LES HOTELS-DE-VILLE
DE LAUSANNE
PAR MAXIME REYMOND
Voir la Table de matières
/231/
I
L’Hôtel-de-Ville 1.
Dans toutes les villes ayant une autonomie communale étendue, l’Hôtel-de-Ville est le cœur de la vie municipale, et son beffroi est le centre de ralliement des bourgeois. Lausanne ne jouit que fort tard de ce privilège. La justice y était rendue au nom de l’évêque. Ce prélat ou son représentant présidait la cour séculière où se décidaient tous les règlements administratifs de la ville et de son ressort. Il y avait bien à la vérité deux communautés régulièrement organisées dès le XIVe siècle, l’une pour la Cité, l’autre pour la ville inférieure, mais les compétences de l’une et de l’autre étaient fort restreintes. C’est en vain qu’à la fin du XIIIe siècle, les bourgeois avaient tenté de s’émanciper de la domination épiscopale. Girard /232/ du Marché paya de l’exil l’honneur d’avoir été en 1282 le premier syndic de Lausanne, et le sceau communal fut brisé 1.
Dans le courant du XIVe siècle cependant, les manifestations se multiplient qui accusent la marche des Lausannois vers l’autonomie. Mais il faudra attendre le siècle suivant pour voir se dresser au Pont d’abord, puis à la Palud, une maison de ville. Quant au beffroi, ce fut peut-être la dernière chose dont les Lausannois se soucièrent. Leurs conseillers se réunissaient d’abord chez les Cordeliers ou chez les Dominicains, puis presque exclusivement chez ces derniers, à l’appel de la cloche du couvent et de celui du crieur public. Même lorsqu’un Hôtel-de-Ville eut été construit à la Palud au milieu du XVe siècle, la cloche du Conseil (mentionnée dès 1405) demeura au couvent de la Madeleine. Le salaire du religieux chargé d’en avoir soin était payé par la ville entière, à raison de 10 florins pour la Cité et de 40 pour la ville inférieure. Après la Réforme, le couvent des Dominicains fut désaffecté, mais les Lausannois n’eurent pas l’idée de placer la cloche de la ville sur la maison de la Palud. Peut-être aussi que les Bernois ne le permirent pas. Elle fut installée à la Cathédrale et ce n’est que depuis le XVIe siècle que la maison de ville a son beffroi.
Il convient de noter ici un rapprochement qui s’impose. A Genève, la maison de ville fut édifiée dans la première moitié du XVe siècle au Vieux-Mazel 2 , /233/ à l’endroit même où le vidomne rendait la justice au nom de l’évêque. A Lausanne, à la même époque, c’est au mazel du Pont que le mayor rend en plein air la justice au nom de l’évêque, et c’est là qu’en 1436 la communauté construit la première maison de ville. Cet édifice ayant été presque tout de suite jugé insuffisant, c’est au marché de la Palud, où le sautier rend de même la justice épiscopale, que s’élève dès 1454 le nouvel Hôtel-de-Ville. L’évêque rendait justice à ses bourgeois au cœur de la ville marchande. C’est là aussi que les bourgeois veulent avoir leur centre de réunion.
II
La maison du Plaid général.
Mais on invoque la maison du Plaid général. Le Plaid général était la réunion annuelle des clercs, des nobles et des bourgeois de Lausanne qui, sous la présidence d’un avoué de l’évêque, prenait, jusqu’au XIVe siècle, les grandes décisions intéressant la communauté. Nous savons que cette assemblée ne se réunissait pas sur la place publique, mais dans une maison particulière où l’on conservait les étalons des poids et mesures de la ville 1.
Cette maison nous est connue. Elle occupait la partie /234/ méridionale des magasins de confections Bonnard, au bas de la rue de Bourg. Elle appartenait, dans la première moitié du XIVe siècle, à un bourgeois fort considéré, Jean Mastin, le même qui avait été en 1327 en conflit avec la communauté de la Palud au sujet de la possession d’étals de bouchers; son père Pierre Mastin était en 1282 au premier rang des bourgeois en différend avec l’évêque.
De Jean Mastin, la maison du Plaid général passa, après divers intermédiaires, à François de Russin, seigneur d’Allaman, qui, le 4 mars 1443, la donna au Chapitre en gage d’un emprunt de 180 livres 1. La maison, grevée par le fait d’un cens annuel de 9 livres, fut plus tard propriété de son petit-fils Louis de Russin, seigneur de Bottens, puis du fils de ce dernier, François, /235/ qui, fort endetté, dut la céder avec la coseigneurie de Bottens à Jean Panchaud de Poliez-le-Grand 1.
Les Russin n’habitaient pas cette maison. Ils la louaient comme hôtellerie. C’était l’auberge de l’Ange. Nous connaissons quelques-uns des hôteliers, Jaques Chassot en 1486-90, Pierre Paschod en 1500, Jean du Croux enfin qui, vers 1543-46, devint propriétaire même de la maison, par acquis des hoirs de Jean Panchaud 2 , à charge de payer, comme ayant-droit de François de Russin, la rente de 9 livres à Leurs Excellences de Berne, cause-ayant du Chapitre. Jean dou Croux, mort en 1572, eut comme successeur Antoine Gex, puis Jean Baptiste Haviotte en 1589, puis en 1608 le beau-fils de ce dernier, François-Bernard Reye, lequel vendit son immeuble vers 1620 à n. Henri de Praroman 3.
En 1635, le fils de ce dernier, n. Sébastien de Praroman, seigneur de Corcelles-le-Jorat, déclarait posséder la maison de n. Louis de Russin, qu’il avait transformée en maison bourgeoise. Il la légua en 1651 à sa veuve, qui la transmit l’année suivante à son second mari, n. Paul de Chandieu, seigneur de Villars. Des Chandieu, elle passa à la famille de Crousaz, et de là à la famille Bonnard qui l’a transformée.
Nous avons vu plus haut qu’en 1486 la maison du Plaid général était l’auberge de l’Ange. Il est probable qu’elle servait depuis longtemps déjà d’hôtellerie. Mais, jusque dans la seconde moitié du XVe siècle, les comptes de la ville mentionnent les tenanciers des auberges sans /236/ indiquer l’enseigne. C’est pourquoi nous ne pouvons pas indiquer quels furent les prédécesseurs de Jaques Chassot. L’aubergiste Henri Morel chez qui le Conseil de ville examina en 1383 les comptes des prieurs était-il l’un d’eux ? Ou bien était-ce Amédée Maumarcel, chez qui les notables allèrent boire le dimanche des Bordes 1381 après avoir élu les prieurs ? Nous ne savons.
Ce qui est certain, c’est que si les conseils de Lausanne faisaient, — les comptes en témoignent surabondamment, — de fréquentes stations dans les auberges, celle de l’Ange, pas plus que les autres, n’appartenait à la ville. Avant d’être grevée par François de Russin d’une hypothèque en faveur du Chapitre, la maison du Plaid général était franche de cens. Son propriétaire ne devait que l’hommage à l’évêque. Il ne devait rien à la ville. Si, jusqu’à la construction de la maison de ville de la Palud, il conservait les étalons des poids et mesures, c’était une gracieuseté que légitimait sans doute quelque tradition historique 1. La ville n’avait aucun droit sur la maison.
La maison du Plaid général n’est donc pas la première maison communale de Lausanne. Il faudrait plutôt chercher celle-ci au couvent des Frères Prêcheurs, où le Conseil se réunit pendant plusieurs générations, et où furent conservées les archives de la ville, même après la construction de la maison de la Palud, jusqu’à la fin du XVe siècle. /237/
III
Les premières halles.
Les premiers établissements publics de Lausanne furent les halles. Ce sont certainement des halles primitives que nous montrent des documents de 1327 et de 1329 parlant des meses ou des bancs de bouchers de la Palud et du Pont. L’existence de halles couvertes est attestée par les comptes communaux de la fin du XIVe siècle 1. On refit en 1386 toute la logiam de la Palud, en 1388 on en reprit le mur, et de 1397 à 1401 on pava la place tout autour de la fontaine neuve et de cette loge, que l’on appellera plus tard la petite ale. Les mêmes comptes de 1397 marquent la dépense de 40 sols payée au maçon Uldriset pour « faire l’ale du Pont sous la grande roche au gré de l’ordonnance du Conseil, » et en 1406 on employa 3000 encelles ou tavillons pour recouvrir la loge du Pont.
Il y avait encore l’halle de Pépinet. En 1403, le maçon Jean Bauz y fit 5 toises (45 mètres) de mur, et il lui fut payé 60 sols. La ville dépensa 78 sols pour les pierres, 45 sols 6 deniers pour la chaux, 46 sols pour le sable et 26 sols pour un cent de membrons. Cette halle de Pépinet est un peu mystérieuse. Nous n’en trouvons plus ensuite d’autre mention qu’en 1414, où l’on acheta trois milliers et demi de tuiles, à raison de 24 sols le mille, pour les mettre en la halle au froment de la Palud et /238/ in cameris de Pippinet. Sans que nous puissions l’affirmer, nous croyons que cette halle de Pépinet est la domus ville rière Saint-Jean que mentionnent les comptes de 1430, et qui apparaît déjà comme maison de la communauté en 1412. En 1433, la ville l’acensa à Jean Escarriat, mais la reprit avant 1440 pour en faire une maison d’école. Après la Réforme, l’école fut supprimée. La ville logea dans cette maison son maître maçon, son maître d’œuvre ou bourreau, y déposa des matériaux de construction, y mit une fonderie, enfin en 1575 la transforma en grenier et cellier, en l’agrandissant. C’est aujourd’hui la maison de la pharmacie Odot, place Pépinet, dont les sous-sols en voûtes, avec colonnes à chapiteaux, sont d’architecture gothique.
La halle de Pépinet n’eut qu’une courte existence. Il en fut autrement des halles du Pont et de la Palud. Les médiocres édifices que nous venons de voir vont faire place à de plus importants bâtiments.
IV
L’ordonnance de 1405.
Le 2 novembre 1405, à la suite d’un grand incendie du quartier du Pont à Lausanne, la Grande cour séculière, qui avait remplacé le Plaid général tombé en désuétude, prit sous la présidence de l’évêque Guillaume de Menthonay diverses ordonnances. En voici une :
« Considérant que les places de la Palud et du Pont lesquelles on a accoutumé de tenir les marchés sont si fort penchantes qu’à peine y peut-on reposer les denrées /239/ qu’on y amène les jours de marché, » l’évêque et la Cour séculière ordonnent l’achat des maisons et chesaux ruinés par l’incendie et chargent des délégués de prendre les décisions qui conviendront le mieux à cet effet.
Ces notables prirent les décisions que voici, et que l’évêque approuva le 21 décembre 1 :
1o Que les chesaux depuis la maison des Adellin jusqu’à la maison de Peronet Pollie avec les places au derrière jusqu’au Flon soient achetés à un prix convenable pour la construction d’une halle.
2o Que les chesaux depuis la maison de Rosset du Pont jusqu’à la maison de Mermier Patriaud soient achetés comme dessus pour faire une halle à vendre fromages, oignons, ails, rafforts, poires, pommes, châtaignes, raves et autres fruits.
La première de ces halles est la magna ala Paludis, l’autre celle du Pont.
Suit un règlement sur les produits qui seront exposés et la manière dont on les vendra. Les étrangers et les cordonniers doivent vendre exclusivement à la Palud, et c’est là aussi que l’on doit offrir les bois, les cloux, et, nous le savons d’autre part, jusqu’à la pierre et à la chaux. Il doit y avoir à la Palud un poids où on pèsera toutes les denrées qui se vendent au poids, sauf celles que l’on pèse à l’auberge du Mouton, qui est du fief de l’évêque, et qui peut conserver son poids.
Le règlement ordonne en outre la construction d’un mazel ou boucherie au Pont. La Communauté, pour se procurer de l’argent, vendra les pâquiers communs, ainsi que les passages des maisons donnant sur le chemin /240/ public, soit allioux, du puits de la Palud et du puits des degrés du Marché. Le réglement fixe enfin les redevances à payer à la ville pour les marchandises exposées aux halles.
L’ordonnance fut immédiatement exécutée. Nous savons qu’en 1405 et 1406, la Communauté tira 350 livres de la vente des pâquiers de Vidy, 119 livres des pâquiers des Fontenailles, 42 livres d’un pâquier en Chissiez, 23 livres du crêt de Choudelei (Chandolin ou Champ de l’Air ?), 14 livres d’un pâquier à Chauderon, et 192 livres 10 sols pour la vente des places devant les maisons donnant sur les puits de la Palud et de la Mercerie. Au total 742 livres. Quant aux halles, une fois construites, elles rapportèrent chaque année 25 livres l’une en moyenne à la ville.
V
La première maison de ville du Pont.
Il est assez difficile de se représenter exactement ce qu’était le quartier du Pont à cette époque. Il s’étendait de l’hôpital Saint-Jean à la rue du Pré, de la Palud à la Vaux de Saint-François. La rue actuelle du Petit-Saint-Jean est appelée rue du Pont aussi bien que celle qui tend à la Palud. Il y en avait d’autres dont les noms même ont disparu, telles que la rue du Marché et la rue du Mazel mentionnées au XIIIe et au XIVe siècle. La rue du Marché est peut-être la ruelle qui au XVIIe siècle encore aboutissait au moulin de Menthon 1. Celle du Mazel /241/ devait être en amont, vers la place du Pont actuelle, car en 1329 Borcard Valier vendait à la ville le lieu des meses, près « de la grande rue par laquelle on va du grand mazel à la Palud 1. »
C’était un quartier fort bien habité. Les Séchaux, les Mastin, les Guersi, les de Pantherea, les Valier y avaient leurs maisons. On y voyait un four que les du Marché, puis les de Blonay possédèrent, un moulin qui fut plus tard le moulin de Menthon. Le Flon coulait à ciel ouvert et les rues venant de la Palud et de Saint-François s’y rejoignaient par une pente beaucoup plus raide qu’aujourd’hui. Elles étaient reliées par un simple pont de bois reposant sur des piliers de pierre. Ce pont, qui est le Pont par excellence, est à distinguer du pont de Saint-Jean, lequel était près de l’hôpital, sur le ruisseau de la Loue 2 ainsi que du pont des Etuves ou de Paravix, à l’extrémité est de la rue du Pré. Ces ponts, si modestes fussent-ils, étaient très importants. Presque tout le trafic lausannois et même international passait en effet par la rue actuelle du Petit Saint-Jean qu’un document de 1261 qualifie d’étraz.
C’est donc dans ce quartier que fut construite en 1406 la nouvelle halle du Pont. Disons tout de suite qu’elle était absolument différente de la maison de ville du Pont qui a été démolie en 1870 et à un tout autre /242/ endroit. La première maison de ville du Pont, avec la halle et la fromagerie, occupait l’emplacement de la maison qui fait aujourd’hui angle de la rue et de la place du Pont 1. Nous reviendrons sur ce point.
Les comptes de la ville pour 1405-1408, nous renseignent tout d’abord sur les achats de terrains faits en vue de la construction de la « grande ale » du Pont et aussi du mazel. On paie 98 livres à Jaques du Flon, 28 livres à Arthod des Clées, 40 livres à Etienne Chandelleir, 17 livres 10 sols à Henri de Lalex et Etienne d’Yverdon, 35 livres à Jean Codourey et Isabelle de Saint-Paul (procédés de François Othonet) pour leur chesaux, 91 livres à Girard Gimel et 91 livres à Jean Angleys (ancien official) et sa femme Alexie Frient pour leur four, touchant la maison de Jeannod Rosset et la terre de Mermet Patriaux. Les originaux des actes d’achat de ces terrains existent encore aux archives de la ville 2.
Puis l’on se met à construire. Le détail des dépenses montre que l’édifice nouveau fut fait entièrement en bois. On amena le marrin de Vevey et de Nyon à Rive d’Ouchy d’où les asniers le conduisirent au Pont. Le bâtiment comprit au début, en sous-sol, du côté du Flon, une fromagerie; au-dessus, une halle proprement dite avec plancher et bancs (meses). L’édifice ne fut pas couvert de tuiles, mais de tavillons. Il est inutile d’entrer dans le détail de la construction. Disons seulement qu’en 1410, après Pâques, le bâtiment était terminé, et dès l’année suivante, /243/ sa location rapportait 25 livres à la ville, tandis que l’ancienne loge du Pont produisait encore 20 livres.
La Commune avait acheté du terrain de reste. Elle loua le 21 avril 1421 une place « derrière l’ale de la fromagerie » à Humbert Revilliod sous 10 sols de cens 1. Retenons ce détail. Il aura plus tard son importance. Cette place fut louée plus tard à Antoine Cugin, apothicaire (1435-1480), à Janin Loys, apothicaire et maître de la monnaie (1480-1525), puis à Girard et Virgile Vincent, à Jean Guillet (1555-1573), à François Descombes (1602), enfin à Jost Gaudard qui reconnaîtra à son tour en 1638 et 1666 devoir à la ville 10 sols de cens pour cette place située derrière sa maison, « laquelle maison se disait autrefois les ales anciennes de la maison de ville du Pont 2 , » la rue du Pont à occident, la maison de Samuel Descombes dessus, celle de Philibert Constant dessous.
Mais revenons à la halle même.
Pendant quelques années, les comptes de la ville ne mentionnent que de menues réparations à l’ale du Pont. De 1430 à 1432, on dut en refaire complètement le toit, pour lequel on employa entre autres 33,000 tavillons et 29,000 clous. Mais en 1436, on adossa à la halle un édifice nouveau. « Livré à Jean Bailly, maçon, qui a fait le fondement du mur de la maison neuve sise joute l’ale du Pont, 3 sols. » — « Au dit, pour sa tache du mur de la dite maison, 24 florins. » — « A Etienne Pacton de Bière pour trois douzaines de lans (planches) de 11 pieds pour le travail de la maison neuve de l’ale du /244/ Pont, 48 sols. » En même temps, on refaisait les meses de la dite halle.
En 1438, les travaux se continuent et se précisent. Le maçon et le charpentier y sont employés. Il y a dans la maison une chambre chauffée, stupha, pour la construction de laquelle on achète dix-huit poutres (travées) de 28 et 29 pieds, six chevrons, quatre douzaine de lans; on pose 14 angons (gonds de portes) et 4 verrollies (vitres) aux fenêtres. On édifie en outre une petite chambre, et dessous la maison on dispose deux ateliers. L’édifice est achevé l’année suivante.
Immédiatement après, le 19 mars 1440, le Conseil de la ville loue pour trois ans à Guiot de Lonay la « maison de la Communauté du Pont, située entre la maison de Jean Patriaux à orient, l’ale à occident, la rue à vent et devant 1. » La maison doit être livrée à l’amodiateur le dimanche de la Trinité. L’acte en énumère les pièces : une stupha, une chambre joute la chambre chauffée, et la cuisine. Les prieurs ont à doter la stupha d’un fornel. La location est faite moyennant la redevance annuelle de 10 florins de 12 sols.
Cette fois-ci, nous ne sommes plus en présence d’une simple halle en bois, mais d’une vraie maison. Et cet édifice prend tout de suite les allures d’un hôtel de ville. Le Conseil s’y réunit deux fois au début de janvier 1442-43, le mercredi avant et le mercredi après la Saint-Antoine, et peut-être d’autres fois encore dont les dates ne nous ont pas été conservées. En outre, un inventaire de 1450 montre qu’on y remisa trois canons, /245/ deux petits et un grand 1. Enfin, un détail intéressant. On paya, en 1469, à Jean Francey, 42 sols pour une image de Notre Seigneur posée à une fenêtre de la maison du Pont à l’angle.
Voici bien la première maison de ville de Lausanne.
Mais bientôt, un de ces incendies, si fréquents dans le moyen âge, alors qu’un grand nombre de maisons étaient en bois, survint. Les comptes nous manquent, mais un procès qu’un voisin déjà nommé, l’apothicaire Antoine Cugin, eut avec la ville en 1446 2 , nous apprend que le toit de la halle avait été incendié, et qu’en reconstruisant, on avait abîmé le mur de la maison de l’apothicaire, qui occupait l’emplacement du magasin actuel de la Cité ouvrière, rue du Pré, no 1 3. L’accord intervenu à ce sujet montre que la Communauté profitait de la circonstance pour rehausser l’édifice de la halle, bouchant à cet effet des fenêtres anciennes et grillées de la maison Cugin. Le détail a son intérêt. Il nous indique que c’est à cette époque qu’on édifia un appartement sur la halle. On compléta cette construction par l’adjonction en 1474 d’une chambre au-dessus de la stupha.
Nous sommes donc maintenant en présence de deux édifices distincts : une halle, avec dessous une fromagerie du côté du Flon, et dessus un appartement; et en amont de la halle, la maison de ville proprement dite. C’est pourquoi, le 27 avril 1452, la ville déclarait posséder les vieilles halles du Pont, et une maison au /246/ Pont, pour lesquelles elle devait 4 sols et 1 sol de cens à l’évêque, propriétaire primitif du terrain 1.
Nous pouvons d’ailleurs suivre année par année l’histoire des deux édifices. Prenons tout d’abord la maison des halles. Elle fut successivement louée à Jean Francey en 1458, Louis Chenu en 1459, Pierre de Saint Cierges en 1460, Jaques Gauthey en 1461, Jean Borgognon en 1462, Jaques de Rochecise en 1464, Gui Vincent en 1467, Jean Dostaz en 1470, Isabelle Saliettaz en 1475, Jean Dancez en 1488, Jean Rastel en 1494, François Mejoz en 1506, etc. Quelquefois le locataire percevait en même temps le tribut des marchands des halles, mais c’est rare. Jean Dancez est un aubergiste qui loua en même temps la maison de ville voisine, mais les autres locataires sont presque tous des marchands. Quant au prix de location, qui était au début de 40 sols, il s’éleva considérablement dans la suite, par suite de la baisse du taux de l’argent. Il était en 1575 de 88 florins de 12 sols l’un, ainsi qu’on le voit par l’acte de location que voici 2 :
Le 16 janvier 1575, le « bourguermeister et le conseil de Lausanne déclarent amodier à Jehanne, relaissée de Pierre Helie (originaire de Reims en Champagne), quinquallière, pour le terme de six ans et pour le prix annuel de 88 florins petit poids, chacun valant 12 sols, savoir :
Nostre maison ancienne de nostre ville et communaulte avec la boutique au dessous de la dicte mayson, comme cy devant /247/ l’auroit accoustume de tenir, existante dicte mayson en la rue du Pont, au dessus des vieilles halles du dict pont, jouxte la place des hoirs de feuz honorable Jehan Guillet devers orient, la charriere publique tendant a la charriere de la Palud devers occident; la mayson des dicts hoirs du dict feuz Jehan Guillet devers bize, et la mayson des hoirs de feuz Blaise Picton, jadis de la communaulte de Lausanne, devers le vent, laquelle boutique est soubz dicte mayson attouchant et est pres la mayson des predicts hoirs feu Jehan Guillet.
La dite Janne sera tenue bien et décentement entretenir et maintenir dicte mayson couverte et en bon estre et de son pouvoir eviter qu’il n’en advienne ruyne et dommage. Et advenant qu’il fust necessayre employer du marrin et des tiolles, nous serons tenus de le fournir, et la dicte Janne sera tenue de supporter les dépenses des ouvriers.
En outre, nous reservons par la predicte admodiation, et en icelle non compris, les halles, bamps et meises estans sous es preis dicte mayson, ormis le bamp et bouticque de dicte quinqualiere. »
Jeanne Helie ne renouvela pas sa location. Au terme, le 1er janvier 1581, celle-ci fut louée à Me Nicolet Rolet pour le prix de 70 florins seulement. Le locataire obtint la réfection de la ramure et le rehaussement de la maison en 1583. Mais lui non plus ne renouvela pas son bail. Une nouvelle amodiation fut consentie en janvier 1587 à Matthieu Petit au prix réduit de 55 florins, pour quatre ans seulement. En décembre 1590, craignant de ne pouvoir louer convenablement la maison, le Conseil proposa de la vendre. Il ne trouva pas d’amateur, mais Jacob Frösch consentit à payer de 1591 à 1593 un loyer de 61 florins et Thilmann Malagniez de 1594 à 1598 un loyer de 85 florins. En 1599, la maison ne trouva pas d’amateur. Elle resta vacante jusqu’en 1602, date à laquelle les vieilles halles changèrent de propriétaire. /248/
On voit en effet que, le 7 octobre 1602, le banderet du Pont fut chargé de prendre « information de la valeur commune des vieilles ales du Pont pour estre passe billiet de deduction a l’ancien fermier d’icelle, a cause du vendage qu’a este faict au sr Sebast. Goudard 1. » Cependant, en 1605 encore, le tribut de l’ « ale vieille et de l’ancienne boucherie » était amodié à Louis Hyvent.
Sébastien Gaudard avait acheté la maison pour 1800 florins, dont 600 payés comptant et 1200 pour lesquels il s’était engagé à payer à la ville l’intérêt au 5 %. Le 8 octobre 1615, il payait sur ce solde un acompte de 700 florins, et le restant fut réglé peu après 1626. Son fils le juge Jost Gaudard possédait la dite maison en 1638 et en 1666.
Ce que nous venons de dire concerne la maison des halles anciennes. La maison de ville proprement dite, celle où le Conseil avait siégé en 1442, perdit de son importance peu après par suite de la construction de celle de la Palud. La communauté la fit réparer complètement en 1453 pour en faire une simple maison locative. En 1458, André Panissier, cordonnier, la loue à la ville pour 10 livres 10 sols (120 francs environ, valeur nominale, cinq ou six fois plus valeur réelle). Il fut remplacé en 1459-1470 par Louis Chenu, cordonnier, en 1475 par Me Aymon Mulateir, couturier, en 1481 par Pierre Revit et G. Fraret, en 1488 par Jean Dancez, en 1494 par Jean Rastel et en 1506 par François Méjoz, tous trois en même temps locataires de la maison voisine des halles. Enfin, à la suite de grosses réparations effectuées /249/ en 1546, la maison fut louée à Robert Picton, au prix de 47, puis de 50 florins.
Robert Picton mourut en 1562. Les Conseils des 24 et des 60 résolurent de ne plus louer la vieille maison de ville, qu’une nouvelle au Pont même venait de remplacer. Ils décidèrent, le 13 octobre, de vendre aux enchères publiques différentes propriétés, entre autres celle-ci. C’est pourquoi, le lundi 7 décembre 1562 1 , le « bourguermeister » et conseil de Lausanne déclarèrent vendre à Jacques Violat, bourgeois et marchand de Lausanne, agissant comme tuteur, avec Claude Mayet, serrurier et bourgeois comme coadjuteur, au nom de Pierre, Jacques et Jaquemaz, enfants de feu Blaise Pitton (le même que Robert ?), mercier et bourgeois de Lausanne, une « maison de ville » ainsi délimitée :
La mayson commune de la ville et communaulte de Lausanne sise en la rue du Pont, devant la place du dict Pont, jouxte les alles anciennes du dict Pont, jouxte et devant la rue et place du dict Pont devers vent, et quelque peu de l’occident, la mayson d’honnorable Guillaume de Lalex, devers orient, la mayson et les alles de la dicte communaulte dictes les alles du Pont devers l’occident, la mayson des hoirs de feuz provide Jean Guillet, bourgeois et marchand de Lausanne, certaine ruette ou place commune entre deux devers bise.
La dite vente était faite pour le prix de 405 écus d’or au soleil, payés un tiers, soit 135 écus, comptant, les deux autres tiers, soit 270 écus, par obligation de 13 et demi écus de cens, à grâce de rachat. Vingt ans plus tard, les enfants Pitton avaient cédé leurs droits. La cense due pour l’année 1585, sur la dette de 270 écus, /250/ est payée par Loys Espaulaz 1 , que l’on voit déjà en possession de la maison deux ans auparavant. Loys Espaulaz est ce marchand qui, avec son frère Claude, prit part en 1588 à la conjuration d’Isbrand Daux, et qui, moins heureux que le bourgmestre de Lausanne et que Ferdinand Bouvier, fut pris par Leurs Excellences de Berne et eut la tête tranchée pour avoir voulu livrer au duc de Savoie l’ancienne cité épiscopale devenue sujette de Berne.
Par suite de la condamnation, Leurs Excellences confisquèrent les biens de Loys Espaulaz. La maison du Pont fut vendue à un autre marchand, Germain Le Billiat, établi depuis quinze ans en face d’elle, sous les halles neuves. Quelques années plus tard, la vieille maison de ville du Pont passait aux mains de David Constant, marchand, l’ancêtre des Constant de Rebecque.
De ses anciens édifices de la rue du Pont, la ville n’en possédait donc plus aucun au commencement du dix-septième siècle.
Il nous reste maintenant à fixer exactement l’emplacement de la première maison de ville et de la première halle du Pont. L’acte de vente de la maison de ville du Pont, du 7 décembre 1562, dit qu’elle donnait sur la place et la rue du Pont, était adossée à occident à la maison des halles, à orient à la maison de Guillaume de Lalex, au nord à la maison de Jean Guillet dont elle était séparée par une ruelle. L’amodiation de 1575 de la halle ancienne en faveur de Jeanne Hélie confirme ces indications. /251/
Or, d’autres reconnaissances, relatives à la place que la ville possédait derrière la maison de ville et les halles, montrent qu’en 1565 1 , 1638 2 et 1666 3 , la maison de Jean Guillet avait passé aux mains de François Descombaz, puis de son fils Salomon; — que Jost Gaudard possédait la maison des halles anciennes; — que n. Philibert Constant, fils de David, possédait la maison du Biliat qui n’est autre que la maison de ville; — que la maison de Guillaume de Lalex a été ensuite celle de n. Abraham de Montherand, puis celle de n. Jean Rosset.
Ouvrons maintenant le plan Rebeur de 1672. Les maisons que nous venons d’énumérer se suivent exactement comme l’indiquent les reconnaissances : au nord, la maison de Salomon Descombes surmontée d’un clocheton; dessous la maison Gaudard; à l’angle de la place et de la rue la maison Constant; à l’est, sur la place, la maison Rosset. La ruelle qui devait séparer l’immeuble Descombes de l’immeuble Gaudard n’est plus visible. Au plan Gignilliat de 1722, la maison Gaudard et la maison Constant sont possédées toutes deux par un Constant. Au plan Berney de 1827, les deux maisons sont réunies en une seule, qui est actuellement (1910) la propriété de M. Giroud.
La première maison de ville et la première halle du Pont occupaient donc l’emplacement de la maison Giroud formant l’angle de la place et de la rue du Pont. /252/
VI
La seconde maison de ville du Pont.
Les halles du Pont dont la communauté de Lausanne ordonna en 1405 la construction n’étaient donc pas celles qui furent élevées à l’angle des rues Saint-François et Saint-Jean. Celles-ci sont d’un siècle et demi postérieures. Quoique l’ordre chronologique exigeât que nous ne nous en occupions qu’après avoir parlé de la maison de ville de la Palud, nous croyons devoir réunir ici tout ce qui concerne les halles du Pont.
Les halles neuves du Pont ont été construites à la suite d’une catastrophe qui nous est racontée par Plantin dans les termes que voici 1 :
L’an 1555, le 3 septembre, à 5 heures du soir, le ruisseau devint si grand qu’il ruina toute la place du Pont. Après cela, on fit de grandes voûtes, sur lesquelles cette place est posée, et par dessoubs passe le dit ruisseau; et bastit-on la maison du Pont qui appartient à la Seigneurie de la ville et sert de logis public. En ce quartier est la grande boucherie, et sur la dite place du Pont se vend le pain, le fromage, le poisson, etc.
La transformation de la place et le voûtage complet du Flon au Pont ne se firent pas en une seule fois. Nous avons parlé plus haut du Mazel ou des boucheries qui étaient en face des magasins Francillon. Le 10 janvier 1564, le conseil des 60 décida de le transférer à la rue Saint-Jean (on le mit en réalité à la rue du Pré) et de transformer en place l’immeuble abandonné. /253/
En laquelle place se feront des bancs, pour l’usage des revendeurs, tant fromagiers que aultres, avec des avanthey en dessus du dict banc pour la couverture, et ce jusques au pont de boys qui est de present aupres du bornet du pont. Et despuis la dicte place du masel jusques au dict pont, ou il n’y a poinct de voste et de pont se debvra faire et construire, du long, des planches de boys pour estre la dicte place plus grande et ce a l’endroict de l’eau du Flon 1.
Ainsi, remarque M. Dumur 2 , on s’était borné jusque-là, pour la base et les abords de la maison de ville neuve du Pont, à construire sur le Flon la voûte strictement nécessaire, et le pont de bois qui donnait son nom au quartier existait encore. En amont, le torrent coulait à ciel ouvert et, pour agrandir la place, on parlait donc d’une modeste corniche ou d’un simple plancher. Ce n’est qu’en 1611 que le travail fut achevé. Le conseil des 60 décida le 28 mai « concernant la ruyne de la Panetterie (ancien mazel, devenu marché du pain et du fromage) est ordonné (que) la vote du pont sera suivi jusque a dicte ruyne au lieu de la construire comme elle estoit. »
Quant aux halles mêmes du Pont, leur construction fut ordonnée immédiatement après l’inondation du 3 septembre 1555. Le Manual du Conseil, à la date du 13 juillet 1556, porte que des députés et gens de bien de Vevey et de Morges vinrent à Lausanne pour taxer « des cheseaux de maisons et places ruinés par l’eau de l’année passée, sises au Pont, lesquelles appartiennent tant aux héritiers de Denis Roulet qu’à Claude Pasquier, jouxte la place du Pont d’orient, la maison de Guillaume de Lalex devers vent et la maison de Guillaume Dentan de bise… /254/ immeubles que les Seigneurs de Lausanne veulent acheter pour édifier et faire ce quoi bon leur plaira. » Les députés taxèrent la propriété Pâquier à 200 florins, la propriété Roulet à 500 florins. La ville fit l’achat et obtint de Leurs Excellences de Berne la remise des censes directes et des lauds grevant ces immeubles. On affecta à cette vente la somme de 100 écus, produit de la vente faite « du reste de vasselle tant d’argent lotton dore, que myttre, crosses, croix, calices et autres chouses d’eglise reserver la croix de crystalline, estant en larche du poëlle de ville dernier le fornel 1. »
Les travaux commencèrent en juin 1557. On s’occupa tout d’abord d’abattre les maisons ruinées, puis de voûter le Flon avec du grès. Ceci fait, le mardi 28 juin 1558, le Conseil prit la résolution suivante : « Les LX ont ordonne que ce debge fere un edifice en la place du Pont la ou les maisons sont estees ruynees; et ce, a la forme du portraict presente par seigneur Jaques Violat, et pour ce fere ont deputes les seigneur maisonnarre Jaques Violat, Gerard Pigvard et seigneur Estienne Bosson; par lesquels le dict artifice serat donne en tasche. » Le 20 mars 1559, le boursier paya 2 florins 9 sols pour le « soupper de plusieurs personnes lorsqu’on mit le fondement de la maison même du Pont. » Mais à ce moment-là, la construction, que dirigeait le maisonneur Jaques Violat, était bien près d’être achevée. On couvrit le toit en décembre 1559. Au mois de janvier 1560, on dépensa 14 florins pour trois pommeaulx d’étain à placer sur la maison, plus 9 florins pour la tôle et 3 florins pour l’étain à souder les cheneaux. En mars, /255/ Me Corneille, le peintre, peignit sur la façade les armoiries de la ville. En juin, François Freschaux fit une bannière. Il restait à parachever l’intérieur; en décembre 1561, on posa un lavoir de cuivre, les fenêtres. Me Melchior Guldy, verrier de Berne, posa deux écussons, l’un aux armes de Berne, l’autre aux armes de Lausanne « aux fenêtres du poëlle sous la maison neuve de ville. » Un autre écusson de verrière aux armes de la ville fut offert en 1575 par Hans Griff de Berne auquel il fut remis 15 florins de gratification. En juin 1566, le peintre Abraham de Cheveulx reçut 10 florins pour avoir « pourtraict lecu de Lausanne pour enseigne mise en la maison neuve du Pont. » Ceci en exécution d’un ordre du 22 août 1564 donné au boursier « de faire a faire une enseigne des armoiries de la ville a simple escusson et au-dessous soit escripte a lescu de Lausanne. »
C’est qu’en effet, la maison nouvelle avait un double but : elle devait servir à la fois de halle et d’hôtellerie. De halle d’abord : en mai 1566 on paya la dépense « pour avoir fait faire les bamps pour les merciers en l’ale sous la maison neuve »; à cette halle étaient jointes des boutiques; en 1575 le libraire Jean Durand en occupait une, et le marchand Le Billiat obtint l’autorisation d’en élever une seconde; trois boutiques furent faites ou réparées en 1580.
D’hôtellerie ensuite. Le 14 octobre 1563, la ville amodiait à Thivent Clerc, pour six ans et au prix de 100 florins par an, la maison neuve du Pont avec les halles dessous, « lequel Thivent sera exempt de payer le longuel et se obligera des verrieres et des meubles qui lui seront remis, messeigneurs soy reservent les meubles /256/ au-dessus de la dite maison pour eulx. Il pourra loger des estrangers et poser l’enseigne des armoiries de la ville. » Il fallut dans ce but compléter le mobilier.
Le 7 mars 1566, on paya 30 florins pour « deux bancs de noyer avec leurs archebans à douzier pour les deux chambres dessus et dessous près des poilles de la maison neufve de ville au Pont. » Le 19 mars, 23 florins pour « ung lavemain d’estaing mis au poile de dicte maison. » Le 2 avril « 35 florins à maistre Marin Michu, menuisier, pour la façon de deux secondes portes de la viorbe (escalier tournant), de la maison de ville du Pont, comme 15 florins pour deux tables longues de noyer pour le poelle dessus avec leurs estochetz de sapin (tabourets).
A peine la maison était-elle construite que de mauvais garnements s’amusèrent à la dégrader. Le 15 avril 1563, le Conseil décida que « le fils Mathey dict Bottaz doibge estre pris par les officiers et fuatte en une salle secrettement pour ce que gastoit et lymoit laz muraille de maison de ville du Pont nouve et que quand le maistre masson de ville le remonstroit et l’avertissoit amiablement de soy deporter, il le frappaz d’une pierre à la teste. »
L’édifice dont nous venons d’indiquer la construction n’est pas celui qui fut démoli en 1870. Il a été agrandi et remanié dans la suite. Nous remarquons tout d’abord que l’achat ne paraît pas avoir porté sur la maison de Guillaume Dentan, qui était à bise, soit au nord, et cependant les plans du XVIIe siècle ne mentionnent aucune maison intermédiaire entre l’hôtellerie du Pont et la rue Saint-Jean, endroit que la maison Dentan aurait dû occuper. Celle-ci a donc été absorbée. /257/
Puis, à vent, soit du côté de Saint-François, se trouvait la maison de Guillaume de Lalex (il en avait une autre sous les halles anciennes). Le 11 novembre 1563, le Conseil autorisait Guillaume à construire une loye (galerie) sur le derrière de sa maison et à l’appuyer contre le mur de la maison de ville « a l’endroit de la cuisine d’icelle 1. » Lui mort, le 13 novembre 1580, ses héritiers par les femmes Pierre de Montherand, noble Abraham Espaz de Moudon et Thobie Darnex vendirent à la ville la maison de Guillaume de Lalex et celle de Jean de Lalex qui la touchait en aval, sur la rive gauche du Flon 2. Ces deux maisons sont indiquées entre la maison neuve de ville à bise, la maison de Gabriel Réal, seigneur de Morrens, à vent. Le prix de vente est de 440 florins qui fut payé le 17 novembre. Ces deux maisons sont comprises en 1583 et en 1594 dans l’amodiation de la maison de ville neuve. En 1595-1596, on refit complètement la maison ayant appartenu à Jean de Lalex, du fondement à la ramure : les comptes commencent en effet par le décupillement de la dite maison, pour finir par les travaux de couverture. En même temps, on ajouta des galeries à la maison principale, et nous voyons enfin qu’en 1606, on acheta pour 12 florins des lans pour le dosme de la maison du Pont. En 1601, Michel Chavan amodia encore pour 200 florins « l’hotellerie du Pont et les deux maisons de Lalex, » mais il est vraisemblable que les travaux de 1606 eurent pour effet de réunir sous un même toit la maison principale et ses annexes. /258/
Pour une raison ou pour une autre, Thivent Clerc, le premier hôtelier de l’Ecu de Lausanne, n’acheva pas son bail. Le 8 décembre 1565, la ville passa un nouveau contrat avec Augustin Vyon, bourgeois de Gruyère, pour six ans 1. Celui-ci louait :
Assavoir la maison neufve de ville ou pend pour enseigne l’Escu de Lausanne, ensemble les hales de la totale maison qui sont en dessoubs; aussi l’exempte du longuel pendant le temps et le terme de dicte admodiation de la dicte maison; et ce pour le prix et firme de septante florins de petit poys pour checune annee, payables par quartemps de l’annee, a quelle somme luy a este ainsi gratifie; en ce et pour ceste occasion et condition qu’il doibge eschauffer les deux poeles de la dicte maison durant l’hyvert et froidure continuellement, dont celuy de desssus sera pour le service de mes honores seigneurs et auquel n’y tiendra les paissans, ains mes dicts Srs le reservent ainsi pour eulx; et celluy de dessoubz sera pour les hostes. Aussi sera tenus tenir de Messrs les meubles estans en la dicte maison, lesquels lui seront baille en inventaire, et aussi enfin de dicte admodiation les remectra en bon estre comme luy seront esté remis. Aussi tenu reparer tout ce que sera gaste pas sa deffaulte et les vitres qui seront gastees et reffaire, le tout a ses despends et a forme qu’elles luy ont este laissees. Et pour ce a promis le dict Vion par sa bonne foy et serement et obligation de ses biens payer la dicte firme, etc.
Pendant un certain nombre d’années les hôteliers se succédèrent rapidement, ce qui n’est pas un signe de prospérité. En 1578, l’Ecu de Lausanne était tenu par Rolet Cathelaz; dès le 28 avril 1583 par Jaques Torchet; en 1586 par Pierre Roche; en 1587, le 21 mars, une nouvelle amodiation fut consentie pour 140 florins, en faveur de n. Pierre de Grilly. L’hôtelier est /259/ Jean-François Matthey en 1592-99, Michel Chavan en 1601; Virgile Secretan en 1607 paie 165 florins de location plus 27 livres pour le tribut des halles. Jean Métraux paie 400 florins en 1623-1626; Susanne Grandcolaz, femme de Daniel Nagott, tint l’hôtellerie de 1634 à sa mort en 1639; elle payait 395 florins, plus 10 florins pour le tribut des asles et 1 florin à chaque conseiller. Moyse Achard qui vint ensuite ne paya que 300 florins. Richard Duprez, qui était en 1645 l’hôte du logis du Pont, prit la poudre d’escampette le 24 juillet sans régler ses dettes.
Cependant, le Conseil favorisait l’aubergiste. Le 26 et le 30 octobre 1564, il y tint séance officielle, « au poële dessus ». Plus souvent, les conseillers s’y réunissaient « pour vacquer aux affaires du public » et le vin bu était porté au compte de la ville. Le 4 septembre 1572, la ville paya 36 florins pour un dîner au bailli sortant de charge. Les particuliers notables y venaient aussi faire affaire. C’est là, « dans la maison ou hôtellerie où pend l’enseigne de l’Ecu, appelée la maison de ville du Pont, » que les nobles Jean-Baptiste et Ferdinand Loys, seigneurs de Cheseaux, et n. Bernard et Humbert Réal, seigneurs de Morrens, conclurent partage d’une indivision 1. L’amodiation de 1587 mentionne 29 plats d’étain, pesant 53 livres, appartenant à la ville et à disposition de l’hôtelier.
Les années passent, et pèsent sur les bâtiments aussi bien que sur les hommes. Pendant la construction de la maison de ville actuelle de la Palud en 1673-1675, la maison du Pont eut encore une heure de /260/ gloire. Les autorités s’y réunirent, et c’est là, « dans le poisle de la maison de ville du Pont, » que furent faites les élections du 13 novembre 1673.
Mais le 11 juin 1720, le Conseil décida de vendre la cure de M. Rosset de Rochefort et la maison du Pont « qui sont fort ruineuses. On ne trouva pas à vendre et l’on se borna à faire, par décision du 16 août, « des réparations pressantes pour garantir nostre maison de ville du Pont. » Une nouvelle amodiation, — remplaçant celle consentie à une Delle Caputan, — fut consentie le 19 novembre en faveur de Ferdinand Destraz. Mais le bâtiment n’avait pas été sérieusement réparé. Le 20 février 1728, on décida encore de le vendre avec la cure de M. de Rochefort « à cause de leur estat ruvineux. » En 1743, le 15 octobre, nouvelle offre aussi vaine que les précédentes.
Ce ne fut qu’en 1756 que M. Cyprien-Louis Levade 1 l’acheta, pour 5200 francs, dit-on, et à cette occasion Leurs Excellences de Berne abandonnèrent le 24 décembre 1756 le fief qu’elles avaient — procédant de l’évêque — sur la partie à bise de la maison Levade, « qui était anciennement la maison de ville du dit Lausanne, laquelle particule se limite par la rue publique d’orient, le Flon d’occident, le reste de dite maison déjà du fief de dite ville du vent et celle des hoirs de Louze de bize. »
M. Levade n’avait acheté que la maison. La ville s’était réservée la propriété des halles situées au dessous, qui servaient d’entrepôts, et où était (déjà en 1565) le pilier /261/ public pour les affiches. Ces halles, comme celles de la Palud, étaient encombrées en 1730 de matériaux, tonneaux et autres que le Conseil ordonna d’enlever. On n’y laissa que les boutiques et les étalages, et le 1er novembre 1776 on fit un réglement pour abolir des abus : « La ferme annuelle des halles du Pont est supprimée pour empêcher qu’elles ne soient accaparées par les boutiques de bourgeois et habitants de la ville, au détriment des étrangers de Fribourg, de Bourgogne, de Savoie et de Vevey qui y apportaient et y exposaient en vente leurs marchandises. Défense est faite aux revendeurs d’acheter des denrées avant onze heures du matin. Les marchands qui occuperont les halles paieront une creutz par place. »
Ces halles ont subsisté jusqu’au moment de la démolition de la maison en 1870, lors de la percée de la rue Centrale. La maison avait été vendue au prix de 5200 francs à M. Levade. La ville la racheta le 25 août 1865 de Mme Thérèse Guénin, veuve du Dr Jean-Louis Dappaz, au prix de 140 000 francs et la fit démolir sur l’initiative du consortium que dirigeait M. Jouvet. Derrière la maison se trouvait alors une auberge, l’Albergo del Ponte, tenue par un M. Sirvet, et qui était un rendez-vous d’Italiens et de Savoyards. Le 2 avril 1869, M. François Besson, remouleur, en devint locataire et lui donna pour enseigne : A l’union savoisienne, tout en gardant l’ancienne du côté de Pépinet. Une gravure porte encore cette enseigne avec les deux mains entrelacées. Enfin, le bâtiment fut démoli dans le courant de l’été 1870.

L'Hôtel-de-Ville du Pont en 1870
Si nous comparons les plans du XVIIe siècle avec les croquis que nous possédons de la maison de ville du Pont au /262/ moment de sa disparition, nous voyons que celle-ci avait peu changé. Seulement, en 1870, l’édifice comprend trois étages sur les voûtes au lieu de deux en 1638, et chacun de ces étages a huit fenêtres de façade; il paraît y en avoir eu autant du côté de l’ouest. Deux des voûtes du rez-dechaussée ont été transformées en boutiques ou magasins, les deux autres sont demeurées libres et ont servi de halles jusqu’à la fin. Par contre, le toit a été transformé; nous n’avons plus le dosme imposant de 1606, avec avant-toit donnant sur la place du Pont, et les trois pommeaux d’étain ont disparu. C’est un toit ordinaire s’abaissant au niveau des maisons voisines. Mais la façade sur la place a dû demeurer telle qu’elle était au début du XVIIe siècle, de style Renaissance très régulier, et l’édifice dut certainement avoir de l’allure.
A l’ouest, la maison du Pont donnait sur le Flon qui ne fut voûté qu’en 1849-1851, pour faire le marché aux fromages. Un dessin de M. Vuillermet la montre avec ses vieilles loyes restées telles, très probablement, qu’elles avaient été édifiées à la fin du XVIe siècle.
VII
Les halles de la Palud.
Le mot Palud vient vraisemblablement de palus, marais. L’étymologie a été contestée. Elle s’appuie cependant sur le fait que le quartier est humide. Il y avait un puits près de l’Hôtel-de-Ville actuel. Plantin disait en 1656 « qu’encore aujourd’hui, si l’on creuse tant soit peu, on trouve de l’eau. » Il est en tout cas certain que, sous la /263/ maison Lehr (angle de la rue de la Mercerie et de la place de la Palud) il a fallu établir, dans la cave, un syphon permanent pour évacuer l’eau. Sous la maison voisine également, l’humidité est très grande 1.
Le quartier est mentionné pour la première fois dans le Cartulaire de Lausanne en 1235. Nul doute qu’il ne soit beaucoup plus ancien et il remonte peut-être au IXe siècle. A part le mur d’enceinte dont nous parlons ailleurs, on n’en peut discerner la physionomie au treizième siècle. L’établissement du couvent des Dominicains en 1234 détermina très probablement le remaniement de la rue Madeleine, et le chemin, aujourd’hui appelé ruelle du Grand Saint-Jean, qui partant de la place de Saint-Laurent, aboutissait derrière la Palud en face de la rue Madeleine, est déjà mentionné à la fin du XIVe siècle, avant la construction de l’halle de la Palud.
En 1327, le 3 août, sur une prononciation de l’évêque, Jean Mastin céda à la communauté de la bannière de la Palud deux étals, soit meses de bouchers à la Palud, près du bornel. En 1407 encore, les comptes de la ville mentionnent une redevance de 10 sols payée par Pierre Bauba pour les places de la Palud où l’on tient boucherie. Quoique ces deux indications ne parlent que de bancs de bouchers, il est incontestable que la Palud servait à cette époque de place de marché. L’évêque Guillaume de Menthonay le dit formellement dans son ordonnance de 1405. Nous savons même que ce marché se tenait le samedi 2 et il avait évidemment comme centre la halle que mentionnent les comptes de 1397. /264/
L’ordonnance du 23 décembre 1405 prescrivait l’achat des chesaux s’étendant de la maison des Adellin à celle de Peronet Pollie, pour la construction d’une nouvelle halle, qui est celle de la Palud. La maison des Adellin était tout près du ruisseau (aujourd’hui Louve) dont la séparait seule une dépendance. Elle touchait en 1331 à celle d’Etienne Moret qui elle-même n’était pas loin de la porte Saint-Jean. Il faut la placer près de l’entrée de la rue du Petit Saint-Jean, vers la fontaine actuelle, à gauche de la Louve 1. La maison de Peronet Pollie devait être davantage du côté de la Palud.
La ville possédait déjà une partie du terrain nécessaire. Il y avait là un puits mentionné fréquemment dans les documents de l’époque, et la communauté était propriétaire de la place autour; elle vendit même en 1406 à plusieurs particuliers des droits de passage conduisant au puits. Les comptes indiquent d’autre part une redevance de 34 sols 4 deniers dus à Antoine Souteir « pour lez cens ad luy deuz pour le places de laz Paluz » écrit-on en 1402.
Le 15 avril 1406, la ville commença ses acquisitions par l’achat, au prix de 130 livres 2 , de la maison avec place et curtil d’Antoinaz Barbeir, veuve de Pierre Jolivet. Pierre Borgeis lui vendit pour 84 livres certain chesal à occident qui touchait au four de noble François de Russin 3 et à la maison de François Garin. Pierre de Bottens vendit un autre chesal, et la ville paya le 29 juillet /265/ 1408 la somme de 23 livres 16 sols à noble Rodolphe de Blonay, co-héritier de feue sa femme Jaquette de Panthéréa, pour les droits de directe seigneurie qu’il possédait sur les dites terres.
En outre, la ville acquit le 1er juin 1406 d’Etienne Cueys une place derrière la maison de Peronet Pollie pour 5 livres, plus 15 sols de laud à noble François de Vennes; de Leone Betenchi et de Jean Charpit leurs chesaux pour 31 livres; le chesal de Jean Charpit touchait à la maison de François Garin et au four que le comte Amédée de Savoie avait acquis en 1377 de Marguerite de Billens, comtesse de Gruyère. Le samedi avant la Purification de 1411, les prieurs payèrent 5 livres à Johannette Hora de May, femme de François de Bussy, donzel, pour le laud de cette dernière acquisition.
Enfin, le 13 décembre 1411, François Racine vendit à la ville, au prix de 12 livres, un édifice situé à la Palud, au lieu dit sus le puits, séparé de la maison d’Antoinaz de Billens par un porticus soit alliour. On sait d’autre part que cet édifice comprenait simplement une chambre de bois sous l’atelier d’Aymonet Souteir, et que l’alliour ou passage avait 6 pieds et demi de largeur. Nous serions tenté de voir dans ce chemin l’origine première du passage sous voûte actuel.
Ces achats effectués, les travaux commencèrent en 1406 déjà. Autant qu’on en peut juger par les indications sommaires des comptes, la maison d’Antoinaz Barbeir fut maintenue. On en refit la charpente et la toiture, on en transforma la cave, on aplanit le terrain tout autour. Puis l’on construisit la halle. Celle-ci paraît avoir été entièrement en bois, sauf probablement les deux murs de support. /266/ En 1407, la ville dépensa 130 sols pour 54 journées de charpentier. En 1408, elle paya 100 sols pour le bois de chêne placé en la magna ala Paludis pour les meses et les égouts derrière l’halle, et 120 sols pour couvrir les dites meses et faire « les chinaul ». On employa 20,000 tavillons et par milliers les clous « chapellus » ou gros clous et les clous moyens. Pas de tuiles. L’entrepreneur, Aymonet Curtinaul, fit venir du marrin depuis Vevey. En même temps, on réparait la première « logia sur la fontaine de la Palud », travail pour lequel on employa 4 lans, 4 chevrons, 1000 tavillons et 1000 clous. Le travail de construction de la halle fut terminé en 1409, par l’établissement de deux murs, l’un directement derrière l’halle, l’autre en dessous, sur les égouts. Entre ces deux murs était une placette de deux toises qui fut louée en 1433 à Perronet Gellin, apothicaire.
A peine ce travail était-il terminé qu’il fut repris. Cette première halle était-elle défectueuse ? Ou plus probablement voulut-on l’agrandir ? Nous ne savons au juste. Toujours est-il qu’en 1414-1415, la ville fit faire une toute nouvelle construction, en partie maçonnée et recouverte de tuiles. On en jugera par quelques extraits des comptes 1 :
| Livré à Mondet, charpentier, pour faire l’ale de la Palud pour 24 panes longues de 43 pieds, 72 sols; trois poutres (trabibus) de 30 pieds, 9 sols; trois de 34 pieds, 9 sols; quatre de 18 pieds, 9 s.; quatre de 14 pieds, 8 s.; quatre de 10 pieds, 7 s.; 30 chevrons de 30 pieds, 50 s.; seize douzaines de lattes de 22 pieds, 32 s.; 10 panes machiaudes pour faire les biez, 20 sols; 20 000 tavillons à 4 sols le /267/ cent, 4 livres; 20000 cloux à 4 sols le cent, 4 livres; pour la facture de la dite ale donnée à tâche au dit Mondet, 8 livres 10 sols. [ Total 31 livres, 6 sols = 450 francs, valeur nominale. ] |
| Livré à Mondet, charpentier, pour faire une mese en cinq journées, 15 sols; pour 4 lans (planches) pour la dite mese, 3 s. 4 d. |
| Livré à Jean Girard et à Jaquet Perrinaul pour les pierres nécessaires à la façon des piliers de la dite ale, 4 l. 6 sols; pour couper (scindendo) huit piliers à Jean d’Arnex et à Mondet, inclus le vin, 10 s.; pour trois bossets de chaux pour les dits piliers, 22 s.; pour un cent de sable, 14 s.; pour faire le crouz et le mortier, 10 s. |
| Livré à Me Guillaume pour lui et sa femme (sua muliere) pour quatre journées de travail à la dite ale, et leurs dépenses, 16 sols. |
| Livré pour l’achat de deux milliers de tavillons employés à la réparation de la grande et de la petite ale de la Palud, 9 sols; pour deux mille clous, 8 sols; pour lattes posées en l’ale au froment de la Palud, 12 deniers; pour cloux 14 deniers. |
| Livré à Me Guillaume, tuilier, pour l’achat de trois mille et demi tuiles mises en l’ale au froment de la Palud et en la chambre voûtée de Pépinet, in cameris de Pippinet, le millier compté à 24 sols, 4 livres 4 sols; au même, pour un cent de grandes tuiles pour faire le frête, 5 sols; livré à Jean Magnyn pour amener les dites tuiles de la tuilière à Lausanne, 14 sols. |
| Livré au dit Osel et à Pierre Frachiez pour achat de pierres de parpen et de million 1 , 8 sols; livré à Jaquet Misy pour conduire des pierres pour les piliers de la pierrière à la dite ale, avec l’avoine et les dépenses des ouvriers, 30 sols (autres dépenses semblables). |
| Livré à Rolet Fabri qui a conduit du marrin de Rive jusqu’à l’ale pour trois jours, avec l’avoine et ses dépenses, 30 sols; à Aymonet Boczaz, pour amener le marrin comme dessus, 20 sols. |
| Livré pour neuf poutres mises en l’ale prédite pour faire la trabature qui n’était pas comprise dans la tâche, 20 sols; à trois charpentiers pour faire la trabature, 7 s. 6 d.; à quatre ouvriers qui firent les lobvioz 10 s. |
| Livré à Rolet des Pales pour quarante pierres pour faire un mur jouxte l’ale, 15 sols. /268/ |
| Livré pour dix-huit tiges pour faire les bancs (stales) et la facture des dits, 24 sols. |
| Livré pour faire les estauchiæ rière l’ale de la Palud, au Pont et devant la maison de Pierre Morel, 25 s. |
| Livré pour faire marché pour les pierres à faire les piliers de l’ale, avec les enfants du dit Perrinaul en la maison (auberge) de G. Vitet, 2 s. 3 d. |
Les comptes de 1416 à 1424 manquent. Par le fait, nous ignorons si les travaux furent poursuivis. Mais ces extraits prouvent que l’on fit une halle neuve, la halle au blé, dont la charpente fut supportée par des piliers de pierres maçonnées. L’ensemble de ces travaux coûta plus de 60 livres, soit plus de 1000 francs, valeur nominale. C’est peut-être à ce nouvel édifice que se rapportent certaines dépenses postérieures. En 1426-1427, on refit « le toit des mesures près du bornel de la Palud, l’armoire (armatura) sous les mesures », et l’on dépensa 6 sols pour six livres de plomb » pour les crochets et les angons des dites. » Les comptes de 1430 enregistrent que l’on a mis une pane, des tavillons et des tuiles à « l’ale des mesures aux blés de la Palud. » En 1435, on paie à Jean de Lalex 30 sols pour les poids qu’il avait vendus pour peser en l’ale de la Palud.
Au point où nous sommes arrivés, nous avons à la Palud deux halles, une grande et une petite, celle de 1397 a disparu. L’une est celle construite en 1407-1408 autour de la maison Barbeir, l’autre est une halle aux blés, située tout près de la première, près du bornel qui était alors non pas où est la fontaine actuelle, mais sur l’emplacement de la maison de ville. Derrière, donnant sur le ruisseau, on reconstruisit en 1426-1427 des secrets ou latrines, édicule pour lequel on amena de la carrière /269/ du Pissiour de grosses pierres de million et de chillod, et que l’on recouvrit de tavillons. La dépense totale fut assez forte, 74 livres.
Les comptes de 1440 à 1452 font encore défaut, lacune d’autant plus regrettable qu’avec l’année suivante, nous entrons dans une série de gros travaux.
VIII
La maison de ville de la Palud.
Les comptes de 1453-1454 mentionnent en effet la livraison de 36 livres à Jaques de Brissannaz (tuilier de la grande tuilerie de la ville) et à Antoine, tuilier, « en déduction de ce qui leur est dû pour la tâche de l’ale de la Palud. » Dans la même année, on paie d’une part 10 sols à des ouvriers lombards qui remuèrent la terre du « fondement du mur de l’ale de la Palud » et d’autre part 5 sols et 6 deniers pour 1000 tavillons et 500 clous employés à la dite halle. Qu’est-ce que cela veut dire ? Les deux halles que nous venons de voir ont-elles subi une nouvelle transformation pendant les douze années pour lesquelles nous n’avons plus de comptes ? Il semble plus probable que nous assistons au commencement même de la transformation et nous rappelons qu’une pierre encastrée au mur méridional fait remonter la construction de la maison de ville de la Palud précisément à cette année 1454.
Nous serions immédiatement fixés par les comptes suivants. Malheureusement ceux des années 1455 à 1457 manquent eux aussi, et nous n’avons rien qui les puisse /270/ remplacer. Mais ensuite nous extrayons des manuaux et des comptes de la ville les renseignements que voici :
| 1457, mercredi après la Saint-André. Manuaux. — Le Conseil charge le syndic ou prieur Arthaud Loys de faire faire un mur derrière l’ale de la Palud, du milieu du mur de la dite halle, partie inférieure, et procédera à l’édification de ce mur. |
| 1458, juin, 21. Manuaux. — Le syndic Arthaud Loys, du consentement du Conseil, donne à tâche à Me Jaques de Brissannaz, tuilier, de construire et faire le mur derrière l’ale de la Palud, comme cela a déjà été fait auparavant, avec arcs, et d’élever les dits murs devant et derrière, comme suit : le dit Me Jaques fera le fondement du mur postérieur de 5 pieds au fond, de 4 à raz du sol avec de bonnes pierres. Là dessus, il fera les arcs nécessaires de carrons bien cuits et durables, comme avant, de l’épaisseur de 3 pieds, et ensuite il continuera le fenestrage devant et derrière, au devis du Conseil. Il fera et divisera les estrablements des fenêtres et les dits fenêtres avec leurs assises de bonnes pierres. Enfin, il sera payé à Me Jaques 4 livres 4 sols par toise de mur. |
| 1457-58, Comptes. — Livré à Me Jaques de Brissannaz en déduction de ce qui lui est dû pour faire le mur derrière et achever celui devant l’ale de la Palud 15 livres. |
| (Onze autres payements, au montant total de 80 livres.) |
| A Me Pierre Bricolin pour 120 livres de fer employées aux portes…. pour 47 livres de fer, etc. |
| Pour les fenêtres du mur postérieur de l’ale de la Palud, 20 sols. |
| A deux compagnons qui déblayèrent, au lieu de Vuillerme Canin, qui ne voulait pas déblayer, pour porter le mortier du mur rière l’ale de la Palud 12 deniers. |
| 1459, jeudi avant la Nativité de la Vierge (6 septembre). Comptes. — Livré à Me Jaques de Bressannaz, tuilier, pour complément du prix de la tâche du mur postérieur de l’ale de la Palud, soit 26 ¼ toises de mur à 4 livres 4 sols l’une, montant au total à 110 livres 5 sols, soit pour solde 25 livres. |
| 1459, mercredi après la Saint-Gall (17 octobre). Manuaux. — Me Jaques Brissannaz demande 15 sols pour faire le mur de 4 ½ pieds en longueur de l’ale de la Palud, le mur de 3 ½ pieds devers /271/ Girard Devanthey 1 et le mur de 3 ½ pieds en largeur de la dite ale. |
| Antoine Rivet, tuilier, demande 36 sols pour recouvrir la voûte d’icelle. Me Jaques demande 12 sols pour enlever la terre en la dite ale. |
| 1459-60. Les comptes manquent. |
| 1460-61, Comptes. — Livré à Me Jaques Brissannaz et à Ant. Rivet pour la tache du mur du milieu de l’ale de la Palud et aussi le mur de dite ale du côté de Girard Davanter jusqu’au mur du milieu où sont les arcs, 28 toises. 42 liv. |
| Au dit Me Jaques Brissannaz pour tâche du mur antérieur de la dite ale 29 liv. |
| A Jean Bonetaz pour deux serrures (clavibus) de fer pesant 64 livres, dont l’une est mise au mur de l’ale de la Palud nouvellement construit (avec porte) du côté de Girard Davanteir et l’autre est à la tour de Saint-François 42 sols, 8 deniers. |
| 1461-62, Comptes. — Livré aux maçons qui posèrent les armoiries (armorum) de la ville, en pierre, au mur antérieur de la ville, avec les ferrures 21 sols, 16 deniers. |
| Livré à Me Guillerme Hombert, maçon, qui corrigea sur la pierre l’armoirie (alma) de la ville posée en l’ale de la Palud, pour trois journées 7 sols, 6 deniers. |
| 1462-63, Comptes. — Rien de notable. |
| 1463, mercredi après Judica me (30 mars), Manuaux. — Le maçon demande au Conseil 40 sols pour élever le mur d’entre l’ale de la Palud et la maison de Guillaume Canin 2 jusqu’à la hauteur du couvert à faire sur la dite hale. La ville paiera la moitié et Canin l’autre moitié. |
| 1463-64, Comptes. — Reçu de Claude Guerraz pour les dépouilles du vieux toit de l’ale de la Palud à lui vendu 55 sols. |
| Suivent ceux qui prêtèrent au compte prédit pour l’ale de la Palud : Jaques de Cojonay prêta 6 écus, Henri Joutens 6 écus, Arthaud Loys 2 écus, Jaques Rolier 6 écus, Jean Perrin 3 écus, Humbert Gimel 6 écus, Jean Perrewyt 2 écus, Vuillerme Canin 2 écus, Jean Blanchet 1 écu, Antonin Morel 3 écus, etc. Total 43 écus, soit 51 livres, 12 sols. |
| /272/ Livré à Me Etienne Demont et à Vullierme Canin pour sept toises et demie de mur fait par le dit Vullierme ad rax terre au mur de de l’ale de la Palud du côté antérieur, du milieu du dit mur 7 livres. |
| Livré à Me Pierre Grand et à Antoine Rivet, maçons, en déduction de la tâche du mur de l’ale de la Palud entre Girard Devanthey et la dite ale (en huit fois) 88 livres. |
| A Pierre Basset, en déduction du marrin livré (en trois fois) 60 livres, 4 sols. |
| Au même qui fit cent poutres (trabes) aux Râpes pour la prochaine trabature de l’ale de la Palud 11 livres, 5 sols. |
| Pour amener du marrin du Jorat 12 livres. |
| Pour un angon fait par Pierre Bricolin et placé en une fenêtre faite au mur de l’ale de la Palud du côté de Girard Devantey 2 sols. |
| A Pierre Grand et A. Rivet pour embochier (crépir) les poutres de la charpente de l’ale de la Palud 16 sols. |
| Livré pour quatre journées aux charpentiers qui divisèrent les lans (ais) de l’ale de la Palud, firent les meses de la dite ale, refirent la cheneau sur le toit derrière et près de la votas (voûte) de la dite ale 18 sols. |
| Livré pour les dépenses faites en la maison de François Orgellet par les charretiers qui amenèrent des poutres du Jorat et les posèrent à Saint-François pour l’ale de la Palud 31 sols. |
| 1464-65, Comptes. — Livré à Claude de la Cre pour amener du marrin de Rive (d’Ouchy) à la Palud, soit 92 poutres et 6 douzaines de lans 66 sols. |
| Au charpentier qui posa ce marrin 3 sols. |
| Au charpentier qui fit loz lane du toit de la Palud 3 sols. |
| A Pierre Grand et à Antoine Rivet, maçons, en complément de ce qui leur est dû pour la tâche du mur de l’ale de la Palud du côté de Girard Devanthey, pour 60 toises et demie de mur, tâche montant à 155 livres et 4 sols 67 livres, 18 sols. |
| A Me Perrod Carrel et à d’autres à leur retour d’Yverdon, le dimanche avant la Saint Jean-Baptiste (juin) pour faire la ramure et la trabature de l’ale de la Palud 13 sols, 6 deniers. |
| A Me Perrod Carrel, Pierre Tissot, Aymont Bactaliar et Claude /273/ Guerra, charpentiers, en déduction de la tâche du toit de l’ale de la Palud 18 livres. |
| Au charpentier et à trois compagnons qui posèrent un poentulaz au mur de l’ale de la Palud du côté postérieur vers les latrines et pour une pièce de chêne pour faire les chevilles 5 sols. |
| Pour repas en la maison de Girard Daux à l’occasion du marché fait avec Me Antoine Rivet pour façon de tout le mur en hauteur autour (circumcirca) de l’ale de la Palud 6 sols. |
| A Antoine Rivet pour le mur de l’ale, du milieu 25 livres, 10 sols. |
| A Me George du Crest et d’autres pour faire la trabature de l’ale de la Palud 16 livres. |
| A Pierre Bricolin pour 48 chevilles pesant 63 livres de fer employées en la ramure au toit de l’ale de la Palud 41 sols. |
| A Guillaume Charron pour une ballons de clo lactent (clous de laiton) pour le toit de l’ale de la Palud 53 sols. |
| A Pierre Bricolin pour deux banderettes à poser sur les pomels de l’ale de la Palud 40 sols. |
| A Me Robin pour la peinture des dites banderettes 20 sols. |
| 1465-66, Comptes : — Reçu de Me Ambrojo et Me Jaques Brisannaz 8000 tuiles pour être mises au toit de l’ale de la Palud. |
| Livré à Me Antoine Rivet, maçon, pour sept toises et demie de mur par lui faites en l’ale de la Palud, à savoir quatre toises devans et derrière en hauteur les murs de la Palud et trois et demie toise au mur des travées de la trabature et aussi au mur du milieu 15 livres. |
| A Me Antoine Rivet qui construisit en tâche les chymina de l’ale de la Palud 67 sols, |
| et une veste tant rouge que blanche. |
| A divers pour huit pièces de poutres pour lez closelement en l’ale de la Palud et les amener depuis Rive 22 sols. |
| A Rolet Beneton, Pierre Perret et Henri de la Mottaz pour faire les degrés de l’ale de la Palud 17 livres. |
| A Perrod Carrel, Pierre Tissot, A Bactaliar et Claude Guerra, charpentiers, pour la couverture de l’ale de la Palud 19 livres, 4 deniers. |
| Pour réparer les trabatures des stuphes tant inférieure que supérieure /274/ de la maison au-dessus de l’ale de la Palud et qui laissaient entrer la bise, pour réparer le fornel, etc. 72 sols. |
| 1466-67, Comptes, manquent. |
| 1467-68, Comptes. — Livré à Guillaume Daux pour 150 clous de trois deniers et 100 clous de quatre deniers mis tant en la stupha de l’ale qu’aux degrés et à la porte de la cuisine et aussi à la trabature dessus la salle (aula) 6 sols. |
| A Pierre Bricolin pour deux apis de fer et deux chevilles de fer posés aux degrés de l’ale de la Palud, pesant quatre livres 2 sols, 8 deniers. |
| A Gabriel, tuilier, pour 2000 carrons mis à la pariete (paroi) de la cuisine 60 sols. |
| A Mermet du Boz pour quatre lans pour faire la porte au-dessus des degrés de l’ale de la Palud 4 sols. |
| A un maçon lombard qui maçonna autour de la trabature supérieure de l’ale de la Palud 2 sols, 6 deniers. |
| A G. de la Fontainaz pour quatre journées pour faire la couverture de degrés de l’ale de la Palud, 12 sols. |
| A Claude Guerraz, charpentier, pour quatre journées de travail à la trabature inférieure de la cuisine de l’ale de la Palud et pour faire les parois de la cuisine 11 sols. |
| Pour huit chevrons mis à la maison de l’ale de la Palud pour faire les parois 7 sols, 6 deniers. |
| Au maçon lombard qui mit la trabature de la cuisine 4 sols. |
| A Me Pierre Grand, maçon, pour tâche de la cheminée (caminiale) de l’ale de la Palud 24 livres. |
| A Jean Gubet pour amener du sel de Rive à la maison de la Palud (où était le dépôt pour la vente au public) 4 sols, 6 deniers. |
| A Guillaume Daux pour 200 clous blancs mis en la porte de la stupha de l’ale de la Palud et un cent de gros clous pour la trabature au-dessus de la stupha et au toit autour de la cheminée 10 sols. |
| A Antoine Rivet pour deux pots d’huile, une livre de cole, deux livres de arcannat (terre rouge) et deux quarterons de vin rouge employés en la cheminée de l’ale de la Palud 9 sols. |
| Pour amener des pierres de la pierrière du Pissiour à la maison /275/ de l’ale de la Palud pour la cheminée de la dite maison 24 sols. |
| A Antoine Rivet pour deux journées pour faire le plâtrage (plastrando) des degrés de l’ale de la Palud et aussi en l’aula 6 sols. |
| Pour trois rames de papier pour les fenêtres de la stupa 6 sols. |
| A Gabriel, tuilier, pour 1150 carrons posés en la cuisine de la maison de l’ale de la Palud et employés tant aux parois que pour paver soit carronner la dite cuisine 28 sols. |
| A Gabriel, pour 5000 carrons pour paver l’aula de l’ale de la Palud 7 livres. |
| Pour vingt coupes de plâtre pour les parois de la maison de la Palud 20 sols. |
| Pour amener du platrot de Rive du lac 2 sols, 6 deniers. |
| Au religieux frère P. de Palésieux qui fit les fenêtres de la maison de la Palud pour sa peine et son huile 2 sols, 6 deniers. |
| Pour trois rames de papier mises aux dites fenêtres 3 sols. |
| Au charpentier pour poser les boudrons (fourrons minces) en la stupa de l’ale, une poutre en la dite, et pour faire deux enchevêtrures pour la cheminée de la dite maison 59 sols. |
| A Me Jaques, tuilier, pour un millier et demi de carrons employés pour faire le parement de la stupa 25 sols, 3 deniers. |
| A Claude Guerra, charpentier, pour deux journées, tant pour faire loz cindroz de la cheminée, que pour poser un millier de tavillons 4 sols, 6 deniers. |
| A Me Robin, serrurier de Jognyr, pour une pièce de fer pesant 107 livres posées à la cheminée de la maison de l’ale 33 sols. |
| Cette pièce fut mise à un angle et l’on dépensa pour la plomber, 8 livres de plomb 8 sols. |
| Pour deux muids de plâtre pour blanchir l’aula 24 sols. |
| A Pierre Grand et à Me Gaspard pour un repas qui leur fut donné quand ils posèrent les pierres du fornel de la stupa de l’ale de la Palud 3 sols. |
| A Gaspard catellier pour prix du fornel de la maison de l’ale de la Palud 9 livres, 12 sols. |
| A Claude Guerra, pour huit journées pour faire les escabeaux (scanna) de la stupha 22 sols. |
| A Gaspard pour composition du prix dudit fornel et pour couleurs mises au dit fornel 32 sols. |
| /276/ A P. Bricollin pour garnir de fer le fornel, tant pour apis que pour d’autres ferrures, le tout pesant 9 livres de 8 deniers 6 sols. |
| A Etienne Demont pour deux pierres pour estrabliment du fornel (ce sont les pieds) 8 sols. |
| A Jean Genatroz pour une mese (banc) mise en la stupa et pour trois paires de trabichets (chevalets) 36 sols. |
| A Claude Guerraz pour les piliers de l’ale 18 sols. |
| A Antoine Guibaud pour loz chapitel des dits piliers 14 sols. |
| A Me Jaques, sculpteur, (scisori ymaginis) pour son travail aux piliers de l’aula de la maison de l’ale 72 sols. |
| A Rod. Rosset, favre, pour faire la grande barre de fer posée au mantel de la cheminée, placés dix autres pièces de fer et employé huit clous chapelluz longs d’un demi-pied. 3 sols, 4 deniers. |
| A Me P. Bricollin pour huit éparres fretisset avec quatre gonds posés aux fenêtres de la maison de l’ale 6 sols. |
Nous pourrions multiplier les citations, mais les extraits ci-dessus suffisent, nous semble-t-il, pour avoir une idée assez précise, sinon complète, du travail accompli de 1457 à 1468. Résumons maintenant les indications qu’ils contiennent.
Ces comptes présentent la construction de la maison de ville de la Palud comme ayant été faite par petites bouchées. Le motif de cette lenteur nous est inconnu. Est-ce le manque d’argent, est-ce le défaut de plan ? Nous ne savons. Cependant peu à peu la construction se précise. Ce que l’on refait, ce n’est pas la halle aux blés édifiée en 1415, car en 1470 encore, le charpentier Guerraz en répare le toit. Tout au plus cette halle est-elle annexée au bâtiment nouveau. Un compte de 1492 parle des meses soit bancs qui se trouvent dans l’aile ouest de la halle de la Palud.
Ce qui vient d’être refait, c’est la halle principale construite en 1407 au lendemain de l’ordonnance de l’évêque /277/ Guillaume de Menthonay. En 1453-1454, les travaux commencent. On répare l’édifice ancien, puis on construit une annexe voûtée sur le derrière dont le mur de fondation a 4 pieds, soit 1 mètre 30 d’épaisseur, à raz de terre, et en même temps un autre mur donnant sur la place et sur lequel on applique en 1461 les armes de la ville; enfin trois autres murs verticaux, l’un au milieu de la construction, le second mitoyen avec la maison de Guillaume Canin, le troisième du côté de la maison de Girard Devanthey qui jouissait depuis avant 1445 déjà d’un droit de passage sous la halle. Le même Girard loue à la Commune dès 1463 une croste ou cave sous la halle.

L'Hôtel-de-Ville de la Palud
Les voûtes de la halle
Tiré de Doumergue, Lausanne au temps de la Réformation
Les bases assises, on se décide à surélever l’édifice, à construire des chambres sur la halle. On n’occupe pas pour cela toute la surface de cette dernière, car, en 1464, avant que le nouveau toit de la maison de ville fût édifié, on réparait un toit situé derrière, près de la voûte. Celle-ci était peut-être l’annexe construite en 1459. En 1463, on vendit les vieux toits de la halle, les maçons surélevèrent les murs, les charpentiers dressèrent la ramure. En 1465, l’édifice était sous toit, l’on posait et peignait les banderolles des pommeaux d’étain qui couronnaient l’édifice. En 1468 enfin, on parachevait l’intérieur.
La maison de ville ainsi édifiée comprenait une grande salle, que les comptes appellent l’aula ou la sale, et où siégèrent plus tard les Deux-Cents, la stupha ou poëlle où se réunit le Conseil des Soixante, une cuisine avec un retrait, petite chambre que l’on édifia derrière en 1470. On montait à l’étage par un escalier couvert de tuiles. /278/ Au début, les fenêtres de la stupha n’étaient pas garnies de vitres, mais simplement de papier huilé que l’on renouvelait tous les ans, ce qui coûtait de 3 à 5 sols.
Dans sa description de la ville de Lausanne, Plantin 1 donne de ces salles un aperçu que l’on peut répéter ici :
La maison de ville bastie l’an 1454, dit-il, ne paraissoit pas beaucoup au dehors et n’etoit pas guere spacieuse; la sale d’entree ou s’assembloient les Deux cents etoit fort obscure; au-dessus des fenestres etoient les armes de plusieurs esveques, mais en partie effacees, de meme que certaines vieilles peintures avec divers ecriteaux en lettres gothiques qu’on voyoit es murailles d’un cote et d’autre. On y remarquoit encore l’empereur Sigismond a cheval. En un coin, il y avoit de grandes urnes et de diverses formes pendues. Des cette sale on entroit au poyle du Conseil, qui etoit assez joli et en la chambre qu’on appelle des soixante. Au dessous de la maison estoyent les hasles et les mesures du bled.
La description de Plantin est intéressante par ce qu’elle dit des peintures qui datent certainement de la période épiscopale. Les comptes ne font pas mention de ces peintures, ce qui peut s’expliquer par le fait que nous n’en avons pas la série complète.
Cependant, nous trouvons dans les comptes, au moment de la reconstruction du milieu du seizième siècle, l’intéressante notice suivante, qui pourrait se rapporter à la peinture de l’empereur Sigismond.
| Ay delivre pour de la toelle pour garni lymage de lenpereur du roy Roh. et ad maystre Guillaume Barge pour le colle et ad maystre Jacque le menuisyer pour poser les lectes pour tenir la dicte stature donne ( ?) en la mayson de la ville de la mayson de Monsr de Monrechyr Mons Amye Ravyer le IX de decembre 1555 1 fl. 6 gr. 2 |
/279/ Au surplus, le mobilier de la maison de ville était assez pauvre. Voici ce qu’énumère un inventaire dressé en 1470 par les prieurs ou syndics Pierre Choux et Victor Gautey. Il y avait dans la stupha quatre grandes semesses d’étain aux armes de la ville, une table avec six trabichets et des bancs, une arche ferrée avec clef, contenant un certain nombre de documents. Dans une armoire, étaient les comptes de la ville avec deux livres de manuaux et des actes de procès 1. Mais les archives principales de la communauté étaient conservées dans le couvent des Dominicains de la Madeleine, où elles étaient déjà au commencement du siècle. Les bourgeois les croyaient là en sûreté. Cependant les troupes bernoises et fribourgeoises qui pénétrèrent dans la ville en 1476 après la défaite de Charles le Téméraire les ouvrirent, les pillèrent et brisèrent les sceaux des lettres impériales. L’arche fut apportée à l’Hôtel-de-Ville en janvier 1477, mais elle réintégra trois ans plus tard le couvent des Frères Prêcheurs.
La maison de ville achevée, le Conseil la loua le 2 novembre 1468 à Claude Dupont et à Bérard Curnilliat, avec une des caves, pour une année, au prix de 6 florins p. p. plus un écu de Savoie pour les vins, à condition, entre autres, qu’ils n’y tolèreront pas de cris et de jeux déshonnêtes, qu’ils ne feront pas de lits dans la salle du Conseil et qu’ils chaufferont cette salle quand on l’exigera. Si nous comprenons bien cette disposition, le Conseil voulait utiliser la maison de ville pour une hôtellerie. Heureusement ce projet ne paraît pas avoir eu de /280/ suite. Du moins n’avons-nous trouvé dans les comptes aucune indication du prix de location. La ville se borna à renouveler l’amodiation des halles, et à louer les caves. L’une des caves était réservée à Girard Devanthey. Deux armarium que l’on appellera plus tard citernum ou caves furent louées en 1470 à un vitrier de Bavois au prix de 8 sols, en 1481 à Pierre Aubert, Léger Cathelan et Pierre Herni de Bavois pour 12 sols, en 1509 à Ysbrand Daux, hôtelier, et à Rodolphe Daux pour 30 sols 1. Ces caves se trouvaient au pied de l’escalier couvert.
Cependant, comme il fallait entretenir la maison de ville, le Conseil finit le jeudi après Pâques 1483 par en charger l’un des constructeurs, Antoine Rivet, devenu inspecteur de travaux. Rivet devait chauffer tous les jours d’hiver la salle du Conseil et garder le secret sur les délibérations. Il devait en outre diligemment visiter et faire les travaux et réparations nécessaires de la commune. Comme salaire, il recevait le logement à la maison de ville, une pension de 30 sols, une robe aux couleurs de la ville, ainsi que le prix de ses journées de travail, à raison de 3 sols et demi pendant l’été et de 3 sols pendant l’hiver; plus 3 et 2 sols et demi pour son aide.
Le but essentiel pour lequel cette maison avait été construite était de permettre au Conseil de tenir séance dans ses meubles. Elle fut utilisée dans ce but dès 1461 déjà; on voit en effet que les comptes de l’année précédente furent vérifiés dans la maison de ville de la Palud. /281/ Le 23 janvier 1469, les quatre bannerets de la ville inférieure furent élus « dans la stupha de la maison de ville sur l’ale de la Palud. » Le Conseil paraît avoir siégé dès lors régulièrement en cet endroit 1.
Le Conseil tenait d’autant plus à avoir sa maison de ville propre que les relations de la Communauté avec l’évêque se tendaient davantage depuis la mort de Georges de Saluces, survenue le 1er novembre 1461. La ville avait été fort mêlée à l’élection de son successeur Jean Michel, et après l’assassinat de ce dernier en 1466 avait pendant deux ans refusé de recevoir Guillaume de Varax. Cependant, la ville paraît avoir entretenu de bonnes relations avec les administrateurs épiscopaux qui suivirent, mais elle se brouilla net avec l’évêque Benoît de Montferrand. La situation devint rapidement très tendue. Il y eut des excès de part et d’autre. En 1480 les bourgeois allaient faire l’assaut du château Saint-Maire, tandis qu’ils mettaient des gardes jour et nuit à la maison de ville de la Palud pour empêcher toute attaque de la part des officiers épiscopaux.
Ces conflits précipitèrent l’union de la communauté inférieure avec la bannière de la Cité, union qui fut proclamée le 9 juillet 1480 à la maison de ville de la Palud. Les magistrats firent un banquet et le peuple alluma des feux de joie sur la place pour célébrer l’évènement. Le 5 novembre 1480, les conseils et le peuple réunis dans la stupha de la maison de la Palud maintinrent solennellement /282/ l’union qui fut finalement scellée par le traité du 6 juillet 1481.
Par cet accord, la maison de la Palud était proclamée le siège des autorités locales; on disait bien, à la vérité, que si une maison plus convenable pouvait être construite à la Cité, ce serait celle-ci qui serait l’Hôtel-de-Ville. Mais c’était là une promesse en l’air. Les magistrats de la ville inférieure qui venaient de remporter la victoire, entendaient bien demeurer à la Palud. Les comptes communaux, tout arides qu’ils soient, se font eux-mêmes l’écho de ce sentiment. Pendant les deux ou trois années qui suivent l’union, il n’est plus question de la « maison de ville sur l’ale de la Palud. » C’est la Maison de la Cité.
Quelques années plus tard, le Conseil affirmait davantage encore la valeur symbolique de la maison de ville. La ville inférieure avait consenti au moment de l’union de 1480 à ce que l’élection des prieurs eût lieu désormais à la Cathédrale. Une génération respecta cette promesse. Mais en 1500, la communauté décida qu’elle n’était pas tenue à cette obligation, qu’à l’avenir l’élection aurait lieu à la maison de ville, mais que, par gain de paix, les prieurs iraient prêter serment à la Cathédrale. Cependant, en 1502, on revint à la Cathédrale pour l’élection. Puis la maison de ville reprit le dessus. Pendant cinq ou six ans, on alterna une année à la Cathédrale, l’autre à la Palud. Enfin, dès 1510, l’élément civil l’emporta, l’élection se fit dès lors constamment à la maison de ville, et même les prieurs y prêtèrent serment séance tenante en mains du secrétaire du Conseil, au lieu d’aller jurer devant les chanoines à Notre-Dame. Aux termes de /283/ l’acte d’union, les chanoines et le clergé devaient participer à l’élection des prieurs. Ils n’exercèrent ce droit que lorsque la cérémonie eut lieu à la Cathédrale et s’en abstinrent toutes les fois qu’elle eut lieu à la Palud.
Pendant toute cette période, les comptes — qui font défaut en 1470-71, 1473-75, 1480-81, — ne mentionnent que des réparations peu importantes. En 1476, les soldats bourguignons qui campaient à Lausanne, envahirent un jour (20 mars) les halles de la Palud et en démolirent les bancs. On pendit les meneurs, et la ville dut payer dix-huit journées d’ouvriers, en outre des fournitures, pour réparer les meses. Les comptes mentionnent en outre en 1476, la mort de trois personnes aux halles.
En 1484, Barthélemy Rosset, peintre, refit la peinture de l’aula, mais nous ne savons pas de quelle nature était cette peinture.
Les comptes de 1486-1487 indiquent qu’on paya 6 deniers aux ouvriers qui portèrent les grosses pièces tant les bombardiers que les canons existant en la maison de ville de la Palud jusqu’à la tour Saint-Maire. Ces pièces furent remplacées quatre ans plus tard, par un bombardier et deux canons appartenant à la ville et qui se trouvaient depuis la guerre de Bourgogne au château Saint-Maire. La ville profita en 1491 de la vacance du siège épiscopal, après la mort de Benoît de Montferrand, pour les reprendre le jeudi après l’Ascension.
Ce que les comptes du XVe siècle, et plus tard encore, montrent de plus caractéristique, ce sont les libations. qui suivent presque toutes les réunions du Conseil. Les magistrats ne se déplacent pas sans passer à l’auberge. Lors des négociations avec l’évêque relatives à l’union /284/ des deux villes, on les voit festoyer dans presque toutes les auberges de la ville : en Bourg à l’Ange, au Lion, à la Tour Perse ou à la Fleur de Lys; à la Cité, à la Croix Blanche ou à l’Abbaye des bourgeois, auberge qui ne conserva ce nom suggestif que pendant cette période orageuse.
A l’Hôtel-de-Ville même, de pareils repas étaient fréquents. Nous ne citerons que l’exemple que voici emprunté aux comptes de 1497 :
| Livré le dimanche après la Saint-Barnabé, que toute la communauté fut convoquée en la maison de ville pour fait de la détention des hommes d’Essertes, pour 20 pots de vin donnés à la prédite communauté 8 sols 4 deniers. |
| Le même jour, pour 24 gatellets achetés dans la maison de Me Janin, pâtissier 2 sols. |
On se réunissait à l’Hôtel-de-Ville pour d’autres événements encore. Voici celui que mentionnent les comptes de 1503-04 :
| Livré pour repas aux syndics et aux banderets qui allèrent de nuit quérir Fr. Palmeri, vice-inquisiteur [au couvent des Domininicains de la Madeleine] au sujet de certaine lettre affichée à la porte de l’église cathédrale de Lausanne, concernant la recherche d’hérétiques en la ville de Lausanne, et pour repas au Fr. Palmeri, qui vint de nuit avec d’autres religieux à la maison de ville 28 sols. |
En 1508, le samedi après la Nativité de la Bienheureuse Marie, le Conseil paya le repas de quatre hommes qui gardèrent la nuit la maison de ville lorsque les Allemands (les troupes confédérées) se rendirent à Chambéry. L’année suivante, on amena à la maison de ville deux individus suspects qui rôdaient la nuit dans la ville. Nous savons en effet que l’une des caves servit de prison jusqu’après la conquête bernoise. /285/
Les seules réparations importantes effectuées à la maison de ville de la Palud pendant cette période furent en 1501 le remplacement du papier huilé des fenêtres de la stupha par des « verrières ». La dépense fut de 19 livres, ce qui nous fait supposer qu’il ne s’agit pas de simples vitres, mais de vitraux armoriés. D’autres vitraux furent faits en 1528 par un verrier de Berne que l’on croit être Hans Funk. C’est du moins l’opinion de M. P. Ganz, qui en juge d’après d’autres œuvres de ce peintre verrier. Les manuaux du Conseil de Lausanne ne disent rien à ce sujet. Dans les comptes de 1527-1528 on lit « Le dimanche avant la fête de Sainte-Catherine, les syndics et gouverneurs ont livré à Claude Martyn pour avoir porté à Berne certaines lettres à un verrier qui a fait les vitraux qui doivent être posés aux fenêtres de la maison de ville de la Palud. »
En 1504, on enleva définitivement les archives de la ville du couvent de la Madeleine et on les plaça dans une cave (armarium) sous les degrés de la maison de ville de la Palud. Le travail fut assez important : il nécessita quatorze journées de maçons pour « murer » la cave, vingt journées de serrurier, ainsi que 60 livres de tholes (plaques) de fer pour la porte et 9 livres de plon employées au « mur de la porte pour terminer les verolieres. » En 1513, on mit à la stupha un candélabre qui coûta 58 sols, excepté les torons qui furent donnés par D. Benoît Ravier, docteur en médecine. On garnissait le candélabre de chandelles qui coûtaient 20 deniers la livre. La dépense était le plus souvent payée immédiatement. Ainsi, en 1517, on paya 10 deniers pour « une demi-livre de chandelles brûlées en la maison de ville de la /286/ Palud le samedi veille de la Toussaint pendant la tenue du Conseil et du rière Conseil. »
Le dimanche 14 novembre 1529, le Conseil décida qu’à l’avenir aucune noce et aucune assemblée de confrérie ne feraient de repas dans la maison de ville, mais bien dans l’hôpital de la Vierge Marie. Cette ordonnance ne visait pas le Conseil lui-même, car immédiatement après, nous le voyons dépenser 7 florins pour « repas en commun au Conseil en la maison de ville » et c’est par un repas que, le 22 janvier 1537, le Conseil célébra l’avènement du nouveau régime, issu de la conquête bernoise. Le 16 avril 1551, on paya à un aubergiste 14 florins 7 sols 3 deniers pour un banquet donné en la maison de ville aux « magnifiques commis de Berne et de Genève, » plus 4 florins 1 sol et 6 deniers pour la pâtisserie.
IX
La construction du passage voûté.
L’Hôtel-de-Ville est à ce moment vieux d’un siècle. Il va subir une nouvelle transformation. Le dimanche 6 juillet 1550, le Conseil des Deux-Cents ordonna entre autres que l’on ferait en la maison de ville unaz crostaz où l’on déposerait les droits de la communauté. Cependant, on commença par un autre travail, la transformation de la sale, qui est probablement la grande salle des Deux-Cents. Nous relevons dans les comptes les dépenses suivantes :
| 1551, 12 septembre. — A Rollet Tissot pour deux journees par luy faictes en la crota dessoubz la maison de ville. 10 s. |
| /287/ 1551, 21 octobre. — Ay delivre ad Mychel Janin pour netoyer tout le lon des alles de la Pallu et vers le retrayt et aussi la terre tout le lon des degres a cause de la venue de nous souverens seigneurs messrs de Berne qui fyrent assenble messrs les LX et Deux-Cents pour leur exposer la charge de la part de nous souverens seigneurs de Berne (Voir Manuaux, M. D. S. R., IIe série, t. 1er, p. 132.) 4 gros. |
| 1552, 23 février. — Livre a Me Jaques, le menuisier, pour 8 chaussis de noyer et 8 holietz (guichets de fenêtres) pour poser en la sale de la maison de ville. |
| 1552, 19 mai. — Livre a Me Henry, le pinctre, pour la fasson des fenestres doyllietz de la salle que aussi pour lescusson en toille pincte des armoiries de la ville 12 écus, 1 teston. |
| 1552, 19 mai. — Pour la ferrure et verges pour les oyllyets et fenestres de la sale. |
| 1553. — Livre a Egr. Jaques Bergier a raison d’une fenestre en laquelle a mys les armoiries de Messg. de Lausanne, 5 fl. |
Puis on transforma le rez-de-chaussée de la maison de ville. Voici quelques dépenses :
| 1555, 5 juillet. — Pour troy manouvre les queux…. ont netoye les alles ad cause de fayre la croste pour tenir les titres de la ville 1 fl. |
| 1555, 30 août. — Livre a Nicolas Roche pour dispence faicte chez luy, tant pour la tache des halles de la Pallud que de la murallies des Estuves 3 fl. 5 s. 6 d. |
| 1555, 30 août. Livre a Jaques Perrin pour cinq journees en porter des pierres du jube de la Magdeleine aux hales de la Palud. 1 fl. 8 s. |
| (On paya à divers pour le même travail 38 fl.) |
| 1555, 18 septembre. — A Nicolas Roche pour le gouster de cinq personnes qui s’aydarent remuer le grand buffet et les pierres de la cuisine de la maison de ville 1 fl. 2 s. |
| 1555, 21 septembre. — Pour quatre fayt de millot pour fayre le cyndro dessus la terre de la petite croste desoz les degres aux alles de la Palu 5 gros. /288/ |
| 1555, 28 septembre. — A Jehan Lanoz pour VII c. de arene menes aux halles de la Pallud pour la crotte 5 fl. 3 s. |
| 1555, 2 octobre. — A Nicolas Roche pour dispence par les chapuis et massons par luy soubstenues que decouvrirent la tralleison de la cuisine de la maison de ville en la Palud que raisser les trabes et retenir la traleyson et porter le marrin dessus Saint-François. 1 fl. 4 s. 6 d. |
| 1555, 6 octobre. — A Michel Janin et Jaques Perrin pour chacun V journees tant en porter de terre que million pour la crotte 3 fl. 4 s. |
| 1556, 11 janvier. — A Claude Serrallie, Michel Janyn et Jehan Bovard pour chacun quatre journees faictes tant en lever les carrons que tirer la terre de la cusine de la maison de ville en la Pallud 4 fl. |
| 1556, 11 janvier. — A Nicolas Roche pour le souppe de quatre massons faisant la crotte des alles de la Palud 2 fl. 4 s. |
| 1556, 5 mars. — Pour cent clo de quatre sous le cart delivre ad maystre Cristin Flori pour sarre des peti plochet dessus les cindre de la croste des alles de la Pallu les queux estoen tropt estroyt 6 gros. |
| 1556, 30 juin. — Pour des clo pour sarre les esparres et sarrure de la petite croste aux alles de la Pallu 3 gros. |
| 1556, 7 juillet. — A Nicolas Roche (aubergiste) pour le souppe de huict personnes tant massons que manouvriers acheve la grand voste des asles de la Palud 1 fl. 8 s. |
| 1556, 11 juillet. — Pour trois cents de sablon pour les asles de la Palud que pour les vostes 1 2 fl. 3 s. |
| 1556, 29 octobre. — A Jaques Mayet, serrurier. pour la fasson du poix des hales de la Palud 55 fl. |
| 1556, 17 decembre. — Pour des clo pour sarre les esparres du buffet de la croste des alles de la Pallu 3 gros. |
| 1556, 21 décembre. — Pour une barre de fer pesant 40 livres pour achever les portes de fer de la crocte des asles 3 fl. 10 s. 8 d. |
| /289/ 1557, 19 mars. — Livre a Nicolas Roche pour le gouster des massons et maistre Henry François pour avoir acheve la crotte close et le dit maistre Henry avoir portraict les dicts a lentour des escussons de la ville 1 fl. 4 s. |
| 1557. — Pour 400 tuiles plates, 500 carrons et 100 chapperons pour la croste des asles de la Palud et le moulin de Pepinet 14 fl. 9 s. |
| 1557. — Six bossets de chaux pour les vostes de la Palud 19 fl. |
| 1557. — Pour toutes ferrures et serrures estant es buffet que portes de la dicte crocte des dictes asles 36 fl. |
| 1557. — Pour 9 tolles blanches pour poser autour du lovyuz de la maison de ville de la Palud 3 fl. 4 s. 3 d. |
Et l’on revint à l’étage.
| 1557, 15 mai. — Livre pour trois chers de lans achete pour faire le plancher de la sale de MM. les LX en la maison de la Palud 13 fl. |
| 1557, 29 mai. — Pour deux giectes et deux chevrons pour faire les parois en la maison de ville pour le poyle des LX 50 fl. |
| 1557. — Livre a Me Jaques Gavel, chapuys, pour quatre journees de luy et de ses serviteurs XVIII et pour cinq serviteurs une journee tant en faisant que posant les cindres et rejoindre le planchy du poyle des LX 11 fl. 7 s. |
| 1557.— Pour couper les plattes et les poser dessous le pey des asles de la Palud 2 fl. 6 s. |
A cette occasion, le Conseil ordonna le 12 octobre 1557 « que le bornel neuf de la Pallud debge estre pose au lieu des mesures, et que les mesures soient posees dessoubz les ales de la maison de ville pres de laz maison de Johan Paris ». Rappelons que la halle aux mesures - dont on avait refait en 1504 les quatre piliers de pierre surmontés d’un chapitel aux armes de la ville - était au XVIe siècle sur l’emplacement de la fontaine actuelle. Le travail fut exécuté. En septembre 1558 on paya 10 florins 3 sols au charpentier Jaques Gavet qui avait abattu la halle aux mesures. L’établissement du /290/ bornel ou de la fontaine neuve dura jusqu’en 1561, et l’on construisit en même temps le pilier qui servit de pilori jusqu’au XVIIIe siècle.
On voit par ces quelques extraits que les transformations de la maison de ville furent importantes.
Les textes nous montrent tout d’abord que l’on refit le plancher de la cuisine et de la salle des LX située du côté occidental du premier étage de la maison de ville. En même temps, l’on fit une « crotte » et une « grande voûte ». Enfin, l’on enleva la fontaine qui était près de la maison de ville afin de placer sous les halles, du côté oriental, le poids aux mesures.
Les dépenses portées aux comptes pour ces différents travaux s’entremêlent. Il semble qu’il y ait un rapport entre la réparation de la cuisine et la construction de la crotte. Cependant, nous croyons qu’il s’agissait de deux travaux distincts. La cuisine était, comme nous le verrons plus loin, du côté de la maison Ménétrey, c’est-àdire à occident. Nous croyons que la crotte était à l’opposé. Ce n’était certainement pas une des caves, car en 1564, elle servit de lieu de réunion aux ambassadeurs de Genève auxquels on n’aurait pas osé donner un souterrain. Pour nous, c’est le local voûté qui sert aujourd’hui au médecin de la direction des écoles, à l’angle sud-est du rez-de-chaussée, et qui se marque sur la façade méridionale du bâtiment par une double-fenêtre grillée.
Plus épineuse est la question de la construction de « la grande voste des ales de la Palud ». On dit aussi « les vostes ». Que faut-il entendre par là ? La première pensée qui vient à l’esprit, est qu’il s’agit des halles /291/ proprement dites. Cependant, il faut se souvenir que leurs piliers soutenaient l’étage des salles des Conseils et qu’il devait être difficile de les refaire sans ébranler cet étage. Car le travail dut être considérable. Les pierres nécessaires ne furent pas seulement amenées de l’église de la Madeleine, dont on détruisit le jubé, mais encore des carrières du Pissiour et de Chaucrau, et même de la porte de la Barre et du belluard (ouvrage de défense) d’Etraz. Il ne s’agit donc pas d’une simple réparation, mais d’un travail plus étendu. D’autre part, il est caractéristique qu’on ne mentionne aucune réfection des piliers.
Aussi croyons-nous que la grande voûte dont il est question n’est autre que la partie inférieure du passage voûté actuel. Nous avons vu plus haut qu’en 1461, la ville avait eu affaire avec un certain Girard Devanthey, cordonnier. Ce dernier possédait une maison à l’est de la maison de ville, soit sur l’emplacement du passage voûté supérieur. Il possédait en outre une placette derrière cette maison. Il tenait cette propriété d’un Jean Trolliet et auparavant d’un Girard Dunant, lequel en 1445 déjà était en différend avec la communauté, au sujet d’une porte qu’il avait pratiquée pour aller de sa placette sous la halle. Lorsque la ville édifia la maison de ville, elle gêna Girard Devanthey dans l’usage de son bien, et le cordonnier en profita pour réclamer, à titre de dédommagement, la reconnaissance de son droit de passage.
Le mercredi après la Saint-Jean-Baptiste 1461 1 , le notaire Arthaud Loys enregistra un accord aux termes duquel Jean Musy, coprieur de la ville inférieure de /292/ Lausanne, concédait à Girard Devanthey, « en récompense du dommage fait par les ouvriers de la communauté en fondant et édifiant le mur des crottes de l’alle de la Palud », de pouvoir « faire et construire en fesant le mur de l’alle une bonne et conduete porte de pierre pour entrer et sortir dempuis la petite place dudit Girard dernier sa maison a l’alle de la Palud, et dempuis la dite alle a la dite place, soubs conditions qu’il n’empeschera et qu’il n’occupera le passage public conduisant aux latrines ». Ainsi, il existait un chemin allant, derrière la maison de Girard Devanthey, des halles aux latrines sur le ruisseau. Ces latrines sont mentionnées en 1276 déjà; en 1383, on répare les degrés de bois qui y conduisent; en 1427, on reconstruit cet édicule. Il est donc certain qu’un passage public y menait, peut-être celui dont il est parlé en 1411 dans l’acte de vente de la maisonnette de François Racine.
Ce passage public nous paraît être l’origine du passage voûté inférieur. Prenant depuis le derrière de la maison Devanthey, il devait en effet en occuper l’emplacement. Le droit de passage accordé en 1461 au propriétaire de cet édifice devait avoir son influence sur la structure définitive de l’Hôtel-de-Ville. Il a motivé l’espace libre au milieu du passage voûté et qui se trouve en face et au niveau d’une porte, aujourd’hui murée, que l’on distingue fort bien dans le mur de base est de la maison de ville, à l’entrée du local des archives anciennes. Cette porte, nous semble-t-il, est celle dont la construction fut autorisée en 1461.
En 1555-56, en construisant la « crotte », à l’intérieur même de la maison de ville, mais à son extrémité /293/ sud-orientale, on jugea utile de l’appuyer par un contrefort. Comme ce contrefort ne pouvait s’asseoir que sur le passage public, il prit forcément la forme d’une voûte. En même temps probablement, peut-être aussi en 1620 seulement, on établit sur cette voûte deux petits étages nouveaux.
C’est pourquoi, celui qui étudie attentivement la façade méridionale de la maison de ville s’aperçoit que la partie de l’édifice où nous mettons la « crotte » — représentée par une double fenêtre grillée — est de la même architecture que la voûte, — au-dessus de laquelle est une fenêtre semblable fait corps avec celle-ci, tandis qu’on remarque très bien un raccordement maladroit avec la partie occidentale de la façade plus moderne.
Cependant nous devons dire que le plan Buttet incorpore la crotte au bâtiment principal, tandis qu’il ne met à côté qu’un petit bâtiment sous lequel on a peine à discerner la voûte. D’autre part, le plan Merian, qui est contemporain, rejette complètement la crotte hors de la maison de ville, et la laisse, ainsi que le passage voûté, dans l’ombre. L’un et l’autre plan donnent un escalier extérieur, partant de la troisième arcade, et qui a disparu en 1674, ainsi qu’on le voit par le plan Rebeur. Comment expliquer ces contradictions ? Une première explication que nous pouvons fournir est que ces plans ne peuvent prétendre à une exactitude absolue — la contradiction même le prouve — et qu’il paraît mieux indiqué de tenir compte des indications que nous fournit très nettement l’architecture de l’édifice.
La seconde explication est celle-ci : la crotte a été /294/ construite en même temps que le passage voûté, c’est vrai. Mais la crotte a été prise dans les halles, tandis que le passage voûté s’est appuyé contre elles. De là provient que si l’architecture des fenêtres de la crotte est celle des fenêtres sur le passage, par contre celle des fenêtres au-dessus de la crotte est celle de l’étage qui existait depuis le XVe siècle, alors que le plan Buttet montre de tout autres fenêtres pour l’étage correspondant au-dessus de la voûte. De loin, Merian n’a considéré que la partie inférieure, et a rejeté crotte et voûte hors de la maison de ville, tandis que Buttet, qui travaillait sur place, a été plus exact. Au surplus, Merian s’est encore trompé en dessinant à l’ouest une grande arcade qui n’était qu’un « jour ».
Une autre objection peut être faite. Pourquoi un passage voûté antérieurement avant 1674, puisque le plan Buttet montre que l’on descendait par un escalier de la maison de ville à la place de la Louve ? Ce que nous avons dit plus haut de l’utilité du contrefort répond à la question. Mais pourquoi cet escalier puisqu’un chemin public existait à deux pas ? Peut-être parce que la construction en 1461 du mur oriental ne permettait plus d’utiliser ce chemin autrement que par la porte de Devanthey, ce qui constituait une gêne en dépit du libre accès imposé à ce dernier par la convention. Notons, d’autre part, que le passage inférieur a pu être agrandi en 1674, ce qui expliquerait qu’on le discerne peu sur le plan Buttet.
Quoiqu’il en soit, l’architecture de l’édifice du passage voûté inférieur montre qu’il est antérieur à la transformation de 1674. Elle se lie bien à celle de la crotte construite en 1556, et nous ne trouvons pas mention dans /295/ les comptes communaux d’un travail pareil fait à un autre moment 1.
L’édifice ainsi remanié devait avoir fort bon air, et il était digne d’être le témoin d’un événement historique. On sait que c’est à la maison de ville de la Palud que fut conclu entre « nos redoubtez princes de Berne » et le duc de Savoie le traité du 30 octobre 1564 par lequel ce dernier abandonnait ses droits sur Vevey et Chillon en échange de la restitution des balliages de Thonon et de Ternier et du pays de Gex. On refit à ce moment presque complètement l’ameublement de la salle des Soixante où se tinrent les séances, et l’on emprunta des tapisseries à Mme de Bavois, née Asperlin. M. Ernest Chavannes a donné 2 à ce propos d’abondants renseignements auxquels nous renvoyons nos lecteurs. Relevons cependant deux passages importants des manuaux du Conseil :
Le dimanche au soir (22 octobre), estans mes honores seigneurs assembles environ les neufz heures du soir en la maison de ville de la Palud, ont fut ordonne de serrer toutz les titres qu’estoient epars en leur crocte de la dicte maison et les mectre es armoires qui y sont et les enclorre par bons loquets, pour en ayder de la dicte crocte les seigneurs ambassadeurs de Geneve, n’ayant en la dicte maison aultre lieu plus commode pour eulx qu’en la dicte crocte; pour ce qu’au grand poyle des seigneurs de Conseil estoient les seigneurs arbitres (délégués des cantons), au poyle 3 de la cour des seigneurs soixante étoit pour nos redoubtes seigneurs de Berne, en la grande sale les seigneurs ambassadeurs de Savoye, et la dicte crocte pour les seigneurs ambassadeurs de Geneve. /296/
Le jeudy xxvie du dict mois d’octobre 1564, mes honores seigneurs, estans assembles conclure faire a faire une porte en la maison des hoirs feu seigneur Pierre Menestrey, en la muraille de la dicte maison, joignant la paroy du poyle des seigneurs soixante, pour y entrer par la cuisine pres du dict poyle. Et ce pour accomoder, causant le banquet commun de festin pretendu faire par les seigneurs ambassadeurs de Berne aux seigneurs des Ligues, juges et arbitres, aux ambassadeurs tant de Savoye que de Geneve, dimenche prochain xxixe du dict moys; et ce suyvant le bon vouloir des dictz seigneurs de faire le dict festin en la dicte maison de ville, bien plus commode que aultre part.
Ces deux passages nous renseignent sur le nombre des pièces utilisables pour réunions, et donnent des éclaircissements à propos de la maison Menétrey. Le travail annoncé fut exécuté immédiatement, puisqu’aux comptes nous trouvons à cet effet une dépense de 4 florins. Mais la maison elle-même ne fut achetée que l’année suivante. Le 2 février 1565, le Conseil fut assemblé à l’extraordinaire « pour havoir advis … pour suivre a faire acquisition de laz maison de Sire Jaques Mugnie que fust des Srs Estienne et Pierre Menestrey aupres de laz maison publicque et maison de ville pour l’adjouter a leur maison de ville. Ce qu’a este conclud icelle maison debvoir achetter. » Jaques Mugnier était déjà chargé de l’entretien de la maison de ville, et spécialement du chauffage des deux fourneaux. En 1576 encore, il recevait un /297/ salaire de 40 florins pour la garde des clefs de la maison de ville, et il avait en outre l’usage des crottes. Enfin, il percevait, dès 1558, le revenu des halles dont il versait 30 livres à la ville en 1580.
La maison Menétrey nous est connue. C’était, en 1405, celle où se trouvait le four de noble François de Russin 1. Elle avait été louée dans la première moitié du XVIe siècle à Pierre Menétrey, le premier gouverneur civil de l’hôpital Notre-Dame à la veille de la Réforme, et le gendre de ce dernier, Jaques Mugnier, l’avait achetée en 1545 des Russin. Elle était alors séparée par une ruette de la maison de ville à orient. Elle paraît ainsi avoir occupé une partie de l’emplacement du hangar des pompes ou le bureau du directeur des écoles.
L’achat de la maison Menétrey obligea la ville à de nouveaux travaux. Déjà en octobre 1560, on avait refait les boutiques (scannes) annexées aux halles. Le 19 mai 1564, on avait livré à François Chapuis, peintre, 14 florins pour « la fasson, fournitures de vitres que vergettes de fer des fenestres de verrerie faites par lui pour le fenestrage de la crotte. » En décembre 1565, on amena du Pissiour des pierres pour la repieson de la maison de ville de la Palud. En septembre 1566, on payait 20 et 25 florins à Me Pierre Besson, maçon, et à sept /298/ ouvriers pour journées faites « en rippiant la muraille de la maison de ville de la Palud, au derriere. » Rippier, c’est reprendre par le pied. Il semble que l’on voulut harmoniser la maison Menétrey avec l’Hôtel-de-Ville, et c’est pourquoi le plan Buttet de 1638 ne laisse voir qu’une seule différence entre la partie ancienne et la partie nouvelle de la maison communale; celle-ci n’a qu’un « jour » au lieu d’une grande fenêtre. En 1575, on carronne l’halle au blé et l’on cancelle une porte.

L'Hôtel-de-Ville de la Palud en 1638
(Plan Buttet)
Nous trouvons peu de renseignements pour les années qui suivent 1. La maison de ville vient en bonne partie d’être refaite, et n’a plus besoin que de menues réparations. Le 31 décembre 1579, on paie 105 florins à Jehronimum François pour un « grand chandellier de lotton à plusieurs branches mys au poille du Conseil. » En mars 1582, le Conseil achète « 11 livres de retallioux pour coller la tralleyson du poille des Srs xxiv. » En 1596, on achète 600 tuiles plates pour le piquet de la maison de ville de la Palud.
Voici maintenant des indications d’un autre caractère: Le 12 janvier 1574, en temps de peste, la ville paya 13 sols à Pierre Blécheret, apothicaire, pour avoir délivré du bengyn (benjoin) pour parfumer la maison de ville 2. En mars 1582, la ville ayant un payement à faire le fit au moyen de 96 écus d’or au soleil et de 4 écus pistoles /299/ pris « dans la bourse de la croste de ville. » Nous avons vu que cette salle voûtée avait été jugée suffisamment convenable pour recevoir les ambassadeurs de Genève en 1564; elle avait des fenêtres vitrées, peut-être coloriées; nous savions qu’on y mettait les archives; on lui confiait aussi, comme on voit, la fortune de la ville. Enfin, un nouveau local apparaît dès 1590, le corps de garde. Près de là une petite prison. On lit dans le Manual du Conseil le 27 octobre 1563 :
« Jaques Perey le joennoz soit detenus en l’armaire des halles en prison jusques a vendredi et que au dict jour il soit mene en la salle ouz poelle de laz maison de ville et que laz il soit despollie tout nudz et fuatte par deux officiers qui seront deguise, affin de non estre de luy cogneuz. »
X
La maison de ville au XVIIe siècle.
Le dix-septième siècle apporta à la maison de ville une série de transformations sur lesquelles nous ne sommes pas absolument au clair.
Si nous prenons le plan Buttet, nous voyons que l’Hôtel-de-Ville actuel est bâti sur l’emplacement de l’ancienne maison de ville et d’une autre maison à orient. Celle-ci n’est pas l’immeuble Menétrey qui fut acheté en 1565, et qui se trouvait à l’ouest. Il faut chercher ailleurs.
On a vu qu’au milieu du XVe siècle, la maison de ville touchait à celle de Girard Devanthey qui jouissait d’un droit de passage à travers les halles de la Palud. /300/ Des héritiers de Girard la maison passa avant 1517 à Claude Paris 1 , qui paya comme ses prédécesseurs un cens de 2 sols à la ville pour ce droit. Il eut un fils Jean et un petit-fils Ysbrand dont la veuve Huguette de Crousaz vivait encore en 1597. L’ayant-droit de cette dernière finit par vendre sa maison à la ville. Le 4 juillet 1615, la communauté de Lausanne acquit d’Isbrand Paris, pour 1200 florins, la maison située « en la rue de la Palud, joute la maison de Nicolas Rolet d’orient, la maison de ville d’occident, la rue de bise, » et le 13 mai 1617, elle paya encore 271 florins pour le land et autres frais aux hoirs du notaire Pierre Perrin 2.
L’année suivante, la maison fut amodiée à François Gagnioux pour le prix de 60 florins, mais il fallut immédiatement y faire des réparations. Le conseil prit à ce sujet les décisions que voici :
| 1619, 26 octobre. — Au regard du baptisment de la maison de ville, a este ordonne que les murallies se couvriront decentement jusques au printemps qu’il en sera plus oultre advise, et pendant ce temps soyt pourveur pour les materiaux, comme aussy le modelle s’en pourra fayre par Fran. Monneyron, et que l’on amortariz la dite maison. |
| 1620, 29 juin. — Soyt donne en tasche pour couvrir la maison neufve de la Palud, au plus briefz. /301/ |
Mais la ville manquait d’argent, et on lit dans le Manual du Conseil à la date du 9 mai 1622 « Le bastiment de la vierbe (escalier tournant) de la maison de ville de la Palud est surcoye (différé) jusqu’à une nouvelle saison, veu la dureté du temps. » Cet escalier tournant devait, nous semble-t-il, être établi à l’intérieur de la maison de ville.
La ville venait à ce moment d’exécuter un autre important travail. Jusqu’alors l’espace compris entre l’Hôtel-de-Ville et la Loue était une pente fortement inclinée, sur laquelle s’élevait entre autres l’édicule des secrets. En 1613, cet état de choses fut sensiblement modifié. Les comptes mentionnent, à la date du 11 septembre, une dépense de 458 florins 5 sols, pour travail « en la muraille neuve dessous les ales de la Palud, pour la construction du bornel neuf de Saint-Jean et autres lieux. » Le 19 décembre 1615, le Conseil décide que « pour remplir la platteforme dernier la maison de ville de la Palud, puisque Pierre Faulcoz ne veut venir à bon compte et marche pour ce faire, soyent employes les dizaines et chertz du ressort pour cela effectuer au plutôt. »
Enfin voici une dernière décision :
| 1618, 17 novembre. — Est ordonne que la muraille dernier la maison de ville de la Palud restant a parfaire se donnera en tache, pour le grand mesus qui se commet es journees, et ce par les Srs bourcier, maisonneur et banderets. |
Les comptes malheureusement ne nous renseignent plus sur ces travaux, par suite du changement de méthode du boursier. Celui-ci fait ses paiements sur billets ou mandats de la Chambre de fabrique, billets qui spécifient rarement la nature des travaux, et les registres de la /302/ Chambre de fabrique restent dans un vague aussi désespérant 1.
La plateforme ainsi créée est nettement marquée dans les plans du XVIIe siècle, et il en reste encore la main courante, la baragne, du côté du Petit Saint-Jean. Le bas de la plateforme a été abaissé au commencement du XIXe siècle, lorsque la Louve eût été voûtée 2. Il ne serait pas impossible d’ailleurs qu’elle n’ait pas été édifiée de toutes pièces et que l’on se soit servi des débris de l’ancien mur d’enceinte de la Palud, qui pouvait avoir subsisté dans cet endroit.
XI
La construction de l’Hôtel-de-Ville actuel.
Nous arrivons maintenant à la transformation définitive de la maison de ville.
Le 9 juin 1648, le Conseil des LX prenait la résolution suivante : « A este ordonne que la maison de ville sera de pied en cap rebastie; et au plustost Mrs bourgmaistre, juge, bourcier, banderets, lieutenant ballival Loys et lieutenant Curlat avec le secretaire procureront un plan de quelques experts et mettront ordre que le fait soit acheminé au meilleur mesnage. » Le 23 juillet, le bourcier /303/ était chargé de « retirer le plan que les Maestres massons ont fait de la maison de ville et (il) traitera avec eux et les payera de leurs journees. »
Cette décision ne fut pas exécutée, probablement par manque d’argent, et cela dura longtemps, puisqu’en 1659 le 2 juin, on renonça même à faire une monstre soit horloge sur la façade de la place de la Palud, « veu que l’on est trop charge d’affaires. » Cette question était à l’ordre du jour du Conseil depuis le commencement de l’année 1.
Cependant le statu quo ne pouvait durer, l’édifice était devenu à peu près inhabitable. Déjà en 1650, le secrétaire de la ville qui y logeait avait préféré retourner demeurer dans sa maison particulière de Bourg, et laisser à la maison de ville un simple concierge. Le 4 juin 1666, nouvelle délibération :
« Touchant la reparation de la maison de ville, a este ordonne que, avant toutes choses, l’on visitera l’estat de la ramure et austres, pour estre advise plus oultre pour la dite reparation. Neantmoins pour ceste annee on tachera de reparer le poële du Conseil, avec le fourneau et d’en faire quelque autre petit poële pour les assemblees particulieres. Ce travail fut effectué. Les comptes de la Chambre de fabrique pour 1668 portent « 2 florins pour raccomoder les fourneaux de MM. » et 87 florins à « M. le conseiller de Ruynes pour fournitures pour examenter en la maison de ville. »
Ce n’est qu’en 1672 que l’intention du Conseil se précise. Voici quelques extraits des Manuaux. /304/
1672, 11 septembre. — A lundy prochain Monsieur le bourgmaistre est prie de convoquer Messieurs du Conseil avec Messieurs juge et lieutenant ballifval Seygneulx pour adviser et resoudre pour la reparation de la maison de ville de la Palud, jouxte l’intention et bonne volonte de nos honores seigneurs les 60 et 200.
1672, 16 septembre. — M. de Marnand est prie de representer au demain, a MM. du Conseil, le dessein qu’il a project pour la reparation de la maison de ville. (Chambre économique.)
1672, 26 novembre. — M. de Marnand est prie de continuer au dessein du bastiment de la maison de ville nonobstant les plaintes de Monsieur le maisonneur qui est pourtant prie de continuer l’inspection sur les austres bastiments et ouvriers de la ville 1. La declaration de M. de Marnand de ne pretendre aucun salaire ny aucune recompense pour les soins qu’il prendra pour le dict bastiment sinon ce qui seroit de la bonne volonte de Messieurs apres que le bastiment sera parfait est icy inseree.
1673, 16 janvier. — A mardy prochain l’on resoudra quels bastiments publics l’on demolira pour avoir des matteriaux pour le bastiment de la maison de ville.
1673, 17 janvier. — Suivant les projects et desseins pour la reparation de la maison de ville, on commencera pour avoir des materiaux a demolir la chappelle proche le temple de Saint-François du coste d’occident, et la muraille qui panche en ruine entre les crottes des pauvres et s’il n’y assez, on advisera ou on en prendra autre part, en la crotte dessus.
La chapelle sus-indiquée était celle de la vieille famille des Soutey transformé en grenier après la Réforme, et les /305/ crottes des pauvres sont des portions de l’ancien couvent des cordeliers de Saint-François.
Les extraits que nous venons de reproduire montrent que n. Jean-Louis Loys, contrôleur général et seigneur de Marnand, avait été chargé de dresser les plans du nouvel édifice. C’est ce que confirme une chronique contemporaine de la famille de Loys qui dit :
L’an 1672, en automne, on a pris la resolution de rebastir la maison de ville de Lausanne, et on en donne charge a M. Jean-Louis Loys, seigneur de Marnand, qui en a fait un plan qu’on a agree, et on a commence a abbattre le front vieux devers la platteforme de la maison ou demeuroit le sr secretaire substitue qui fait partie de la dite maison de ville le lundi 4 novembre 1672. Dieu benisse le tout.
Mais M. de Marnand, malade, — il mourut le 16 août 1673, — ne put achever son œuvre. Son parent, le major Abraham de Crousaz, assesseur baillival, reprit son travail et paraît l’avoir remanié. On lit en effet dans les Manuaux du Conseil :
1673, 22 avril. — Ont ete convocques par serment les nobles, magnificques et tres honorez seigneurs 60 et 200 pour ordonner du bastiment de la maison de ville, jouxte l’ordonnance de nos tres honorez seigneurs les 200. Lequel se devra faire a forme du modelle dresse par M. le major de Crosaz, sçavoir celuy qui a l’escallier au milieu, pour l’inspection duquel bastiment seront commis Messrs moderne boursier de Marnan, maisonneur, et major de Crosaz, les quels, en cas de necessite urgente, pourront participer de l’advis de Messrs bourgmaistre et banderets. Quant au chemin commence pour le passage par dessoubs la maison de ville, a este ordonne qu’il se perfera jouxte la prudence des prenommes seigneurs commis. D’ailleurs ordonne que Messrs de Marnan et major de Crosaz seront recompensez de leur peyne d’avoir fait les projects du dict bastiment selon la prudence de Messrs bourgmaistre, bourcier et banderets. /306/
Le plan du major de Crousaz n’existe malheureusement plus, de même que celui de M. de Marnand, et ce n’est que par quelques indications des Manuaux et l’examen architectural de l’édifice que nous pouvons nous rendre compte en quoi ils consistaient. Et pour comble de malechance, les comptes eux-mêmes n’existent plus. Dumoins n’en avons-nous retrouvé qu’une partie, le second compte de construction rédigé par M. de Crousaz et qui va du 20 avril 1674 au 22 mai 1675.
On a vu plus haut que les travaux avaient déjà commencé en avril 1673 par l’établissement du passage sous voûte supérieur, sur l’emplacement des anciennes maisons Paris et Rolet, à ce qu’il nous semble. Le 12 mai 1673, il fut enjoint à MM. de Crousaz et de Marnand de « regarder quelle necessite il y aura de pierres afin d’acheter quelques au perrier selon leur prudence et au meilleur mesnage qu’ils pourront. »
Le 25 septembre 1673, M. le major de Crousaz fut nommé maisonneur, c’est-à-dire chargé de l’entretien et des réparations des immeubles communaux. Les travaux de démolition partielle du vieux bâtiment avaient commencé. Le 16 septembre, la ville avait donné un char de vin rouge aux « maistres massons qui travaillent pour la maison de ville », non pas pour le boire, mais pour le mélanger au mortier suivant l’habitude de l’époque.
L’élection du nouveau maisonneur fut accompagnée d’une autre cérémonie. « Le dit jour, 25 septembre 1673, lit-on dans la Chronique de la famille de Loys à Lausanne, on a mis la première pierre du fondement de la muraille de devant de la Maison de Ville quon bastit à present a Lausanne, et ce sera la pierre la plus orientale /307/ qui soustiendra l’Arcade du passage des chariots par dessoubs la dite Maison de ville. »
Pendant la reconstruction de l’Hôtel -de Ville, le Conseil des Deux Cents se réunit, le 15 novembre 1673, au poële de la maison de ville du Pont, le 3 juin, le 2 juillet, le 17 septembre, le 20 octobre 1674, à l’Evêché. Le Conseil des 24 se réunit à la maison du Pont.

L'Hôtel-de-Ville de la Palud en 1674
(Plan Rebeur)
En mai 1674, le rez-de-chaussée et peut-être le premier étage du nouvel édifice sont achevés. Mais malgré la décision prise l’année précédente, il y a encore des discussions au sujet de la poursuite des travaux. C’est pourquoi, le 4 mai 1674, le Conseil prend la résolution que voici :
Ordonne que le bastiment de la maison de ville de la Palud se continuera selon le projet de Monsr De Crosaz, qui est que le front devant se fera a deux estages, celuy de dernier a un estage, la ramure et tout le reste selon sa prudence et addresse; lequel est prie de continuer a prendre les soings convenables.
M. de Crousaz est maintenant seul chargé de la continuation des travaux, et nous avons son compte pour cette nouvelle période. Il commence ainsi :
| Le 20 apvril 1674 par le compte que iay rendu a Mes. les Bourgmaistre Bourcier et Banderets de tout l’argent que j’avois reçu pour le bastiment de la maison de ville, je redois 29 fl. 10 s. |
| Plus 20 florins donnés par M. de Villardin 20 fl. |
| De cette date au 29 avril, iai reçu 12063 fl. 14 s. |
| Total 12113 fl. 4 S. |
| Somme grosse de toutes les receus jusqu’au 6 juin (1675) sans comprendre les 3050 florins reçus le 7 qui se rapporteront a un suivant compte (suit le détail) 30306 fl. 2 s. 9 d. |
Voici les principales dépenses ou livrées :
| 1674, 20 avril. — Aux massons pour tout ce qui leur étoit dû 426 fl. 3 s. |
| /308/ Le 24 jay livre a François Favrat pour avoir racommode les chemins du Jurat (Jorat) par ou doibs passer le gros marrin 17 fl. |
| 2 mai. — On paie aux pierriers et massons Jean Caille et Me Rodolphe Dumaine 934 fl. 6 s. |
De grands sommiers sont amenés du Mont, d’autres poutres d’Ecublens.
| Le 6 mai, j’ai rendu au masson qui polit le marbre pour largent qu’il avoit livre pour de l’eau de vie et de la « posté » 1 fl. 7 s. 6 d. |
Pendant tout ce mois de mai, M. de Crousaz inscrit des dépenses pour charrois de sommiers, panes, poutres et chevrons. L’un des sommiers mesure 64 pieds. Toutes les communes du ressort : Crissier, Saint-Sulpice, Ecublens, Bussigny, sont mises à réquisition pour les charrois.
Le 3 juin, on dépense 7 florins pour la « voiture du bois employé a l’avant toit de la maison de ville » bois qui consiste en dais et feuilles (planches ?).
Le 6 juin, on paie à Jean Melet pour une demi-journée « pour s’estre aider a debarrasser et appuier dans la maison de ville lorsque le toit devers la cour tomba. » Accident ou chute voulue, nous ne savons.
Dans ce mois de juin, on continue à payer le transport de tisons, chevrons, panes, dais.
| Le 18 juillet, aux maistres maçons pour 60 journées et demie 1052 fl. 6 s. |
| Le 21 juillet, a Me Jaques Curnez pour « de la craye ayant commencé de mettre en taille la ramure » 2 fl. 6 d. |
| Le 1er août, « livré a Me Elie Kracfelt pour une douzaine de feuilles, qu’il avoit preste lorsque l’on fit l’avant toit pour couvrir les murailles de la maison de ville » 7 fl. |
| Le 14 septembre, livre a Me Jaques Curnez demi char de vin blanc /309/ et demi char de vin rouge et un sac de froment, a compte de ce qui lui a été promis pour lever la ramure de la maison de ville 169 fl. 6 s. |
On fit d’autres paiements au même, montant à 950 fl. A la fin de septembre, on versait encore 1335 florins aux maçons et aux pierriers.
| Le 27 septembre, livre a Samuel Cuenoud pour avoir travaille 105 livres de fer et fourni 32 grands clous le tout pour relier la muraille mitoyenne devers Mons. de Ruynes (actuellement maison Compondu) 44 fl. |
| Le 8 octobre, a Me Jaques Curnez pour faire boire le Sr Bois de Chene et les valets avant que poser les pommeaux 3 fl. 9 s. |
| Le 12 octobre, à Jean Maillet pour s’estre aide a descendre la tuile de dessus le couvent de la Madeleine 1 fl. |
Ce transport de tuiles ne se fit pas sans difficulté. On lit en effet dans le Manual du Conseil à la date du 15 octobre :
Les Seigneurs banderets feront commandement aux dizeniers de riere leur banniere de commander leur dixaine pour monter les thuyles de la maison de ville, et remarqueront les deffaillants, lesquels sans remission sont condamnes au bamp de 6 s. A deffault de payement leur leveront promptement des gages, surquoy Monsr le Major est prie d’avoir l’inspection.
Reprenons les comptes :
| Le 14 octobre, livre aux charpentiers pour boire ayant pose les girouettes 3 fl. 9 s. |
| Le 18, pour 50 clous pour attacher les consoles de l’avant-toit de la maison de ville 4 fl. |
| Le 25, aux massons 335 fl. |
| Aux pierriers pour le billet de cette semaine, celui de la precedente, et pour les plattes des fourneaux 200 fl. |
| Le 1er novembre, aux massons 365 fl. |
| /310/ Le 4, au grangier de M. de Martigny pour une voiture de tuiles courbes pour la maison du s. Bally (Palud 2 actuel) 2 fl. |
| Le 8, a Christ Meyer pour avoir couvert la maison de ville 63 fl. 9 s. |
| Le 2 decembre, a ceux qui ont cueilli la mousse pour garnir les planchies 5 fl. 3 s. |
| Le 6 decembre, a Me Jaques Curnez, aux massons, aux ouvriers et a Jean Caille 1587 fl. 9 s. |
| Le mesme jour a Jaques Curnez pour solde de sa tasche 264 fl. |
Cependant, le 4 janvier, on paie encore un à compte de 525 fl. à Jaques Curnez et le 9 aux maçons 596 fl. pour leur travail de cinq semaines.
La maison couverte, on s’occupe pendant l’hiver des travaux d’intérieur.
Voici quelques chiffres :
| Le 9 janvier, pour 42 voitures de pierre depuis S. Pierre, 18 des la carriere, 18 de briques et 1 de plastre depuis Rive (d’Ouchy) 69 fl. 6 s. |
| Le 9, a Paul Hurtin, a compte de ce qui lui sera dheu pour l’ameublement du grand poelle 401 fl. 3 s. |
| Le 16, pour les plattes de la cheminee et foyer de la sale 12 fl. |
| Le 14 février, pour avoir racomoder la grande garde robe des archives neuves 30 fl. |
| Le 14, a Me Elie, a compte de ce qui luy sera dheu pour le plancher et lambris du poëlle 55 fl. |
| Le 6 mars, aux rafourniers de s. Gingouz (St-Gingolph) 182 fl. 9 s. |
| Le 1er avril, aux rafourniers de Vauvri pour 8 chars de chaux à 13 fl. le char et 1 fl. pour le vin 105 fl. |
| Le 21, pour une clef à une des portes des Archives 1 fl. 3 s. |
| Le 5 mai, à Paul Hurtin, à compte 200 fl. |
| Le 15 mai, pour avoir demonte le fourneau du poële des 60 6 d. |
| Le 22 mai, pour scier des chevrons pour le plancher du grand poelle 6 fl. |
/311/ Le compte se termine par de nouvelles dépenses faites pour voiturage de bois, et la somme totale des livrées monte à 27209 florins 3 sols 1.
Suit le compte de la fabrication de nouvelles cloches, rendues nécessaires par l’incendie de la Cathédrale survenu le 7 juin 1674. Le travail dura de septembre 1674 à avril 1675. Les fondeurs étaient Me Michel Joly et Jean Richenet 2 qui reçurent le premier 700, le second 620 florins et il y eut en outre 1415 florins de dépenses. Deux cloches nouvelles furent placées à la Cathédrale le 9 avril 1675. Il est très probable qu’une troisième fut mise à l’Hôtel-de-Ville.
Au moment où se termine le compte de M. de Crousaz, 6 juin 1675, la nouvelle maison de ville était à peu près complètement achevée.
Le 22 juin 1675, le Conseil confia les clefs du nouvel édifice « au sr. secretaire substitue pour la faire ballier et tenir convenablement nette et prendre garde que aucun degast et dommage n’y arrive, s’il est possible, soubs le salaire annuel qui sera advise par nos hon. seigneurs et jusques a leur bon vouloir. »
Enfin eut lieu l’inauguration officielle de l’Hôtel-de-Ville. Nous lisons dans la Chronique de la famille de Loys :
Le mardj, 29 juin 1675, on s’est assemble la premiere fois a la maison de ville, en Conseil, des qu’on la fait rebastir, et on a tenu le premier Conseil en elle, a la Chambre destinee pour Messieurs les /312/ 60 et pour Messieurs de la Justice inferieure qui est le poisle le plus oriental de derriere de dite maison, et spectacle Sr Jacob Combe, premier ministre à Lausanne, y fust appelle pour la consecration d’icelle et louer Dieu de ses graces, et le prier d’espandre son sainct Esprit et sur elle et sur ceux qui y exerceront justice et police, et le soir les honores seigneurs du Conseil y soupperent ensemble. Monsieur le Ballif Jmhof y fust aussi et les Srs pasteurs. Dieu soit loue a jamais.
Le procès verbal officiel de la séance est plus sec. Le voici :
1675, 29 juin. — Ont assiste en conseil ordinaire nobles et tres honores seigneurs Messrs bourgmaistre (Jean Philippe Rosset), moderne boursier, cinq banderets, anciens boursiers de Saussure et Bergier, Des Ruynes, Mattey, capitaine de Saussure, Franc. Bergier hospitallier, de Sugnens, de Martignier, major de Crosaz, Vullyamoz, Des Vaux, Secretan l’aisne, Molery, d’Eschandens, Secretan le jeune, Loys Grossaultier, secretaire substitue.
Premier conseil assemble en la maison neufve de la Palud. Au quel conseil, comme estant le premier assemble apres l’edifice et nouveau bastiment de la maison de ville de la Palud, s’est trouve et rencontre spectable et sçavant Jacob Combe, Sr pasteur en ceste eglise, lequel, apres l’invocation du nom de Dieu pour la benediction de dite maison, y a adjoinct aussi celle pour tous les seigneurs conseillers en general et d’un chacun en particulier.
Pendant la construction de la maison de ville, le coffre où était « l’or et l’argent de la seigneurie » avait été confié à l’ancien boursier Bergier. Le 23 juillet 1675, M. le major de Crousaz fut prié de prendre ses dispositions pour le loger de nouveau à la Palud. Il est probable qu’à ce moment-là on réinstalla à l’Hôtel-de-Ville deux tableaux qui y avaient été placés peu avant la démolition.
En juin 1670, lit-on dans la Chronique de Loys, honnorable David Gintel, libraire de Lausanne, fils de feu Clement Gintel, libraire et /313/ astrologue, a fait present aux Srs du Conseil de Lausanne, d’un tableau ou est le portraict de la ville de Lausanne sur du taffetas, qu’on a mis au poësle du Conseil. » Et précédemment, en février 1670 : « Monsieur de Rameru peintre qui s’est habitue depuis quelques années a Lausanne, et qui a espouze la fille de M. Trezat, peintre de Geneve, a fait present d’un tableau a messieurs du Conseil de Lausanne, ou sont representees trois sortes de justice, la Fausse Justice, la Militante et la Triomphante, et le dit tableau a este mis au poësle du Conseil, et pour cela les dits Srs du Conseil luy donnerent par recompense six pistolles.
Nous ne savons ce que sont devenues ces peintures. On replaça en outre, dans le nouvel édifice, le plan Buttet qui figurait, depuis 1638, au poêle du Conseil.
Deux ans plus tard, on complétait l’ameublement. Le Conseil faisait placer un nouveau poêle dans la salle où il siégeait et un autre dans la salle du Consistoire, et les comptes de 1677 portent à la date du 8 novembre la livraison de 573 fl. 3 sols aux deux maîtres qui ont fait les deux derniers fourneaux de la maison de ville et à Jean Choux. Le Manual du Conseil ne parle que d’un « maistre de Soleure » auquel on paiera 525 florins plus 3 pistoles pour le retard des charretiers. D’après les comptes, le travail fut effectué de juillet à septembre; on avait amené de la fonte d’Aix. En même temps, on mettait pour 142 florins de tuiles neuves à la maison de ville.
Le major de Crousaz pouvait être satisfait de son œuvre et le Conseil lui en témoigna sa reconnaissance. Nous lisons dans le Manual, à la date du 24 février 1681 :
M. le major de Crousaz, en recompense des grands soins et de la diligence qu’il a pris pour la construction de la maison de ville, de /314/ la place d’Estraz et des commandements pour les exercices, est gratifie de tous les interets qu’il doit a M. l’ancien boursier Bergier comme directeur du rentier d’espargne,pour toutes les sommes qu’il y doit.
Et à la date du 13 juin 1682 :
A Monsr le maisonneur acte comme la maison de ville n’a este bastie en la forme qu’elle est presentement qu’apres le consulte des hon. Seigneurs 60 et 200 qui l’ordonnerent ainsy, sur le modelle que produisit ledit seigneur maisonneur qui fut choisy et approuve a l’exclusion des deux autres 1 , et que il s’est acquitte des soins a ce necessaires avec toutes les precautions et la diligence convenable.
XII
Les phases constructives de l’édifice actuel.
A part le second étage méridional et quelques retouches intérieures, l’Hôtel-de-Ville de Lausanne est l’édifice même qu’a édifié Abraham de Crousaz. Mais l’architecte n’a pas démoli entièrement les anciens bâtiments pour en construire un nouveau. Ses plans indiqueraient sans doute exactement ce qu’il a conservé, ce qu’il a transformé et ce qu’il a ajouté. Malheureusement ses dessins n’existent plus, et ce n’est que par diverses inductions que nous pouvons les reconstituer dans leurs grandes lignes.
Pour y arriver, résumons tout d’abord brièvement les pages qui précèdent.
Il existait au XIVe siècle une halle en bois sur l’emplacement de la maison de ville actuelle. Nous en devinons l’existence en 1327. Elle est certaine en 1386. En 1406, à peu près au même endroit, s’élève un autre édifice, /315/ autour de la maison de pierre d’Antoinaz Barbeir; c’est un édicule en bois, qui n’est couvert que de tavillons. En 1414, nouvelle construction annexée une halle aux blés, encore en bois, mais supportée par huit piliers de pierre et couverte de tuiles. L’emploi de poutres de 14 mètres de longueur permet peut-être d’en déterminer l’étendue. Ces halles sont près d’un puits et d’une fontaine; un escalier de bois en 1383, un passage public en 1461, les relie aux latrines, édifice élevé au-dessus du ruisseau, du côté de l’hôpital Saint-Jean. Elles n’ont pas de cave, et le détail a son importance. On peut en déduire en effet qu’elles étaient sur la partie antérieure donnant directement sur la place de la Palud, et qui, à l’heure actuelle encore, n’est pas excavée.
De ces premiers édifices qui, peut-être, n’ont pas été tous debout en même temps, il ne reste rien, si ce n’est l’un ou l’autre des huit piliers qu’un examen attentif permettrait, croyons-nous, de reconnaître au rez-de-chaussée de la maison de ville, où l’on remarque un manque d’harmonie entre les voûtes d’arête et leurs supports.
Quoi qu’il en soit, ces premières halles disparurent au milieu du XVe siècle. A ce moment, imitant les Genevois, les Lausannois ne veulent plus se réunir dans l’aula de la Madeleine. Ils veulent avoir leur maison de ville propre. Un premier essai à la rue du Pont semble n’avoir pas été satisfaisant. C’est à la Palud que les autorités lausannoises vont se fixer. On refait tout d’abord, peu avant 1454, les anciennes halles. On ajoute une façade sur la Palud. On construit derrière, du côté de la Louve, un nouvel édifice comprenant des caves en sous sol, on continue les halles au rez-de-chaussée, et sur l’ensemble /316/ des halles ainsi agrandies, un étage s’élève comprenant une grande salle, aula, une moyenne, stupha, une cuisine et sans doute encore l’une ou l’autre dépendance.
L’aspect général de l’édifice devait avoir quelque rapport avec la maison de ville du plan Buttet. Mais celui ci nous présente un bâtiment agrandi à gauche et à droite et remanié. De la façade méridionale seule visible sur ce plan, la construction de 1454 devait probablement occuper la largeur des trois grandes arcades, et embrasser un front d’une vingtaine de mètres.
De cet édifice du XVe siècle, les substructions existent certainement encore. Les comptes, incomplets, n’indiquent pas tous les murs construits à cette époque. Ils en mentionnent seulement quatre :
a) le mur antérieur qui ne nous paraît pas être la façade nord (A-B du plan), car il est probable que l’étage reposait simplement sur les piliers, mais plutôt le mur C-D, qui est le mur antérieur de la partie neuve; de ce mur le tronçon G-D est aujourd’hui masqué par un galandage;
b) le mur postérieur qui est certainement celui de la façade méridionale E-F-Q, puisqu’il est dit percé de fenêtres;
c) le mur du milieu qui est peut-être le G-H, remarquable par son épaisseur 1. Dans le mur C-G on remarquera le retrait K, qui est surmonté non pas d’une voûte, mais des marches d’un escalier perdu dans la muraille. Cet escalier pouvait primitivement relier la halle à la cave; peut-être aussi a-t-il quelque rapport avec la maison Menétrey; /317/
d) le mur du côté de Girard Devanthey, c’est-à-dire du côté oriental. Ici, nous nous croyons en présence de deux murs contemporains : le mur primitif V-F, qui est percé de la porte aujourd’hui murée dont Girard Devanthey obtint la jouissance, et le mur Q-P-O-X-N, dont la construction faite après coup pour rélargir l’aire du bâtiment, aurait provoqué le procès avec Girard 1. Le tronçon N-X de ce mur a été évidemment remanié en 1674 lors de la construction du passage voûté supérieur. Nous pensons que les caves I, II et III datent de la fin du XVe siècle; l’une d’elles est sans doute la crotte que l’on construit en 1504 pour tenir les archives, et le retrait L fermé aujourd’hui encore d’une porte de fer est peut-être un ancien coffre-fort.
Plans du sous-sol
D'après les relevés de M. Reybaz, architecte, en 1910
Cliquez 1X ou 2X sur l'image pour une vue agrandie (dans une nouvelle fenêtre)
Il faut évidemment reporter à la construction de 1454-1468 le système des piliers des arcades sous la maison de ville. On se servit des colonnes de l’édifice de 1414, mais on en ajouta. Le tailleur de pierre Antoine Guibaud en fit les chapitels, travail peu important, et le sculpteur Me Jaques y fit un ouvrage plus considérable qui lui fut payé six livres. Malheureusement nous ne trouvons plus trace de ces sculptures. Il est vraisemblable qu’elles ornaient les piliers de la façade transformée en 1674.
Nous pensons que les sous-sols, les piliers et les voûtes qu’ils supportent sont tout ce qui reste de l’œuvre du XVe siècle, du moins tout ce qui reste qui n’ait pas été profondément altéré. Il est probable en effet qu’une partie de la façade méridionale de l’époque subsiste, mais elle a été transformée en 1674, modifiée encore en 1774. /318/
D’autre part, il ne doit plus rien subsister des salles primitives du premier étage, car c’est sur cette partie de l’édifice que les transformations de l’architecte de Crousaz durent porter essentiellement. Retrouverait-on, par exemple, sous le plâtre de la paroi occidentale de la salle du Conseil communal les fresques représentant l’empereur Sigismond et les évêques de Lausanne ? Nous en doutons fort, car, si nous ne faisons erreur, c’est de ce côté-là que se trouvait la maison Menétrey achetée en 1565. Par conséquent, en 1674, la salle des Deux-Cents a dû être agrandie de ce côté précisément, et de ce fait le mur aux fresques serait tombé.
Reste le mur qui sépare d’un bout à l’autre de l’édifice la partie antérieure de la partie postérieure de la maison de ville. Ce mur repose sur les forts piliers du rez-de-chaussée, lesquels s’appuient eux-mêmes sur les fondations du milieu. Il est possible, mais non certain, que cet édifice soit aussi du XVe siècle, et que de Crousaz l’ait conservé. Mais, dans ce cas, il aura dû être retenu et exhaussé, car Plantin nous dit que les salles de l’ancien Hôtel-de-Ville étaient fort basses.
Le XVIe siècle a vu modifier la physionomie du bâtiment. Il n’est pas probable qu’on ait touché aux piliers, du moins les comptes n’y font-ils aucune allusion, contrairement à ce que montrent les comptes du siècle précédent. Par contre, il est manifeste que l’on créa en 1556 la crotte, le local actuel du médecin des écoles, au-dessus d’une cave construite dès 1460, semble-t-il, et nous avons dit pourquoi nous pensons que la construction fut complétée par le contrefort oriental qui est devenu le passage voûté inférieur. /319/
En 1565, la ville achète l’immeuble Menétrey, au côté ouest de l’Hôtel communal, et le lui annexe. De cet immeuble, rien ne subsiste si ce n’est qu’on lui doit peut-être le prolongement à occident de la façade nord. Comme en 1566 on rippia, c’est-à-dire reprit par le pied la façade méridionale de la maison de ville, on comprend qu’il ne soit rien resté de la façade primitive de la maison Menétrey. Tout au plus pourrait-on penser que, dans le plan Buttet, le jour à occident des arcades en est un vestige.
En 1615 et un peu plus tard la ville achète encore les deux maisons Paris et Rolet qui limitent la maison de ville à l’est. Rien ne dit qu’elle les ait transformées à ce moment. Mais on pourrait croire, les passages des manuaux à ce sujet sont d’une désespérante obscurité que c’est alors que l’on acheva l’édifice au-dessus du passage voûté inférieur, c’est-à -dire la double fenêtre du premier étage que montre le plan Buttet.
Au surplus, il est inutile de nous attarder à ces annexes. Tout disparut dans la construction de 1673-1675. Celle-ci fut commencée, nous l’avons dit, par le contrôleur général et maisonneur Loys de Marnand. Ses plans nous manquent. Mais ce que nous avons dit plus haut permet d’indiquer l’œuvre qui lui est propre. Il a sans doute jugé que l’édifice de 1556-1620, formé par la crotte et le passage supérieur, était suffisamment convenable et solide, et il s’est borné à en remanier la partie supérieure pour l’harmoniser avec le nouveau bâtiment. C’est lui encore évidemment — les textes du 22 avril et du 25 septembre 1673 le démontrent — qui a démoli les maisons Paris et Rolet, où demeurait le secrétaire /320/ communal substitué, pour construire à la place le passage voûté supérieur. Il est manifeste que cette voûte supérieure est d’un autre profil, d’autres dimensions que la voûte inférieure, et qu’il a fallu la torturer un peu pour la faire correspondre avec celle-ci. C’est une œuvre intéressante, moins par sa beauté que par son utilité, car jusqu’à ce moment-là, depuis la suppression d’antiques ruelles, on ne passait plus d’un côté à l’autre de la maison de ville qu’à travers les halles.
Mais l’œuvre principale de l’Hôtel-de-Ville revient au major Abraham de Crousaz 1. C’est lui qui a créé l’escalier central et par là-même la disposition du premier étage. C’est lui qui est l’auteur de la façade septentrionale avec son clocheton, sauf les gargouilles qui sont de 1698. C’est lui enfin qui a donné à la façade méridionale son caractère actuel, excepté le second étage, qui est l’œuvre de Perregaux en 1816.
A la façade méridionale, de Crousaz a transformé en fenêtres les trois arcades des anciennes halles 2. Pour deux d’entr’elles, les modifications durent être peu importantes. Pour la troisième, après avoir supprimé l’escalier du XVe siècle conduisant à l’extérieur, il dut faire un plus gros travail, transformer ce passage en fenêtre en fermant celui-ci par un mur; les traces de ce travail devraient se voir aujourd’hui à l’intérieur du local des archives anciennes; elles sont invisibles, ce qui prouve que l’état des lieux a été beaucoup modifié. Enfin, à /321/ l’occident, il fit aussi une fenêtre semblable du petit guichet que nous supposons avoir appartenu à la maison Menétrey. Chose curieuse, un souci évident d’harmonie avait conduit Merian, qui dessinait à Bâle un des croquis venus de Lausanne (de Buttet peut-être), à figurer cette fenêtre dans son plan alors qu’elle n’existait pas encore.
Tout grossier qu’il soit, le plan Rebeur nous montre que les quatre fenêtres ainsi créées avaient été pourvues d’un élégant balcon en fer forgé. Il n’en reste malheureusement plus rien. Les transformations du XVIIIe et du XIXe siècle ont fait disparaître ce balcon, en même temps que l’on raccourcissait les fenêtres de la hauteur des voussures.
Sur l’étage méridional, de Crousaz fit descendre un toit fortement incliné. Le plan Rebeur indique au bas du toit deux lucarnes qui devaient être en 1816 l’amorce du second étage.
La façade septentrionale n’attirera pas longtemps notre attention, quoiqu’elle soit de beaucoup la plus intéressante. Plantin qui la vit construire la traite d’ample et de magnifique. « Le devant, dit-il, fait un beau grand frontispice de pierre de taille sur de belles arcades avec une tour où est l’escalier et où on a mis une horologe. Les fenestrages sont fort beaux tant pour leur grandeur que pour leur arrangement, au-dessous qui est tout de voûtes soutenues par de beaux piliers, il y a un grand espace qui sert pour mettre le bled en vente en temps de pluye. » Pour Plantin, la maison de ville de Lausanne est un des édifices les plus considérables du pays de Vaud.
La physionomie de la façade antérieure de l’Hôtel-de-Ville /322/ n’a guère changé depuis deux siècles, façade de style renaissance aux lignes très régulières, aux étages élevés et bien gradués, au large auvent dominé par une élégante et curieuse tourelle d’horloge : comme à Berne au Käfigthurm, et à la vieille Académie de Lausanne, le beffroi est orné d’échauguettes placées non pas aux angles, mais sur les faces, disposition ingénieuse qui rend le massif moins lourd.
L’escalier central est entièrement une création du major de Crousaz. L’ancien escalier principal, qui était couvert, donc extérieur, devait longer, croyons-nous, le mur oriental de la maison de ville primitive et aboutir à côté de l’entrée actuelle nord du passage voûté. Pour créer le nouvel escalier, aussi bien que la façade, l’architecte a eu quelque peine à accorder son plan avec les piliers, et les marches empiètent visiblement à l’ouest sur les colonnes. La crotte au midi restait close, à peu près telle que précédemment sans doute. Un corps de garde était installé entre l’escalier et le passage voûté.
Outre l’escalier d’honneur, la maison de ville possédait encore un escalier de service aujourd’hui condamné. On n’en voit plus que quelques marches, éclairées par une petite fenêtre grillée, dans le local situé droit au-dessus de l’entrée des archives anciennes. Cet escalier, de molasse, devait relier la crotte aux salles du premier étage de la maison de ville du XVIe siècle. Normalement, il aboutirait à la fenêtre, près de l’entrée de la salle des pas-perdus ou grand vestibule. Comme celui-ci ne paraît pas avoir été sensiblement remanié depuis le XVIIe siècle, l’escalier a sans doute été condamné par le major de Crousaz. /323/
Cependant, en 1739, le secrétaire de la ville, qui logeait au second étage, avait une clef de la porte du « petit escalier ». Le 9 décembre 1788, la Chambre de fabrique chargea le maisonneur « de faire fermer avec des vitrages deux yeux de bœufs soit ouvertures ovales qu’il y a aux murailles du petit escalier de la maison de ville, vis-à-vis de la porte d’entrée de la bauche du Conseil. » Cet escalier est celui qui conduit de la salle des pas-perdus au local des archives modernes, compris dans une annexe orientale construite vers 1730 1 pour recevoir les bureaux du secrétaire de la ville et du secrétaire économique.
La répartition des salles du premier étage est du major de Crousaz, mais elle a été évidemment commandée, d’une part par l’existence du mur de refend, de l’autre par la création de l’escalier central. Cette répartition n’était du reste pas exactement semblable à celle que nous voyons aujourd’hui.
En effet, le secrétaire municipal, M. Hämmerli, a attiré notre attention sur un point important. La salle des Deux Cents conçue par le major de Crousaz était plus grande que la salle actuelle du Conseil de la largeur du vestibule qui se trouve derrière. Elle était en réalité directement adossée aux salles de la Municipalité et des mariages. Cela se prouve par la poutraison du plafond qui se continue de la salle du Conseil dans le couloir, et en outre par la présence dans ce dernier d’une grande cheminée qui décorait la salle primitive et était surmontée de peintures aujourd’hui disparues. Ce n’est /324/ qu’au milieu du XVIe siècle que fut créé ce vestibule pour dégager mieux les différentes pièces de l’édifice. On établit alors les motifs décoratifs de l’entrée du vestibule, ainsi que le fourneau qui devait remplacer la cheminée désaffectée; ce fourneau porte la date 1749.
Le second étage actuel ne reproduit le plan de Crousaz que dans sa partie antérieure. Derrière, en effet, le toit s’abaissait jusqu’au-dessus du premier étage, comme on le voit dans le plan Rebeur. Deux lucarnes au bas du toit indiquent l’emplacement de petites chambres mansardées, dont on se servit en 1816 pour la dernière transformation de cette partie de l’édifice. Les pièces de devant furent données au secrétaire de la ville pour son appartement. En outre de son service d’écritures, il avait, aux termes d’une décision des Deux-Cents du 11 juin 1703, la garde de la maison de ville et le chauffage des fourneaux, à charge de veiller à ce que ceux-ci ne sentissent pas le rûme.
XIII
Les transformations du XVIIIe siècle.
Nous ne possédons malheureusement aucun renseignement sur le mobilier de la maison de ville au lendemain de sa reconstruction, et notamment nous ne savons rien des peintures sur toile qui décoraient l’ancien bâtiment, comme nous l’avons dit plus haut.
La seule peinture ancienne qui subsiste est celle qui domine la porte de la grande salle voûtée des pas-perdus et elle est postérieure à la reconstruction, puisqu’elle porte la date de 1684. C’est une peinture à l’huile sur /325/ bois de peuplier, formant médaillon ovale de 86 centimètres sur 54, et dont M. Benjamin Dumur a fait la description que voici :
« Au centre, à peu près, figure le personnage principal, un jeune homme beau comme un antique. Assis sur un socle de marbre, il est nu, pourvu d’ailes et ceint d’une simple draperie rouge aux plis habilement disposés. D’un geste de la main gauche il clôt ses lèvres souriantes. De la droite, il tient la hampe d’une bannière aux couleurs de Lausanne de gueules au chef d’argent. On y lit les trois initiales bien connues : L. C. E., qui ne sont autres que l’ancienne devise de la ville (Lausanna Civitas Equestris). Le marbre qui forme le siège porte la date de 1684 et la sentence : Nihil silentio utilius (Rien de plus utile que le silence). Au second plan, à la droite du spectateur, on reconnaît aisément le portail de notre maison de ville.
» Toute une théorie de femmes, qui paraissent émues et agitées, y accourt. Sur le seuil, un personnage, costumé à l’antique, et au maintien grave, semble parlementer. A une baie supérieure, une femme écoute. A gauche, un autel enguirlandé supporte une superbe aiguière faite d’or et d’argent, ainsi que des fruits, oranges et citrons. Sur le socle de marbre encore, une coupe et des raisins. Au bord du tableau, un sphynx. Ce dernier ordonne sans doute de résoudre son énigme : « Regarde, dit-il, la scène qui se déroule devant toi; explique-la d’une façon satisfaisante, car, sans cela, tu seras impitoyablement déchiré ». Le dessin n’est point mauvais, la touche est franche et solide. Ne fut-ce qu’une réminiscence ou une copie, l’œuvre est celle d’un artiste de beaucoup de talent, sinon d’un grand maître. Par son style et sa facture, cet artiste se rattache à l’école de N. Poussin 1. »

Peinture de Hans Fisch à l'entrée des pas-perdus
1684
M. Dumur croit que le médaillon fait allusion au secret que devait tenir tout fonctionnaire de la ville de Lausanne. Ce secret devait être gardé, rappelle la peinture, /326/ malgré toutes les tentatives de corruption possibles, vin, présents, sollicitations pressantes d’un public curieux et passionné.
L’auteur de ces peintures nous est connu. Le Manual de la Chambre économique contient à son sujet la mention que voici :
| 1684, lundi 14 juillet. — On a fait compte avec M. Fich pour avoir peint les monstres de la maison de ville par lequel il s’est trouvé luy estre dheu |
| Pour 32 journées a luy mesme 480 fl. |
| Pour 35 journées a son valet 87 fl. 6 s. |
| Pour fourniture d’or et de couleurs 168 fl. 9 s. |
| Au sieur Grand aussy pour fournitures 15 fl. |
| Vin du garçon 7 fl. 6 s. |
| — 758 fl. 9 s. |
| Laquelle somme luy a este en mesme temps delivre après rencontre de cent florins qu’il avait déjà reçeu, et douze escus blancs 90 fl. pour le tableau de l’ovale de lallee que pour son voyage. |
Le maître Fich dont il est question est très probablement Hans-Ulrich Fisch, le second d’une célèbre dynastie de peintres argoviens, né le 10 août 1613 à Aarau, où il mourut le 7 mars 1686. Fisch a peint des portraits, des scènes et des armoiries, dont plusieurs ornent aujourd’hui les musées de Berne et de Zofingue, et le Dictionnaire des artistes suisses lui consacre une notice importante 1. /327/
Les comptes de la Chambre de fabrique mentionnent des réparations assez sérieuses à la maison de ville en 1689, mais nous ne pouvons pas nous rendre compte exactement en quoi elles consistèrent. Nous sommes mieux renseignés sur les dragons en cuivre, d’un effet décoratif, qui servent de gargouilles au toit antérieur de l’édifice. Le 17 juin 1697, le Conseil de ville chargea le maisonneur de mettre en couleur l’avant-toit et renvoya le sieur Henri Lombard à la Chambre des banderets « pour faire prix des chenaux de cuivre et deux dragons pour le toict de la maison de ville ». Lombard fut sans doute invité à produire tout d’abord un spécimen de son œuvre, car le 14 juillet 1698, le Conseil convint « avec le sieur Lombard pour deux dragons de cuivre à cent escus blancs pour les deux, à condition qu’il fera celui à faire de la même manière et pesanteur que celui qui est fait, qu’il a produit. »

Hotel-de-ville de la Palud
Les gargouilles, œvre de Lombard (1698)
Ce système de gargouille était certainement très décoratif. Etait-il bien pratique ? La question est douteuse. La cascade, qui en temps de pluie, devait jaillir du toit et éclabousser la place était certainement fort incommode. Il semble qu’au milieu du XVIIIe siècle on ait trouvé le système suranné. Cependant, on maintint le statu quo. « On laissera subsister les dragons de la maison de ville comme du passé, » lit-on à la date du 8 octobre 1751. Mais, le 19 avril 1785, la Chambre de fabrique prit la résolution suivante : « M. le maisonneur a été autorisé à establir une conduite de tuyaux en fer blanc dès les chenaux du toit de la maison de ville du côté de la Pallud, qui devront vuidder leurs eaux dans des petites collices qui seront construites à cet effet; /328/ fera enlever les Dragons qui sont attachés aux chenaux, de même que les fers qui les soutiennent qu’il fera serrer jusqu’à ce qu’on en dispose; fera aussi entrer dans des collices les eaux qui découlent de la conduite en tuyaux du toit de la maison de ville, sur le derrière. » Les Dragons furent replacés, comme ornement, mais ils l’avaient échappé belle.
La maison de ville était surmontée d’une horloge. En 1721, M. le ministre Combe voulut bien se charger de transformer « en pendulle » la dite horloge, ainsi que celle de Saint-François et de Saint-Pierre, mais il paraît avoir été assez malheureux dans son travail, et il se plaignit au Conseil d’avoir été insulté. Le Conseil blâma les mauvais plaisants. Cependant, en 1739, il fallut refaire le travail du ministre. Ce fut une réfection complète du clocher qui en porte encore la date. On paya 240 florins à M. Ducommun pour une nouvelle horloge, 240 florins aussi à Anthoine Colavine, fondeur de Genève, pour « trois cloches pour les orloges de Saint-Laurent et de la Palud. » Enfin, le 30 juin 1739, la Chambre de fabrique passa convenant avec Me Jost Brun, le peintre que nous avons vu travailler à la même époque au Château : « L’on payera à Me Jost Brun, pour peindre les quadrans de l’horloge de la Palud sur les modeles qu’il a produits, çavoir pour sa personne demyescu blanc par jour, pour son compagnon et sa femme qui luy aideront aussy à raison de dix bats par jour. On luy fournira les couleurs, dorures et matériaux qui luy seront nécessaires 1. » Le travail de Jost Brun consista à mettre les armoiries /329/ lausannoises aux angles du cadran, et à refaire le groupe allégorique de la façade qui date de 1684.
Vers la même époque, les fenêtres de la maison de ville furent, comme au Château, modernisées. Le 12 décembre 1720, la Chambre de fabrique donna à Me Panchaud en tâche « les fenêtres qui sont en dehors de la maison de ville de la Palud, des poelles du Conseil, du 60 et de la justice (du côté du midi). Il fera de beaux et bons verres. Les premiers guichets d’en bas auront 20 carreaux, les deux guichets du dessus 24 carreaux qu’il fournira du bon plon, bien fort. » On maintint par conséquent les fenêtres à petits carreaux « à cibes rondes », dit le manual. Mais le 13 mai 1785, la Chambre de fabrique autorisa le maisonneur « à faire faire de grandes fenêtres à grands carreaux, qui seront posés à la Chambre des LX à la maison de ville 1 , pareilles à celles de la Chambre du Conseil. » Et l’on ajouta : « Aura soin de faire placer aux carreaux supérieurs les quatre armoiries en verre coloré avec leurs attributs 2. »
En 1748, la Chambre de fabrique ordonna un travail plus important. Elle passa contrat, le 2 juillet, avec Me Jean-François Sueur, pour établir un corridor entre la Chambre des Deux Cents et celle de la Justice 3 sur le pied suivant :
| Sçavoir pour faire une ouverture servant de passage des l’antichambre qu’est devant le poele du Conseil (salle des pas-perdus) tant pour les jambages que pour l’arcade qui aura onze pieds d’hauteur, le tout construit proprement et rendu posé luy sera payé de façon pour dite besongne 20 fr. |
| /330/ » Item par toile de parpin du dit corridor de séparation qui sera d’un pied despaisseur travaillé proprement des deux costés et rendu posé, luy sera payé deux bats par pied. |
| » Pour faire une cheminée qu’il faudra eslever de la dite chambre jusques a une hautteur convenable hors du toict et la noyer dans la muraille des le plancher qui sépare le second estage d’avec le galetas, jusques près du toict, compris le talliage de la lande et le tout amené à sa perfection luy sera payé pour cet article soixante livres. |
| » Pour le desbarassage, laver les plaques, maçonner autour des aix, posement de voute dessoubs les parpins se feront à la journée. » |
Le 15 juillet 1749 on approuva en outre le plan proposé pour faire peindre en fresque par le sieur Grassy la Chambre des Deux Cents.
C’est à cette occasion que fut posé le poêle qui orne cette salle. Contrat avait déjà été passé le 6 mars 1744 avec Me Jean-Albert Pavid d’Yverdon qui venait de poser le fourneau de la salle de la Justice pour 250 florins. Il devait, pour 42 écus blancs, faire un poêle pour le Conseil, le rendre fait, parfait et posé à contentement sur le modèle de celui qu’il a fait pour le poële de la justice, bien entendu que le verny sera d’un plus beau blanc et bleu et le dessin d’un meilleur goût. » Ce fourneau n’existe plus. Car ce n’est pas celui de la salle du Conseil communal qui porte la date de 1749 et paraît avoir été l’œuvre d’un maître potier lausannois, François Pollien, auquel, en 1751, on paya 115 florins pour un fourneau à l’Hôtel-de-Ville.

Le poêle de la salle
du Conseil communal (1749)
Plus tard, en 1781, le même Pollien posa le poêle de la salle des commissions (ancien greffe) dont les dessins des catelles très intéressants sont de F.-B. Honegger. /331/
Quant à l’horloge de la salle du Conseil communal, nous croyons que c’est celle au sujet de laquelle la Chambre de fabrique ordonna le 11 septembre 1750 : « On donne charge et commission à M. le maisonneur de faire emplette d’une pendulle à l’usage de la Chambre des T. H. seigneurs du Deux Cents en réservant cependant aprobation de la chambre pour juste prix. » Cette pendule fut mise dans un cadran qui date de 1670, et qui par conséquent est antérieur à l’édifice actuel.

L'horloge de de la salle
du Conseil communal (1670)
La salle elle-même était primitivement dallée. Le 6 avril 1769, le contrôleur de Mézery fut autorisé à enlever « les plaques de la sasle du Deux Cents pour les placer dans un des coridors de l’hospittal 1 » qui se construisait à ce moment sous sa direction. Le dallage fut remplacé par un plancher de sapin de montagne. Ainsi améliorée, la grande salle reçut le 17 novembre 1795 la curieuse affectation que voici : « Le maisonneur est chargé de faire chauffer la sale ou le Deux Cents s’assemble et de tenir cette salle ouverte, afin que ceux qui se rendent à l’Hôtel-de-Ville puissent s’y retirer. On mettra en outre un fourneau dans le vestibule. » Disons encore que le 1er juillet 1760, on paya 325 florins au sieur Baud traitteur « pour le repas donné à la maison de ville le jour de revue. »
Nous voici maintenant en présence d’un nouveau et gros travail. Le 28 janvier 1772, la Chambre de fabrique chargea le contrôleur de Mézery de dresser un plan de réparations indispensables à la maison de ville. Nous ne savons rien de la suite que M. de Mézery, l’architecte du grand hôpital et de la façade de l’église Saint-Laurent, /332/ donna à cette invitation, mais les manuaux de la Chambre de fabrique fournissent les renseignements suivants :
1773, 29 janvier. — On charge le maisonneur de faire establir au fond des arcades de la maison de ville, du côté occidental, un lieu fermé, pour y placer les seringes. Fera establir une chambre d’arrêt derrière le corps de garde en la fermant du côté du dit corps de garde, en fortes ballustres de chêne, à claires voyes et en murant la porte qui donne aux Arcades; fera establir dans l’un et l’autre des endroits un lit de camp et d’autres aisances nécessaires.
1774, 29 avril. — Le maisonneur est chargé de consulter Me Louis Gonthier maçon le jeune au sujet des réparations qu’il y a à faire au front derrière de la maison de ville.
1774, 10 mai. — On a convenu avec Maître Louis Gonthier le jeune, et Gedeon Bezençon, pour les réparations à faire au front derrière de la maison de ville, qu’ils proferont leurs assisses l’une à la profondeur de 1 pied et l’autre à 9 pouces, et feront cet ouvrage comme il convient, et au dire d’experts, pour quoi on leur payera 3 batz par pied, le tout conformément au devis pour ce produit.
1774, 24 mai. — On décide de prendre dans les carrières de la ville les 800 pieds de pierre qu’il faut pour ces réparations.
1774, 9 août. — Cette noble Chambre (de fabrique) s’étant transportée derrière la maison de ville, pour y voir la manière dont s’exécutent les réparations du front auquel on travaille actuellement, et si on ne pourrait pas faire quelque changement à divers jours qui s’y trouvent, et les rendre réguliers. On a trouvé qu’il convient de changer les jours des fenêtres du Corps de garde, en détruisant le mauvais règlemur où ils sont pratiqués, à la place de quoi on fera un bon et solide perpin en pierres de taille, où on formera un seul grand jour pour éclairer la Chambre de la garde, qui sera fermé par une fenêtre à grands carraux, et où on posera un contrevent à deux ailes.
Quant aux autres jours de cette face, on trouve qu’il n’est guère possible de les rendre parfaitement réguliers et de niveau, vu l’épaisseur considérable des murs, et des voutes qu’on endommagerait, mais on fera cependant ensorte de leur donner extérieurement une forme régulière autant de niveau qu’il se pourra, en les /333/ masquant, et ne leur donnant que l’ouverture qu’ils ont déjà, sans barer celui qui éclaire la cave servant de bucher, pour que par ce moyen le concierge puisse introduire le bois en le jetant par ce jour de fenêtre. On pense aussi qu’à la place des espèces de pilastres qui sont au dehors du mur d’appuy, il suffit d’y substituer simplement du perpin, en laissant un petit cordon ou corniche, qui règne tout le long. Chargeant Monsieur le maisonneur de faire exécuter ce que dessus selon les idées et les instructions de cette noble Chambre.
Tout cela n’est pas très clair. Ce qui est certain, c’est qu’on fit une réfection de la façade méridionale qui dut en modifier singulièrement la physionomie. Au sous-sol on remania les jours. Au rez-de-chaussée, nous croyons que c’est à ce moment que l’on transforma en fenêtres anglaises, les fenêtres à arcades remaniées en 1674 par le major de Crousaz. Il semble aussi que c’est alors que l’on clôtura la série d’arcades du midi, pour en faire des locaux divers. Le Corps de garde ne donnait pas en 1774 sur la Palud, mais sur la Louve, le local des pompes de même. Quant à la porte murée en 1773, il est possible que ce soit celle que l’on distingue dans le mur de gauche du passage conduisant à la direction des écoles.
Ajoutons que, le 18 février 1785, le maisonneur fut chargé « d’ouvrir une porte pour entrer par dehors à la voûte sous la maison de ville à côté du magasin des outils des chemins. » Ce magasin est le local actuel des archives anciennes, et la porte qui est ici décidée est peut-être celle qui conduit au local des transformateurs, auquel on n’aurait accédé jusqu’alors que par l’escalier aujourd’hui condamné 1. Dans l’une ou l’autre de ces /334/ pièces était le pressoir de la ville, établi en 1702 et enlevé en 1755.
Remontons au premier étage. Le 23 novembre 1725, le Conseil des 24 avait chargé le maisonneur de mettre au « poële du Conseil les armes des seigneurs qui ont esté establis conseillers des les derniers dont les armes sont au poële de la justice. » C’étaient des panneaux de bois dont plusieurs ont été conservés 1. Cette pièce subit en 1776-1780 une transformation intérieure complète. On fit, en 1776, une armoire dans la muraille sous la pendule, en 1779, un plancher neuf; en juin 1780, on vendit le plafond en bois de noyer pour le remplacer par un plafond en gypse. En 1797, la même transformation fut décidée à la salle des LX : plancher neuf, plafond en gypse à la place du plafond en bois; boiserie en noyer à grands panneaux avec pilastres. On mit à droite une fausse porte « pour servir si l’on creuse le mur pour communiquer avec les secretaireries. » Cette fausse porte existe toujours. Les travaux ne furent effectués qu’en avril 1798 à l’aube du régime vaudois.
Les archives de la ville et les trésors étaient alors installés dans le bureau actuel du syndic et le petit vestibule qui y conduit, lequel n’a été établi qu’en 1868. On cite en 1789 la porte rouge des Archives avec une grosse barre de fer au-dessus.
Voici enfin une grosse innovation dont nos ancêtres n’avaient guère pu envisager la portée : l’établissement d’un éclairage public. Jusqu’en 1766 la ville n’était pas éclairée. N’avaient de lanternes que les cercles et les auberges. La première mention que nous trouvons d’un /335/ éclairage public, est celle-ci que nous lisons dans le Manual de la Chambre de fabrique :
| 1766, 4 mars. — Les lanternes qui ont été ordonnées d’être faictes pour éclairer la nuict dans divers endroits de la ville et entretenues aux frais du public seront placées, deux à la maison de ville, une à l’angle de bise de l’église Saint-Laurent, une à l’ancienne maison de ville du Pont et l’autre à l’angle d’occident et bise de l’hospittal. Lesquelles seront allumées dès le 1er octobre jusqu’au 1er avril et soignées par l’officier Chevallet père concierge de la maison de ville qui y emploiera de l’huile d’olive assés pour estre allumées jusques au jour. |
| 1766, 13 novembre. — On authorise Mons. le maisonneur a convenir avec Destrey ou autres pour fournir l’huile et les mèches pour les cinq lanternes que le public a establis aux divers endroits de la ville, et cela par essais par mois pour le prix que la prudence luy dictera. |
| De mesme a faire establir aux escaliers et aux vestibules de la maison de ville des lanternes, avec des chandelles dans icelles, pour qu’on puisse les allumer lorsque les occasions le demanderont. |
| 1767, 7 avril. — A M. Fr.-Louis Bettex pour avoir fourni l’huyle, mèches et les chandelles pour les lanternes que la seigneurie entretient la nuict par la ville au nombre de cinq, pour cinq mois finis à ce jour a ferme du prix convenu avec luy, qu’est 13 livres 10 s. par mois, fait 67 livres 10 s. qui font 168 fl. 9 s. |
| 1770, 1er juin. — On charge Monsieur le Boursier de faire faire une lanterne à reverbere qu’on placera par essais à la Pallud pour juger de l’Effect qu’elle fera. |
| 1771, 21 mai. — M. le Boursier est prié d’offrir à M. le Bourgmestre nos remerciements pour le présent qu’il nous a fait d’une lanterne a reverbere qu’il a fait venir de Paris. |
| 1771, 14 mai. — Pour une grande lanterne a quattre reverbere qu’on a fait venir de Lion pour le public 127 fl. 7 s. 6 d. |
L’innovation fut goûtée. En 1784, il y avait 37 lanternes et les Deux Cents décidèrent d’en poser 45 autres. /336/ On évaluait à 1228 francs leur entretien annuel. En 1909, la ville de Lausanne a dépensé 70640 francs pour l’éclairage au gaz et 48 771 francs pour l’éclairage électrique.
Cet établissement des reverbères nous rappelle que nos aïeux avaient sur l’éclairage et aussi la propreté des rues d’autres notions que nous. En 1675, immédiatement après la construction de la nouvelle maison de ville, on établissait une chaussée et des bouteroues devant la façade pour que les chars ne pussent l’endommager; deux hommes devaient passer toute la nuit, de 8 heures du soir au jour, pour prendre garde qu’on ne fît aucun mal au nouvel édifice. Deux ans après, on ne laissait qu’un seul garde, qui disparut lui-même plus tard. Cette garde n’empêcha d’ailleurs pas qu’en 1735, un voleur resté inconnu ne forçât le coffre de la Chambre de justice, et en 1746, à la suite de sentence du tribunal de la rue de Bourg, un Italien Nicolas Marie fut décapité pour avoir forcé le coffre-fort de la Chambre du Conseil.

Le coffre-fort
Que pouvait du reste la garde ? En 1739, le Conseil des Deux Cents devait enjoindre au secrétaire du Conseil lui-même de « s’abstenir entièrement de mettre du fumier contre la maison de ville. » Un si haut exemple devait produire ses fruits. En 1743, on dut imposer une amende de vingt baches à ceux qui laisseraient des balayures devant ou derrière la maison de ville. Il est vrai que le séculaire marché aux grains installé sous les arcades n’était pas de nature à assurer la propreté autour de la maison de ville. /337/
XIV
La maison de ville au XIXe siècle.

La Place de la Palud et l'Hôtel-de-Ville vers 1840
Nous n’avons pas à faire ici l’historique des événements qui se sont déroulés à la maison de ville au XIXe siècle. Nous ne pouvons pas cependant ne pas rappeler que c’est dans la salle des Deux Cents que fut proclamée l’indépendance du pays de Vaud le 24 janvier 1798, que c’est là que le premier Grand Conseil vaudois se réunit le 14 avril 1803 et qu’il y tint ses séances pendant plus d’une année. C’est de là aussi qu’en 1812 encore partait le cortège des autorités se rendant à la cathédrale pour prêter le serment constitutionnel, cérémonie qui était suivie d’un banquet dans la salle des Deux Cents.
Il n’est pas possible de se rendre un compte exact de la répartition des locaux pendant la période 1798-1803. Nous savons seulement que les troupes françaises du corps d’occupation, qui avaient à leur tête le commandant Dumoulin, s’installèrent au corps de garde et dans les autres locaux du rez-de-chaussée. Il en fut de même en 1814, lors de l’occupation autrichienne; le corps de garde fut installé pendant cette période au rez-de-chaussée de la maison Palud 2, qui n’était pas encore propriété de la ville 1. On donna des bals à l’hôtel de ville en février 1798 en l’honneur du général Ménard et le /338/ 24 janvier 1799 pour fêter l’anniversaire de la liberté vaudoise.
Après 1803, les locaux du rez-de-chaussée furent répartis comme suit : au rez-de-chaussée, le corps de garde ou poste de police devant, le bureau du syndic et le bureau de police derrière, avec le dortoir des agents dans la crotte; au premier étage, la salle du Conseil des LX devenue salle de la Justice de paix (greffe actuel), la salle de la Municipalité au milieu, celle du Tribunal à occident, les greffes de la Municipalité et de la Section économique demeurant dans l’annexe, enfin la salle des Deux Cents sur le devant; au deuxième étage l’appartement du secrétaire municipal.
Le premier changement à cet état de choses fut de beaucoup le plus important. En 1815, le nouveau règlement de la Municipalité prescrivit que le syndic demeurerait à la maison de ville. On décida qu’il serait logé au second étage, dans l’appartement qu’occupait jusqu’alors le secrétaire, lequel fut transféré dans la maison du magasin à bois au Boverat ou Chemin Neuf. Mais le syndic M. Secretan-Bournet avait d’autres exigences que le greffier. Il demanda une transformation complète de l’appartement, et l’architecte Perregaux présenta des plans et devis que la Municipalité discuta dans sa séance du 15 avril 1816.
« Ce plan (de Perregaux), dit le procès-verbal, démontre la convenance reconnue depuis nombre d’années que cet édifice soit rehaussé d’un étage sur le derrière, qui se trouverait ainsi de plain pied avec le second étage sur le devant. Les deux devis qui accompagnent le plan indiquent l’un une dépense de 3000 francs pour les réparations des deux chambres sur le devant (sic) et de /339/ l’appartement sur le derrière (sic) dans l’état où il se trouve actuellement; l’autre de ces devis indique une dépense de 6400 francs pour les réparations sur le devant et la construction du deuxième étage sur le derrière avec le finissage de deux chambres seulement dans cette partie, le reste étant à renvoyer à un autre tems.
» La Municipalité, ayant considéré que, depuis nombre d’années la magistrature de cette ville avait reconnu la convenance de la construction d’un second étage sur le derrière de la maison de ville qui mît cette partie à niveau de celle sur le devant…. nous avons décidé que l’ouvrage dont il s’agit sera fait au complet pour les réparations sur le devant, le rehaussement et le finissage du tout sur le derrière, d’où il résultera, d’après l’avis de M. l’architecte Perregaux, une dépense de 6400 francs d’un côté, d’après le second devis, plus une dépense de 800 à 1000 francs pour le finissage des deux pièces sur le derrière qui auraient été renvoyées à un autre tems. »
La Municipalité décidait donc la construction d’un second étage sur le derrière se reliant à l’étage du devant. Il fallait pour cela relever le plancher d’environ 60 centimètres, redresser la ramure et relever la toiture, rehausser la façade méridionale. Ce travail fut exécuté immédiatement par le charpentier Hugonet, le maçon Krieg, le menuisier Bocion 1 et le serrurier Ortolf. Soit que l’on ait modifié les plans en cours d’exécution, soit pour tout autre motif, le devis prévu fut singulièrement dépassé. L’architecte Perregaux présenta le 27 octobre 1817 le compte final montant à 14 173 francs 1 batz, plus 800 francs d’honoraires. /340/
Cinquante ans plus tard, le développement de l’administration communale exigeant de nouveaux locaux, le Conseil communal décida le 6 mai 1867, peu après l’élection du syndic Joël, de mettre les bureaux des travaux au second étage dans l’appartement du syndic, et de donner à celui-ci un supplément de traitement de 1200 francs comme indemnité de logement. L’inspecteur des bâtiments, M. Rouge, étudia différents projets. Mais finalement, les autorités reculèrent devant une solution radicale. Le 24 février 1868, sur préavis conforme de la Municipalité, le Conseil communal revint en arrière. Il maintint au syndic son logement et décida de mettre les travaux au premier étage de la maison Palud 2. Ce qui eut lieu. En juin 1868, on relia les nouveaux locaux avec la maison de ville au moyen du passage devant le cabinet actuel du syndic (anciennes archives). On perça, à cet effet, le mur mitoyen et le mur séparant le local des archives du couloir des pas-perdus, et l’on mura la porte rouge des archives contre laquelle on a adossé, depuis, la « cheminée » du bureau du syndic.
Ce n’est qu’en 1882, au moment de la réorganisation de l’administration communale, que la transformation projetée en 1867 fut opérée. Le Conseil communal en adopta le 11 septembre 1882 le plan qui comprenait en outre de nouvelles répartitions de locaux au premier étage et au rez-de-chaussée. Les dépenses s’élevèrent à 40 000 francs environ.
La seconde transformation de l’Hôtel-de-Ville fut celle du greffe. Comme nous l’avons dit, le greffe municipal et le greffe économique étaient installés dans l’annexe méridionale Palud 2. La municipalité décida en 1846 /341/ de réunir les deux greffes et de leur attribuer la salle du Tribunal de district, celui-ci devant désormais tenir toutes ses séances (au lieu d’une partie seulement) à l’Evêché; cela afin que la secrétairerie fût à proximité de la salle de la Municipalité. C’est là que fut donc installé le greffe municipal, jusqu’au 27 février 1884, date à laquelle la Municipalité décida de le transférer dans la salle actuelle, dite de la Justice de paix. Le Juge de paix dut alors émigrer Palud 2. La salle du Greffe a été surélevée en 1905, par la suppression de l’ancien plancher du second étage, qui avait été recouvert en 1816 par un nouveau.
Cette salle de la Justice de paix (l’ancienne salle des LX) avait abrité le Conseil communal au début de son existence, dès le 8 décembre 1815. Mais elle fut bientôt trouvée trop exiguë, et dès le milieu de l’année 1820, le Conseil communal siégea dans la grande salle des Deux Cents, où s’était constitué le Grand Conseil vaudois en 1803. Cette salle servait jusqu’à ce moment à quantité de réunions hétéroclites, et en particulier la Société de musique, fondée en 1812, y donnait ses concerts. Par lettre de mai 1812, elle avait demandé à la Municipalité d’appliquer à la salle un plafond de gypse « pour la rendre plus sonore et plus agréable ». La municipalité s’empressa d’obtempérer à ce désir. Nous voyons en effet qu’en juin 1813 la Municipalité adopta un devis de 261 francs pour l’établissement du plafond de gypse. Mais il paraît que quelqu’un s’opposa à cet acte de vandalisme et parvint à convaincre la Municipalité de l’intérêt qu’il y avait à conserver la vieille poutraison, déjà, malheureusement, sacrifiée dans les autres pièces. On se borna, /342/ en 1819, à la blanchir, si nous en croyons du moins une décision municipale du 19 novembre.
En 1832, le 9 octobre, sur les plans et devis de l’architecte Perregaux, le Conseil communal fit faire l’estrade pour le public, qui se trouve au fond de la salle, les bancs en chêne qui occupent encore celle-ci. Il ordonna en outre de glacer les murs et de peindre les murs, ainsi que les poutrelles et les sommiers du plafond. En 1851, il réclama de nouveau que l’on reblanchît les murs et le plafond, mais le travail ne fut pas exécuté. Dans la nuit du 26 au 27 avril 1854, le feu allumé par la négligence d’un fumeur consuma la fenêtre centrale avec la boiserie environnante.
En 1874, la Municipalité fit exécuter différentes réparations dans la salle du Conseil communal. Le plafond dont les poutres et les poutrelles étaient alors peintes en gris fut peint à nouveau : les poutres et poutrelles en faux-bois et les entre-deux en bleu. Les murs, particulièrement celui du côté de la maison Compondu (à ce moment Vallotton) étant en mauvais état, furent revêtus d’une toile peinte par le peintre Borchgrave, de Genève, celui qui a peint le plafond de la grande salle du théâtre. Le buste de Guillaume Tell, qui avait été placé précédemment au-dessus du siège présidentiel, fut transporté au stand, et l’on mit à la place l’écusson de la commune. Dès lors, il n’a été fait dans la salle du Conseil que des réparations qui n’en ont pas altéré la physionomie, à l’exception de la pose de l’électricité en 1901.
Quant à la salle de la Municipalité, elle n’a subi que des retouches. Mentionnons en 1889 la restauration par le peintre Hosch des vitraux qui étaient autrefois dans la /343/ salle des LX et qui doivent avoir été placés vers 1850 dans celle du milieu; et en 1904 celle du plan de la ville par le commissaire Buttet, travail exécuté par M. Joseph Vuillermet. En 1908, on refit le plafond de la salle de la Municipalité, ainsi que les boiseries et le mobilier.
Au rez-de-chaussée de la maison de ville, la principale transformation fut en 1840 la suppression du marché aux grains sous les arcades, la ville ayant construit sur la place de la Riponne une nouvelle Grenette; l’affectation en 1882 de tous les locaux donnant sur la façade méridionale en bureaux pour la direction des écoles; la clôture du hangar aux pompes, en 1908; enfin le déplacement en 1903 du poste de police qui fut transféré Palud 2, et fut remplacé par les archives du Conseil communal.

Plans du rez-de-chaussée, du premier et du second étage (état actuel)
D'après les relevés de M. Reybaz, architecte, en 1910
Cliquez 1X ou 2X sur l'image pour une vue agrandie (dans une nouvelle fenêtre)
Mentionnons encore l’établissement des archives de la ville en 1882 dans les anciennes secrétaireries, après leur réorganisation par M. Ernest Chavannes; en 1898, les archives anciennes furent de nouveau déménagées et installées dans la cave, bien disposée à cet effet, où elles se trouvent maintenant.
Dès l’année 1812, la municipalité projetait une réfection de la façade méridionale de la maison de ville. Le projet fut en partie réalisé en 1816 lors de la création du second étage. Mais, en 1845, on remplaça la molasse de la partie inférieure par un doublage en cailloux enduits de chaux hydraulique pour figurer la taille. L’année suivante, l’entrepreneur Krieg fit une réfection des piliers des arcades. En 1862, nouvelle restauration de la façade méridionale par l’entrepreneur Ch. Wenger, /344/ et il y en eut d’autres depuis. Ceci pour dire que l’on ne peut retrouver sur cette façade que les grandes lignes du travail du major de Crousaz et que plusieurs détails — tels les pilastres en 1774 — ont dû être singulièrement altérés.

Hôtel-de-Ville de la Palud – Façade méridionale actuelle
La façade septentrionale a subi, elle aussi, des retouches au dix-neuvième siècle. Le 8 juillet 1857, l’inspecteur des travaux exposa « que les décors autour du cadran de l’horloge de la maison de ville, commencent à se détériorer et qu’une restauration est urgente pour conserver cet objet d’art. » Il demandait que l’on profitât du passage dans cette ville du citoyen Eugène Tasso, peintre expert en cette matière. La Municipalité accepta cette proposition. Mais le travail ne fut pas exécuté. Deux ans plus tard, elle songea à faire repeindre le clocher et l’avant-toit, mais ajourna de nouveau l’exécution. Un nouveau devis, dressé en 1864, fut aussi remis dans les cartons. Cependant, en 1867, le Conseil communal se décida à agir 1.
Le 17 mai 1867, ensuite de décision du Conseil qu’elle avait provoquée, la Municipalité adopta un devis de 2132 francs de M. Jacques Deriaz, peintre à Genève, pour refaire les peintures du beffroi et de l’avant-toit. Elles ont été commencées le 8 août et achevées le 10 octobre. Les gargouilles en cuivre de l’avant-toit jusqu’alors sans peinture furent peintes et en parties dorées.
La peinture du beffroi fut faite par MM. Deriaz et Sylvestre ce dernier peignit aussi les rinceaux de l’avant-toit. Les figures des médaillons furent peintes par /345/ M. Hébert. Ces trois artistes demeuraient à Genève. Le cadran de l’horloge représente à droite la Justice : la loi pèse lourdement sur l’un de ses plateaux et une couronne. très légèrement sur l’autre; — au milieu, le Temps, figuré par un vieillard qui soulève un voile derrière lequel apparaît une jeune femme, la Vérité; — au bas, deux prisonniers l’un enchaîné baisse tristement la tête; l’autre se relève, foule aux pieds ses liens brisés et se tourne vers la Justice sa libératrice.
Quant à l’avant-toit, il montre : A gauche de la tour un trophée de drapeaux avec un cartouche sur lequel se détache l’écusson de la ville. Du trophée se dégagent des rinceaux au feuillage rouge et vert, sur lequel s’appuient deux femmes : la Science, tenant un livre et le globe terrestre, les Arts, ayant à ses pieds une palette et des pinceaux. La même ornementation se retrouve à droite de la tour; d’un côté du trophée est l’Industrie, tenant un marteau et s’appuyant sur une enclume; de l’autre, l’Agriculture, couronnée de coquelicots et de bleuets, une poignée d’épis à la main.
En même temps que ces peintures, on reconstruisait le clocheton, et M. Treboux, de Vevey, refondait la cloche qui donnait un mauvais son 1. La Municipalité commandait à M. Bailley-Comte, à Morez (Jura) une horloge à trois cadrans, remplaçant la précédente qui n’en avait qu’un. Cette horloge fut payée 2400 francs, suivant décision du 1er février 1867.
Ces travaux faisaient partie d’un projet de restauration de l’ensemble de la façade nord, que la Municipalité /346/ avait fait étudier en septembre 1864 par l’inspecteur des bâtiments, M. Rouge, et qu’elle avait approuvé dans sa séance du 4 novembre 1864, décision qui fut ratifiée. Il comprenait encore la réfection du mur de façade. Le 29 mars 1867, la Municipalité adjugea les travaux de maçonnerie à Mme veuve Krieg et fils pour 3254 francs. Les travaux commencèrent le 8 août, une partie des pièces enlevées fut remplacée par de la molasse; le plus grand nombre par du grès d’Ayse près de Bonneville. Ce travail fut complété en 1873, lorsqu’on abaissa légèrement le niveau de la place; l’entrepreneur Gonthier revêtit de pierres d’Arvel les socles des piliers qui sont en grès.
En septembre 1867, le sculpteur Paul Chavan posa les armoiries de la ville (l’écu soutenu par des lions) au-dessus de la porte d’entrée de la maison de ville. Tous ces travaux furent dirigés par l’inspecteur des bâtiments, M. l’architecte Georges Rouge. Enfin, en juin 1885, M. Doret-de la Harpe, sculpteur à Vevey, fit gratuitement le travail de polissage des deux belles colonnes de marbre rouge jaspé de Roche qui ornent le porche. Les dernières réfections artistiques sont la mise à nu de l’appareil de molasse, la peinture des vestibules et de la salle des pas-perdus, et celle du grand escalier, travaux exécutés en 1903, 1905 et 1906 sous l’inspiration du syndic M. B. van Muyden.

Hôtel-de-Ville de la Palud actuel
Nous avons vu, au chapitre précédent, installer les premières lampes à la maison de ville en 1766. Le 15 novembre 1813, la Chambre économique, l’une des sections de la Municipalité, prenait la résolution suivante : « Nous avons chargé le citoyen Maisonneur de donner /347/ ordre au concierge de la maison de ville d’allumer chaque soir le falot qui éclaire les escaliers de la maison de ville et d’acheter un quinquet pour le placer à la salle de nos séances. »
XV
Conclusion.
Comme on vient de le voir, l’Hôtel-de-Ville de Lausanne n’a pas été l’œuvre d’un jour. Il est né en 1454 sur l’emplacement d’anciennes halles. Il a été agrandi à plusieurs reprises, et notamment en 1556. Il a été refait en grande partie et sur un nouveau plan en 1674, et enfin partiellement surélevé en 1816. Depuis longtemps il ne suffit plus à contenir l’administration communale, de même que le Château ne retient plus qu’une partie des services cantonaux. Les directions des finances, de la police, des services industriels et des domaines ont successivement émigré, et aujourd’hui 1 l’Hôtel-de-Ville n’abrite plus que l’administration générale, les directions des travaux et des écoles. /348/
Néanmoins, la maison de ville est et restera, comme elle l’était il y a quatre siècles, le cœur de la vie communale, le symbole de notre autonomie et de nos libertés municipales. On a dit et l’observation est juste que les bourgeois de Lausanne du vingtième siècle appartiennent à de tout autres familles que ceux du quinzième siècle. C’est qu’il en est des familles comme des individus : elles naissent dans l’ombre, se développent peu à peu, donnent un jour tout leur éclat, pour disparaître bientôt après la fleur et le fruit donnés. C’est une loi biologique à laquelle bien peu échappent. Mais les générations et les familles qui se sont succédé dans nos murs ont repris peu à peu avec leur place les habitudes et les traditions des aïeux et aussi la même foi dans le développement et la prospérité de la ville de Lausanne massée autour de son Hôtel-de-Ville. Héritiers de nos prédécesseurs, nous voulons être et nous serons leurs continuateurs, désireux d’entretenir le même respect du passé, la même fierté du présent, les mêmes espoirs dans l’avenir.
/349/
APPENDICE
I
Les vitraux de l’Hôtel-de-Ville.
Huit vitraux peints ornent la salle de la Municipalité, à l’Hôtel-de-Ville de la Palud. Ont-ils toujours été dans cette salle ? Nous ne savons trop. En 1785, la Chambre de fabrique ordonnait de replacer à la salle des LX (le greffe actuel) « quatre armoiries en verre colorié avec leurs attributs. » Il s’agit probablement d’une partie de ces huit vitraux. Quoiqu’il en soit, tous étaient en place il y a cinquante ans au moins. Ces vitraux ne sont pas l’œuvre du même artiste. Ils comprennent deux groupes :
1o Armoiries de Lausanne. — Vitrail représentant la Vierge et l’enfant Jésus avec aux pieds l’écu écartelé de la Cité et de la Ville inférieure. — Armoiries de Berne. — Armoiries de Fribourg. — Bannière de la ville de Lausanne.
2o Bannière de la Palud. — Bannières de la Cité et de Bourg ( ?). — Bannières de Saint-Laurent et du Pont.
Les différences sont très visibles. Les ornements de ces trois derniers vitraux sont d’un dessin plus délicat que ceux des premiers, les blancs sont traités d’une autre manière, enfin le personnage du banneret de la ville a une autre allure que les autres.
A qui attribuer ces vitraux ? Voici quelques textes :
1º En 1501, la ville dépensa 19 livres pour l’établissement de verrières dans la stupha de la maison de ville de la Palud. Ces vitraux remplaçaient le papier huilé dont on usait précédemment. Mais ces verrières étaient-elles peintes ? La somme relativement /350/ importante qui fut dépensée permettrait de le supposer. Seulement nous manquons absolument de preuve.
2º En avril 1528, les syndics payèrent 33 sols à Claude Martin qui porta à Berne « certaines lettres à un verrier qui fait les vitraux qui doivent être posés aux fenêtres de la maison de ville de la Palud. » Combien de vitraux, cela n’est pas dit.
3º Le 19 mai 1552, la ville paya 12 écus et un teston « a Me Henry [ François ] le peinctre pour la fasson des fenestres doylietz de la salle de la maison de ville, que aussi pour lescusson en toille peincte des armoiries de la ville. » D’autres passages du même compte parlent des ferrures de ces oyllietz ou guichets de fenêtre et disent qu’il y en avait huit.
4o En 1553, on paya 5 fl. à Egrège Jaques Bergier à raison « d’une fenestre en laquelle a mys les armoiries de Messeigneurs de Lausanne. » Jaques Bergier n’était pas peintre et il s’agit sans doute d’un travail complémentaire au précédent.5º Enfin, en mai 1566, on paya 12 florins 6 sols au peintre Abraham de Cheveulx « pour avoir refait des losanges aux verrières de la sale de la maison de ville en la Palud qui estaient gastées. »
Quel parti peut-on tirer de ces indications ?
Nous devons, semble-til, éliminer la première comme trop incertaine, et la dernière qui paraît ne viser qu’une restauration peut-être analogue à celle que fit le peintre Hosch en 1889 1.
Le travail de 1528 paraît concerner le premier groupe des vitraux. En 1525 avait été renouvelée l’alliance des villes de Lausanne, Berne et Fribourg. Leurs trois armoiries la commémorent

Armes des villes de Lausanne, Berne et Fribourg
Le quatrième vitrail rappelle que la communauté de Lausanne est formée de la Cité et de la ville inférieure, sous l’égide de Notre-Dame

Vierge et enfant Jésus avec l’écu de Lausanne
Enfin, le banneret aux couleurs de la ville marque la prétention des Lausannois d’avoir un héraut à leurs couleurs, prétention que l’évêque leur contestait énergiquement 2.

Bannière de Lausanne
/351/ Comme on le voit, ce groupe se présente d’une façon nettement satisfaisante. L’opinion qui en attribue le travail au peintre verrier Hans Funck se base sur le monogramme que présentent deux des vitraux et sur les autres travaux de l’artiste que rappelle M. P. Ganz dans le Dictionnaire des artistes suisses.
Quant au second groupe, il est possible qu’il se rapporte au travail de Me Henry François en 1552. Aux cinq premiers vitraux il en ajouta trois, et l’ensemble fut les huit holietz dont il est alors question. Le choix des sujets de ces trois nouveaux vitraux s’explique assez bien. Lausanne n’a plus à rappeler qu’elle est sous la protection de Notre-Dame et qu’elle est combourgeoise de Berne et de Fribourg. Elle n’a plus de politique indépendante. Mais son organisation reste basée sur les cinq bannières et ce sont elles que l’artiste a voulu reproduire.
Comme il ne disposait, nous ne savons pourquoi, que de trois fenêtres, il a dû grouper les bannières. Il a mis seule au premier rang la bannière de la Palud qui, mieux que toute autre, symbolise la ville.

Bannière de la Palud
Il a réuni les bannières des deux quartiers inférieurs, Saint-Laurent et le Pont. Enfin, les deux principaux quartiers, la Cité et le Bourg, se donnent la réplique.

Bannière de la Cité, du Bourg, de Saint-Laurent et du Pont.
Mais ici se pose un curieux problème.
Le commentaire du Plaid général, qui date du commencement du XVe siècle, dit que le drapeau du quartier de Bourg est rouge et blanc avec deux clefs (clavium) comme signe. Ces clefs sont les attributs de saint Pierre, patron de l’église paroissiale du Bourg.
Seulement, le vitrail de 1552 ( ?) qui doit représenter la bannière de Bourg ne représente pas deux clefs, mais trois petits arcs gravés dans le blanc seul. En 1674, le major de Crousaz, reconstruisant la façade sud de la maison de ville, y fit figurer, à la place de l’écu aux deux clefs, les mêmes trois petits arcs. Lui aussi, évidemment, a vu là les armes du quartier de Bourg 1. /352/
Pourquoi en 1552 a-t-on abandonné les clefs et que veulent dire ces trois petits arcs, dont nous ne trouvons d’ailleurs pas d’autre exemple ancien ? nous ne pouvons pas le dire. Les documents d’archives sont muets sur ce point.
Aurait-on voulu marquer par là que le quartier de Bourg avait droit de justice, et les trois arcs marqueraient-ils naïvement une idée de prééminence ? C’est une hypothèse purement gratuite, que nous avançons faute de mieux, et sans nous dissimuler qu’on l’accueillera peut-être avec un sourire.
II
La date des plans de Lausanne.
Nous avons employé dans ce travail les trois plans de la ville de Lausanne qui ont été dressés dans le courant du XVIIe siècle.
Contrairement à l’opinion courante, dont nous avons été l’écho p. 143 et 181 de ce livre, le plus ancien de ces plans est le plan du conseiller David Buttet, mort en 1657. Il fut achevé en 1638, ainsi qu’en témoigne cette mention que nous avons retrouvée dans les Manuaux du Conseil de Lausanne :
« 1638, 22 mars. — Est passe billet au sr David Buttet de la somme de trois cents florins et deux sacs de froment pour le plan et pourtraict de cette Cité peint en huile lequel sera mis au poële du Conseil. »
Le second plan est celui de Matthæus Merian, le graveur sur cuivre bâlois mort en 1650, dont la série des topographies de la Suisse fut gravée en 1642 ou 1643, mais dont nous ne connaissons que la seconde édition, Topographia Helvetiæ Rhætie et Valesiæ, parue à Francfort en 1654. Il semble évident que Mérian a eu connaissance du plan Buttet; dans quelle mesure celui-ci a-t-il travaillé avec l’artiste bâlois, nous ne pourrions le dire.
Le plan de Mérian est reproduit exactement dans Lausanne au temps de la réformation, de M. Doumergue (et dans Lausanne à travers les âges, de B. van Muyden). Par contre, on trouve dans le /353/ Journal des tribunaux, paru à Lausanne en 1860, un « plan de 1678 » qui est la reproduction du plan contenu dans une « carte du balliage de Lausanne », dressée en 1678 par G. Le Clerc. Le Clerc s’était servi d’une gravure déjà existante, et parue dans nous ne savons quel ouvrage, qui dérive très manifestement du plan Mérian, mais en diffère sur quelques points : on a allongé les vignes de Mornex et peuplé de tireurs la place de Montbenon, on a mis un clocheton et des flèches sur la maison de ville, tout en conservant l’escalier donnant sur la Louve alors que depuis 1674 il était remplacé par le passage voûté, etc. Le Clerc a gratté, cela est très visible sur la carte, la partie de la gravure qui représentait l’aiguille du beffroi de la cathédrale, brûlée en 1675. Le modèle qui avait servi au travail de Le Clerc a été enfin utilisé par J. Blanchard en 1863 dans le plan annexe au Lausanne dès les temps anciens de Blanchet. La planche porte, par suite d’une erreur typographique évidente, l’indication « plan de 1664 », alors que la description de Fréd. de Gingins qui s’y rapporte dit toujours « plan de 1644 ». Nous ne savons sur quoi se basait M. de Gingins pour indiquer cette dernière date. Au surplus, il a paru au XVIIe siècle plusieurs plans de Lausanne dérivés du plan Mérian.
Enfin, le plan cadastral du commissaire Pierre Rebeur date de 1672, et une copie retouchée en a été faite en 1679. Les deux éditions sont déposées aux archives communales.
Table de matières
| I. | L'Hôtel-de-Ville | 231 |
| II. | La maison du Plaid général | 233 |
| III. | Les premières halles | 237 |
| IV. | L'ordonnance de 1405 | 238 |
| V. | La première maison de ville du Pont | 240 |
| VI. | La seconde maison de ville du Pont | 252 |
| VII. | Les halles de la Palud | 262 |
| VIII. | La maison de ville de la Palud | 269 |
| IX. | La construction du passage voûté | 286 |
| X. | La maison de ville au XVIIe siècle | 299 |
| XI. | La construction de l'Hôtel-de-Ville actuel | 302 |
| XII. | Les phases constructives de l'édifice actuel | 314 |
| XIII. | Les transformations du XVIIIe siècle | 324 |
| XIV. | La maison de ville au XIXe siècle | 337 |
| XV. | Conclusion | 347 |
| APPENDICE: | ||
| Les vitraux de l'Hôtel-de-Ville | 349 | |
| La date des plans de Lausanne | 352 |