ceux qui savent que le fameux « lion des Zaehringen » n’est qu’une légende et n’a jamais figuré sur leurs armoiries. Le Dr Heyck rend les moines d’Hauterive responsables de cette bévue de Schœpflin, qui est à la base de cette légende et s’étonne que ces religieux et Schœpflin aient pu confondre avec celle d’un lion, l’image du fondateur de Fribourg 1. Sans vouloir laver entièrement les moines du reproche qui leur est fait, je ne crois cependant pas qu’ils aient été victimes de la confusion qu’on leur impute. Me basant sur le fait, signalé du reste par Heyck, qu’un livre de copies des archives d’Hauterive, portant la date de 1772, reproduit le sceau de l’acte de 1157 comme un écu triangulaire avec un lion tourné vers la gauche, je pense que les moines n’ont pas pris pour un lion l’être humain qui figure sur ce sceau, mais bien qu’ils ont cru voir un lion sur l’écu triangulaire auquel s’appuie le duc et sur lequel « on ne distingue d’ailleurs plus rien d’utile 2 ».
On voit ainsi qu’en 1157 Berthold IV de Zaehringen faisait usage d’un sceau pédestre, mais il est évident que la missive est postérieure à cette date, puisque le fondateur de Fribourg y rappelle qu’il a affranchi /58/ Hauterive de tout cens et que cet affranchissement a précisément eu lieu en 1157.
On sait, d’autre part, qu’en 1169 déjà, Berthold IV ne faisait plus usage d’un sceau pédestre, mais bien d’un sceau équestre 1 et l’on n’a plus de lui, depuis lors, que des sceaux équestres. Il est donc nécessaire d’en conclure que la missive est antérieure à 1169, puisqu’elle était encore munie d’un sceau pédestre.
Ainsi, l’examen d’un premier document nous a démontré que Fribourg avait été fondé avant 1162, l’étude du second nous fait voir qu’avant 1169, Fribourg était une ville, qu’elle avait des bourgeois, un avoyer et un curé et enfin qu’Hauterive y possédait une maison. Quelle date peut-on attribuer à sa fondation ? J’estime que Fribourg a été fondé en 1157 et je vais maintenant exposer les motifs sur lesquels je me base pour émettre cette affirmation.
On sait que Conrad de Zaehringen étant décédé le 8 janvier 1152 2, l’empereur Conrad III s’empressa de reconnaître comme son successeur son fils Berthold IV de Zaehringen, qui porte déjà, dans une charte du 12 janvier 1152, le titre de duc de Bourgogne 3.
Conrad III mourut un mois plus tard, à Bamberg, le 15 février 1152 et son neveu Frédéric Barberousse, élu roi le 5 mars à Francfort, lui succéda. Dès son accession au trône, il s’empressa de conclure, avec Berthold IV, un traité dont la date exacte n’est pas connue, mais doit être fixée entre le 5 mars et le 1er /59/ juin 1152 et aux termes duquel le roi s’engageait à donner au duc la lieutenance générale des deux Bourgognes et de la province d’Arles, tout en s’en réservant le gouvernement, lorsqu’il y séjournerait en personne et à entrer, le 1er juin 1152 au plus tard, à la tête d’une armée, dans les provinces bourguignonnes, de façon à le mettre en possession réelle de l’autorité. En compensation, Berthold IV prenait l’engagement d’accompagner Frédéric Barberousse, à la tête d’une force militaire, lorsque celui-ci se rendrait en Italie, pour s’y faire couronner empereur 1.
Les deux parties paraissent avoir tenu à observer ces stipulations. Berthold IV est titré de duc de Bourgogne dans des chartes de la seconde moitié de 1152 2 et Frédéric se met en route, au début de 1153 — un peu en retard sur la date convenue — pour la Bourgogne où il tient une « journée » à Besançon, le 15 février 1153. Expédition de courte durée, du reste, puisque Barberousse est de retour de Constance, le 4 mars déjà. Une certaine tension semble régner entre les deux contractants, à partir de ce moment et elle se manifeste par le fait que la chancellerie impériale s’ingénie alors à donner à Berthold IV d’autres titres que celui de duc de Bourgogne.
Le duc de Zaehringen n’hésite point, cependant, à tenir sa promesse. Lorsque les troupes se rassemblent au Lechfelde, au début d’octobre 1154, il est auprès de son souverain et accompagne fidèlement celui-ci /60/ pendant toute son expédition d’Italie, qui dure d’octobre 1154 à novembre 1155, date à laquelle l’empereur, couronné à Rome le 18 juin 1155, est de retour à Constance.
Ce n’est certainement pas au cours de cette période que la fondation de Fribourg a pu avoir lieu : la longue absence de Berthold et les grands intérêts qui occupaient son esprit devaient le détourner d’un objet d’aussi minime importance. Mais la situation n’allait pas tarder à changer.
L’année 1156 devait voir un événement qui allait jouer un rôle capital dans l’histoire du fondateur de Fribourg. Au mois de juin 1156, l’empereur Frédéric Barberousse épousait, à Wurzbourg, Béatrix, fille et héritière de Rainaud III, comte de Mâcon. Cette union modifiait complètement la situation existant au moment de la conclusion du traité de 1152, car une grande partie des territoires concédés à Berthold IV, à cette époque, appartenait à Béatrix et il était inadmissible que l’empereur consentît à ce que son épouse fût la vassale de celui dont lui-même était le suzerain. Le traité de 1152 ne pouvait donc manquer d’être révisé.
Il le fut, en effet, dans la seconde moitié de 1156 1 et, bien que nous ne connaissions pas le texte de l’entente qui intervint alors entre Barberousse et le duc de Zaehringen, nous savons cependant quelles en furent les grandes lignes. Berthold restituait la Bourgogne cisjurane et la province d’Arles et recevait, en compensation, l’avouerie impériale et /61/ l’investiture des droits régaliens des évêchés de Genève, Lausanne et Sion. 1
La Bourgogne transjurane constituait donc, maintenant, en y ajoutant ses biens du Brisgau, la partie la plus considérable des territoires sur lesquels pouvait s’appuyer la puissance du duc de Zaehringen et prenait, à ses yeux, une importance qu’elle n’avait pas eue jusqu’alors. Il devait donc avoir hâte de s’y rendre et d’y établir solidement son autorité.
Cette conclusion paraît s’être imposée à Berthold IV, comme elle s’impose encore à nous-mêmes, aujourd’hui, et l’année 1157 le vit apparaître dans nos contrées. Le 5 février 1157, le duc est à Ulm où il rencontre l’Empereur 2 ; le 3 novembre 1157, il est de nouveau auprès de lui, à Dole et l’accompagne à Montbarrey, où il est le 14 novembre et à Arbois, où il se trouve le 18, mais il n’est plus avec lui le 23 et on ne le retrouve auprès de Barberousse que le 3 mars 1158, à Strasbourg. Il prend ensuite part à la seconde expédition de l’empereur en Italie, de juin 1158 à 1160 et ne quitte son souverain que pour une courte absence, dans l’automne 1158, destinée probablement à chercher des renforts, et pour une autre, au printemps de 1160.
C’est donc entre le 5 février et le 3 novembre 1157 que la présence du duc de Zaehringen, dans nos contrées, paraît la plus plausible. Elle est du reste /62/ prouvée, au cours de l’année de l’Incarnation 1157, c’est-à-dire entre le 25 mars 1157 et le 24 mars 1158, par la charte par laquelle Berthold IV affranchit l’abbaye de Hautcrêt de tout péage et de toute contribution dans l’étendue de sa juridiction 1 et par celle par laquelle il accorde ces mêmes privilèges à l’abbaye d’Hauterive, dans les mêmes termes et en présence des mêmes témoins 2.
Un autre témoignage de sa présence dans cette région, au cours de 1157, est le compromis passé entre lui et S. Amédée, évêque de Lausanne. Le Cartulaire de Lausanne en donne un résumé 3, qui se trouve authentiqué par le fait qu’il est formellement rappelé dans une bulle d’Alexandre III, du 17 octobre 1179 4. La mention du Cartulaire n’est, il est vrai, pas datée, mais comme le traité a été passé entre Berthold IV et S. Amédée, les dates extrêmes qu’on peut lui assigner sont, d’une part, le 8 janvier 1152 (mort de Conrad de Zaehringen) et d’autre part le 27 août 1159 (mort de S. Amédée) 5. Or, ainsi que le fait remarquer Heyck 6, l’histoire de Berthold IV ne permet de placer cette rencontre, ni avant, ni après 1157. Il faut donc s’en tenir à 1157, ce qui est du reste vraisemblable, en raison des deux chartes que je viens de citer. /63/
Ainsi donc, la présence de Berthold IV de Zaehringen, qui fut le fondateur de Fribourg, est prouvée en Suisse romande en 1157; son désir de se concilier l’évêque de Lausanne est démontré, en 1157, par le compromis avec S. Amédée et les chartes en faveur de Hautcrêt et Hauterive. L’intérêt que présentent, à cette époque, pour le duc, les territoires à l’ouest de la Sarine est évident, de même que la nécessité, pour lui, d’y établir son autorité. La ville de Fribourg a été fondée par lui avant 1162.
Toutes ces considérations me paraissent suffisantes pour formuler l’hypothèse — je dirai plus — pour affirmer qu’il est presque certain que Fribourg a été fondée en 1157 1.
/64/
CHAPITRE II
LES CAUSES DE LA FONDATION DE FRIBOURG
Pour être maître d’un pays, pour établir sa domination sur une contrée, il faut avant tout être maître de ses voies de communication : c’est une règle fondamentale de l’art militaire de tous les temps. Le plus sûr moyen d’obtenir ce résultat est de placer sur ces voies, en des points qu’on ne puisse contourner, des forces qui permettent de contrôler d’une façon absolue la circulation et d’arrêter celle-ci ou de la laisser s’effectuer. Un abri pour la troupe destinée à cet emploi constitue naturellement un avantage, surtout si l’occupation doit être prolongée et la facilité de défense contre des coups de main doit évidemment jouer un rôle dans le choix des emplacements.
Or, si l’on considère une carte de la région située à l’est de Lausanne, on ne peut manquer d’être frappé par le fait qu’il existe, à l’extrémité orientale du lac Léman, un massif montagneux constitué par les Alpes vaudoises, fribourgeoises et bernoises et dans lequel prend sa source une rivière, la Sarine, qui coule du sud au nord, dans une vallée profondément encaissée sur la plus grande partie de son cours, et se jette dans l’Aar au sud d’Aarberg.
L’existence de ce phénomène géographique /65/ constitue un double obstacle pour les communications de Lausanne vers l’est et celles-ci ont donc dû être déviées vers le nord, pour pouvoir le tourner. C’est la raison pour laquelle les grandes voies romaines se dirigent de Lausanne, par Orbe et de Vevey, par Moudon, sur Avenches, Soleure et Augst.
La Sarine ne constitue cependant pas un obstacle infranchissable, mais les points auxquels elle peut être franchie sont relativement peu nombreux et déterminés par la disposition des lieux. C’est donc naturellement à ces emplacements qu’ont été établis, en premier lieu, les passages, soit en remontant du sud au nord, à Broc, Corbières, Pont-la-Ville, Corpataux, Fribourg, Bonn, Laupen, et Gummenen 1.
Comme il est prouvé que les deux rives de la Sarine ont été habitées à l’époque romaine et à celle qui vit les Alémanes et les Burgondes 2, il est légitime de penser que des relations ont existé entre les habitants des deux rives et que la plus grande partie des points de passage que je viens de citer ont été utilisés depuis des temps très reculés.
Il importe encore de remarquer que ces points où la Sarine peut être franchie n’ont pas tous la même importance. Broc, Corbières, Pont-la-Ville et /66/ Corpataux conduisent dans la région montagneuse, qui paraît avoir été peuplée plus tard que le reste du pays, et ne jouent donc qu’un rôle secondaire en ce qui concerne le trafic. Bonn, Laupen et Gummenen sont fort excentriques, si l’on considère un système de communications entre Lausanne et la région où s’élèvera Berne à la fin du XIIe siècle. Le point de passage créé par la nature des lieux, là où va se fonder Fribourg, joue par contre un rôle considérable, relativement aux rapports entre le Pays de Vaud et la contrée à l’est de la Sarine, parce qu’il est situé sur la voie la plus directe et la plus courte entre ces deux régions.
Ces considérations autorisent à penser qu’un passage a existé à cet endroit, depuis une époque très reculée. Une voie de communication, vraisemblablement très rudimentaire, venait de l’est et suivant approximativement le tracé de l’ancienne route de Berne, descendait des hauteurs de Villars-les-Joncs, enjambait — probablement par un gué — la rivière à l’endroit où se trouve actuellement le « Pont de Berne » puis, gravissant la rampe abrupte qui porte le nom de « Stalden », traversait le plateau où s’étend aujourd’hui le quartier du Bourg et là, se divisait en deux branches dont l’une se dirigeait vers le Pays de Vaud par la rampe qui porte à présent le nom de « Rue de Lausanne », tandis que l’autre gagnait Morat par les actuelles « Rue de la Préfecture » et « Rue de Morat » 1. /67/
Bien que le trafic ait été, certainement, peu intense sur cette voie, puisqu’aucune localité importante n’était desservie par elle, l’expérience de ce qui se passe encore aujourd’hui, lors de la construction d’un pont, permet de croire qu’un petit groupe de bâtiments ne dut pas tarder à s’établir aux abords immédiats de ce point de passage 1 et devint l’embryon du quartier de l’Auge, dont l’ancienneté est confirmée par le fait qu’un grand nombre des familles de la petite noblesse des environs y avaient encore leurs résidences aux XIVe et XVe siècles 2.
Telle était la situation à la fin de la première moitié du XIIe siècle, lorsque la nécessité s’imposa à Berthold IV de renforcer sa situation dans la Bourgogne transjurane et de s’emparer, par conséquent, du contrôle des principales voies de communication.
On remarquera que, si cet emplacement remplit bien certaines des conditions dont j’ai parlé au début de ce chapitre et s’il constitue, sur une voie de communication relativement importante, un point de passage obligatoire au franchissement d’un obstacle, il présente, au point de vue militaire, un inconvénient pour la défense, en raison de sa situation en contre-bas.
Ces considérations n’échappèrent sans doute pas à l’homme de guerre averti, que la campagne d’Italie /68/ avait fait du duc de Zaehringen et il fit choix, pour y fonder Fribourg, du plateau où s’étend maintenant le quartier du Bourg. Ce plateau, qui répond aussi bien que la proximité immédiate de la Sarine aux exigences imposées, puisque la voie de communication à contrôler doit obligatoirement y passer, a de plus l’avantage d’être facilement défendable. Il domine en effet la rivière, en formant une presqu’île dont trois côtés sont constitués par des à pics inaccessibles et est protégé au nord-est par un fossé naturel 1. Cette situation présente donc l’avantage de pouvoir réduire la garnison au minimum, puisque seule la face dirigée vers le fossé doit être défendue et l’endroit choisi constitue, de plus, une tête de pont permettant le débouché éventuel d’une force armée venant de l’est.
L’emplacement une fois déterminé, l’octroi d’une charte de franchises suffira à amener dans ces lieux une population destinée à édifier la ville et à lui servir de garnison.
Si ces arguments ne manquèrent pas de s’imposer au fondateur de Fribourg, il était trop avisé pour ne pas se rendre compte de l’avantage financier qu’il pouvait retirer de sa nouvelle création 2. Une petite cité, placée sur une route fréquentée, devient aisément une place d’échanges commerciaux, surtout si, facilement défendable, elle assure une réelle sécurité à ceux qui y séjournent habituellement ou temporairement et l’existence d’un marché est une source /69/ certaine de revenus pour le seigneur de la ville dans laquelle il se tient. Gingins a le mérite d’avoir, le premier, attiré l’attention sur les « inclinations vénales » des Zaehringen et sur le rôle que joue, dans les chartes données par eux, la partie qui a trait à leurs intérêts fiscaux 1 et, si les raisons d’ordre militaire ont été déterminantes dans la fondation de Fribourg, comme le font remarquer Berchtold 2 et M. Welti 3, il n’en est pas moins certain que la question d’intérêt a certainement aussi eu son influence à ce moment 4. La charte de franchises donnée à Fribourg par les Kybourg, en 1249 et qui est, sinon la reproduction textuelle de la charte de fondation 5, du moins largement inspirée de celle-ci, ne contient, en effet, pas moins de seize articles qui font mention de droits utiles en faveur du suzerain 6.
Quelle était la valeur de ces droits ? Nous n’en savons rien pour le XIIe siècle, mais le Terrier des Habsbourg, 7 rédigé vers 1303 8, nous permet de nous /70/ en faire une idée à cette époque. Ces droits peuvent, au début du XIVe siècle, être répartis en quatre catégories :
1. Le droit de cens annuel de 12 deniers, appelé « theyse », dû par les propriétaires d’emplacement de maison (casale) 1 et dont étaient exceptés les vingt-quatre jurés ou conseillers et le comte de Neuchâtel, rapportait alors 6 livres et 14 sols, soit environ 310 de nos francs d’avant guerre, d’après la valeur de la Livre au début du XIVe siècle et environ 470 francs à la fin du XIIe siècle 2.
2. Les droits de péage (Zoll, tonlieu) 3, dont le revenu était au minimum de 38 Livres 6 sols et au maximum de 113 Livres 6 sols, c’est-à-dire entre 1450 et 4200 francs au début du XIVe siècle et entre 2700 et 8000 francs à la fin du XIIe siècle.
3. Les émoluments de justice, dont le revenu n’est pas indiqué 4.
4. La redevance que les églises de Fribourg acquittaient à titre de fiefs et qui se montait à 20 marcs d’argent au plus 5. /71/
On voit que l’ensemble de ces droits aurait pu s’élever, au maximum, à environ 8500 francs, sans compter les émoluments de justice, à la fin du XIIe siècle et que, même en tablant sur une réduction importante, ils n’étaient en tous cas pas négligeables 1. Il me paraît du reste intéressant de relever que le Terrier signale qu’une diminution considérable s’était produite dans les revenus et que la voie de communication traversant Fribourg n’était plus, au début du XIVe siècle, aussi fréquentée qu’auparavant 2.
Les conclusions des deux chapitres précédents me semblent pouvoir être résumés de la manière suivante :
C’est, selon toute vraisemblance, en 1157, que le duc Berthold IV de Zaehringen, pour lequel la Bourgogne transjurane venait d’acquérir une importance particulière, puisque le mariage de Frédéric Barberousse avec Béatrix lui enlevait une grosse partie des territoires qui lui avaient été soumis jusqu’alors, fonda la ville de Fribourg, dans le but d’asseoir plus solidement son autorité et sans perdre de vue l’intérêt fiscal que cette fondation pouvait avoir pour sa Maison.
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CHAPITRE III
L’EMPLACEMENT DE FRIBOURG
Plusieurs des historiens, qui se sont occupés de la fondation de Fribourg, tirent, du fait qu’à la mort de Berthold V de Zaehringen, cette ville devint la propriété d’Ulrich de Kybourg, dont la femme, Anne, était une sœur de Berthold V, la conclusion que Fribourg fut construite sur une propriété allodiale des Zaehringen 1. Ils disent également que le fondateur donna à la cité des bords de la Sarine, tout le terrain à trois lieues à la ronde, comprenant les vingt-quatre paroisses appelées depuis « les anciennes terres » et les hautes forêts dites « Joux noires 2 ».
Cette seconde affirmation est absolument erronée et repose sur une fausse interprétation de l’article 4 de la charte de fondation, dans lequel le duc de Zaehringen donne aux bourgeois « les pâturages, les fleuves, les cours d’eau, les forêts, les montagnes boisées et les bois vulgairement appelés Tribholz 3 ». A la suite de Daguet 4 et du P. Dellion 5, je me suis déjà élevé contre cette opinion et pense avoir prouvé son inexactitude, au moins en ce qui concerne une /73/ grande partie des anciennes terres, qui ne fut définitivement acquise, des comtes de Tierstein, par Fribourg, qu’au milieu du XVe siècle 1.
Au sujet de la propriété de Fribourg, il est exact que Berthold V, étant décédé le 18 février 1218 2, le comte Ulrich de Kybourg paraît être entré, sans difficulté, en possession de Fribourg 3 et le 1er juin 1218 déjà, lors du contrat de mariage de son fils Hartmann avec Marguerite de Savoie, il prit l’engagement de comprendre cette cité dans la part de son héritage qui devait revenir à celui-ci 4.
Ce fait semble bien démontrer qu’en 1218, Fribourg était effectivement considéré comme une propriété allodiale des Zaehringen, mais il ne s’ensuit pas nécessairement que la situation ait été la même au moment de la fondation. La circonstance, prouvée par la charte de 1177, qu’une partie au moins de la ville avait été bâtie sur un alleu appartenant au monastère de Payerne, démontre que ce n’était certainement pas le cas d’une façon absolue.
Avant d’en arriver à déterminer quel était le possesseur de l’emplacement sur lequel fut construit Fribourg, il est nécessaire de remonter à une époque plus reculée et d’étudier la situation générale de cette partie du pays.
A l’époque du royaume de Bourgogne, une grande partie de l’actuel canton de Fribourg fut vraisemblablement /74/ comprise dans le comté Pipinensis, subdivision de ce royaume, puis dans le comté de Bargen, issu au Xe siècle du démembrement du premier, et sur lequel les seigneurs d’Oltingen exerçaient les droits de comtes au milieu du XIe siècle 1. J’ai dit que ce comté s’étendait « des vallées jurassiennes de la Sorne et de la Birse, au nord, jusqu’au pied des premières chaînes des Préalpes au sud, et de la région située sur la rive droite de l’Aar, à l’est, jusqu’à une contrée qui comprenait probablement l’emplacement où fut construite, plus tard, la ville de Fribourg 2. » J’estime aujourd’hui qu’il convient d’étendre ce territoire de plusieurs kilomètres vers l’ouest, jusque vers la ligne Montagny-Orsonnens, au moins, et de dire qu’il touchait aux possessions des comtes d’Ogoz, vers le sud.
A la mort du roi Rodolphe III de Bourgogne, décédé sans héritiers mâles le 6 septembre 1032 3, sa succession fut recueillie par l’empereur d’Allemagne Conrad II le Salique et la Bourgogne rattachée à l’Empire, aussi bien sous ce monarque († 4 juin 1039 4) que sous son fils Henri III († 5 octobre 1056 5). A la mort de ce prince, qui laissait comme successeur un enfant de six ans qui devait régner sous le nom d’Henri IV, la régence fut exercée par l’impératrice Agnès, veuve d’Henri III. Celle-ci donna à Rodolphe de Rheinfelden, époux de sa fille Mathilde, /75/ l’investiture du duché de Souabe et le gouvernement de la Bourgogne transjurane, avec le titre de duc 1. Partisan de Grégoire VII, lors de la Querelle des Investitures, Rodolphe put croire un instant qu’il allait atteindre aux honneurs suprêmes, lorsque Henri IV, excommunié, fut déposé à Forscheim (13 mars 1077) et qu’élu à sa place, il fut couronné à Mayence (26 mars 1077). Mais l’empereur ayant fait sa soumission au pape, à Canossa, et s’étant vu rendre la dignité impériale, la fortune changea de camp et Rodolphe de Rheinfelden, dépouillé de ses biens, trouva la mort dans une bataille livrée près de l’Elster en Thuringe (15 ou 16 octobre 1080 2). Il laissait un fils, Berthold, qui ne lui survécut qu’une dizaine d’années († 18 mai 1090 3), sous la tutelle de Berthold II de Zaehringen, époux de sa fille Agnès et c’est ce dernier qui, héritier des biens allodiaux que sa femme pouvait avoir en Bourgogne transjurane du chef de son père, se chargea de faire valoir les prétentions des Rheinfelden sur la Souabe et la Bourgogne.
C’est vers cette époque, c’est-à-dire dans les dernières années du XIe siècle et à un moment où la Bourgogne, convoitée par les Zaehringen, appartenait de fait à l’Empire, que s’éteignit la maison d’Oltingen, dont les membres avaient été de fidèles partisans d’Henri IV. J’ai dit ailleurs, qu’il paraissait certain que Cunza, sœur de Cono, dernier comte d’Oltingen, avait apporté aux comtes de Sogren les biens allodiaux /76/ de la partie nord du canton de Fribourg qu’on trouvera, aux siècles suivants, entre les mains des comtes de Tierstein et dont Fribourg racheta les derniers vestiges en 1442 1.
Cono d’Oltingen mourut sans laisser de postérité mâle et on ne lui connaît, avec certitude, qu’une fille, Régine 2, épouse de Rainaud II, comte de Mâcon et de Vienne. De cette union naquit un fils, Guillaume III, /77/ dit l’Allemand, qui fut élevé par son grand-père Cono d’Oltingen, épousa Anne de Zaehringen, fille de Berthold II et mourut d’une façon mystérieuse en 1125 ou 1126 1. C’est à lui qu’échurent, vraisemblablement, les possessions des Oltingen situées dans la région placée entre le comté d’Ogoz et celle comprenant les biens apportés par Cunza d’Oltingen aux Sogren puis aux Tierstein. Elles devinrent, après lui, la propriété de son fils Guillaume IV, dit l’Enfant, assassiné à Payerne, le 10 février 1127 2, puis, en l’absence d’héritier direct, passèrent à son parent Rainaud III, comte de Mâcon, cousin de son père 3.
J’en reviens maintenant à la Bourgogne. Berthold II de Zaehringen, élu duc de Souabe, en mai 1092 4, par opposition à Frédéric de Stauffen, auquel Henri IV avait donné l’investiture de ce duché le 24 mars 1079 5, en lui accordant la main de sa fille Agnès encore enfant, fut en guerre avec son compétiteur jusqu’en 1097, où la paix générale finit par se conclure 6. Il dut abandonner le duché de Souabe et ne paraît avoir conservé que l’avouerie de Zurich et ses possessions dans le Brisgau 7.
Dans le court espace de vingt années, tous les acteurs de ce drame quittèrent la scène du monde : l’empereur Henri IV, le 7 août 1106 8, son fils et successeur /78/ Henri V, le 23 mai 1125 1 ; Berthold II de Zaehringen, le 12 avril 1111 2. Ce dernier s’était, du reste, peu à peu rapproché de l’Empire et ses fils Berthold III († décembre 1122 3) et Conrad, qui lui succédèrent, suivirent la même politique.
Au moment où Rainaud III recueillait l’héritage de Guillaume IV, le trône de Germanie était occupé par Lothaire de Supplenbourg, élu roi le 30 août 1125 4. Comme Rainaud tardait à lui prêter hommage, le roi, en 1127, le déclara déchu de ses droits à cette succession et reconnut comme héritier légitime Conrad de Zaehringen, le plus proche parent de Guillaume l’Enfant, du côté maternel, qui paraît avoir exercé, dès ce moment, les fonctions de recteur de Bourgogne 5. Lothaire, qui avait ceint la couronne impériale le 4 juin 1133 6, mourut le 4 décembre 1137 7 et fut remplacé le 7 mars 1138 8, par Conrad de Stauffen. C’est sous ce monarque, dont il fut un chaud partisan, que Conrad de Zaehringen commença à porter le titre de duc de Bourgogne et consolida ses droits sur la Bourgogne, dont son fils Berthold IV devait exercer le Rectorat, après sa mort, survenue le 8 janvier 1152 9. /79/
Il résulte donc de cet exposé que, si les droits des Zaehringen sur le Rectorat de Bourgogne découlent des concessions faites à Conrad par Lothaire II et par Conrad de Stauffen, leurs possessions allodiales et leurs droits seigneuriaux dans la région dont nous nous occupons proviennent pour une part d’Agnès de Rheinfelden, mais surtout de la succession de Guillaume IV l’Enfant 1.
Dans l’impossibilité d’examiner ici, en détail, l’étendue de ces possessions, je dois me borner à m’occuper du territoire comprenant l’emplacement où devait s’élever Fribourg.
J’ai fait remarquer précédemment que la part de l’héritage des Oltingen, dévolue à Guillaume III l’Allemand, paraissait être limitée, au nord, dans l’actuel canton de Fribourg, par les possessions des Sogren puis des Tierstein, c’est-à-dire par une ligne qui passe par les localités de Cressier, Courtaman, Courtepin, Pensier, Cormagens, la Sarine jusqu’à l’embouchure de la Gérine et le cours de cette dernière rivière. A l’ouest de cette ligne on trouve successivement, en allant du nord-ouest au sud-est, la seigneurie de Montagny, les propriétés de la famille de Glâne et la seigneurie d’Arconciel-Illens. Tous ces seigneurs se rencontrent comme vassaux des comtes de Bourgogne Guillaume III et Guillaume IV, puis de Conrad et de Berthold IV de Zaehringen et cela paraît donc bien démontrer que cette région est venue /80/ aux Zaehringen par héritage de Guillaume IV, en 1127.
La famille seigneuriale de Montagny n’est qu’une branche des seigneurs de Belp 1. Or, Ulrich de Pelpa paraît comme témoin, dans une charte de 1107, aux côtés de Guillaume l’Allemand 2, dont il semble être un vassal et l’on retrouve plus tard, auprès de Conrad de Zaehringen, ce même personnage 3 et d’autres de la même famille, tels que Burchard de Belp 4, Rodolphe, fils d’Ulrich de Belp 5 et son frère Conrad, seigneur de Montagny 6. On rencontre également, dans l’entourage de Berthold IV de Zaehringen, Conrad de Belp et son fils Rodolphe ainsi que Burchard de Belp, le 6 octobre 1175 7 et Rodolphe de Montagny est parmi les témoins de la charte de 1177, par laquelle Berthold rend à Payerne l’alleu sur lequel était construite une partie de Fribourg 8.
En ce qui concerne les de Glâne, on rencontre aussi aux côtés de Guillaume l’Allemand, en 1107, Petrus de Glana inter Jurum et Montem Jovis qui semble être un de ses vassaux comme Fulmarus de castellania /81/ Outoldenchus 1. Pierre de Glâne et son fils Ulrich sont également dans la suite de Guillaume IV l’Enfant, à Payerne, le 10 février 1127 et tombent avec leur suzerain sous les coups de ses meurtriers 2. On remarquera, de plus, qu’Ulrich, père de Pierre de Glâne, avait épousé Rilenta de Vilar Walbert 3, d’une famille dont les membres paraissaient avoir été aussi vassaux de Guillaume l’Allemand, tel Hugues de Vilar Walbert, qui figure dans la charte déjà citée de 1107 4. Si aucun seigneur de Glâne ne se trouve dans l’entourage des Zaehringen, leurs héritiers y figurent par contre. Lorsque la lignée mâle des de Glâne se fut éteinte par la mort de Guillaume, fondateur d’Hauterive, survenue le 11 février 1143 5, les biens de cette famille furent partagés entre ses quatre sœurs : Emma, épouse du comte Rodolphe de Neuchâtel, seigneur d’Arconciel-Illens 6 ; Ita, femme d’Aymon II, comte de Genevois 7 ; Juliane, qui épousa un seigneur /82/ de Montsalvens 1 et Agnès, femme de Rodolphe, comte d’Ogoz ou de Gruyère 2. Or, si les époux de Juliane et d’Agnès, membres de la maison de Gruyère, ne se rencontrent pas parmi les vassaux des Zaehringen, Ulrich de Neuchâtel, fils d’Emma de Glâne et de Rodolphe de Neuchâtel, figure à maintes reprises aux côtés de Berthold IV, entre autres dans la charte du 6 octobre 1175 3 et dans celle de 1177 4 et si Amédée, comte de Genevois, paraît avoir, tout d’abord, embrassé le parti de Rainaud III, comte de Mâcon, contre Conrad de Zaehringen, lors de l’attribution, à ce dernier, de la succession de Guillaume IV l’Enfant et pris part à une lutte qui se termina, à Payerne, en 1133, par la victoire définitive de Conrad 5, on le trouve ensuite dans les rangs des vassaux zaehringiens et il figure en particulier dans la charte de 1177, qui fait allusion, pour la première fois, à la construction de Fribourg 6. /83/
La question de la seigneurie d’Arconciel-Illens a fait couler beaucoup d’encre et été l’objet de bien des hypothèses. On sait qu’en 1082, l’empereur Henri IV donna le château d’Arconciel avec les villages de Farvagny et de Sales à un comte Cono, dans lequel je pense qu’il faut reconnaître Cono d’Oltingen 1. Dans la seconde moitié du XIIe siècle et au XIIIe siècle, on retrouve cette seigneurie, dont M. Reymond a décrit l’étendue 2, entre les mains des comtes de Neuchâtel. Il restait à expliquer comment elle leur était parvenue et c’est sur ce point que l’imagination des auteurs s’est donné libre cours.
Au lieu de forcer les textes et de vouloir lire Ulrich en place de Cono, dans la charte de 1082 3 ; au lieu d’admettre, sans aucune preuve, que les comtes de Neuchâtel sont issus des Oltingen 4 ou de faire d’Ulrich de Glâne un fils du comte Cono d’Oltingen 5, n’est-il pas plus simple et plus vraisemblable de s’en tenir au peu que nous livrent les chartes parvenues jusqu’à nous ? De la charte de 1082, on peut conclure que c’est bien à Cono d’Oltingen qu’Arconciel fut donné. Des événements que j’ai exposés, on peut déduire que l’héritage de Cono d’Oltingen passa, par sa fille Régine, à Guillaume III l’Allemand puis à Guillaume IV /84/ l’Enfant et qu’après avoir été attribué à Rainaud III, comte de Mâcon, il fut dévolu à Conrad de Zaehringen, en 1127. De la présence de membres de la famille de Glâne aux côtés de Guillaume III et de Guillaume IV, on peut tirer la conclusion que les de Glâne étaient vassaux de ces comtes. Il semble qu’en s’en tenant à ces éléments, tous prouvés, on soit en droit de faire l’hypothèse suivante : La seigneurie d’Arconciel-Illens, propriété de Cono d’Oltingen, en vertu de la donation de 1082, passa à son petit-fils Guillaume III l’Allemand, comte de Mâcon et de Vienne. Ce seigneur, dont le centre d’activité était dans la Bourgogne cisjurane et pour lequel Arconciel n’avait qu’une importance secondaire, en investit un de ses vassaux, Ulrich de Glâne, dont la famille posséda, dès lors, cette seigneurie, sous la suzeraineté des comtes Guillaume III et Guillaume IV puis de Conrad de Zaehringen. A l’extinction de la famille de Glâne, Arconciel-Illens passa, par Emma, fille aînée de Pierre de Glâne, à son époux le comte Rodolphe de Neuchâtel, puis à son fils Ulrich, vassal de Berthold IV.
Avant d’aller plus loin, il convient d’examiner à un autre point de vue la question de l’emplacement sur lequel fut construit Fribourg.
La ville de Fribourg primitive était entièrement située sur la rive gauche de la Sarine et cette rivière constituait certainement la limite entre les paroisses des deux rives. Or, Fribourg n’ayant certainement été érigé en paroisse que postérieurement à sa fondation, le terrain sur lequel elle s’éleva dépendait évidemment d’une des paroisses de la rive gauche; /85/ il n’y en a que deux qui peuvent entrer en ligne : Givisiez (Juvinsie) et Villars-sur-Glâne (Vilar lo torel 1).
Pour Givisiez, on rencontre bien « Sinandus de Juvinsie » et son frère Nantelme, dans un acte antérieur au 27 avril 1141 2, un « Rodulfus, miles de Juvensiei » dans un acte où figure aussi Pontius, abbé d’Hauterive 3, c’est-à-dire d’environ 1162 et un « Cono de Juvisie » dans un acte de 1184 4, mais ce n’est qu’en 1228 que cette localité est citée comme paroisse 5 ; son église n’est mentionnés que dans un document d’août 1275 6 et son premier curé connu, Don Ulrich, ne paraît que dans un acte du 29 décembre 1287 7. C’est dans cette paroisse, que les d’Englisberg possédaient un château et des possessions au XIIIe siècle et ces seigneurs, dont le premier connu, le chevalier « Conradus de Endlisperc » figure dans un acte avec Uldricus, abbé d’Hauterive 8, c’est-à-dire peu après 1162, paraissent avoir été des vassaux des seigneurs d’Estavayer, eux-mêmes vassaux des Zaehringen 9.
Pour Villars-sur-Glâne, on connaît de nombreux membres de la famille de Villars, dont le plus ancien est « Bucco de Vilar » qui fait une donation à Hauterive, /86/ de ce qu’il avait au Port de Dasalei, avant le 21 mars 1143 1. La première mention de son église se trouve dans un acte non daté 2, auquel Lenzbourg et Gumy attribuent la date de 1156 et Raedlé celle de 1165, mais dont tout ce qu’on peut dire est qu’il doit être antérieur à 1173, en raison de la présence de Cono, prêtre de Seedorf, qui fut doyen peu après cette époque 3. Quant au doute exprimé par M. Reymond sur l’identification de cette église avec celle de Villars-sur-Glâne 4, il est levé, pour moi, parce que cette donation est faite par les seigneurs de Montsalvens, dont la famille de Villars-sur-Glâne était vassale, ainsi que je le dirai ultérieurement. La paroisse est citée dans un acte antérieur à 1182, dans lequel il est dit que le Port de Dasalei était compris dans ses limites 5 et le premier curé connu, Johannes, est cité dans la charte du 6 juin 1182, autorisant les Fribourgeois à se faire enterrer dans les monastères voisins 6.
D’accord avec Dellion 7, je pense que la limite primitive entre les paroisses de Givisiez et de Villars-sur-Glâne était constituée par le petit ruisseau qui /87/ coule à l’extérieur de la porte de Morat actuelle et par celui de la Chassotte. Le territoire où devait s’élever Fribourg appartenait donc à la paroisse de Villars-sur-Glâne et c’est aux dépens de celle-ci que fut constituée la paroisse de Fribourg. On en trouvera une preuve dans le fait que le quartier des Places ne fut, après de multiples difficultés, définitivement détaché de la paroisse de Villars qu’en mars 1872 1.
Il reste, maintenant, à voir de qui dépendait Villars au point de vue temporel.
J’ai cité tout à l’heure Bucco de Vilar, dont l’existence est prouvée avant le 21 mars 1143. Appartenait-il à la famille noble de Villars ? La chose n’est pas absolument certaine, mais infiniment probable. Il n’y a pas de conclusion contraire à tirer du fait qu’il n’est pas qualifié chevalier (miles), car le Livre des donations d’Hauterive, où il est cité, ne contient des actes que sous la forme de notices 2, dont le rédacteur, vraisemblablement un moine d’Hauterive, s’est principalement attaché à ce qui était le plus important pour le monastère : l’objet des donations. Il a donc parfaitement pu négliger — ce qui ne serait pas admissible dans une charte — les titres et qualités des donateurs et nous avons une preuve, entre cent autres, qu’il a bien agi de cette façon, dans le fait qu’il nomme simplement « Juliana » la sœur du seigneur Guillaume de Glâne et la femme d’un seigneur de Montsalvens 3. On doit, par contre, considérer comme un /88/ indice en faveur du rattachement de Bucco à la famille noble de Villars, le fait que sa fille Pereta devint la femme du chevalier Rodolphe de Dirlaret 1. On trouve ensuite un « Guido, miles de Vilar », dans l’acte antérieur à 1173, dont j’ai parlé à propos de l’église de Villars-sur-Glâne 2 et un « Turincus de Vilar, miles » dans un acte antérieur à 1172, puisque confirmé à cette époque 3, dans un autre acte 4, dont la date peut être fixée entre 1168 et 1180, à cause de la présence de Martinus, abbé de Marsens 5, et dans un troisième document de 1177 6. Ces deux personnages de la famille noble de Villars ne figurent pas dans d’autres actes, mais il est important de noter que ceux dans lesquels ils sont mentionnés comme témoins, sont des donations, l’une de Juliane de Glâne-Montsalvens et de son fils Pierre de Montsalvens et les autres du comte Rodolphe de Gruyère, époux d’Agnès de Glâne; on peut donc les considérer comme des vassaux de ces seigneurs, héritiers des de Glâne.
Ne pouvant dresser ici la généalogie de la famille de Villars, je me bornerai à dire l’indispensable. On pourrait croire, à première vue, qu’elle s’éteint à la mort des chevaliers que je viens de citer. En y regardant de plus près, on constate, dans la seconde moitié du XIIe siècle, l’existence d’un personnage appelé /89/ « Guilelmus Achardus », « Guilelmus Achars » ou « Guilelmus cognomento Achars 1 », c’est-à-dire « surnommé Achars », qui est chevalier, paraît pour la première fois dans des actes d’environ 1164, puisqu’ils datent de l’époque où Uldricus était abbé d’Hauterive 2 et est au nombre des témoins de la charte du 6 juin 1182, par laquelle l’évêque de Lausanne permet aux Fribourgeois de se faire enterrer dans les monastères voisins 3. Un « Petrus Achardus » ou « Achars », aussi chevalier, paraît également dans un grand nombre d’actes de la première moitié du XIIIe siècle, possède des biens à Cormanon, dans la paroisse de Villars-sur-Glâne 4 et est appelé seigneur de Villars (dominus de Vilar) en 1237 5. Ce titre est également porté par plusieurs membres de cette famille 6 ; de nombreux documents font mention de leurs possessions dans le territoire de Villars 7 et, vers le milieu du XIIIe siècle, le surnom « Achars » disparaît pour faire place au nom « de Vilar 8 ». Les nobles de Villars semblent /90/ s’être appauvris à la fin du XIIIe siècle 1 ; ils s’éteignirent à la fin du XIVe et leurs biens et droits à Villars passèrent aux Rich 2 et aux Vuippens 3 ainsi qu’à l’Hôpital et à la Grande Confrérie 4.
Or, par un acte de 1227, Willermus, fils du seigneur Petrus Achardus, reconnaît tenir de Rodolphe le Jeune, comte de Gruyère, un fief que son grand-père et son père avaient déjà tenu des seigneurs de Montsalvens 5. Si l’on rapproche ce fait de celui que les chevaliers Guido et Turincus de Villars du XIIe siècle étaient aussi vassaux des seigneurs de Montsalvens et des comtes de Gruyère et de celui que Bucco de Vilars possédait des biens dans la paroisse de Villars-sur-Glâne, il semble qu’on puisse en tirer la conclusion que les Achars sont bien des membres de la famille noble de Villars 6.
Il résulte donc de ce que j’ai exposé, que le territoire sur lequel fut construit Fribourg et qui dépendait de la paroisse de Villars-sur-Glâne, appartenait vraisemblablement à la famille noble de Villars ou Achars, vassale des seigneurs de Glâne et de leurs successeurs, qui eurent eux-mêmes pour suzerains, successivement, les comtes d’Oltingen, leurs héritiers Guillaume III et Guillaume IV, comtes de Mâcon et de Vienne, et enfin le duc Conrad de Zaehringen et son fils Berthold IV.
Bien des problèmes difficiles à résoudre s’éclairent /91/ ainsi d’un jour nouveau. L’alleu appartenant à Payerne et sur lequel une partie de Fribourg fut construite, avait vraisemblablement été donné à ce monastère par les seigneurs de Glâne, comme le propose M. Reymond 1, ou par les nobles de Villars. La présence d’Amédée, comte de Genevois et celle d’Ulrich de Neuchâtel, comme témoins de la charte de 1177, par laquelle Berthold IV rend cet alleu à Payerne, s’explique par leur qualité d’héritiers de Pierre de Glâne, dont leurs épouses sont les filles; celle de Rodolphe de Montagny et de Cono d’Estavayer, par leur double caractère de voisins et de vassaux du fondateur de Fribourg. Enfin, je ne suis pas éloigné de penser que l’avoyer T, cité dans la lettre de Berthold IV à Fribourg, avant 1169, pourrait bien être le chevalier Turincus de Vilar, et cette hypothèse a certainement plus de vraisemblance que celle qui voudrait en faire un Thierry de Monstral 2, qu’on ne rencontre dans aucun acte contemporain de la fondation de Fribourg.
L’opinion de ceux qui prétendent que Fribourg fut bâtie sur une propriété allodiale des Zaehringen ne doit donc, à mon avis, être admise, que dans le sens qu’au moment de la fondation le terrain appartenait à la famille de Villars et que les Zaehringen n’avaient sur lui que des droits de suzeraineté.
Une entente intervint-elle entre Berthold et ses vassaux ou le fondateur mit-il ses plans à exécution sans leur consentement ? C’est un point sur lequel il est /92/ impossible de se prononcer avec certitude. L’attitude de Berthold IV envers le monastère de Payerne, sur l’alleu duquel il construisit une partie de la ville, sans accord préalable, témoignerait en faveur de la seconde hypothèse. Le fait que les pièces de terre, possédées dans la ville par le comte de Neuchâtel, héritier des de Glâne, étaient exemptes du cens encore au début du XIVe siècle 1, paraît par contre indiquer qu’il y eut une entente entre le suzerain et ses vassaux et l’identification de l’avoyer T avec le chevalier Turincus de Vilar apporterait, si elle pouvait être démontrée, une confirmation à cette manière de voir.
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CHAPITRE IV.
LA CONSTRUCTION DE FRIBOURG
Dictée par un ensemble de considérations politiques, militaires, géographiques et économiques, la fondation de Fribourg paraît avoir consisté dans l’extension d’une localité préexistante, sa mise en état de défense et l’octroi d’une charte de franchises comportant un droit de marché 1.
La petite agglomération — embryon de l’actuel quartier de l’Auge — qui s’était peu à peu constituée, depuis des temps très reculés 2, aux abords immédiats /94/ du point de passage sur la Sarine, devait suggérer au fondateur l’idée de placer dans cette région la cité dont la nécessité s’imposait à lui, mais la situation dans un bas-fond constituait un double obstacle au point de vue des possibilités de défense et d’extension future et c’est pour cette raison qu’il dut en venir au choix d’un emplacement plus favorable.
Si l’on se reporte à ce qui s’est fait ailleurs, dans des circonstances analogues, par exemple, à la fondation, en 1093, du monastère de St-Pierre, dans la ForêtNoire 1 par Berthold II de Zaehringen, on constate, qu’une fois prise, la décision de construire une ville dans une région donnée, le choix définitif de l’emplacement paraît avoir été précédé d’un examen des lieux et d’une consultation des vassaux indigènes. C’est cet exemple et la logique de ce procédé qui donnent quelque valeur à la chronique de Justinger, lorsqu’elle raconte, dans une partie considérée comme une légende, que lors de la fondation de Berne, Berthold V consulta ses veneurs pour fixer le lieu où s’élèverait la ville nouvelle 2.
Si l’on dépouille Fribourg de ses maisons et que l’on considère la région au point de vue purement topographique /95/ on peut dire que, des hauteurs du Guintzet, le terrain s’abaisse en pente assez douce jusqu’à un premier gradin, constitué par l’actuel quartier des Places et sur lequel se dresse une éminence, appelée jadis « Beltzai », qu’occupe aujourd’hui le collège St-Michel. De ce premier replat, des pentes plus prononcées — le Varis, la rue de Lausanne, la rue des Alpes — permettent de descendre jusqu’à un second gradin qui porte, aujourd’hui, la rue de Morat, le couvent des Cordeliers et l’église de Notre-Dame ainsi que le quartier du Bourg. En ce qui concerne ce dernier, il était séparé, ainsi que je le démontrerai par la suite 1, de ce second gradin, par une large coupure du terrain, un fossé profond — aujourd’hui comblé — creusé dans la molasse tendre par les eaux qui dévalaient sur les pentes.
On ne sera pas surpris de l’existence naturelle de cette coupure, lorsqu’on aura remarqué que le plateau, sur lequel est construit le quartier du Bourg, est constitué par un massif de rocher dont le bord extérieur ou sud est plus élevé que les autres et que, par conséquent, les eaux qui coulent sur les pentes descendant du quartier des Places, ne pouvant franchir cette plaque inclinée en sens contraire, sont forcées de chercher une issue vers le sud-est ou vers le nordouest, en creusant ainsi le fossé dont je viens de parler. Ainsi, dalle inclinée légèrement du sud au nord et de l’ouest à l’est, la partie du terrain qui porte le quartier du Bourg est isolée par une coupure de la région plus à l’ouest et de plus, en raison des sinuosités de la /96/ Sarine qui l’enserre, elle constitue une étroite presqu’île dominant la rivière d’une quarantaine de mètres et ne s’abaisse vers elle, par une pente assez prononcée, — le Stalden — qu’en un seul point, au pied duquel un dernier gradin porte le quartier de l’Auge.
Cette situation était évidemment connue des petits vassaux nobles appelés à renseigner leur suzerain et les avantages stratégiques et autres n’en échappèrent sans doute pas au fondateur de Fribourg. C’est donc cette presqu’île que Berthold IV choisit pour y placer la cité qu’il voulait fonder, mais il est bien évident que seule la partie haute convenait pour y élever une forteresse à l’abri d’un coup de main. Là fut placée la « Burg » primitive qui, à la suite de l’octroi d’une charte de franchises, devait donner son nom de « Fribourg », « freie Burg », à la nouvelle ville et le quartier bâti sur cet emplacement en a gardé jusqu’à maintenant le nom de « Bourg 1 ».
Si l’on cherche, maintenant, à se rendre compte de la façon dont s’est effectuée la construction, on constate, en se basant sur ce qui s’est fait ailleurs à cette époque, qu’une fois l’emplacement précis déterminé, le fondateur choisissait, généralement parmi ses vassaux nobles des environs immédiats, un homme de confiance, appelé « locator civitatis 2 » et /97/ chargé d’entreprendre la construction. Cette mission, qui demandait une exacte connaissance des lieux et des personnes, comportait les mesures à prendre pour amener et réunir les futurs habitants, la construction des maisons et des fortifications et la répartition des pièces de terre entre ceux qui devaient peupler la cité. En rémunération de sa peine, le « locator » recevait, en général, soit des avantages sous forme de fiefs — ce qui ne paraît pas avoir été le cas ici, ou du moins ce dont on ne trouve pas de traces à Fribourg — soit une fonction dans l’administration de la ville, comme celle d’avoyer, par exemple. Fribourg-en-Brisgau 1, Hambourg 2 et un grand nombre d’autres villes 3 ont été construites de cette manière; c’est ainsi, à en croire Justinger, que se serait effectuée la construction de Berne 4, dont Berthold V aurait chargé un membre de cette famille de Bubenberg qu’on y voit jouer un rôle de premier plan au cours du XIIIe siècle, et ceci me porte encore à croire que l’avoyer de Fribourg, désigné par l’initiale T dans un acte antérieur à 1169, dont j’ai parlé précédemment, pourrait bien être le chevalier Turincus de Vilar. On peut donc admettre que c’est vraisemblablement ainsi que les choses se sont passées à Fribourg.
La « Handfeste » de 1249 contient une disposition, aux termes de laquelle chaque emplacement de maison /98/ (casale, chesal, hofstat) de la ville doit avoir 100 pieds de long et 60 de large et est redevable d’un cens de 12 deniers, payable à la St-Martin 1. Il est nécessaire de s’y arrêter un peu longuement, car elle est à peu près la seule, qui nous permette de nous faire une idée de ce qu’était Fribourg à son origine.
Dans son étude sur la « Handfeste » de Fribourg, M. Welti émet l’hypothèse que le fondateur n’octroya pas à cette ville une charte spéciale de franchises, mais l’autorisa simplement à se servir de celle donnée par son père à Fribourg-en-Brisgau 2 et cette manière de voir paraît assez vraisemblable. L’auteur prétend que le droit primitif de cette dernière cité prévoyait bien une répartition du terrain aux habitants, mais ne fixait pas la quantité qui pouvait être attribuée à chacun et n’imposait pas le paiement d’un cens. Il admet que la disposition, analogue à celle que je viens de citer, qui se trouve dans la charte de Fribourg-en-Brisgau, ainsi que dans celles de Flumet et de Diessenhofen, a été ajoutée postérieurement à la fondation et lorsque l’afflux de la population a rendu nécessaire une réglementation au sujet de la répartition du terrain 3. Les arguments de M. Welti, que je ne puis citer ici, et pour l’exposé desquels je dois renvoyer à son ouvrage, paraissent convaincants et je pense que l’on doit admettre sa conclusion, en ce qui concerne Fribourg-en-Brisgau. La chose est différente pour notre Fribourg et je crois que la disposition /99/ qui fixe les dimensions des « chesaux » a été en usage dès sa fondation. Cette opinion n’est pas en contradiction avec celle de M. Welti; celui-ci prétend seulement que cette prescription est postérieure à la fondation de Fribourg-en-Brisgau, c’est-à-dire à 1120, mais il ne fixe pas la date à laquelle elle a été ajoutée au droit primitif. Ma manière de voir tendrait seulement à prouver que cette adjonction s’est effectuée avant 1157, date de la fondation de notre Fribourg.
On remarquera que les dimensions de 100 pieds de long sur 60 pieds de large, fixées par la « Handfeste » pour chaque « chesal », sont égales à celles prescrites à Berne 1 et à Arconciel 2, légèrement supérieures à celles prévues pour Fribourg-en-Brisgau 3, Flumet 4 et Diessenhofen 5, qui indiquent 100 pieds de long sur 50 seulement de large, et très supérieures à celles en usage à Thoune 6 et à Berthoud 7, qui ne donnent que 60 pieds sur 40 et à celles adoptées à Bâle 8, où les « chesaux » n’avaient que 40 pieds sur 20.
Comme on l’a déjà signalé, à propos de Berne 9, les dimensions données, qui permettent la constitution d’un « chesal » de 6000 pieds2, sont beaucoup trop considérables pour la seule construction d’une maison, surtout à cette époque. Elles ont été choisies de cette /100/ façon, pour permettre aux habitants d’y placer, en plus de leur demeure, les installations nécessaires pour garder des bestiaux et de disposer encore d’un peu de terrain pour la culture, afin de pouvoir, dans le cas d’un siège, posséder les moyens de subsister pendant un certain laps de temps.
Ces dimensions prévues ont dicté la structure générale du quartier du Bourg, dont celui-ci conserve encore la trace, c’est-à-dire une rangée de « chesaux » sur tout le pourtour et une rangée médiane au centre, en direction est-ouest, et la longueur de 100 pieds, soit environ une trentaine de mètres, se retrouve approximativement encore dans la profondeur de la rangée du pourtour. Les limites fixées permettaient donc la constitution, dans le « Bourg », de quarante-cinq à cinquante « chesaux » seulement, c’est-à-dire la construction d’environ cinquante maisons et l’établissement d’un même nombre de familles 1. Ce nombre est trop réduit pour que l’on puisse admettre que des dimensions plus vastes aient pu être prévues à l’origine ou qu’une entière liberté ait pu être laissée aux premiers occupants. C’est cette considération qui me conduit à dire que la disposition restrictive de la « Handfeste » a certainement fait partie de la /101/ charte de franchises dont Fribourg a fait usage à son origine.
L’afflux de population, qui s’est produit à Fribourg comme ailleurs, n’a pas permis de maintenir bien longtemps les prescriptions de la « Handfeste ». Une nouvelle répartition, basée sur des dimensions plus réduites, a dû peu à peu s’imposer, mais la nature des lieux en a dicté l’application. En raison de l’impossibilité de créer de nouvelles rangées de maisons sur le pourtour, avec des rues pour les desservir, la réduction n’a pu s’opérer, sur le bord extérieur, que dans le sens de la largeur, tandis qu’elle pouvait avoir lieu aussi dans le sens de la profondeur, pour la rangée médiane. Ainsi s’est constituée, sur le pourtour, une rangée de « chesaux » étroits, portant chacun une maison derrière laquelle se trouvait un jardin, tandis que la rangée médiane était formée de deux rangées adossées de « chesaux » également étroits, mais privés de jardins.
Cette transformation ne s’est, naturellement, pas produite tout à coup; le phénomène s’est étalé sur une période fort longue et Fribourg, qui présentait certainement, à ses débuts, plutôt l’aspect d’un village 1 perché sur son rocher, avec une série d’habitations isolées, auxquelles s’adossaient des écuries ou des étables, ne s’est que peu à peu transformé en une petite ville aux maisons étroites pressées les unes contre les autres. L’augmentation de la population, en imposant cette modification, prélude d’une future extension territoriale, permettait à la petite cité, /102/ en lui fournissant les éléments d’une garnison plus forte, de s’affranchir de cette obligation de culture à l’intérieur, en vue d’un siège, puisqu’il devenait ainsi possible de transformer une résistance passive, primitivement imposée par la faiblesse, en une résistance offensive, dans laquelle des sorties pouvaient être envisagées.
L’augmentation de la population fut sans doute assez rapide et assez forte, ou le désir d’habiter le « Bourg » bien grand, car, au lieu de chercher un remède dans un agrandissement de la cité, la division des « chesaux » fut poussée très loin. Alors qu’à Berne, une ordonnance vint interdire le morcellement au-dessous d’une largeur de 16 pieds 1, il y avait encore à Fribourg, au XVe siècle, des maisons dont la largeur n’était que de 7 pieds et probablement moins encore 2.
La disposition de la « Handfeste », relative aux dimensions des « chesaux » est, avec la mention d’une maison appartenant à Hauterive avant 1169 et avec l’existence des deux pièces de terre du couvent de Payerne et celle de l’église de St-Nicolas, en 1177, tout ce que nous savons de certain sur Fribourg, au XIIe siècle. On peut se demander si cette maison d’Hauterive n’était point un « manse », dont « Lambertus, mansionarius dal Fribor », qui figure comme témoin dans plusieurs actes d’Hauterive, aurait été le tenancier 3 : cela confirmerait l’idée que je viens de /103/ chercher à donner de l’aspect de Fribourg, peu après sa fondation. Le fait que Payerne possédait, à Fribourg, en 1177, deux « chesaux » destinés à y construire une maison (duo casalia ad domum monachorum construendam), montre, d’autre part, que le Bourg n’était alors pas entièrement construit et qu’il y existait encore des « chesaux » dépourvus de bâtiments.
Si le XIIe siècle ne nous fournit que ces minces éléments, le XIIIe en apportera d’un peu plus nombreux.
Un acte de 1227 1 fait mention de la maison de maître Pierre de Fribourg, prêtre de Vilar lun Terrol (Villars-sur-Glâne), attenante à celle d’Hauterive et, si cette dernière est bien celle que ce monastère a possédée, jusqu’en 1848, derrière l’église de St-Nicolas, la première aurait donc aussi été située dans cette partie du Bourg.
Un autre acte non daté, mais auquel on attribue, gratuitement d’ailleurs, la date de 1228, cite la maison de Guillaume de Britinie (Bertigny) et son « chesal », du côté du sud, devant la boucherie de Fribourg 2. Ce serait la mention la plus ancienne de ce bâtiment, dont on ne connaît pas l’emplacement, à cette époque 3.
En mars 1246 (1247 ?), Guillaume de Miserie (Misery), /104/ dit de Coster, bourgeois de Fribourg, donne à Hauterive la moitié de sa maison et de sa cave, à côté de la boucherie de Fribourg 1.
En 1246, Albertus dit de Ultrajor, donne aussi à Hauterive un cens sur sa maison, qui avait auparavant appartenu à Petrus dit de Orba et était située à côté de celle de Petrus dit Merciere 2, mais il n’est pas absolument certain que cet immeuble ait été dans le Bourg.
Le 14 avril 1247, Willierma d’Avenches, nièce de Perreta de Coster, donne à Hauterive un cens sur la moitié de sa maison sise derrière l’église de Fribourg, à côté de celle d’Uldricus Napin, du côté supérieur, et Humbertus et Johannes, dits de Lausanne, ainsi que Sibiluns, femme du premier, donnent aussi un cens sur cette même maison 3.
La « Handfeste » contient un certain nombre de dispositions qui, si elles ne font pas partie de la charte primitive, sont cependant antérieures à la fin du XIIIe siècle 4 et fournissent différents renseignements.
La possession de bestiaux, dont j’ai parlé précédemment, est prouvée par l’article 4, qui prévoit l’attribution de pâturages à la communauté 5, par l’article 43, qui ordonne la clôture des pâturages 6, /105/ par l’article 99 qui mentionne les pâtres des troupeaux de la ville 1 et par l’article 30, qui interdit d’incommoder les voisins par le fumier 2. L’existence de jardins et de vergers est signalée dans l’article 98 3.
Par l’article 97 4, nous savons qu’il existait des ponts et le même article, ainsi que les articles 2, 95, 96 et 122 5 démontrent la présence de portes. Le cimetière est cité dans l’article 46 6, l’école dans l’article 2 7, qui parle du maître d’école et l’existence de l’église est confirmée par celle du curé, mentionné dans les articles 1, 33 et 131 8. Un hôpital est signalé dans l’article 74 9 et il est fait mention de la boucherie dans les articles 72, 76 et 93 10.
J’ai relevé précédemment les indications de la « Handfeste » relatives à l’existence d’un marché; il est également parlé d’un grand nombre d’artisans et de corps de métiers : les cordonniers 11, tailleurs 12, maréchaux 13, marchands de draps de laine 14, aubergistes 15, bouchers 16, boulangers 17, tisserands 18 et meuniers 19. La présence de ces derniers qui, en raison de leur utilité, durent certainement exister dès l’origine, est une preuve, entre bien d’autres, que Fribourg s’étendit, dès le début, jusqu’à la Sarine, car /106/ il faut de l’eau pour faire mouvoir les moulins et il n’y en a pas dans le quartier du Bourg.
Un certain nombre d’autres dispositions nous renseignent encore sur l’état des constructions : l’article 30 confirme l’existence de caves ou de celliers, puisqu’il interdit de porter préjudice aux voisins, en les creusant 1 et l’article 127 donne aux bourgeois la faculté d’établir des arcades devant leurs maisons et de bâtir dessus (arcus lapideos ante domum suam facere licet et desuper edificare 2). On a voulu tirer, de cette dernière indication, la conclusion que les maisons de Fribourg étaient, dès l’origine, entièrement construites sur arcades 3, comme le sont celles de Berne et d’autres villes suisses. Cette affirmation me paraît, non seulement complètement inexacte en ce qui concerne les débuts de Fribourg, époque à laquelle il serait tout à fait erroné de se représenter la ville comme constituée par des maisons attenantes les unes aux autres, mais encore singulièrement hasardée pour la suite, où cette disposition ne paraît avoir été utilisée qu’exceptionnellement.
Pour la seconde moitié du XIIIe siècle, les seules indications intéressantes sont données par un acte de mai 1252, mentionnant pour la première fois le « Marché au bétail » (in vico fori animalium 4) et par deux documents indiquant des maisons situées près de la boucherie 5. /107/
Au XIVe siècle, les indications deviennent de plus en plus nombreuses, surtout à partir du moment où nous possédons les précieuses réceptions bourgeoisiales, dont les premières, relatives au Bourg, datent d’environ 1340 1 et plus encore, dès l’instant où apparaissent les premiers registres de notaires, dont les plus anciens sont de la seconde moitié du XIVe siècle 2.
C’est ainsi qu’on voit successivement apparaître, comme si l’on développait un cliché photographique, la domus justitie en janvier 1303 (04) 3, un vicus inferior subtus ecclesiam Beati Nicolai en décembre 1311 4, le vicus fori en octobre 1313 5, un vicus posterior en octobre 1316 6, la turris en mars 1317 (18) 7, un vicus dictus Holgassa en janvier 1319 (20) 8, le magnus vicus fori en mars 1328 (29) 9, l’expression supra Staldonem en août 1341 10, la via quo itur versus justiciam à la S. Vincent 1343 11, l’expression in la merceri entre 1343 et 1350 12, un viculum tendentem a Burgo versus capellam Beate Marie de Friburgo hospitalis en 1343 13, la magna porta ecclesie Beati Nicolai entre 1343 et /108/ 1350 1, le parvum stagnum prope turrim, le 10 octobre 1344 2, le viculum tendentem ad ecclesiam Beati Nicolai en juin 1344 3, le vicus de la merceri en juin 1344 4, un viculum dictum Pudren en juillet 1344 5, la nova ecclesia Beati Nicolai en juillet 1344 6, le vicus institorum en janvier 1344 (45) 7, le vicus deis Bolenyours le 8 juillet 1345 8, le vetus macellum en décembre 1349 9, le fossale bastimentorum ville le 22 mars 1351 (52) 10, le vicus sacerdotum le 20 juillet 1356 11, le viculum publicum ville per quem eiciuntur imundiciae macelli apud Grabenczales le 15 octobre 1358 12, la domus sociorum Abacie le 14 octobre 1360 13, un viculum latrinarum en juin 1365 14, la porta Burgi le 27 février 1373 (74) 15, l’expression supra gradus entre 1373 et 1383 16, la magna Abbacia le 22 novembre 1380 17, le vicus macelli le 16 juin 1381 18, le viculum quo itur a magno vico ad ecclesiam Beati Nicolai le 21 juin 1386 19, le viculum publicum per quem itur versus bornellum existentem in vico fori animalium le 7 avril 1394 20, le vicus supra fossale de Grabenczales en mai 1394 21, le vicus selificum le 30 novembre 1399 22 et les muri veteres bastimentorum ville le 17 février 1399 (1400) 23.
On peut également tirer des actes, la conclusion que /109/ le quartier du Bourg n’était pas encore entièrement couvert de constructions pendant la première moitié du XIVe siècle et que la disposition primitive, comprenant une maison isolée sur un « chesal », persistait encore sur certains points, à cette époque. On rencontre, en effet, cette expression de « chesal » (casale) dans un certain nombre de documents, dont le dernier est de juin 1365 1. Elle disparaît ensuite, mais on retrouve encore dans deux actes du 28 avril 1364 2 et du mois d’août 1366 3 des « plathea », appartenant à des particuliers. Ce sont là les derniers vestiges d’emplacements non bâtis et on n’en rencontre plus après cette époque.
Si ces renseignements, épars dans les documents, ne nous permettent pas de nous faire une idée exacte de la physionomie du quartier du Bourg et si nous allons donc être obligés d’avoir recours aux chroniques pour y trouver des indications plus précises, je dois cependant dire ici qu’à partir du début du XVe siècle, les sources deviennent si nombreuses qu’il est possible de reconstituer, dès ce moment, l’histoire de toutes les maisons de ce quartier 4.
Avant d’aller plus loin, je pense qu’il est utile de rappeler à grands traits de quelle façon s’est effectué le développement de Fribourg.
Réduite, à l’origine, au quartier du Bourg, limité au nord-ouest par le grand fossé courant de la Grenette /110/ au Tilleul, et à un faubourg constitué par la partie du quartier de l’Auge située sur la rive gauche de la Sarine, Fribourg a débordé, au milieu du XIIIe siècle, de l’autre côté du grand fossé, où commence à se former le quartier des Hôpitaux, et de l’autre côté de la Sarine, où s’agrandit celui de l’Auge. La Neuveville est en partie construite dans la seconde moitié du XIIIe siècle et, le développement se poursuivant à l’ouest et au nord, les limites de la ville atteignent, au début du XIVe siècle, le haut de la rue de Lausanne et l’ancienne préfecture, en suivant le tracé du Varis. Au commencement du XVe siècle, elle comprend, en plus des quartiers primitifs — Bourg et Auge — celui de la Neuveville, détaché du quartier des Hôpitaux en 1402 et formé de la Neuveville et de la Planche et celui des Hôpitaux ou des Places, dont les limites sont alors fixées par une ligne passant par le Temple réformé, la Tour Henri et les remparts jusqu’à la porte de Morat 1. Sauf quelques modifications de détail, cette situation s’est maintenue jusqu’au XIXe siècle et les quartiers situés à l’extérieur de ces points sont de création récente.
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DEUXIÈME PARTIE
LE QUARTIER DU BOURG
AUX XVe ET XVIe SIÈCLES
INTRODUCTION

Plan actuel du quartier du Bourg
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Si l’on considère, sur le plan actuel de Fribourg, le secteur compris entre le Tilleul, l’Hôtel-de-Ville, le haut du Stalden, l’entrée du pont Zaehringen et la Grenette — c’est-à-dire l’ancien quartier du Bourg — et qu’on le compare à l’image que nous en donnent la perspective de Grégoire Sickinger de 1582 2 et celle de Martin Martini de 1606 3, on ne peut manquer d’être frappé de la presque complète similitude entre ces documents et le plan, malgré l’intervalle de plus de trois cents ans qui s’est écoulé entre les époques où ils ont été établis.

Pl. IV. Fragment de la perspective de Martin Martini de 1606
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En s’en tenant aux points principaux, on constate qu’entre 1582 et 1924, les seuls changements apportés se réduisent aux suivants, en allant de l’ouest à l’est : /112/
1o l’établissement du poste de gendarmerie, construit en 1782 au nord-ouest de l’Hôtel-de-Ville 1 ;
2o l’ouverture, en 1790, de la ruelle de la Poste, dont je parlerai par la suite;
3o la suppression du cimetière de St-Nicolas, accomplie en 1825 2, en même temps que la démolition de la chapelle de N.-D. de Compassion 3 et le transfert au cimetière de St-Pierre, du crucifix de Peterman de Faucigny 4 ;
4o le transfert derrière St-Nicolas, exécuté en 1840 5, de la fontaine de la Vaillance, primitivement placée derrière le bâtiment de l’ancienne Poste;
5o l’établissement du Grand Pont suspendu 6 et la démolition, à cet effet, en 1832 7, de la boucherie et /113/ de l’abattoir, qui avaient succédé, en 1773, à l’abbaye des Boulangers 1, ainsi que la suppression de la fontaine placée devant ce bâtiment.
Le petit nombre des changements intervenus, au cours de cette période de plus de trois cents années, pourrait faire croire à l’observateur superficiel que les modifications n’avaient pas été plus nombreuses pendant les quatre cent vingt-cinq ans écoulés entre la fondation de Fribourg et 1582. Il n’en est rien. Le quartier du Bourg a subi, pendant le XVe siècle et au début du siècle suivant, des bouleversements qui ont profondément modifié sa physionomie primitive.
Il importe donc d’essayer de se rendre compte de l’aspect général que présentait le quartier du Bourg et de décrire ensuite les transformations qui se sont opérées et qui ont conduit à l’état de choses que nous montrent les perspectives de 1582 et de 1606.
C’est dans la chronique manuscrite de François Rudella 2, écrite au début de la seconde moitié du XVIe siècle, que l’on trouve la plus ancienne description du quartier de Bourg 3. On peut la résumer de la manière suivante :
Berthold IV de Zaehringen fonda et commença la ville de Fribourg, près du château qu’il possédait déjà auparavant, à l’endroit où le nouvel Hôtel-de-Ville fut construit en 1505 et qui était entouré de profonds fossés et d’à pics vers la Sarine et la Neuveville. Un fossé naturel séparait le château du Tilleul /114/ et s’étendait jusqu’entre la Croix-blanche (Grenette actuelle) et la maison des d’Avenches (partie du bâtiment de la Banque de l’Etat). Un autre fossé, remontant du premier, revenait jusqu’au château et le séparait de la ville. Celle-ci, dont le quartier du Bourg a tiré son nom, s’étendait primitivement du château au Stalden, de là jusqu’à une grosse maison d’angle (entrée actuelle du Pont Zaehringen), puis jusqu’à une autre maison d’angle (Banque de l’Etat) et enfin de là au château en suivant le bord du fossé. En raison de sa forte situation naturelle, la ville n’eut pas besoin d’être protégée par des fortifications. Deux ponts franchissaient le grand fossé du Tilleul à la Croix blanche : l’un entre St-Nicolas et Notre-Dame, l’autre vers l’emplacement du Tilleul et un troisième, jeté sur l’autre fossé, permettait d’accéder du château à la Ville. L’église de Notre-Dame, antérieure à toute autre, était placée à l’extérieur du fossé.
Si l’affirmation de Rudella, en ce qui concerne l’étendue et les limites du Bourg primitif, peut être immédiatement acceptée parce qu’elle correspond à la nature du terrain et à ce que l’on peut encore voir sur les lieux, ce qu’il dit au sujet de l’existence et de l’emplacement du château, du tracé des fossés, de l’emplacement des ponts, de l’absence de fortifications et de la date de construction de l’église de Notre-Dame demande à être vérifié à la lumière des sources originales et des vestiges qui peuvent subsister sur le terrain, bien qu’il soit nécessaire d’être d’une /115/ extrême prudence à propos de ces derniers, dont l’ancienneté réelle est souvent difficile à déterminer.
Quelque grande que soit la valeur historique de la chronique Rudella, il est, en effet, indispensable de bien distinguer si ce qu’elle rapporte est tiré de documents originaux, des souvenirs personnels de l’auteur, des témoignages de témoins oculaires antérieurs ou de la simple tradition, car les deux premières sources ont certainement une importance beaucoup plus considérable que les deux autres.
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CHAPITRE PREMIER
LE BOURG
Cet ancien quartier du Bourg, dont les limites ont été indiquées par Rudella, paraît ne pas avoir été modifié, dans ses grandes lignes, depuis sa création jusqu’à nos jours.
Il est, aujourd’hui comme alors, constitué par deux grandes artères longitudinales, orientées en direction est-ouest : la Grand’Rue et la voie formée par les rues des Chanoines et du Pont suspendu, qui sont réunies l’une à l’autre par un certain nombre de communications transversales : la rue des Epouses, le passage St-Nicolas, la ruelle de la Poste 1 , la ruelle Möhr et la rue Zaehringen.
On ne pénètre dans ce quartier, en venant de l’est, que par un seul point 2 : le Stalden, et on ne peut en sortir, vers l’ouest et le nord que par la partie supérieure de la Grand’Rue et par la rue de St-Nicolas.
Examinons ce que l’on sait de ces différentes artères.
1. La Grand’Rue.
Il est très probable que la Grand’Rue n’était, primitivement, pas désignée par un nom spécial et que son emplacement était simplement appelé le « Marché ». /118/
On rencontre, pour la première fois, dans un acte d’octobre 1313 1, une maison qui est située in vico fori a parte Sarone et deux autres actes d’octobre 1321 2 et de décembre 1335 3 citent également des maisons in vico fori, mais ces immeubles ne sont pas identifiables.
On est tenté de traduire cette expression in vico fori par dans la rue du Marché, en donnant au mot vicus le sens de rue, comme son diminutif viculus se traduit par ruelle 4. Il semble cependant, ainsi que je le démontrerai par divers exemples, que vicus a, chez nous, au moins au début, plutôt le sens de rangée de maisons.
In vico fori ne se rencontre plus après 1335, mais on voit par contre apparaître, dès mars 1328 (29 ?) 5, l’expression in magno vico fori qui, avec in magno vico, qu’on lit pour la première fois dans un acte de janvier 1351 (52) 6, va être, désormais, presque constamment en usage pour désigner les maisons de la Grand’Rue, dans les actes latins. Au début, tout au moins, cette expression doit être rendue, en français, par dans la grande rangée de maisons, car toutes les maisons ainsi désignées et que j’ai pu identifier, se trouvent, jusqu’en 1360, dans la rangée qui regarde vers la Sarine, c’est-à-dire dans la plus grande ou la plus longue rangée de maisons du quartier.
Ce n’est qu’en février 1360 (61), qu’on trouve une maison située in magno vico fori in vico /119/ eis Bolongiours 1 et, comme le vicus eis Bolongiours n’est qu’une partie de la rangée intérieure de la Grand’Rue, ainsi que je le dirai plus loin, il s’ensuit que cette expression doit être traduite par dans la grande rue, dans la rangée de maisons des boulangers et que vicus a pris alors, au moins dans une partie de l’expression, un sens extensif qui correspond à rue et qu’il conservera, à partir de ce moment.
Quand elles sont expressément désignées, — car on rencontre souvent les désignations vagues in Burgo ou supra Burgum,— les maisons de la rangée extérieure sont toujours appelées in magno vico, mais comme cette grande rangée extérieure s’étend du Stalden à la place de l’Hôtel de Ville, cette indication est parfois accompagnée de désignations plus explicites. C’est ainsi qu’on trouve fréquemment, pour des maisons situées à l’extrémité inférieure, la mention complémentaire supra Staldonem, comme, par exemple, dans un acte du 16 mai 1356 2. La désignation des maisons placées à l’autre extrémité de la rangée, sur la place de l’Hôtel-de-Ville, est par contre affectée par la présence, en ce point, de la Porte et de la Tour du Bourg, dont je parlerai au chapitre suivant. Elles sont souvent aussi appelées in vico deis Chandeleires, expression que l’on rencontre pour la première fois le 30 janvier 1433 (34) 3 et dont la forme latine in vico candelatricum est donnée par un acte du 9 octobre 1442 4, et la forme allemande an der Kertzengassen, /120/ par un document du 20 janvier 1489 1 ; elle doit être traduite par dans la rangée de maisons des fabricants de chandelles. Lorsque la démolition, en 1463, de la Tour du Bourg, eut permis l’établissement du marché au grain sur la place de l’Hôtel-de-Ville, on appela les maisons de cette région in vico novi fori comme le dit un acte du 2 avril 1470 2 ou plus fréquemment in foro bladi, que donne un acte du 16 mai 1478 3, ce que les actes en allemand traduisent par an dem Kornmarckt, que l’on trouve en date du 22 avril 1515 4. Plus tard encore, au XVIe siècle, après la construction de l’Hôtel-de-Ville, elles sont dites by dem Rathus, comme par exemple, dans un document du 9 avril 1586 5.
Si nous passons maintenant à la rangée intérieure, on remarquera que celle-ci s’étend de la rue des Epouses à la rue Zaehringen et est occupée en blocs inégaux par le passage St-Nicolas et la ruelle Möhr 6.
On verra par la suite que, jusqu’en 1567, le marché au poisson se tenait à l’intersection de la Grand’Rue et de la rue des Epouses. Sa présence se fait naturellement sentir dans la désignation des maisons qui sont dans le voisinage et il en est de même pour la boucherie, qui se trouvait sur l’emplacement actuellement occupé par la ruelle de la Poste. /121/
Le passage St-Nicolas et la ruelle Möhr, dont l’existence sert à désigner les maisons d’angle, divisent en trois groupes les maisons de la rangée intérieure.
Celles comprises entre la rue des Epouses et le passage St-Nicolas sont, en général, appelées in vico deis Bolenyour (eis Bolongiours, deis Bolengiours, Bolongeriorum, Bolengeriorum), expression qui se rencontre pour la première fois, dans un acte du 5 juillet 1345 1 et qu’on ne peut évidemment traduire que par dans la rangée de maisons des boulangers. Une maison de ce groupe est aussi dite in vico interiori, le 13 novembre 1465 2, ce qui correspond à dans la rangée intérieure.
Un deuxième groupe comprend les maisons situées entre le passage St-Nicolas et la ruelle Möhr, qui sont désignées par l’expression in vico de la merceri, qu’on trouve en juin 1344 3, ou par d’autres analogues, telles que in vico institorum 4, in vico merceriorum ou in vico deis merceries et un acte du 4 décembre 1430 5, qui mentionne une maison in magno vico fori in vico merceriorum, nous montre qu’il faut traduire, ici encore, par dans la grande rue dans la rangée de maisons des merciers.
Le dernier groupe embrasse les maisons placées entre la ruelle Möhr et la rue Zaehringen. Elles sont en général appelées in vico sellificum, c’est-à-dire dans /122/ la rangée de maisons des selliers, comme on le voit dans un acte du 30 novembre 1399 1, ou encore in vico ante magnum vicum qui est donné par un document du 21 juin 1394 2 ou in vico ex opposito magni vici, dans divers actes de 1416 3, soit dans la rangée devant ou en face de la grande rangée de maisons. Le fait que plusieurs maisons de ce groupe sont dites in vico Bolengeriorum, comme celles du premier, me porte à croire que toute la rangée a primitivement porté ce nom et que la division en groupes distincts n’est venue que plus tard.
Le sens des expressions que je viens de signaler nous est donné par une ordonnance du 30 avril 1417 4, qui décrète que les merciers étrangers devront établir leurs boutiques, lors des foires, entre le passage St-Nicolas et la ruelle Möhr.
Toutes ces façons de désigner les maisons de la rangée intérieure disparurent, peu à peu, dans la seconde moitié du XVe siècle et il est certain qu’à cette époque in magno vico et in magno vico fori, constamment usités avec in magno vico Burgi, qui fait son apparition dans un acte de 1411 5, ont pris un sens extensif que l’on doit traduire, alors, par dans la grande rue. On rencontre également, à cette époque, en 1416 6, l’expression le grant rin, qui a la même /123/ signification, après avoir eu celle de grande rangée.
La désignation an der Richengassen ou Rychengassen, qui sera en usage jusqu’au XIXe siècle, se rencontre, pour la première fois dans un acte du 10 août 1424 1. Kuenlin 2 dit qu’elle était déjà employée en 1380, ce qui est possible, mais je n’ai pas pu découvrir le document où il avait relevé cette indication, à cette date. Divers auteurs ont voulu faire dériver ce nom de celui de la famille Rich, qui a joué un rôle considérable jusqu’au milieu du XVe siècle. Un membre, au moins, de cette famille a bien habité la Grand’Rue, mais ce fait ne suffit pas à justifier l’assertion qui précède et j’estime que le terme de Reichengasse provient uniquement de ce que cette rue était en grande partie habitée par les familles les plus aisées de la ville.
Rudella cite également les noms de lassen gasse 3 et de langen gasse 4 et Raemy de Bertigny celui de lose gasse 5 ; j’avoue, pour mon compte, n’avoir jamais rencontré ces expressions.
Une nouvelle indication voit le jour à la fin du XVe siècle : c’est le terme sunnenhalb ou du côté du soleil, qui désigne les maisons de la rangée intérieure, dont les portes d’entrée sont tournées vers le midi; on le rencontre pour la première fois le 20 novembre 1492 6. Schattenhalb ou du côté de l’ombre, qui s’applique aux maisons de la rangée extérieure, paraît dans un acte de 22 mai 1494 7. /124/
La Grand’Rue fut pavée au début du XVe siècle et les frais de ce travail sont portés dans le compte du second semestre de 1416 et dans les deux comptes de 1417 1.
Il me reste encore une remarque à faire, à propos de la Grand’Rue. J’ai déjà relevé, dans la première partie de ce volume, l’erreur où sont tombés ceux qui prétendent que les maisons de Fribourg étaient toutes construites sur arcades 2, mais beaucoup de personnes admettent que le fait est certain pour la Grand’Rue. Je ne prétends point qu’il n’y avait pas de maisons de ce genre à Fribourg, mais seulement qu’elles constituaient une exception. La généralisation qu’on a voulu faire provient, à mon avis, d’une interprétation erronée d’expressions comme larc de soure chief Goltchi 3 ou d’autres du même genre, qui se rapportent aux ouvertures cintrées des boutiques, qu’on voit encore dans la perspective de 1606 et non pas à des arcades, dont on ne voit aucune trace dans ce document, sauf à la maison d’école, derrière St-Nicolas. On pourrait me dire que cette raison n’est pas valable pour les maisons de la rangée extérieure de la Grand’Rue, dont la perspective ne montre que les façades postérieures et on invoquera peut-être l’existence des caveaux qui s’avancent jusque sous le trottoir et même parfois jusque sous la rue. Cet argument n’est aucunement décisif, car beaucoup de maisons de la rangée intérieure ont des caveaux du /125/ même genre et la perspective de 1606 ne montre aucune trace d’arcades de ce côté; de plus, cette conclusion conduirait à réduire, sur certains points, où il y a des caveaux des deux côtés, la Grand’Rue à un étroit boyau. Un fait suffit, du reste, à prouver l’exactitude de ce que j’avance. Pendant tout le XVe et tout le XVIe siècles, une maison de la rangée extérieure de la Grand’Rue — la maison No 59, qui forme une partie de la maison No 32 actuelle — a été désignée par l’expression under den swibogen, qu’on rencontre dans un acte du 21 septembre 1445 1, puis par subtus voltas, le 17 avril 1460 2 et encore under den swibogen, le 6 juillet 1556 3, tandis qu’une des maisons de la rangée qui se trouve en face, est appelée, dans un acte du 4 avril 1424 4, in vico existente ante les arves (galice) magni vici. Or, il est certain que, si toutes les maisons de la ville avaient été construites sur arcades, comme le croyait Berchtold, cette indication devrait se retrouver pour chacune et n’apporterait aucune précision. Le fait qu’une seule maison du côté extérieur de la Grand’Rue a pu être désignée de cette façon, démontre que ce mode de construction était exceptionnel, même dans la Grand’ Rue.
Quelques personnes prétendent aussi que, sur certains points, le côté extérieur de la Grand’Rue comportait deux rangées de maisons avec des ruelles intermédiaires. Le silence absolu des documents sur une disposition de ce genre, permet de dire qu’elle n’a jamais existé. /126/
2. La rue des Chanoines et la rue du pont suspendu.
Ces deux rues n’en forment, en réalité, qu’une seule, bordée à l’extérieur par les maisons donnant sur le Grabensaal et à l’intérieur par celles adossées à la Grand’Rue, et divisée en deux par l’église de St-Nicolas et l’ancienne Poste, qui a succédé à l’Hôtel-de-Ville primitif. Telle était, du reste, la manière de voir de nos ancêtres, pour lesquels cette région constituait le marché au bétail.
On y vendait également d’autres denrées, car une ordonnance du 22 août 1427 1 prescrit de tenir dix la maison deis hoirs de Johan Richoz la contravaul jusque en la maison de la Grant Bay, c’est-à-dire tout le long de la rangée extérieure, et en lautre rin se lour y hont estreit 2 ly marchie de frumage, serex, buro, ginillies, frite et tottes autres choses, qui se tenait auparavant devant l’église de Notre-Dame, et dit que les droblet se devront vendre desos les arvolt de la maison Pierre Richoz et deis autres maisons decosté, c’est-à-dire sous les arcades, dont on voit une partie dans la perspective de 1606, des maisons qui occupaient l’emplacement de la Banque de l’Etat.
On rencontre déjà, en mai 1252 3, une maison dite in angulo vici in quo habitur forum animalium et, à partir de juin 1325 4, on trouve l’expression in vico fori /127/ animalium, qui sera constamment en usage pendant tout le cours du XVe siècle. Sa traduction française ou romande nous est donnée par un acte du 2 mars 1340 (41) 1 qui cite une maison in vico dou marchie deis bestes et la forme allemande se trouve dans un document du 17 septembre 1487 2, qui parle d’une maison am Vichmarckt, c’est-à-dire am Viehmarckt (marché au bétail), qu’il ne faut pas confondre avec le Fisch ou Vischmarckt (marché au poisson). Cette désignation est généralement remplacée, dès la fin du XVe siècle, par an der Metzgerngassen, qui paraît dans un acte du 19 mai 1492 3 et sera employée jusqu’au XIXe siècle. Elle se traduit en français par en la rue 4 ou en la charrière des massaliers 5, qui a donné naissance au nom de rue des Bouchers, porté au XIXe siècle par la rue du Pont suspendu. 6
J’ai retrouvé cette mention in vico fori animalium pour toutes les maisons de la rangée extérieure, de l’entrée du pont Zaehringen jusqu’à la maison judiciaire actuelle inclusivement et pour toutes celles de la rangée intérieure, de la rue Zaehringen à la maison No 78 inclusivement.
Pour la rangée extérieure, on trouve souvent des indications complémentaires, telles que a parte Sarone /128/ ou a parte Grabentzales et d’autres tirées du voisinage de bâtiments importants : la Grande Abbaye ou Abbaye du Chasseur, située sur l’emplacement occupé plus tard par l’Hôtel Zaehringen, actuellement maison No 102; l’ancien Hôtel-de-Ville ou Maison de justice, auquel a succédé l’ancienne Poste ou maison No 117; l’abattoir (Escorchiour, Schindthus), dont l’emplacement est occupé par le Théâtre et enfin la Chancellerie (Cantzly).
En ce qui concerne la rangée intérieure, les maisons qui la composent sont souvent reconnaissables par l’indication disant qu’elles touchent, par derrière, au Eegraben ou Eergraben, c’est-à-dire à l’égout qui les sépare de la rangée intérieure de la Grand’Rue. Le voisinage de la Grande Abbaye, de l’Hôtel-de-Ville et de la boucherie se fait également sentir dans les désignations et il en est de même pour deux maisons, appartenant à la ville, et jointes à l’Hôtel-de-Ville par un passage sur arcade.
La proximité de l’église St-Nicolas exerce son influence sur les maisons de la rangée extérieure jusqu’à la Chancellerie, par des indications comme retro ecclesiam Friburgi, déjà donnée par un acte du 14 avril 1247 1 ou prope, juxta ecclesiam ou a latere ecclesie Beati Nicolai, tandis qu’au XVIe siècle c’est l’expression hinder S. Niclausen, qui est le plus fréquemment employée. Ces maisons sont aussi souvent dites in vico sacerdotum, comme on le trouve déjà dans un acte du 20 juillet 1356 2 ou in vico presbiterum, /129/ comme dans un document du 25 avril 1409 1. Quant aux immeubles situés sur l’emplacement occupé par la Banque de l’Etat, ils sont presque toujours appelés ante ecclesiam S. Nicolai, et le dernier est mentionné comme étant à proximité de la ruelle conduisant au pont de la Chapelle, dont je parlerai tout à l’heure.
Cette influence de l’église St-Nicolas s’exerce, pour la rangée intérieure, par les expressions ante, juxta, prope, a latere, mais c’est ante qui est le plus employé. Au XVIe siècle, on trouve surtout neben et by, tandis que vor paraît plus spécialement réservé aux premières maisons de la rue des Epouses.
Il est également fait mention, à diverses reprises, du voisinage du cimetière pour les maisons des deux rangées et l’on rencontre, par exemple, la mention nebent S. Niclausen Kilchhof dans un acte du 9 juillet 1567 2.
3. La rue des Epouses.
Rudella raconte que le marché au poisson se tenait au haut de la Grand’Rue, à l’intersection de celle-ci et de la rue qui va vers l’église de St-Nicolas, et qu’en 1566, on le transféra à la rue Neuve, devant l’Hôpital, près du Tilleul 3.
Ce marché au poisson est généralement désigné, dans les actes latins, par le mot piscinaria, qu’on rencontre pour la première fois, dans un acte du 9 novembre 1414 4, mais il est aussi appelé forum /130/ piscinii, en juin 1416 1 ou forum piscium, le 19 décembre 1440 2, et un acte de 1416 3 mentionne la domus ville in qua pisces venduntur, qui se trouvait à l’angle intérieur de la Grand’Rue et de la rue des Epouses, à peu près là, où se trouve maintenant la maison dite des Tornalettes. La traduction française du mot piscinaria est pessonery ou banc du poysson et la traduction allemande Fischbanck, Vischbanck 4, Fischmarckt ou Fischtrog.
Le récit de Rudella au sujet du transfert est exact. On trouve, en effet, dans le Manual, à la date du 18 juillet 1566, une décision aux termes de laquelle les bannerets et le trésorier sont chargés d’examiner la possibilité de déplacer le Fischtrog. Cette affaire n’est plus mentionnée par la suite, mais elle fut certainement réglée, car le Manual enregistre, à la date du 23 juillet 1567, l’ordre d’exécuter des travaux au nüwen Fischbanck et la dépense y relative est portée dans le compte du trésorier pour le second semestre de 1567 5. L’ancien emplacement du marché au poisson prit, dès lors, le nom de am alten Fischbanck, qu’on trouve dans un acte du 28 novembre 1572 6.
Je suis porté à croire que le marché au poisson n’avait, du reste, été établi là que vers la fin du XIVe siècle ou le début du XVe et qu’il y avait, précédemment, /131/ le marché au blé à cet endroit. Je tire cette conclusion du fait que deux maisons de la rangée extérieure de la rue des Epouses sont appelées in vico fori bladi, les 2 et 4 octobre 1428 1. Comme on sait, par une multitude de documents, que c’était le marché au poisson qui se tenait là, à cette époque, l’indication que je viens de citer ne me paraît être que le rappel d’un état de choses disparu alors.
Presque toutes les maisons de la rangée extérieure de cette rue sont dites in vico supra fossale de Grabentzales, c’est-à-dire dans la rangée de maisons sur le fossé du Grabensaal, parce qu’elles se trouvaient en bordure du grand fossé, dont je parlerai au chapitre III. On y verra comment ce fossé a été comblé et on comprendra alors comment ces maisons peuvent être appelées vom alten bis zum nüwen Fischbanck, comme il est dit dans un acte du 28 novembre 1572 2, ou hinden an die gassen des nüwen Fischbancks, comme le 20 avril 1584 3.
Les premières maisons, en partant de la place de l’Hôtel-de-Ville, sont influencées, dans leur désignation, par le voisinage de la Tour du Bourg et, après la démolition de celle-ci, par la proximité du marché au grain; les suivantes, jusqu’au No 134 actuel, par le voisinage du marché au poisson. A partir de là, c’est l’église de St-Nicolas qui fait sentir son action, marquée par l’expression ante ecclesiam Beati Nicolai, usitée aussi pour les maisons de la rangée intérieure. /132/
Une de ces dernières est appelée, dans un acte du 10 juin 1517 1, an der Goldschmidgassen, ce qui paraît dû au fait qu’il y avait des orfèvres dans cette rue. Une autre est dite, le 28 janvier 1562 2, uff der Burg vom Fischbanck am Kilchenweg et si l’on rapproche cette expression de la mention an der Kilchengassen, employée le 17 mars 1527 3, pour une maison de la rangée extérieure, il semble qu’on puisse en conclure que cette rue portait le nom de rue de l’Eglise, au moins pendant une partie du XVIe siècle.
L’archiviste Schneuwly prétend que la rue des Epouses s’appelait jadis rue Chandeleir 4 ; il y a là une confusion, ainsi que je l’ai montré en parlant de la Grand’Rue et du vicus deis Chandeleires. Il dit aussi qu’elle a porté le nom de Besengasse 5 ou rue des Balais, mais cette expression doit être postérieure au XVIe siècle, car je ne l’ai jamais rencontrée. Le nom de Hochzeitergasse ou rue des Epoux fut usité du XVIIIe 6 au XIXe siècle et c’est seulement au cours de ce dernier qu’il se transforma en rue des Epouses, qui est déjà employé en 1832 7. /133/
On remarquera, en examinant la perspective de 1606 de Martin Martini, que les maisons de la rangée intérieure de la rue des Epouses ne formaient, alors, que le prolongement de la rangée intérieure de la rue du Pont suspendu. Il semble que, pour reconstituer la situation de cette époque, il faudrait faire disparaître la saillie qui se produit à partir de la maison No 72 et enlever une tranche des maisons actuelles. Un examen attentif des maisons de la rangée extérieure porte à croire que leurs façades devaient être en retrait d’environ quatre mètres sur l’alignement actuel et se trouver au niveau de la saillie que porte la maison No 130, du côté de la Banque de l’Etat. La rue des Epouses semble donc avoir été beaucoup plus large aux XVe et XVIe siècles qu’elle ne l’est maintenant.
4. Le passage St-Nicolas.
Entre 1343 et 1350 1 la maison qui est à l’angle inférieur du passage, vers la rue du Pont suspendu, est appelée ante portam ecclesie beati Nicolai, mais sans mention de la ruelle, que l’on ne rencontre qu’en juin 1365 2, sous le nom de viculus publicus.
Le passage est appelé via publica quo itur a magno vico ad ecclesiam beati Nicolai, dans un acte du 21 juin 1386 3, et ruetta publica, en 1416 4, dans un acte qui le cite comme voisin d’une maison dite prope /134/ ecclesiam beati Nicolai ante portale sancte dominice. Une ordonnance du 30 avril 1417 1 le mentionne sous le nom de ruette tendent ou grant rin devant le portaul de la sainte diminge (dimanche). Il est aussi désigné par les expressions viculus tendens ad magnum vicum, le 5 octobre 1422 2, ruetta publica que est ante portale b. Nicolai, le 23 mai 1434 3 et ruetta tendens versus magnum vicum, le 26 septembre 1491 4, mais il est, fréquemment aussi, appelé simplement rueta, via, ou viculus, sans autre désignation, au cours du XVe siècle.
Pendant le XVIe siècle, c’est presque toujours le terme gässli tout court, qui est usité, mais on rencontre cependant la formule gessli do man gan S. Niclausen gadt, dans un acte du 6 juillet 1595 5.
5. La ruelle de la Poste.
J’ai déjà dit que cette ruelle n’existait pas à l’époque dont nous parlons. Son emplacement était occupé par la boucherie, appelée macellum en latin, et masel en français. Le terme allemand Fleischschal apparaît dans un acte du 1er août 1500 6, et on trouve aussi celui de Schal, dès le 14 mai 1501 7, et celui de Fleischal, — contraction de la première forme, — dès le 22 août 1554 8.
La boucherie et l’abattoir ayant été transférés, en 1773 9, dans l’ancienne abbaye des Boulangers, le bâtiment /135/ subsista sous le nom de alte Schaal. La question de savoir ce que l’on voulait en faire fut déjà examinée par le Conseil, dans ses séances des 29 février et 11 avril 1780 1. Elle fut reprise les 16 et 23 janvier 1787 2, et c’est alors, qu’après avoir envisagé la vente à un voisin, on prit la décision de principe de démolir la boucherie et de créer une rue sur son emplacement. Les travaux furent probablement exécutés en 1790, car on trouve dans les comptes de cette année, à la date du 14 août 3, une recette pour vente des pierres de la façade de la boucherie, mais ce n’est que le 1er mai 1795 4 que j’ai trouvé la première mention de cette rue, appelée alors die neu errichtete gasse, so von der Reichengasse in die Metzgerngasse führt.
6. La ruelle Möhr.
Cette ruelle est citée, pour la première fois, dans un acte de la St-Vincent 1343 5, sous le nom de via publica quo itur versus justiciam. Un document du 16 juin 1381 6 l’appelle viculus ville et un autre, du 7 avril 1394 7, viculus publicus per quem itur versus bornellum existentem in vico fori animalium, ce qui correspond à la réalité, la fontaine étant alors derrière l’ancien Hôtel-de-Ville, comme on le voit encore dans la perspective de 1606. On trouve également les expressions vicus publicus ante fontem fori animalium, le 30 novembre 1399 8, rottulla quo itur ad bornellum, le 20 février 1403 (04)9, ruetta tendent dix lo /136/ marchie deis bestes ou grant rin, le 30 avril 1417 1 et das Stal gessli, le 27 octobre 1425 2. Un acte du 14 janvier 1438 (39) 3, qui l’appelle rueta publica, dit qu’elle se trouvait à côté d’une maison placée ex opposito bornelli ibidem existentis et elle est mentionnée sous le nom de rueta publica tendens ad magnum vicum, le 22 mars 1468 4, et sous celui de parva rueta, le 8 juillet 1483 5.
Au XVIe siècle, elle est en général appelée gässli, petite rue ou rueta, comme par exemple en date du 6 juillet 1549 6. Il est probable qu’elle avait cependant un nom, car on trouve, dans un acte du 18 juin 1541 7, l’expression das gässlin genant …, mais le nom est resté en blanc. Rudella, qui écrit vers 1560, comble cette lacune, en signalant qu’on la nommait das Schelmen gässli 8, ce que Gurnel traduit par ruelle des larrons 9, et son renseignement est exact, car on voit, dans un acte du 22 février 1575 10, cette ruelle appelée gässli genant das Schelmengessli. Le nom ne paraît cependant pas avoir été officiel, car un acte du 9 mars 1611 11, la nomme gessli gegen dem Schlachthaus.
7. La rue Zaehringen.
Les termes employés, pour désigner cette rue, subissent l’influence de deux centres d’attraction : le Stalden, qui se trouve à son extrémité méridionale /137/ et la Grande Abbaye ou abbaye du Chasseur, qui est la dernière maison de la rangée extérieure, vers le Nord. On trouve ainsi, suivant l’emplacement des maisons, et aussi bien pour la rangée intérieure que pour l’extérieure, d’une part les expressions supra, versus, prope Staldonem et de l’autre in vico Abbacie, in vico dicto ou Jeger ou d’autres analogues. Les dernières maisons de la rangée extérieure, les plus voisines de la Grande Abbaye, sont parfois aussi appelées in vico fori animalium.
Ces appellations sont en usage aussi bien au XVIe siècle qu’au XVe; on voit cependant apparaître, dans un acte du 11 mars 1511 1, déjà, le nom de Spiegelgasse ou rue du Miroir, qui a persisté jusqu’au XIXe siècle et s’est alors transformé en celui de rue des Miroirs, comme le fait remarquer Raemy de Bertigny, qui note que tel était le nom usité en 1852 2.
8. Le Stalden.
Le Stalden, dont le nom signifie « pente rapide », et qui mérite bien son nom, n’appartient pas au quartier du Bourg, mais à celui de l’Auge. On peut s’en assurer en étudiant les rôles militaires du Bourg, dans lesquels le banneret passe directement de la dernière maison à l’angle de la Grand’Rue et du Stalden à la première à l’angle de la rue Zaehringen et du Stalden 3, et en constatant que toutes les maisons du Stalden sont appelées in Augia. Si j’en fais mention ici, c’est /138/ uniquement parce que le Stalden constitue l’unique voie de pénétration dans le Bourg, en venant de l’est.
J’ai rencontré l’expression in Staldone, pour la première fois, dans un acte dont la date doit être fixée entre 1347 et 1350, et qui se trouve dans des réceptions bourgeoisiales relatives au quartier de l’Auge 1. On la trouve également le 4 janvier 1350 (51) 2, dans la réception de D. Petrus, curatus de Basens (Bœsingen).
Il y avait, déjà alors, des escaliers dans cette rue. Un acte du 20 novembre 1341 3 cite, en effet, la maison de Johannes Scherrer de Riede, dite in Augia supra gradus, à côté de celle de Petrus Tierstein, dit de Heitenwile. On retrouve cette dernière, qui est alors à Cunzinus de Heitenwile, dit Tierstein, dans un acte du 25 juin 1355 4, où elle est aussi appelée in Augia supra gradus et dite voisine de celle de Johannes Scherrer de Riede et dans un document du 31 mai 1379 5, par lequel Johannes dit Tierstein vend sa maison in Staldone, à côté de celle de feu Johannes de Helfenstein, qui n’est qu’une partie de la maison d’angle de la Grand’Rue et du Stalden.
Plusieurs auteurs font mention d’une porte au Stalden, mais ils ne sont pas d’accord sur son emplacement. Guillimann la situe au pied de la rampe 6. Fuchs fait de même dans un passage de sa chronique 7, /139/ mais dans un autre, il parle d’une porte au haut du Stalden 1 et son traducteur confirme cette dernière version, en ajoutant que cette « première porte du Bourg, au haut du Stalden, fut démolie sous le régime helvétique 2 ». Le P. Girard place également la porte en haut 3, ainsi que Kuenlin, qui mentionne aussi sa démolition 4, tandis que Berchtold se tient, comme toujours, dans le vague 5.
L’existence d’un ouvrage de défense, porte ou autre, pour la protection du Bourg, au cas où le passage de la Sarine aurait été forcé, paraît évidente. Il est curieux qu’il ne soit pas fait mention d’une porte dans les nombreux documents que nous possédons sur les maisons d’angle au haut du Stalden, mais Rudella explique ce dont il s’agissait, en faisant le récit de l’élargissement du Stalden, effectué en 1547 6. Il dit, en effet, qu’avant cet élargissement, la rue était fort étroite et qu’une arcade, primitivement prévue pour la défense du Bourg, réunissait les maisons situées des deux côtés de la rue 7. Cet ouvrage disparut à ce moment et il n’en subsiste aucune trace dans la perspective de Martini, en 1606.
Comme on ne peut pas mettre en doute l’existence d’une porte au haut du Stalden, à la fin du XVIIIe siècle, puisque sa démolition est rapportée par Kuenlin, /140/ que sa date de naissance (1781) met à même d’en avoir été le témoin oculaire, force nous est bien d’admettre que cette porte 1, démolie sous le régime helvétique, était de construction postérieure à 1606.
On rencontre dans plusieurs documents relatifs au Stalden, la mention du zwicken türli 2, mais il ne s’agit pas là de la porte dont je viens de parler. On trouve déjà, dans un acte du 23 avril 1357 3, la maison de Johannes de Couffermout in Staldone ufem türlin et un document du 8 novembre 1380 4 explique clairement la situation, en disant que cette maison se trouvait in Staldone, in vico a parte Sarone, videlicet jouxta dollam seu locum dictum Türli, quo itur a Staldone versus novam villam et ad hortos existentes retro rupem magni vici fori. Cette indication est extrêmement précieuse, puisqu’elle explique ce qu’était ce türli et signale, en même temps, l’existence d’un passage permettant de se rendre du Stalden à la Neuveville et aux jardins situés au pied du rocher, sur lequel est établi la Grand’Rue, ce qu’un grand nombre de personnes ignoraient sans doute.
Je ne sais quand ce passage a disparu. Il est encore fait mention, dans un acte du 29 janvier 1512 5, d’une maison voisine des stägen genempt zwickentürli, mais /141/ la perspective de 1606 ne permet pas de se rendre compte s’il était encore possible, à cette époque, d’aller du Stalden à la Neuveville, en passant sous la Grand’Rue. Les ouvertures qu’on voit dans ce document, au-dessous de la maison d’angle de la Grand’Rue et du Stalden, sont peut-être l’entrée de ce chemin, mais cela n’est pas certain.
9. La rue St-Nicolas.
Cette rue est, avec la Grand’Rue, une des deux issues permettant de sortir du Bourg, vers l’ouest, mais elle a certainement moins d’importance que celle-ci et il est probable qu’elle n’a été créée que postérieurement à elle.
Sa destination paraît avoir été de permettre de se rendre du Bourg à l’église de Notre-Dame, car, ainsi qu’on peut le constater dans la perspective de 1606, le prolongement vers le nord, par la rue de Morat, était alors encore barré par le cimetière du couvent des Cordeliers. Il est donc probable que cette voie n’a été ouverte qu’après la construction de l’église de Notre-Dame, sur laquelle je reviendrai par la suite 1.
Cette rue n’était, primitivement, ni aussi longue, ni aussi large qu’à l’heure actuelle.
En ce qui concerne sa longueur, on verra au chapitre III qu’elle aboutissait à un pont jeté sur le grand fossé, dont le rebord intérieur passait, approximativement, entre la limite des maisons Nos 158 et 159, pour rejoindre, à travers le bâtiment de la /142/ Banque de l’Etat, la tête du ravin aboutissant au Grabensaal. Sa longueur était alors à peine des deux tiers de la longueur actuelle et elle n’était bordée que par une seule maison de chaque côté : l’abbaye des Marchands, au nord-est, et la maison des de Chenens au sud-ouest.
Quant à sa largeur, qui est actuellement de dix-sept mètres cinquante, en moyenne, je ferai remarquer qu’en 1906, lors de la construction de la Banque, la rue a été élargie d’environ trois mètres cinquante, par le reculement de la façade de l’Hôtel National, qui occupait auparavant cet emplacement et qu’elle n’avait donc, antérieurement, qu’une largeur moyenne d’environ quatorze mètres. Cette dernière dimension n’avait, du reste, été obtenue que par une précédente démolition de l’abbaye des Marchands, effectuée avant 1687 1, et par une reconstruction en recul de ce bâtiment. Le passage était très étroit au milieu du XVIe siècle, et Rudella 2 l’appelle das eng gässli, c’est-à-dire une étroite ruelle. Son affirmation est corroborée par les documents originaux et l’on possède une ordonnance du 9 juin 1438 3, qui interdit de faire des étalages sus le pont de la chappalla devant les chambres qui y sont, — il faut naturellement entendre par là la ruelle conduisant à ce pont, — attenduz que ly luef est asseis estreit sain restricier plus avant, et qui fut encore confirmée le 30 juillet 1439 4.
Cette ruelle est citée, pour la première fois, dans /143/ un acte de 1343 1, qui l’appelle viculus tendens a Burgo versus capellam Beate Marie de Friburgo hospitalis. Un autre document de 1359 2 la nomme viculus per quem itur ad capellam Beate Marie, et un acte du 6 septembre 1400 3 vicus publicus pontis Beate Marie. Ces indications et d’autres du même genre, qui montrent bien la destination primitive, se retrouvent pendant tout le cours du XVe siècle, et un acte du 19 mars 1477 4 fait encore usage de l’expression ruetta publica tendens supra pontem lapideum.
Rudella raconte que, de son temps, la ruelle portait le nom de steine bruck 5 et, là encore, ses renseignements sont parfaitement exacts. J’ai rencontré cette expression, pour la première fois, dans un acte du 12 juillet 1526 6, où il est parlé d’une maison uff der steinine Bruck et on la retrouve jusqu’au XIXe siècle, où sa traduction française a donné naissance au nom de rue du Pont muré, ainsi que je l’exposerai en parlant du pont lui-même.
/144/
CHAPITRE II
LE CHATEAU ET LA PLACE DE L’HOTEL-DE-VILLE
Rudella parle, à plusieurs reprises 1, du château dans sa chronique et raconte qu’il appartenait à Berthold IV de Zæhringen et existait avant la fondation de la ville, à l’endroit où le nouvel Hôtel-de-Ville fut construit en 1505 2.
« Ce château, dit-il 3, était entouré de toutes parts de profonds fossés et d’à pics vers la Sarine et l’emplacement où se trouve actuellement la Neuveville. Vers l’endroit où est actuellement situé le beau tilleul, près de l’Hôpital, se trouvait un profond fossé naturel qui, remontant du Grabensaal (là où est actuellement la rue Neuve 4), revenait de nouveau jusqu’au-dessous du château. Celui-ci se dressait donc, fier et isolé, à côté de l’endroit où la ville fut fondée et commencée; il était pourvu d’une haute tour, de fossés et de ponts-levis et, bien que, par la suite, il soit tombé en ruines et ait été démoli, que des maisons qui, du temps de nos pères, sont aussi tombées en ruines, aient été construites sur son emplacement et qu’ensuite le nouvel Hôtel-de-Ville ait été construit /145/ à cette place, la Tour ou Porte, qui se trouvait près du château, du côté de l’emplacement où la ville fut fondée, avait été conservée. Cette construction, seul vestige de l’ancien château, était tenue en honneur et appelée Tour de la Seigneurie, ainsi que Tour du Bourg, puis aussi, lorsque la ville de Fribourg fut parvenue entre les mains des ducs d’Autriche, Tour d’Autriche et, ainsi que cela sera exposé plus en détail, elle ne fut démolie qu’en 1463, lorsque la lassen ou Rychengasse, où se tient de nos jours l’ancien marché au poisson, fut élargie, »
« Le château ou Burg, qui se trouve dans cette ville, dit-il dans un autre passage 1, était, en 1463, dégradé et en partie tombé en ruines, et diverses maisons avaient été construites sur son emplacement. Seule, une grosse tour et porte était restée qui, à cette époque, s’élevait à l’endroit qui est maintenant devant le marché au poisson. Cette construction, jadis munie d’un fossé avec pont-levis, séparait le château de la ville et était appelée Tour du Bourg ou Tour de la Seigneurie ou Tour d’Autriche. (Des maisons furent, avec le temps, construites dans ses environs immédiats, car, en 1400, un bourgeois de Fribourg a assigné son droit de bourgeoisie sur sa maison à la langengasse, maintenant Rychengasse, là où se tenait le marché, dans l’angle de la porte du Bourg, entre la maison de Nicolet Cordey, d’un côté, et les anciens murs de la ville de l’autre 2, etc. Un autre assigne, en /146/ 1400, son droit de bourgeoisie sur sa maison située près de la Porte du Bourg, et cette maison s’étendait, par derrière, jusqu’à l’ancien fossé de la ville, derrière l’Hôpital 1, etc.) Comme la présence de cette construction, à cet emplacement parfaitement utilisable, gênait plus qu’elle n’était commode, elle fut, au cours de cette année 1463, démolie dans le but d’employer et d’élargir cet endroit; le fossé fut comblé et la rue aplanie. (On remarque cependant à la maison d’angle des Ramuz, qui appartient de notre temps aux Guglenberg, des restes et des traces de l’arc et de la porte.) On réclama une somme d’argent pour amélioration, de chacune des maisons qui se trouvait à l’entour et que cette construction gênait auparavant, et ces braves gens la payèrent volontiers, comme par exemple les Perrotet, pour la maison qu’ils avaient à cette extrémité et qui, maintenant, a été reconstruite à neuf par les Messello et est leur propriété, les Ramuz, pour leur maison d’angle, qui est maintenant aux Guglenberg, les Taverney pour les maisons qu’ils avaient là, Louis de Schœnenfels pour sa maison, qui appartient actuellement à Wilhelm Krummenstoll et d’autres dans les environs. Du tuf et des pierres de cette tour, on fit les deux murs sur la pente abrupte sur laquelle le château était, auparavant, en partie bâti, vers l’endroit où l’on va à la Neuveville par le Court Chemin ou les escaliers. On établit ainsi deux jolies places, soit la supérieure, maintenant devant le nouvel /147/ Hôtel-de-Ville, sur laquelle s’élève la fontaine de St-Georges et l’inférieure, immédiatement au-dessous de la première. »
Il s’agit, maintenant, de soumettre les dires du chroniqueur à l’épreuve de la comparaison avec les sources originales. On remarquera, en effet, que, dans ces récits, Rudella ne parle point comme témoin oculaire, puisque la démolition de la Tour et de la Porte du Bourg, qui sont citées par lui-même comme les derniers vestiges d’un château préexistant et les modifications consécutives ont lieu en 1463, c’est-à-dire environ cent ans avant le moment où il écrit. Il ne fait donc, dans sa description, que rapporter la tradition et interpréter les indications qu’il a pu trouver dans les documents. Les sources qu’il a pu utiliser sont encore à notre disposition et nous allons donc pouvoir contrôler si ce qu’il dit est exact.
En ce qui concerne l’existence d’un château, Rudella ne fait, évidemment, que rapporter la tradition. Aucune charte n’en fait mention et ce n’est que dans un rôle du 5 mars 1437 (38) 1, sur lequel j’aurai l’occasion de revenir, qu’on trouve l’expression lo chastel.
Quant à la date à laquelle ce château aurait été construit, les historiens sont divisés. D’une part Guillimann 2, Fuchs 3, Girard 4 et Raemy de Bertigny 5 soutiennent la thèse de Rudella d’une existence antérieure à la fondation de la ville et de la possession /148/ par les Zaehringen; d’un autre côté, Berchtold 1 et le même Raemy de Bertigny 2, tout en admettant que le château est plus ancien que la ville, pensent que d’autres seigneurs l’ont possédé avant les Zaehringen. Une autre version est défendue par le Secret Jean-Antoine Raemy, qui tient les constructions du château et de la ville pour contemporaines 3. Enfin, le rédacteur des Etrennes 4, Kuenlin 5 et Daguet 6 ne /149/ se prononcent pas, ce qui est évidemment le parti le plus sage. Il est assez peu probable, à mon avis, qu’il y ait eu un château, sur cet emplacement, avant la fondation de Fribourg, et certain que, si ce château existait, il n’appartenait pas aux Zaehringen, mais plutôt à l’un de leurs vassaux. L’hypothèse la plus vraisemblable me paraît être que le château et la ville furent construits à peu près en même temps, l’un devant aider à la défense de l’autre.
Si, comme on le voit, on ne sait pas grand’chose du château, il n’en est pas de même de la Tour et de la Porte du Bourg.
Un document du mois de mars 1317 (18 ?) 1, fait déjà mention d’une maison in Burgo ante Turrim. On rencontre l’expression Turris Domini dans un acte du 17 novembre 1359 2, et celle de Turris Domini Ducis en mai 1394 3. Le terme Turris Burgi apparaît en date du 30 novembre 1399 4, et on trouve Turris Excellentis Principis Domini Ducis Austrie dans deux actes de 1409 5, mais, dès le début du XVe siècle, c’est Turris Burgi qui est la désignation usuelle. On peut donc dire que les renseignements de Rudella sur les appellations données à ce bâtiment sont exacts.
On remarquera, par contre, qu’il ne semble faire de la Tour et de la Porte qu’une seule et même construction. Sur ce point, ses indications sont formellement /150/ contredites par les documents. La Porte est citée, pour la première fois, dans un acte du 27 février 1373 (74) 1. Un document de mai 1395 2 mentionne une maison juxta Turrim Domini Ducis in Porta Burgi, ce qui fait déjà supposer qu’il s’agit de deux bâtiments distincts, et la preuve en est apportée par un acte du 30 novembre 1399 3, citant une maison in angulo Porte juxta Turrim Burgi, ainsi que par un autre acte du 20 février 1403 (04) 4, citant une maison juxta Turrim et Portam Burgi et, mieux encore, par un document du 20 octobre 1444 5, qui décrit une maison située ante Portam Burgi ex una parte et Turrim Burgi ex altera. Nous constatons donc une inexactitude dans le récit de Rudella et cela doit nous engager à n’accepter qu’avec prudence l’ensemble de la description qu’il donne.
Au sujet de l’emplacement occupé par ces constructions, il dit d’une part, que le château se trouvait là où l’on construisit le nouvel Hôtel-de-Ville, en 1505 6, et, d’autre part, que la Tour et la Porte du Bourg, vestiges du château, se trouvaient à l’endroit où se tenait, de son temps, le marché au poisson 7. A première vue, ces indications paraissent contradictoires, car l’Hôtel-de-Ville est une chose et le marché au poisson, situé à l’intersection de la Grand’Rue et de /151/ la rue des Epouses, en est une autre. Mais on comprend ce que le chroniqueur a voulu dire, quand on se reporte au passage où il parle du transfert du marché au poisson à la rue Neuve, en 1566 1, car il y explique, qu’à ce moment, le marché au poisson se tenait, non seulement à l’intersection de la Grand’Rue et de la rue des Epouses, mais encore sur la place, entre l’Hôtel-de-Ville et le commencement de la Grand’Rue 2. C’est donc au débouché de la Grand’Rue sur la place qu’il situe la Tour et la Porte du Bourg et il confirme cette manière de voir, en disant que cette construction était munie d’un pont-levis jeté sur le fossé séparant la ville du château 3. Nous allons voir que Rudella est dans la plus complète erreur en émettant cette affirmation.
Un rôle de 1450 à 1460 4, destiné à régler la répartition des theyses, donne de précieuses indications sur le quartier du Bourg, puisqu’il indique la largeur et la profondeur de chacune des maisons qui y sont mentionnées. Ce rôle, qui commençait, sans doute, à la Porte du Bourg, comme l’inspection des armures de 1438 5, le recensement de 1448 6, l’inspection des armures du 11 août 1491 7 et tous les autres rôles établis par la suite, est malheureusement incomplet. Il débute à la maison de Willierme davrie et suit /152/ le pourtour extérieur, de la Grand’Rue, par la rue Zaehringen, à la rue du Pont suspendu, jusqu’à l’Escorchiour, dont l’emplacement est actuellement occupé par le Théâtre, en décrivant cinq maisons par page.
Comme il m’a été possible de déterminer quelle était, à cette époque, la maison à l’angle de la Grand’Rue et du Stalden, j’ai pu, assez facilement, — en comparant les indications du rôle avec la situation actuelle et en cherchant une confirmation par la visite de toutes les caves, — déterminer quelle était cette maison de Willierme d’Affry, qui se trouve en tête du rôle. Elle correspond à l’une des deux caves de la maison No 10 : celle qui se trouve du côté de la maison No 11 1.
Or, j’ai pu, d’autre part, en étudiant l’histoire de toutes les maisons du quartier du Bourg 2, déterminer la série des maisons en partant de la Porte du Bourg; celle de Willierme d’Affry y porte le No 21, qui correspond à la cave dont je viens de parler. On remarquera combien ce fait concorde avec ce que j’ai dit du rôle en signalant qu’il décrivait cinq maisons par page, et en disant qu’il était incomplet. A cinq maisons par page, la partie manquante aurait donc comporté quatre pages, c’est-à-dire un feuillet double, avec la description de vingt maisons, et celle de Willierme d’Affry aurait bien été la vingt-et-unième.
Si l’on compare, maintenant, la série de maisons que j’ai reconstituée, avec les maisons actuelles, on /153/ voit que le No 20 correspond à la seconde cave de la maison No 10 vers le No 9; que la maison No 9 est formée des maisons anciennes Nos 19 et 18; que le No 8 coïncide avec l’ancien No 17; que le No 7 est constitué par les anciennes maisons Nos 16 et 15 et que la maison ancienne No 14 correspond à l’actuel No 6.
Or, ainsi que je le démontrerai 1, cette maison No 6 occupe l’emplacement du fossé qui séparait la ville du château. Rudella fait donc certainement erreur en plaçant la Tour et la Porte du Bourg en bordure de ce fossé, sur lequel elle jetait un pont-levis, puisqu’il n’y aurait ainsi que six maisons entre la Tour et la maison de Willierme d’Affry, alors que nous pouvons prouver, par des documents irréfutables, qu’il y avait vingt maisons entre celle-ci et la Tour du Bourg.
La Tour et la Porte du Bourg ne se trouvaient donc pas à l’emplacement indiqué par Rudella et c’est ailleurs qu’il faut les placer. L’étude des documents va nous permettre de déterminer l’endroit où ces constructions se trouvaient.
Reportons-nous aux expressions servant à désigner les maisons. Nous constaterons que toutes celles de la rangée extérieure de la Grand’Rue, en remontant du Stalden vers l’Hôtel-de-Ville, sont désignées, jusqu’au No 22 inclusivement, par le terme in magno vico fori. Les anciens Nos 21, 20, 19 2, 18, 17 et 16, qui forment les maisons actuelles Nos 10, 9, 8 et 7 /154/ sont appelées ante piscinariam, devant la pessonerie, am Vischmerckt, en raison de leur situation en face du marché au poisson. A partir de ce point, toutes les maisons, du No 15 au No 1, portent une indication qui fait allusion à la proximité de la Tour ou de la Porte du Bourg et, plus tard, après la démolition de celles-ci, à leur situation sur la place du marché au blé. On trouvera ces expressions résumées dans le tableau suivant :
| No
Ancien | No Actuel | DÉSIGNATION |
| 15 | 7 | Subtus turrim juxta parvum stagnum; in magno vico, ante turrim; prope turrim. |
| 14 | 6 | In magno vico prope turrim; in magno vico ante turrim; an der Kertzengassen. |
| 13 | 5 | In magno vico; in vico deis Chandeleires; prope forum bladi. |
| 12 | 4 | In magno vico fori ante turrim; in magno vico fori prope domum domini ducis Austrie; prope turrim; retro turrim. |
| 11 | 4 | Prope turrim. |
| 10 | 3 | In porta Burgi; prope turrim; in magno vico ante turrim; in vico deis Chandeleires. |
| 9 | 3 | Prope turrim; in magno vico prope turrim; ante turrim; in vico deis Chandeleires. |
| 8 | 3 | Juxta turrim; in vico fori bladi. |
| 7 | 2 | In magno vico fori; in porta Burgi; juxta turrim. |
| 6 | 2 | In magno vico ante turrim; prope turrim; juxta turrim. /155/ |
| 5 | 2 | In porta Burgi; prope turrim; juxta turrim; in vico fori bladi. |
| 4 | 2 | Juxta turrim in porta Burgi; versus turrim; in porta Burgi; in vico retro turrim; in vico eis Chandeleires retro turrim. |
| 3 | 2 | In magno vico versus turrim; propre turrim; in vico deis Chandeleires prope turrim; retro turrim; in vico novi fori; in vico fori bladi. |
| 2 | - | In porta Burgi, in angulo porte juxta turrim; juxta portam et turrim; juxta portam et turrim ex una parte et viam publicam ex altera; prope turrim; ante portam ex una parte et turrim ex altera; inter turrim et viculum publicum. |
| 1 | - | In porta Burgi, in angulo magni vici; juxta portam in magno vico fori; in angulo porte Burgi, in magno vico fori juxta muros bastimentorum ville; juxta portam in angulo; ante turrim; prope turrim in angulo vici; in angulo superiori magni vici. |
On voit, par ces indications, que toutes ces maisons se suivaient d’une façon ininterrompue, — en mettant, naturellement, à part la maison No 2, qui occupait une situation spéciale entre la Tour du Bourg et la Porte du Bourg, — et que la maison No 1, immédiatement voisine de la maison No 3, formait un angle avec les autres.
Le rôle de l’inspection des armures des habitants du Bourg, dressé par le banneret le 5 mars /156/ 1437 (38) 1, nous apporte une indication précieuse, en nous apprenant que lon a commencier ou cornet dever lo chastel a la porta dou bourg, tirant a ual per lo grant rin, c’est-à-dire, que l’on a commencé à l’angle vers le château 2, à la porte du Bourg, en descendant ensuite la Grand’Rue, du côté extérieur. Il montre, en effet, que la Porte et la Tour du Bourg se trouvaient tout à fait à l’extrémité de la grande rangée de maisons.
Deux autres maisons se font encore remarquer par des indications, rappelant leur proximité de la Tour du Bourg. Ce sont les anciennes maisons Nos 148 et 149, situées à l’extrémité sud-ouest de la rangée extérieure de la rue des Epouses, sur l’emplacement occupé, aujourd’hui, par la maison No 143. Les désignations sont les suivantes :
| No ancien | No actuel |
DÉSIGNATION |
| 148 | 143 | Prope turrim, juxta viculum publicum ibidem; juxta turrim inter viam publicam; prope turrim inter viam publicam. |
| 149 | 143 | Juxta turrim, inter fossale retro domum hospitalis; prope turrim et prope bornellum S. Georgii; inter carreriam publicam et platheam domus … affrontat parte interiori fossale de Grabentzales; juxta turrim carreria intermedia et affrontat parte interiori fossale; ante forum bladi. |
On voit qu’il est fait mention, dans les indications relatives à ces dernières maisons, d’une voie publique, située entre elles et la Tour du Bourg et de la fontaine de St-Georges, qu’il ne faut pas confondre avec celle qui fut établie, plus tard, sur l’emplacement actuel. La voie publique était une place, citée dans une ordonnance du 22 août 1427 1, interdisant de jouer aux cartes, aux dés et autres jeux semblables forque de costé de la Tor dou Borg, en la place commune, près de la porte. Quant à la fontaine de St-Georges, elle est déjà citée dans le compte du trésorier pour le second semestre de 1402 2 et dans celui du second semestre de 1408 3. Nous avons, de plus, des indications sur son emplacement, par l’ordonnance du 17 mai 1428 4, qui décide la mise en location, pour 3 sols par an, de ly aigue qui chiet dou bornel près de la Tor dou Bourg, ver les maisons deis Chandeleres et qui destille de celluy bornel et mieux encore, par une reconnaissance du 23 septembre 1429 5, dans laquelle le teinturier Henslinus de Praroman déclare qu’il tient à cens, de la ville, totum fluxum atque cursum aque defluentis et procedentis a rupe existentis subtus turrim Burgi prout itur et descenditur per locum dictum la porteta 6 versus novam villam. /158/
Nous en savons maintenant assez pour nous rendre compte de l’aspect que présentait l’emplacement où se trouve actuellement la place de l’Hôtel-de-Ville, avant 1463.
Il y avait là, à la partie la plus élevée du rocher sur lequel fut construit le Bourg primitif, un promontoire isolé, tombant à pic vers la Sarine au sud, et vers la Neuveville à l’ouest. Il était borné, au nord-ouest par le grand fossé naturel, courant du Tilleul à la Grenette et séparé de la ville par un fossé, probablement artificiel 1. Ce plateau, de dimensions plus restreintes que la place actuelle, portait le château des ducs de Zaehringen, qui comprenait un donjon, entouré de travaux de défense et de dépendances diverses, avec une porte à l’extrémité sud-ouest.
Le donjon, — construction massive de forme carrée ou rectangulaire, — qui correspond à la Tour du Bourg et la porte, — bâtiment ayant l’aspect d’une tour ronde, — appelée Porte du Bourg, subsistèrent jusqu’en 1463, et une partie tout au moins, des murailles existait encore en 1400 2. Les dépendances, tombées en ruines, furent remplacées par une rangée de maisons, bordant le plateau, vers le sud, entre la Porte du Bourg et le fossé qui séparait, à l’origine, la /159/ ville du château. Quant à ce fossé artificiel, il fut probablement comblé vers le milieu du XIIIe siècle, dès que l’agrandissement de la ville vers le nord-ouest eut rendu inutile cet ouvrage de défense. Aucune des indications relatives aux maisons les plus voisines de son emplacement n’en fait mention; on remarquera, par contre, une expression se rapportant à la maison No 15 et signalant la proximité d’un petit étang, qui existait encore en 1345 1 ; il est très probable que cette pièce d’eau avait été établie dans une partie de l’ancien fossé. J’ajouterai, enfin, qu’entre la Tour du Bourg et les maisons Nos 148 et 149, se trouvait une place, sur laquelle s’élevait la fontaine de St-Georges, dont l’eau s’écoulait vers la Neuvevilie, près du Court Chemin, comme on peut le voir encore dans la perspective de 1606 2.
Ceux qui liront cette description seront sans doute surpris de la place que j’assigne à la Porte du Bourg. Sachant que le pont, qui franchissait le grand fossé, se trouvait à peu près sur l’emplacement du Tilleul, ils se diront, sans doute, qu’il n’y a pas de raison pour admettre que la Porte se soit trouvée déplacée vers le sud-ouest et que le récit de Rudella, situant cette construction à l’entrée de la Grand’Rue, est infiniment plus vraisemblable que le mien. /160/
Il ne faut pas oublier, en effet, que le niveau de la place, sur laquelle se dressait la Tour du Bourg, avant 1463, était à la hauteur du pied des maisons formant le côté sud de la place de l’Hôtel-de-Ville et que le bord, du côté du grand fossé, suivait une ligne qui, partant approximativement du milieu du poste de gendarmerie, avait comme direction générale les cours qui séparent les maisons de la rue des Epouses de celles de la rue du Tilleul et la canalisation qui suit ce même tracé. Le sol se trouvait donc, du côté du fossé, à plusieurs mètres au-dessus du niveau actuel et à une hauteur atteignant, au minimum, celle du premier étage de la maison No 145, qui forme l’angle de la place de l’Hôtel-de-Ville et de la rue du Tilleul 1.
Comme le pont franchissant le grand fossé, près du Tilleul, se trouvait, d’autre part, fort au-dessous du niveau du sol actuel, ainsi que je le dirai plus loin 2, on constatera qu’il était réellement impossible de franchir une aussi grande différence de niveau sur une distance aussi courte, car il en serait résulté une rampe absolument impraticable. La seule solution, pour se rendre du pont à la Tour du Bourg, consistait donc à donner un plus grand développement au tracé et à franchir la différence de niveau, au moyen d’un chemin qui gravissait la berge du fossé, en écharpe. Telle est la raison pour laquelle la porte qui donnait accès au château a été placée à l’extrémité du plateau sur lequel il était construit.
Il reste à expliquer comment Rudella a pu tomber /161/ dans l’erreur, qui lui a fait placer la Tour et la Porte du Bourg à l’entrée de la Grand’Rue. Il est probable qu’il a tout d’abord été trompé par les indications relatives aux maisons Nos 15, 14 et 13, qui font déjà mention de la proximité de la Tour et qu’il n’a pas pu les identifier d’une façon exacte, puisqu’il ne disposait certainement pas de tous les documents que j’ai eus entre les mains 1. Il a certainement été abusé par les restes et les traces d’arc et de porte, dont il a, personnellement, constaté la présence à l’angle de la maison des Guglenberg, qui avait jadis appartenu aux Ramuz et qui correspond à la maison No 143. Ces vestiges, qu’il a considérés comme provenant de la Porte du Bourg, étaient probablement ceux d’une autre porte, munie d’un pont-levis, qui avait existé, auparavant, au bord du fossé séparant la ville du château, et avait vraisemblablement été démolie bien antérieurement, au moment du comblement de ce fossé, qui n’était plus représenté que par un petit étang, en 1345.
On m’objectera, sans doute, qu’une vue de cette région, prise avant 1463, apporterait une preuve plus convaincante que celles que j’ai pu donner jusqu’ici. Cette reproduction graphique, qu’on ne connaissait pas jusqu’à ce jour, existe cependant et l’on en trouvera la reproduction à la planche V. Il est nécessaire que je donne quelques indications à son sujet.
Cette peinture est due à l’illustrateur anonyme de /162/ la chronique de Diebold Schilling 1, rédigée et exécutée entre 1474 et 1478, c’est-à-dire postérieurement à la démolition de la Tour du Bourg. Aucun argument ne peut être tiré de ce fait car, ainsi que l’a dit M. J. Zemp, les illustrations de cette chronique, comme celles de la chronique de Tschachtlan (1470), paraissent n’être que des copies ou des interprétations d’illustrations plus anciennes, dont les originaux sont perdus.
Elle sert à illustrer une rencontre qui eut lieu dans la région du Schönenberg, au cours de la guerre entre Fribourg et Berne, dans l’été 1388 2. Ce point mérite d’être relevé car, à première vue, on pourrait dire qu’une vue de Fribourg, prise du Schönenberg, ne peut nous renseigner sur la Tour du Bourg, qui se trouverait reléguée à l’arrière-plan. Mais en examinant la peinture, on est immédiatement frappé par la représentation de l’église de St-Nicolas, dont le clocher est alors en construction. On y remarque, en effet, que le clocher se trouve à gauche et le chœur à droite, ce qui ne pourrait être le cas, si la vue avait été prise du Schönenberg et on est donc forcé d’en conclure que la peinture n’est pas une illustration précise du texte qui l’accompagne, mais bien une vue de Fribourg, prise du sud.
L’examen comparatif des paysages figurés dans les illustrations de la chronique de Diebold Schilling, montre qu’un certain schématisme a présidé à l’élaboration de ces peintures et qu’il n’y faut pas chercher une reproduction exacte, mais plutôt des /163/ indications sur les caractéristiques des lieux représentés. Il fait également ressortir la grande désinvolture ou l’inexpérience avec laquelle est traitée la perspective.
Ces considérations me conduisent à dire que l’on peut parfaitement négliger le premier plan, traité d’une façon purement schématique et destiné à établir une certaine concordance avec le texte, qui parle du terrain descendant vers Fribourg et du bois dans lequel se massèrent les troupes bernoises. Je pense que l’on doit faire de même pour la porte, surmontée de l’écusson de Fribourg, que l’on voit au second plan et dont il me serait impossible de dire la signification.

Pl. V. Vue de Fribourg, montrant la Tour et la Porte du Bourg démolies en 1463.
Tirée de la Chronique de Diebold Schilling,
Bibliothèque de la Ville de Berne, Ms. H.H.I. Tome I, folio 129.
Il est, par contre, tout à fait impossible de ne pas être frappé par le bâtiment ou le groupe de bâtiments, avec des galeries en encorbellement qui, placé entre le spectateur et l’église, est évidemment destiné à représenter, d’une façon schématique, la rangée extérieure des maisons de la Grand’Rue, si caractéristique, avec ses galeries qui figurent encore dans les perspectives de Sickinger et de Martin Martini. Jointe à la constatation que j’ai faite au sujet de la position de l’église de St-Nicolas, cette remarque conduit à placer à l’extrémité ouest du Bourg le groupe de constructions situé à gauche de la peinture et à y voir la représentation du donjon carré de l’ancien château ou Tour du Bourg et d’un bâtiment de forme ronde, qui ne peut être que la Porte du Bourg.
La représentation graphique, donnée par un document contemporain, s’accorde donc avec la vraisemblance /164/ et avec les textes, pour donner raison à ma description et tort à celle de Rudella.
Il reste maintenant à voir ce que l’on sait de la démolition de ces constructions et des modifications apportées aux lieux que je viens de décrire, mais je veux rappeler, auparavant, qu’un acte du 15 avril 1418 1 nous apprend qu’Agnelette, femme de Rolet Barguin, possédait une partie de la Tour 2. Elle loue, alors, cette partie à Henri Mullers, de Constance, pour sa vie durant et à condition qu’il y établisse une chambre 3, à ses frais, mais elle fait la réserve que si elle, ou ses héritiers, ou les bourgeois de Fribourg, veulent faire usage de cette Tour et de la partie concédée 4, avant la mort du locataire, ils seront en droit de le faire. Il semble donc, qu’à ce moment déjà, la ville n’utilisait plus la Tour du Bourg.
La première mention de la démolition se trouve dans le Manuel qui, à la date du 15 février 1463 5, dit dans son charabia ordinaire :
xv. a februarii in consilio
« Sont ord(onnés) iii mansoniours per ostar la tor dou borg, scilicet Jacob Bug(niet), Ulli Stungki, Rollet Basset, R(ichard) Loschar borseir p(er) dessu (s) » /165/
Puis le 21 février 1 :xxi. a februarii lxiiio p(er) conseil, lxta et iic Registratum in libro ordinationum 2.
« Est ordinatum concorditer preter tres homines quod turris dou borg debet amovi et de materia impleri le terraul devant notre Damma, juxta le porgit sur cen fet et predicti ad hec ordinati incipiant prima marcii cum magna diligencia. Deo gra(tias). »
A quoi l’on a ajouté postérieurement :
« Fuit totum completum et paviatum circa festum exult(ationis) s(ancte) Crucis anno D(omini) Mocccco lxvio ».
Conformément à la mention citée en marge, la première collection des lois contient l’ordonnance suivante 3 :
« Remembrance que le xxi jour de février lan de la Nativitey nr Sg. Jhesuscrist courant mil iiiio lIxiii par messrs Johan de Praroman advoye, conseil, lxta et iic est ordinne concordablement tant pour la necessite dung marchie de bleff comment pour plusieurs aultres bons regars et raisons que la tour du borg se derroche et abbatte par magniere quil ly soit fet une place pour tenir ledit marchie et que de la mathiere se fasse ung bon mur ou terraul devant notre Damme entre la maison de la croix blanche et la maison de messre Guillaume Davenche atout le conduit /166/ dessoubs et que de la terra de ladite tour et aultia sumplesse ledit terraul par magniere quil ly soit fet auxi une place tout scelon le porgiet sur cen confet et que lon encomenzoit a leure Dieu le premier jour de mars prochain a faire ledit ouvrage. Donne comment dessus.
» Ja. Gudrifin secrétaire. »
Et on lit encore au-dessous :
« Ledit premier jour de mars ledit ouvrage se commenzat par les compagniez des chevalchiez qui se oultroyarrent a rompre ladite tor. Et commenzat la compagnie de la chevalchie du Jeger. Et successivement touttes les aultres tresvolenturieusement et a grand joye. Dieu doint venir a bonne et briefve fin dudit ouvrage. Pareillement commenza lon le xiie jour de mars a crouser ou terraul ledit fondement tous jours en perseverent. Dat(um) ut s(upra). »
Ces documents nous montrent que le but principal de la démolition fut de créer une place pour le marché au grain. La nécessité paraît avoir été impérieuse, puisque la décision est du 21 février 1463 et que les travaux commencèrent déjà le 1er mars. On voit que la démolition fut entreprise par les compagnies de chevauchée (Reisgesellschaften, cavalcate), qui offrirent leurs services et mirent beaucoup de cœur à l’ouvrage; leur aide fut gratuite, aussi ne trouvet-on pas trace d’une dépense à ce sujet dans les comptes des trésoriers, qui nous permettent de suivre l’avancement des travaux. Je me borne à rapporter /167/ ici ce qui a trait à l’établissement de la place du marché au blé, renvoyant au chapitre suivant ce qui concerne le comblement du fossé.
C’est dans le compte du premier semestre de 1463 1, qu’on voit apparaître un chapitre intitulé « Mission a couse de la tor du Borg que lon rompt pour en faire les dues places », qui continuera à figurer dans les comptes, avec quelques variations dans son titre 2, jusqu’au second semestre de 1466. Les dépenses portées dans ce chapitre ne manquent certes pas d’intérêt : elles permettent de voir les ouvriers à l’œuvre, des carriers occupés à couper la roche, des maçons à construire les murs, des charpentiers à élever les échafaudages, à emmancher les outils et à réparer les chariots employés à transporter les quartiers de pierre. En dehors de ces ouvriers de métier, les habitants des quatre bannières de la ville — ce qu’on appellera le Burgerwerk au XVIe siècle — apportèrent, à tour de rôle 3, leur aide à l’exécution des travaux, puis les enfants 4 vinrent, aussi par bannière, faire /168/ leur tour de corvée, en transportant, sous la surveillance de sautiers 1, du Grabensaal aux endroits qui devaient être comblés 2, des paniers, que des manœuvres emplisssaient de terre 3. La rédaction ne permet, cependant, de suivre l’avancement des travaux que d’une façon très approximative.
Pour la région qui nous occupe, tout ce que l’on peut savoir est que la démolition de la Tour et de la Porte entraîna, naturellement, celle de la maison No 2 qui, comme on l’a vu, se trouvait encastrée entre ces deux bâtiments, et dont une partie, au moins, appartenait au chapelier Martin Grösch. Le gouvernement lui paya une indemnité de 90 livres 4. On dut abattre aussi, pour agrandir la place, le cellier, l’étable et l’étable à porcs de la maison No 1, dont le propriétaire, Willi Fritag, reçut un dédommagement de 40 livres 5. /169/
On se rappellera le récit de Rudella, a propos de l’établissement des deux places : celle de St-Georges et la petite place au-dessous 1. Ses dires sont confirmés par le compte du second semestre de 1465, qui contient un paiement aux paviares qui hont pavia les places de saint George 2, nous montrant que les travaux étaient terminés, sur ce point, à ce moment, puisque l’on procédait au pavage. C’est à cette même époque que l’on établit, sur son emplacement actuel, la fontaine de St-Georges 3, qui ne fut achevée que dans le second semestre de 1467 4. Au cours de l’été 1466, on édifia, sur cette place, une halle au blé — construction en bois, couverte de tuiles — dont l’emplacement ne peut être déterminé d’une façon certaine et qui est appelée la loge de la place St-George, la loge du blaz ou du bief et aussi la loge devant l’Hôpital 5. C’est alors /170/ que cette place prit le nom de marché au blé, — Forum bladi et parfois aussi novum forum — qu’elle devait garder jusqu’à la construction de l’Hôtel-de-Ville, au début du XVIe siècle 1.
Le coût des importants travaux, exécutés à cette époque, pour l’établissement des places de St-Georges, de Notre-Dame et devant l’Hôpital, ainsi que pour le comblement d’une partie du grand fossé, s’éleva, entre 1463 et 1467, à 2047 livres, 3 sols et 6 deniers 2, soit à près de 41 000 de nos francs d’avant guerre. Il ne s’agit là que des montants portés dans le chapitre spécial, ouvert dans les comptes de l’Etat et le total dut, en réalité, être sensiblement supérieur, si l’on tient compte du fait qu’un certain nombre de dépenses figurent sous d’autres rubriques. Il atteindrait un chiffre beaucoup plus élevé, sans la gratuité de la contribution apportée par les compagnies de chevauchée et par les habitants grands et petits.
Cette profonde modification des lieux, qui constituait à la fois un embellissement du quartier et une amélioration des communications, au détriment du pittoresque, fut effectuée presqu’entièrement avec les deniers de l’Etat. Seuls les propriétaires, /171/ auxquels la démolition de la Tour du Bourg apportait un avantage, furent appelés à payer une modeste contribution.
Hugonin Sire, le Gissarre, propriétaire de la maison No 4 1, les héritiers de Pierre de Villar, possesseurs de la maison No 5 2, Jacob Mursing et Rolet Wisin, pour la maison No 6, qui appartenait à Marmet Werro 3, Guillaume Taverney, propriétaire de la maison No 10 4, Loys Senevey, possesseur de la maison No 15 5, Hans Bremmenstein, propriétaire des maisons Nos 146 et 147 6 et Pierre Ramu, pour les maisons Nos 148 et 149 7, payèrent chacun une somme de 10 livres. La contribution /172/ fut de 6 florins ou 10 livres, 10 sols pour Pierre de Grangettes, qui possédait la maison No 14 1. La succession de Huguet Mursing était débitrice de 12 florins ou 21 livres, mais ce montant était dû pour les maisons Nos 7, 11, 12, et 13 ce qui ne fait que 5 livres, 5 sols par maison, et elle ne paya que 9 livres, car on déduisit une créance de 12 livres que Mursing avait sur la maison No 2, démolie en même temps que la Tour du Bourg 2. Dom Pierre Rey ne paya que 7 livres 10 sols pour la maison No 8 3 et Werro de Courtaman que 100 sols ou 5 livres pour le No3 4. Enfin, les propriétaires des maisons No 1 (Willi Fritag), No 2 (Locher et Huotmacher) et No 9 (Rollet Basset) ne payèrent rien : le premier, sans doute, parce que l’on tint compte de cet élément lors du paiement de l’indemnité pour la démolition des dépendances de /173/ son immeuble; les seconds, parce que leur maison avait été démolie et enfin le dernier, pour une raison que j’ignore 1. C’est une rentrée qui s’élève à 114 livres 2 et à laquelle on peut encore ajouter la vente, pour 3 livres, à Heini Frieso, de pierres provenant de la démolition 3, soit une somme d’environ 2,400 francs.
Rudella fait mention de ces contributions 4, mais si ce qu’il dit de la possession, au XVIe siècle, par les Guglenberg, de la maison qui appartenait à Pierre Ramus, en 1463 et de la possession, par Wilheln Krummenstoll, de celle qui était, en 1463, à Louis de Schönenfels ou de Senevey, est exact, il commet par contre, une erreur en parlant d’une contribution payée par les Perrotet pour un immeuble qui aurait appartenu, au XVIe siècle, à la famille Messello. Non seulement, on ne trouve aucune mention d’une contribution payée par les Perrotet, à propos de la démolition de la Tour du Bourg, mais de plus, aucune maison astreinte à ce paiement n’appartenait à un Perrotet en 1463 et ce n’est qu’à la fin du XVe siècle, ou au début du XVIe, que la maison No 19, devenue plus tard la propriété des Messello et, du reste, située en dehors du secteur appelé à jouir d’une amélioration /174/ apportée par l’enlèvement de la Tour du Bourg, est mentionnée comme appartenant à Nicolas Perrotet 1.
Les modifications apportées par les travaux effectués à partir de 1463, paraissent pouvoir être résumées comme suit. La Tour et la Porte du Bourg ayant été démolies, la construction d’un mur appuyé sur les affleurements de rocher, vers la Neuveville — et qu’on voit encore aujourd’hui — permit l’établissement de la petite place derrière le poste de gendarmerie. Un second mur, élevé sur ce premier gradin, rendit alors possible l’agrandissement de la place de St-Georges vers le sud-ouest et l’ouest. Ceci fait, le terrain fut nivelé de façon à permettre d’obtenir un plan légèrement incliné, entre le pont près du Tilleul et les maisons qui bordaient la place au sud et de rendre l’accès de la Grand’Rue plus facile que par l’ancien chemin qui, auparavant, devait gravir le talus, en biais, pour atteindre la Porte du Bourg.
/175/
CHAPITRE III
LES FOSSÉS
Les indications données par Rudella 1 nous font connaître l’existence de deux fossés : l’un qui s’étendait entre la Grenette et le Tilleul, et que j’appellerai par la suite, le grand fossé; l’autre, perpendiculaire au premier, qui séparait la ville du château et que j’appellerai le petit fossé.
1. Le grand fossé.
Bien que ce fossé soit, aujourd’hui, entièrement comblé, son tracé peut être encore déterminé assez exactement.
Son extrémité vers le nord-est, est encore nettement visible, aussi bien sur le terrain que sur le plan qui accompagne ce volume, entre la Grenette et le bâtiment de la Banque d’Etat. Large d’une trentaine de mètres à son sommet, il aboutissait là, aux pentes rapides dévalant vers la Sarine, qui sont connues sous le nom de Grabensaal 2. /176/
On remarquera le mur construit en travers du fossé, à cet endroit. Rudella rapporte qu’il fut élevé, en 1463, avec les matériaux provenant de la démolition de la Tour du Bourg, entre la maison de la Croix-blanche et celle des nobles d’Avenches, qui appartenait aux Falk 1, au moment où le chroniqueur écrivait son récit.
L’exactitude des renseignements donnés par lui est prouvée par les termes de l’ordonnance du 21 février 1463, décidant cette démolition 2 et on trouve, dans le compte du trésorier, pour le premier semestre de 1463, le paiement de journées pour chapplar la roche pour querir le fundemant du mur et celui d’une somme de 4 livres 4 sols au banneret Yanni d’Avrie, pour dépense faite chez lui, quand on posa les fondements du mur du Grabensaal 3.
Or, la maison de la Croix-blanche n’est autre que la Grenette actuelle. Le 6 février 1296 (97), Louis de Savoie, seigneur de Vaud, achetait à maître Albert de Soucens, curé de St-Pierre près d’Arconciel, et à son frère Jean, une maison et un jardin, qui avaient appartenu à leur frère Ulrich, sis près de Notre-Dame, entre la maison dudit maître Albert et le fossé de la ville, par lequel on va de la ville vers le Grabensaal 4. Devenu l’auberge de la Croix-blanche, cet immeuble, qui resta jusqu’à la fin du XVe siècle /177/ la propriété de la Maison de Savoie, était loué par les ducs à un aubergiste 1. La duchesse Yolande le donna aux frères Antoine et Jacques Champion et ce dernier, ainsi que les fils du premier, assignèrent, sur cette maison, leurs droits de bourgeoisie, le 11 avril 1493 2. Après avoir passé en diverses mains, la Croix-blanche devint la propriété de la famille de Diesbach et, le 23 juillet 1789 3, le chambellan François-Pierre de Diesbach la vendit à l’Etat, qui y établit la Grenette ou halle aux grains, terminée en 1793 4.
Quant à la maison des nobles d’Avenches, elle était une de celles dont la Banque de l’Etat occupe l’emplacement, et il est bien exact qu’elle passa ensuite aux Falk, qui en étaient déjà propriétaires en 1512.
Du côté du sud-ouest, le fossé aboutissait aux pentes escarpées qui dévalent vers la Neuveville et où sont établis, à l’heure actuelle, la Grand’Fontaine et le Court Chemin. La base des maisons du Petit Paradis et les affleurements de roche, encore visibles dans la Grand’Fontaine, sont des points de repère qui permettent de se rendre compte de la forme primitive du terrain et d’accepter le récit de Rudella, lorsqu’il dit qu’il n’y avait là qu’un ravin impraticable 5. J’aurai, du reste, l’occasion de revenir sur ce /178/ sujet, en parlant du pont qui franchissait le fossé sur ce point 1.
J’ai déjà dit que ce grand fossé était une coupure naturelle creusée par les eaux 2 et ne veux pas reprendre cette question. Il me suffira de rappeler que la présence d’eau courante est prouvée par un certain nombre de documents. Un acte du 3 novembre 1390 3 dit que le pont reliant la ville à Notre-Dame était sus le ryu de Grabintzales, et le compte du premier semestre de 1433 4 mentionne les riauz du petit paradix : ces deux indications sont suffisantes pour démontrer que le fossé avait une double pente vers le Grabensaal et vers le Petit Paradis. Le fait, signalé par Rudella 5, que les cabinets des maisons de la rue des Epouses aboutissaient à ce fossé, montre aussi qu’il devait y avoir de l’eau courante.
Les deux extrémités du grand fossé étant ainsi déterminées, il devient assez facile de suivre son tracé entre ces deux points.
Partant de la limite extérieure de la Grenette, vers le fossé, le bord septentrional suivait une ligne qui, passant approximativement au pied de la statue du Père Girard, aboutissait aux maisons de la rue des Alpes, adossées à celles de la rue de Lausanne, dans la région qui porte le nom de Petit Paradis. Le fossé, qui bordait l’ancien Hôpital, jadis établi sur la place des Ormeaux 6, englobait donc la canalisation qui /179/ part du kiosque des tramways pour aboutir à la tête du ravin, près de la Grenette 1.
Le bord méridional, dont on voit également le point de départ sur le terrain et sur le plan, est encore marqué par la série des cours situées entre les maisons de la rue du Tilleul et celles de la rue des Epouses. Il venait se perdre dans la pente qui descendait du château vers la Neuveville, et l’on voit qu’il réduisait l’emplacement disponible pour le château et ses dépendances à des dimensions assez restreintes. Ce tracé peut être encore reconnu sur certains points. Un examen attentif des cours dont je viens de parler, démontre, en effet, que les maisons de la rue des Epouses sont situées à un niveau notablement plus élevé que celles de la rue du Tilleul. M. Max de Techtermann a relevé, à l’occasion de la démolition de la maison No 152, la présence d’une muraille fort épaisse, à laquelle étaient adossées, extérieurement, les maisons de la rue du Tilleul et qui devait avoir plus de 10 mètres de hauteur, à partir des fondations. Il a constaté aussi que le niveau de la cour intérieure du côté de la rue des Epouses, était de 2 mètres 60 plus élevé que celui de la rue du Tilleul 2. Quant au raccordement du bord du fossé avec les rochers situés au-dessous du château, on se rappellera le récit de Rudella à propos de l’établissement de la place de St-Georges et de la petite place au-dessous 3. Les deux murs de soutènement ayant été construits sur la pente (an dem rhein), le point de jonction se trouvait /180/ donc nécessairement en arrière du mur actuel vers la Grand’Fontaine et, par conséquent, plus près de l’Hôtel-de-Ville.
Nous allons examiner, maintenant, comment les travaux effectués, depuis 1463, ont modifié cet état de choses et conduit à celui que nous pouvons observer aujourd’hui.
Nous avons vu ce qu’il en était du mur barrant le fossé à son extrémité nord-est. Rudella raconte que, ce travail terminé, le fossé fut comblé jusqu’au pont de pierre reliant la ville à Notre-Dame, le terrain aplani, le mur entourant le cimetière de Notre-Dame, supprimé et la place créée, par le comblement du fossé 1.
Là encore, les sources originales confirment le récit du chroniqueur. Je rappelle la décision du 21 février 1463 2, relative à la démolition de la Tour du Bourg et prévoyant que l’on doit de materia impleri le terraul 3 devant notre Damma, ainsi que l’ordonnance de même date 4, où on lit que de la terra de ladite tour et aultia sumplesse 5 ledit terraul per magniere quil ly soit fet auxi une place. J’ai déjà dit que les travaux commencèrent le 1er mars 1463; l’ouvrage entre le mur et le pont reliant St-Nicolas à Notre-Dame fut exécuté au cours du second semestre /181/ de 1463, comme on peut le voir dans le compte du trésorier 1. On construisit d’abord une voûte en maçonnerie sur le fossé, ainsi que le montre une dépense faite à la Croix-blanche, pour les maçons quant lour ont cloz la volta et l’on atteignit le pont avant la Saint-Jean 1463, puisqu’on trouve encore une dépense le jor que lour firent le fundement desoubs le pont. On continua, ensuite, à travailler ou terraul devant notre Dame, et plus à l’ouest dans le premier semestre de 1464 2, puis, au semestre suivant, on arriva devant l’Hôpital, car il est fait mention d’un paiement pour les ouvriers quant il mirent les grosses pierres ou fundement du mur devant lospital 3. Il est même probable qu’on atteignit alors le pont qui se trouvait près du Tilleul, car on trouve une dépense pour triar la mateyre desoubs le pont du terraul 4 et il semble bien, étant donné l’avancement des travaux, qu’il ne peut s’agir que du pont du Petit Paradis. On effectua ensuite le remplissage du fossé, et le compte du premier semestre de 1465 mentionne une dépense pour les manouvres qui hont chargie les enfans pourtant la terra dix Grabentales devant lospital 5. Le travail devait être achevé, de ce côté, dans le premier semestre de 1465, puisque l’on trouve un paiement pour les paviours qui hont pavia la place devant lospital et pour des jornees de maczons faittes ou mur desoubs du pont 6, c’est-à-dire au mur destiné à soutenir les terres du côté du pont du Petit Paradis.
L’ouvrage principal ainsi terminé, on s’occupa de la /182/ place de Notre-Dame dans le second semestre de 1466, dont le compte 1 signale des dépenses quant lon applenast le simitiere de nr Damme, pour paveyer le cimitiere devant notre Damme et enfin quant lon recehust le paviement cestassavoir quant lon le teissat 2. Tout était achevé dans le premier semestre de 1467 3 et l’on trouve alors une dépense pour le mur ver la Croix blanche et une recette a cause dez charretes que lon fist pour emplir la place vers la croix blanche, lesquels Ion a vendu quant louvraige fust chavoné 4.
On voit que les renseignements donnés par Rudella au sujet de ces travaux sont exacts; il signale aussi, très justement, que Richard Loschard et Peterman Pavilliart présidèrent à l’ouvrage en qualité de trésoriers 5. Le premier fut en fonctions de la Saint Jean 1462 à la Saint Jean 1465 et le second à partir de ce moment jusqu’à la Saint Jean 1468 6. On peut ajouter que Richard Loschard reçut, au début de 1467, une gratification de 100 livres pour ses peines 7.
Le récit de Rudella contient cependant une erreur; il dit en effet que Guillaume d’Avenches, ainsi que Jacques Arsent et l’abbaye des Marchands, dont les maisons occupaient des emplacements en bordure du fossé, entre le Grabensaal et le premier pont, durent payer une contribution pour la plus-value apportée à leurs immeubles par ces travaux 8. Ces indications sont bien conformes à la réalité, en ce qui concerne les /183/ emplacements occupés par les maisons, mais il m’a été impossible de trouver, dans les comptes, une mention relative à un paiement effectué par eux. Je pense donc que Rudella a simplement supposé qu’il en avait été ainsi, par analogie avec ce qui avait été fait pour les voisins de la Tour du Bourg.
De tout ce qui précède, il semble résulter qu’entre 1463 et 1467, on combla le fossé en aval du pont de la Chapelle, vers le Grabensaal, qu’on établit la place de Notre-Dame et qu’on créa une place devant l’Hôpital des pauvres malades de la Bienheureuse Vierge Marie, jusqu’au pont du Petit Paradis. Les travaux effectués en 1531, et dont je vais parler maintenant, montrent que le grand fossé n’avait pas été comblé entièrement au milieu du XVe siècle. Il semble que la place devant l’Hôpital avait été établie au moyen de la construction d’un mur placé, entre les deux ponts, dans l’axe du fossé et par le remplissage de cette partie du fossé située entre le mur et l’Hôpital. Le fossé paraît, par contre, avoir subsisté entre le mur et les maisons de la rue des Epouses, ainsi qu’on va le voir par ce qui suit.
Rudella dit, en effet, que c’est vers 1531 que l’ancien fossé fut comblé et aplani et la rue Neuve établie 1. Cette rue Neuve (nüwe gassen) est constituée par la rangée de maisons en face de la place des Ormeaux qui, après avoir porté jusqu’à ces dernières années le nom de rue du Pont muré 2 s’appelle aujourd’hui /184/ — banalement — rue du Tilleul. Si, pour la construire, il a fallu combler et aplanir le fossé, vers 1531, c’est donc que celui-ci subsistait encore sur ce point, à cette époque, et cela vient à l’appui de ce que j’ai dit au sujet des travaux exécutés vers 1463.
On ne doit pas oublier que le témoignage de Rudella a une grande valeur pour les événements de cette époque. Né probablement en 1530 1, il n’en a point été le témoin oculaire et il n’a vraisemblablement pas pu consulter les sources officielles qui, en raison de leur date récente, n’ont sans doute pas été mises à sa disposition 2, mais il a, par contre, été le contemporain de personnes qui étaient en mesure de lui rapporter leurs souvenirs.
La décision d’établir la rue Neuve fut prise par le Conseil, dans sa séance du 29 décembre 1518 3. Elle porte que l’on doit immédiatement examiner la rue du marché au grain — ce marché, établi en 1463 sur la place de l’Hôtel-de-Ville avait été transféré sur la place devant l’Hôpital après la construction de l’Hôtel-de-Ville — et l’exécuter sous la direction de Hans Heyd 4. Une nouvelle décision du 3 mars 1519 vient ordonner la construction d’une voûte, de la voûte /185/ inférieure 1 jusqu’au canal de l’Hôpital, et celle d’un canal, au travers des maisons, pour desservir les lieux d’aisance de celles-ci 2.
La plus grande partie des travaux furent exécutés au cours du premier semestre de 1519, mais, déjà commencés en février de cette année, ils se prolongèrent jusqu’au second semestre de 1520. Les dépenses y relatives sont consignées dans un chapitre intitulé « Construction de la rue Neuve près de la Halle 3 », et dans un autre portant le titre « Charrois pour la rue Neuve 4 », mais on n’y trouve aucun renseignement sur la nature ou l’état d’avancement de l’ouvrage, terminé avant le 2 février 1521 5.
Des constructions ne tardèrent pas à s’élever sur l’emplacement ainsi préparé et c’est à la date du 18 juillet 1526, que j’ai trouvé, pour la première fois, une /186/ mention relative à une maison à la rue Neuve 1. Les comptes signalent encore divers travaux exécutés dans cette région, pendant le second semestre de 1527 2 et le second semestre de 1538 3, mais il est probable que l’ordre, donné au trésorier, le 31 janvier 1544, de faire enlever la terre qui se trouvait à la rue Neuve et de la faire conduire dans le fossé du Petit Paradis 4, marque l’achèvement définitif des travaux et je n’ai plus rien trouvé après cette date, sauf le remplacement, en 1564 et 1567, des canaux en bois par des canaux en pierre 5.
Pour en finir avec la rue Neuve, j’ajouterai qu’elle continua à porter ce nom jusqu’à une époque où elle n’était plus neuve du tout, puisque c’est le 21 juin 1675 — plus de cent cinquante ans après sa création — que j’ai trouvé la dernière mention de la nüwe gasse, dans le Grand Livre des Bourgeois 6. Elle prit, par /187/ la suite, le nom de steinerne Brücke 1, primitivement réservé à la rue de St-Nicolas, dont la traduction française Pont muré 2 a donné naissance à l’appellation de rue du Pont muré, usitée jusqu’à ces dernières années, puis changée en rue du Tilleul.
2. Le petit fossé.
Rudella ne mentionne ce fossé qu’incidemment, en parlant de la démolition de la Tour du Bourg, et il se borne à dire qu’il séparait la ville du château et qu’on le franchissait par un pont-levis 3. Malgré son laconisme à ce sujet, on peut cependant dire que ce fossé devait se trouver au débouché de la Grand’Rue sur la place de l’Hôtel-de-Ville, puisque c’est à cet endroit que Rudella place — à tort, du reste — la Tour du Bourg.
On va voir que ses indications au sujet de l’emplacement du petit fossé sont exactes et c’est probablement l’existence de ce fossé qui l’a conduit à conclure à la présence de la Tour du Bourg sur ce point, alors qu’il y avait là une autre porte, vraisemblablement détruite bien avant la Tour du Bourg.
Si l’on étudie attentivement la perspective de la ville de Fribourg, peinte en 1582 par Grégoire Sickinger 4, — le plus ancien document iconographique exact représentant Fribourg, — on ne peut manquer de remarquer, dans le voisinage de l’Hôtel-de-Ville, /188/ un détail qui attire immédiatement l’attention. C’est un profond enfoncement, semblable au débouché d’un canal souterrain, placé au-dessous de la quatrième maison après l’Hôtel-de-Ville.
On retrouve ce même détail dans la perspective de Martin Martini 1, en 1606, où il est représenté, vu presqu’entièrement de face et toujours au-dessous de la quatrième construction après l’Hôtel-de-Ville et cette vue donne, encore plus que la première, l’impression qu’il s’agit d’un canal souterrain. Entre les deux images de 1582 et de 1606, on trouve, évidemment, certaines différences dans l’aspect des bâtiments placés après l’Hôtel-de-Ville, mais il ne faut pas oublier que vingt-quatre années se sont écoulées entre la confection de ces deux documents et qu’il est donc tout naturel que des modifications se soient produites au cours de ce laps de temps.
La constatation de l’existence de cette ouverture béante, conduit naturellement à se demander ce qu’elle peut bien représenter et quand on remarque qu’elle est située au-dessous de la maison placée au point culminant de la Grand’Rue et à son débouché sur la place de l’Hôtel-de-Ville, on est forcément amené, en se rappelant le récit de Rudella, à formuler l’hypothèse que l’ouverture figurée dans les perspectives de 1582 et de 1606 n’est qu’un vestige de l’ancien fossé qui séparait la ville du château. On verra qu’il en est bien ainsi.
Le quatrième bâtiment des perspectives de Sickinger et de Martini correspond aujourd’hui à la maison /189/ No 6, dont on remarquera la forme bizarre, sur le plan. Elle est actuellement occupée par le Cercle de l’Union et l’imprimerie Fragnière frères et l’était, au milieu du XIXe siècle, par les ateliers du journal Le Chroniqueur. Dans son numéro du 20 août 1858, la rédaction de ce périodique écrivait : « Or donc, sachez que la maison dans laquelle nos ateliers ont l’honneur d’être placés, se trouve à l’orient du château ducal et à l’extrémité de son enceinte. On en a acquis la preuve au mois de juillet passé, en perçant le mur mitoyen d’orient dans lequel on a reconnu la même construction et les mêmes pierres que celles des remparts de la ville, avec des embrasures ou meurtrières. Le local même où est notre imprimerie est borné à l’est par cette muraille; nos typographes travaillent donc dans l’enceinte, vraisemblablement à l’extrémité de la cour des fondateurs de Fribourg. »
L’auteur de l’article allait un peu vite en besogne et les constatations faites permettaient simplement de penser que le mur mitoyen de la maison, vers l’est, constituait la muraille extérieure du Bourg primitif; il restait à poursuivre l’examen. C’est ce qui fut fait par Jean-Joseph Ruffieux 1, qui en a donné le résultat dans une communication, faite le 22 avril 1869, à la Société d’histoire du canton de Fribourg 2. Il y dit : « J’interrogeai le maître maçon Kaeser qui, en /190/ 1866 et 1868, avait dirigé des réparations majeures aux fondements des maisons Schmid-Roth 1 et Robert 2 qui enserrent de droite et de gauche le local de l’imprimerie; ce témoin oculaire et compétent m’a dit que : « à une grande profondeur, sous l’imprimerie, tout l’espace entre les deux dites maisons est rempli de débris jusqu’au roc, qu’on ne retrouve là qu’à une grande profondeur; que ce roc est coupé perpendiculairement des deux côtés; qu’il existe, au contraire, sous les deux maisons d’orient et d’occident; qu’enfin il a dû boucher des deux côtés, et principalement sous la maison Schmid-Roth, les trous ou meurtrières. « Tous ces détails me prouvent à l’évidence qu’il y avait là un fossé large de trente pieds (largeur de la maison 3) et que ce fossé était revêtu d’une muraille basse à l’extérieur et d’une muraille plus haute à l’intérieur, l’une et l’autre percées de meurtrières. On peut encore en tirer cette conséquence qu’il n’y avait pas, du côté du roc, des murs de soutènement et un remblai, comme aujourd’hui, puisque le mur d’enceinte descendait jusqu’au roc à pic, malgré la grande déclivité du terrain. »
Les constatations faites en 1858, 1866 et 1868 ne peuvent plus se faire aujourd’hui, en raison des réparations effectuées alors, et il est donc heureux que des témoins aient noté ce qu’ils avaient pu voir. /191/ D’une visite sur les lieux, en octobre 1922, on peut cependant encore tirer certaines conclusions, qui confirment les indications rappelées ci-dessus.
Il résulte, par exemple, de déclarations de MM. Fragnière, dont les ateliers occupent la partie postérieure de l’immeuble, que lorsqu’ils ont installé de lourdes machines d’imprimerie, ils n’ont pu parvenir à atteindre le roc et ont dû construire un épais massif de béton, pour constituer un fond solide. Ce fait confirme donc le renseignement donné en 1869 par le maître maçon Kaeser, « qu’à une grande profondeur, sous l’imprimerie, l’espace est rempli de débris jusqu’au roc, qu’on ne retrouve là, qu’à une grande profondeur. »
L’examen du mur, vers l’est, de la maison No 5, ne fournit plus aucune indication, en raison du crépissage dont il est recouvert. La cave de la maison No 6 est, par contre, intéressante, avec ses murs et sa voûte en tuf, tandis que les caves des maisons voisines sont construites avec d’autres matériaux. Or, le tuf était employé dans les constructions anciennes, ainsi que le signale Rudella, qui dit que le tuf, provenant de la démolition de la Tour du Bourg, servit à édifier le mur entre la Croix-blanche et la maison des d’Avenches ainsi que les murs de soutènement de la place de l’Hôtel-de-Ville, vers la Grand’Fontaine et la Neuveville. On est donc porté à admettre que le tuf qui a servi à la construction de la cave de la maison No 6 a été tiré du mur d’enceinte de la ville et de celui du château, qui bordaient le petit fossé à l’est et à l’ouest.
Enfin, l’examen de la cave de la maison No 7 prouve que celle-ci formait anciennement deux /192/ immeubles, larges chacun d’environ 2 mètres 70 et séparés par un mur d’environ 60 centimètres d’épaisseur. Dans le mur mitoyen entre le No 7 et le No 6, on voit encore une ouverture dont la forme et les dimensions sont données ci-contre et dans laquelle M. Max de Techtermann, le savant connaisseur de tout ce qui concerne le vieux Fribourg, pense reconnaître une meurtrière datant de la fin du XIIe ou du début du XIIIe siècle.
La maison No 6 occupe donc bien l’emplacement du petit fossé séparant la ville du château, et c’est bien un vestige de ce fossé que représente l’ouverture béante dessinée dans les perspectives de 1582 et 1606. Il reste à déterminer le tracé de cet ouvrage de défense.
Le fait — résultant des constatations du maître maçon Kaeser, rapportées ci-dessus — que « le roc est coupé perpendiculairement des deux côtés » nous démontre que le fossé n’était pas un obstacle naturel mais qu’il avait été creusé par la main de l’homme. Il est donc évident que, pour réduire le plus possible le travail à effectuer, on a dû choisir le tracé le plus court.
On remarquera tout d’abord que le fossé, large d’environ 10 mètres vers le sud, à l’extrémité de la maison No 6, se rétrécit ensuite en approchant de la Grand’Rue et n’a plus alors qu’une largeur de 6 mètres, suffisante pour empêcher le franchissement, en raison de la grande profondeur qu’on lui a donnée. Mais si la forme du fossé nous est conservée par le plan de la maison No 6, sur l’emplacement de celle-ci, nous en sommes ensuite réduits à des hypothèses.
L’axe du fossé se dirige vers l’angle de la maison No 143, mais s’il est presque certain que l’ouvrage /193/ suivait bien cette direction jusque là, il est peu probable qu’il ait ensuite été continué dans le prolongement de cette ligne, et ceci pour plusieurs raisons. Nous savons en effet qu’il y avait autrefois les maisons Nos 143 et 144, sur l’emplacement de la maison actuelle No 143. De plus, le fossé prolongé suivant cet axe aboutirait vers le milieu de la rue du Tilleul, ce qui présenterait le double inconvénient d’allonger le tracé de l’ouvrage et de constituer une saillie triangulaire sur l’emplacement réservé pour le château et ses dépendances.
On est donc porté à admettre qu’à partir de l’angle de la maison No 143, le fossé s’incurvait vers le nordouest et, appuyé à la ligne qui sépare la maison No143 des maisons Nos 144 et 145, venait rejoindre, sur l’emplacement occupé par cette dernière, le grand fossé naturel, allant de la Grenette au Tilleul. Le fait que ce tracé serait le plus court de tous ceux que l’on pourrait imaginer vient évidemment à l’appui de ce que j’avance; il ne s’agit cependant là que d’une hypothèse que l’étude des vestiges pouvant subsister sur le terrain ne permet pas de vérifier.
L’examen des caves des maisons Nos 144 et 145 n’apporte aucun éclaircissement. Les travaux effectués, en 1905 et 1906, à la maison No 145, ont bien permis de relever l’existence d’un énorme mur de 3 mètres 30 d’épaisseur, sur la façade tournée vers la place de l’Hôtel-de-Ville, ainsi que les traces d’un canal sur cette construction 1. On pourrait se demander s’il /194/ ne s’agit pas des vestiges du gros mur que Rudella dit avoir été construit, en travers du grand fossé, près du pont du Petit Paradis, et dont il dit qu’il existe encore sous terre 1. Il me paraît plus plausible d’admettre qu’il s’agit du mur de fondation de la maison construite là, à partir de 1576, qui — nous le savons par des documents certains — était destiné à supporter la canalisation amenant l’eau dans le quartier du Bourg 2.
Ainsi que je l’ai déjà laissé entendre, il est probable que le petit fossé fut comblé, au moins partiellement, dès le XIIIe siècle, lorsque l’extension de Fribourg au delà du grand fossé, vint rendre sa présence inutile. On peut supposer qu’une partie fut cependant conservée pour y établir un petit étang, dont il est parlé dans des actes du 10 octobre 1344 3 et d’octobre 1345 4, qui semblent relatifs à la maison No 15 et indiquent que celle-ci était voisine du petit étang (parvum stagnum ou stagnum ville), mais cette pièce d’eau disparut elle-même, vers le milieu du XIVe siècle, semble-t-il.
/195/
CHAPITRE IV
LES PONTS. LES FORTIFICATIONS. L’ÉGLISE DE NOTRE-DAME. CONCLUSION
Le grand fossé pouvait être franchi par le moyen de deux ponts, dont l’existence est signalée par Rudella, qui les désigne sous les noms de pont de la Chapelle ou pont de pierre et pont du Petit Paradis.
1. Pont de la Chapelle.
Rudella raconte 1 que ce pont commençait à la maison forte, qui avait appartenu à différentes familles nobles et était parvenue aux de Chenens et aux Rich, puis à d’autres familles et enfin à l’abbaye des Merciers, et qu’il permettait de se rendre à l’église de Notre-Dame, qui se trouvait en dehors de la ville. Il dit qu’il portait le nom de Pont de la Chapelle, en raison de sa destination, ainsi que celui de Pont de pierre et qu’on y accédait, de la ville, par une étroite ruelle, existant encore de son temps, devant l’abbaye des Merciers. Il ajoute que ce pont, avec canalisations 2 des deux côtés, a été vu et utilisé par un grand nombre de ses contemporains et qu’après le comblement du fossé et la suppression du pont, le lieu où il avait existé a gardé le /196/ nom de steinebruck, que l’on a traduit plus tard, en français, par l’expression Pont muré 1. Rudella rapporte encore, dans d’autres passages de sa chronique, que ce pont était en pierre, qu’on y fit des travaux en 1375 et qu’il fut recouvert lorsque le fossé fut comblé 2, puis il ajoute que c’est vers 1531 qu’il cessa d’exister, mais que son arc de pierre et sa voûte se trouvent encore sous terre 3.
Comme je l’ai fait pour les autres indications données par Rudella, il s’agit maintenant de confronter ses renseignements avec les sources originales.
Je ferai immédiatement remarquer que je n’ai pu trouver trace des travaux que le chroniqueur dit avoir été effectués à cet ouvrage en 1375, mais la précision de la date qu’il donne ne me permet pas de douter de l’exactitude de son renseignement, sans doute tiré d’une pièce aujourd’hui disparue. La mention la plus ancienne que je connaisse est du 3 novembre 1390 : elle se trouve dans l’ordonnance décidant la construction de la Halle 4, intre lespitaul et le pont de la chapele sus lé ryu de Grabintzales 5.
Le récit de Rudella, au sujet du point de départ du pont, est confirmé par les sources, mais alors qu’on pourrait croire, d’après son texte, que la maison /197/ des de Chenens et des Rich n’était qu’un seul et même immeuble, il y avait, en réalité, la demeure des de Chenens, du côté de la rue des Epouses et celle des Rich, en face, avec la ruelle conduisant au pont, entre les deux. On trouve en effet que, en 1343, Mermet de Chenens, qui transféra alors son domicile au quartier des Places, avait, jusqu’à ce moment, assigné son droit de bourgeoisie sur la maison de Nicolas de Chenens, près de l’église de St-Nicolas, entre la maison des héritiers de Jaques Morlachet et la ruelle tendant du Bourg vers la chapelle de l’Hôpital de la Bienheureuse Marie de Fribourg 1. On voit également le donzel Jean de Mont 2, résidant à Aubonne, diocèse de Genève, assigner son droit de bourgeoisie, le 6 septembre 1400, sur sa maison en pierre, au Bourg, qui avait jadis appartenu à son beau-père Pierre Dives alias Richo, entre la ruelle publique du pont de la Bienheureuse Marie et la maison de Jean de Chenens 3, du côté supérieur, et la maison de Jaques Dives, de l’autre côté 4. C’est cette maison de Jean de Mont qui devint, à la fin du XVe siècle, la propriété de l’abbaye des Merciers 5.
J’ai déjà relevé dans le chapitre I, ce qui est relatif à la ruelle conduisant du Bourg au pont qui, considérablement élargie, est aujourd’hui devenue la rue de St-Nicolas. /198/
En ce qui concerne le pont, on sait qu’on y fit des travaux dans le second semestre de 1434 1 et d’assez importantes réparations au cours du second semestre de 1435, car on trouve, dans les comptes, une dépense de 179 livres 5 sols, au chapitre intitulé Mission pour refundar et refaire le mur dou pont de la chappelle 2. J’ai déjà démontré l’exactitude des indications de Rudella, à propos des travaux de comblement du fossé, en 1463 3. Le remplissage ayant été poursuivi vers l’ouest, le pont n’avait plus de raison de subsister et il fut démoli. Dans le premier semestre de 1470, le Gouvernement, ayant à construire une maison, se servit du tuf du pont pour ce travail et les comptes contiennent, dans un chapitre intitulé Mission a cause de la maison de Switzer, une dépense pour rompre le pont de la chapelle pour en avoir le tuff pour ladite maison 4. Au semestre suivant, l’emplacement fut pavé, ainsi que le montre une dépense pour paviement fait descoté laie 5 enqui 6 ont la volte du pont fust rompue 7.
Ces deux dernières indications montrent que Rudella fait erreur, quand il dit que l’arc et la voûte existent encore sous terre et on les y chercherait vainement, puisqu’en 1470 la voûte fut rompue et le tuf employé à la construction d’une maison. /199/
Le chroniqueur a, par contre, parfaitement raison de dire que le lieu où se trouvait ce pont a gardé, après sa destruction, le nom de steinebruck. Cette désignation figure dans un grand nombre de documents, soit sous cette forme, soit sous celles de steininen bruck, steinigen brugg, ou steinernen bruck, et on la trouve encore, le 24 novembre 1829, dans le Grand Livre des Bourgeois 1, mais on doit ajouter qu’à partir de la fin du XVIIe siècle, cette expression avait pris un sens extensif et s’appliquait, non seulement à la rue de St-Nicolas actuelle, mais aussi à la rue Neuve, appelée aujourd’hui rue du Tilleul.
Comme le fossé, entre le Bourg et l’église de Notre-Dame avait une trentaine de mètres à son sommet, il est certain qu’on n’avait pas construit un ouvrage permettant le franchissement de cet obstacle, de plain pied. Il faut donc admettre que le pont était établi à une certaine profondeur dans le fossé et qu’on devait descendre pour y accéder. Cette conclusion est du reste conforme aux indications de Rudella, qui dit que les vestiges du pont sont enfouis sous terre.
J’ajouterai enfin qu’il y avait une fontaine dans le voisinage du pont, comme le prouve une ordonnance du 17 mai 1428 2 décidant l’établissement du bornel ou carro dou pont de la chappelle aux frais des voisins, qui devaient également pourvoir à son entretien. /200/
2. Le pont du Petit Paradis.
Rudella raconte qu’il y avait un autre pont sur le vieux fossé de la ville, à l’endroit où le Tilleul existait déjà de son temps, près de l’Hôpital, et qu’il était appelé pont du Petit Paradis. Il ajoute que, par la suite, on construisit, à ce pont, un mur en travers du profond fossé, que sur le mur on établit des galeries avec des lieux d’aisances donnant sur le fossé et que lors du comblement du fossé, ce mur fut rasé à niveau du sol mais existe encore sous terre, de même que les piliers du pont 1.
Vérifions ces indications.
Le Petit Paradis, dont le nom tend à disparaître et dont un grand nombre de personnes ne connaissent sans doute pas l’emplacement, comprend le groupe des maisons placées au bas de la rue des Alpes, près du Tilleul, contre la rangée extérieure des maisons de la rue de Lausanne, ainsi que le groupe de maisons plus au sud-ouest, entre la route des Alpes et la Grand’Fontaine, et le terrain situé entre ces immeubles.
On rencontre déjà cette expression de Petit Paradis, dans un document de septembre 1300 2 et il y avait déjà là, certainement, une rangée de maisons 3 en octobre 1316 4. Un acte du 26 août 1349 5 mentionne /201/ aussi ce lieu et un autre du 22 février 1358 (59) signale l’existence d’une rangée de maisons, construite peu auparavant, dans cette direction 1, mais ce n’est que le 4 juin 1382, qu’on voit apparaître, dans le voisinage, un fossé de la ville 2, qui n’est autre que le grand fossé, dont j’ai parlé 3 et qui dévalait vers la Neuveville, à l’époque où le Court Chemin n’était encore qu’un ravin impraticable 4. L’existence du fossé, à cet endroit, est confirmée par plusieurs documents 5 et divers actes nous font voir que le Petit Paradis se trouvait sur la berge du fossé opposée à la ville 6.
Il est déjà fait mention du pont en février 1269 (70) 7, mais son nom de pont du Petit Paradis, n’apparait, à ma connaissance, que dans un acte du 2 juin 1394 8 et il figure aussi dans le compte du premier semestre de 1409, époque à laquelle des travaux furent exécutés à cet ouvrage 9.
Lors du comblement du grand fossé, on atteignit le point dont nous nous occupons, au cours du second semestre de 1464 10 et on y travaillait encore au semestre /202/ suivant 1, mais l’ouvrage devait être entièrement terminé à la fin de 1470, car c’est dans le compte du second semestre de cette année, qu’on trouve un paiement au maître paveur pour paviement quil a fait au petit paradix 2. Rudella dit que c’est dans cette même année que fut planté le Tilleul 3, mais les comptes sont muets sur cet embellissement et ce n’est qu’au second semestre de 1482 qu’on trouve une dépense de 6 livres 8 sols 4 deniers, pour rétribuer les paysans de la seigneurie d’Illens, qui avaient amené le tuf pour faire le siège de l’arbre devant lospital 4.
C’est, vraisemblablement, à la suite de ces travaux que le pont du Petit Paradis cessa d’exister. Rudella rapporte qu’un mur fut construit contre le pont 5, en travers du fossé et cette indication paraît bien être relative à l’ouvrage exécuté entre 1463 et 1470. Il dit aussi que ce mur était surmonté de galeries avec des lieux d’aisances, donnant sur la partie du fossé non encore comblée. Les travaux d’aménagement de la rue Neuve, entre 1519 et 1521, la construction des maisons de cette rue, au cours du XVIe siècle et celle de la maison à tourelles, tournée vers la place de l’Hôtel-de-Ville, achevèrent de modifier la physionomie de cette partie de la ville et de lui donner l’aspect représenté par la perspective de 1606. /203/
Une remarque, analogue à celle que j’ai faite pour le pont de la Chapelle, s’impose à propos du pont du Petit Paradis. Le fossé avait, en ce point, une largeur d’environ 40 mètres, à son sommet, et il pouvait d’autant moins être question de construire un ouvrage d’art assez important pour franchir cet obstacle, que le rebord sud du fossé se trouvait, alors, à un niveau correspondant approximativement à la partie la plus haute de la place de l’Hôtel-de-Ville actuelle. Il est donc probable que le pont était établi à une certaine profondeur dans le fossé — ce qui correspond aux indications de Rudella disant que le pont existe encore sous terre — de manière à réduire les dimensions de l’ouvrage. C’est cette situation du pont qui, ainsi que je l’ai déjà fait remarquer, empêchait de franchir, sur une distance aussi réduite, une aussi grande différence de niveau et obligeait, pour atteindre la place, à gravir la berge du fossé par un chemin en écharpe, auquel on pouvait ainsi donner un plus grand développement et, conséquemment, une inclinaison plus faible, pour aboutir à la place sur laquelle se trouvait le château et, à l’extrémité sud-ouest, la porte du Bourg, qui y donnait accès.
Quant à l’emplacement du pont, Rudella se borne à dire qu’il était là où se trouve le Tilleul. Le fait que la rue de Lausanne — survivance de la route vers le Pays de Vaud — et la rue de la Préfecture — survivance de la route vers Morat — viennent aboutir à ce point, est une confirmation de l’exactitude des indications du chroniqueur et la direction générale de ces deux voies de communication conduit à admettre que le pont /204/ devait se trouver légèrement au nord du Tilleul, au point encore marqué sur le terrain par la partie la plus élevée du sol de la rue du Tilleul.
3. Les fortifications.
Rudella déclare qu’en raison de sa forte situation naturelle, Fribourg ne fut pas pourvue de muraille d’enceinte et il en cite comme preuve le fait que les lieux d’aisances de certaines maisons donnaient sur le grand fossé 1.
Sans vouloir tirer un argument du fait qu’au XIIe siècle, les villes étaient en général fortifiées, je dois dire que l’assertion du chroniqueur, au sujet de la forte situation de Fribourg, ne correspond pas complètement à la réalité. Il est indiscutable que le Bourg, perché sur un éperon rocheux, était suffisamment défendu par des obstacles naturels au sud, à l’est et au nord; la face ouest, uniquement protégée par le grand fossé, me paraît, par contre, avoir constitué un point faible, qu’il était indiqué de renforcer par une muraille. La preuve que prétend apporter Rudella, par la situation des lieux d’aisances d’un certain nombre de maisons, n’est absolument pas convaincante. Le chroniqueur décrit, en effet, la disposition qui existait à son époque, c’est-à-dire au début du XVIe siècle et je ne prétends point mettre en doute son témoignage. Ses indications montrent seulement qu’il n’y avait plus de muraille défensive à cette époque et non pas qu’il n’y en avait pas eu une antérieurement, /205/ avant le moment où l’extension de Fribourg à l’ouest du grand fossé avait eu lieu.
Le doute qui subsiste à cet égard est du reste levé par une série d’autres arguments.
Il est tout à fait certain, en effet, que les renseignements fournis par Rudella au sujet des lieux d’aisances donnant sur le grand fossé, exacts pour le milieu du XVIe siècle, ne correspondent point à la réalité pour le XVe siècle, puisque, pour plusieurs maisons, il est fait expressément mention de cours ou de places situées derrière elles et les séparant du fossé 1.
Le fait, signalé précédemment 2, qu’on obstrua, lors de réparations effectuées entre 1858 et 1868, des meurtrières dans les murs mitoyens de la maison No 6, montre, d’autre part, que des fortifications ont existé, au moins à cet endroit.
Il y a plus. En date du 17 février 1399 (1400), la réception bourgeoisiale du tondeur de drap Cuntzinus Guetto dit expressément, que son droit est assigné sur la maison paternelle, sise dans la grande rangée de maisons du marché, dans l’angle de la porte du Bourg, entre la maison de Nicholetus Cordeir et les anciens murs des fortifications de la ville (muros veteres bastimentorum ville 3). Pour unique qu’il soit, ce document n’en apporte pas moins la preuve certaine de l’existence d’une muraille fortifiée, défendant le Bourg /206/ vers l’ouest. Le qualificatif « anciens » appliqué aux murs, en 1400, montre que cet ouvrage de défense n’avait plus alors aucune importance et je suis porté à croire qu’il fut détruit vers cette époque, car, en 1416, lors de l’inscription du droit de bourgeoisie de Hansonus Guetto, sur la même maison 1, il n’est plus fait mention des fortifications.
M. Max de Techtermann a relevé, lors de la démolition de l’ancien Hôtel national, sur l’emplacement duquel s’élève aujourd’hui la Banque de l’Etat, des traces indiscutables de fortifications 2. L’existence de travaux fortifiés, aux deux extrémités de la face du Bourg défendue par le grand fossé, est donc prouvée et il me semble légitime d’en conclure qu’une muraille courait tout le long du bord méridional de ce grand fossé. Il est naturellement impossible d’essayer de faire une description de cet ouvrage disparu depuis plus de cinq siècles, mais on peut cependant admettre, avec quelque vraisemblance, que le passage conduisant du Bourg au pont de la chapelle, devait être défendu, primitivement, par une porte 3.
L’affirmation de Rudella, au sujet de l’inexistence de fortifications, se révèle donc comme inexacte et il est d’autant plus étrange qu’il l’ait émise, qu’il avait /207/ connaissance de l’acte mentionnant les anciens murs de la ville en 1400, puisqu’il le cite en toutes lettres dans un passage de sa chronique 1. Il est curieux qu’il n’ait pas aperçu la contradiction dans laquelle il tombait en affirmant, d’une part, que la ville n’avait pas de mur d’enceinte (ringmuren 2) et en citant, d’autre part, un document qui parle des anciens murs (die alten statt muren 3).
4. L’église de Notre-Dame.
Rudella dit que l’église de Notre-Dame existait déjà à une époque où il n’y avait pas encore d’église dans la ville 4 et, comme on sait par la charte de l’an de l’Incarnation 1177, que l’église de St-Nicolas était alors construite, son affirmation reviendrait à dire que l’église de Notre-Dame a été construite avant cette date.
On a toutes raisons de croire que cette charte de 1177, dont le vidimus, tiré des archives de la Maison de Savoie n’a été publié qu’en 1660, par Guichenon, n’a pas été connue de Rudella, puisqu’il fixe la date de la fondation de Fribourg à 1179.
La connaissance de cette charte enlève beaucoup de valeur au récit du chroniqueur, que plusieurs auteurs ont utilisé 5, en y ajoutant un certain nombre d’arguments dont la valeur historique est plus que /208/ contestable 1. L’étude du bâtiment lui-même n’apporte pas de précision sur ce point et permet simplement de penser que l’église a été bâtie à la fin du XIIe siècle ou au commencement du XIIIe 2.
J’estime donc que, dans l’état actuel de nos connaissances, la version de Rudella ne peut pas être acceptée et qu’il est extrêmement probable que la construction de l’église de Notre-Dame est postérieure à la fondation de Fribourg.
5. Conclusion.
Si l’on veut résumer ce que je viens d’exposer dans les chapitres précédents et se faire une idée d’ensemble des modifications apportées à la configuration du Bourg, pour lui donner l’aspect sous lequel le représente la perspective de 1606, il paraît utile de dresser le tableau récapitulatif suivant :
Av. 1340. — Comblement du fossé séparant la ville du château et établissement d’un petit étang, dans une partie de ce fossé.
Ap. 1345. — Comblement de cet étang.
1400-1416. — Démolition du mur d’enceinte donnant sur le grand fossé.
1463. — Démolition de la Tour du Bourg, de la /209/ Porte du Bourg, de la maison No 2 et des dépendances de la maison No 1. Construction du mur de soutènement de la petite place sous le poste de gendarmerie et établissement de cette place. Construction du mur de soutènement s’appuyant sur la petite place ci-dessus et agrandissement de la place de l’Hôtel-de-Ville, dans cette direction et vers le Court Chemin. Aplanissement du terrain, de la place de l’Hôtel-de-Ville, vers le pont du Petit Paradis et comblement partiel du fossé sur ce point. Construction du mur entre la Grenette (Croix blanche) et la Banque d’Etat (maison d’Avenches). Etablissement d’une voûte en maçonnerie entre ce mur et le pont de la chapelle.
1464. — Construction d’un mur, dans l’axe du fossé, entre le pont de la chapelle et le pont du Petit Paradis. Construction d’un mur, en travers du fossé, au pont du Petit Paradis et suppression de ce pont.
1465. — Comblement du grand fossé entre l’Hôpital et le mur construit dans l’axe du fossé, de la Grenette au Petit Paradis. Création de la place devant l’Hôpital. Pavage de cette place. Etablissement de la fontaine de St. Georges sur la place de l’Hôtel-de-Ville.
1466. — Aplanissement du cimetière de Notre Dame. Agrandissement et pavage de la place de Notre Dame. Construction de la halle au blé sur la place de l’Hôtel-de-Ville.
1467. — Fin des travaux commencés en 1463.
1470. — Pavage du Petit Paradis. Etablissement du Tilleul. Démolition du pont de la chapelle. Pavage de son emplacement. /210/
1500 à 1522. — Construction de l’Hôtel-de-Ville sur l’emplacement des maisons Nos 1, 3, 4, 5, 6 et 7.
1519. — Construction d’une voûte et établissement d’un canal, dans la partie non comblée du grand fossé, entre le mur construit dans l’axe du fossé en 1464 et les maisons de la rue des Epouses. Comblement de cette partie du fossé.
Ap. 1519. — Construction des maisons de la rue Neuve (rue du Tilleul).
1576. — Commencement des travaux de construction de la maison à tourelles existant autrefois, sur l’emplacement occupé maintenant par les maisons Nos 144 et 145.
Sans quitter le terrain de l’histoire et sans entrer dans le domaine de l’imagination, on peut, grâce aux indications des sources, penser qu’un voyageur, venant du Pays de Vaud, vers le milieu du XIIIe siècle, avait, en arrivant au bas de l’actuelle rue de Lausanne, le tableau suivant devant les yeux.
A sa droite, les maisons du Petit Paradis s’alignaient au sommet de la berge d’un profond ravin, qui dévalait vers la Sarine et la région où allait se constituer le quartier de la Neuveville 1.
A sa gauche, il voyait l’Hôpital des Infirmes, situé sur l’emplacement maintenant occupé par la place des Ormeaux 2, puis une place sur laquelle devait s’élever, plus tard, la Halle, construite en vertu d’une /211/ ordonnance du 3 novembre 1390 1. Un peu en arrière, se trouvait le sanctuaire de Notre-Dame, entouré de son cimetière et tout au fond, dominant le Grabensaal, il y avait une rangée de maisons, dont la dernière vers l’est, devait devenir par la suite l’auberge de la Croix-blanche, aujourd’hui la Grenette.
A ses pieds, s’ouvrait un large et profond fossé que franchissaient deux ponts : à main gauche, le pont de la chapelle, et immédiatement au-dessous de lui, le pont du Petit Paradis.
Devant lui, enfin, se dressait un promontoire rocheux, couronné d’une muraille d’enceinte, portant à sa droite le donjon carré de l’ancien château et une porte ronde à laquelle on accédait en gravissant la pente opposée du fossé, et à sa gauche le Bourg construit par les Zaehringen, dont les maisons aux toitures irrégulières étaient dominées par le clocher de l’église de St-Nicolas.
/212/
CHAPITRE V
LES MAISONS ET LEURS HABITANTS
Le dépouillement de la très grande quantité de documents que j’ai été amené à consulter, pour écrire l’histoire des maisons de l’ancien quartier du Bourg 1, m’a permis de faire un certain nombre de constatations fort intéressantes. Je vais essayer de résumer ici celles qui ont trait aux maisons et aux habitants de ce quartier.
1. Les maisons.
J’ai pu relever, dans mes recherches, les traces de 245 maisons, dans l’ancien quartier du Bourg et si l’on y ajoute les constructions qui ne sont pas comprises dans les rangées de maisons, c’est-à-dire : l’église de St-Nicolas, l’ancien Hôtel-de-Ville, maintenant représenté par l’ancienne Poste, la Tour du Bourg et la Porte du Bourg, cela nous donne un total de 249 bâtiments. Ce chiffre considérable ne me paraît pas constituer un maximum et il est très probable qu’un certain nombre d’immeubles ont été modifiés ou transformés à une époque antérieure à celle, à partir de laquelle j’ai pu disposer de renseignements suffisants pour servir de base à mon étude. /213/
Le nombre des bâtiments construits dans l’ancien quartier du Bourg n’a, du reste, pas cessé de varier au cours des temps et cela toujours dans le même sens, en diminuant à mesure que l’on avançait dans l’ordre chronologique. Cette constatation, qui ne surprendra certainement pas, a pour cause principale le désir de confort, qui a eu pour conséquence l’agrandissement des maisons par absorption des immeubles voisins.
Pour que l’on puisse se faire une idée à ce sujet, je donnerai les chiffres des bâtiments en 1448 1, en 1606 2 et à l’heure actuelle, qu’on trouvera rassemblés dans le tableau de la page suivante, indiquant la répartition par rangées de maisons : /214/
| Secteur | Nombre de bâtiments | |||
|---|---|---|---|---|
| Maximum constaté | 1448 | 1606 | 1924 | |
| Grand’Rue, rangée extérieure | 67 | 63 | 48 | 37 |
| Rue Zaehringen, rangée extérieure | 15 | 15 | 9 | 8 |
| Rue du Pont suspendu et rue des Chanoines, rangée extérieure | 46 | 45 | 40 | 22 |
| Rue des Epouses, rangée extérieure | 21 | 20 | 19 | 14 |
| Grand’Rue, rangée intérieure | 53 | 50 | 42 | 31 |
| Rue Zaehringen, rangée intérieure | 4 | 4 | 3 | 1 |
| Rue du Pont suspendu et rue des Epouses, rangée intérieure | 39 | 37 | 32 | 27 |
| En dehors des rangées | *4 | *4 | **2 | **2 |
| Totaux | 249 | 238 | 195 | ***142 |
* Eglise de St. Nicolas, Hôtel-de-Ville, Tour du Bourg et Porte du Bourg.
** Eglise de St. Nicolas et ancien Hôtel-de-Ville.
*** La numérotation commence au poste de Gendarmerie et se termine à l’angle de la rue des Epouses et de la place de l’Hôtel-de-Ville par une maison portant le No 143. Il faut y ajouter l’église St. Nicolas, sans numéro, et tenir compte qu’il y a une maison No 12 A et une No 12 B. Cela donne 145. De ce chiffre il faut déduire les deux petites constructions Nos 104 et 105, à l’entrée du Pont suspendu (elles sont maintenant démolies), qui ne sont pas des maisons. De plus l’ancien No 126, qui portait le No 128 a été transformé en jardin.
Faible (4 %) en 1448, ce qui n’a rien d’étonnant puisque mes renseignements ne commencent qu’au milieu du XIVe siècle et ne sont complets qu’au début du XVe, la diminution devient beaucoup plus importante en 1606 (21,6 % par rapport au maximum et 18,4 % par rapport à 1448) et s’accentue d’une façon encore plus considérable en 1924 (42,9 % par rapport /215/ au maximum, 40,5 % par rapport à 1448 et 27 % par rapport à 1606).
Si l’on examine, dans le détail, cette réduction du nombre des bâtiments, on est forcé de constater que les modifications les plus importantes ont été produites par la construction, au début du XVIe siècle, de l’Hôtel-de-Ville, qui occupe l’emplacement de 6 maisons et celle de la Chancellerie qui, de la fin du XVe au milieu du XIXe siècle, a absorbé 12 immeubles appartenant auparavant à des particuliers.
Cette observation nous fait toucher du doigt le développement pris par les services publics. En faisant abstraction de ce qui touche aux intérêts religieux, on peut dire qu’alors qu’en 1448, les bâtiments utilisés pour le service de l’Etat étaient au nombre de 8 1, en y comprenant la Tour et la Porte du Bourg, travaux de défense, les immeubles de ce genre sont, en 1924, au nombre de 12 2 et occupent les emplacements de 44 constructions du XVe siècle, sans compter les deux édifices démolis pour l’ouverture de la ruelle de la Poste et du Pont suspendu. Le chiffre est 5,5 fois plus grand qu’au XVe siècle et les immeubles destinés à ce but représentent le 8,4 % du nombre total actuel et le 18 % du nombre total du XVe siècle, alors qu’ils ne constituaient que le 3,3 %, en 1448.
La réunion de plusieurs maisons particulières en /216/ une seule se trouve résumée dans le tableau suivant :
| Secteur | Maisons actuelles formées de : | ||
|---|---|---|---|
| 2 m. | 3 m. | 4 m. | |
| Grand’Rue, extérieur | 14 | 6 | - |
| Rue Zaehringen, extérieur | 4 | - | 1 |
| Rue du Pont suspendu, extérieur | 7 | 3 | - |
| Rue des Epouses, extérieur | 5 | 1 | - |
| Grand’Rue, intérieur | 8 | 3 | 3 |
| Rue Zaehringen, intérieur 1 | - | - | - |
| Rue du Pont suspendu et rue des Epouses, intérieur | 5 | 4 | - |
| Totaux | 43 | 17 | 4 |
On voit par là que, comme on pouvait s’y attendre, c’est l’agglomération de deux maisons en une seule qui constitue le cas le plus fréquent; celle de trois maisons est déjà moins commune et celle de quatre n’est qu’exceptionnelle. Le tableau permet, de plus, de constater que c’est principalement dans la Grand’ Rue, que cette manifestaton d’un plus grand désir de confort s’est produite.
Cette extension des immeubles, dans le sens de la largeur, n’a rien qui doive surprendre, car on sait que les maisons étaient, primitivement, très étroites. Un document, établi entre 1450 et 1460 2, indique les dimensions des façades de 74 constructions du quartier du Bourg; les plus larges ont, respectivement, 12m.60, 11m.10 et 10m.50 et les plus étroites 2m. et 2m.20 et la moyenne donne une largeur de 5m. environ. /217/ Comme certains bâtiments sont, alors déjà, construits sur l’emplacement jadis occupé par plusieurs maisons, la moyenne primitive devait donc être encore plus faible et, probablement, pas très éloignée de 4 m., ce dont on trouve encore des exemples à l’heure actuelle.
L’agrandissement des bâtiments s’est encore produit dans le sens de la profondeur, par la suppression des jardins. Alors, qu’au XVe siècle, toutes les maisons situées dans le pourtour extérieur, ont, par derrière, un jardin 1, cette disposition a déjà été modifiée en 1606, au moins dans certains secteurs, et il n’y a plus, en 1924, que quelques cours qui sont les vestiges, fort diminués, de ces jardins disparus.
Si nous passons, maintenant, à la nature des constructions, nous constatons que c’est toujours ce même souci d’amélioration, qui a dicté toutes les modifications effectuées.
Je n’ai jamais rencontré, au XIVe et au XVe siècles, que des bâtiments composés d’un rez-de-chaussée (pars inferior) et d’un étage (pars superior) et si l’on trouve, à cette époque, la mention d’un quartum estagium 2 ou même d’un sextum estagium 3, cette expression n’a point, alors, le sens que nous donnons à « étage », mais bien à celui que nous rendrions, aujourd’hui, par « appartement » et qu’on appelait /218/ « chambres » 1, à ce moment. En 1606, au contraire, la perspective de Martini nous permet de constater que toutes les maisons ont deux ou trois étages et ce mouvement s’est encore développé de nos jours. L’extension s’est donc poursuivie, aussi bien dans le sens de la largeur et de la profondeur, que dans celui de la hauteur, de façon à rendre les habitations plus spacieuses.
Le progrès s’est également manifesté dans le choix des matériaux de construction. Il est probable que la plupart des immeubles étaient primitivement en bois et, si le plus grand nombre des actes n’est pas très explicite sur ce point et laisse subsister un doute, on en trouve cependant plusieurs, qui signalent expressément des maisons en bois (domus lignea ou exceptionnellement nemorea), dont la dernière est citée dans un document du 18 novembre 1482 2. On a de beaucoup plus fréquentes mentions d’immeubles construits en pierre (domus lapidea ou murata); la première que j’aie rencontrée est de mars 1328 (29 ?)3 et la dernière du 22 mars 1468 4. Le silence qui règne, ensuite, à ce propos, me porte à croire que ce mode de construction avait été généralement adopté, au plus tard dans la seconde moitié du XVe siècle.
Il est extrêmement rare de trouver des détails sur la manière de bâtir, au XVe siècle 5, mais on sait /219/ cependant, par les multiples ordonnances du Gouvernement 1, destinées à diminuer les dangers d’incendie, que toutes les maisons étaient encore couvertes en bardeaux (encello), au début du XVe siècle. Par une ordonnance de juin 1419, l’Etat, pour remplacer ce dangereux mode de couverture par des tuiles, prit à sa charge la fourniture de la moitié de ces dernières 2 et les comptes des trésoriers, où un chapitre spécial est ouvert, à cet effet, nous font voir qu’il s’agissait là d’une contribution assez importante.
Je dois enfin signaler qu’on rencontre, encore au XIVe siècle, des maisons indivises entre quatre propriétaires et aux XIVe et XVe siècles, des immeubles, qui sont la copropriété de trois et, plus fréquemment encore, de deux familles, mais ce phénomène tend ensuite à disparaître et chaque maison n’appartient plus, en général, qu’à une seule personne, sauf dans les cas de partages de succession.
On peut également dire, qu’habituellement, le propriétaire habite le bâtiment dont il est possesseur, mais il y a, évidemment, des exceptions. On a d’assez fréquents exemples de maisons louées et il en est même de très rares, qui sont réparties entre plusieurs locataires et paraissent être les avant-coureurs des immeubles locatifs de notre époque. La comparaison /220/ du recensement de 1448 1 avec une multitude de documents, que j’ai réunis au sujet du quartier du Bourg, me permet de dire que, sur les 232 maisons d’habitations de cette époque, 126 étaient occupées par leurs propriétaires, 70 louées et 36 inhabitées 2.
2. Les habitants.
La première question qui se pose est, évidemment, celle de savoir quelle était la population qui habitait le quartier du Bourg. Il n’est pas possible d’y répondre d’une façon précise et de suivre les variations, qui n’ont pas manqué de se produire au cours des temps.
Nous pouvons cependant nous en faire une idée, au milieu du XVe siècle, par le recensement de 1448. Ce précieux document a été publié par M. F. Buomberger 3, qui l’a étudié et en a tiré un certain nombre de conclusions du plus vif intérêt. Certaines considérations paraissent, cependant, lui avoir échappé et il est d’autant plus important d’attirer l’attention sur elles, qu’elles sont de nature à modifier la portée de quelques-unes de ces conclusions.
M. Buomberger s’est, en effet, basé, pour ses calculs, sur les indications du rôle de 1448, sans s’inquiéter de savoir s’il y avait lieu d’y apporter des modifications et il a donc tablé sur le chiffre de 1831 habitants, pour le quartier du Bourg, en y comprenant ceux qui /221/ résidaient Furs de la porta de Murat 1 c’est-à-dire en dehors de l’ancien quartier du Bourg, mais dans une partie soumise à la juridiction du banneret de ce quartier.
Si l’on admettait cette même méthode de travail, la population de l’ancien quartier du Bourg aurait compris 1304 habitants, la différence de 527 étant justement relative aux personnes résidant Furs de la porta de Murat.
C’est ce chiffre de 1304 habitants pour l’ancien quartier ou de 1831 habitants pour le territoire dépendant du banneret du Bourg, que je considère comme erroné et comme impossible à utiliser pour des calculs, et ceci pour les raisons suivantes.
Il ne faut pas oublier, en se servant du recensement de 1448, que ce document a été établi au moment où Fribourg était en lutte avec ses voisins — principalement la Savoie et Berne — et que ses partisans et ceux de Guillaume d’Avenches et d’Antoine de Saliceto se livraient alors une guerre d’escarmouches, où les razzias et les pillages jouaient un rôle primordial 2.
Lors de recherches, faites dans un autre but, j’avais déjà été surpris de rencontrer, dans la partie Furs de la porta de Murat, un certain nombre d’habitants de la paroisse de Barberêche 3 et j’avais été amené à me demander si ces personnes ne s’étaient pas /222/ réfugiées, alors, dans la ville, pour échapper aux entreprises des ennemis de Fribourg. Il est bien évident, étant donné la situation politique, au moment où ce recensement a été fait, qu’il ne s’agissait pas alors d’une mesure administrative, destinée à renseigner les statisticiens, mais bien d’une disposition, qui devait avoir un rapport avec la guerre, à laquelle tout se trouvait subordonné, à cette époque. On en devine immédiatement le but : renseigner le banneret et le Gouvernement sur l’importance de la population dont ces autorités devaient assurer la subsistance et cette mesure se trouvait être particulièrement indispensable, si un brusque afflux de réfugiés était venu accroître le nombre des habitants habituels.
Mis en garde par ces remarques, je me suis mis à étudier en détail le recensement de 1448 et j’ai immédiatement été frappé de constater que, dans l’indication des familles, on trouvait, dans certains cas, des « garçons » et des « filles » et, dans d’autres, des « enfants », sans indication de sexe. J’ai dressé, alors, un état des familles, dans lesquelles les enfants étaient indiqués d’une façon indéterminée et, en le comparant à la Taille de Savoie de 1445 1 et à la multitude de renseignements que j’ai recueillis sur le quartier du Bourg, au XVe siècle, j’ai eu la surprise de constater que tous les noms des familles, qui se trouvent dans ce cas, étaient parfaitement inconnus, soit en 1445, soit avant cette date, soit après, dans le quartier du Bourg. Cette parfaite concordance, établie sans aucun parti pris, m’a donc amené à conclure que l’hypothèse /223/ que j’avais formulée était exacte et que le recensement de 1448 avait bien été opéré lors d’un subit accroissement de la population normale et qu’il y avait donc lieu de le rectifier, si l’on voulait en tirer des conclusions, relatives au nombre et à la répartition des habitants du quartier du Bourg.
Cette rectification m’a montré que sur les 1304 habitants, résidant dans le quartier du Bourg, en 1448, 508 environ 1 étaient des réfugiés occasionnels et 796 seulement formaient la population stable et normale. On voit, par là, combien la mesure, consistant à dénombrer les personnes, était justifiée, pour les autorités chargées de les nourrir.
Non content d’avoir trouvé cette preuve de la véracité de mon hypothèse, j’ai voulu en chercher la confirmation, dans l’étude d’un recensement du XIXe siècle. Celui de 1860 2 m’a montré que, dans le même secteur de l’ancien quartier du Bourg, que celui considéré en 1448, la population comprenait, alors, 1184 habitants 3, soit une augmentation de 388 unités, par rapport au chiffre donné par moi pour 1448 et une diminution de 120 âmes, par rapport à celui du recensement de 1448 et de M. Buomberger. L’étude de ce recensement moderne est donc venu confirmer l’exactitude de mes indications, car il est bien évident qu’on devait s’attendre, malgré l’amélioration des conditions de logement, à trouver un plus grand nombre /224/ de personnes dans les maisons à trois étages, agrandies par la suppression des jardins, du XIXe siècle, que dans les immeubles à un seul étage, du XVe siècle.
Le détail des indications, résumées ci-dessus, est donné par le tableau ci-dessous. /225/
Population totale en 1448:| Hommes | Femmes | Enfants | Domestiques | Total | ||||
| Garcons | Filles | Indét. | Hommes | Femmes | ||||
| Grand’Rue ext. | 86 | 91 | 60 | 50 | 52 | 40 | 31 | 410 |
| R. Zaehringen ext. | 23 | 25 | 10 | 7 | 37 | 3 | 4 | 109 |
| R. du Pont, ext. | 51 | 49 | 24 | 18 | 27 | 4 | 11 | 184 |
| R. des Epouses, ext. | 32 | 31 | 12 | 14 | 14 | 6 | 8 | 117 |
| Grand’Rue, int. | 58 | 57 | 30 | 25 | 78 | 11 | 11 | 270 |
| R. Zaehringen, int. | 7 | 9 | 1 | 4 | 4 | 1 | – | 26 |
| R. du Pont, int. | 45 | 44 | 21 | 26 | 28 | 13 | 11 | 188 |
| Totaux | 302 | 306 | 158 | 144 | 240 | 78 | 76 | 1304 |
542 | 154 | |||||||
Population occasionnelle:
| Hommes | Femmes | Enfants | Domestiques | Total | ||||
| Garcons | Filles | Indét. | Hommes | Femmes | ||||
| Grand’Rue ext. | 24 | 27 | 1 | 5 | 52 | 8 | 1 | 118 |
| R. Zaehringen ext. | 13 | 17 | 1 | – | 37 | – | – | 68 |
| R. du Pont, ext. | 21 | 20 | – | 1 | 26 | – | 2 | 70 |
| R. des Epouses, ext. | 13 | 10 | 4 | 4 | 12 | 1 | 1 | 45 |
| Grand’Rue, int. | 29 | 25 | 1 | 1 | 78 | 1 | 1 | 137 |
| R. Zaehringen, int. | 3 | 4 | – | 2 | 4 | – | – | 13 |
| R. du Pont, int. | 13 | 13 | – | 2 | 28 | 1 | – | 57 |
| Totaux | 116 | 116 | 7 | 15 | 237 | 12 | 5 | 508 |
259 | 17 | |||||||
Population normale en 1448:
| Hommes | Femmes | Enfants | Domestiques | Total | ||||
| Garcons | Filles | Indét. | Hommes | Femmes | ||||
| Grand’Rue ext. | 62 | 64 | 59 | 45 | – | 32 | 30 | 292 |
| R. Zaehringen ext. | 10 | 8 | 9 | 7 | – | 3 | 4 | 41 |
| R. du Pont, ext. | 30 | 29 | 24 | 17 | 1 | 4 | 9 | 114 |
| R. des Epouses, ext. | 19 | 21 | 8 | 10 | 2 | 5 | 7 | 72 |
| Grand’Rue, int. | 31 | 32 | 29 | 24 | – | 9 | 10 | 133 |
| R. Zaehringen, int. | 4 | 5 | 1 | 2 | – | 1 | – | 13 |
| R. du Pont, int. | 32 | 31 | 21 | 24 | – | 12 | 11 | 131 |
| Totaux | 188 | 190 | 151 | 129 | 3 | 66 | 71 | 796 |
283 | 137 | |||||||
Population en 1860:
| Hommes | Femmes | Enfants | Domestiques | Total | ||||
| Garcons | Filles | Indét. | Hommes | Femmes | ||||
| Grand’Rue ext. | 87 | 62 | 48 | 38 | 16 | 95 | * 346 | |
| R. Zaehringen ext. | 5 | 9 | 7 | 2 | **13 | ** 11 | ** 47 | |
| R. du Pont, ext. | 59 | 37 | 27 | 39 | 14 | 33 | 209 | |
| R. des Epouses, ext. | 29 | 32 | 23 | 18 | 12 | 20 | 134 | |
| Grand’Rue, int. | 63 | 65 | 44 | 54 | 12 | 33 | 271 | |
| R. Zaehringen, int. | – | – | – | – | – | – | – | |
| R. du Pont, int. | 40 | 39 | 24 | 27 | 16 | 31 | 177 | |
| Totaux | 283 | 244 | 173 | 178 | 83 | 223 | *** 1184 | |
351 | 306 | |||||||
* On devrait retrancher de ces chiffres 26 gendarmes, dont la présence constitue une anomalie pour la comparaison.
** Les 13 domestiques hommes et 5 domestiques femmes de l’Hôtel Zaehringen devraient aussi être retranchés, pour la comparaison.
*** Conformément aux indications ci-dessus, on devrait retrancher de ce total 44 personnes.
C’est sur la base des chiffres relatifs à la population normale du quartier du Bourg, en 1448, que les déductions de M. Buomberger devraient être établies, pour présenter une image réelle de la situation, à cette époque, car les éléments accidentels, introduits dans les nombres qu’il a étudiés, risquent de fausser les conclusions qu’il en a tirées. Ce serait sortir du cadre de mon travail que d’entreprendre cette rectification et je dois donc y renoncer. Il y a, par contre, d’intéressantes déductions à tirer des données de ce tableau.
Si l’on tient compte des 232 maisons d’habitations du Bourg, en 1448, on constate que la moyenne des habitants est de 3,5 par maison, mais si l’on tient compte du fait que 36 immeubles sont inhabités, la moyenne s’élève à 4, et les côtés extérieurs de la Grand’Rue et de la rue Zaehringen, ont un chiffre d’environ 5 par maison, qui paraît dû, au moins pour la Grand’Rue, à la plus grande proportion de domestiques.
On remarquera qu’en 1860, où l’on peut prendre pour base de calcul, environ 135 maisons, la moyenne s’élève à 8 habitants par immeuble, toujours avec une moyenne un peu plus forte pour le côté extérieur de la Grand’Rue, et cette augmentation correspond bien à l’extension prise par les constructions, tant en hauteur qu’en largeur et en profondeur. /226/
Il serait, évidemment, fort intéressant de connaître la façon dont se répartissait cette population, au point de vue de ses occupations. Le recensement de 1448 ne donne, malheureusement, que des indications très fragmentaires, à ce sujet. Il m’a cependant été possible, par comparaison avec la Taille de 1445 et avec les autres documents dont je disposais, de me faire une idée à ce sujet. Les 171 chefs de familles mentionnés peuvent être classés de la façon suivante :
| Professions | Total | Gr.’R. Ex. | Gr.’R. Int. | R. Zæhr. Ex. | R. Zæhr. Int. | R. Ep. Ext. | R. Pont Ext | R.Pont Int. |
| Forgerons | 6 | 1 | – | 1 | 2 | 1 | 1 | – |
| Armurier | 1 | – | – | – | – | 1 | – | – |
| Coutelier | 1 | – | – | – | – | 1 | – | – |
| Drapiers | 5 | 2 | 2 | – | – | – | 1 | – |
| Tailleurs | 10 | 3 | 4 | – | – | 2 | – | 1 |
| Chapelier | 1 | 1 | – | – | – | – | – | – |
| Tanneur | 1 | – | 1 | – | – | – | – | – |
| Selliers, bourreliers | 3 | 2 | – | – | – | – | – | 1 |
| Pelletier | 3 | 1 | 1 | 1 | – | – | – | – |
| Cordonniers | 8 | 2 | 2 | 1 | 1 | 1 | – | 1 |
| Sabotier | 1 | 1 | – | – | – | – | – | – |
| Fabricant de ceintures | 1 | 1 | – | – | – | – | – | – |
| Fabricant de bourses | 1 | – | – | – | – | – | – | 1 |
| Cordier | 1 | 1 | – | – | – | – | – | – |
| Paveur | 1 | 1 | – | – | – | – | – | – |
| Plâtrier | 1 | 1 | – | – | – | – | – | – |
| Tonneliers | 2 | – | 1 | – | – | 1 | – | – |
| Potiers | 2 | – | 1 | – | – | – | – | 1 |
| Boulangers | 5 | 1 | 3 | – | – | 1 | – | – |
| Bouchers | 26 | 1 | 3 | 1 | – | – | 15 | 6 |
| Merciers | 9 | – | 3 | 1 | – | 3 | – | 2 |
| /227/Marchands | 4 | 3 | – | – | – | – | – | 1 |
| Orfèvres | 4 | 2 | – | – | – | – | – | 2 |
| Apothicaire | 1 | 1 | – | – | – | – | – | 2 |
| Barbier | 1 | 1 | – | – | – | – | – | – |
| Physicien | 1 | – | – | – | – | – | 1 | – |
| Aubergistes | 5 | 1 | 1 | 1 | – | 1 | – | 1 |
| Maître du chant | 1 | – | – | – | – | – | 1 | – |
| Peintre | 1 | – | – | – | – | – | – | 1 |
| Notaires et clercs | 5 | – | 1 | – | – | – | 1 | 3 |
| Sautier | 1 | – | – | – | – | – | – | 1 |
| Trompette | 1 | – | – | – | 1 | – | – | – |
| Non désignés | (9)47 | (7)23 | 6 | (1)3 | – | 6 | 5 | (1)4 |
| Prêtres | 10 | 3 | – | – | – | 1 | 4 | 2 |
| Totaux | (9)171 | (7)53 | 29 | (1)9 | 4 | 19 | 29 | (1)28 |
N. B. Les chiffres entre ( ) indiquent les familles nobles.
Au point de vue du nombre des personnes occupées, on trouve, en tête, 47 chefs de familles ou hommes, dont la profession n’est pas indiquée. Ce chiffre considérable provient, non seulement du fait que les indications dont nous disposons sont incomplètes, mais aussi de ce qu’on y range 9 nobles et, vraisemblablement, un certain nombre de gros marchands. Viennent ensuite, dans cet ordre : les bouchers, 26, principalement concentrés dans la rue du Pont suspendu, où se tient alors le marché au bétail; les prêtres, 10, qui appartiennent au clergé de St-Nicolas; les tailleurs, 10; les merciers ou petits détaillants, 9; les cordonniers, 8; les forgerons, 6; les notaires et clercs, les drapiers, les boulangers et les aubergistes, 5 de /228/ chaque catégorie; puis les marchands et les orfèvres, 4 de chaque catégorie; ensuite les selliers et les pelletiers, 3 de chaque catégorie; puis les tonneliers et les potiers, 2 de chaque catégorie; et enfin les autres représentants de diverses professions ou corps de métier, avec une unité chacun.
On n’a, du reste, dans cette énumération, qu’un faible aperçu de tous les métiers, qui se sont exercés, dans le quartier du Bourg, entre le milieu du XIVe et la fin du XVIe siècle, et dont voici la liste :
- apothicaire (apothecarius, appothicaire);
- arbalétrier (armbruster);
- aubergiste (hospes, tabernarius, hoste, würt);
- barbier (barbitonsor, bartscherer, scheret, barbier) V. médecin et chirurgien;
- béguine (beguina, beguina tercie regule);
- boucher (carnifex, masaleir, massalier, metzger, bouchier); boulanger (pistor, fornerius, forneir, pfister, huspfister, brotbeck);
- bourrelier (arsonator, arsonarre);
- fabricant de bourses (seckler);
- fabricant de ceintures (factor zonarum, gurtler);
- fabricant de chandelles (candelatrix, chandeleir);
- changeur (lombardus);
- chapelier (huotmacher, chappalier, factor piliorum, pilorius, chappaley);
- charcutier (lanista);
- charpentier (carpentator, carpintator, chappuis, zimmermann);
- charretier (auriga, charroton);
- charron (factor curruum);
- chaudronnier (cacabifex);
- chirurgien (sillorgicus, solorgicus, scheret, wundartzt); chirurgien spécial pour la maladie de la pierre (steinschnider); /229/
- clerc (clericus);
- cordier (corderius, cordifex, factor cordarum, seiler);
- cordonnier (sutor, schuohmacher, escofeir, escoffier);
- coutelier (messerschmid);
- drapier (drapperius, drapalerius, tuochman);
- écrivain public (scriptor, schriber, epitolarius);
- fabricant d’éperons (faber esperonerius, sporer);
- fabricant de faux (falcium faber, falcifex);
- forgeron (faber, schmid);
- forgeron de cuivre (cuprifaber);
- foulon (fullo);
- fourbisseur (preparator ensium, swerfeger, swertfeger, furbissierre);
- fromager (kässman);
- fabricant de harnois (harnescher, arnescher);
- horloger (seytenmacher, factor orologiorum, zytgloggenmacher);
- maçon ou tailleur de pierre (lathomus, lapicida, steinhower, Steinbrecher, perrerius);
- manœuvre (manuoperarius);
- marchand (mercator), parfois plusieurs réunis en société ou compagnie;
- maréchal (marescallus);
- médecin (phisicus, fisicus, artzt, libartzt). Voir aussi barbier;
- menuisier (factor tabularum, tischmacher, tischenmacher); mercier (mercerius, mercifer, mercifex, kremer, krämer, mercier), parfois spécialisé (ysenkrämer);
- meunier (molator);
- notaire (notarius, clericus, schriber);
- orfèvre (aurifaber, goldschmid);
- organiste (organist);
- fabricant de papier (quartoris, quartator, cartifex, pappierer);
- pâtissier (pastissierre, nebulator ou nieblierre = fabricant de nibles ou oublies, espèce de gâteau);
- paveur (paviare);
- pêcheur (piscator, fischer);
- peintre (pictor, maler); /230/
- pelletier (pelliparius, pellifex, kursner);
- plâtrier (gissator, gipsator, gissarre);
- potier (poterius, figulus);
- potier d’étain (kannengiesser);
- prêtre (episcopus, decanus, curatus, presbiter, sacerdos, cappellanus, canonicus, priester, chorherr);
- sabotier (factor calopediorum, holtzschuohmacher);
- sculpteur (bildhower, souvent aussi tischmacher);
- sellier (sellifex, sattler);
- serrurier (faber sarrallierre, serrifex, slosser, serrarius); tailleur (sartor, scissor, cosanderius, panniscissor, snider, schnider, cosandeir);
- tanneur (cerdo, gerwer);
- tisserand (textor, textor telarum, pannistissor);
- tondeur de drap (pannitonsor, panniscissor, tuochscherer, rabaissierre);
- tonnelier (religator, küfer);
- tricoteur de soie (?) (sydenstricker);
- tripier (kutler);
- trompette (tubicena);
- vitrier ou verrier (glaser, verrerius);
- ainsi que « watman » dont j’ignore le sens.
On peut y ajouter, surtout à partir du XVIe siècle, toute la catégorie des fonctionnaires car, à cette époque, beaucoup de personnes préfèrent être désignées par la fonction qu’elles occupent, que par le métier qu’elles exercent.
Si l’on considère, maintenant, l’origine de la population du quartier du Bourg, on peut dire, grâce aux multiples renseignements fournis par les actes, que la majeure partie est encore composée, au XIVe siècle, de personnes originaires de la ville elle-même et de localités situées dans un rayon de 15 à 20 kilomètres à l’entour. On peut y ajouter quelques individus provenant /231/ des cantons de Berne (Aarberg, Affoltern, Bienne, Biglen, Delémont, Erlach, Gessenay, Jegenstorf, Landiswil, Laupen, Nidau, Schwarzenburg, Simmenthal, Spiez et Thoune); Vaud (Assens, Avenches, Cudrefin, Lausanne, Lucens, Moudon, Orbe, Riez et Yverdon); Argovie (Aarau, Buchs, Büttikon, Lenzbourg, Zofingue); Neuchâtel (Geneveys-sur-Coffrane, Neuchâtel, Val-de-Ruz); Bâle et Soleure. Les étrangers à la Suisse sont encore en nombre très restreint et proviennent d’Italie (Asti, Unzella (?), Salliseto), d’Allemagne (Regensburg, Saarburg, Ulm et Würtzburg), d’Alsace (Haguenau), de Pologne (Cracovie) et de France (Montbéliard).
Au XVe siècle, les renseignements deviennent moins fréquents, au sujet de la provenance des habitants, au moins pour ceux qui viennent de localités voisines, mais les indications sont suffisantes pour nous permettre de constater l’arrivée d’un beaucoup plus grand nombre d’étrangers. Ils proviennent principalement des cantons de Berne (Aarberg, Bienne, Berne, Biglen, Büren, Burgdorf, Erlach, Fraubrunnen, Frutigen, Golaten, Laupen, Lauperswil, Mœrsberg, Nidau, Porrentruy, Saanen, Schwarzenburg, Simmenthal, Spiez et Thoune), de Vaud (Aran, Aubonne, Avenches, Cully, Giez, Lausanne, Lavaux, Lucens, Moudon, Mutrux, Palézieux, Pully, Riez, Vevey et Villeneuve), d’Argovie (Aarau, Buchs, Lenzbourg, Zofingue), de Neuchâtel (Val de Ruz et val de Travers) ainsi que de Bâle, Lucerne, Schaffhouse, Soleure, St-Gall et Thurgovie. On est frappé, également, par un nouvel afflux d’arrivants /232/ d’Allemagne (Augsburg, Cologne, Constance, Dantzig, Elwangen, Francfort, Ingolstadt, Kempten, Maasmunster, Memmingen, Munich, Nuremberg, Rosenberg, Rottenberg-am-Neckar, Saarburg, Trêves, Überlingen, Weissenburg-am-Sand et Wurtzburg), de France (Flumet, Lyon, Montbéliard, St-Amour), d’Alsace (Andlau, Mulhouse et Strasbourg), d’Italie (Asti, Lucques et Turin), ainsi que d’Autriche (Trente et Vienne), de la Flandre et du Brabant.
Rien que les sources se raréfient encore au XVIe siècle, on peut aussi constater, à cette époque, la présence à Fribourg de personnes originaires des cantons actuels de Berne, Vaud, Argovie, Soleure, Genève et Bâle, ainsi que d’étrangers provenant de France, d’Allemagne, d’Italie, d’Autriche et des Pays-Bas, mais on a l’impression très nette que le mouvement a moins d’ampleur qu’il n’en avait au XVe siècle. Je pense que la décadence de l’industrie des draps et les mesures prises pour enrayer les progrès de la Réforme, à Fribourg, ne doivent pas être étrangères à ce phénomène.
J’ai également porté mon attention sur les familles nobles qui ont résidé dans le quartier du Bourg entre le milieu du XIVe siècle et la fin du XVIe.
On sait qu’un grand nombre de noms de familles sont encore en voie de formation, au cours de cette période, ainsi qu’en témoignent les multiples changements de noms, qui s’effectuent alors. Or, beaucoup de noms de familles sont formés du nom de la localité dont chacune est originaire, précédé de la particule de, qui, ainsi qu’on le sait, n’est aucunement une preuve /233/ de noblesse 1. Je n’ai donc admis, comme nobles, que les familles dont les membres ont porté les titres ou qualifications de seigneur (dominus), chevalier (miles) donzel (domicellus), noble (nobilis) et, au XVIe siècle, noble (Edelknecht et Junker).
C’est ainsi qu’on trouve, au XIVe siècle, dans le quartier du Bourg, les familles nobles suivantes : d’Avenches 2, de Chenens 3, de Corbières 4, Corpastour 5, de Duens 6, d’Englisberg 7, de Faucigny 8, de Fraxinello 9, de Helfenstein 10, Lombard 11, Maior d’Avenches 12, de Marly 13, de Montagny 14, de Pontverre 15, Rich ou Dives 16, de Treyvaux 17, Velga 18, de Vuippens 19 et de Wolqueswile 20. /234/
On ne retrouve plus, au XVe siècle, que les d’Avenches, de Chenens, de Corbières, de Duens, d’Englisberg, de Faucigny, Lombard, Maior d’Avenches, Rich ou Dives, Velga et de Vuippens. On voit, par contre, apparaître un certain nombre d’autres familles, dont j’indique les noms, en les faisant suivre de la date à laquelle on les rencontre, pour la première fois, comme nobles, dans le quartier du Bourg. Ce sont : d’Affry (1454) 1, Asperling (1422) 2, de Billens (1467) 3, Bugniet (1487) 4, Champion, seigneur de Vaulruz et de la Bastie (1454) 5, de Cléry (1495) 6, Dalliez, seigneur du Rosey, des comtes de St-Martin (1461) 7, de Diesbach (1500) 8, de Fougello de Marchilliez (1487) 9, de Gruyère, seigneur d’Aigremont (1467) 10, Malet (1462) 11, Marchand d’Aubonne (1467) 12, de Mattstetten (1442) 13, Mayor de Lutry (1419) 14, de Mont d’Aubonne (1400) 15, /235/ de Montricher (1454) 1, Mossu (1463) 2, de Pounye de Crain (1459) 3, de Praroman (1463) 4, de Saliceto (1429) 5, de St-Amour (1462) 6, du Terraul du Val Travers (1463) 7 et Tornier de Vevey (1492) 8.
Enfin, au XVIe siècle, on voit encore apparaître, parmi les familles nobles nouvelles, les Alex (1586) 9, Erhart (1595) 10, Falk (1518) 11, de Furno (1509) 12, Gilliet (1532) 13, Griset (1570) 14, de Ligertz, seigneur de Bonvillars (1565) 15, de Ligritz (1570) 16, Meyer (1559) 17, Pavilliard (1534) 18, Ravier de Lausanne (1534) 19 et Rudella (1539) 20.
Les différentes remarques qui précèdent, /236/ permettent donc de dire que, du milieu du XIVe siècle à la fin du XVIe, le quartier du Bourg constituait, en somme, ainsi que l’avait voulu son fondateur, le marché de la ville et le centre principal de l’activité commerciale. C’est à cette situation privilégiée qu’il devait d’être le quartier le plus riche de la petite cité, comme l’a déjà démontré M. Buomberger, par le dépouillement de la Taille de 1445 1.
Il me reste à signaler — et l’on aura déjà pu s’en rendre compte, par plusieurs des indications que j’ai données — que la rangée extérieure des maisons de la Grand’Rue était celle qui avait toute la faveur des habitants et était occupée par les personnages les plus riches et les plus considérés. Non seulement, on y trouve, en 1448, sept familles nobles, sur neuf qui résidaient dans le quartier, mais encore, en 1445, sur 19 habitants possédant une fortune de 100000 francs 2 ou supérieure à cette somme, 14 avaient leur domicile dans cette rangée, 4 dans la rangée extérieure de la rue du Pont suspendu et des Chanoines et 1 dans la rangée extérieure de la rue Zaehringen. En étendant notre enquête aux 21 personnes dont la fortune est comprise entre 40 000 et 100 000 francs, nous en trouvons 13 dans la rangée extérieure de la Grand’Rue, 3 dans la rangée extérieure de la rue des Epouses, 3 dans la rangée extérieure de la rue du Pont suspendu et 2 dans la rangée intérieure de la Grand’Rue.
/237/
PIECES JUSTIFICATIVES
ANNEXE I
CATALOGUE DES ABBÉS D’HAUTERIVE
AUX XIIe ET XIIIe SIÈCLES
| Catalogue du début du XIVe siècle 1 |
Noms des abbés | Dates | Références 2 (=NoGumy) |
| — | Stephanus | 1139 | 19 |
| Cet abbé n’est cité, ni dans le catalogue du XIVe s., ni dans le Nécrologe 3, ni dans un autre acte. Il est à remarquer que l’original de Gumy No 19 est un vidimus de juillet 1290; il peut donc y avoir erreur du copiste. |
|||
| Girardus, primus abbas |
Girardus
» » » » » |
27.IV.1142
21.I.1142(43) 21.III.1142(43) 10.VII.1154 1155 1157 |
22
29 33 58 62 71 |
| /238/ Girardus figure également dans Gumy Nos 41, 50, 55, 70 et 72 comme abbé. La date du No 41 ne peut être fixée; le No 50 est antérieur à 1173 puisqu’on trouve comme témoin Cono, sacerdos d’Escuvilens, qui devient doyen peu après; le No 55 est d’une date impossible à préciser; le No 70 est de 1156 (Voir à 396) et le No 72 est d’une date impossible à préciser. Girardus vécut encore après avoir déposé la charge d’abbé, car il figure dans Gumy No 73 sous la désignation de « moine de Cherlieu, jadis abbé d’Hauterive » et dans les Nos 76 et 78 comme « moine de Cherlieu ». Le Nécrologe dit qu’il mourut le 1.I.1157, par quoi il faudrait entendre le 1.I.1158 d’après notre style. |
|||
| Ricardus | Richardus
» |
après 1157 avant 1162 |
|
| Richardus figure comme abbé dans Gumy No 78, qui est postérieur à 1157, puisque son prédécesseur Girardus y est appelé « moine de Cherlieu » et sous l’initiale R dans Gumy Nos 77 et 90. Le No 77 a pour témoin Petrus, prieur de Vilar, qui occupe ce poste en 1158 (Gumy No 74, note 1) et le No 90 est antérieur à 1173 puisque Cono de Saidors n’y est pas encore appelé doyen. Le Nécrologe dit qu’on célébrait sa commémoraison le 3 décembre. |
|||
| — | Wilelmus I
» |
après 1157 avant 1162 |
|
| Wilelmus figure comme abbé dans Gumy No 91. Or ce No 91 est de la même date que Gumy No 99, qui est antérieur à 1162, puisque confirmé en 1162 par Gumy No 101. Il figure également, sous l’initiale W, dans Gumy No 98, qui est confirmé en 1162 par Gumy No 101.
/239/Ni le catalogue du XIVe s., ni le Nécrologe n’en font mention. Voir aussi : Ire partie, chap. I, p. 46 à 49. |
|||
| Pontius | Pontius
» |
après 1157 en 1162 |
|
| Je renvoie, à ce sujet, à la Ire partie, chap. I, p. 44 et 49, et me borne à dire que Pontius est cité comme abbé dans Gumy No 79, antérieur au 1.III. 1162, et dans Gumy No 102 dont la date est impossible à déterminer. Il figure aussi sous l’initiale P dans Gumy Nos 86 et 100, qui sont antérieurs à 1162, puisque confirmés en 1162 par Gumy No 101, dans Gumy No 101, qui est de 1162 et dans Gumy Nos 92, 95 et 96 dont la date ne peut être précisée. Son existence n’est donc prouvée qu’en 1162 et il ne semble pas avoir exercé sa charge longtemps. Le Nécrologe dit qu’on célébrait sa commémoraison le 11 novembre. | |||
| Astralabius | Astrolabius
» |
après 1162 avant 1172 |
|
| Astrolabius n’est cité comme abbé que dans Gumy No 109 (à comparer avec Gumy No 82), dont la date ne peut être déterminée. Le Nécrologe dit qu’on célébrait sa commémoraison le 5 août. |
|||
| Hugo de Port | |||
| Cet abbé n’a pas laissé de traces, dans les actes parvenus jusqu’à nous. Le Nécrologe l’appelle Hugo, Baro de Pont et dit qu’il mourut le 1.X.1216. Il se pourrait que ce personnage ait été abbé fort peu de temps et soit mort en 1216, fort âgé, comme simple religieux. |
|||
| Uldricus de Martrans |
Uldricus
» |
après 1162 avant 1172 |
|
| /240/ Uldricus est cité comme abbé dans Gumy Nos 121, 122, 124 et 249. Les Nos 121, 122 et 124 sont de dates impossibles à préciser, mais évidemment antérieurs à 1172, date à laquelle Wilelmus II est abbé. Il en est de même de l’acte No 249, auquel Gumy attribue erronément la date de 1182, fausse puisque l’abbé s’appelait alors Hugo. Le Nécrologe dit que l’on célébrait sa commémoraison le 27 août. |
|||
| Wilelmus li Provinciaul |
Wilelmus II
» » |
1172
1172 1173 |
128
129 136 |
| Wilelmus figure encore comme abbé dans Gumy Nos 138, 140, 146 et 154, qui sont antérieurs à 1173, Cono de Saidors n’y étant pas encore appelé doyen; dans Gumy Nos 139, 163, 178, 179 et 180, qui sont antérieurs à 1173, Cono, sacerdos d’Ecuvillens, n’étant pas encore doyen; dans Gumy No 207, qui est d’entre 1163 et 1181 (Annexe II, Gumy No 4) et dans Gumy Nos 134, 144, 147, 210, 225, 231 et 234, dont les dates ne peuvent être précisées.
On n’oubliera pas qu’il y a eu trois abbés du nom de Wilelmus au XIIe siècle. Le Nécrologe l’appelle Guilelmus de Provincia et dit qu’il mourut le 7 juillet 1173. | |||
| — | Hugo
» |
11.I.1181(82)
1188 |
246
272 |
| Hugo figure comme abbé dans Gumy No 244, dont la date est entre 1182 et 1196 (Annexe IV, No 2).
A propos de Gumy No 272, où il figure aussi, on peut dire que cet acte est certainement postérieur à 1188, puisqu’on y trouve Henri, abbé de Hautcrêt, qui n’occupa cette charge qu’après 1188 (Montheron, 305). Le Nécrologe dit qu’il mourut le 15 avril 1181, ce qui est évidemment faux puisqu’il paraît dans des documents d’une date postérieure. /241/ | |||
| Wilelmus de Rupe |
Wilelmus III
» » |
30.VIII.1196
25.VI.1198 1200 |
284
286 320 |
| Wilelmus de Rupe est cité comme simple religieux dans Gumy Nos 48, 78, 83, 102, 104, 112 et 134. Il est cité comme Wilelmus de Rupe, abbas, dans le No 284, et sous celui de Wilelmus dans les Nos 286 et 320 datés, et dans les Nos 255, antérieur à 1193 (Annexe VI, No 2), 278, 279, 283, 287, 289, 290 et 291.
Le Nécrologe dit qu’il mourut le 10 août 1198, ce qui paraît faux, puisque son sceau est apposé à un acte de l’an de l’Incarnation 1200. |
|||
| Johannes de Releport |
Johannes
» » » » » » » » » » » » » » » » » » |
1201
27.VI.1201 1208 22.III.1209 1214 1217 VIII. 1217 1219 1224 22.VI.1225 1225 1226 1226 24.II.1227 (28) 19.V.1228 1228 1228 I.1228 (29) 21.III.1228 (29) |
322
323 327 328 334 344 345 348 362 365 366 367 369 385 377 379 381 384 387 |
| Johannes est encore cité comme abbé dans Gumy Nos 335, 346, 359 et 363 non datés.
Le Nécrologe l’appelle Johannes de Releport et dit qu’il mourut le 20 septembre 1228. Si cette indication est exacte, /242/ les Nos 384 et 387 de Gumy ne seraient pas à dater d’après le style de l’Annonciation. | |||
| Hugo de Yeguestorf |
Hugo
» » » » » » » » » » » » » » » |
3.V.1230
6.V.1230 17.V.1230 28.VII.1230 18.X.1230 28.X.1230 X.1230 X.1230 XII.1230 1232 V.1232 11.XII.1232 1232 1233 1233 II.1233 (34) |
390
391 392 393 394 395 396 397 398 351 402 404 405 407 408 410 |
| Hugo est déjà cité comme abbé dans un acte du 28.XII.1228 (Pont No 153) ce qui tendrait à confirmer les dires du Nécrologe pour l’abbé précédent, mais on n’a plus qu’un vidimus de 1300 et il peut y avoir une erreur du copiste.
Le nom de famille de l’abbé Hugo est donné dans Gumy Nos 351 et 392. Le Nécrologe dit qu’il mourut le 12 février 1233, ce qui n’est pas impossible si l’on adopte le style de Lausanne, qui donnerait le 12 février 1234 de notre style. | |||
| Uldricus de Friburgo |
Ulricus
U Ulricus Ul |
15.VIII.1237
IX.1237 4.II.1238 (39) 15.VII.1239 |
419
420 424 425 |
| U. est encore cité comme ancien abbé, dans Gumy No 427, le 5.VIII. 1240.
Le Nécrologe l’appelle Ulricus de Friburgo et dit qu’il /243/ mourut le 1er mars 1238, par quoi il faut probablement entendre le 1er mars 1239 de notre style. Au premier abord, cette indication paraît erronée, puisqu’on trouve encore Ulricus dans des actes de date postérieure. En réalité, l’indication du Nécrologe peut être exacte, car ce document donne encore entre Uldricus de Friburgo et Henricus de Pruuino un abbé appelé Uldricus de Prunio, dont il dit qu’il mourut le 12 mars 1241, soit le 12 mars 1242 de notre style. Il semble donc y avoir eu deux abbés de nom d’Ulrich, successivement, et dans ce cas les Nos 425 et 427 de Gumy s’appliqueraient au second. | |||
| Henricus de Pruuino |
Henricus
» H Henricus » » » » » » » |
20.VI.1242
1242 IV.1244 1244 1245 III.1246 (47?) 23.IV.1246 25.IV.1246 IV.1247 VI.1248 XII.1248 |
432
433 439 441 447 449 450 451 453 469 471 |
| Il est probable qu’il était déjà abbé le 5.VIII.1240 (Gumy No 427) puisque U est alors dit ancien abbé.
Le Nécrologe l’appelle seulement Henri et dit qu’il mourut le 4 février 1247, soit le 4 février 1248 de notre style. Il semble y avoir là une erreur, puisqu’il figure encore dans des actes de date postérieure. | |||
| P. de Grueria | Petrus
» » » P. |
13.XI.1251
V.1252 VI.1252 15.IV.1254 1257 |
487
490 492 501 509 |
| Son nom de famille est donné par Gumy No 487. /244/
Le Nécrologe l’appelle Petrus de Grueria et dit qu’il mourut le 24 décembre 1257, ce qui est possible. Voir à son sujet : MDR, X, 97 à 99. | |||
| Wibertus de Friburgo |
W
Wibertus » » » |
XI.1258
26.V.1262 8.VI.1262 26.VI.1263 15.V.1266 |
516
540 542 546 562 |
| Il est encore cité dans un acte non daté. (Gumy No 518.)
Le Nécrologe l’appelle Wibertus de Friburgo et dit qu’il mourut le 9 décembre 1267, ce qui est possible. | |||
| Guido de Caroloco |
Guido
» G Guido » » G Guido » » » » » » |
22.III.1269 (70)
26.XI.1272 1273 20.III.1273 (74) 15.IV.1275 IV.1279 29.VII.1281 14.VIII.1281 1281 III.1288 (89?) XII.1289 VII.1292 X.1293 XII.1293 |
586
618 624 631 648 714 735 736 740 778 802 828 843 844 |
| Le catalogue du XIVe s. dit qu’il fut élu le 29 novembre 1268 et fut abbé pendant 26 ans et 6 mois, soit jusqu’en 1295.
Le Nécrologe l’appelle Guido de Faverniaco, ce qui n’est pas en contradiction avec le catalogue, car il peut avoir été appelé de Faverniaco (lieu d’origine) et de Caroloco (monastère dont il venait). Il dit qu’il mourut le 6 novembre 1292, ce qui paraît erroné, par rapport aux actes et aux indications du catalogue. /245/ | |||
| Hugo Hamel de Caroloco | |||
| Aucun acte ne le mentionne.
Le catalogue du XIVe s. dit qu’il succéda à Guido de Caroloco et fut abbé jusqu’au 28 juin 1296, puis qu’il fut de nouveau abbé après Hugo Colons et vécut au moins jusqu’en 1302. Le Nécrologe, qui l’appelle Hugo Ramel, dit qu’il mourut le 19 octobre 1300, mais cette indication est infirmée par le catalogue, auquel on doit ajouter plus de foi, puisqu’il est contemporain de cet abbé. | |||
| Hugo Colons de Friburgo |
H | 31.XII. 1297 | 879 |
| Le catalogue du XIVe s. dit qu’il succéda à Hugo Ramel et fut élu le 9 juin 1296.
Le Nécrologe l’appelle Hugo Colons et dit qu’il mourut le 9 octobre 1299. Son successeur n’ayant été élu que le 27 octobre 1301, Hauterive serait donc resté sans abbé pendant deux ans. | |||
| Hugo Ramel | Hugo | II.1300 (1301) | Pl. I. |
| Le catalogue du XIVe s. dit qu’il succéda à Hugo Colons le 27 octobre 1301 et fut abbé jusqu’en 1302.
Le Nécrologe ne mentionne pas cette seconde période puisqu’il le fait mourir le 19 octobre 1300. | |||
RÉSUMÉ
- De ce qui précède, il semble qu’on puisse établir le catalogue des abbés d’Hauterive de la façon suivante :
- 1. Stephanus (?), 1139.
- 2. Girardus, 27.IV.1142 — 1157. † 1.I.1158.
- 3. Richardus, après 1157 et avant 1162.
- 4. Wilelmus I, après 1157 et avant 1162.
- 5. Pontius, après 1157 et en 1162.
- 6. Astrolabius, après 1162 et avant 1172.
- 7. Hugo de Port ou de Pont, après 1162 et avant 1172. /246/
- 8. Uldricus de Martrans, après 1162 et avant 1172.
- 9. Wilelmus II ou li Provinciaul, 1172. † 7.VII.1173.
- 10. Hugo, après 7.VII.1173 et encore en 1188.
- 11. Wilelmus III ou de Rupe, dès le 30.VIII.1196 au moins et encore en 1200, mais plus en 1201.
- 12. Johannes de Releport, dès 1201. † 20.IX.1228.
- 13. Hugo de Jegenstorf, dès 28.XII.1228. † 12.II.1234.
- 14. Uldricus de Friburgo, dès 15.VIII. 1237 au moins, † 1.III.1239.
- 15. Uldricus de Prunio, après 1.III.1239. † 12.III.1242.
- 16. Henricus de Pruuino, dès 5.VIII.1240, encore en XII.1248.
- 17. Petrus de Grueria, dès 13.XI.1251. † 24.XII.1257.
- 18. Wibertus de Friburgo, dès XII.1258. † 9.XII.1267.
- 19. Guido de Faverniaco ou de Caroloco, élu 29.XI.1268, abbé jusqu’en mai 1295.
- 20. Hugo Ramel de Caroloco, après V.1295 — 28.VI.1296.
- 21. Hugo Colons de Friburgo, élu 9.VI.1296. † 9.X. 1299.
- 22. Hugo Ramel, 27.X.1301 jusqu’en 1302.
ANNEXE II 1
Actes relatifs à Lambertus mansionarius dal Fribor. Il résulte de leur étude que l’existence de ce personnage est prouvée avant 1173.
No 1.
Bucco de Vilar dedit quicquid habebat ad Portum de Daselei in campis, in pratis, in nemoribus, in usimentis. Testes sunt Cono de Porta Glane, Sicardus /247/ de Rivorio, Cono et Savaricus frater eius de Favarniei.
Laudavit hoc donum Perreta filia eius. Testes sunt Cono sacerdos descuvilens, Hendricus clericus de Marliei, Gerlais de Stavaiel, Rainerius de Martrans. Lambertus mansionarius dal Fribor.
Original. N’existe plus.
Copie. Notice du XIIIe s. (Liber, p. 73).
Publié. Gremaud. ASHF, VI, 76 sous No 193. — Analysé dans Hidber sous No 1991 et dans Gumy sous No 32.
Dates attribuées. 1179 (Lenzbourg) 1 1152-1180 (Raedlé) 2, Avant le 21 mars 1143 (Gumy). Il fait remarquer que la confirmation par Perreta peut avoir été faite « un certain nombre d’années plus tard », mais que « cette conclusion ne s’impose pas ».
Date. 1148-1177. La donation de Bucco de Vilar est certainement antérieure au 21 mars 1143, puisque confirmée à cette date par Gui, évêque de Lausanne. (Gumy No 33.) Par contre, la seconde partie de l’acte, soit la confirmation par Perreta, est certainement postérieure au 21 mars 1143 puisqu’elle n’est pas mentionnée dans la confirmation de l’évêque Gui.
Il y est fait mention, comme témoins :
1. De Cono, prêtre d’Ecuvillens. Or, nous savons qu’il a existé un Petrus, sacerdos d’Escuvilens, cité dans Gumy, Nos 4, 5, 7, 8, 9, 10, 16 et 31. Les Nos 4 et 5 sont du 25 février 1138. Les Nos 7, 8, 9 et 10 sont postérieurs au 25 février 1138, puisqu’ils mentionnent des donations à Hauterive, fondé seulement le 25 février 1138, mais antérieurs au 24 mars 1138, puisque confirmés à cette date par l’évêque Gui. (Gumy No 33). Le No 16 est antérieur au 24 mars 1140, car il y est fait mention du droit, pour Hauterive, de désigner le desservant de l’église d’Ecuvillens, droit confirmé par /248/ l’évêque Gui en l’an de l’Incarnation 1139, soit entre le 25 mars 1139 et le 24 mars 1140 (Gumy No 19). Le No 31 est antérieur au 21 mars 1143 puisque confirmé à cette date par l’évêque Gui (Gumy No 33).
On trouve ensuite un Pontius, sacerdos d’Escuvillens, cité dans Gumy, Nos 12, 33, 66 et 68. Le No 12 est antérieur au 21 mars 1143, puisque confirmé alors par l’évêque Gui (Gumy, No 33). Il est également antérieur au 11 février 1143, puisque se rapportant à une donation faite par Guilelmus de Glana, mort le 11 février 1143 (Gumy No 30) et enfin il est même antérieur au 27 avril 1142 puisque confirmé alors par Innocent II (Gumy No 22). Quant aux Nos 66 et 68, Lenzbourg et Gumy leur attribuent la date de 1156 et Raedlé une date entre 1150 et 1170. Une date précise est impossible à donner, mais celle de 1156 paraît erronée et je suis porté à croire qu’ils sont antérieurs à 1156, pour les raisons suivantes. En effet, dans le No 66, Pontius d’Ecuvillens paraît avec le prêtre Uldricus de Martrans. Or, dans le No 69, auquel Lenzbourg et Gumy attribuent la date de 1156, on trouve, comme témoin un Borcardus, sacerdos de Martrans. Il est impossible qu’en 1156, le prêtre de Matran se soit appelé, en même temps Borcardus et Uldricus. Uldricus ne paraît dans aucun autre document. Par contre Borcardus figure encore dans les Nos 137 et 141; le premier est de l’an de l’Incarnation 1173, soit entre le 25 mars 1173 et le 24 mars 1174 et il y est dit que le prêtre Borcardus était alors un vieillard. Le No 69 paraît donc pouvoir être de 1156, mais cela conduit à dire que le No 66 est antérieur à cette époque et cette conclusion paraît confirmée par le fait que les Nos 66 et 68 concernent des donations faites par Uldricus de Nuruos. Or, ce personnage figure dans les actes Nos 4 et 5, du 25 février 1138 et dans le No 31, antérieur au 21 mars 1143, mais il n’en est plus question par la suite et, dans le No 141, auquel Gumy attribue la date de 1173 il paraît être décédé, puisque c’est à ses enfants qu’Hauterive reconnaît devoir un cens.
Cono, sacerdos d’Escuvilens, est cité par Gumy dans les Nos 43, 50, 102, 120, 129, 130, 135, 136, 137, 139, 150, 163, 165, 173, 174, 175, 176, 177, 178, 179 et 180 et rappelé /249/ dans les Nos 295 et 298. Il est cité comme doyen dans les Nos 80, 183 et 214. Le No 43 est daté par Lenzbourg et Gumy de 1147 et par Raedlé de 1160-1180. Il y est fait mention de Magnus, abbé de Hautcrêt, mais cette indication est insuffisante, car il semble y avoir eu trois abbés de Hautcrêt, du nom de Magnus, au XIIe s. (MDR, XII, Cart. Hautcrêt, 219 et 261 et Cart. Montheron, 305). Le No 50 a comme témoin Girardus, abbé de Hauterive, cité pour la première fois dans un acte du 27 avril 1142 (Gumy No 22) et pour la dernière fois dans un document de l’an de l’Incarnation 1157, soit entre le 25 mars 1157 et le 24 mars 1158 (Gumy No 71). On sait qu’après lui, vint comme abbé un Richardus, puis Wilhelmus I, puis Pontius, abbé entre 1159 et 1163 au plus tard. Girardus, ensuite moine à Cherlieu, paraît donc avoir résigné ses fonctions avant 1158 et le Nécrologe dit, du reste, qu’il mourut le 1er janvier 1157 (58). Le No 102 est du temps de l’abbé Pontius soit entre 1157 et 1163. Le No 129 est de l’an de l’Incarnation 1172 et les Nos 135, 136 et 137 de l’an de l’Incarnation 1173. Les Nos 139, 163, 178, 179 et 180 sont d’une époque où l’abbé d’Hauterive s’appelait Guilelmus et on ne peut savoir s’il s’agit de Guilelmus I ou de Guilelmus II (Voir Annexe I). Rien ne permet de dater sûrement ces actes, pas plus que ceux où Conon d’Escuvilens est appelé doyen, soit le No 183 daté par Lenzbourg de 1175, par Raedlé de 1173-1178 et par Gumy de 1178-1180 et le No 214, daté par Lenzbourg et Gumy de 1179 et par Raedlé de 1152-1180.
Il est, par contre, certain que le 11 janvier 1182, le desservant d’Ecuvillens était Guibertus, sacerdos d’Escuvilens, (Gumy No 246), aussi cité dans les Nos 205, 226, 249, 250 et 265, impossibles à dater et que, par conséquent, Cono d’Escuvilens devait alors être décédé.
En résumé, on peut dire que les prêtres d’Ecuvillens se sont vraisemblablement succédé dans l’ordre suivant : Petrus, Pontius, Cono, Guibertus et que Cono a été prêtre d’Ecuvillens, probablement après le 21 mars 1143, mais certainement avant 1158, qu’il l’était encore en 1173 mais fut nommé doyen peu après cette date. (Voir Zurich (IV).)
2. Hendricus, clericus de Marliei. Il ne figure que dans /250/ cet acte et dans Gumy No 214, qui cite également Cono, doyen d’Ecuvillens. Sa présence ne permet donc pas de préciser la date, à elle seule. Cependant on connaît un Johannes, sacerdos de Marli, cité dans Gumy Nos 10, 42 et 46. Or le No 10 est de 1138, le No 42 d’une date indéterminable et le No 46 de 1148-1169, d’après Gumy qui se base pour cette indication, sur la présence de Rodolphe, seigneur d’Arconciel qui vécut entre ces deux dates (Grellet dans Man. gén. I). On connaît aussi un Petrus, sacerdos de Marlie, qui figure dans Gumy Nos 103, 139 et 245. Or le No 103 est du temps de l’épiscopat de Landry de Durnes, soit entre 1159 et 1177; le No 139 est du temps de l’abbé d’Hauterive Guilelmus soit entre 1164 et 1182 qu’il s’agisse de Guilelmus I ou II, et le No 245, dont on ne peut établir la date, est daté par Lenzbourg et Gumy de 1181 et par Raedlé de 1163 à 1200. De plus, le No 103 nous apprend que le prédécesseur de Petrus était Joslenus, sacerdos de Marlie.
En résumé, les prêtres de Marly paraissent s’être succédé dans l’ordre suivant : Johannes en 1138 et jusqu’en 1148 au moins, ensuite Hendricus, puis Joslenus et enfin Petrus, certainement avant 1177. Hendricus aurait donc rempli cette fonction au plus tôt en 1148 et en tout cas avant 1177.
3. Gerlais de Stavaiel. Il figure aussi dans le No 203 avec Hugo, sacerdos de Fribor et, ce dernier étant doyen le 6 juin 1182 (Gumy No 247), l’acte No203 est certainement antérieur au 6 juin 1182.
4. Rainerius de Martrans. Il figure aussi dans Gumy Nos 147, 174, 218, 224, 231, 252 et 332 et il est probable que c’est aussi lui qui paraît dans le No 61 sous le nom de Rainerius, maior de Martrans, mais ce n’est pas certain. Le No 147 est du temps de l’abbé Guilelmus, soit entre 1164 et 1182; le No 174 cite aussi comme témoin Cono, sacerdos d’Escuvilens, dont je viens de parler sous chiffre 1; il est donc postérieur à 1143 et antérieur à 1173, Cono n’y étant pas dit doyen. Le No 218 a comme témoin Hugo de Fribourg qui occupait ce poste le 6 juin 1182 (Gumy No 247), mais vraisemblablement pas depuis longtemps; il est donc d’environ 1182. Le No 224 est antérieur au No 218 puisque celui-ci est une confirmation du No 224. Le No 251 paraît /251/ n’être qu’un rappel du No 224. Le No 252 est antérieur au 6 juin 1182, puisque Hugo, sacerdos de Fribor, n’est pas encore titré de doyen. Enfin le No 332 est du temps de l’abbé Jean, c’est-à-dire certainement postérieur à 1201 et antérieur à 1228, mais Rainerius de Martrans paraît être alors décédé; son fils et ses petits-fils paraissant seuls dans cet acte.
De tout ce qui précède, on peut dire que cet acte (Gumy No 32) est certainement postérieur à 1148 et antérieur à 1177.
No 2.
Anselmus Bisi de Recto Clivo dedit totam decimam fenagii de Bose Valtel pro annuo censu duorum nummorum in festivitate sancte Walpurgis reddendorum. Testes sunt Cono sacerdos descuvilens, Cono miles de Recto Clivo, Lambertus mansionarius dal Fribor.
Original. N’existe plus.
Copie. Notice du XIIIe s. (Liber, p. 14).
Publié. Gremaud. ASHF, VI, 32 sous No 77. — Analysé dans Hidber sous No 2313 et dans Gumy sous No 175.
Dates attribuées. 1180 (Lenzbourg). 1173 (Raedlé). Avant 1178 (Gumy).
Date. Entre 1143 et 1173.
1. Le donateur Anselmus Bisi de Recto Clivo paraît encore dans le No 276, mais ce dernier ne pouvant être daté, on ne peut rien tirer de la présence de ce personnage.
2. Cono, sacerdos d’Escuvilens. (Voir Annexe II No 1). Vit postérieurement à 1143 et est doyen peu après 1173.
3. Cono, miles de Recto Clivo, ne paraît avec certitude que dans cet acte. Il est probable qu’on puisse l’identifier avec Cono de Dreitlaris du No 276, mais cela n’est pas certain, car ce dernier acte ne le qualifie pas de miles. Le No 276 est du reste d’une date indéterminable. /252/
4. Il est question de Bosc Valtel dans les Nos 61 et 273, mais ces actes n’apprennent rien, quant à la date.
De ce qui précède, et à cause de la présence de Cono, sacerdos d’Escuvilens, on peut dire que cet acte est certainement postérieur à 1143 et antérieur à 1173, Cono y étant encore appelé sacerdos et non decanus.
No 3.
Aliolz de Lixa dedit quicquid habebat in Portu Daselei, in terris, in nemoribus, in pratis, in aquis et pasturam per totam terram suam in parrochia de Vilar. Testes sunt Giroldus decanus de Lausanna, Rodulfus clericus de Donno Petro, Philippus de Altineio. Hoc donum factum fuit apud Itlens.
Huius supradicti doni idem Aliolz fecit confirmacionem apud Friborch, coram Hugone sacerdote de Friborch, Wilelmo Achar, Gerlai de Estavaiel, Lamberto mansionario et aliis quam pluribus. Et pro hoc habuit VIII solidos, quos jussit dare predicto Wilelmo Achar.
Original. N’existe plus.
Copie. Notice du XIIIe s. (Liber, p. 136).
Publié. Gremaud, ASHF, VI, 94, sous No 240. — Analysé dans Hidber sous Nos 2449 et 2500 et dans Gumy, sous No 203, avec deux autres actes.
Dates attribuées. 1189 (Lenzbourg). 1180? (Raedlé). 1178-1182 (Gumy).
Date. Premier alinéa : avant 1173; deuxième alinéa : avant 1182.
Il y a, en effet, ici deux actes : la donation d’Aliolz de Lixa (Lissa, Lixi) faite en présence du doyen Giroldus, c’est-à-dire avant 1173 (Voir Zurich (IV)), dont on a une première analyse (Biblia, fo 1, verso, 1re colonne.) — Publié: Gremaud. ASHF, VI, 7 sous No 17. Analysé: Hidber, sous /253/ No 2449 et Gumy sous No 203); puis la confirmation de cet acte. C’est celle-ci que nous allons étudier.
1. Aliolz de Lixa, paraît dans Gumy Nos 36, 37 et 252. Les actes Nos 36 et 37 sont antérieurs au 13 avril 1143, puisque confirmés à cette date par Eugène III; le No 252 est antérieur à 1182, puisque Hugo sacerdos de Fribor n’y est pas encore qualifié de doyen.
2. Hugo, sacerdos de Fribor. J’étudie ce personnage à l’Annexe III, mais je puis déjà dire que le 6 juin 1182 il est doyen (Gumy No 247). Par conséquent l’acte étudié est antérieur à cette date.
3. Wilelmus Achar. Je parlerai à l’Annexe II, No6 de ce personnage dont la présence ne permet pas de dater le document.
4. Gerlais de Estavaiel (Voir Annexe II, No 2). Sa présence ne donne pas d’indications utiles.
5. Lambertus mansionarius est indiscutablement le personnage que nous étudions.
De ce qui précède on peut dire que la confirmation est antérieure à 1182.
No 4.
Enguicius de Cormenbou dedit in elemosina, pro anima sua parentumque suorum, sancte Marie Alteripe quatuor posas terre allodii sui a Corgivolt, sine aliqua retencione. Testes Garnerus monachus de Vilar, Pontius de Praroman, Lambertus mansionarius dal Fribor, Guillelmus cementarius de Rossens. Actum retro monasterium Alteripe in manu Guillelmi abbatis, presentibus Conone monacho et Martino converso. Pro supradictis quatuor posis monachi de Vilar commutaverunt fratribus Alteripe alias quatuor posas in territorio de Nuruos.
Original. N’existe plus.
Copie. Ne figure ni dans Liber, ni dans Biblia. Se trouve /254/ dans une copie de 1478, par le commissaire Carmentrant aux Archives de l’Etat de Fribourg, fo 8 verso.
Publié. Gremaud. ASHF, VI, 21 sous No 50. — Analysé dans Hidber sous No 2315 et dans Gumy No 207.
Dates attribuées. 1179 (Lenzbourg et Gumy). 1173-1178 (Raedlé).
Date. Entre 1157 et 1181.
1. Enguicius de Cormenbou ne paraît que dans ce seul document.
2. Garnerus, monachus de Vilar, de même.
3. Pontius de Praroman figure encore dans Gumy No 48, mais la date de ce No 48 ne peut être déterminée. Gumy No 239 mentionne un Pontius de Praroman, clericus, mais il n’est pas certain que ce soit le même personnage et, du reste, la date du No 239 ne peut être déterminée.
4. Guillelmus cementarius de Rossens ne figure que dans ce seul document.
5. L’acte a été passé entre les mains de l’abbé Guillelmus. Il s’agit vraisemblablement de Guillelmus I ou II (Voir Annexe I) c’est-à-dire avant 1181 et apès 1157.
6. Cono, monachus, et Martinus, conversus. On trouve un Cono, moine d’Hauterive dans Gumy Nos 124, 135, 146, 162 et 206. Or, le No 124 est du temps de l’abbé Uldricus, soit entre 1162 et 1172 (Voir Annexe I); le No 135 est de 1173; le No 146 est du temps de l’abbé Guilelmus, soit avant 1181 (Voir Annexe I) et les dates des Nos 162 et 206 ne peuvent être déterminées. Le convers Martinus est cité dans Gumy Nos 123, 146, 162, 174, 224 et 251. Or, les dates des Nos 123, 162, 224 et 251 ne peuvent être déterminées; le No 146 est, comme je viens de le dire, antérieur à 1181 et le No 174 est de 1143 à 1182.
De ce qui précède on peut dire que cet acte est d’entre 1157 et 1181.
No 5.
Petrus filius Rodulfi de Dreitlaris dedit domui a(lte) r(ipe) quicquid habebat in toto territorio de /255/ Portu de Daselei. Laudavit etiam atque donavit quicquid Bucco avus suus et Pereta mater sua dederant domui a(lte) r(ipe) in toto territorio predicti Portus de Daselei. Testes sunt Cono decanus descuvilens, Hugo dal Fribor, Johannes de Martrans, sacerdotes, Hendricus clericus de Marliei, Otto filius Bucconis de Metilun, Lambertus mansionarius dal Fribor.
Original. N’existe plus.
Copie. Notice du XIIIe s. (Liber, 74).
Publié. Gremaud. ASHF, VI, 76 et 77 sous No 196. — Analysé dans Hidber sous No 1992 et dans Gumy sous No 214.
Dates attribuées. 1179 (Lenzbourg et Gumy). 1152-1180 (Raedlé).
Date. Entre 1173 et 1182.
1. Petrus, filius Rodulfi de Dreitlaris, paraît dans Gumy Nos 226, 228 et 239. Il est fils de Rodulfus et de Pereta, petit-fils de Bucco et enfin neveu de Garnerus de Dreitlaris, chevalier. Or, le No 226 se divise en deux parties et la première où figure Petrus de Dreitlaris est évidemment antérieure à la seconde, qui en est la confirmation et dans laquelle paraît Wibertus, sacerdos d’Escuvilens, qui n’a rempli cette charge que vers 1182 (certainement après 1173 et avant janvier 1182. Voir Annexe II, No 1); le No 226 est donc certainement antérieur à 1182. Le No 228 a été passé pendant que ou après que Simon était abbé de Hautcrêt. Or Mülinen I, 188 et Bridel (Conservateur suisse VIII, 65 et 66) citent Simon comme abbé de Hautcrêt en 1180; le Cart. Hautcrêt (MDR, XII, Cart. Hautcrêt, 219 et Cart. Montheron, 305) ne cite pas Simon dans la liste des abbés, mais il y a une lacune entre Magnus, dont la mention est de 1180 et Etienne, dont la première mention est de 1186 et il est possible que Simon ait été abbé dans cet intervalle. La date du No 239 ne peut être déterminée.
Rodulfus, père de Petrus de Dreitlaris, paraît pouvoir être identifié avec le chevalier Rodulfus de Recto Clivo, qui paraît, avec son frère Otto de Recto Clivo, aussi chevalier, dans Gumy No 129, qui date de 1172. /256/
2. Il est fait allusion à la confirmation des donations faites à Hauterive, par Bucco, grand-père de Petrus de Dreitlaris et par Pereta, sa mère. Bien que les noms de ce Bucco et de cette Pereta ne soient pas indiqués ici, il semble bien qu’il s’agisse de la donation et de la confirmation faisant l’objet du No 1 de l’Annexe II, qui sont en effet relatives au Portus de Daselei. Bucco, grand-père de Petrus de Dreitlaris, serait donc Bucco de Vilar et sa mère Pereta serait la fille de ce Bucco de Vilar. Je rappelle que je suis arrivé à conclure que cet acte No 1 de l’Annexe II était antérieur au 21 mars 1143 pour la donation de Bucco et entre 1148 et 1177 pour la confirmation par Pereta.
3. Cono, decanus d’Escuvilens. J’ai traité la question de Cono, sacerdos d’Escuvilens au No 1 de l’Annexe II et j’ai déterminé que Cono était sacerdos d’Escuvilens probablement après le 21 mars 1143, mais certainement avant 1158, qu’il l’était encore en 1173, mais ne l’était plus en 1182, où le desservant d’Ecuvillens s’appelait Guibertus. Le fait que Cono est ici qualifié de doyen montre que l’acte est postérieur à 1173 et antérieur à 1182. (Voir à ce sujet : Zurich (IV).)
4. Hugo, sacerdos dal Fribor. J’étudie ce personnage à l’Annexe III, mais je puis déjà dire que le 6 juin 1182 il est doyen (Gumy No 247). Par conséquent l’acte est antérieur à cette date, puisque Hugo n’est que sacerdos.
5. Johannes de Martrans, sacerdos. Il paraît dans Gumy Nos 137 et 251. Or, la partie du No 137 où il figure est du temps du doyen Cono de Saidors, c’est-à-dire postérieure à 1173 et antérieure à 1182 (Zurich (IV)). La partie du No 251, où il est cité est antérieure à 1182. Les curés de Matran paraissent s’être succédé dans l’ordre suivant : Uldricus vers 1140, puis Borcardus jusqu’en 1173 au moins, ensuite Johannes, entre 1173 au plus tôt et 1182, Enguicius le 6 juin 1182 puis Hugo entre 1182 et 1224.
6. Hendricus, clericus de Marliei. J’ai déjà parlé de ce personnage (Annexe II, No 1) et dit qu’il avait probablement existé entre 1148, au plus tôt, et 1177, date à laquelle il est remplacé par Petrus, qui a eu comme prédécesseur Joslenus. /257/
7. Otto, filius Bucconis de Metilun (Mettlen). Ce personnage ne paraît que dans ce seul document.
En résumé, on peut dire que cet acte est certainement postérieur à 1173 et antérieur à 1182.
No 6.
Rainerius de Martrans et Cono filius eius recognoverunt olim se donasse et iterum donaverunt sine omni retencione quicquid habebant in toto territorio de Daselei et in toto alveo aque de Glana et eciam in ipsa aqua de Glana. Testes sunt Hugo decanus dal Fribor, Cono de Murat, Borcardus de Barbereschi sacerdotes, Guilelmus cognomento Achars, Vivianus de Murat et Rodulfus et Nantelmus fratres eius, Cono de Surges, Conrar denglisper, Guilelmus ditlens, Lambertus mansionarius dal Fribor.
Original. N’existe plus.
Copie. Notice du XIIIe siècle (Liber, 126).
Publié. Gremaud. ASHF, VI, 87 sous No 218. — Analysé dans Gumy sous No 218.
Dates attribuées. 1179 (Lenzbourg). 1179 à 1182 (Gumy).
Date. Après 1182.
On remarquera que cet acte n’est que la confirmation d’une donation reproduite dans Liber, 126 et 128, publiée par Gremaud. ASHF. VI, 77, 78, 88 et 89 sous Nos 220 et 222, analysée dans Hidber sous Nos 2303 et 2305 et dans Gumy sous Nos 224 et 251, où l’on voit figurer Cono, decanus de Saidors, qui n’est revêtu de cette qualité qu’après 1173 et avant 1182 (Zurich (IV)) et Johannes, sacerdos de Martrans, qui a vécu à la même époque (Annexe II, No 5). La donation ayant été faite entre 1173 et 1182, la confirmation de donation, c’est-à-dire l’acte étudié, ne peut donc être antérieure à 1173. /258/
1. Rainerius de Martrans, déjà étudié dans Annexe II. No 1. Sa présence n’apporte aucune précision.
2. Cono, fils de Rainerius de Martrans. Il paraît dans Gumy Nos 122, 218, 224, 251 et 332. Le No 122, dans lequel on voit qu’il était chevalier, date du temps où Uldricus était abbé d’Hauterive, soit avant 1172 (Voir Annexe I.) Le No 251 est postérieur à 1182 (Voir Annexe III No 5) et le No 332 est du temps où Jean était abbé d’Hauterive, soit au plus tôt en 1201 et avant 1229 (Voir Annexe I) et Cono y paraît avec ses quatre fils. Cono vivait donc avant 1172 et encore en 1201.
3. Hugo, decanus dal Fribor, étudié à l’Annexe III, est cité comme doyen, pour la première fois, le 6 juin 1182.
4. Cono de Murat, prêtre, ne paraît que dans ce seul document.
5. Borcardus de Barbereschi, prêtre, paraît dans Gumy Nos 78, 134 et 293. Le No 78 est du temps de l’abbé Richardus, c’est-à-dire après 1157 et avant 1162 (Voir Annexe I). Le No 134 a été passé en présence de Guilelmus, abbé d’Hauterive, et de Guilelmus, abbé d’Auberive. On peut hésiter si l’abbé d’Hauterive auquel se rapporte cet acte est Guilelmus I ou II, mais Guilelmus d’Auberive est mort avant 1180 (Gallia christ. IV, 833). La date du No 293 ne peut être déterminée.
6. Guilelmus Achars paraît dans Gumy Nos 121, 122, 203, 247, 255 et 324. Les Nos 121 et 122, qui le qualifient chevalier, sont du temps de l’abbé d’Hauterive Uldricus, soit entre 1162 et 1172. La partie du No 203 où figure Guilelmus Achars est antérieure à 1182, puisque Hugo dal Fribor n’est encore appelé que prêtre et non doyen (Voir Annexe III). Le No 247 est du 6 juin 1182. Le No 255 est du temps de l’abbé d’Hauterive Guilelmus, ce qui laisserait planer un certain doute, mais aussi du temps de Roger, évêque de Lausanne, c’est-à-dire après 1177. Le No 324 est du temps de l’abbé Jean, soit postérieur à 1201.
7. Vivianus de Murat figure encore dans Gumy No 251, qui est postérieur à 1173 (Voir Annexe III, No 5). Il est probable qu’on doit l’identifier avec Vivianus, maior de Murat, qui paraît dans Gumy No 78, du temps de l’abbé /259/ Richardus, soit après 1157 et avant 1162 (Voir Annexe I).
8. Rodulfus de Murat, frère du précédent, paraît encore dans Gumy No 355, qui est de 1220.
9. Nantelmus de Murat, frère des précédents, ne figure que dans ce document.
10. Cono de Surges figure encore dans Gumy No 255, du temps de Roger, évêque de Lausanne, soit après 1177 et avant 1212.
11. Conrar denglisper (d’Englisberg) paraît dans Gumy No 122, du temps de l’abbé Uldricus, soit entre 1162 et 1172. Il est probablement le père de Conrad d’Englisberg, avoyer de Fribourg en 1229 (Gumy No 387), 1236 (No 418) et 1240 (No 427).
12. Guilelmus ditlens (d’Illens), figure dans Gumy Nos 225, 246 et 319. Le No 225 est du temps de l’abbé Guilelmus, ce qui ne permet pas de préciser. Le No 246 est de janvier 1182 et la date du No 319 ne peut être déterminée exactement.
En résumé, en raison de la présence de Hugo, decanus dal Fribor, cet acte paraît ne pas être antérieur à 1182.
No 7.
Willelmus sacerdos de Nuareia et Guilelmus Aremberti filius cognatus eius dederunt ecclesie Alteripe super altare tres posas allodii sui que jacent in territorio de Lovens. Testes sunt Guibertus clericus de Nuarlez, Guibertus filius Hugonis de Nuruos, Petrus filius Uldrici de Chivriles.
Laudavit hoc donum Robertus frater Guilelmi. Testes sunt Guilelmus sacerdos de Nuareia, Borcardus de Planfeiun, Lambertus mansionarius dal Fribor.
Laudavit hoc donum Hugo frater eorum. Testes sunt Cono sacerdos de Saidors, Guibertus clericus de Nuarlez, Arembertus filius Guilelmi et Petrus filius /260/ Pagani de Pratellis. Et pro hoc dono habuerunt unum bovem novem solidorum et sex solidos.
Original. N’existe plus.
Copie. Notice du XIIIe siècle (Liber, 56).
Publié. Gremaud. ASHF, VI, 65 sous No 170. — Analysé dans Hidber sous Nos 2444 et 1445 et dans Gumy sous No 292.
Dates attribuées. 1199 (Lenzbourg). 1180 ? (Raedlé). 1199 (Gumy).
Date. Avant 1173.
On remarquera qu’il y a là trois actes, soit une donation et deux confirmations. Il semble logique d’admettre qu’ils sont rapportés dans l’ordre chronologique. Le second, qui nous intéresse seul, en raison de la présence de Lambertus, mansionarius dal Fribor, paraît donc être antérieur au troisième. Or, ce dernier a été fait en présence de Cono, sacerdos de Saidors, nommé doyen en 1173 ou peu après (Zurich (IV)). Le fait qu’il n’est appelé, ici, que sacerdos montre que ce troisième acte est antérieur à 1173 et le second acte, qui est plus ancien, est donc aussi antérieur à cette date. C’est là tout ce qu’on peut dire et la présence des témoins n’apporte aucune indication supplémentaire, car ils ne paraissent que dans des documents dont la date précise ne peut être fixée.
ANNEXE III
Actes relatifs à Hugo, sacerdos dal Fribor, puis decanus de Fribor.
Il résulte de leur étude que Hugo fut curé de Fribourg avant 1169 et qu’il était certainement doyen le 6 juin 1182.
No 1 A.
Aliolz de Lixi dedit sine aliqua retencione quicquid habebat in Portu de Daselei in elemosina et pro /261/ precio octo solidorum. Testes sunt Hugo sacerdos dal Fribor, Hendricus advocatus Ducenstorf, Guilelmus Achardus, Rodulfus de Barbereschi, Rainerius de Martrans, Petrus et Petrus monachi. Actum al Fribor.
No 1 B.
Alioz de Lixi dedit sine omni retencione quicquid habebat in Portu de Daselei in elemosina et pro precio octo solidorum. Testes sunt Hugo sacerdos de Fribor et Henricus de Uuicenstorf et Guilelmus Achardus, Rodulfus de Barbereschi et Rainerius de Martrans. Actum apud Fribor presente Petro et Petro monachis.
Original. N’existe plus.
Copies. Notice du XIIIe s. (Liber, p. 45 et 80).
Publié. Gremaud. ASHF. VI, 58 sous les Nos 153 et 205. — Analysé dans Hidber sous le No 2450, et dans Gumy, sous No 203 en combinaison avec deux autres actes et sous No 252.
Dates attribuées. 1182 (Lenzbourg). 1180 ? 1189 ? (Raedlé). 1178 à 1182; 1182 (Gumy).
Date. Avant le 6 juin 1182.
Cette donation a été confirmée dans l’acte étudié à l’Annexe II No 3.
A propos de la présente donation, on doit faire les remarques suivantes :
1. Hugo, sacerdos dal Fribor. On sait que la charte du 6 juin 1182 (Haut. III No 3. Publiée dans RDF, I, 4 et analysée dans Gumy sous No 247) fait mention de Hugo, sacerdos et decanus de Friburch. Tous les documents qui ne l’appellent que sacerdos sont donc antérieurs à cette date. J’ai dit, de plus, qu’il était déjà curé de Fribourg avant 1169 (Première partie, chap. I); qu’il ne paraît avoir été nommé doyen que peu avant 1182 et qu’il avait succédé au doyen Cono (Zurich IV).
2. Hendricus, advocatus Ducenstorf, ou Henricus de /262/ Uuicenstorf, ne paraît que dans ces deux documents du Liber. On admettait, en général, que ce personnage, qu’on appelle souvent « de Ducenstorf », représentait le premier avoyer de Fribourg. Bien que le texte ne soit pas absolument clair et ne dise pas expressément qu’il était avoyer de Fribourg, je veux bien admettre que cette version est plausible. Hendricus ne serait cependant que le second avoyer de Fribourg, le premier étant un certain personnage désigné par l’initiale T, avant 1169 (Première partie, chap. I). Dans la donation faite à Rüggisberg, le 6 octobre 1175 (Fontes I, 454), après l’énumération d’un certain nombre de témoins, on lit « et de familia ducis marescalcus Gotefridus de Stofen et dapifer Garnerus de Rinvelden, Hugo de Igistorf, de Burtorf Albertus de Porta, Anselmus Juvenis et illi de Uzansdorf Henricus et filii eius Henricus et Conradus… » et les mots de familia ducis paraissent être en corrélation avec les mots et illi de Uzansdorf. Il semble, d’autre part, légitime d’identifier Hendricus, advocatus Ducenstorf, avec Henricus de Uzansdorf (père ou fils) de l’acte du 6 octobre 1175. Dans ce cas, le second avoyer de Fribourg aurait été un des ministériaux de Berthold IV de Zaehringen, ce qui paraît assez plausible (Heyck (I), 557), mais le fait qu’il n’est pas indiqué comme avoyer de Fribourg dans l’acte du 6 octobre 1175, me porte à croire qu’il n’accéda à cette charge qu’après 1175.
3. Guilelmus Achardus est le même personnage que celui dont j’ai déjà parlé sous le nom de Guilelmus Achars et qui vivait avant 1164 (Annexe II No 6). On trouve également un Guilelmus Achardus, vivant encore après 1201 (Gumy Nos 324, 375, 379, 387, 420, 426), mais il n’est pas certain que ce soit le même.
4. Rodulfus de Barbereschi figure dans Gumy Nos 61, 95, 174, 224, 253 et 287. La date de l’acte No 61 ne peut être déterminée. Le No 95, étudié spécialement (Première partie, chapitre I) est de 1162 et le No 174 est vraisemblablement de la même époque, mais certainement antérieur à 1182; le No 224 a, comme témoin, Cono, decanus de Saidors et est donc postérieur à 1173 et antérieur à 1182 (Zurich (IV)); le No 253 est d’une date impossible à déterminer /263/ et enfin le No 287 est du temps de l’abbé Guilelmus, ce qui laisse planer un doute puisqu’on ne sait pas s’il s’agit de Guilelmus I, II ou III.
5. Rainerius de Martrans, dont la présence n’apporte aucun renseignement, a été étudié précédemment (Annexe II, No 1).
6. La présence des moines Pierre et Pierre ne nous apprend rien, pas plus que l’objet de la donation.
On peut donc dire seulement que le document est antérieur au 6 juin 1182.
No 2.
Hugo dal Fribor, sacerdos, paraît comme témoin dans Gumy No 214 que j’ai étudié en détail (Annexe II No 5), en concluant qu’il était postérieur à 1173 et antérieur à 1182.
No 3.
Hugo, decanus dal Fribor, paraît comme témoin dans Gumy No 218 que j’ai étudié en détail (Annexe II No 6) en concluant qu’il était d’environ 1182.
No 4.
H. sacerdos, est cité comme l’un des destinataires de la missive adressée, par Berthold IV de Zaehringen, à Fribourg. Ce document, analysé dans Gumy No 221 a été étudié en détail (Première partie, chap. I) et je suis arrivé à la conclusion qu’il était antérieur à 1169.
No 5.
Rainerius de Martrans et Aliez uxor eius et filie eius dederunt sine omni retencione quicquid habebant in toto territorio de Dasalei et in tota aqua de Glana (at)que in alveo eiusdem aque. Testes sunt Johannes /264/ sacerdos et Bertholomeus de Martrans, Petrus de Paterniaco gener Rainerii.
Laudavit hoc donum apud Murat Cono filius eius et uxor eius. Testes sunt abbas de Marsens et abbas de Fontana Andree, Cono sacerdos et Vivianus de Murat, Bertoldus de Crissie et Raimundus de Murat.
Laudavit eciam hoc donum Rodulfus clericus, qui ideo habuit unum psalterium. Testes sunt Hugo decanus dal Fribor, Martinus conversus.
Original. N’existe plus.
Copie. Notice du XIIIe s. (Liber, 128).
Publié. Gremaud, ASHF, VI, 88 et 89 sous No 222. — Analysé dans Hidber sous No 2305 et dans Gumy sous No 251.
Dates attribuées. 1182 (Lenzbourg). 1173 à 1200 (Raedlé). 1182 (Gumy).
Date. Environ 1182.
On remarquera qu’il y a ici trois actes, soit une donation et deux confirmations, dont la dernière seule nous intéresse. Il est probable que ces actes sont rangés dans l’ordre chronologique. Or, dans le premier, on voit figurer, Johannes, sacerdos de Martrans, dont j’ai déjà parlé (Annexe II, No 5) et dit qu’il ne paraissait qu’en 1173 et n’existait plus en 1182. On peut donc dire que la donation est postérieure à 1173 et, conséquemment, que les confirmations sont aussi postérieures à 1173.
Le troisième acte a pour témoin Hugo, decanus dal Fribor, qui paraît pour la première fois avec ce titre, le 6 juin 1182 et paraît n’avoir obtenu cette charge que peu auparavant. Il est donc probable que le document est d’environ 1182.
No 6.
Anselmus de Martrans recognovit se donasse quicquid habebat in toto territorio de Daselei. Testes sunt /265/ Magnus abbas Dalcrest, Hugo sacerdos dal Fribor, Baldraz de Vilar etion.
Original. N’existe plus.
Copie. Notice du XIIIe s. (Liber, 152).
Inédit.
Date. Avant le 6 juin 1182.
On possède deux actes relatant des donations d’Anselmus de Martrans, pour des biens sis au Daselei. Ils sont analysés dans Gumy sous Nos 147 et 263; le No 147 est du temps de l’abbé Guilelmus, ce qui laisse planer un doute puisqu’on ne sait pas de quel Guilelmus il s’agit; le No 263 a comme témoin Enguicius, sacerdos de Martrans, dont j’ai déjà dit (Annexe II, No 5) qu’il ne paraît avoir occupé ce poste que vers 1182 et qu’il l’occupait encore le 6 juin 1182.
L’acte ci-dessus paraît être une confirmation des Nos 147 et 263 de Gumy.
1. Anselmus de Martrans ne paraît que dans ces documents et dans Gumy No 157, où il est dit chevalier et où il figure avec Cono de Saidors, sacerdos, ce qui montre que le No 157 est antérieur à 1173, date à partir de laquelle Cono est doyen (Zurich (IV)). Anselmus de Martrans avait un fils Cono, qui est cité dans Gumy Nos 139 et 181.
2. Magnus, abbas d’Alcrest. Sa présence n’apporte aucune précision, car il semble y avoir eu trois abbés de Hautcrêt, qui ont porté ce prénom au XIIe siècle. (MDR, XII, Cart. Hautcrêt, 219 et 261 et Montheron, 305.)
3. Hugo, sacerdos dal Fribor. Le fait qu’il n’est pas encore appelé doyen, montre que l’acte est certainement antérieur au 3 juin 1182.
4. Baldraz de Vilar etion. Ce personnage ne figure que dans ce seul document. Je dois, à ce propos, remercier M. le Dr Schnürer, professeur à l’Université de Fribourg, qui a bien voulu charger un de ses correspondants de Berlin de vérifier, sur l’original, l’orthographe du prénom de ce personnage, la copie photographique de la Bibliothèque de Fribourg présentant une défectuosité, à cet endroit du texte. /266/
No 7.
Hugo sacerdos de Friborc figure comme témoin d’une donation faite à Hautcrêt, entre les mains de l’abbé Magnus, par Henricus de Voia filius domni Baldrati. Les autres témoins sont : Huldricus sacerdos de Tabernis, Huldricus de Montemacon, Conradus et Rodolfus de Vilar-vuinio et Henricus frater eius, Borcardus de Vilar-remilun et frater eius Cono, Silbonus de Gumilenges, Varnerus de Balmis et Borchardus de Vilar-foichier.
Original. N’existe plus.
Copie. ACV. Cartulaire de Hautcrêt, fos 46 et 47, datant de la première moitié du XIIIe siècle. (Description dans MDR, XII, Cart. Hautcrêt, p. VII et VIII.)
Publication. MDR, XII, Cart. Hautcrêt, 195 sous No 78. — Analysé dans Diesbach. ASHF, X, 17.
Dates attribuées. 1162. (Abraham Ruchat, dans un mss. de la Bibliothèque de Lausanne, Tome I, feuillet portant le chiffre 33 verso — il est à noter que les feuillets ne sont pas reliés en ordre — dit : « Environ l’an 1162, Hugues prêtre de Fribourg fut témoin d’une donation faite à Magnon abbé ».) — 1162. (Etrennes 1807, p. 91 disent : « Fribourg en 1162 n’était qu’une petite paroisse … » et cette indication paraît basée sur l’indication de Ruchat). — 1162 (Girard, 102, note, cite « l’acte de 1162 dans Ruchat Tome V ». Je n’ai pu retrouver à quoi se rapportait cette indication de source). — 1162 (Müller I, 367 note 105 dit : « Une charte de 1162 (Ruchat Tome V ???) nomme un curé de Fribourg seize ans avant la fondation de la ville »). — Milieu du XIIe siècle (MDR, XII, Cart. Hautcrêt, 195). — Vers 1150 à 1180 (Diesbach, ASHF, X, 17. Il ajoute en note : « Vu la présence de Hugo, cet acte serait plus à sa place entre 1178 à 1189).
Date. Avant 6 juin 1182. /267/
Ni le donateur, ni les témoins autres que Hugo ne paraissent dans un autre document; leur présence n’apporte donc aucun élément pour la détermination de la date. Huldricus de Montemacon, paraît cependant pouvoir être identifié avec le personnage X, donné comme l’auteur des Maggenberg, dans Büchi (II), 120.
J’ai également fait remarquer, déjà (Annexe III, No 6) que la présence de Magnus, abbé de Hautcrêt, ne donnait aucune précision pour la date du document.
Par contre le fait que Hugo n’est dit que sacerdos alors qu’on sait qu’il était doyen, au moins le 6 juin 1182, montre que cet acte est antérieur à cette date.
ANNEXE IV
Actes relatifs à Enguicius dal Fribor ou de Friborch. Il résulte de leur étude que ce personnage vivait vers 1182.
No 1.
Uldricus de Chandon dedit ecclesie Alteripe in manu Petri monachi quicquid habebat vel calumpniabatur in tota terra que jacet inter silvam. Testes Raimundus de Coriolens, Rodulfus filius Morestin de Cortane, Enguicius dal Fribour, Petrus et Guilencus monachi et Rodulfus conversus de Marlie.
Original. N’existe plus.
Copie. Copie de 1478 par le Commissaire Carmentrant aux AEF, fo 8 verso. On ne trouve aucune mention de cet acte, ni dans le Liber, ni dans la Biblia; la copie de Carmentrant a donc été faite sur un document que nous ne possédons plus.
Publié. Gremaud. ASHF, VI, 20 sous No 48. — Analysé dans Hidber sous No 2452 et dans Gumy sous No 164. /268/
Dates attribuées. 1176 (Lenzbourg et Gumy). 1180 ? (Raedlé).
Date. Vers 1182.
1. Uldricus de Chandon ne paraît que dans cet acte.
2. Raimundus de Coriolens figure encore dans Gumy No 176, dans la seconde partie de l’acte. Or, cette seconde partie est postérieure à la première où l’on trouve Cono sacerdos d’Ecuvillens (Annexe II, No 1 et Zurich (IV)), qui occupait ce poste, au moins depuis 1158 et devint doyen en 1173 ou peu après.
3. Rodulfus, filius Morestin de Cortane, paraît encore dans Gumy No 146, passé en présence de l’abbé Guilelmus, soit avant 1182, qu’il s’agisse de Guilelmus I ou II.
4. Rodulfus, conversus de Marlie, figure encore dans Gumy No 231, passé entre les mains de l’abbé Guilelmus, soit avant 1182.
5. Les indications relatives aux moines ne sont d’aucun secours.
En résumé, aucune indication précise ne permet de dater ce document. Le fait que les personnages cités ont vécu à l’époque de Cono, sacerdos d’Escuvilens, et de l’abbé Guilelmus me porte à admettre qu’il est d’environ 1182.
No 2.
Uldricus de Martrans laudante Petro filio suo remisit in manu Hugonis abbatis omnes calumpnias et querimonias quas faciebat ecclesie Alteripe pro Dasaleyo. Testes sunt Vibertus de Nuyruos, Enguicius et Galterus de Friborch, Vibertus de Sales, Johannes Gruzdavena, Cono celerarius, Giroldus conversus de Sancto Martino.
Original. N’existe plus.
Copie. Notice du XIIIe siècle (Liber, 96 et 97).
Publié. Gremaud. ASHF, VI, 111 sous No 277. — Analysé dans Hidber sous No 2482 et dans Gumy No 244. /269/
Dates attribuées. 1181 (Lenzbourg et Gumy). 1182 à 1190 (Raedlé).
Date. Vers 1182 et avant 1196.
A part Enguicius de Friborch, aucun des autres personnages cités n’apparaît dans un autre document; leur présence n’apporte donc aucun élément pour la détermination de la date du document.
L’acte a été passé entre les mains de l’abbé Hugo. On peut se demander s’il s’agit de Hugo I qui, d’après le premier catalogue des abbés et le nécrologe, aurait été abbé entre Astrolabius et Uldricus, c’est-à-dire entre 1162 et 1172 ou de Hugo II, successeur de Guilelmus II et prédécesseur de Guilelmus III, qu’on trouve pour la première fois comme abbé les 11 et 12 janvier 1182 (Gumy No 246) et qui n’était plus abbé le 30 août 1196 (Gumy No 284).
Je suis porté à croire qu’il s’agit plutôt de Hugo II et on peut donc en conclure que le document est d’environ 1182 et certainement antérieur au 30 août 1196.
ANNEXE V
Actes relatifs à Gerlais dal Fribor.
Il résulte de leur étude que ce personnage à vécu vers 1182.
No 1.
Rainerius de Martrans et Aliez uxor eius dederunt sine aliqua retencione quicquid juris habebant aut calumpniabantur in toto territorio de Daselei et in toto alveo et in tota aqua de Glana. Testes sunt Cono decanus de Saidors, Humbertus canonicus de Ponte, Rodulfus de Barbereschi, Julianus Johannes monachi et Martinus conversus Alteripe.
Laudaverunt hoc donum Cono et Rodulfus clericus /270/ filii eorum, qui Rodulfus pro inde habuit psalterium unum. Testes sunt Guilencus et Hendricus monachi a(lte) r(ipe), Cono miles de Montmacun, Anselmus miles de Valeis, Gerlais dal Fribor. Et pro hoc dono habuerunt precium XIII librarum.
Original. N’existe plus.
Copie. Notice du XIIIe s. (Liber, 127).
Publié. Gremaud. ASHF, VI, 88 sous No 220. — Analysé dans Hidber sous No 2303 et dans Gumy sous No 224.
Dates attribuées. 1180 (Lenzbourg et Gumy). 1173 à 1200 (Raedlé).
Date. Vers 1182.
On remarquera qu’il y a là deux actes : une donation et une confirmation et on se rappellera qu’on possède encore une autre confirmation, déjà étudiée (Annexe III, No 5), qui est d’environ 1182.
La donation a eu pour témoin Cono, decanus de Saidors, (Zurich (IV)), qui ne paraît avoir occupé la charge de doyen qu’en 1173 ou immédiatement après 1173 et ne l’occupait plus le 6 juin 1182. Le chanoine Humbert de Pont est cité comme tel, pour la première fois, en 1180 (Matile I, 32 et Reymond (I), 415). La donation est donc d’entre 1173 et 1182.
En ce qui concerne la confirmation, elle est certainement postérieure à la donation. On y trouve :
1. Guilencus, moine d’Hauterive, qui figure aussi dans Gumy No 164, déjà étudié (Annexe IV, No 1). dont la date est d’environ 1182.
2. Hendricus, moine d’Hauterive, qui figure aussi dans Gumy No 135, qui est de 1173.
3. Cono, miles de Montmacun, paraît dans Gumy Nos 239, 247 et 255. Le No 239 est d’une date impossible à déterminer; le No 247 est du 6 juin 1182. Le No 255 a été passé en présence de l’abbé Guilelmus; s’agit-il de Guilelmus I, II, ou III ? Je penche en faveur de Guilelmus III, ce qui donnerait à l’acte une date entre 1182 et 1196, parce qu’on voit aussi figurer dans cet acte le doyen Raimundus /271/ (Zurich (IV)), qui ne devint doyen qu’après 1182, le chanoine Petrus de Eschanens, qui n’apparaît qu’en 1182 (Reymond (I), 319 et MDR, VII, 13) et le chapelain Stephanus de Orba, qui n’est pas encore chanoine, ce qui prouverait que l’acte est cependant antérieur à 1193, date à laquelle il est revêtu de cette qualité (Reymond (I), 402).
4. Anselmus, miles de Valeis, ne paraît que dans cet acte.
De ce qui précède et de la date donnée à l’autre confirmation (Annexe III, No 5), il me paraît résulter qu’on doit donner à cet acte la date d’environ 1182.
No 2.
Dans la charte du 12 janvier 1182 (Haut. A No 2. — Mémorial IV, 98. — Gumy No 246), on voit paraître comme témoin un Johannes, filius Gerladi et je pense que ce Gerladus peut être identifié avec Gerlais dal Fribor.
ANNEXE VI
Actes se rapportant à Fribor. (Voir aussi Annexes I No 3 et III No 1.)
No 1.
Petrus filius Alberici de Tornie fit pas e fin de vinea de Corsie et de omni calumnia quam habebat domui Alteripe. Fecit autem hanc pacem sex solidorum precio et dimidii modii avene. Actum in curia grangie de Unens presentibus monachis videlicet Conone, Guilelmo et Uldrico converso de Marlie, Petro milite daltinie, Uldrico filio Rispaldi, Joranno de Rupe et Johanne de Vilar Rembolt cognato eiusdem Petri de Tornie. Qui Johannes de Viler Rembolt cum predicto Jorano de Rupe eodem die facte pacis ipsum /272/ dimidium modii avene dal Fribor attulit ad grangiam de Unens.
Original. N’existe plus.
Copie. Notice du XIIIe s. (Liber, 18 et 19).
Publié. Gremaud. ASHF, VI, 35 sous No 88. — Analysé dans Hidber sous No 2801 et dans Gumy sous No 302.
Dates attribuées. 1175 (Lenzbourg). 1200 ? (Raedlé et Gumy).
Date. Fin du XIIe ou début du XIIIe siècle.
1. Cono, moine d’Hauterive, paraît dans Gumy Nos 124, 135, 146, 206, 207 et 402. J’ai déjà parlé de ce personnage (Annexe II No 4) et montré qu’il figure dans des actes entre 1163 et 1182.
2. Petrus, miles d’Altinie, paraît dans Gumy Nos 117, 152, 381 et 398. Le No 117 est du temps où Martinus était abbé de Marsens, soit entre 1168 et 1180 (Gallia christ. XV, col. 407). Le No 152 est d’une date impossible à déterminer. Le No 381 est de 1228 et le No 398 de décembre 1230.
3. Jorannus de Rupe figure dans Gumy Nos 324, 333 et 348. Le No 324 est du temps où Johannes était abbé d’Hauterive, c’est-à-dire entre 1201 et 1230; la date du No 333 ne peut être déterminée et le No 348 est de 1219.
4. Les autres personnages cités ne figurent que dans cet unique document.
Il résulte de ce qui précède que la date de l’acte ne peut être déterminée d’une façon précise, mais qu’il semble bien qu’il soit de la fin du XIIe ou du début du XIIIe siècle.
No 2.
R. de Montaniaco fecit pais et fin domui Alteripe in manu Guilelmi abbatis de omnibus que calumniabatur domui Alteripe, hoc est de Buschillia de Unens et de terra descuvilens que fuit Uldrici de Cortiun, quam terram predictus Uldricus posuit in vadio Cononi de Rossens. Dedit eciam pasturam per totam /273/ terram suam in presencia donni R. Lausannensis episcopi in ecclesia coram altare de Fribor. Testes sunt Petrus canonicus de Eschannens de Lausanna, Raimundus, Enguicius canonici et decani de Lausanna et magister Ricardus, Humbertus de Ponte canonicus, Stephanus de Orba capellanus, Wilelmus clericus filius Rodulfi Essarra, Albertus de Ruocasper, Wilelmus Achardus, Cono de Surgues, C. de Porta, Albertus de Duens, Alez de Chenens, R. de Martrans, Cono miles de Monmacon, Petrus m. de Corminbo, Petrus minister de Montaniaco.
Original. N’existe plus.
Copie. Notice du XIIIe s. (Liber, 98 et 99).
Publié. Gremaud. ASHF, VI, 112 sous No 279. — Analysé dans Hidber sous No 2639, dans Büchi (I), p. 122 et dans Gumy sous No 255.
Dates attribuées. 1182 (Lenzbourg). 1182 à 1211 (Gumy). 1190 à 1200 (Raedlé).
Date. Entre 1178 et 1193.
1. Guilelmus, abbé d’Hauterive. On peut se demander s’il s’agit de Guilelmus II ou III.
2. R. Evêque de Lausanne. Il s’agit de Roger de Vico Pisano qui ne devint évêque qu’en 1178 et résigna l’épiscopat le 5 mars 1220 (Reymond (I)).
3. Petrus, canonicus de Eschannens, est cité pour la première fois comme chanoine en 1182 et mourut avant 1211 (Reymond (I), 319).
4. Enguicius, canonicus et decanus, est probablement Enguicius Dapifer, qu’on trouve pour la première fois comme chanoine en 1180, qui était doyen en 1195 et qui mourut avant 1211 (Reymond (I), 310).
5. Raimundus, canonicus et decanus, est vraisemblablement Raymond de Font, qui devint doyen après 1182 et avant 1193 et mourut avant 1203 (Zurich (IV)). /274/
6. Magister Ricardus figure pour la première fois dans un acte postérieur à 1185 (Reymond (I), 429).
7. Humbertus de Pont, canonicus, est cité pour la première fois comme chanoine en 1180 et vivait encore en 1203 (Reymond (I), 415).
8. Stephanus de Orba, capellanus. Il est chanoine en 1193 (Reymond (I), 402), ce qui montre que l’acte étudié est antérieur à 1193, Stephanus de Orba n’étant pas encore dit chanoine.
9. Wilelmus, clericus, filius Rodulfi Essarra, ne paraît dans aucun autre document.
10. Albertus de Ruocasper paraît dans Gumy Nos 156, 210, 253 et 376. Il est chevalier. Le No 156 est d’une date impossible à préciser; le No 210 est du temps de l’abbé Guilelmus et on ne peut dire s’il s’agit là de Guilelmus II ou III; le No 253 est d’une date impossible à préciser et le No 376 est du 9 avril 1228.
11. Wilelmus Achardus a déjà été étudié (Annexe II, No 6 et Annexe III No 1). Il vit dans la seconde moitié du XIIe siècle et est encore vivant en 1201.
12. Cono de Surgues paraît encore dans Gumy No 218, déjà étudié (Annexe III, No 3) et qui est postérieur à 1182.
13. C. de Porta figure encore dans Gumy No 284, qui est du 30 août 1196.
14. Albertus de Duens paraît encore dans Gumy Nos 247 253, 384 et 411. Le No 247 est du 6 juin 1182; le No 253 est d’une date impossible à préciser; le No 384 est de janvier 1229 et le No 411 de mars 1234 (35 ?).
15. Alez de Chenens ne paraît dans aucun autre acte.
16. R. de Martrans. Il n’est pas possible de savoir s’il s’agit ici de Rainerius de Martrans, déjà étudié (Annexe II, No 1) ou de Rainaldus de Martrans ou de Rodulfus de Martrans.
17. Cono, miles de Monmacon, paraît dans Gumy Nos 239, 246 et 247. Le No 239 est d’une date impossible à préciser, le No 246 est du 12 janvier 1182 et le No 247 du 6 juin 1182.
18. Petrus de Corminbo paraît encore dans Gumy No 278 avec l’abbé Guilelmus, qui paraît être Guilelmus III, ce qui donnerait à l’acte une date postérieure à 1188 et cette /275/ indication paraît confirmée par le fait qu’il y a comme témoin Theobaldus, prieur de Payerne, qui occupa cette charge entre 1192 et 1198 (DHV. II, 417) et certainement après 1183 où le prieur s’appelait Jean.
19. Petrus, minister de Montaniaco, paraît dans Gumy Nos 121 et 278. Le No 121 est du temps de l’abbé Uldricus, c’est-à-dire antérieur à 1172 et le No 278 est, comme je viens de le dire, postérieur à 1188.
20. Enfin le donateur R. de Montaniaco est le seigneur Rodolphe de Montagny, qui paraît dans Gumy Nos 121, 129, 182, 249 et 278 et dont le nom est rappelé dans le No 332. Le No 121 est de temps de l’abbé Uldricus, c’est à dire d’avant 1172; le No 129 est de 1172; le No 182 de l’an de l’Incarnation 1177; la partie du No 249, où il figure est une confirmation d’un acte passé en présence de l’abbé Uldricus, qui fut abbé avant 1172 et de Wibertus, sacerdos d’Escuvilens, qui n’occupe ce poste qu’après 1173 (Annexe II No 1); le No 278 enfin, est, comme je l’ai dit ci-dessus, postérieur à 1188.
Il résulte de tout ceci que l’acte étudié est postérieur à 1182 et antérieur à 1193.
No 3.
Martinus de Lovattens dedit ecclesie Alteripe in elemosina pro remedio anime sue, laudantibus ac simul donantibus Matelle coniuge sua et fratre eius Jacobo cum uxore sua Petronilla, tres posas terre culte que simul jacent ad crucem de Nuruos et quicquid Wilencus socer ipsorum habuerat et eis in dote donaverat in Faverel. Hoc donum destinavit idem Martinus ad januam Alteripe, presente coniuge sua et monachis et conversis presentibus plurimis. Laudavit eciam hoc donum Jacobus predictus et uxores amborum Matelle videlicet et Petronilla, apud Friborc in manu Alberti cellerarii et Giroldi monachi, coram conversis /276/ Petro Pellificis et Johanne de Nuruos fratre predictarum sororum. Testes sunt Wibertus de Nuruos monachus, Cono capellanus descuvilens, Salvains sororius eorum et duo filii eius Rodolfus et Nantelmus, Amedeus de Lintinie et alii quam plures.
Original. N’existe plus.
Copie. Notice du XIIIe s. (Liber, 145).
Publié. Gremaud. ASHF, VI, 99 sous No 248. — Analysé dans Hidber sous No 2787 et dans Gumy sous No 316.
Dates attribuées. 1200 à 1229 (Raedlé et Gumy).
Date. Début du XIIIe siècle.
1. Albertus, cellerarius, paraît dans Gumy Nos 336, 338, 339, 343, 348, 356 et 358. Le No 336 est d’une date impossible à préciser; le No 338 est de 1215; le No 339 de mars 1215 (16 ?); le No 343 de 1217; le No 348 de 1219; le No 356 est d’une date impossible à préciser et le No 358 est de 1221.
2. Petrus Pellificis, conversus, paraît dans Gumy Nos 289, 298 et 324. Le No 289 est du temps de l’abbé Guilelmus, qui parait être Guilelmus III, c’est-à-dire entre 1188 et 1201; le No 298 est d’une date impossible à préciser et le No 324 est du temps de l’abbé Jean, c’est à dire entre 1201 et 1230.
3. Cono, capellanus d’Escuvilens, qu’il ne faut pas confondre avec Cono, sacerdos d’Escuvilens (Annexe II Nol), paraît avoir vécu vers 1200 (Gumy No 295, note 1) et figure dans Gumy No 334, qui est de 1214.
4. Amedeus de Lintinie figure dans Gumy Nos 256, 283, 332, 335, 358 et 376. Le No 256 est d’une date impossible à préciser; le No 283 est du temps de l’abbé Guilelmus, qui paraît être Guilelmus III, c’est-à-dire entre 1188 et 1201; les Nos 332 et 335 sont du temps de l’abbé Jean, soit entre 1201 et 1230; le No 358 est de 1221 et le No 376 du 9 avril 1228.
5. Les autres personnages ne figurent que dans ce seul document.
Il n’est donc pas possible de préciser la date de cet acte, mais il semble bien qu’il est du début du XIIIe siècle. /277/
ANNEXE VII
FRAGMENTS INÉDITS DE LA CHRONIQUE RUDELLA
No 1 1.
Bertholdus 4. diss namens, härzog zu Zäringen, regierer in Burgundt, grave zu Rhinvelden und rychsvogt zu Zürich, vogt der dryen bistumben Sitten, Losanna und Genff, hat die statt Fryburg in Uochtlandt, im selben bistumb Losanna angefangen und gestift im jar, von Christi gebürt gezelt, 1179 an sinem schloss und bürg, so er schon domaln an dem ortt hatt, da unserer tagen daz nüw rathus in wesen, und hernach im 1505 jar gebuwen worden. Diesers schloss was allenthalben mit grossen gräben und tiefinen umbgeben, alls gegen der Sane und dem ort, da jetz die nüwe stadt ist. Gegen dem ort, da dizer zitt die schöne linden bim spittal stat, was ein überuss von natur tiefer graben, welcher von Grabenzall haruf (da jetz die Nüwe gassen ist) bis widerumb under daz schloss reichet. Stund also hoch und vast ledig; dan eben an dem ort, da die statt daran gestifft, und angefangen ward. Daselbs was es mit einem hochen thurn, gräben und falbrucken versechen. Und obwohl disers schloss volgender zit zum theil verfallen und abgebrochen, hüser daselbs uffgebuwen, die by unserer vätern /278/ ziten ouch verfallen, und hernach daz nüw rathus daselbs gebuwen, so beleib doch ganz stan der thurn oder thor 1, so am schloss gegen dem platz, da die stat gestift worden, stund. Derselb allein überbleib, in eeren behalten und der herschaft ouch der Burger thurn und hernach, als die statt Fryburg in der fürsten von Österich handen stund, den Osterrycher thurn genempt und erst 1463 als daselbst witlöufiger erlütert ist, abgebrochen und die lassen oder Rychegassen, da unserer zit der alt vischmerkt gehalten würt, erwytert.
An disem schloss ist die statt angefangen bis uf dem Stalden und von dannen bis zu dem ecken, da die grosse behusung, so etlicher adel inhielte, diser zit der Pfistern geselschafthus, und dannen wyter obsich bis zu dem starken eckhus, so ouch vom adel als von den Rychen, darnach denen von Wiblispurg, edelknechten, diser zit von den Falcken, bewonet, wyter hinuf bis widerumb zuo dem schloss. Begreif diser anfang allein die hüser, so innerthalb solchem bezirk vergriffen und noch diser zit die bürg dannethar genempt würt. Diewyl dise angefangne statt von irer natürlichen höhe und schier allenthalben darunder umbloufender Sana, selbs vest und sonderlichen zuo denen ziten stark was, diewyl man noch kein geschützt brachte, bedorft sy keiner ringmuren; dan sy ouch von gemelten eckhus der Rychen bis zum schloss hinuf mit einem gar wyten und von natur tiefen graben (so von Grabenzall bis under das schloss herumb reichet) verwart was. Uber denselben graben /279/ waren zwo brugken gemacht 1 von dem domaln starken hus, so etlicher adel inhielt, hernach aber an die von Chenens und die Rychen, volgends an andere geschlechter und zuletzt an der Krämern geselschaft kommen, die ir gmein geselschaft zunft oder stuben daselbs hand. Dise ward die Steinebruck ouch der Capellen bruck, von unser Frouwenkilchen wegen, so glich daselbs vor der statt stund genempt, ist noch von vilen so unserer zit lebend, mit gemachten rinnen 2 zuo beden siten gsehen und gebrucht und, obwol by unsern tagen derselb alt stattgraben ze vollem verfült, geebnet, besetzt und deshalb diselbe bruck abgeschlissen, so ist doch dem ort dannenhär stäts der nam, die Steinebruck beliben. An diesem ort gieng man von der statt durch das eng gässli, so noch jetz an der Kremern gselschafthus ist, über dieselbe steinenbruck zuo unser Frowenkilchen; dann sonst in der statt noch keine was. Die andere bruck stund, da jetz die schöne linden by dem Spittal ist, und ist noch lange zit gestanden und des kleinen Paradyses bruck geheissen. (Volgender zit hat man ein muren an diser brücken by dem Spittal enzwerch desselben gar tiefen graben hoch ufgefürt, an welcher muren etliche gmein louben und heimliche gemach gegem graben gemacht, wie ouch der hüsern daselbs heimlich gemach alle uf disen graben gericht warend. Wie man aber hernach disen graben ze verfüllen anfieng, wurdend die selben muren an beden /280/ brücken dem grund eben abgeschlissen, nach und nach herd darin gefürt. Diser muren und pfiler der beden brücken findet man noch daselbs im herd gar gut 1). Als diser alt stattgraben, wie obgemelt, by unsern tagen usgefült, verebnet, besetzt und schöne hüser daselbs ufgebuwen, hat diser graben sinen alten namen verloren und sidhar die Nüwe gassen genempt worden.
Innerthalb von erlutertem bezirck und anfang der statt so noch yetz die Burg genempt, hand die inwoner und andere, so von wegen der Stiftung und friheit H. Berchtoldi IV. von Zäringen, darkommen, ire hüser gebuwen 2 lut der Ordnung, so hierumb des platzes oder hofstatt halb, so einem yeden burger darzuo erlaupt, angesehen was, und heiter inhaltet wievil einem yeden burger in die länge und wyte zuo einer hofstatt vergönt, ab wellicheren er ime selbs ein Schilling oder 12 Pfennig Losner werung järlichen zins von der Herschaft wegen vorbehielt.
No 2 3.
Der gestifften statt oder bürg, hatt er irer gelegenheit nach von wegen, das sy also fry uff einer höhe, schier allenthalben mit der Sana, und ein wenig mit dem vor erlüterten graben (yetz die Nüwe gassen) umbgeben, gelegen, den namen Fryburg geben, daruss alzit benommen würt das die erste Stiftung nitt mer dann die bürg inhielt, wie sie noch diser zit genempt und das paner der bürg vergriff. /281/
No 3 1.
… 2 ort, unverr dadannen ouch ein grosse und domaln veste behusung etlichen edellüten, darnach den graven von Tierstein, die ein schöne herligkeit in diser alten landschaft hattend, gehörig, nachvolgender zit aber zuo der Pfistern gselschaft huss gerathen. So was das hievor gemelt eckhus (yetz der Falcken) ouch ein starke behusung, zu bewarung desselben orts gebuwen und alzit vom adel bewonet. Darzuo ouch ein starke behusung und bewarung gsin, da yetz der Kramern gselschafthus stat und ouch, als man vil findet, vom adel bewonet, als an einem usgang und pass der statt, dann domaln ein steinine bruck daselbs von der statt hinus über den vorerlüterten stattgraben gieng, (Man findet noch 1375 das man an derselben bruck gebuwen und erbessert hat 3.) welche bruck noch by unsern ziten gsehen aber verdeckt und der graben verfült und geäbnet worden, doch dem ort alzit der nam uff der Steinin brugk (noch diser zit) bliben. (So gieng über denselben graben noch ein bruck von der statt, an dem end da yetz die linden stat, als man hievor in briefen findet und noch by unserer vätern ziten gsehen und verebnet worden ist 4). Es hat ouch die statt gegen den selben stattgraben kein ringkmuren, als solliches ganz klarlich verstanden würt, us dem das die hüser domaln uf denselben reichtend, /282/ als man das noch unserer zit vor und nachdem der graben usgefült und besetzt sig gsehen, und by dem das dozemaln ouch die sprachhüser und heimlichen gemäch uf denselben reichtend, wie man gsicht, verstanden würt. Es warend ouch dozemaln Unser Frowen kilchen und 1 der gross Spittal vor der statt, desglichen das Johannitter hus uff der matten so (under der graven von Kyburg bherschung) durch herrn Rudolff von Hackemberg, Ritter, 1222 gestift, under Fryburg gelegen, genempt ward, wie es die briefen so noch by handen heiter usswysend, uss wellichen allen wir heiter findend dass innerhalb obbemelten gezirk die erste Stiftung und anfang geschechen und die statt gar von der Sana und vorbemelten stattgraben bewart und unbgeben was. Ist ouch sollichem bezirk biss uff disen tag der nam die Burg beliben, ist aber bald hernach gewitert, als man an sinem ort angezäugt würt.
Innerthalb dem vor erluterten bezirk und anfang der statt, yetz die Burg genempt, hand die inwoner und andere, so von der Stiftung und friheit Berchtoldi IV. wegen darkhommen, ire hüser gebuwen, doch gar schmal und eng (vorbehalten der adel wie schon hievor angezäugt), und von wegen das der begriff zimlich klein und aber bass bewonet wurde, ward die Ordnung gemacht der lenge und wyte so ein burger zuo einer hofstatt haben solt, die warlich gar klein und kurz was 2, als mans noch diser zit woll gesicht, und stiff /283/ gehalten ist, biss das nachwertz die statt erwitert, da ward ein platzes gnug. Man findt an keinem ort der statt so vil der kleinen hüsern als uff der bürg, werdend doch fürthin vast geendert in zwei 1, dry, viere oder fünfe zesamen geschlagen und allein eins darfür gebuwen.
No 4 2.
Es hatt sich die statt nach vorgeschribner Stiftung angends gemuret und deshalb der noturft nach die hüser, so vor der statt warend mit thoren inbegriffen, als unverr vom schloss, an dem ort so hernach (wie ouch diser zit) am Alten Brunnen genempt, wie dasselbige noch yetz daselbs ganz gesehen würt, dan domaln wan daselbs uff der syten zur statt uss und infaren musse, und was der Kurzweg, die Stägen genempt, noch nit gemacht, sonders was daselbs ein gächer und 3 unwägsamer rein. Derhalben mit disen thorn diss ort recht verwartet was.
Die hüser, so ouch usserhalb der statt vor dem Spittal gebuwen warend, und vom selben den namen die Spittalgassen bekommen hattend, wardend ouch mit einem statthor verwaret, an dem ort derselben Spittalgassen, so yetz die Losan gassen heisset, da die zwei gässline, nämlichen das ober von Belsee oder dem Stöckle an die gassen herab, das ander von derselben gassen zum kleinen Paradiss reichet, welches thores began noch vil lüt, so yetz lebend, von einem /284/ huss zuo dem andern über die gassen reichende, gesechen.
No 5 1.
1408. — Das schindhuss an der Metzgerngassen gegen Grabenzall was zu eng, desshalb etlich hüser daran gelegen erkauft, und ward also in zweyen jaren, erwitert und gebuwen zuo allen siten wie es yetz noch ist.
No 6 A. 2
1419. — (Hievor was das Rat oder gerichthus hinder S. Niclausen an der Metzgerngassen, zwüschen beden siten der hüsern, fry und ledig in mitten der gassen gemacht, doch nitt hoch uffgefürt sonders schier ze ebnem fuoss) 3.
Ward das gross Rathus hinder S. Niclausen kilchen an der Metzgerngassen ze buwen angefangen under J. von Perroman, seckelmeister. Und find, das schon vorhin das wag- oder kouffhus daselbs im undern teil war und der obere teil das Rathus wäre. Und von nöten zuo bessern und meren, nimm ich us dem, das man dazwüschen, als man buwte, in Peter Cuderffins seligen erben huse, yetz die herberg zur Kronen, unverr vom selben Richthuse, gericht und rat hielte. Welches Richthus zuo diser zit zu klein, diewil sich die statt gemeeret, deshalb unden für erwytert und oben vil höher und herlich ufgefürt.
(So find ich, als mans wollen buwen, man etlichen /285/ burgern daselbs etliche stück und plätz ingenommen. Und warde der thurn, so bisshär der Burgethurn, des biss dahin gar oft und vil meldung geschicht, abgebrochen; der stunde ungevarlich da yetz der nüw Steinin Brunnen an der Metzgergassen bim selben hus gemacht) 1.
Unverr von disem Rathuse ligt im ertrich verborgen ein schön pfulment in die runde von gutten quaderstucken gar schon und gutt gemacht, als ob ein kleiner thurn vorziten da gestanden sig, hierumb man doch niender kein meldung findet. Disers pfulment ward gefunden by unsern ziten, als man grübe, den Steininen Brunnen by disem Rathus, an der Metzgerngassen gmacht, das fundament zuo setzen, und ward also ein teil desselben pfulments und brunnen daruff gesetzt 2, (und zum teil uff dem schönen pfulment desselben abgebrochnen thurns stat, welches pfulment man gar schön und von yteln grossen quadersteinen in die runde gemacht, gefunden hatt, als man denselben brunnen setzen wolt; und ist diss Richthuse in dryen jaren allerdingen usgemacht.)
No 6 B. 3
1419. — Das Rat- oder Richthus, hinder S. Niclausen kilchen an der Metzgerngassen, ward abgebrochen /286/ und anderst zuo buwen angefangen under Jacoben von Perroman, seckelmeistern. Und diewyl man es buwet, da hielt man rat und gericht in Petern Cudriffins seligen erben huss (yetz die herberg zur Kronen), so unverr vom selben Rathuss was.
Unverr von disem Rathuss, an der Metzgerngassen, ligt im erdrich verborgen ein schön pfulment von grossen quaderstucken 1 schön gemacht und in die rund gericht, als ob vor zitten ein runder thurn daruff gestanden sig, und ward diss pfulment gefunden 2, … als man grabet das pfulment zum steininen brunnen hindern selben Rathuss an der Metzgerngassen, zuo setzen, und ward ouch ein teil desselben brunnens uff denselben pfulment gesetzt.
No 7 3.
1419. — Ist eins hus am kleinen Paradiss in der statt Friburg verkouft worden, enent der bruck (welche was an den platz da jetz die linden stat und domaln über den grossen, alten stattgraben gieng, der hernach verfült und geebnet ist).
No 8 4.
1422. — Das huss nebend dem Rathuss hinden S. Niclausen ward von nüwen uffzebuwen angefangen. Diesers huss fiel hernach anno 5 … als du am 6 … /287/ blat findest, wider in und ward widerumb uffgebuwen schön wie es diser zit ist.
No 9 A. 1
1426. — Der brunnen an dem vechmerkt ward vom gelbem hertem gstein gemacht, welches man von Nüwenburg brachte.
No 9 B. 2
1426. — Der brunnen am vechmerkt ist von gelben herten gestein so man von Nüwenburg bracht, gar schön gemacht.
No 10 A. 3
1429. — Ein phür gieng uff by der Burgethurn, thät woll schaden.
No 10 B. 4
1429. — Ein phür gieng uff zuo Friburg by dem Burger thurn oder der herschaft thurn (do hievor der vischmerkt ob der Langen- oder Richengassen gehalten würt), das thät woll schaden. Von diesem thurn besieh hievor, bim anfang der stiftung der statt, un ouch hernach. /288/
No 11 1.
1434 2. — Das hüpsch huss nebend dem Rathuss hinder S. Niclausen kilchen, darinen der Rathusweibel sitzen solt, ward gemacht also das man von einem in das ander durch einen gang wandlete, der oben über die gassen uff einen bogen gemacht was. Dieses huss ist hernach ingefallen und widerumb uff eins nüwes uffgefürt.
No 12 A. 3.
1463. — Das schloss oder die burg in diser statt was woll abgangen oder zum teil verfallen und etliche hüser daselbs erbuwen. Allein ein grosser thurn und thor was überbliben, der noch biss zuo diser zit stund an dem ort, yetz vor dem Vischmerkt; derselb vorziten mitt sinem graben und falbrucken das schloss und die statt von einander scheidete, ward altzit genempt der Burgethurn ouch der Herschaft- oder der Oesterricherthurn. (Es sind ouch mitt der zit hüser zenechst daran gebuwen; dann im 1400 jar hatt ein burger ze Friburg sin burgrecht gesezt uff sin hus an der Langen gassen (yetz Richegassen), da der merkt gehalten ward, im winkel an der Burgethor, zwüschen Nicolet Cordeys hus am ein, und die alten stattmuren am andern teil, etc…. So versichert ein anderer 1400 sin burgrecht uff sin hus, gelegen neben der Burgethor, und reiche dasselbig sin hus hinden bis uff den alten stattgraben, /289/ hinder dem Spittal, etc…) 1. Als nun derselb an disem ganz bruchlichem ort mer irrete dann nutzes brächte, ward derselb von kommlicheit und wyterung wegen desselben orts in disem jar abgeschliffen, der graben verfült, die gassen geebnet. (Doch so gespüret man noch an Ramus eckhus, so unserer zit der Guglenberg ist, uberrest und anzöuger des bogens und thores 2). Und ward yedem hus daselbs umbher, dem es hievor irret, ein summ gelts von semlicher kommlicheit wegen uffgeleit, das nun dieselben biderben lüt gar gern bezaltend, als die Perroteten von ires huses wegen, so sy domaln eben an dem end hattend, das yetz durch die Messello nüw erbuwen und besessen, die Ramuz von ires eckhuses, so yetz die Guglemberg, die Taverney von irer hüsern wegen, so sy noch anhand, Ludwig von Schoenenfels von sines huses wegen, so diser zit Wilhelm Kromenstoll 3, burger ze Friburg, besitzt, und andere mer da umb. Us dem tuft und steinen desselben thurns machete man die zwo muren an dem rein, daruff vor ziten das schloss zum teil stund gegen dem ort, als man in die nüwe statt den Kurtzen weg oder die Stägen hinab gat. Und machte man also zwen hüpsch plätz, nämlichen den oberen, yetz vor dem nüwen Rathus, uff welchem S. Gorgbrunnen stat, den anderen grad under disem gemelten platz. Witer machte man us disem thurn die grosse zwerchmur zwüschen dem eckhus, so etwan deren von Wibelspurg, /290/ edelknechten, yetz der Falcken, burgern zuo Friburg, bewonung ist, und dem hus, zum Wyssen Krütz genempt, gegen dem wüsten und tieffen graben gegen Grabenzall, den tieffen alten stattgraben von der Steinenbruck hinabwertz zuo verfüllen und ebnen, deshalb H. Wilhelm von Wibelspurg, so domaln dasselbig eckhus, yetz der Falken, Jacob Arsent und die geselschaft zun Kremern, so die hüser demselben graben nach biss zur Steininbruck besassend, von verfullung solliches grabens wegen, ouch ein anzal gelts, glich wie die andern von des thurns wegen gethan, gegeben.
Und 1 als nun diser graben verfüllet, do ward die mur, so umb Unser Frowen kilchoff gieng, ouch geschelissen und damit der ganz platz gewitert und geebnet zum [ersten] under Richarden Lochard und darnach under Peterman Pavilliart seckelmeistern. Und wirt an vorgemelten muren, so von disem Burgethurn gemacht, der tuft noch woll von einem alten gebuw erkant; dann die stück gar klein sind, denen so unserer ziten gemacht wurdend gar unglich.
No 12 B. 2
1463. — Der grosse thurn und thor, so noch von schloss gegen der statt stund wo die Richegassen anfachet, ward abgebrohen, die gräben verebnet und mit den steinen die hohe mur gegen Grabenzal zwüschen den Wüssen Krüz und deren von Wiblispurg /291/ edelknechten, jetz der Falken, huss genampset den alten stattgraben zu Verfällen mögen.
No 13 A. 1
1470. — Die linden vorm Spittal ward gesetzt und versehen welche hernach gar schön worden, und erst by unser zit 1560, gar gestümlet und ernüwert, wor 2 also schöner dann hievor darab worden.
No 13 B. 3
1470. — Die linden vorm Spittal ob den alten stattgraben ward gesetzt und versehen, die hernach gar schön worden, und by unsern ziten, 1560, gestumelet, schöner dann vor usgeschossen und ernüwert.
No 14 A. 4
1505. — Hatt man das nüw Rathuss uffgebuwen an dem ort, da vorziten, zuo der zit der Stiftung diser statt, das schloss gestanden und doch sidhar abgangen und sonst hüser daselbs erbuwen warend, und hatt man das alt Rathuss, so hinder S. Niclausen an der Metzgerngassen gelegen, zuo einen züghuss und nachmaln, wie vast zuo diser zit, zuo einem saltzhuss ze bruchen angefangen. /292/
No 14 B. 1
1505. — An dem ort, da vorziten das schloss stund und sidherr selbs abgangen, ist daz nüw Rathus zu buwen angefangen.
No 14 C. 2
1505. — An dem ort, da vorziten zu der Stiftung diser statt das schloss stund, welches doch abgangen, und etliche hüser an desselben statt erbuwen, die by unserer vättern ziten zerfallen, ist diser zit das nüw Rathuss ze buwen angefangen, und als es volgender zit usgemacht, da hatt man das alt Rathuss hinder S. Niclausen kilchen an der Metzgerngassen verlassen, und zu anderen dingen als zum statt saltz und etlichen kriegsrüstungen gebrucht.
No 14 D. 3
1505. — Estans quelques maisons tombées au lieu ou la maison des anciens fondateurs a esté, y fust 1505 bâtie la nouvelle maison de ville et l’ancienne appliquée pour reserver le sell et quelques armes.
No 15 A. 4
1524. — Uf dem platz vor dem nüwen Rathus (ward gesübert, mit muren erhept, umbfasset und geebnet 5), ward S. Jörgenbrunn, hievor von schwarzem marmelstein, /293/ von Aellen gebracht, gemacht und S. Jörgen abgebrochen (?) mit dem trackenbildnus daruf gesetzt wie er noch diser zit stat.
No 15 B. 1
1524. — Uff dem platz vor dem nüwen Rathuss ward der schön S. Jörgenbrunnen von schwartzenburg 2 marmelstein den man von Aellen gebracht, gemacht.
No 16 A. 3
1531. — Umb dise zit hatt man den ersten alten stattgraben von dem bim anfang der statt Fryburg geschriben stat, usgefüllt, geebnet, besetzt, hüpsche hüser an statt der alten hülzinen hüsern von schönen quadersteinen uffgefürt und also die Nüwe gassen genempt.
No 16 B. 4
1531. — Umb dise zit ungevarlich hatt man den ersten alten stattgraben, von dem bim anfang der statt Friburg hievor witere meldung geschicht, verfüllt, geebnet und besetzt und hiemitt die Steinebruck, so by den Kramern über denselben stattgraben zuo Unser Frowenkilchen gienge, verloren; an deren usgefülten graben aber sind hernach hüpsche nüwe steinin hüser, anstatt der alten hülzinen, gebuwen, und damit die Nüwe gassen genempt worden. /294/
No 16 C. 1
1531. — Umb diser zit, vor und nach, hatt man angefangen den alten stattgraben, so zwüschen der Burg und dem Grossen Spital von wellichem hievor bim anfang der statt wytter geschriben, ze füllen, ebnen und hernach ze besetzen; es ward auch die Steinebruck so von der bürg über disen stattgraben hinüber zu Unser Frowenkilchen vor Fryburg reichet, der grossen eben, abgeschlissen; doch ist der steinin bogen und gwelb im herd bliben. Volgender zit hatt man nach und nach die alten hüsline, deren der hinderten louben und heimliche gemäch uff disen graben reichtend, abgebrochen und darfür schöne hüser uffgebuwen, dardurch diser alt stattgraben sinen namen verloren und die Nüwe gassen unserer zit genempt.
No 16 D. 2
1531. — L’ancien fossé ou est la rue neufve maintenant des marchands, remply et y bâties belles maisons.
No 17 A. 3
Anno 1538 ongevarlich ist das alt huss, so am alten Rathuss an der Metzgerngassen und zum selben Rathuss gehört, von welchem man über einen steininen bogen oder louben in das selbig Rathuss gieng, unversehenlichen ingefallen und ein schwangere frow darin /295/ bliben, welche nach etlichen tagen under den steinen und holz fürher gezogen, die noch nitt tot, sonders allein die bein und schenkel und etlich glider mer zerschmettert hat, erbärmlich zuo saechen, starb in etlichen nachgenden tagen. Mit disem fiel auch noch eins huss in, was oben daran gelegen und machte den ecken am Schelmengässlin. Sind bede glich darnach widerumb uffgebuwen.
No 17 B. 1
1538. — Das huss, so vorziten am alten Rathuss an der Metzgerngassen gebuwen, darin der weibel sass, und vom selben über einen bogen, der über die gassen reichet, in dasselb Rathuss gan mocht, ist unversehenlichen ingefallen, und darzu noch eins, so zwüschen dem Schelmengässlin und disem ingefalnen huss was, niderzogen, also dass von disen beden hüsern nüt dan die muren uffrecht blibend. Und obglich woll solliches tags geschach, so bleib doch niemands darunter dan ein schwangere frow, deren die bein, schenkel und etlich glider zerschmetert, das haupt aber und der buch von etlichen tremeln geschirmet, daselbst sy morndest, als man ernstig rumpt, also lebendig und erbärmlich fand, und starb erst am 6. tag darnach. Dise zwei hüsser zwüschen dem alten Rathuss und dem Schelmengessli sind durch die herschaft schön widerumb uffgebuwen.
No 17 C. 2
1536. — Vers la ruelle des Larrons quelques maisons tombèrent qu’écraserent des gens à Friburg. /296/
No 18 1.
1547. — Der gäch und eng wäg am Stalden, als man ab der Burg in die Ouw will, by deren von Engelsburg huss, ward erwittert, und damit man denselben, wie es die noturft vast erforderte, erwittern möchte, hatt die statt die alte mur an demselben Engelsburgern huss, dem Stalden nach abgebrochen, einen gutten teil desselben huss ussgeschlagen, und damit die strass erwittert. Darnach hatt die statt die schöne mur, so yetz da ist, darfür uffgefürt welche die oberkeit zu ersatzung des ussgeschlagnen platzes halb bezalt. Darnach ist dis huss an die Tächtermanen erkauft; vor sollicher erwitterung was die strass daselbs gar eng.
No 19 A. 2
1564. — Die steinine kenel, den bach vom wier uf Belse herab durch das gässlin zuo der Murten Gassen ze füren, wurdend angefangen und die hülzinen, so darvor da warend, abweggethan. Disers hert gestein ward auch von der Molliere, wie anders mer hievor, härgebracht.
No 19 B. 3
1564. — Die hülzinen känel, durch welche man den bach uss dem wier von Belsay herab an die Murtengassen leitet, wurdend hinweg gethan, und darfür steinine daselbs gemacht, so auch von La Molliere gebracht. /297/
No 20 1.
1566. — Der Vischmerkt, so bisshar zwüschen nüwen Rathuss und der Richengassen anfang vom nüwem Rathuss gegen Stalden ze gan, ze rechten gehalten was eben an dem ort, da sich dieselbe gassen in zwo, als die Richengassen, und gegen S. Niclausen kilchen die andere abtheilend, ward diser zit verrückt und an die Nüwe Gassen dem Spitalhuss nach by der Linden geordnet und gehalten.
No 21 2.
1567. — Die känel vor den Grossen Spittal, und über den alten stattgraben, yetz die Nüwe Gassen, by der Linden, wurdend von herten gestein, so auch wievil mer hievor von La Molliere gebracht, gemacht, den stattbach, die Rychegassen und wytter die statt hinab ze wysen, under Antoni Krommenstoll seckelmeistern, darzuo auch an derselben Nüwen Gassen dem Grossen Spittal nach, die nüwen fischtrög gemacht, der meinung fürhin den Vischmerkt daselbs zu haben.