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Mémoires et documents de la Société d’histoire de la Suisse romande

Edition numérique

Maxime REYMOND

Les châteaux épiscopaux de Lausanne

Dans MDR, Seconde série, 1911, tome IX, Mélanges, pp. 109-228

© 2024 Société d’histoire de la Suisse romande

/109/

LES CHATEAUX ÉPISCOPAUX DE LAUSANNE 1

PAR MAXIME REYMOND

 


Voir la Table de matières

 

I

Le « castrum » de Lausanne.

Certains documents émanant de la chancellerie du roi Rodolphe Ier de Bourgogne et de celle de l’évêque Boson, de 891 à 912, sont datés actum Lausannense castro 2. Que faut-il entendre par ce terme ?

Les chartes contemporaines nous édifient pleinement sur ce qu’était un castrum. C’est ainsi qu’en 876 il est question du castrum des Arènes qui se trouve dans la cité de Nîmes. Ce castrum comprend les deux églises Saint-Martin et Saint-Pierre; il est habité par des chevaliers, des hommes d’armes et d’autres gens qui vivent /110/ sous un régime distinct de celui de la cité et ont leurs maires spéciaux 1. En 918, le roi Charles-le-Simple donne au monastère de Saint-Martin de Tours le castrum qui est autour du couvent; ce castrum est si étendu qu’il embrasse non seulement cet important moûtier, mais encore l’abbaye de Saint-Benoît 2.

Ces exemples, pris entre plusieurs, nous montrent qu’à la fin du IXe siècle le castrum n’est pas un simple château, mais une localité fortifiée. Les recueils de formules donnent la même impression. Tam civitatibus, castris, vicis, villis, monasteriis, dit une formule de la collection de Saint-Denis 3. Dans les formules de Sens, à la même page, pour deux actes semblables, un acte emploie le mot civitate et l’autre castro, et il est visible que l’un est employé pour l’autre 4. La même équivalence de termes se remarque dans le tome IX des Historiens des Gaules; Avignon est qualifié de castrum en 898, de civitas et d’urbs en 907, Soissons est castrum en 920, civitas en 922 5. Il en est de même pour Laon. Castrum s’applique donc à cette époque aussi bien à des villes épiscopales qu’à de simples bourgs fortifiés.

Dans certaines villes, notamment à Tours, à Toulouse, à Albi, à Béziers, il y avait le castrum à côté de la Cité. Aussi s’est-on demandé si à Lausanne le castrum n’aurait pas été le quartier de Bourg. Nous avons dit ailleurs 6 pourquoi nous pensons que ce quartier ne date /111/ que de la fin du IXe siècle, — c’est en 906 1 que fut dotée la chapelle du Bourg consacrée après 892. — A supposer même qu’il eût dès ce moment quelque importance, il faudrait prouver qu’il était déjà fortifié. Or, on n’a aucune trace certaine d’un mur d’enceinte du Bourg distinct de celui de la Cité. On n’en a pas retrouvé jusqu’ici de vestiges du côté du Rôtillon, et il semble qu’on aurait conservé le souvenir d’une porte à la Cheneau-de-Bourg qui aurait dû faire face à celle des Grandes-Roches; la possibilité même de ces deux portes reliées par une rue non protégée est invraisemblable.

Il n’est pas même certain que les remparts de la ville aient embrassé le Bourg avant le XIIIe siècle. Lausanne a eu une enceinte primitive qui contenait la Cité. Un premier faubourg, celui de la Palud, s’étant constitué, fut englobé à son tour. Le mur de ville entourant la Palud existait encore partiellement en 1326. On signale à ce moment une maison, actuellement no 13 de la place de la Palud (propriété Lehmann), et qui était limitée par le ruisseau à occident, le rempart attenant à la porte fermant l’extrémité ouest de la Palud (au rétrécissement) à orient 2. Au midi, l’hôpital Saint-Jean, à l’angle de la rue de la Louve et de celle du Petit-Saint-Jean, est en 1235 en dehors des remparts. Au sud-est, en deçà du pont conduisant à Saint-François, il paraît y avoir eu une autre porte; en démolissant vers 1660 la maison Constant (actuellement maison Giroud, no 22, rue du Pont), on a trouvé les fondements d’une tour ronde 3. Le mur /112/ d’enceinte de la Palud est donc la première extension des remparts primitifs.

Plus tard, lorsque les quartiers de Saint-Laurent et du Bourg se furent développés, il parut naturel de les fortifier aussi, et de les englober à leur tour dans le mur d’enceinte. Ce travail n’était pas achevé en 1235 du côté de l’hôpital Saint-Jean, vers lequel se trouvait à ce moment une porte de ville distincte des postelles de Pépinet qui ne datent que du XVe siècle. Comme, en 1224, les bourgeois de Lausanne, en conflit avec leur évêque, disent que, pour se défendre contre leurs ennemis, ils ont dû construire des murailles qu’ils offrent d’abattre, avec les portes même, si le prélat leur assure la sécurité, on peut se demander si c’est alors que le quartier de Bourg fut réuni aux fortifications de la Cité 1. Une tour de Saint-Pierre est mentionnée en 1228 2. Mais en supposant même que les remparts de Bourg soient antérieurs, ce qui précède montre qu’au IXe siècle ils pouvaient difficilement exister.

D’ailleurs, nous avons un document certain qui nous prouve qu’à Lausanne le castrum n’était pas autre chose que la Cité. Le 25 avril 912, un certain Austerius vint in Lausonna castro in ecclesia sancte Marie 3 investir les chanoines de biens à Combremont. La cathédrale de NotreDame est ainsi comprise dans le castrum. Il ne faut pas chercher à ce dernier mot d’autre sens que celui de ville forte.

Il n’y avait pas non plus de château royal à la Cité 4. /113/ Le castrum est mentionné pour la première fois en 891, à l’aube du règne de Rodolphe Ier; on admettra difficilement que celui-ci l’ait construit, et rien ne montre qu’il en ait hérité un des Carolingiens. Puis, à part deux actes où apparaît le roi en personne — et il agit comme bienfaiteur de l’église de Lausanne — ce ne sont pas la chancellerie et les scribes du souverain qui rédigent les chartes in Lausannense castro, mais le chancelier de l’évêque entouré de chanoines. Il est difficilement admissible que la chancellerie de Rodolphe Ier se soit laissée supplanter dans la propre demeure du roi. Si elle ne fonctionne pas au castrum, c’est qu’elle n’y réside pas habituellement. S’il y a un château à Lausanne, ce n’est autre que la maison épiscopale.

Il est d’ailleurs probable qu’à cette époque, et depuis longtemps peut-être, sous réserve de l’hommage au roi, l’évêque est seul maître à la Cité. Dans un diplôme qu’il accorda le 5 août 896 a l’évêque Boson, le roi lui concéda tous les droits que possédait le comte de Vaud /114/ sur le marché de Lausanne, situé au-dessous et à l’extérieur de la Cité, et Rodolphe Ier ajouta qu’il faisait cette donation, afin que « dans la Cité et au dehors, le pasteur de cette Cité ait toute puissance, sans partage avec nul autre 1. » Comme l’acte lui-même accorde au prélat juridiction en dehors de la Cité, il s’ensuit qu’il l’avait déjà à l’intérieur.

L’évêque gouvernait donc en 896 le castrum lausannense.

 

II

L’Evêché.

Il est certain, par conséquent, qu’à la fin du neuvième siècle l’évêque de Lausanne avait à la Cité sa maison forte. C’est là sans doute que descendaient les rois de Bourgogne, depuis Rodolphe Ier qui concéda à l’église de Lausanne la libre élection de son évêque, jusqu’à Conrad et à Rodolphe III qui se firent couronner dans la cathédrale de Notre-Dame, à Rodolphe III qui dota l’évêque Henri du comté de Vaud et voulut que son corps reposât dans le sanctuaire. C’est là sans doute qu’en 999 l’évêque Henri reçut, au milieu des chants du clergé et des cris de joie de la foule, l’impératrice Adélaïde venue pour rétablir la paix dans le royaume. Et c’est de là probablement aussi qu’en 1036 partit le cortège d’évêques et de princes qui se rendit à Montriond pour proclamer la Trève Dieu. Quelques années plus tard, en 1049, le pape saint Léon IX, venant d’Italie, s’y arrêtait avant /115/ de continuer sa route par Romainmôtier vers la France.

Il n’y a pas de raison de placer cette maison épiscopale ailleurs que sur l’emplacement de l’Evêché actuel, au midi de la Cathédrale, conformément aux règles usuelles en matière de construction d’édifices ecclésiastiques. D’ailleurs, dominant la ville neuve, le lac, les routes qui, venant de Vevey et Moudon, se rejoignaient à Saint-Pierre, celles débouchant à Saint-Laurent de Genève, d’Orbe et d’Yverdon, la position du palais épiscopal était merveilleusement choisie, aussi bien au point de vue stratégique qu’au point de vue de la beauté du site. Aujourd’hui encore que le panorama a singulièrement changé d’aspect, on peut juger, de la chambre au sommet du donjon, de sa splendeur primitive.

La première mention certaine que nous ayons de l’Evêché actuel date de l’épiscopat de Bourcard d’Oltingen. (1050-1089.) Elle nous apprend que l’on construisit la chapelle Saint-Nicolas avec la chambre de pierre qui était au-dessous 1. Or, la dite chapelle était en 1536 encore comprise dans l’enceinte du palais. De cette époque peut-être date certain chapiteau que l’on remarque dans le sous-sol de l’Evêché. Quant à la colonne octogonale qui, au siècle dernier, fut transportée de cet édifice au Pavillon et de là à l’Hôtel-de-Ville (salle des Pas Perdus), des archéologues la font remonter à une date antérieure, à l’époque même des rois de Bourgogne.

Le douzième siècle ne nous fournit pas de renseignement caractéristique sur le palais épiscopal. C’est là qu’en mai 1148 l’évêque saint Amédée reçut, pendant dix jours, le pape Eugène III, avec lequel il était lié d’amitié. /116/ C’est là qu’il composa ses Homélies, qu’il eut à se défendre contre les entreprises du duc de Zaehringen qui envoyait ses gens loger dans la maison épiscopale elle-même 1 , et contre le comte de Genevois à qui il ne put pardonner ses déprédations et ses violences; c’est de là aussi qu’à la fin d’août 1160 son corps partit pour aller dormir au pied du grand autel de la Cathédrale. Vers la fin du même siècle, le palais de la Cité était occupé par un autre grand évêque, l’Italien Roger, dont le tombeau se voit encore dans le déambulatoire de la Cathédrale, et un document nous le montre empruntant les candélabres de l’église lorsqu’il donnait à souper dans sa maison 2. D’autres scènes se déroulaient au palais. C’est là qu’en 1202, l’évêque Roger reçut le serment de fidélité du nouveau prévôt de Notre-Dame, Conon d’Estavayer, et c’est de là qu’il le conduisit dans la salle du Chapitre, située du côté nord du sanctuaire 3.

Quel aspect avait l’Evêché à cette époque, il est difficile de le dire, puisque vraisemblablement il ne subsiste de cette période que des substructions. Les renseignements topographiques n’apparaissent qu’au XIIIe siècle, et encore est-il difficile d’en tirer quelque chose de précis. Ce qui est certain, c’est que la physionomie de la maison épiscopale était très différente, non seulement de ce qu’elle est aujourd’hui, mais aussi de ce que montrent les plans Merian et autres du XVIIe siècle.

On a imaginé de représenter l’Evêché sous la forme d’un rectangle, avec des tours aux angles, sauf à l’angle /117/ sud-est. Il s’en faut de beaucoup que cette opinion soit fondée. Constatons tout d’abord que le bâtiment n’était pas isolé. Il était relié à la porte du marché et à la porte Saint-Etienne par le mur d’enceinte 1. Il était flanqué, tout au moins du côté de la rue Saint-Etienne, de plusieurs maisonnettes et ateliers. Ces ateliers étaient généralement des boutiques d’orfévrerie, profondes de huit pieds, larges de sept 2 , de la hauteur du mur de clôture du cimetière cathédral, lequel arrivait presque jusqu’à la dite rue. Il y avait également là l’ovriour d’un écrivain public, P. Eliot en 1235 3 , Pierre en 1275, Jean Scriptoris en 1352 4 , et aussi d’autres estasons, en particulier celui où Pierre d’Arraz fabriquait en 1235 5 des vitraux pour l’église. A deux pas était une grande fontaine couverte, un bornel qui a un rôle historique. Il remplaçait l’Hôtel-de-Ville pour la Communauté de la bannière de la Cité, qui prenait beaucoup de soin à l’entretenir. Du moins, c’est là qu’elle plantait son drapeau ouz vent, comme on le voit par les préparatifs qu’elle fit pour recevoir le comte de Savoie le samedi après l’Ascension de l’an 1408 6.

Cet entourage de l’Evêché et de la Cathédrale n’était pas sans danger. Dans un passage qui n’offre pas toute la clarté désirable, le Cartulaire de Lausanne dit que les /118/ serviteurs de l’évêque avaient établi un bûcher près du campanile (de la Cathédrale ?) qui fut embrasé dans le grand incendie de 1235. Les flammes furent si violentes qu’elles brûlèrent jusqu’aux fondements de marbre blanc, dit chillon, du campanile ou des clochers, car le texte en mentionne deux 1. Plus tard, en 1352, Mermet Mercier d’Aubonne, recevant du Chapitre un atelier, « jouxte l’entrée de la grande porte de la maison de l’évêque », s’engage à n’y laisser brûler ni bois ni charbon 2. En 1427 encore, le Chapitre s’assure qu’il n’y a rien d’inflammable dans un autre atelier situé près de la maison épiscopale 3. »

Entouré d’habitations privées diverses, l’Evêché formait lui-même un ensemble disparate. Il comprenait au XIIIe siècle, dans son enceinte, au moins trois bâtiments plus ou moins distincts, la maison épiscopale proprement dite, la chapelle Saint-Nicolas et la maison de la Curie.

Cette dernière maison renfermait les bureaux de l’officialat, c’est-à-dire de la justice et de la chancellerie épiscopales, et sans doute aussi ceux de la cour séculière présidée par le bailli de Lausanne. Sa construction doit remonter à la fin du treizième siècle. Elle se fit sous la direction du sénéchal Vuillerme, en sa qualité d’intendant de l’évêque. En 1316, ses héritiers firent le règlement de compte final « pour la construction et la réformation de la maison du seigneur évêque, appelée vulgairement /119/ la Curie, sise en la Cité, au-dessous du grand clocher de la Cathédrale 1. » Le bâtiment était déjà achevé en 1284 2. Un acte de 1294 le représente à la partie supérieure et occidentale de la rue Saint-Etienne 3.

La chapelle Saint-Nicolas donnait également sur la même rue, et nous pensons qu’elle était située immédiatement au-dessous de la maison de la Curie, à l’angle sud-est du groupe des bâtiments épiscopaux, du côté de la rue Saint-Etienne. Nous en jugeons par les considérations que voici : le bâtiment qu’occupe maintenant le Département vaudois de l’Instruction publique appartenait en 1671 à Jean-Louis et César Gaudard frères, lesquels, dans une reconnaissance à Leurs Excellences de Berne 4 , disent qu’il avait été reconnu en 1545 par messire Amey Ravier, ancien chanoine de Lausanne. Par les reconnaissances de 1545 5 , on voit que la dite maison occupait l’emplacement de deux petites maisons avec trois ateliers d’orfèvres, qu’une déclaration de 1386 6 , de Mermet Perisset, orfèvre, délimite ainsi :

« Une maison de pierre, qui fut de Rolet Chenu, orfèvre, la charrière publique descendant de la Cathédrale à la porte et à l’église Saint-Etienne, à occident; deux ateliers de bois au-dessus, touchant le mur de la dite maison dessous, la dite charrière à occident, une place où est un bornel dessus (fontaine près du mur du cimetière de la Cathédrale); un autre atelier au-dessous de l’un des susdits ovriours, la dite charrière publique à occident, devant la chapelle Saint-Nicolas de la maison épiscopale, /120/ la dite rue séparant la chapelle des dits ateliers, dicta carreria publica dictum operatorium ultimus limitatem et capellam dividum. » D’autres documents qu’il est inutile d’énumérer ici confirment ceux-ci.

On sait par le Cartulaire de Lausanne que la chapelle Saint-Nicolas était au-dessus d’une chambre de pierre, ce qu’explique très bien la déclivité du sol. La chapelle avait été placée au premier étage pour qu’elle fût à peu près au niveau de la place de la Cathédrale et de l’entrée de la maison épiscopale. Des ateliers la flanquaient du côté de la rue; nous pouvons en suivre les propriétaires depuis Berthod Chenu et Béatrix de Salins en 1278-1281 1 à Amey Ravier en 1545 et à Claude Furgeod et à Victorine Benoît en 1671 2. Nous voyons que, primitivement, une ruelle passait au midi des bâtiments de l’Evêché, conduisant en 1448 à une « postelle de la maison épiscopale 3. »

La maison épiscopale elle-même était plus à occident, la maison de la Curie et la chapelle Saint-Nicolas la masquaient du côté de la rue Saint-Etienne. Les textes du XIIIe siècle donnent à son sujet quelques détails topographiques. Un acte de 1180 est dressé entre le moûtier et la porte de l’Evêché 4. Celle-ci donne donc sur la place. On y monte par des degrés en 1225, actum ante gradus palacii 5. Il serait fort possible que le niveau primitif du rez-de-chaussée fût le même que le niveau actuel, qui est forcé par la hauteur des sous-sols; et ceux-ci remontent /121/ évidemment à la période épiscopale. En 1217 et 1220, des actes sont passés ante cameram episcopi 1 , ce qui permet d’admettre que la chambre de réception donnait aussi sur la place, vraisemblablement au premier étage, car elle devait avoir un balcon, in lobio episcopali, sub lobio, disent des actes de 1227 2. Non loin, entre le palais et l’église, était un orme 3.

Ce bâtiment fut endommagé en 1219, dans l’incendie du 10 août, avec le clocher de la Cathédrale, mais il fut immédiatement restauré. C’est en effet dans la chambre de l’évêque qu’au moment de partir pour la Terre-Sainte avec l’évêque lui-même, le 25 mai 1220, le chevalier Willerme de Vulliens engagea au Chapitre la dîme de Granges 4. Le Cartulaire ne dit pas que la maison épiscopale ait été embrasée par l’incendie de 1235, mais, puisque le feu est monté de la Palud à la Cité, il a difficilement pu épargner le palais, et l’on remarque avec étonnement qu’il n’est pas question du château épiscopal dans les mesures que prit le sire de Faucigny pour défendre la Cité en 1240 et empêcher l’entrée du nouvel évêque Jean de Cossonay 5. Puisque les bourgeois de la ville inférieure étaient en lutte contre lui, la possession de l’Evêché devait cependant avoir quelque intérêt pour lui. La domus episcopalis revient dans un acte de 1246 6.

A partir de ce moment d’ailleurs, les documents qui nous renseignent sur l’intérieur de la maison épiscopale sont fort rares. Et, pourtant, un évènement très important devait s’y dérouler dans la seconde moitié du XIIIe siècle. /122/ Le 6 octobre 1275, le pape Grégoire X, venant du concile de Lyon avec un cortège de huit cardinaux, cinq archevêques et dix huit évêques, et une nombreuse suite, arriva à Lausanne. Il s’installa sûrement à l’Evêché, tandis que la plupart des personnes de son entourage trouvaient à se loger dans les maisons capitulaires. Douze jours après, le 18 octobre, l’évêque Guillaume de Champvent recevait encore chez lui le roi des Romains Rodolphe de Habsbourg, avec la reine Anna et ses enfants. Grande fut sans doute la joie et l’animation en ce temps-là, autour de la Cathédrale et de l’Evêché. Les fêtes devaient avoir le 20 octobre leur couronnement dans la splendide cérémonie de la dédicace de l’église Notre-Dame et de la prestation du serment de fidélité de Rodolphe au pape. Grégoire X quitta Lausanne immédiatement après, ainsi que l’empereur. Sept ans plus tard, de tout autres évènements ramenaient à Lausanne les évêques de Bâle et de Belley. Il s’agissait pour eux, en 1282, de rétablir la paix entre l’évêque de notre ville et les bourgeois, et mieux encore entre l’empereur et le comte de Savoie. On s’était battu à Lausanne à main armée : les bourgeois rebelles s’étaient réunis à la Cité même en face du palais épiscopal 1 , l’évêque avait dû quitter la ville, on avait dévasté certaines maisons de Couvaloup. Et Rodolphe de Habsbourg dut revenir lui-même à Lausanne en novembre 1285 pour imposer sa sentence aux belligérants.

L’entrevue de 1275 ne fut pas la seule qui vit à l’Evêché de Lausanne un pape et un empereur. Le 11 octobre 1310, l’empereur Henri VIII renouvela dans la cathédrale de Notre-Dame au pape Clément V le serment /123/ de Rodolphe de Habsbourg 1. Plus tard, l’empereur Charles IV vint à Lausanne à deux reprises en 1356 et en 1365, et c’est à l’Evêché qu’il se trouvait quand il confirma le 6 mai 1365 les droits de l’évêque 2 ; il est vrai que six jours après il vendait au comte de Savoie le vicariat impérial au détriment du même prélat. Ces allées et venues furent évidemment l’occasion pour les Lausannois de grandes fêtes, dans lesquelles le vieux palais épiscopal joua son rôle.

L’entourage de la maison épiscopale s’était modifié vers la fin du XIIIe siècle par la construction de l’annexe orientale appelée le bâtiment de la Curie, mais nous ne saisissons pas d’autres transformations jusque dans la seconde moitié du XIVe. Relevons seulement ce détail qu’en 1330 la salle de réception est chauffée, in stupa aule domus episcopalis. Cette chambre est encore appelée magna aula domus episcopalis 3 en 1376. C’est pour la dernière fois. Une nouvelle grande salle va surgir.

Après avoir été pendant quinze ans prévôt du chapitre de Lausanne et conseiller intime du comte Amédée VI de Savoie, Gui de Prangins fut nommé évêque de Lausanne, le 19 mars 1375 par le pape Grégoire XI, en remplacement d’Aymon de Cossonay. L’évêque Gui n’habita pas l’Evêché. Nous avons un acte du 12 septembre 1375 passé « dans la chambre de la maison qu’habite le seigneur évêque ». Pareille indication nous est donnée en 1376 et en 1380 4. Puis, ce prélat étant mort le 11 juin 1394, le Chapitre donna le 1er juillet au chanoine Jacques /124/ de Pontoux la maison qu’habitait le seigneur évêque Gui 1. Par ce dernier détail, on voit que cette maison n’était pas une annexe de l’Evêché, mais une des maisons ordinaire des chanoines, celle probablement que Gui de Prangins occupait pendant qu’il était prévôt et qu’il ne voulut pas abandonner à son élévation à l’épiscopat.

Peut-être y eut-il là autre chose qu’une fantaisie de vieillard attaché à ses habitudes. Nous savons en effet qu’en 1368 un grand incendie dévasta quasi tota la ville de Lausanne 2. Ce sinistre fut extrêmement étendu. Il embrassa la ville de la Cathédrale à l’église Saint-François 3 , aussi un acte de 1385 le qualifie-t-il d’incendie général de la Cité. Le 14 septembre 1378, le curé de Dommartin Jean du Costel vendit au prévôt du Chapitre une maison située « entre le cimetière de la Cathédrale et la rue tendant de la Cathédrale à l’hôpital Notre-Dame, rue brûlée dans le grand incendie de Lausanne 4  ». Cette rue n’est pas la rue Saint-Etienne, mais celle plus à l’est, Nous sommes toutefois autorisé à croire que la première fut, elle aussi, embrasée 5 , et par là même tout ou partie de la maison épiscopale.

Nous croyons donc pouvoir admettre que, si l’évêque Gui ne demeura pas à l’Evêché, c’est qu’il n’y trouvait plus de place convenable. Non pas que ce palais fût détruit, — sa chambre de réception est encore plus d’une fois mentionnée après le sinistre, — mais peut-être /125/ parce que son aile orientale, la maison de la Curie, dont il n’est plus question désormais, avait souffert, ce qui avait obligé l’administration épiscopale (l’officialat), devenue de plus en plus absorbante, à prendre d’autres locaux, peut-être l’appartement particulier de l’évêque.

Mais une telle situation était anormale. L’évêque le comprit. Il ajouta une annexe à l’Evêché. Le 11 mars 1383, Gui de Prangins reçut un légat apostolique D. Guillaume de Verdmont, un chanoine de Lausanne et de Genève, Pierre de Cluses, et le prieur de Lutry Pierre des Clées, qui venaient soumettre un litige à son arbitrage. L’acte testimonial fut rendu « dans la maison supérieure du révérend évêque Gui, dans la chambre épiscopale 1  ». S’il y a une maison supérieure, c’est qu’il y a une maison inférieure, et ces qualificatifs s’accordent parfaitement, le premier avec le vieux palais donnant sur la place, le second avec l’annexe inférieure entre l’ancien bâtiment et la tour du sud-ouest.

A quel moment exact les travaux furent-ils effectués ? Le 27 mai 1385, l’évêque Gui reçut dans « la maison épiscopale inférieure » les syndics de Lausanne, Henri Acellin et Perret Gimel, avec d’autres citoyens, qui venaient porter plainte devant lui contre le Chapitre, avec lequel ils étaient en très grave différend 2. Le 22 juin 1386, l’évêque reçut dans « la chambre neuve, cameram novam, l’hommage du seigneur Henri de Montbéliard, pour Bottens 3 , tandis que l’année suivante, en 1387, le 20 juin, le chantre Thorenc de Cravuarens lui prêtait hommage, in camera veteri domus episcopalis 4. /126/ La première est sans doute la nouvelle chambre de réception qu’un acte de 1395 1 qualifie de chambre peinte, et cette pièce est évidemment celle dont la cheminée porte l’écusson de Guillaume de Challant. Celui-ci a pu remanier l’annexe. Il ne l’a pas construite. Elle est l’œuvre de Gui de Prangins.

Nous savons maintenant que l’évêque recevait en 1385 dans la partie neuve. Celle-ci existait déjà en mars 1383. Nous devons donc chercher la date de la construction entre 1375 et 1383. Or, nous savons que, précisément à cette époque, le Chapitre eut à reconstruire les fortifications de la Cité. Le 10 décembre 1375, il se présenta en cour séculière présidée par le bailli Etienne Guerri, et là exposa aux citoyens de la ville inférieure qu’il était obligé de fortifier à nouveau la Cité, à cause des courses de troupes ennemies dans les terres de l’évêché, et il demandait aux citoyens un subside que ceux-ci lui accordèrent 2.

Le travail fut exécuté. Il porta en particulier sur les remparts ouest, car un acte de 1384 parle des « vieux remparts », du côté du couvent de la Madeleine, ce qui en suppose de nouveaux. Il était achevé en 1383, car les comptes de la bannière de la Cité de cette année, les premiers que nous ayons, ne mentionnent pas de dépense importante pour la réfection du mur d’enceinte.

Nous avions supposé que c’est à l’occasion de cette réfection que l’évêque Gui de Prangins construisit la « maison inférieure, » c’est ce que l’on appelle aujourd’hui le donjon, en reportant le mur d’enceinte, qui sans doute joignait l’Evêché, un peu plus à l’ouest, de /127/ manière à pouvoir donner à l’annexe une issue directe sur la place.

Vieil Evêché
Vieil Evêché – Vue du donjon
Extrait de Doumergue : Lausanne au temps de la Réformation

Les travaux d’exploration archéologique auxquels vient de se livrer M. l’architecte Otto Schmid ont démontré le bien fondé de cette supposition. Il a en effet découvert, dans le sous-sol de l’annexe, un mur d’angle de l’ancien rempart, qui se liait à une tour primitive, laquelle a été englobée dans la « maison inférieure. » Celle-ci a donc certainement été construite entre 1375 et 1383.

Les recherches de M. Schmid nous ont appris qu’il existait, à l’angle sud-ouest, une tour d’enceinte rectangulaire de 4m20 sur 3, dont l’architecture remonte au XIIIe siècle pour la partie inférieure et au commencement du XIVe dans sa partie supérieure. Primitivement, les machicoulis étaient surmontés d’un simple toit reposant sur quatre épaisses colonnes octogonales. A l’intérieur, la disposition des étages était différente de celle qu’entraîna le remaniement de Gui de Prangins.

Le plan ci-joint que veut bien nous communiquer M. l’architecte Schmid indiquera mieux qu’une description le travail que fit exécuter cet évêque.

plan de l’architecte Schmid
Vieil Evêché
Plan du 1er étage

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L’annexe de Gui de Prangins comprit trois étages formés chacun d’une grande salle formant la partie neuve, avec une salle annexe disposée dans l’ancienne tour et qui n’est pas toujours au même niveau. Au rez-de-chaussée se trouvait la salle à manger avec une grande cheminée pratiquée dans la paroi nord. Au premier étage, la chambre de réception; au deuxième, une autre grande pièce d’égale dimension, dont nous ne connaissons pas la destination. La chambre de l’ancienne tour qui se lie à cette dernière salle, — à un niveau /128/ supérieur, — est particulièrement intéressante par son plafond à caissons et sa peinture murale à caissons rouges et blancs. Enfin, le constructeur du XIVe siècle profita de l’occasion pour transformer en chambre le sommet de l’ancienne tour en l’entourant d’un mur qui engloba les quatre colonnes octogonales. Fait à noter, les murs de l’annexe ne reposent en aucune manière sur l’ancien rempart. Du côté méridional, le mur reliant le vieux bâtiment avec la tour primitive, mur épais de trois mètres, est tout entier à l’intérieur des fondations nouvelles; la tour elle-même était en dehors du rempart, celui-ci revenant par un angle droit vers le nord, parallèlement à la façade ouest du vieux bâtiment.

Revenons à la salle de réception. C’est une pièce spacieuse, de 9m50 de largeur sur 6m20 de profondeur et 6 de hauteur. Une large cheminée en décore le fond, à droite et à gauche de laquelle sont percées des fenêtres donnant sur le midi; dans l’embrasure de chacune, des bourrelets de pierre permettaient de s’asseoir. En face, deux autres fenêtres donnaient jour du côté de la Cathédrale; l’une d’elles conserve son armature de fer primitive. Comme nous l’avons dit, la salle était peinte de couleur rouge sombre. En haut, tout le long de la corniche, le peintre avait déroulé des banderolles avec des inscriptions latines. Ces inscriptions couraient non seulement sur le mur de la salle, mais encore sur le prolongement au droit de la vieille tour. Elles n’ont été conservées que dans ce prolongement et sur la face de la chambre de réception adossée à l’ancien palais. Elles sont malheureusement brisées et en forte partie effacées, Voici ce qu’il a été possible de lire : /129/

I (Côté Cathédrale.)
Nolo putes pravos homines bona lucrari
Temporibus peccata latentia apparent.
Je ne veux pas que tu croies que les méchants gagnent,
Avec le temps, les fautes cachées apparaissent.

Et plus bas :
Nec te conlaudes nec te culpaveris ipse
[Sic] faciunt stulti qui se gloriaverunt ipsi.

Ne te loue toi-même, ni ne t’accuse,
Ainsi font les fous, qui se sont glorifiés eux-mêmes.

II
Con … vices contempnere
… ulcet cui vim nativam.


Et plus bas :
Utere opibus modice dum sumptus habundat
Labitur exiguo quod partum [assiduo ? …]

Use modérément de tes biens, alors que tu es dans l’abondance,
En peu de temps s’écoule ce qu’on a gagné à grand’peine.

III
… tibi tempore cede
… sepe videmus


Et plus bas :
Postulat aut…

IV
Notum nol … e verbis
E minimis … i maxima crescunt.


La banderolle inférieure n’existe pas. /130/

V
Quod Deus intendat noli perquirere
Quod statuat de te sine te deliberat ipse.

Ne recherche pas quelles puissent être les intentions de Dieu,
Ce qu’il veut décider de toi, il le délibère sans toi.

Pas de seconde banderolle.

VI
Invidiam nimiam fati vitare memento
Que si non ledit tamen hanc sufferre [durum]

Souviens-toi d’éviter la jalousie excessive
Que si elle ne blesse pas, elle fait souffrir.

Nous n’avons pu lire une autre inscription qui se trouve dans le retrait sur la face occidentale de l’ancienne tour.

Ce que nous pouvons comprendre des sentences de Gui de Prangins nous montre que c’est là l’œuvre d’un moraliste. Elles ne sont pas tirées des Ecritures Saintes, mais viennent plus probablement d’un écrivain ecclésiastique.

Revenons maintenant à la construction de l’édifice.

Ruchat 1 a connu deux comptes du receveur de l’évêque Gui de Prangins, comptes qui existaient de son temps aux archives du château de Lausanne, mais qui ont disparu. Les très faibles extraits qu’il en donne ne fournissent aucun renseignement sur la construction ou l’entretien de la maison épiscopale. Néanmoins, voici un petit détail de quelque intérêt. On sait que la grande porte de l’évêché était surmontée d’une tour que l’on appellera plus tard la tour de la Colombière. Or, nous /131/ voyons que, du 20 octobre 1389 au 14 mars 1390, soit pendant cinq mois, on avait donné aux pigeons de l’évêque 17 12 coupes de blé. Du 13 juillet 1393 à la mort du prélat, le 11 juin 1394, on avait consommé dans la maison épiscopale 109 muids, 11 coupes et 3 quarterons de blé (72 454 litres) et l’on avait donné aux pigeons 21 coupes de blé (3402 litres) pendant sept mois. L’évêque devait avoir un beau colombier, et l’on n’a pas de peine à voir voltiger l’essaim de pigeons qui dans ce temps lointain prenait ses ébats autour de la Cathédrale et de l’Evéché.

C’est de Ruchat 1 encore que nous tirons cet extrait d’un autre compte de Pierre d’Essertines, curé d’Orbe et receveur de l’évêque Guillaume de Menthonay. « Le 5 mai 1403, le comte de Savoie ayant débarqué à Ouchy, deux ouvriers coupèrent du mai pour en planter en son honneur devant le château de Rive et devant la maison épiscopale à Lausanne; on donna à chacun 16 deniers. Trois charpentiers, pour la même occasion, préparèrent des bans, des trépieds et des tables, et le pont à l’entrée du château de Rive. » Cette mention nous conduit à poser une question intéressante. Où logeait le comte et duc de Savoie dans ses fréquentes visites à Lausanne ? Ce prince possédait près de l’église Saint-Pierre un édifice important, la maison de Billens, où l’on rendait la justice en son nom. Mais il est plus probable qu’il était à Lausanne l’hôte de l’évêque, car on ne trouve pas trace dans la maison de Billens de l’appartement spacieux qu’aurait occupé le duc. Nous croyons en conséquence pouvoir admettre qu’il y avait à l’Evêché un /132/ appartement spécial destiné aux hôtes de choix tels que les princes de Savoie.

D’après la chronique du bailli Hermann (fin du XVIIe siècle 1 ), l’évêque Guillaume de Menthonay, successeur de Gui de Prangins, aurait « fait construire la tour qui est à l’entrée de l’évêché de Lausanne ». Cette indication paraît inexacte. Nous ne savons en tout cas pas sur quelle source s’appuie Hermann. Au surplus, Guillaume de Menthonay, qui gouverna l’évêché pendant onze ans, de 1395 à 1406, semble s’être essentiellement préoccupé de l’édification du château Saint-Maire.

L’évêque Guillaume de Challant (1406-1431) a, par contre, laissé des traces visibles de ses travaux. C’est lui qui paraît avoir créé le viret, c’est-à-dire l’escalier tournant reliant les étages de l’annexe. Primitivement on ne parvenait aux étages de l’ancienne tour que par des échelles, et quant aux chambres construites par Gui de Prangins, il semble qu’elles étaient reliées directement, à chaque étage, au vieux bâtiment, les étages étant sans communication directe entre eux.

Guillaume de Challant remania, en les élargissant, les fenêtres de la chambre de réception. Il établit la cheminée, ainsi que le plafond à caissons, mais celui-ci ne reposait pas alors sur les poutres qui masquent les inscriptions; celles-ci sont bernoises. Enfin il fit une transformation plus importante. Gui de Prangins n’avait pas englobé entièrement la tour primitive dans l’annexe. Il n’avait fait qu’un retour de trois mètres sur celle-ci, — la largeur de l’ancien rempart, — sans doute pour se borner à lier la partie neuve à la tour, et formé ainsi /133/ un « retrait » à l’angle nord-ouest de la chambre de réception, ce dont on peut se convaincre par le fait que la décoration murale de la chambre peinte se continue dans le retrait. Guillaume de Challant continua à l’ouest la façade nord, jusqu’au droit du mur occidental de l’ancienne tour, et il obtint ainsi une chambre nouvelle, comme on peut le voir par le plan de M. Schmid. Cette adjonction est facilement reconnaissable, car elle est faite de briques rouges, appareil semblable à celui de la partie supérieure du château Saint-Maire.

Guillaume de Challant fut le dernier évêque de Lausanne qui demeura à l’Evêché, le premier qui s’installa au château Saint-Maire. Après lui, le vieux palais où papes, empereurs et princes avaient séjourné, servit de plus en plus pour les services administratifs et judiciaires du diocèse. L’envahissement était tel qu’en 1450, le lieutenant de Jean Champion, bailli de Lausanne, Humbert de Gerdil, siégeait dans la maison épiscopale, au pressoir, sous l’auditoire de la cour du bailli 1. (Du côté de la rue Saint-Etienne.) Apparemment, on utilisait tous les locaux disponibles.

Mais l’appartement privé de l’évêque fut conservé. Il reçut désormais les hôtes de distinction de l’évêque. En 1476, tandis que le duc Charles le Téméraire demeurait au château de Menthon, la duchesse Yolande de Savoie résidait à l’Evêché, domus episcopalis 2 . C’est là encore, dans la « chambre du parement », qui n’est autre que la chambre de réception, que le duc Charles de Savoie reçut l’hommage de ses vassaux et des villes du /134/ pays de Vaud, les 3 et 4 novembre 1484 1. On vit successivement défiler les délégués des villes d’Yverdon, Sainte-Croix, Cudrefin, Payerne, Cossonay, Nyon, les Clées, Estavayer, Morges, Romont, Moudon, Rue, Surpierre, ainsi que les seigneurs de Colombier, de Bottens, de Vergy, de Bionnens, de Gléresse, de Glane, de la Molière, d’Avenches, de Villarzel, de Diesbach, de Montagny, de Châlon, d’Aarberg, de Cossonay, de Chastonay, de Malliardoz, les Champion, les Cerjat, et d’autres encore.

Un peu plus tard, le 10 octobre 1518, la Grande Cour séculière, comprenant les représentants du Chapitre, du clergé, de la noblesse et des bourgeois de Lausanne et des autres villes épiscopales, reconnut solennellement à l’Evêché les droits souverains de l’évêque Sébastien de Montfalcon, à l’encontre des prétentions du duc de Savoie 2 , et lui promit fidélité.

Puis la Réforme arriva, mettant fin aux fêtes solennelles, à la large hospitalité, aussi bien qu’aux allées et venues de l’official, du bailli, de leurs assesseurs et de leurs clercs, au défilé des plaideurs et des solliciteurs. Berne abandonna à la ville la maison de l’Evêché, vide de ses hôtes, avec la « petite chapelle » Saint-Nicolas, mais non le revenu d’icelle, qui avait été dotée et entretenue jusqu’en 1536 par les évêques, alors même qu’ils avaient transféré leur domicile au château Saint-Maire, et que quatre « chanoines de Saint-Nicolas » desservaient. /135/

 

III

L’Evêché après la Réforme.

Dans cette maison vidée, la ville de Lausanne qui venait d’acquérir les droits de justice seigneuriale sur quantité de domaines ecclésiastiques, établit la cour de justice inférieure et les prisons dont elle avait besoin. Le 11 octobre 1537, François Regnaud prêta serment au Conseil de la ville en qualité de châtelain de l’Evêché, et il promit surtout de bien garder les prisonniers 1. Il entra immédiatement en fonctions, car, dès le mois de novembre, nous le voyons faire faire « ung chasne de 28 pieds de lonz en ploes a leveschez pour tires les maufeteurs 2  », ainsi que « deux cerrures fectes es prissons de leveschez ». Quant au juge, ce fut noble Jean Costable, nommé le 8 novembre 1536 3. Le Conseil de Lausanne en voulut faire le successeur du bailli épiscopal, il l’appela bailli et l’installa solennellement à l’Evêché, comme l’était autrefois le fonctionnaire épiscopal. Mais les nouveaux maîtres ne voulaient qu’un bailli à Lausanne, le leur. Ils le signifièrent hautainement à leurs chers et féaux le 18 avril 1537. Le Conseil des Deux Cents s’inclina. Dès le 9 septembre, n. Jean Costable se qualifia Juge de Lausanne (plus tard juge de la cour ordinaire). Il reçut un traitement de 100 florins alors que le châtelain en recevait 50.

Un acte du 13 juillet 1556 est passé « en la grande /136/ salle de Levesche, maison de droit et de justice 1  », formule singulièrement prétentieuse, car Leurs Excellences de Berne ne laissaient à Messeigneurs de Lausanne qu’une compétence judiciaire qui alla sans cesse en s’affaiblissant. En réalité, depuis 1536, l’Evêché fut essentiellement une prison et un dépôt. Il fallut même à plusieurs reprises contraindre le Juge à siéger à l’Evêché, alors qu’il avait une tendance invincible à descendre à l’hôtel de ville. On lit en effet dans les Manuaux du Conseil que, le 28 août 1550, le Conseil dut ordonner au juge de tenir sa cour « dans la maison épiscopale, en la chambre nouvellement réédifiée » (La grande salle ?) En 1571, en 1592, même injonction. Le Juge finit par l’emporter. Il obtint de siéger à la maison de ville de la Palud, lorsque celle-ci eut été reconstruite en 1675.

Les comptes de la ville fournissent quelques renseignements sur les transformations que subit à cette époque la maison épiscopale. Ils manquent du reste de clarté. Nous voyons qu’en 1545, on y travailla du mois de mai au mois de septembre, sous la direction du maisonneur 2 Guillaume de Lalex. On refit, d’après le texte, les gorgolles, c’est-à-dire les chenaux. En réalité, le travail fut bien plus considérable, puisqu’on y employa du marrin, des poutres, des planches, des lattes carrées venant de Cugy, des encelles ou tavillons venus de Morges et 4000 tuiles. On dépensa en tout 200 florins. Il semble bien qu’on refit une bonne partie de la toiture, et peut-être la salle de la Cour nouvellement réédifiée en 1550. /137/

Où était cette chambre de la Cour ? L’acte de 1556. que nous avons mentionné tout à l’heure indique que la Cour se réunissait dans la grande salle. Elle était chauffée. En 1595, on paya 20 florins une charge de bois pour le chauffage du « poile de l’Eveschez ou se tient la Cour. » Nous sommes donc bien vraisemblablement en présence de la chambre peinte. Mais celle-ci avait été remaniée. Nous venons de voir qu’elle est en 1550 qualifiée de nouvellement réédifiée, c’est-à-dire qu’on en renouvela peut-être simplement la décoration et l’ameublement, et l’on y fit une décoration très sobre dont on retrouve quelques traces. En avril 1563, Me Walter, verrier à Fribourg, avait mis aux fenêtres de l’Evêché trois châssis et quarante-huit feuilles de verre. En février 1570, les comptes donnent les indications suivantes : « Pour décharger … pour retenir la traleyson de la grand sale de leveschez, pour poser le chasne pour accoustrer la traleyson de leveschez. » La traleyson, c’est le plafond. Il semble donc que c’est à ce moment que l’on soutint le plafond à caissons de la grande salle par les poutres qui recouvrirent les inscriptions. Ces poutres elles mêmes reçurent un appendice que nous ne pouvons pas définir. « A Jaques Fernex, menuisier, pour fere un couvercle pour cacher les quatellaz du chasne a leveschoz ou il a [mis] quatre esparres a charriere, ferrer la porte de la traleyson a leveschoz. » Qu’est-ce que ces catelles ferrées et cette porte ? En même temps, on recouvrait de 54 cents d’encelles « la gollette sus la sale de levesche, » c’est-à-dire le toit.

Nous savons d’autre part qu’il existait à l’Evêché une « cloche de la Cour » qui servait vraisemblablement à /138/ annoncer les séances du tribunal. En même temps, on mentionne une tour du Jaquemard. On répare en 1573 un pont de bois qui y conduit, on en refait la toiture en 1577, on en nettoie les caveaux en 1592, on transporte en 1632 un détenu dangereux de sa prison 1 au Jaquemard. Le Jaquemard est généralement une figure d’homme servant à frapper les heures. Y a-t-il quelque rapport entre la tour du Jaquemard et la cloche de la Cour ? Si oui, ce serait le donjon. Mais quel est donc le pont de bois qui y conduisait ?

En 1581, on fit à l’Evêché d’importantes réparations, malheureusement non spécifiées, pour lesquelles on employa le maçon et du marrin. Nous voyons seulement qu’on refit les degrés de l’entrée de l’édifice, qu’on ôta la terre devant la porte, et aussi qu’on fit des degrés et une loye (galerie) à la tour de l’Evêché qu’on recouvrit d’encelles. Serait-ce à ce moment-là que l’on fit la chambre supérieure du donjon ? Voici une autre indication énigmatique : « 1588, 29 novembre : Livre à François Borsey chappuis ayant remue les deux gebes neuves estant au bas de la grande tour de levesche au dessus en lhautte salle, 7 florins. » Précédemment, en 1584, on avait « racoultre la viellye et neufsve gebe a l’Evesche. »

Il y avait d’ailleurs d’autres prisons que celles du donjon. En 1553, on construisit la prison des Insensés. C’étaient deux petites chambres près de la cuisine. (Dans la partie ancienne du bâtiment.) On avait dû pour cela diviser une pièce plus grande. On lit dans les comptes : /139/ « Pour journées en rebochant les traz (solives) de la traleyson, planchir et fendure de muraillie dans la chambre des deux petites prisons de l’Evesche, 10 sols. » — « Pour tasche donne des prisons des Incenses tant pour les doubles portes, fornets, muraillie, colices et laverin, 23 florins. » — « Pour six asnes charges de plattes de chilliod employes eis colices des petites prisons, 18 sols. » C’est peut-être là que gisait en février 1570 la malheureuse dont les comptes disent ceci : « Livre a Isabel femme de Jaques Perey pour estre volontayrement entrer au lieu ou la Barlataye est a l’Evesche detenue prisonniere pour senquerir si la barlattaye estoict atteincte de peste comme elle faignoit, 12 sols. » La Perey méritait bien cela. En avril 1582, on refit la traleyson et un manœuvre fut employé à nettoyer et à porter la terre sur « la traleyson de la prison des Insenses. » En 1592, celle-ci paraît avoir été désaffectée, car on y mura une porte.

Une autre tour était celle de la Colombière, dont nous avons déjà parlé. Nous savons qu’elle était au-dessus de la grande porte de l’Evêché. En novembre 1547, on la recouvrit de tuiles plates et l’on garnit de tole blanche « la pomme de la bandière dessus la Colombière de Leveschez. » Le drapeau lausannois rouge et blanc flottait donc au-dessus de l’entrée du vieux palais. En 1562, on recouvrit de nouveau la « tour du porteaux de Leveschez. »

Ne quittons pas les tours et les prisons sans mentionner quelques dépenses intéressant la justice. C’est en 1559 une corde pour la torture, que l’on remplaça en 1570 par une autre « pour l’examen ». En février 1564 on /140/ donne 6 florins à Jaques Beney « pour avoir faict la rue et les echelettes, fisches et mallet a quoy on execute les malfaicteurs. » En novembre 1590, on paie 10 florins au menuisier et au serrurier pour avoir fait « deux colliers et manettes pour les malfaiteurs remis à M. le chastelain. » La chambre de torture avait été installée, on le sait, au sous-sol du bâtiment principal, dans une pièce qui servit plus tard de lingerie et à l’entrée de laquelle on remarque une colonne romane.

D’autres dépenses de cette époque sont à noter. En 1571, on dépensa 23 florins 8 sols pour faire une muraille sous une tour de l’Evêché. La même année on retint le mur entre l’Evêché et la maison de Jean de Lalex, sans que nous puissions savoir s’il s’agit d’une maison mitoyenne. En 1581, on fit la « muraille du dessous du Crest des degres du marche » et en même temps l’on pava « la petite plateforme entrant à Levesche. » En 1607, on paya 96 florins à un maçon pour cinq toises et demie de murailles faites en l’Evêché, et l’année suivante le boursier paya 91 florins pour mener du marrin de Saint-Sulpice en l’Evêché. En 1619, on paya au chapuis 155 florins pour « la tasche des toits sur les degres de Levesche. » S’agit-il de l’escalier conduisant à l’entrée ?

L’année 1583 vit s’élever à l’Evéché une construction nouvelle. Ce bâtiment ne renfermait pas seulement une cour de justice et des prisons. Il servait aussi de dépôt. On y remisait entre autres des conduites et de la chaux. On fit mieux encore.

En 1576, la ville avait fait faire une cloche neuve pour la Cathédrale, travail qui dura de septembre à /141/ décembre et qui fut dirigé par Me Jean Barge. Nous ne savons pas où ce dernier a travaillé. Mais en 1583, Me François Sermoud, fondeur, ayant à fabriquer une autre cloche, la Marie-Madeleine, qui est la plus grosse de la Cathédrale, s’installa à l’Evêché. La ville lui fit faire, dans l’enceinte de la vieille maison épiscopale, une loge, c’est-à-dire un hangar. Nous avons le compte des matériaux employés pour cet édicule de bois, qui fut édifié en janvier. Quant au travail de fonte il dura toute l’année. Me François Sermoud avait deux cloches à fabriquer. Il fit faire deux moules, un grand et un petit; le grand moule se fendit et il fallut le refaire. Ces moules étaient creusés dans la terre, garnis de carrons venant de la Madeleine, de terre grasse amenée de la tuilière Dubrez de Pierre de Plan; on se servit même de marrin de Froideville et l’on employa plusieurs sacs de charbon. En outre des moules, il y avait une forge. Enfin, en février 1584, la Marie-Madeleine étant sortie du moule, on en fit le battant. Ce travail achevé, les installations ne furent pas démolies. Elles servirent encore, de juin à décembre 1636, à la fabrication de trois cloches, l’une pour Saint-Laurent, une autre pour Montherond et la troisième pour Saint-Sulpice; MMes Antoine Pavid et Bastien Grisaud les avaient fondues.

Le XVIIe siècle nous apporte très peu de renseignements sur l’Evêché. Les comptes mentionnent, il est vrai, de nombreuses réparations, mais ils les spécifient rarement. Il est question de la construction d’une tour en 1632; c’est sans doute un simple remaniement. En 1683, on paya 30 florins d’indemnité aux hoirs de François Tissot auxquels on avait pris sur leur jardin pour /142/ respier 1 la tour de l’Evêché. Le 5 février 1695, le Conseil de ville décida de ne plus chauffer les détenus à la cuisine d’en haut, mais à la cuisine d’en bas qui était destinée à cet usage. En 1705, le boursier paya la garde pour empêcher de parler de nuit aux prisonniers.

En 1688, une partie de l’Evêché reçut une destination nouvelle. Les protestants français, chassés par la révocation de l’Edit de Nantes, se réfugièrent en foule chez nous, et Lausanne leur accorda une large hospitalité. Un jour, à Lausanne on en compta plus de deux mille. Il ne fut plus possible de les héberger chez les particuliers et dans la maison de la rue de l’Hôpital qui leur avait été concédée, et la ville mit à leur disposition une partie de l’Evêché pour les malades. Le 20 février 1688, elle payait 45 florins à Jean Mourguer « pour 10 lits de sapin pour les réfugiés à l’Evêché ». Cet hôpital dura longtemps après la tourmente. Le 19 février 1720, la Chambre de fabrique décida de faire faire cinq toises de muraille sous l’allée de l’Evêché. Les maçons devront laisser des quartiers en dehors en sorte que le mur puisse se lier à d’autres quand on jugera à propos de le continuer pour en faire des prisons. Ils feront également une séparation entre le mur et la chambre des réfugiés ». Les menuisiers démoliront tous les vieux sommiers, planches, poutres à l’appartement des réfugiés, et abaisseront les sommiers pour soutenir les poutres du plancher neuf. Le travail fut effectué en avril et mai et coûta 621 florins. /143/ Les indications qui viennent d’être données montrent que l’appartement des réfugiés se trouvait dans le corps principal de l’Evêché, probablement au rez-de-chaussée.

Nous sommes arrivés ainsi au début du XVIIIe siècle, à une nouvelle époque de remaniements qui fut fatale pour l’Evêché. Avant d’en parler, il convient de jeter un coup d’œil sur l’ensemble de l’édifice, tel qu’il nous est connu par les plans du XVIIe siècle (Merian, Buttet, Rebeur), tout en rappelant que déjà alors ces plans ne rappellent que très imparfaitement la période catholique. L’Evêché, écrivait Plantin en 1656, « était un grand bâtiment, duquel il n’en reste qu’une partie qui marque encore son antiquité. »

De ces trois plans, le plus ancien est celui de Merian, dressé vers 1643. Comme il est à une petite échelle, il doit être comparé avec le plan Buttet, plus grand, établi dix plus tard, en tenant compte, semble-t-il, du premier.

Vieil Evêché
Vieil Evêché
Extrait du plan Buttet (1650)

Ces deux plans présentent le bâtiment de l’Evêché comme un quadrilatère irrégulier, flanqué au nord de deux tours fort différentes l’une de l’autre. La tour du nord-est est de l’architecture du donjon, ce qui revient à dire que sa construction doit remonter à la fin du quatorzième siècle : c’est probablement la tour de la Colombière. La tour du nord-ouest, beaucoup plus lourde, est d’aspect plus moderne; nous ne serions pas étonné que ce soit la tour qu’un passage des manuaux dit avoir été construite en 1632; elle a des fenêtres de l’époque, et seule des trois tours elle est munie de cheminées; nous pensons qu’elle renfermait l’appartement du châtelain. Un corps de bâtiment bas relie ces deux tours; /144/ à l’ouest il semble être adossé au nord de la tour; tandis qu’à l’est il se présente sous la forme d’une galerie couverte.

Entre la tour du nord-ouest et la tour du sud-ouest encore existante, se trouve un bâtiment transversal à toit haut à deux pans; la face donnant sur la Palud est surmontée d’un appentis supportant une cloche, la cloche de la Cour. Ce bâtiment est relié ( ?) à la tour du nordest par une galerie (loge) partant de celle-ci.

Le donjon du sud-ouest fait corps avec un bâtiment présentant sa face au midi et d’aspect assez singulier; on y remarque en effet deux forts avancements; ce bâtiment, qui comprend la « salle de l’évêque », est pourvu de deux cheminées. A l’est, longeant la rue Saint-Etienne, est figuré dans le plan Buttet un autre bâtiment, moderne d’aspect, qui ferme ce quadrilatère. Il est à noter que Merian ne dessine pas cet édifice; mais, en y regardant de près, on voit qu’il ne s’agit que d’une faute de dessin. Par le nombre des cheminées, il est visible qu’il a soudé deux bâtiments qui en réalité étaient distincts. Au midi de l’Evêché des jardins avec quelques gros arbres séparent l’édifice d’autres maisons. A l’ouest il n’y a pas moins de trois enclos; un jardin potager entre les deux tours, clos d’un mur assez haut qui, partant du donjon, aboutit au bas de la première série des escaliers venant de la Cathédrale; au-dessous un verger avec gros arbres fruitiers; au-dessous encore un plantage avec un rucher, séparé de la place du Crêt par un fort mur, dont on voyait encore des restes il y a vingt ans.

Au nord-ouest, il y a déjà une plateforme de la Cathédrale, /145/ et elle a du côté de la Palud à peu près les limites de la place actuelle. Il n’est donc pas exact de dire qu’elle a été créée en 1707. En réalité, elle n’a été qu’agrandie par une emprise à l’est et au midi.

Quant au plan Rebeur (1672), nous l’avons laissé de côté dans cette description, parce qu’il est par trop sommaire et inexact. On n’y voit ni le bâtiment de l’est ni le bâtiment du midi. Rebeur a simplement dessiné grossièrement un édifice au nord, avec un bâtiment transversal. Il ne nous fournit en somme aucun élément topographique certain.

Ceci dit, revenons à notre historique. On lit dans le Manual du Conseil, à la date du 17 septembre 1707 : « Mes honorés seigneurs du Conseil iront aujourd’hui à la sortie du presche sur la baragne (main-courante) pour voir comment on y fera une belle platte forme et monsieur le Maisonneur cherchera quelques autres Massons avec les Duvoisin pour voir quels voudront faire à meilleur marché. » Et à la date du 27 septembre, nous lisons; « Messieurs de la Fabrique concluront pasche (marché) avec les Duvoisin pour faire la platte forme de la baragne sur les vieilles murailles, tireront pourtant les angles droits autant que faire se pourra. »

Si nous ne faisons erreur, ces décisions signifient tout simplement que les autorités voulurent prolonger la plate-forme en l’étendant sur le mur d’enceinte vraisemblablement fort large. Puis, les décisions de 1707 ne furent pas exécutées immédiatement. Du moins, n’en relevons-nous aucune mention dans les comptes, forts vagues, il est vrai, de 1707 à 1710. Ce n’est qu’en 1711 que l’on enregistre les travaux de Duvoisin : « Aux Duvoisin, /146/ pour journees a l’Evesche, 200 florins. » — « Aux Duvoisin, pour toutes journees pour l’hospital de l’Evesche jusques a ce jourd’hui et pour fournitures de pierres, 204 florins. » — «A M Pierre Duvoisin pour toutes besognes faites a l’Evesche jusque a aujourd’hui et pour une tasche de 25 florins a la maison du gardien et pour fournitures de pierres, 473 fl. 5 sols. » La même année, on inscrit 23 florins pour une table et douze cheres mis à l’examen des criminels. En 1712, la ville dépense 107 florins pour la tâche du portail de l’Evêché.

On remarquera qu’il n’est pas question de la plateforme de la Cathédrale dans ces travaux. Mais continuons : Le 13 septembre 1715, le Conseil des 60 décide de reconstruire l’église Saint-Laurent, et d’abattre, dans le but d’en utiliser les matériaux à cet effet, les tours de Menthon, ainsi que la tour de l’entrée de l’Evêché, l’écurie et l’examen (salle de torture). Les termes de la décision laissent supposer que ladite tour de l’Evêché était à ce moment-là déjà démolie, et il n’est pas inutile d’observer que la décision de réédifier le temple de Saint-Laurent date de 1711 déjà.

Pour cette année 1715 pas de dépenses saillantes, si ce n’est des réparations aux « prisons de l’hôpital ». L’hôpital, c’est ici celui des réfugiés, et il ne s’agit pas d’autre chose que des prisons de l’Evêché. Mais, en 1716, nous avons à la fois la construction de l’église Saint-Laurent (le compte de détail nous manque) et de nombreuses journées faites à « la platte forme ». Celle-ci apparaît enfin. En 1717, nous avons d’autres dépenses caractéristiques. En voici quelques-unes. Le 5 février on paie 120 florins pour voitures de pierres amenées de Saint-Sulpice à l’Evêché pour le perron. En juin, on /147/ amène 409 sacs de sable pour la plate-forme. Le 4 juin, on dépense 23 florins pour les ferrements des girouettes de l’Evêché et les greppes de la plate-forme. Le 10 avril, on avait payé 124 florins pour garnir la ramure de l’Evêché. Le même jour, Jean-Pierre Barraud avait reçu 133 florins pour 76 journées de travail à l’Evêché, et le 21 juin, il reçut encore 181 florins pour un pareil labeur.

En 1718 et 1719, les comptes ne mentionnent guère que des dépenses d’entretien.

Cette fois-ci, nous croyons être au clair. La décision de 1707 était restée sans effet, ou plutôt on changea de plan. On fit d’une pierre deux coups. On agrandit la terrasse de la Cathédrale, qui existait déjà, non pas seulement par une emprise sur le mur d’enceinte, mais encore en la développant en avant sur le jardin et du côté de l’Evêché. En outre, on démolit les tours de devant de l’Evêché avec le corps de bâtiment intermédiaire, et l’on fit un nouveau corps de bâtiment composé d’un sous-sol, d’un rez-de-chaussée et d’un étage. Il est très probable que, pour cet édifice, on utilisa tout ce que l’on pouvait conserver des anciennes fondations. Cela résulte de ce que nous avons dit plus haut, à propos de l’hôpital des réfugiés, et cette dernière indication nous montre que le travail de remaniement se continuait en 1720. En outre, on empiéta sur les masures qui bordaient l’Evêché à l’est le long de la rue Saint-Etienne. La ville acheta le 1er août 1716 pour 625 florins la maisonnette de Catherine Jaques, et le 4 janvier 1717 pour 2000 florins celle de Hugues Tallien; ces deux masures furent démolies 1. /148/

L’agrandissement de la terrasse de la Cathédrale date donc de 1716-17, et non de 1707, et le nouvel Evêché de 1717-1720. Qu’était ce dernier ? Une aquarelle du XVIIIe siècle reproduite par M. Ch. Vuillermet dans son premier Album du Vieux-Lausanne nous permet d’en juger. Elle présente un bâtiment bien massif, percé de rares fenêtres, avec toit très haut à deux pans. Ce bâtiment est relié au donjon qui se continue à l’est par une autre construction, probablement celle que l’on voit dans les plans du XVIIe siècle. [ILLUSTR ?] C’est dans la nouvelle construction que se trouvait la grande salle mentionnée dans les comptes postérieurs. On la planella en 1724, on en refit les fenêtres en 1730. En octobre 1730, elle, ou une salle annexe, servait de salle d’armes à un sieur de Saint-André, précédemment installé au corps de garde de l’Hôtel-de-Ville. L’hôpital français subsistait, la Cour de justice siégeait encore en 1742 à l’Evêché, mais elle émigra peu après à l’Hôtel-de-Ville.

Sous sa nouvelle forme, l’Evêché traversa paisiblement le XVIIIe siècle. La Révolution de 1798 faillit lui être fatale. D’après M. Vannod, qui écrivait en 1858 1 , la population de Lausanne se porta en foule en 1798 à l’Evêché et, s’emparant des instruments de torture, les brisa. Quelques-uns échappèrent cependant à la destruction. Ils reposent aujourd’hui paisiblement au Musée.

Sous le régime helvétique le gouvernement central chercha à s’emparer de l’Evêché, mais la ville de Lausanne défendit avec succès ses droits. Le vieux palais fut un hôpital militaire en même temps qu’une prison 2. /149/

Après 1803, l’Evêché continua à servir à la fois de prison et de Maison de justice. Le tribunal de district s’installa au rez-de-chaussée, tandis qu’on disposait trois cellules au sous-sol et six à l’étage supérieur. En 1816, la partie orientale du bâtiment, dans laquelle se trouvait la grande salle, fut mise à la disposition de l’Ecole lancastérienne (enseignement mutuel).

En 1823, nouvelle transformation du bâtiment, due à M. l’architecte Descombes. On tranforma en cellules la salle du rez-de-chaussée, et l’on construisit deux nouveaux étages. Au deuxième fut installée l’école de Lancaster qui y demeura jusqu’en 1835. A ce moment, cette salle supérieure fut mise à la disposition du tribunal de district, tandis que le reste du bâtiment était transformé en cellules. Le concierge s’installait au donjon dans la chambre même de l’Evêque, divisée en compartiments, où il est resté jusqu’en 1909.

En 1879, on adossa à l’Evêché 1 la salle actuelle des audiences du Tribunal de district, sur l’emplacement, semble-t-il, de l’ancienne tour du Colombier.

Ce qui précède montre — l’exploration archéologique le prouvera mieux encore — que les fondations de l’Evêché remontent à une époque fort ancienne, au XIe siècle au moins pour une partie, et que la seule partie extérieure conservée est l’annexe de Gui de Prangins qui englobe une tour antérieure. /150/

 

IV

Le château de Menthon.

Une autre maison forte s’élevait au XIIIe siècle à la Cité. Une ordonnance du Chapitre, du 4 février 1225/6 1 , fixe les limites, autour de la Cathédrale, à l’intérieur desquelles le clergé devait porter l’habit. Ces limites étaient les suivantes : « Dans le cimetière, en dedans du grand portail extérieur par lequel on va à la porte du marché (escaliers du Marché), et de l’angle de ce portail par lequel on va à Saint-Maire jusqu’à l’angle intérieur de la porte par laquelle on va entre le moustier et la maison de Faucigny et dans le cloître, et de l’angle de la sacristie du moustier qui est près de Saint-Paul, jusqu’à l’angle du chancel de Saint-Paul, et de l’angle de l’église Saint-Paul au midi jusqu’à l’angle du mur des estasons (ateliers) et de l’autre angle du dit mur jusqu’au mur du seigneur évêque soit dans le moustier. »

Celui qui suivra avec attention les limites indiquées, verra que la maison de Faucigny devait se trouver à peu près où fut plus tard le château de Menthon, et nous pensons que celui-ci ne fut pas construit de toutes pièces au XIVe siècle, mais que les Faucigny-Lucinge, sénéchaux de Lausanne, se servirent de la maison qu’indique l’acte de 1226. Il paraît d’ailleurs évident que les sires de Faucigny qui jouèrent un rôle considérable dans les conflits épiscopaux de la première moitié du XIIIe siècle, devaient avoir à la Cité une maison importante. Ce n’était pas celle du sénéchal qui habitait, ainsi que le /151/ sautier, à la rue Saint-Etienne, en face de et sous l’Evêché.

Nous ne ferons pas l’histoire du château de Menthon. Elle a été très bien écrite par M. Benjamin Dumur 1 , et nous renvoyons nos lecteurs à son intéressant ouvrage.

 

V

La tour d’Ouchy.

L’évêque avait enfin un autre château, au bord du lac, à Rive d’Ouchy 2. Le Cartulaire de Lausanne 3 indique que la tour de Rive avait été construite par l’évêque Landri de Durnes, qu’elle fut détruite par le comte Thomas de Savoie au cours de la guerre que celui-ci livra en 1207 à l’évêque Roger. Celui-ci reconstruisit l’édifice. Plus tard, nous ne savons quel évêque ajouta à la tour primitive un corps de bâtiment. Celui-ci était en tout cas édifié en 1314, car l’évêque Pierre d’Oron reçut à ce moment la soumission de citoyens lausannois révoltés dans la tour du château d’Ouchy 4. Plus tard, en 1403, nous voyons l’évêque Guillaume de Menthonay y recevoir le comte de Savoie 5. C’était du reste un des séjours préférés des évêques qui étaient là à la portée de Lausanne, tout en restant éloignés de /152/ l’agitation citadine. Il semble qu’ils s’y trouvaient plus en sûreté, car ils y avaient déposé leurs archives. Elles occupaient un vaste local, à l’angle nord-est de la tour, donnant à la fois du côté de Lausanne et du côté de Lutry, et touchant la chambre à coucher de l’évêque. Les documents étaient soigneusement rangés dans trois compartiments à tiroirs, et les plus importants étaient renfermés dans des boîtes rondes ou dans des portefeuilles de cuir.

Le château d’Ouchy renfermait encore les prisons épiscopales. Là étaient enfermés les prisonniers de droit commun et aussi ceux accusés d’hérésie, soit de sorcellerie. Un procès de sorcellerie, en 1461 1 , montre que l’interrogatoire se faisait dans une chambre sur le lac, par les soins de l’official et de l’inquisiteur. On sait qu’aux termes des franchises de Lausanne aucun prisonnier citoyen ou habitant la ville ne pouvait être interrogé, et surtout mis à la torture, sans que des représentants des autorités civiles fussent présents. Les Lausannois étaient très jaloux de ce privilège, et ne manquèrent jamais de protester toutes les fois que les officiers épiscopaux enfreignaient la règle.

Au moment de la conquête bernoise, les autorités lausannoises insistèrent vivement pour obtenir le château d’Ouchy, comme aussi le château Saint-Maire. Mais Leurs Excellences refusèrent absolument d’accéder à leurs désirs. Le bailli de Lausanne conserva le château d’Ouchy pour ses prisons. Cependant, il finit par se rendre compte que le lieu était trop éloigné et il ménagea des cellules au château Saint-Maire. /153/

Dès ce moment, le château d’Ouchy fut négligé et peu à peu tomba en ruines. En 1604, le bailli en faisait enlever cinq mille briques destinées à d’autres bâtiments 1.

Le château d’Ouchy vers 1670-1680.
Le château d’Ouchy vers 1670-1680.

Ce simple fait est suffisamment suggestif. Après la révocation de l’Edit de Nantes, à la fin du XVIIe siècle, la vie parut renaître dans la tour de Landri de Durnes, mais d’une singulière façon. Le 17 novembre 1688 2 , l’avoyer et le conseil de Berne accordèrent au banderet Auguste Constant, pour la commodité des anciens habitants du port d’Ouchy et en faveur des manufacturiers /154/ réfugiés nouvellement établis, la permission de bâtir un four « dans les masures de la tour du côté d’orient du fossé du château de Rive » en la faisant couvrir et réparer. Ils cédèrent avec ces masures « l’allée soit fossé séparée des murailles qui sert d’entrée et de passage à ladite tour. » La concession était faite à titre gratuit, « vu que le suppliant a bâti une assez grande tannerie et vu que ces masures ne servent à rien. »

En outre un sieur Gaspard Dogny avait obtenu de Leurs Excellences l’autorisation le 27 août 1686 de construire « un bâtiment et couvert au dedans des masures du château d’Ouchy au-dessus d’une voûte qui se trouve par ce moyen couverte. » En 1689, les enfants Dogny firent cession de leurs droits au sieur Jean Brutet, seigneur de la Rivière de Montpellier, habitant Lausanne, qui les revendit le 25 mai 1693 1 à Antoine Bugnion, justicier, pour le prix de 600 florins. Le seigneur de Rivière vendit en même temps pour 112 florins 6 sols trois ou quatre cents mûriers « qu’il lui laisse dans l’endroit où étaient autrefois les grandes salles dudit château, desquels ledit acquisiteur pourra disposer sauf quatre ou cinq des plus beaux qu’il sera obligé d’y conserver à distance égale pour les laisser devenir grands, de même que ceux que le seigneur de la Rivière s’est engagé de lever en d’autres endroits des dépendances du château. »

La demeure épiscopale avait ainsi été transformée en plantations de mûriers pour la culture des vers à soie. Mais cette industrie ne dura pas, et le château d’Ouchy retomba dans l’abandon, ne servant plus guère que de grenier où le bailli de Lausanne entassait une partie /155/ de ses revenus en blé. On voit, par une très curieuse peinture de la fin du XVIIe siècle, que M. Ch. Vuillermet a reproduite dans le second Album du Vieux-Lausanne, dans quel état de délabrement se trouvait le palais à cette époque. Mais ces ruines mêmes disent quelle devait en être l’importance dans la période épiscopale. Le château, complètement entouré d’eau, semble avoir eu deux enceintes, les murailles intérieures étant surélevées, et l’on voit du côté de Genève un pan de mur, dernier vestige d’un étage supérieur disparu. Quant à la tour, elle paraît avoir été à l’entrée, du côté de Lausanne.

Au XVIIIe siècle, ces ruines mêmes disparurent, ou plutôt l’on aménagea dans les vieilles masures des bâtiments modernes servant, les uns aux douanes et au service de surveillance sur le lac, les autres à des boutiques diverses. Puis la grève entoura le château qui bientôt ne fut plus sur une île, mais sur une presqu’île.

Le même état de choses se perpétua au XIXe siècle, jusqu’au moment où l’Etat de Vaud ayant, en 1885, cédé l’immeuble à M. J.-J. Mercier, celui-ci fit démolir tous les bâtiments annexés à la tour, et restaura cette dernière en l’entourant d’un hôtel pour étrangers.

 

VI

La maison de Billens.

Un acte de 1390 est rendu à Lausanne dans la maison du comte de Savoie 1. Cet édifice est plus généralement connu sous le nom de maison et parfois de tour de Billens. Ce nom ne provient pas, comme le dit Frédéric /156/ de Gingins, d’un des juges qui y siégèrent au XVe siècle, c’est celui du constructeur de la maison, le chevalier Rodolphe de Billens, à la fin du XIIIe siècle.

Le chevalier Rodolphe de Billens était un personnage entièrement dévoué au comte de Savoie, ainsi que tous les membres de sa famille. On le voit, le 6 septembre 1283, prêter hommage à Louis de Savoie, tout en réservant la fidélité due à son frère, le comte Philippe 1. En 1287 et 1288, il est bailli de Vaud en résidence à Moudon. On sait que cette période fut critique pour la ville de Lausanne. La maison de Savoie attisait sous main la révolte chronique des citoyens contre l’évêque Guillaume de Champvent, révolte qui, en 1282-1284, avait abouti à une véritable guerre.

C’est à ce moment que Rodolphe de Billens vint se fixer à Lausanne. Il y avait d’ailleurs de fortes attaches de famille, ayant épousé l’une des filles de Jaques Appia 2 , l’un des riches citoyens dont nous avons parlé dans un autre travail. Mais ce ne fut évidemment pas la seule considération qui lui fit choisir pour sa demeure un emplacement admirablement situé, dominant le quartier de Bourg et les rues conduisant de l’est à la Cité, faisant face à la Cathédrale et à l’Evêché. Rodolphe de Billens devait avoir derrière lui ses souverains de Savoie, qui ne négligeaient aucune occasion de mettre le pied à Lausanne.

Le 23 avril 1281 3 , Rodolphe de Billens achetait des frères Bovon et Pierre Francoz, pour le prix de 150 livres /157/ (4300 francs, valeur nominale, soit dix fois plus valeur réelle), le domaine utile sur trois maisons, vingt chesaux et sept jardins, situés entre la Cheneau-de-Bourg et l’église Saint-Pierre, allant de la rue de la Cheneau au mur de ville. C’est le mas qui se trouve entre le cul de sac du bas de la Cheneau-de-Bourg et les escaliers du même nom. Le même jour, Rodolphe de Billens reconnaissait tenir ce domaine du chapitre de Lausanne comme l’avaient tenu les frères Francoz.

La partie inférieure du terrain acquis fut transformée en jardin et verger. Rodolphe de Billens construisit sur la partie supérieure, en l’adossant aux remparts, une grosse maison rectangulaire que nous montrent encore les plans du XVIIe siècle et qui n’est autre que la maison Fugli (Vollenweider) à l’entrée du pont Bessières, laquelle va bientôt être démolie. La maison existe en 1293 1. Elle fut évidemment construite peu après 1281.

Rodolphe de Billens mourut avant 1314 2. Il avait eu cinq fils dont deux, Nantelme et Antoine, le précédèrent dans la tombe. Des trois autres fils, l’un fut Guillaume, chanoine de Chalons en France, personnage fort riche et considéré, qui acheta en 1339 le prieuré de Saint-Maire, pour sa vie durant; les deux autres étaient Nicolas et Jean. La maison de Billens paraît avoir appartenu à Guillaume 3 , après la mort de son père, puis avant 1335 à son neveu Pierre de Billens, chevalier.

Le 22 février 1356 4 , Pierre de Billens vendit sa maison de Lausanne au comte Amédée de Savoie, avec d’autres droits, pour 200 florins, et plus tard, /158/ le 14 août 1377 1 , sa veuve Marguerite de Grandson, devenue comtesse de Gruyère, confirma la cession de cette « grande maison », qui est dite alors située entre le cimetière de l’église Saint-Pierre et la voie publique 2 , devant, les fossés de la Cité, derrière, avec les jardins, places et autres dépendances.

La date de l’acquisition de la maison de Billens par le comte de Savoie est à retenir. C’est le 22 février 1355, si l’on emploie le style natal usité en Savoie, ou plus probablement le 22 février 1356, en comptant d’après le style de l’Annonciation habituel à la curie de Lausanne. C’est une année historique.

Le 1er mars 1356 3 , la comtesse de Savoie Bonne de Bourbon faisait déposer dans la cathédrale de Lausanne aux pieds de la Vierge une figurine de cire qui reproduisait ses propres traits, avec l’espoir que son vœu de donner à son mari un fils et un héritier serait exaucé. Pendant ce temps, le comte méditait un tout autre dessein, celui de placer l’évêque de Lausanne dans sa dépendance. Profitant des embarras d’argent de l’empereur Charles IV, il obtint de lui le 21 juillet 1356 4 un diplôme lui reconnaissant la qualité de vicaire impérial dans les limites de son comté, ce qui entraînait pour lui le droit de juger en appellation des procès portés devant la justice épiscopale. L’évêque Aymon de Cossonay ne se rendit pas immédiatement compte de la portée de sa concession. Le 27 août suivant, il en admit solennellement l’exécution, et /159/ autorisa noble Jaques Maréchal, chevalier, à officier à Lausanne comme juge impérial des appellations. Ce nouveau fonctionnaire s’installa dans la maison de Billens que le comte venait d’acheter, et c’est à cause de cela que, dans le langage courant, il fut bien vite appelé le juge de Billens. La « cour de Billens » est déjà mentionnée en 1363, mais elle fonctionne dès 1357.

Si l’évêque et les citoyens avaient cédé, c’était cependant sous quelques réserves. Le comte devait promettre que le juge de Billens ne porterait nulle atteinte aux droits de l’évêque, du clergé, des nobles et des citoyens, et qu’il ne les diminuerait; qu’il devrait respecter les coutumes de Lausanne. Le comte promit le 2 septembre. Mais bientôt des incidents montrèrent que le comte voulait en réalité agir, non pas comme délégué impérial, mais comme souverain. Après avoir atermoyé pendant quelque temps, il précisa ses intentions. Le 12 mai 1365, alors que l’empereur séjournait à Chambéry, il obtint de lui un nouveau diplôme ordonnant à l’évêque de Lausanne, et à d’autres, de prêter hommage et fidélité au comte dans un délai de deux mois 1. La concession coûta au comte cent mille écus 2 , ce qui montre l’importance qu’il y attachait.

Les deux mois écoulés, l’évêque de Lausanne n’avait pas fait sa soumission. Il avait fini par comprendre à quelles fins tendait le comte. Il répliqua qu’il ne relevait que de l’empereur. Le comte l’invita alors à produire ses titres devant lui au château de Morges. L’évêque délégua ses deux neveux, Jean et Louis de Cossonay, avec le bailli de Lausanne Guillaume Felga. Ces envoyés /160/ déclarèrent le 5 novembre 1 qu’ils étaient venus seulement pour montrer leurs titres, affirmant que l’omnimode juridiction n’appartenait qu’à l’évêque. Ils furent dédaigneusement assignés au premier décembre à Chambéry pour entendre là-dessus l’ordonnance du comte ou de son conseil.

Nous ne savons si l’évêque se présenta à Chambéry. Ce qui est certain, c’est qu’il agit directement auprès de l’empereur, et qu’il obtint satisfaction. Un nouveau diplôme impérial, du 13 septembre 1366 2 , révoqua celui de 1365. L’évêque de Lausanne l’avait échappé belle. Il se hâta, pour assurer l’avenir, de codifier les coutumes de Lausanne, qui proclament à leur début que la ville est la propriété de l’évêque, que celui-ci tient les régales du roi, et que l’évêque et les citoyens ne doivent à ce dernier (et par conséquent à son représentant) qu’une bonne réception lorsqu’il vient à Lausanne. On remarquera que ce document, le Plaid général du 3 mai 1368, ne fait aucune allusion aux prétentions du comte de Savoie. Il veut l’ignorer.

Et cependant, le juge de Billens demeura à Lausanne. C’était en 1370-1379 Antoine Champion, qui recevait à cet effet un salaire annuel de 50 florins, jouant un rôle effacé toutes les fois qu’il fallait être accommodant, s’insinuant habilement entre l’évêque et les citoyens, se découvrant hardiment toutes les fois qu’il y avait quelque chose à gagner. Ce que Plantin exprime excellemment dans sa chronique, lorsqu’il dit : les comtes de Savoie avaient à Lausanne un lieutenant dans une maison /161/ qu’ils avaient achetée, « afin que ce fust comme une espine aux esveques. »

Les Bernois trouvèrent le juge de Billens debout. Le 26 mars 1536 1 , à peine arrivés à Lausanne, leurs commissaires firent l’inspection de la maison et du jardin de Billens. Ils saisirent le registre des jugements et les lettres de l’huissier (Weibell). Ils enjoignirent à celui-ci de continuer son office comme jadis, mais avec plus de soin. Ils l’assermentèrent et le laissèrent momentanément dans sa charge. Ce fut pour peu de temps, car bientôt Berne retira à elle-même la connaissance des appellations.

Quant à la maison, elle devint la propriété de l’Etat qui la vendit à des particuliers. Elle figure encore sous le nom de maison de Billens en 1679 dans le plan Rebeur. En 1656, pendant une alerte au cours de la première guerre de Villmergen, la ville y mit des gardes. En 1722, elle était la propriété du faïencier Matthieu Beylon, en 1827 celle des hoirs Bessières, en 1863 celle de M. Grand. Elle passa depuis dans les mains de M. Fugli, et les ayants droit de ce dernier viennent de la céder à un consortium qui la démolira pour construire un bâtiment moderne à l’entrée du pont Charles Bessières.

Saluons-la une dernière fois avant qu’elle disparaisse. Une aquarelle du commencement de ce siècle la représente, adossée au mur de ville, isolée, maison avec rez-de-chaussée et un étage plus une annexe à orient. Les plans Mérian et Buttet donnent à peu près la même silhouette. En fait, elle avait été sans doute grosse et de fort belle apparence au moment de sa construction à la /162/ fin du XIIIe siècle, mais plusieurs générations avaient passé depuis, les maisons particulières s’étaient singulièrement développées, et, à la fin du XVIIe siècle, l’ancien sanctuaire de la justice impériale fait en définitive assez pauvre figure. Sic transit gloria mundi.

 

VII

Le château Saint-Maire.

Les transformations qu’opéra Gui de Prangins à l’Evêché ne suffirent pas à son successeur, Guillaume de Menthonay, nommé le 7 août 1394. Les évêques avaient pu se rendre compte que la vieille maison épiscopale était non seulement trop exiguë, mais encore trop exposée à des assauts provenant de l’intérieur de la ville, sans cependant être d’aucune utilité pour la défense extérieure. Dès son avènement, Guillaume de Menthonay résolut d’exécuter un projet formé sans doute par son prédécesseur. Il se proposa de construire un nouveau palais épiscopal sur les remparts nord de la Cité, sur les dépendances mêmes du prieuré de Saint-Maire qu’en 1240 le sire de Faucigny avait momentanément fortifié 1 , se rendant compte déjà de la valeur stratégique de l’emplacement.

Guillaume de Menthonay sut intéresser à sa cause le pape Benoît XIII. Le 5 mai 1396 2 , le Souverain Pontife autorisa l’évêque à incorporer le couvent de Saint-Maire à la mense épiscopale. Guillaume de Menthonay lui ayant représenté qu’il avait besoin d’édifier une résidence plus /163/ sûre, pour pouvoir en cas de guerre mieux défendre la ville, le couvent étant bâti avec des remparts sur le point le plus élevé de la Cité. Une conséquence fatale de cette union était de relever les religieux de Saint-Maire de la juridiction du Chapitre de Notre-Dame, de laquelle ils ressortissaient, pour les placer sous la juridiction exclusive de l’évêque. Le Chapitre n’accepta pas cette diminution de ses droits. Il protesta, mais vainement, car, le 20 avril 1412 1 , le pape Jean XXIII confirma la bulle de 1396, ce qui n’empêcha pas d’ailleurs l’évêque et le Chapitre de se quereller encore pendant longtemps à ce sujet.

L’évêque Guillaume de Menthonay n’entra que le 23 juin 1397 en possession du prieuré de Saint-Maire, qui lui fut remis par le prieur François de Cuyna 2. Le prieuré comprenait entre autres une église et un couvent. Certaine reconnaissance montre que l’église se trouvait en face de la statue de Davel, au pied de l’escalier actuel du château, et qu’elle arrivait jusqu’auprès de la porte Saint-Maire 3. On admet communément que le couvent se trouvait de l’autre côté de la rue, sur l’emplacement de l’Ecole de chimie et qu’il fut transformé après la conquête bernoise en grenier pour le château, après quoi il devint au XIXe siècle une caserne de milices. C’est à tort, cette maison était en réalité celle du protonotaire Amblard de Gerbais, chanoine de Lausanne en 1536.

Mais le 1er juillet 1309, le chapitre de Notre-Dame /164/ concéda au prieuré de Saint-Maire un jardin au faubourg de la Barre, « sous la maison de Saint-Maire, à l’angle du chemin tendant à la Madeleine et de celui tendant à la Cité 1. » La même année, les enfants de Guillaume de Chesauz, cordonnier, reconnaissaient tenir du prieuré des maisons et des jardins à la Cité, hors la porte de Saint-Maire, jusqu’à la Barre et au Gerdy, s’étendant du jardin des Frères Prêcheurs à la charrière allant de la porte Saint-Maire au Chable et du mur du prieuré au ruisseau sous le Crest 2. Ces indications établissent que le couvent dominait le Chemin-Neuf, comme aujourd’hui le château. Celui-ci ayant été construit en grande partie sur le flanc de la colline, en dehors du rempart primitif, il faut admettre que le prieuré se trouvait à l’endroit de la terrasse actuelle, et c’est peut-être tout simplement ce qui fut plus tard le corps de garde et logement des servantes sous le régime bernois. On sait d’autre part que l’évêque Georges de Saluces reconstruisit la maison du prieuré 3.

Quoi qu’il en soit, l’évêque ne vit pas l’achèvement de son œuvre. Il mourut le 9 juillet 1406. Le 13 août suivant déjà, un successeur lui était donné dans la personne de Guillaume de Challant. Celui-ci eut hâte de la terminer, car l’ancienne maison épiscopale était évidemment insuffisante. Les deux frères du nouveau prélat, Boniface et Amédée de Challant, chevaliers, étant venus à Lausanne, ils durent être logés dans la maison du garde des sceaux de la curie, où les bourgeois de la Cité leur envoyèrent à titre de bienvenue quatre quarterons de vin rouge 4. /165/

Château  et Porte Saint-Maire.
Château et Porte Saint-Maire
Extrait du Plan Buttet (1650).

La construction du château Saint-Maire se fit exclusivement aux frais de l’évêque. Le silence des comptes de la communauté de la Cité à cette époque, comme ceux de la ville inférieure, permet de supposer que les bourgeois n’y contribuèrent en rien. Les comptes des receveurs de l’évêque seraient d’une ressource précieuse. Malheureusement, tous ont disparu. Ruchat en avait encore vu quatre, desquels il n’a retenu que quelques chiffres relatifs à la valeur comparative des monnaies. L’un de ces comptes est de 1403 1 , et par conséquent encore de l’épiscopat de Guillaume de Menthonay. Voici les exemples qu’y puise Ruchat :

Un millier de gros clous pour couvrir le château coûtait 22 sols : ce serait aujourd’hui 55 batz.

Un millier de tuiles plates coûtait 36 sols qui vaudraient 3 écus blancs.

Une coupe de plâtre, 2 sols, soit 5 batz.

Cent quartiers de pierre de taille brute, 10 sols, soit un cruzer par quartier. Il y en avait d’autres qui coûtaient 32 sols le cent.

La livre de fer travaillé 9 deniers… 7 1/2 kreutzer.

La journée d’un faiseur de fossés, un sol, outre la nourriture.

Si maigres que soient ces renseignements, il faut savoir s’en contenter. Ils ne sont d’ailleurs pas du tout dénués d’intérêt. Nous voyons en effet que le toit du château est couvert de tuiles plates, que l’on gypse l’intérieur et fait les ferrures, qu’enfin l’on établit les fossés. Ce sont là des travaux ultimes. Ils datent, comme nous l’avons vu, de 1403. De telle sorte qu’en plaçant ses armes sur la porte d’entrée avec le millésime 1406 2 , Guillaume /166/ de Challant bénéficia surtout, comme à l’Evêché, du travail de son prédécesseur. Peut-être y apporta-t-il de sérieux embellissements.

En tout état de cause, nous pouvons admettre les dates 1397-1406 comme étant celles de la construction du château Saint-Maire. Ainsi que nous l’avons dit plus haut, la ville n’y contribua pas. Elle eut cependant à s’en occuper à cause de la réfection du mur d’enceinte qui lui incombait. Cela n’alla pas sans quelque différend avec l’évêque, dont les comptes portent trace. Finalement, la communauté de la Cité dut payer en 1408 la somme de 43 livres 15 sols 6 deniers au maçon Rolet de Font pour dix toises de mur, faites au-dessus de la porte Saint-Maire, et refaire en même temps la charpente de la porte, ce qui lui coûta 41 livres, pour bois, tuiles et main d’œuvre du charpentier 1.

Cette porte de Saint-Maire existait déjà au XIe siècle, puisque c’est par elle que s’enfuit l’évêque Lambert de Grandson, vraisemblablement à la suite d’une émeute, et elle est sans doute bien plus ancienne encore. En 1240, au cours de la guerre pour la succession de l’évêque saint Boniface, le sire de Faucigny, qui était le maître de la Cité, avait fait fortifier le monastère de Saint-Maire. Cet incident a fait à tort supposer que le château date de cette époque, mais il est évident que la ville devait avoir du côté du Mont, par où arrivait une route venant de la direction de Thierrens, un système régulier de défense. /167/

Ces précautions n’étaient plus autant indispensables au début du XVe siècle. Cependant l’évêque Guillaume de Menthonay fit soigneusement refaire les remparts, et l’on voit que sur son ordre les bourgecis de la Cité achetèrent en 1405 d’un marchand de Constance deux canons, que l’on paya 9 livres 10 sols et que l’on amena à la porte Saint-Maire où deux autres canons les rejoignirent en 1407 1.

A peine était-il construit que le château recevait des hôtes illustres. Ce fut tout d’abord en 1415 l’empereur Sigismond qui travaillait à ce moment avec le concile de Constance à rétablir l’unité dans l’Eglise. La bannière de la Cité emprunta au Chapitre 80 livres pour les frais de réception du souverain 2. Deux ans plus tard, c’était le pape Martin V qui passait se rendant de Constance en Italie. Les comptes de la Cité indiquent que l’on se préparait dès la fin d’avril à la venue du pape, qui arriva le 11 juin, et l’on avait établi en son honneur, devant la porte Saint-Etienne, un dais sous lequel sans doute les bourgeois de la Cité 3 lui souhaitèrent la bienvenue. Quant à la ville inférieure, les comptes ne mentionnent que le don de trente moutons au cardinal de Challant, frère de l’évêque, qui accompagnait Martin V.

L’un des buts de Guillaume de Menthonay en construisant le château Saint-Maire avait été de s’isoler. Il y réussit très bien. L’ancien Evêché demeura le centre de l’administration épiscopale, tandis que le nouveau palais était avant tout la résidence personnelle de l’évêque. C’est au château Saint-Maire que se déroulent les principaux /168/ événements qui intéressent la famille et les amis du prélat, c’est là qu’il reçoit l’hommage de ses vassaux et de ses sujets, et si tel ou tel conflit est soumis à son arbitrage, c’est là qu’il rend sa sentence, entouré d’un conseil qui est formé aussi bien de laïques que d’ecclésiastiques.

Il s’ensuit que, lorsque, à la fin du XVe siècle, sous l’épiscopat de Benoît de Montferrand, les relations se tendirent entre l’évêque et les bourgeois, le château Saint-Maire fut l’objet d’attaques particulières. C’est ainsi qu’à la fin de septembre 1482 1 , dans l’effervescence causée par l’opposition de l’évêque à l’union des deux villes, les Lausannois et des gens de Lavaux tentèrent un coup de main contre le château. Mais celui-ci était si bien protégé naturellement que, quoiqu’il n’eût pas de défenseurs, ils ne purent s’en emparer. Ils ne purent que dévaliser les écuries du château et emmener les chevaux et les vaches. Ils se dédommagèrent en pillant non loin de là la maison de l’official et celle du secrétaire de l’évêque, et en se partageant le butin. A la demande de Benoît de Montferrand, qui se rendit en personne à Fribourg, les conseils de Berne et de Fribourg envoyèrent à Lausanne des députés qui déclarèrent prendre les biens de l’évêque sous leur sauvegarde, et placèrent leurs écussons sur le château et les maisons voisines. Des troupes même furent envoyées à Lausanne. Plus tard, l’évêque reçut 300 florins de dédommagement.

Les événements de cette époque troublée eurent une autre conséquence. L’évêque, trouvant trop éloignées ses prisons d’Ouchy, en installa d’autres dans les sous-sols /169/ du château même. Le Plaid général exigeait qu’aucun laïque ne fût jugé sans que des représentants de la ville fussent présents. Cette disposition était la source de perpétuels conflits, parce qu’un laïque pouvait être en même temps clerc, et que les clercs relevaient de la justice de l’évêque seul. C’est ainsi qu’en 1525, un clerc bourgeois nommé Carementrand fut arrêté, conduit au château Saint-Maire, jugé dans la grande salle, et exécuté ensuite à Montbenon, sans le concours des Conseils, ce qui fut un des gros griefs des Lausannois contre Sébastien de Montfalcon.

Quel était à ce moment l’aspect du château ?

Nous pouvons nous le représenter solidement assis sur un crêt formé de roche dure et ses énormes assises reposant en partie sur le flanc de la colline. Sa masse carrée est formée d’un cube de molasse grise et fine jusqu’à la hauteur du deuxième étage, et ce premier appareil est surmonté d’un étage de briques rouges avec mâchicoulis et quatre tourelles élancées aux angles. Il est probable que la substitution de la brique à la molasse n’a d’autre but que de rendre la construction plus légère, et que l’étage supérieur est comme les étages inférieurs de l’époque de Guillaume de Menthonay. Cette disposition est d’ailleurs conforme à celle des châteaux contemporains d’Annecy et de Vufflens.

A cette construction primitive, imposante par sa simplicité et son unité, Aymon de Montfalcon adossa à l’ouest un vestibule surmonté de deux étages, en partie aujourd’hui masqué par d’autres annexes et mutilé. Les armes de Montfalcon sont gravées sur une pierre de la corniche septentrionale de cette annexe. Un ou deux /170/ ponts-levis reliaient au-dessus des fossés le château à la cour, d’où l’on parvenait à diverses constructions accessoires. La principale était l’écurie, qu’un compte de 1503 représente comme se trouvant du côté de la Barre; elle avait été incendiée dans une nuit de juillet 1497.

 

VIII

La Chambre de l’évêque.

Il est plus aisé de nous rendre compte de l’extérieur du château que de l’intérieur. Nous n’avons presque pas d’autre renseignement sur celui-ci qu’un inventaire du mobilier fait le 1er avril 1536 1 , et il est loin de nous satisfaire, car il ne mentionne qu’une partie des pièces.

Cet inventaire parle tout d’abord du mobilier qui se trouvait dans la chambre à coucher de l’évêque. On y voyait un lit avec ciel de serge noire avec pendants, oreiller, coître et couverture de tapisserie, un autre lit avec duvet et couverture de peu de valeur, une table de noyer avec tapis, un siège « qu’en français on appelle jayeryz », soit chaise haute, deux amphores, un petit pot d’étain, un pupitre, trois escabeaux, dont l’un formait buffet et l’autre coffre, un buffet de sapin, dit ratelly, de peu de valeur.

Un second inventaire, de 1553 2 , commence par le mobilier de la « belle salle » qu’il énumère ainsi : un bois de lit, et un autre petit, un buffet, une table avec tabourets /171/ et banc, un petit buffet qui s’ouvre au devant de la porte.

Un troisième inventaire, dressé en 1656 1 par le bailli Lentulus, dit que le mobilier suivant se trouvait dans la « chambre de l’évêque » : Deux bois de lit de noyer, une table de noyer à rallonges, une chaise haute, un buffet de noyer, un buffet élevé s’ouvrant comme une porte, deux landiers de laiton (brendreiter), une armoire à lavabo de chêne, avec l’aiguière d’étain et le bassin.

Ces mobiliers ne sont certainement pas identiques. Il serait d’ailleurs impossible qu’il en fût de même à cent-vingt ans de distance. Néanmoins, on sera frappé de certaines ressemblances. La chambre à coucher de l’évêque de 1656 nous paraît être la belle salle de 1553, la chambre de l’évêque de 1656 et d’aujourd’hui.

La salle de l’évêque n’est donc pas autre chose que la chambre à coucher d’Aymon et de Sébastien de Montfalcon. Le premier a mis ses armes et sa devise si qua fata sinant à la cheminée, et c’est à lui encore que l’on doit la somptueuse décoration, et le superbe plafond à caissons, orné de son monogramme.

La Chambre de l’évêque
La Chambre de l’évêque
Extrait de Doumergue : Lausanne au temps de la la Réformation.

Il est évident que nous n’avons plus en 1536 qu’un débris du mobilier, soit que celui-ci ait été emporté par les gens de l’évêque, soit plutôt qu’il ait été partagé par les Lausannois au lendemain de la conquête. D. Perceval Gruet, qui fut le secrétaire d’Aymon de Montfalcon, mentionne dans un minutaire 2 un paiement à des négociants flamands, qui pourrait bien avoir pour cause un achat de tapisseries. Il parle aussi d’un organon que possédait l’évêque, et /172/ qui est sans doute un petit orgue. On faisait donc de la musique au château, sans doute dans l’oratoire annexé à la chambre à coucher. De tout cela, rien ne subsiste.

Les comptes du bailli Wyss, en 1576-1577, mentionnent les travaux suivants effectués au château :

Donné à Noël Dupuys le tuilier à Lausanne pour 1500 pierres de mur pour faire la paroi entre la salle de l’évêque dans le corridor et l’appartement secret : 15 florins,

Donné à Me Pierre le tailleur de pierres pour la paroi (rigelum) entre la salle de l’évêque et l’appartement secret, etc.

Donné à Me Guillaume Bugnion pour avoir refait, avec pierres plates et tuiles, un ancien graben de l’appartement secret du château jusqu’à la route, soit 15 toises à 9 gros : 12 fl. 3 gros.

Secret veut simplement dire privé. Aujourd’hui encore, au Vatican, l’appartement secret du pape n’est pas autre chose que son appartement particulier. Au château de Lausanne, l’appartement secret était tout bonnement les chambres réservées au bailli et à Mme la baillive. On sait qu’elles se trouvaient au nord-est et très exposées à la bise. Maintenant, qu’est-ce que ce graben, qui va de l’appartement secret à la route ? Ce n’est pas un fossé, ce n’est pas un souterrain, car on ne voit pas ce que des tuiles y ont affaire. Ce n’est pas un escalier, serait-ce une rampe extérieure ? Faut-il le relier à la poterne et au pont-levis inférieur dont nous parlerons plus loin ?

Il est d’ailleurs manifestement inexact que Sébastien de Montfalcon se soit enfui du château par un couloir souterrain dans la nuit du 22 au 23 mars 1536. Si on lit attentivement les Manuaux du Conseil de Lausanne 1 , on voit que rien ne prouve que l’évêque ait encore été à /173/ Lausanne le 21 mars. Il était sûrement hors de la ville le 16 mars, et l’on n’a pas d’indice réel de son retour. Il savait d’ailleurs que l’armée bernoise était en route, et il avait trop peu de confiance dans les Lausannois pour rester auprès d’eux. Il était plus probablement à Ripaille ou à Glérolles.

Quant au souterrain, les explorations de M. l’architecte Jost en 1898 ont établi qu’il s’agissait en réalité d’une cheminée primitive, celle de Guillaume de Menthonay, qu’Aymon de Montfalcon avait condamnée pour en établir une nouvelle.

Mais revenons à l’inventaire de 1536. Des pièces du rez-de-chaussée, nous n’en pouvons reconnaître que deux avec certitude, la cuisine à l’angle nord-est, donnant sur la Barre et le Calvaire, et la stupha ou poile qui lui faisait face et qui donnait sur la place du Château. Il n’y avait plus dans la stupha à l’arrivée des Bernois, qu’une grande table de noyer en deux parties, avec un grand siège de minusery, trois tabourets de noyer et des escabeaux tout autour de la chambre. De la vaisselle de l’évêque, on ne trouve plus trace. Saint-Genis, dans son Histoire de Savoie 1 , raconte qu’en 1427, lorsque les seigneurs italiens vinrent au château du Bourget demander la main de la princesse Marie de Savoie pour le duc de Milan, on réquisitionna les plus beaux lits à courtepointes damasées ou limogées des bourgeois de Chambéry et des châteaux voisins, et que l’on emprunta aussi la vaisselle d’argent de l’évêque de Lausanne. Celle ci avait donc une certaine valeur. Il n’en restait plus rien au château de Lausanne le 1er avril 1536. /174/ On ne trouve plus dans la cuisine que trois assiettes plates et une assiette creuse d’étain avec une douzaine de tranchoirs (discos).

L’inventaire de 1536 mentionne encore une première aula vraisemblablement à l’étage inférieur. Il n’y avait plus là que trois tables, quatre tabourets et deux escabeaux. C’était peut-être la pièce qui sert aujourd’hui de bureaux pour la chancellerie.

Quatre pièces (non compris la chambre de l’évêque) sont mentionnées à l’étage supérieur : la grande salle, et trois autres dont une donnait sur la place. Dans l’aula, il y avait deux lits, l’un avec un dais de serge rouge, deux tables, dont une avec un tapis de diverses couleurs, et un buffet à clef. La chambre voisine n’avait qu’un lit à dais. Plus loin, une autre chambre contenait deux lits garnis, l’un avec une couverture de fautroz (feutre) rouge, une table un buffet, et un landier de fer couvert de laiton. Enfin, la chambre donnant sur la place n’avait pas moins de trois lits dépareillés avec deux tables, deux tabourets et un rosarium ( ?). C’était dans une de ces pièces sans doute que le Chapitre avait, pendant la vacance du siège épiscopal, logé le comte Jaques de Romont en 1472.

L’inventaire indique aussi une chambre « ronde » contenant un lit avec oreliez, coître, duvet, drap, couverture de drap gris et cutrepoentyz. Nous n’avons plus trouvé trace de cette chambre ronde, et rien, nous semble-t-il, ne la rappelle dans l’édifice actuel, à moins qu’il ne s’agisse de la pièce dans la tourelle que mentionne l’inventaire de 1553. /175/

Une chaudière au four, trois bossets et vingt-six tonneaux de vin au cellier, trois coffres fermés dans les environs, voilà tout ce que contenait encore le château. D’animaux, on ne signale plus que quatre chevaux de trait à l’écurie, un rouge, deux noirs et un blanc.

 

IX

Le château aux XVIe et XVIIe siècles.

L’armée bernoise arriva à Lausanne dans l’après-midi du vendredi 31 mars 1536. Le lendemain matin, 1er avril, les députés de Berne avisèrent le Conseil de Lausanne qu’ils allaient prendre possession du château. Le Conseil acquiesça, disant que « le château avait toujours été l’ennemi de la ville. » Mais il laissa entendre qu’il aurait mieux aimé le garder pour lui, et en effet il le réclama plus tard, d’ailleurs vainement. Les commissaires bernois ajoutèrent que « les Lausannois tiendront le château, y mettront garnison au nom de MM. de Berne, jusqu’à nouvel ordre, et qu’ils doivent y apposer l’ours de Berne, après avoir fait un inventaire du mobilier. » En conséquence, ils prirent possession des clefs du château, qu’ils rendirent immédiatement à ceux qui en avaient la garde.

Il paraît ressortir de ceci que les Lausannois occupaient déjà le château à l’arrivée des troupes bernoises. Ils ne le conservèrent pas longtemps. Le mardi 16 mai, Sébastien Naegueli se présentait à Lausanne comme bailli 1 , /176/ et, après avoir essayé pendant deux jours de résister, les Lausannois l’acceptèrent le 18. Le vendredi 26 mai, le représentant de Leurs Excellences de Berne s’installait au château des évêques, et inaugurait le nouveau régime. Quelque temps plus tard, au début de 1537, il y tint prisonniers pendant onze jours les chanoines et les chapelains qui refusaient de se soumettre à l’ordonnance de Messieurs de Berne 1. Après quoi, il leur fut permis de s’exiler.

L’un des premiers soucis du bailli fut d’agrandir le domaine du château par la démolition de l’église du prieuré de Saint-Maire, qui servait aussi d’église paroissiale pour les faubourgs de la Barre et de Martheray. En 1538, on enleva les tuiles que l’on porta à la Cathédrale; en 1540, on découvrit la nef, et les murailles furent sans doute enlevées peu après. La place ainsi obtenue fut plus tard transformée en jardin, et l’on s’empressa de la clore, englobant par là dans l’enceinte du château le cimetière de Saint-Maire qui se trouvait autour de l’église. En 1567 encore, l’ancien état de choses n’avait pas entièrement disparu, puisque, en cette année-là, le bailli fit murer une porte « au château dans le cimetière. »

Plusieurs plans des dix sept et dix-huitième siècles permettent de se rendre compte de ce que contenait à cette époque le domaine du château, et, dans l’ensemble, il ne paraît pas avoir été très différent de ce qu’il était au seizième.

Un mur d’enceinte crénelé, en forme de quart de cercle, /177/ partait de l’angle de l’ancien café Bize pour aboutir à la porte Saint-Maire qu’il longeait à l’ouest pour rejoindre de là le château. A en juger par les plans, il ne devait pas avoir beaucoup plus de deux mètres de hauteur. Il fut souvent réparé, notamment en 1579. Le bailli paya 220 florins au maçon pour réparer le ringmur épais fermant le fossé du château. (C’est la partie entre le château et la porte Saint-Maire.) Il l’abattit jusqu’à la moitié, parce que le dessus était pourri n’étant pas couvert; il le rebâtit avec de grandes pierres de taille, le couvrit de dalles et y ajouta des créneaux taillés. La partie devant la porte Saint-Maire, en face du grenier (Ecole de chimie), fut réparée en 1610. « J’ai fait abattre, dit le bailli, le mur du château contre le grenier, dont un grand morceau menaçait de tomber dans la rue, démolir, puis refaire en l’exhaussant un peu, afin que les enfants ne tombent au dehors. » Ce dernier trait s’explique : la rue était à un niveau inférieur au jardin du château adossé au mur, et vu de l’intérieur celui-ci était de faible hauteur.

A ce moment (1610), il restait encore quelques débris de l’église Saint-Maire, car le bailli ajoute : « Item le mur du jardin contre l’église, aussi repris en sous-œuvre et réparé. On y employa 350 pierres à 40 florins le cent, 140 florins. Au tailleur de pierre pour les soixante dalles qu’il a préparées pour ces murs, à 2 florins l’une, 120 florins; trois tonneaux de chaux à 9 florins l’un, 27 florins; à l’ânier qui a amené le sable de Rive, 32 florins. »

Ce mur d’enceinte, du moins la partie entre la porte d’entrée et la porte Saint-Maire, fut refait en 1698 sur /178/ une superficie de 19 13 toises (174 mètres carrés), et la dépense fut considérable, 1736 florins. Il fallut 217 chars de pierres et 741 charges de sable.

Nous traversons l’enceinte par une première porte, sur laquelle passe le mur crénelé avec un léger exhaussement, et nous nous engageons dans une allée bordée de murs. A gauche un jardin, petit jardin anglais en 1733, à droite un jardin plus considérable remplaçant l’ancienne église et l’ancien cimetière. Il est à observer que les deux jardins sont plus hauts que le niveau de l’allée; on y parvient par des escaliers de la cour du château. Les murs bordant l’avenue sont reliés par des arceaux couverts de verdure. C’est une entrée champêtre.

Au bout de cette avenue se trouve le portail principal. C’est une porte haute avec chambrette au-dessus, recouverte d’un toit à double pan que surmontent deux flèches. En 1579, on y disposa une « cage » pour une cloche et en 1713 on donna à celle-ci un socle neuf (gestell). En 1688, on dépensa 52 florins pour « deux flèches neuves sur la grande porte neuve du château, et de la tôle, les anciennes ayant été rompues par le vent. » En 1718, on paya au peintre Lemp 22 florins 6 sols pour avoir passé en couleur à l’huile le grand portail et les portes. La porte principale était tout d’abord de chêne. Elle fut plus tard remplacée par une grille en fer surmontée d’une couronne.

La porte est franchie, et nous voici maintenant dans une vaste cour. Du côté du pont-levis, les abords sont protégés par un avant-corps fermé de caponnières, servant de défenses; près de là un pilier public avec carcan. A part cela, la cour n’a rien de sévère. A gauche, /179/ nous trouvons tout d’abord une écurie dans laquelle on peut loger six chevaux, avec dans un angle une place. pour une vache, et en face une chambrette pour le valet. C’est du moins ce que montrent les plans. Mais dans la période épiscopale, l’écurie paraît avoir été sous le château, « à la Barre », disent les textes, et en 1682, le bailli Bondeli fit supprimer « l’écurie des vaches, puante et inutile, » qui se trouvait alors beaucoup plus près du château.

Après l’écurie, vient une courtine, avec une étable aux porcs, un bouaton, sauf respect, comme disent les comptes en en parlant. Plus tard, un chemin conduit à la Maison du Chapitre; nous passons, car nous aurons l’occasion d’y revenir. Immédiatement après un grand bûcher : à l’entrée, le bois; au fond, dans un recoin donnant sur le côté, on remise des fascines. Ce bûcher n’est pas le seul. A main droite en entrant, il y en a un autre, construit après 1672, et adossé au mur intérieur du jardin. L’entrée du jardin le sépare d’une remise aux carrosses, postérieure elle aussi à 1672; elle était sans doute auparavant plus à portée de l’écurie. Le carrosse baillival joue un grand rôle dans les comptes, surtout au début : on dépense 146 florins en 1554 pour l’entretenir, 110 florins en 1556, et, pour l’époque, ce sont là d’assez grosses sommes.

Plus à droite encore sont les fossés du château, dont le niveau inférieur est à peu près celui de la place d’en-bas actuelle, tandis que la cour montait presque à la hauteur de la terrasse supérieure, l’avenue dont nous parlions au début y conduisant en pente forte. Ces fossés sont maçonnés, ceints de murs, mais n’ont rien de /180/ sauvage. Tout un monde l’habite. On y descend du château par un escalier de bois, et il y a au fond une grosse basse-cour. En 1605, on paya 59 journées de charpentier pour refaire les poulaillers et autres édicules, entre autres celui où on tenait des cailles.

Il va sans dire que les cochons de gauche et les poules de droite ne devaient pas demeurer perpétuellement dans leurs enclos, et qu’ils devaient vaguer et grogner, glousser et picorer continuellement dans la cour. On peut supposer qu’ils fréquentaient volontiers les abords de la fontaine.

Cette fontaine du château est un monument historique. Au temps des évêques, elle avait été l’objet de fréquents conflits entre le prélat et la ville. Le 25 octobre 1482, les ambassadeurs de Berne et de Fribourg, statuant comme arbitres entre Benoît de Montferrand et les bourgeois décidèrent entre autres que « la ville pourvoira le château Saint-Maire d’une nouvelle fontaine et supportera les frais d’installation de celle-ci. L’évêque est chargé de son entretien et devra s’abstenir d’arrêter les eaux destinées aux fontaines de la ville. »

L’eau venait de Sauvabelin. Elle passait par un réservoir à la Barre. Les conduites étaient de bois primitivement; mais on dépensa en 1736 la somme de 187 florins pour 204 tuyaux de terre cuite. Ces tuyaux gelaient en hiver, sautaient par la sécheresse en été. A plusieurs reprises, la source tarit, et il fallut de grands travaux pour la retrouver. La fontaine comprenait un bassin de pierre, une auge de bois, et en outre en 1712 un petit bassin de marbre. L’eau se déversait dans un autre réservoir servant de vivier pour les poissons et les écrevisses. /181/

La cour était pavée tout autour de la fontaine et à l’entrée du château. La fontaine néanmoins causait autour d’elle de grands dégâts. L’eau qui s’en échappait pourrissait en 1719 la chambre voisine des huissiers, en 1726 le mur principal du pavillon d’été; on la faisait pourtant dériver vers le verger sous le château. Mais il faut dire qu’elle n’était pas seule coupable. Le purin qui s’écoulait de la courtine et de l’abreuvoir y était bien pour quelque chose. Le fait est que tout pourrissait aux alentours; en 1714, il faut dépenser 287 florins pour réparer les murs de l’écurie rongés par le salpêtre; en 1720, lorsqu’on veut réparer le bouaton abîmé par un orage, tout s’écroule de pourriture. Vainement, on déplace la fontaine à plusieurs reprises (un bailli observe en 1583 qu’une nouvelle fontaine est plus rapprochée de 500 tuyaux du château que l’ancienne), le mal n’est corrigé qu’après de grands travaux exécutés en 1735. Ce n’est évidemment pas pour rien qu’en 1729 le bailli paie 43 florins 9 sols au peintre Jost Brun « qui a passé à l’huile et parfumé différentes pièces au château pour en chasser les mauvaises odeurs. »

Reprenons notre visite.

La fontaine fait face au grand portail d’entrée, de l’autre côté de la cour, vers le mur d’enceinte dominant la pente conduisant à la Louve. Au mur d’enceinte lui-même sont adossées trois constructions assez importantes : à gauche la chambre des huissiers, puis le couvert de la cour criminelle et enfin à droite le pavillon d’été.

Les plans Merian (1643) et Buttet (1650 environ) placent à un éperon du mur d’enceinte un édifice comprenant deux parties distinctes : une espèce de tour à /182/ un étage et à double flèche, à laquelle est adossé à l’est un bâtiment un peu allongé comprenant un rez-de-chaussée et un étage. C’était peut-être l’ancien prieuré de Saint-Maire. Au XVIIe siècle, la tourelle servait à la fois de bûcher et de four, celui-ci ayant été refait en 1673 : c’était la boulangerie. L’autre bâtiment servait, au rez -de-chaussée, de chambre des hérauts ou huissiers, c’est-à-dire de corps de garde, où l’on fit en 1713 un lit et un banc, et les servantes du château logeaient à l’étage. En 1582, Me Ant. Vallon, tailleur de pierres, fut occupé pendant onze journées, à 8 sols l’une, à percer « le mur dans la chambre annexe au château qui doit servir aux femmes de service pour entrer dans leurs chambres », les montants étant en pierre de taille; le menuisier plaça une porte avec un tournavent (tambour).

Les plans Merian et Buttet montrent un espace libre à l’est du bâtiment ci-dessus, et c’est là qu’était la fontaine. Au XVIIIe siècle, cette place fut occupée par un bâtiment servant pour la cour criminelle, et sur lequel nous reviendrons.

Nous passons sans nous arrêter à d’autres édicules, le colombier qui date de 1658, la remise où se trouvent la pompe à feu et vingt seillons de cuir à incendie aux armes de Berne. A droite, nous nous trouvons en présence d’un petit bâtiment, et une porte avec avant-corps percé de caponnières nous conduit dans la petite cour, l’entrée proprement dite du château.

A gauche de cette entrée, dominant la râpe, c’est-àdire la pente conduisant à la Louve, se trouve le « pavillon d’été, » les chambres du pont du plan Delagrange. La date de construction de cet édifice ne nous est pas connue. /183/ Ce n’est pas la maison d’en bas que mentionne le compte de 1556, la maison de derrière dont on répare deux grandes fenêtres en 1566, la « vieille maison » de 1614, car ces désignations paraissent se rapporter à un édicule situé du côté de la Barre et dont nous reparlerons. C’est en 1606 que le nom de « pavillon d’été » apparaît pour la première fois. « Au château, est-il dit, dans la maison de derrière, le charpentier répare la frête du toit et les conduites pour mener l’eau au pavillon d’été. » En 1609, on refait « le mur contre le pré des tireurs où se trouve le pavillon d’été », ce qui est exact; les tireurs partaient des édifices de l’ancien couvent de la Madeleine, et une partie du pré sous le mur d’enceinte du château appartenait primitivement à la seigneurie de Lausanne qui la vendit plus tard à n. Abraham de Crousaz. En 1627, l’édifice fut transformé. On paya 230 florins « au gypseur pour retenir complètement le nouveau et l’ancien pavillon d’été, vernir les deux planchers, peindre en noir deux portes et vingt-trois contrevents et les vernir, plus six mesures d’huile. » Le bâtiment domine la râpe, la muraille étant retenue par un solide contrefort. Cette dernière précaution n’était pas inutile, comme on va voir.

Tout de suite après son installation en 1682, le bailli Bondeli écrit :

« On a fait connaître l’an passé au trésorier et aux banderets que le pavillon d’été au château était ruineux, pourri dans les points sur lesquels il repose : la ramure et le plancher menaçaient de s’écrouler dans la râpe. Il était très exposé au feu, vu que des pièces de bois entières ont traversé non seulement dans cette (sic) petite cheminée, mais aussi dans la grande qu’on a fait monter par le milieu de la chambre du trésorier; ces pièces sont déjà à moitié brûlées. /184/ Par quoi cette pièce et tout le pavillon d’été pourraient être facilement consumés par le feu.

» Sur le préavis de la chambre des banderets, j’ai tout fait enlever, et en même temps le grand four excessivement vieux et inutilisable, à la place duquel j’ai fait mettre un nouveau four durable en dehors, contre le pavillon d’été, avec une nouvelle cheminée, où se réunissent le four et le fourneau, sans aucun danger de feu.

» Sur ce four et cette place, j’ai fait poser une construction légère, simple, mais qui était nécessaire. Là dedans encore une chambre pour le receveur et à côté un petit pavillon pour les cabinets, qui n’enverront plus de puanteur insupportable dans tout le reste du bâtiment. En même temps, le toit de ce nouveau bâtiment protège et couvre toutes les hautes murailles du château qui autrefois étaient exposées de tous côtés aux intempéries et à la dégradation, comme l’a vu le trésorier Tillier. Et particulièrement aussi la nouvelle chambre d’enfants à l’endroit où était l’ancien grand four et aussi cette écurie des vaches, puante et inutile.

» Et pour enlever tout ça et déblayer ce fourbis indicible, et tout reconstruire à neuf, en employant les anciens matériaux, autant que faire se peut, j’ai dépensé :

» A Me Pierre Chanbaz et Claude Mauraz et trois valets, du 30 septembre au 31 octobre sans les dimanches et jours de noce (mussiggang) 343 fl. 9 s. »

Suivent d’autres dépenses. Le total monte à 1420 florins. Parmi ces dépenses mentionnons encore la démolition et la reconstruction de « l’appentis long et démesuré et trop haut et qui enlevait tout le soleil au pavillon d’été et à toute la cour » (il s’agit sans doute ici de l’entrée du château). Cet appentis est évidemment celui qui, dans les plans Merian et Buttet, se trouve sur le même plan que la porte d’entrée de la petite cour et qui est marqué d’un soleil, tandis que le pavillon d’été fait face au Chemin Neuf.

Malgré ces réparations, la situation ne s’amélioraguère. /185/ En 1693, le mur reliant le pavillon d’été au château même s’écroula, pourri par l’eau, et l’on dépensa 472 florins pour le reconstruire. De nouvelles et grosses réparations eurent lieu par ordre de Messieurs de Berne, du 1er juillet 1729, pour « réparer le mur ruineux autour de la cour du château, et compléter (ergänzen) le pavillon d’été. » On employa à cet effet 3243 pieds carrés de pierre de taille, 10 tonneaux et demi de chaux, 1992 sacs de sable. Le charpentier fut payé 100 florins, le maçon Péclat reçut 1480 florins pour 937 journées, le tuilier Laedermann livra 2400 briques pour réparer l’ogive et garnir le sol entre la fontaine et le mur. Les travaux continuèrent l’année suivante et l’on employa encore 3200 pieds carrés de pierre de taille.

Au moment où nous y pénétrons, le pavillon d’été vient d’être réparé. Il se compose de deux pièces, plancheyées et boisées. Le mobilier en indique nettement l’usage dans la chambre principale, un « beau » bois de lit de noyer à roulettes, une table de noyer à rallonges, deux fauteuils de noyer et un buffet déjà vieux; dans la petite chambre un bois de lit de noyer, une table de noyer qui ne vaut pas grand chose et, dans un angle, un alambic, en cuivre. Sans doute, le bailli qui n’a pas, comme l’évêque, la possibilité de prendre le frais à Glérolles ou à Lucens, utilise ce petit logement, plus sommaire, mais plus agréable que la lourde masse du château.

Un pont-levis, formé d’ais de chêne et souvent refait, muni de fortes chaînes, relie le pavillon d’été au château. En 1544, on le fait reposer sur des culées pour empêcher qu’il ne ploie. Le pont-levis auquel on parvient /186/ par des degrés n’était pas couvert, mais y fait suite un « petit pont » couvert et plancheyé, qui, après avoir été tout d’abord un second pont-levis, ne fut plus tard qu’un simple vestibule. Le 16 mai 1738, on décida d’en refaire la ramure, qui coûta 588 florins 6 sols.

 

X

L’inventaire de 1553.

Nous voici enfin au château lui-même, qui est formé de l’édifice principal et de l’annexe des Montfalcon, laquelle donne sur le vestibule ou couloir dont nous venons de parler.

Avant de pénétrer, donnons le texte d’un inventaire des meubles et mobilier du château de Lausanne, dressé le 18 octobre 1553, par ordre du bailli Manuel.

Le voici :

Inventayre des Meubles du chasteau de Lausanne remis au Magniffique sgr Jerosme Manuel, moderne Ballif de Lausanne le 18e octobre 1553

  • Premièrement

  • En la belle salle.

  • Ung challyt (lit) de menuyserie.

  • Ung aultre petit challit.

  • Ung Buffet.

  • Une table avec ses trabichez.

  • Ung ban auprès de la dte table.

  • Ung petit buffet qui se ouvre au devant de la porte.

  • En la chambre auprès de la dicte belle salle.

  • Une table avec deux trabichez.

  • Ung challit. /187/

  • Ung Buffet.

  • Une petite arche platte et carree.

  • Une petite table de petite valeur.

  • En la chambre de ripallie

  • Ung challit.

  • Ung aultre petit challit annexe a la paroir et a la porte de la dicte chambre.

  • Une petite table avec deux trabuchez.

  • Deux ancyennes [tables] couvertes de tapisserie fort usées et de petite valleur.

  • En la chambre devant la belle salle.

  • Ung challit.

  • Troys arballettes.

  • Ung Ratelly pour entreposer quelque chose de bien petite valleur.

  • En la crotte.

  • Une ancyenne table avec deux bans de ça et de la de la dte table.

  • Deux couffres esqueulx sont les droits du priore de Lustrie et la Clergie de Lausanne, non ferrés.

  • Item ung petit couffre vers la fenestre cancellee non ferree.

  • Deux demy cornes de cerfs grandes.

  • Demye corne de Dayn.

  • Deux cornes et demy de buch saulvage.

  • Quattres espargones.

  • Idem deux couffres anciens ferres de petite valleur.

  • Ung arc.

  • Une ancyenne espee.

  • En une petite tournalle.

  • Un petit challit de petite valleur.

  • Au poille.

  • Deux tables et deux trabuchez.

  • Trois bancz.

  • Ung petit challit.

  • Ung buffet avec une chayre annexée à Jceulluy. /188/

  • Une chayre.

  • Ung laveman (lavabo).

  • Deux escabes.

  • En la chambre auprès du poille.

  • Trois challit.

  • Deux landiers de locton.

  • Ung buffet.

  • Ung Armayrez.

  • Une petite chayre.

  • Une petite arche longue quest contre la fenestre.

  • En laultre chambre apres.

  • Troys challitz.

  • Deux cielz lung blanc laultre ayant des fringes noyres.

  • Une viellie tapisserie.

  • Ung grand Armayre.

  • En la grand salle.

  • Huit arches.

  • Deux tables avec leurs trabichez.

  • Ung armayre de boys.

  • Une chayre.

  • Deux couffres anciens.

  • Ung livraux (poids).

  • Ung grand armayre tout ferre.

  • Ung petit Ratelly pour entreposer quelque chose.

  • En la dispence.

  • Trois tables avec leurs trabichetz.

  • Quattre arches.

  • Auprès de la dispence.

  • Une grande arche ferree.

  • En la cuisine

  • Quatre pot de mestal a cuyre.

  • Une grillie.

  • Une poille fructyere.

  • Une table.

  • Deux landiers. /189/

  • Ung comacle.

  • Le bochet du fourniet.

  • Une grosse table ancienne.

  • Deux hastes.

  • En vaisselle destaing.

  • En plats XXI.

  • En escuelles plattes XXVII.

  • En grelletz (jattes) XLIIII.

  • Deux grandes symesses.

  • Une grande cocasse.

  • En halliouz.

  • Quatre couffres de noyer.

  • Et une viellie arche.

  • Sur la Loye.

  • Une table carrée.

  • Et ung grand banc.

  • Vingt quattre pieces dartillerie et ung mortier.

 

L’inventaire de 1656.

Voici maintenant un autre inventaire, dressé le 24 octobre 1656 par ordre du bailli Lentulus 1.

  • Dans le grand couloir d’en bas.

  • Une petite table de sapin.

  • Une grande armoire ancienne avec ferrure.

  • Deux grandes arches à farine.

  • Une lanterne de verre à suspension.

  • Dans la chambre voûtée.

  • Une table de noyer à rallonges.

  • Une autre petite table de noyer à tiroirs. /190/

  • Un lavabo, soit buffet de chêne, aiguière et bassin d’étain.

  • Tout autour de la menuiserie avec quatre petits escabeaux.

  • Une bannière.

  • Un drapeau aux couleurs de Lausanne et d’Yverdon.

  • Une forme de lit en chêne.

  • Un lit à roulettes (rohlbett) avec des petits escabeaux.

  • Dans la chambre entre la grande salle et la chambre voûtée.

  • Un grand archebanc (sidelse) en noyer avec des petits archebancs.

  • Un bois de lit de chêne et les escabeaux.

  • Un buffet de noyer à lavabo, avec l’aiguière.

  • Une vieille petite arche de sapin.

  • Dans la grande salle.

  • Une arche de noyer.

  • Une arche de sapin.

  • Une arche vieille, mauvaise et rompue.

  • Une petite armoire de sapin, rouge, contre le mur.

  • Une autre armoire à habits, grande, en sapin.

  • Une table longue, en sapin.

  • Un bois de lit de noyer, avec les tentures, et très ancien.

  • Deux grands landiers et deux petits en fer et un grand trépied.

  • Dans la cuisine.

  • Une armoire de sapin avec quatre compartiments (underschlagen).

  • Une armoire à rayons en sapin.

  • Une table longue avec ses pieds.

  • Une chaise de bois d’érable.

  • La vaisselle d’étain.

  • J’ai fait fondre les petites assiettes d’entrée (avant-manger) et j’en ai fait faire de plus grandes. Il y en a maintenant de toutes les espèces.

  • 50 assiettes.

  • 8 assiettes à soupe.

  • 1 petite assiette à moutarde.

  • 8 plats à oreilles.

  • 13 assiettes plates d’étain.

  • 10 gobelets. /191/

  • Une paire de channes pour verser.

  • Une petite channe à eau.

  • Deux grande channes.

  • Une channe d’une mesure et demi.

  • Quatre channes d’une mesure.

  • Une de demi-mesure.

  • Une de quart de mesure.

  • Une pinte d’une mesure et une de demi-mesure.

  • Deux petites boîtes à sel.

  • Deux pots de chambre.

  • La vaisselle de cuivre et de laiton.

  • Une chaudière.

  • Une jatte (getzi).

  • Un grand chaudron.

  • Un chaudron de moyenne grandeur.

  • Une channe de cuivre.

  • Six chandeliers de laiton.

  • Un petit chaudron pour le poisson.

  • Un chaudron à fromage.

  • Vaisselle d’airain.

  • Six pots grands et petits, bons et mauvais.

  • Vaisselle de fer.

  • Un hageli (petit crochet ?).

  • Cinq broches.

  • Deux poêles à frire.

  • En literie dans les différentes pièces du château.

  • Huit lits avec leurs tiroirs.

  • Huit oreillers. Il y en avait neuf, mais on en a refait un de deux mauvais.

  • Cinq paillasses.

  • Dans la grande chambre chauffable.

  • Un buffet neuf de noyer, soit placard à lavabo, avec réservoir et bassin d’étain. /192/

  • Une table de chêne à rallonges, avec son fauteuil et sa chaise longue.

  • Une table sans rallonges.

  • Une table de sapin.

  • Tout alentour des sièges de chêne avec les petites banquettes.

  • Un grand siège de noyer.

  • Une armoire double de noyer.

  • Dans la chambre neuve qu’on appelait ci-devant la vieille dépendance.

  • Une table de noyer.

  • Deux vieilles arches de noyer.

  • Un buffet de noyer.

  • Une mauvaise arche de sapin.

  • Un bois de lit à roulettes.

  • Des chaises de noyer avec des archebancs.

  • Une armoire de sapin avec deux portes.

  • Une petite arche ferrée de noyer.

  • Dans la salle verte.

  • Un bois de lit de noyer.

  • Un bois de lit d’érable avec une vieille courtine toute déchirée.

  • Deux bois de lit de sapin.

  • Une courtine brodée.

  • Une caisse de sapin.

  • Une grande armoire à habits de sapin.

  • Dans la salle de l’évêque.

  • Une table de noyer à rallonges.

  • Deux bois de lit de noyer.

  • Un buffet de noyer.

  • Un buffet élevé qui s’ouvre comme une porte.

  • Une chaise haute.

  • Deux landiers de laiton.

  • Une armoire à lavabo de chêne, avec l’aiguière d’étain et le bassin. /193/

  • Dans la salle blanche.

  • Un bois de lit de sapin et un de noyer.

  • Une table de chêne.

  • Un vieux buffet de chêne.

  • Deux landiers de fer.

  • Un fauteuil de chêne.

  • Dans les voûtes.

  • Une épée à deux mains.

  • Un bon nombre de coins de monnaie.

  • Dans la chambre de la cour.

  • Une petite table de sapin à tiroirs.

  • Un vieux bois de lit de chêne.

  • Un vieux buffet d’érable.

  • Six panneaux ouvragés avec quatre petits archebancs.

  • Vingt seillons à incendie.

  • Une balance avec deux pierres à feu.

  • Un vieux siège de chêne.

  • Deux vieilles arches de sapin.

  • A la buanderie.

  • Une grande tine.

  • Deux baquets.

  • Dans la maison d’été, dans la chambre.

  • Un beau bois de lit de noyer à roulettes.

  • Une table à rallonges de noyer.

  • Deux fauteuils de noyer.

  • Un vieux buffet.

  • Dans la petite salle à côté.

  • Une mauvaise table de noyer.

  • Un bois de lit de noyer.

  • Un alambic en cuivre. /194/

  • Dans la chambre de justice (pour la cour criminelle).

  • Une table de noyer à rallonges.

  • Deux fauteuils de noyer.

  • Un grand siège de noyer.

  • Dans le couloir près la chambre de justice.

  • Deux ais de table en chêne et quatre en sapin.

  • Deux longues chaises.

  • Deux fauteuils de sapin.

  • Dans l’écurie.

  • Deux bois de lit de sapin.

  • Deux huches à avoine de sapin dont une très mauvaise.

  • Dans le grenier.

  • Quatre grandes mesures.

  • Quatre petites mesures.

  • Une demi-mesure.

  • Un tamis (kornrietter).

  • Deux tines.

  • Des escabeaux, il y en a environ douze sans dossier, avec dossier il y en a aussi quatorze dans les différentes pièces.

 

XII

L’intérieur du château.

Les inventaires que nous venons de lire ne nous renseignent pas seulement sur le mobilier, mais aussi dans une certaine mesure sur la répartition des pièces au château. Nous devons ajouter que nous ne possédons aucun plan ancien complet de l’édifice.

Le plan Delagrange de 1733 donne la répartition des locaux du rez-de-chaussée (ou premier étage). Le grand /195/ plan de la ville de Gignilliat (1722) fait la même répartition d’une manière plus sommaire, mais en indiquant l’attribution de chaque pièce. Nous n’avons absolument rien pour les étages supérieurs.

Ces plans représentent huit pièces au rez-de-chaussée à gauche du couloir; des cabinets et une chambre dans l’annexe de Montfalcon, puis deux chambres et la cuisine dans le bâtiment principal; à droite, il n’y a pas d’annexe, mais un mur d’où part un escalier de bois conduisant au fossé; puis dans le bâtiment principal une chambre d’audience, une chambre à manger, et le poêle ou chambre chauffée, derrière lequel est l’escalier tournant conduisant à l’étage supérieur.

Il est difficile d’identifier ces différents locaux avec ceux qu’indiquent d’une part l’inventaire de 1656, de l’autre certaines mentions des comptes. Ceux ci, par exemple, comme l’inventaire, parlent peu de la chambre d’audience. Une fois, en 1671, il est question d’un peintre qui a passé huit journées à nettoyer, badigeonner la chambre du peuple (Volksstube) et y a fait des moulures; cette Volksstube est sans doute la chambre d’audience, mais il est étrange que l’inventaire de 1656 n’en donne pas le mobilier. En 1693, le gypsier Jaques Huber badigeonna en blanc « la petite chambre du trésorier, la chambre d’audience et la salle des écussons (Schiltensaal), ainsi que le grand corridor d’en-bas qui était noir de fumée. » Cette salle des écussons reparaît plus tard. En 1719, le menuisier Lagrange refit un « tableau neuf pour les écussons et armes des baillis », que le peintre Brun rafraîchit en 1748.

Cette chambre des écussons nous paraît devoir être /196/ identifiée avec la « grande salle » qui, elle, revient très fréquemment dans les comptes. Relevons quelques mentions. En 1568, on paie 25 florins pour une grande table double de noyer. En 1609, le tailleur de pierre Gilliard fournit huit dalles pour « le poêle de la grande chambre du château qui était tout ruineux et endommagé et rompu. » En 1622, on blanchit les murs et peint en jaune le plafond, et le vitrier Jean Dapaz reçoit 57 florins 6 sols pour deux fenêtres neuves avec fourniture des rondelles de verre et du plomb. En 1632, le maçon fait à cette salle de grosses réparations (212 florins) non spécifiées. En 1680, le peintre Hans nettoie la grande chambre et refait le plafond. En 1696, on dépense 101 florins 3 sols pour une cheminée neuve de gypse, et 190 florins 7 sols pour quatre fenêtres neuves avec cadres, pour lesquelles on emploie 396 rondelles de verre neuves, 10 paires d’esquairres et 48 baguettes de chêne. En 1726, on fait une apponse à la boiserie de la grande chambre; en 1733 une porte de sapin. En 1714, on met quatre cercles (ringen) avec des écrous de bois dans la grande salle.

Où était la chambre d’audience ?
Où était la chambre des écussons ?

Pour répondre à cette double question, nous n’avons guère qu’un moyen de repère. L’inventaire de 1656 dit que la grande salle est séparée par une autre pièce de la chambre voûtée. Or, celle-ci est très probablement la pièce qu’occupe en ce moment M. le chef du Département de justice et police, à l’angle sud-est du rez-de-chaussée, et que le plan Gignilliat de 1722 appelle le poile, soit l’ancienne stupha. En effet, au cours de /197/ remaniements effectués en 1906, on a constaté que cette pièce avait autrefois une distribution différente :

a) une porte basse communiquait avec l’escalier tournant placé à l’angle nord-est;

b) une cheminée, avec âtre de dimensions plus faibles que celles de la grande salle en deçà, et dont l’axe correspond à celui de la vue droite ouverte en 1906, pour faire symétrie à la fenêtre de la salle de la chancellerie (au-dessus du major Davel);

c) les solives qui formaient jadis le plafond de cette pièce avaient subi un commencement d’incendie, à la suite duquel on a construit une voûte en carrons, d’une épaisseur de trente centimètres environ, voûte qui a reçu des peintures à fresque, dont le service des bâtiments a fait relever quelques motifs.

Dans le trumeau de gauche, se trouvait une cavité ayant servi vraisemblablement de coffre-fort, et dont la porte seule, de fer à cinq rosaces, était visible 1.

Si l’on observe que la chambre voûtée de 1656 contient des bancs tout autour du mur, on reconnaîtra que c’est bien là le propre d’une stupha, et nous serions ainsi fixés. Cette chambre voûtée souffrait beaucoup de la bise. En 1714, on en refit les fenêtres et les contrevents, et néanmoins on dut en 1720 déjà réparer les fenêtres, parce qu’elles étaient tellement gâtées que le vent éteignait les lumières.

Cela admis, la salle des écussons serait le bureau actuel de la chancellerie, et l’ancienne chambre à manger le local dit des archives. Ici, nous devons mentionner une indication très intéressante qu’ont établie les /198/ sondages de 1906. C’est l’existence d’un ancien four dans la salle à manger, four profond d’environ deux mètres au-dessus du foyer d’une cheminée d’une largeur presque égale. La disposition de ce four permet de supposer que, primitivement, la salle des écussons et la chambre à manger ne formaient qu’une pièce, l’aula inférieure de 1536, et que le galandage est postérieur à cette date.

La salle des écussons était devenue en 1722, comme on le verra plus loin, la salle d’audience, et l’on y ajouta en 1788 un cabinet pour le secrétaire du bailli. C’est le bureau actuel du chancelier. En face, dans l’annexe de Montfalcon, était la petite chambre du trésorier général du pays de Vaud, lorsqu’il venait à Lausanne 1. Le plan Delagrange y montre un lit, un poêle à degrés et une cheminée; elle avait son cabinet particulier.

Quant à l’ancienne chambre d’audience, il faut évidément la placer du côté nord du bâtiment, sous la chambre de l’évêque, en face de la chancellerie, mais elle ne servait plus en 1722 à cette destination; chambre des écussons et chambre d’audience ne formaient qu’une.

Nous n’avons rien de spécial à dire de la cuisine si ce n’est cette mention curieuse du compte de 1718. « A cause du danger d’incendie, j’ai fait enlever la grande cheminée dans la cuisine et j’ai fait remettre les parois de devant et d’à côté, 374 florins. » Les comptes suivants témoignent cependant que la cheminée fut rétablie.

En 1584, le bailli procéda à une importante transformation. Il fit d’une dépendance, — la dépense de 1553 ? /199/ — une chambre neuve. Voici à ce propos les détails donnés par les comptes :

  • Au gypseur et à un valet, 39 journées pour gypser cette chambre et la voûte à 9 gros par jour, plus 10 coupes de gyps à 18 gros : 44 fl. 3 gros

  • Pour plancheyer, à Me Simon Hoffmann, 24 journées : 16 fl.

  • A Me Jean Tacholaz, forgeron d’Avenches, pour deux grillages de fenêtre pour la chambre neuve, pesant 11 quintaux et 58 livres, à 7 cruches la livre : 410 fl, 4 s. 6 d.

  • Pour amener ces grilles d’Avenches : 20 fl.

  • Au vitrier pour quatre fenêtres hautes pour la chambre neuve : 48 fl.

  • Le poëlier pour un poële : 69 fl.

  • A Me Jean Byvilez, le menuisier, pour les boiseries, buffets, lavemains, baquet, un bois de lit, une table, sept escabelles : 385 fl. 4 s.

  • Pour les boiseries, huit douzaines d’ais de noyer à 10 florins l’un : 80.fl.

  • A Me Clément Cheyre, le serrurier, pour toutes les fermentes de cette chambre neuve, soit deux portes, un buffet, un lavemains, le réservoir, deux tables, deux archebancs et deux fenêtres : 82 fl. 31 s.

Plus tard, d’autres dépenses paraissent se rapporter à la même pièce. En 1603, un plancher dans la petite chambre neuve avec un lambrissage en haut, et 47 journées de maçon pour percer deux fenêtres dans la chambre; en 1604, on fait faire un archebanc, en 1633 un poêle neuf.

Où placer cette pièce ? Nous pensons que c’est à l’étage supérieur, mais nous ne pouvons préciser l’endroit.

Avant de quitter l’étage inférieur, relevons encore qu’on y voyait, sans doute dans le corridor, une petite cloche, et dans l’une des pièces une horloge qu’on fit venir d’Yverdon en 1568. Le compte de 1579 mentionne une fenêtre à croisillons dans le grand couloir d’en-bas. Cette fenêtre /200/ était évidemment celle qui donne sur le Calvaire et qui se trouvait à côté de la viorbe aujourd’hui disparue, « escalier à coquille », ou escalier tournant qui fut jusqu’à la fin du XVIIIe siècle l’unique moyen de communication entre les étages du château, jusqu’au galetas. La viorbe était à chaque étage fermée par une porte à serrure. En 1719, le bailli fit gypser « le corridor d’enhaut et celui d’en-bas, blanchir l’escalier en coquille et la salle d’en-bas, » et il fit faire en outre deux lanternes neuves; total de la dépense 376 florins 3 sols.

L’étage supérieur comprend la salle de l’évêque, à l’angle nord-ouest, la chambre neuve dont nous avons parlé, la chambre verte, la chambre blanche, la chambre grise, la chambre des enfants, une chambre de bains et des dépendances.

Les comptes fournissent quelques renseignements sur la salle de l’évêque. En 1601, on y répare une table de noyer qui tombait de vétusté. En 1605, le verrier Hans Schwytzer, le même qui fit un vitrail donné par Leurs Excellences pour l’église Saint-François, fit des cadres de fenêtres neufs et la verrerie dans la salle de l’évêque et la chambre neuve : 90 journées à 3 batz, 86 fl. 6 sols. En 1669, le gypseur Jean Rüdi fit des travaux de blanchissage et de décoration à la salle de l’évêque, à la salle blanche et au pavillon d’été; on lui paya 64 florins pour son travail et pour la colle, la céruse, le rouge vif (kugelroth), le noir et le vert-de-gris (spanngrünn). En 1705, les fenêtres de la salle de l’évêque furent transformées; on paya 210 florins 4 sols 6 deniers au maître maçon Hodler et au vitrier Vulliemin pour leur travail.

Les comptes ne parlent jamais de la chambre verte qui /201/ figure à l’inventaire de 1656, ni de la chambre de Ripaille de 1553 1. Mais ils mentionnent la chambre du bailli qui doit probablement être identifiée avec elle. Le bailli Bondeli raconte qu’en 1684 il a dû y mettre des fenêtres doubles pour se protéger « contre l’épouvantable bise; » il y transforma en même temps un placard à habits, de noyer, fit faire une porte neuve et deux cadres de portes dans le mur de séparation de sa chambre et de la chambre d’à côté, « ce qui était grandement urgent, » en même temps qu’il mettait un plancher neuf à la chambre des enfants. En 1739, on boisa la chambre du bailli, ce qui coûta 313 florins. Le bailli avait en outre un cabinet de travail 2 qui fut boisé en 1728, et muni d’un bureau (table à écrire) en 1739.

La chambre neuve de 1584 pourrait être en définitive la chambre de Mme la baillive que l’on appelle aussi la chambre grise. On y mit en 1727 un plancher neuf, de grands cadres de fenêtres à l’anglaise et des contrevents. Cette chambre avait une cheminée dont le ferblantier Borrel couvrit de tôle la bordure en 1706. En 1741, on y mit une nouvelle porte en noyer. Cette pièce était sans doute celle que le bailli Bondeli mit en communication avec la sienne.

Les réparations à la salle blanche n’offrent rien de caractéristique. En 1722, le menuisier Jean-David Bergier y mit deux cadres de fenêtres doubles « à la manière anglaise », les anciens ayant été démolis par l’orage. /202/ Il semble que cette pièce ait été une chambre à donner : nous avons vu qu’elle renfermait un lit, une table, deux fauteuils.

A cet étage encore se trouvaient la chambre des enfants, que l’on passa en 1749 à la couleur à l’eau pour la débarrasser de la vermine, une chambre de débarras, avec fenêtres, et une chambre de bains, peut-être celle que l’on établit en 1557 déjà, et pour laquelle on fit en 1613 deux fenêtres neuves. Mais nous ne sommes pas sûr qu’il ne s’agisse pas ici d’une simple buanderie, qu’il faudrait alors mettre dans une dépendance.

Mentionnons encore ce détail qu’en 1736, le maçon Sueur fut occupé à réparer une grande cheminée « partout où le feu a attaqué les murs, laquelle cheminée sert à trois chambres. » A cause de ce dernier détail, cette cheminée n’a guère pu être à l’étage inférieur. Il faut la placer à l’étage supérieur. Enfin, en 1713, le menuisier Delagrange fit les montants et cadres de noyer dans le couloir d’en haut, et sépara par une cloison et des portes les cabinets, « sauf respect », à l’étage d’en-haut.

En définitive, autant que nous en pouvons juger, l’étage inférieur du château était consacré aux salles de réception, à la cuisine et à la chambre à manger du bailli. L’étage supérieur formait son appartement privé, sauf la chambre de l’évêque qui demeurait telle quelle. On a dit que cette pièce servait de chambre du trésor sous le régime bernois c’est possible, mais nous n’en avons pas trouvé de traces. /203/

 

XIII

L’arsenal du château et les prisons.

Le troisième étage du château n’était pas habité au XVIIIe siècle. Il renfermait les galetas et l’arsenal. En 1713, le menuisier Delagrange fit une porte neuve et un plancher sur l’escalier en coquille pour fermer le galetas. L’année suivante, on fit un grand treuil pour l’arsenal.

L’arsenal du château, différent de celui de la ville, était bien garni. On en jugera par l’inventaire qui en fut dressé le 20 et le 21 octobre 1749 par le secrétaire baillival Rodolphe Gaulis, aidés des sieurs Dupuis, Chavan et Krependorff, canonniers, à l’usage du bailli Moutach qui remplaçait à ce moment-là le bailli Ryhiner. Voici cet inventaire :

Mousquets à croc, de fonte, montés sur des chèvres de bois17
Mousquets à croc, de fer, montés comme les susproches5
Pétard de fer, monté de même1
Biscayens non montés3
Broussettes ou refouloirs, pour les pièces à croc25
Broussetes gâtées ou bouts de refouloirs12
Baguettes portans Tirebourre10
Flasques de cannonier, fort vieillies20
Boulets de fer, pour toutes sortes de pièces90
Mesures à poudre pour charger les canons, deux de fer-blanc et une de bois5
Cartouches de fer blanc, vuides, servant pour la grosse pièce de la ville et seigneurie de Lausanne, en quatre quaisses ferrées300
Grilles de fer pour chauffer les boulets rouge2
Tenailles pour les prendre1 paire
Crochet pour les remuer1
Grenades vuides et petites295
Fourchettes pour vieux mousquets portant mèche4
/204/ Mèche46
Boute fer à bouton1
Leviers pour les mousquets à croc3
Fusils et dépendances, etc. 
Fusils avec leurs bayonnettes, compris dix marqués d’un pigeon à la crosse102
Fusils sans bayonnettes, compris un marqué aussy d’un pigeon, et les 25 qu’on a eu pris aux Camisards 1 , sur le lac, le tout comprenant différentes espèces et de calibre aussi102
Bayonnettes à Douille compris 4 prises aux Camisards153
Bayonnettes à manches de bois, aussi prises aux Camisards24
Moules de fusils de différens calibres15
Pierres de fusils dans cinq petits tonneaux pesant en tout465 livres
Poudre grossière ou à canon, dans un sac mis dans un petit tonneau, a l’Arsenal90 livres
Poudre ditte, en trois sacs, mis dans un tonneau au-dessus de la tour de l’angle d’occident et bize310 livres
Poudre fine, dans un sac au même endroit45 livres
Gibecières assez bonnes, dans l’arsenal75
Gibecières prises aux Camisards3
Bandollières vielles et noires115
Sabres presque neufs10
Espadon vieux1
Spontons presque neufs2
Hallebardes3
Piques48
Quaisse de tambours1
Cuirasses avec le casque20
Quaisse de cloux à 4 points1
Plomb, bales, etc. 
Bales de plomb, pour les mousquets à crocs dans une caisse360
Bales d’une once et demi177
/205/Bales d’une once518 l.
Bales de 3 d’once113 l.
Bales de même grosseur, dans 20 petits barrils,2200 l.
Plomb en masse1308 l.
Plomb en barre, soit petits saumons465 l.
Plomb en vielles feuïlles244 l.
Ustencilles, etc. 
Lanternes servant pour l’arsenal1
Fallots de campagne10
Torches de goudron302
Piôches avec leurs manches2
Pales aussi avec leurs manches2
Serpentins vieux et vielle ferraille dans1 caisse
Peaux de moutons vielles12
Sacs à poudre de peau2
Sacs à poudre de toile, y compris les 5 dans lesquels y en a, mentionés cy dessus12
Petits sacs de toile, pour des bales35
Grancs sacs de toile, pour du charbon4
Toile en pièce1 aune
Poche de fer pour puiser la poudre1
Poche de fer pour fondre le plomb pour des bales1
Cordes2 paquets
Petites haches à main, remises par Monsieur le Capitaine Bergier de Forel, le 30 juin 173125
Marmites de cuivre, avec leurs couvercles, servant de casseroles, à l’exception d’une ou le couvercle manque, remise par le dit Monsr de Forel le même jour30

Ainsi qu’on le voit par ce qui précède, l’une des quatre tourelles d’angle, celle du nord-ouest, qui domine l’entrée, servait de poudrière. Le compte de 1579 mentionne déjà la fabrication d’une forte serrure avec deux clefs pour la tourelle actuelle des poudres. En 1713, on fit trois fenêtres de noyer et deux contrevents dans la /206/ tour à poudre. Ces mesures spéciales étaient prises à cause d’un gros envoi de poudre reçu d’Yverdon, tel qu’il fallut en loger momentanément dans une autre tourelle. En 1722, un charpentier fit une chambrette au haut de la tourelle pour y mettre la poudre.

C’est sans doute aussi dans le galetas qu’étaient les archives. « Et comme dans les archives au château il n’y avait pas de fenêtre, écrit le bailli Willading en 1720, de telle façon que le brouillard et la neige étaient chassés par le vent, et que les livres et écrits se gâtaient, d’autre part en hiver il était impossible d’y travailler et d’y chercher quelque chose, j’ai fait poser deux vieilles fenêtres (enlevées) de la chambre voûtée. » En 1728, le menuisier boisa les archives « pour qu’on puisse y placer les vieux livres et registres. »

Les comptes ne nous fournissent que très peu de renseignements sur les meurtrières du château. Mentionnons pourtant en 1603, que l’on bouche d’anciennes meurtrières et que l’on en perce d’anciennes; et que l’on fait des « contrevents autour du château, en haut, devant les meurtrières », ce qui coûta 42 journées de travail à un florin l’une; en 1714, que le charpentier Barraud boucha les meurtrières avec des planches.

De la ramure du château, mentionnons seulement qu’elle dut être en bonne partie retenue en 1612. Le toit fut souvent réparé et les baillis firent, au château comme à la cathédrale, une énorme consommation de tuiles. Souvent aussi il fallait réparer les flèches des tourelles et les deux pommeaux du toit abîmés par l’orage. En 1583, un certain Jaton posa un pommeau d’étain qui pesait 129 livres. En 1693, un fondeur lombard /207/ plaça un nouveau pommeau d’étain, l’ancienne banderette étant abîmée et arrachée.

Et maintenant, du sommet du château, redescendons par la viorbe, et revenons jusqu’au pont-levis. Sous le pont sont les prisons. Elles existaient déjà, avons-nous dit, à la fin de la période épiscopale. L’un des grands soucis des baillis fut de bien les entretenir. Nous voyons de grosses réparations en 1565 et 1574. Le charpentier fit entre autres deux boîtes (kästen) pour les prisonniers au château. En 1580, le bailli écrit : « J’ai acheté vingt-six aunes d’épais drap de laine du pays pour les couvertures des prisons; je n’ai point trouvé de couverture et j’ai beaucoup de prisonniers. » En 1673, les « trois prisons d’en bas » sont munies de fortes portes de chêne avec trois serrures lourdes. » En 1695, on répara deux anneaux pour les bras des prisonniers. En 1710, un certain Charpentier s’étant évadé en brisant le mur, il y eut de sérieuses réparations. Primitivement, les prisonniers ne voyaient le jour que par des soupiraux. En 1716, on dépensa 115 florins pour réparer les « deux escaliers de bois par où l’on va aux prisons et au fossé, et percer une fenêtre pour amener le jour aux prisons. » En 1721, un maçon employa 200 pieds carrés de pierres pour réparer la base pourrie des prisons du château « contre la Barre. » Les prisons étaient ainsi sous le pont-levis et l’annexe des Montfalcon, du côté de la râpe. En 1727, le charpentier renforça et étaya « le plancher au-dessus de la prison sous l’entrée du château avec un pilier de chêne et des solives par ce qu’il voulait s’enfoncer. » Il refit en même temps les escaliers.

Sous le château même étaient les caves fortement /208/ remaniées en 1660. Il y avait un pressoir; cependant en 1631 on voit les ânes d’Ouchy amener du moût au château. En 1716 et 1717, le bailli fit faire un avant-toit sur le petit escalier de pierre avec muret devant la grande porte de cave du château, « car la pluie entrait presque dans la cave, tandis que le soleil y entrait également. » Il y avait un puits dans la cave, et l’on y mit en 1720 un fourneau pour chauffer pendant que l’on marque les vins. » En 1698, on dépensa 27 florins pour consolider les escouves de la cave avec deux liens de fer. En 1706, on fit au-dessus du pressoir une chambre pour y vanner le blé.

Nous ne pensons pas du reste que l’entrée du château, du côté de la Barre, ait toujours été aussi débonnaire. Il reste tout d’abord à identifier le graben dont nous parlions plus haut 1. Ce couloir correspondait peut-être avec une poterne très intéressante découverte dans les sous-sols pendant les derniers travaux de restauration. Cette poterne donne sur l’atelier de M. Lugeon, sculpteur. Elle s’ouvre à une certaine hauteur au-dessus du sol. Elle était fermée par plusieurs portes dont une porte blindée se trouve encore en place. C’est là une disposition des plus naturelles dans un château-fort. Puis quelques textes obscurs laissent supposer un état de choses ancien différent de ce qu’il fut plus tard. En 1552, le bailli paie 20 florins aux charpentiers pour remettre en état « le pont derrière le château. » En 1566, on met une barre neuve à la grande porte de « derrière » et il est en même temps question de la « maison de derrière » pour laquelle on fit deux fenêtres neuves. /209/ En 1571, on achète une forte corde neuve pour « le pont-levis d’en bas près de la cave 1  »; en 1603, on bouche la « porte derrière la cave du château. » Ces indications témoignent assez clairement que le château était relié par un pont-levis à la Barre et qu’il y avait là une dépendance, les écuries de 1497 peut-être, dont on ne trouve plus trace au XVIIe siècle.

 

XIV

Les dépendances du château.

Nous n’avons vu jusqu’ici qu’une faible partie des dépendances du château. Remontons de la cave, franchissons le pont-levis, et jetant un dernier regard sur le cadran solaire et le grand ours que le peintre Hans Jacob Berger rafraîchit en 1727 pour 87 12 florins sur le mur méridional du château, prenons en face l’allée qui part de la courtine et du bouaton, les séparant du jardin.

Cette allée conduit à un autre édifice, la Maison du Chapitre. Contrairement à ce qui a été dit, ce bâtiment n’est pas une ancienne maison de chanoines. Il fut construit de toutes pièces de 1600 à 1603 pour abriter la justice du jadis Chapitre. En 1603, on meuble la « maison neuve sur l’école » et en 1607 nous voyons déjà les réparations de vitrerie à la maison neuve où l’on a transféré le « tribunal du Chapitre » qui était à la vieille chapelle Saint-Maur. Plus tard, on l’appelle simplement la maison de justice. /210/

La Maison du Chapitre comprend une chambre de justice où est le greffe baillival, une chambre des harnais, une grande cuisine et deux prisons distinctes de celles du château avec chambre de torture. Elle est précédée d’une cour sur laquelle donne une autre allée conduisant à la rue de la Cité, allée qui borde une grange que les comptes appellent la grange d’en bas, et une écurie, la « petite écurie. » Tout cela n’est au fond qu’une annexe du château.

Puis, sur la place devant le château, est le grenier de Saint-Maire qui occupe non pas le prieuré, mais la maison du chanoine Amblard de Gerbais. C’est là que le bailli met une grosse partie de ses récoltes. Le reste est remisé au château d’Ouchy.

Enfin, les baillis ont constitué vers la fin du XVIIe siècle, à la Barre, une nouvelle dépendance du château, le schlössli, le Petit-Château, nom que ce domaine a conservé et qui comprend une maison de ferme, un jardin et un pré. Le fermier a en outre l’entretien du verger situé sous le château même et qui fournit au bailli d’excellents fruits. Retenons ici que ce terrain est mauvais, ainsi qu’on en peut juger par ce passage du compte de 1674, lequel n’est pas seul de son espèce : « Le temps pluvieux ayant causé un mouvement de terre derrière le château, qui a couvert la route au-dessous et l’a rendue impraticable, j’ai dû y faire planter beaucoup de saules et y mettre diverses haies pour retenir le terrain, et fait recouvrir la route de bois. »

Le château de Lausanne a été soigneusement bâti sur le roc. Mais celui-ci est recouvert d’une couche de terre mobile. /211/

 

XV

Le château au XVIIIe siècle.

Les habitudes contractées au service militaire à l’étranger, ainsi qu’à la cour de France, provoquèrent dans l’aristocratie de notre pays, dès la fin du dix-septième siècle, un besoin de confort et de propreté peu fréquent au siècle précédent. Les baillis bernois eurent sans doute plus d’une fois à gémir d’habiter le sombre château de Lausanne, et à regretter de n’être pas dans quelque élégante maison de plaisance imitée du palais de Versailles. Tout au moins cherchèrent-ils à augmenter l’agrément de leur demeure.

Dès le début du dix-huitième siècle, nous voyons apparaître dans le fossé transformé en cour un jet d’eau. C’est là un détail, bientôt vinrent des modifications plus importantes. Au XVIIe siècle, l’espace compris entre le pavillon d’été (chambres du pont) et le corps de garde (maison des huissiers et des servantes) était libre. En 1712, premier changement. On construisit en cet endroit un couvert sous lequel se tinrent les audiences de la cour criminelle, et aussi les mises des récoltes. Cet édicule était en bois. Il fut bientôt jugé insuffisant. En 1733, l’architecte Delagrange conçut le projet d’un spacieux péristyle, que l’on nommait alors vestibule, avec toit soutenu par cinq belles colonnades, plus tard appelées arcades. C’est à cette occasion que Delagrange fit pour le bailli, général Charles Hackbrett, le plan du château que nous reproduisons et qui lui fut payé 45 florins. /212/

Plan DelagrangeLe plan Delagrange

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Par décision du 30 mai 1733 et du 15 janvier 1734, Leurs Excellences autorisèrent cette construction, qui coûta plus de 8000 florins (6700 francs actuels) et qui servit à la Cour criminelle jusqu’à la Révolution. Le tailleur de pierre reçut pour sa part 4158 florins, le tuilier Laedermann 580 florins pour 800 carrons, 1800 tuiles plates et 300 tuiles creuses, les maçons 655 florins. Des travaux de menuiserie et de serrurerie indiquent que le côté bordant le rempart formait un mur percé de fenêtres.

Cette première transformation en entraîna une autre. Il fallut déplacer la fontaine. On en profita pour en faire une plus élégante. Le marbrier Doret, qui venait à l’instant même de graver les armes de Messeigneurs de Berne à l’entrée du château, fit pour la fontaine une chèvre de marbre qui coûta 500 florins, et l’on dépensa en outre 575 florins pour l’entourer d’une niche avec ornementations. On mit auprès un réservoir où le bailli entretenait des truites, et une auge pour conserver vivantes les écrevisses. Cependant les allées et venues continuelles des hommes et des bêtes autour de la fontaine obligèrent les baillis à de très fréquentes réparations. L’adduction de l’eau fut aussi à plusieurs reprises un problème délicat. En 1779, on capta une nouvelle source au bois de Sauvabelin près de la Motte ou du Signal. On l’amenait au Petit-Château, dans un grand réservoir qui s’écroula en 1762 sur la grande route. En 1795, le bailli remboursa à la ville de Lausanne pour 958 florins de frais qu’elle avait faits pour l’établissement d’un étang destiné à conserver les tuyaux de fontaine du château. L’eau n’était pas de première qualité. En 1797, un rapport dit /213/ qu’à la fontaine du château « après la pluie, l’eau est aussi trouble que si elle sortait d’une carrière de terre grasse; en temps de sécheresse, la fontaine n’a pas plus d’eau qu’une navette de tisserand, et ne suffit pas à la moitié des besoins du bailli. » Il était question alors de capter une nouvelle source près de l’ancienne, à « un tiers d’heure » de la ville.

En 1750, à l’instigation du nouveau bailli Sam. Moutach, les architectes Delagrange, ils étaient deux frères qui dirigeaient la plupart des travaux de Leurs Excellences dans le baillage de Lausanne, conçurent un plan d’ensemble de réparations qui fut adopté finalement le 7 septembre 1750. Ces réparations consistèrent 1 , pour l’intérieur du château, dans la réfection de deux tourelles, l’établissement d’une mansarde sur le grenier, la transformation d’une fenêtre dans le grand corridor, la pose de nouvelles cheminées et de poêles, l’un avec cordon à main dans la grande chambre à manger. On établit le perron du jardin que l’on observe dans le plan Berney de 1827. Le peintre Brun passa en couleur les fenêtres et les contrevents de la « galerie » du château, — est-ce le péristyle ? — ainsi « que la belle grande porte grillée de fer à l’entrée du château. » Le pilier public était tombé; on le rétablit avec une belle banderette aux couleurs de Leurs Excellences. Enfin, on établit un bûcher dans le fossé, à l’entrée du château.

Château et CollègeChâteau et Collège
Extrait du Manuel historique, topographique et statistique de Lausanne et du Canton de Vaud,
par Fr. Recordon (1824)

En 1756, alors que la société lausannoise gravitait autour de Voltaire et de Gibbon et oubliait dans le culte des belles-lettres l’infériorité de sa situation politique, alors que les maisons se faisaient somptueuses /214/ et plus élégantes pour le plein épanouissement d’une vie mondaine, frivole et luxueuse, le bailli A. Tscharner conçut à son tour le projet de rajeunir le château. Avec le concours de l’architecte Delagrange, il rêva d’un grand escalier monumental reliant les différents étages du château, au lieu de l’escalier tournant, du modeste viret dissimulé par les évêques au fond du corridor et dont les baillis s’étaient contentés pendant deux siècles. Mais à la vue du devis, qui montait à 10500 francs, la Chambre des banderets de Berne fut « épouvantée, » dit le procès-verbal 1 , et Leurs Excellences résolurent de n’accorder au bailli que les réparations les plus nécessaires pour lui et sa famille. L’architecte en chef Zehnder fut envoyé à Lausanne pour réduire le devis de Delagrange. Il l’abaissa tant et si bien que le devis tomba de 10500 à 2235 livres que Leurs Excellences accordèrent finalement le 19 août 1757. Mais il n’était plus question de l’escalier monumental, et pendant trente ans encore le seigneur bailli dut se contenter de l’antique viorbe.

Nous passons sur les menues réparations. Voici qui est plus important. Le 28 mai 1776, sous le bailli Béat-Louis Jenner, la Chambre des banderets eut à s’occuper de nouvelles réfections. « Il s’agit, dit le procès-verbal 2 , de la réparation des murs du château où sont les guérites et qui sont tout en briques dont une grande quantité sont tombées. Il y a 44 embrasures (meurtrières) de 6 pieds de haut et 4 pieds de large, qui, pour une bonne part, sont garnies d’arquebuses (doppelhäggen); les autres sont complètement ouvertes, de sorte qu’en hiver il y a /215/ trois ou quatre pieds de neige, ce qui abîme les murs. Il faut mettre des contrevents, à moins qu’on n’en bouche une partie. » L’architecte en chef, de Sinner, fut chargé d’établir un devis qui monta à 812 couronnes de 35 batz, soit 4120 francs. « Ce crédit, déclara-t-il, permettrait de mettre des volets aux 44 meurtrières au galetas; cela coûterait 176 écus, mais au cas où l’on en boucherait la moitié avec des briques, les frais seraient réduits de 42 écus 5 batz. On pourrait en outre, ajoutait M. de Sinner, refaire la chambre des visites, — la salle blanche, croyons-nous, — et la chambre d’à côté, vu que la première n’a qu’un mauvais plancher et un fourneau « à l’antique. » Dans la chambre d’à côté, ordinairement occupée par le trésorier ou son représentant à l’installation d’un bailli, il faudrait un plancher neuf avec cheminée de marbre à la place de cette cheminée à l’antique qui n’est qu’en bois de sapin, vu que, comme on le sait, un bailli à Lausanne est exposé à faire des politesses à toute espèce d’étrangers de distinction et que c’est la seule pièce où il peut les recevoir. » L’argument n’était pas mauvais. Un siècle auparavant, en 1670, l’électeur Palatin étant venu à Lausanne, avait dû être logé à l’auberge de la Croix-Blanche, et depuis lors, avec le va et vient des nobles étrangers du XVIIIe siècle, la situation ne s’était pas du tout améliorée. Leurs Excellences se laissèrent convaincre. Elles autorisèrent, le 12 juin 1776, la dépense qui monta tout compte fait à 5078 florins 9 sols. En même temps on répara, le détail est à noter, le petit cabinet « dans l’embrasure de la fenêtre de la chambre à coucher du bailli. »

Les réparations ultérieures sont de peu d’importance. /216/ On entretint encore les deux chambres du pont jusqu’à la Révolution, mais selon toutes probabilités elles ne servaient plus de pavillon d’été; c’est le Petit-Château qui paraît avoir reçu la famille du bailli pendant les grosses chaleurs. Les comptes de 1784 enregistrent pour 8024 florins de dépenses pour réparations à la prison sous le pont, et l’on y construisit un « bloc ou cepts comme on l’appelle. » L’année suivante, le serrurier refit le grand portail du château.

Nous arrivons enfin à la dernière dépense, la construction de l’escalier monumental. Ce que Leurs Excellences avaient refusé à M. A. Tscharner en 1757, le bailli G.-A. d’Erlach l’obtint le 30 mai 1788 sans trop de difficulté. Les raisons qu’allégua le bailli étaient d’ailleurs décisives. « L’escalier actuel, disait-il, est étroit et malcommode, de façon que tous les objets volumineux doivent être montés par la fenêtre, et qu’en cas de feu il faudrait tout jeter dehors de la même manière. » Le projet de ce dernier était cependant plus grandiose que celui de son prédécesseur, puisqu’il occasionna une dépense de 11000 livres, soit 27500 francs. En même temps que l’escalier, furent établies au rez-de-chaussée et à l’étage supérieur trois nouvelles chambres, dont l’une paraît avoir été pour le précepteur des enfants et l’autre pour le secrétaire du bailli, car on ne mentionne que dès ce moment-là leurs logements au château.

Cette annexe, qui ne manque d’ailleurs pas de cachet avec sa rampe spacieuse et son intéressante barrière en fer forgé style Louis XVI, remplaça l’ancien pont-levis et fut construit dans le courant de l’hiver 1788-1789 1 , à /217/ l’aube de la Révolution française par conséquent. On profita de la circonstance pour repeindre dans la salle des écussons 1 les armoiries de tous les seigneurs baillis.

Un si bel ouvrage devait avoir son pendant à l’extérieur du château. Le bailli d’Erlach obtint, cette fois-ci de la ville de Lausanne, une autre concession, la construction d’une route carrossable menant de la ville à la Cité. Il ne disposait en effet jusque-là que d’un chemin étroit, souvent obstrué par les éboulements du coteau montant du Boverat (sous l’ancien couvent des Dominicains de la Madeleine) à la ruelle des Juifs et à la Barre. C’est en 1790 que la ville construisit « pour la voiture de Monsieur le bailli » la belle route qui pendant plus d’un siècle a conservé le nom de Chemin-Neuf 2. Leurs Excellences accordèrent pour ce travail un subside de cent louis, c’est-à-dire de 4000 florins.

Ce fut le dernier gros travail effectué au château sous le régime bernois. En 1796, les comptes mentionnent encore, pour la dernière fois, des réparations. Le 23 janvier 1798, le bailli Louis de Büren était fait prisonnier, pour quelques heures, dans sa propre demeure. Le lendemain la République lémanique était proclamée, et le nouveau gouvernement s’installait bientôt à la « Maison nationale. »

Le château Saint-Maire entrait dans une nouvelle phase de son existence. /218/

 

XVI

La Maison cantonale.

Le bailli de Lausanne ayant quitté les lieux le 23 janvier 1798, l’Assemblée nationale provisoire décida le 26 janvier de transporter ses séances au château, et le citoyen Philippe Secretan se chargea des installations nécessaires. Deux jours après, les nouvelles autorités vaudoises siégeaient déjà au « Palais national ». Mais cette expression sonnait mal aux oreilles des patriotes. Le 14 février, l’Assemblée, considérant « qu’il est convenable d’éviter tout titre fastueux et rememoratif de l’ancienne Tiranie », abolit dans la date des ordres futurs, le mot de Palais national et adopta celui de Maison nationale. Maison nationale le château Saint-Maire demeura donc, jusqu’en 1803 où il devint dans le langage administratif et pour un demi-siècle la Maison cantonale.

Château et porte Saint-MaireChâteau et porte Saint-Maire
Extrait d'une planche gravée par Burkhardt et datant de 1835
(communiquée par M. G. A. Bridel)

Le 16 février, l’Assemblée provisoire décida d’arborer sur le château le drapeau vert portant à l’avers les mots République helvétique et au revers ceux de Liberté, Egalité. Les girouettes furent descendues, les armoiries de Berne effacées et passées à la couleur. Puis, le régime unitaire ayant été proclamé en Suisse, le préfet national s’installa avec la Chambre administrative et les divers services, tandis que le secrétaire de cette Chambre recevait son logement dans la résidence même des baillis avec la jouissance du grand jardin. Ces installations avaient été faites rapidement; on accommoda tant bien que mal des pièces qui n’avaient nullement été disposées pour /219/ servir de bureaux; mais les autorités avaient trop de questions importantes à liquider, pour se préoccuper beaucoup du détail des arrangements. Aussi ne trouvons-nous, dans les premières années du nouveau régime, aucune transformation saillante. Notons seulement, pour la bizarrerie du fait, que le 10 juin 1802, la Chambre administrative mit à la disposition du préfet H. Monod, sur sa demande, la « Chambre de l’évêque » pour y fabriquer des cartouches à balles, ce local étant « très propre à cet usage ! » Heureusement, cette décision saugrenue paraît être restée lettre morte, car au mois de novembre de la même année, la « Chambre de l’évêque » reçoit les archives de la secrétairerie et celles du bureau de liquidation.

Il est assez curieux de constater qu’en 1803, tandis qu’il répartissait les différents services administratifs au rez-de-chaussée et au premier étage du vieil édifice, le gouvernement vaudois restait lui-même à la porte. Il tint en effet ses séances tout d’abord à la Maison de ville, du 14 au 24 avril, puis dans l’ancien pavillon d’été ou bâtiment du pont, dès le 26 avril 1803. Ce local lui parut d’ailleurs bientôt insuffisant, car en 1808 déjà, l’architecte Perregaux dressait un plan d’agrandissements du côté du péristyle; mais ce projet ne fut pas exécuté. Le Petit Conseil préféra émigrer en 1811 dans la pièce située à l’angle nord-ouest du rez-de-chaussée du château, et qui avait servi pour le Tribunal du canton sous le régime helvétique 1. Les locaux qu’il abandonna /220/ furent occupés par le département militaire, tandis que le département de justice et police était installé dans l’annexe des Montfalcon et dans l’annexe bernoise, l’ancien cabinet du secrétaire baillival, qui lui fait face. La chancellerie, les établissements du timbre, la commission des forêts et le commissaire général se répartissaient les autres pièces du rez-de-chaussée, les bureaux des finances et les archives étant au premier étage avec l’appartement du chancelier, divers dépôts au second.

Le Conseil d’Etat n’eut pas à se féliciter de ce transfert. Voici ce que dit le procès-verbal de la séance du 27 avril 1821, présidée par le landammann Pidou :

« Un membre expose que, depuis longtemps, plusieurs membres du Conseil d’Etat ont reconnu et éprouvé les inconvénients que présente la salle où le Conseil tient actuellement ses séances; laquelle, par son extrême fraîcheur, est très propre à causer, surtout en été, des maladies et des incommodités sans cesse renaissantes. En rappelant que, même dans les plus fortes chaleurs de l’été, on est obligé d’y faire du feu, et que, malgré cette précaution, il semble encore qu’on entre dans une cave, ce membre fait la motion que le Département militaire soit chargé de faire, le plus tôt possible, un rapport sur les moyens de sortir (même provisoirement pour cet été) le Conseil d’Etat de ce local malsain.
» Le Conseil d’Etat adopte cette motion et charge en conséquence le Département militaire de faire un prompt rapport à ce sujet. »

Le service des bâtiments relevait à cette époque du département militaire. L’inspecteur des bâtiments, l’ingénieur A. Pichard, soumit le 14 juin un rapport concluant au retour du Conseil d’Etat au bâtiment du pont /221/ qu’occupait le département militaire, en l’agrandissant par différentes transformations. Mais le devis, montant à 9500 francs, fit reculer le Conseil d’Etat. Celui-ci se rallia, le 11 août, à une solution plus simple qui ne lui coûtait que 2000 francs. Il échangea ses locaux contre ceux à l’est où se trouvaient la commission des forêts et le commissariat général, quoique M. Pichard les eût déclarés tristes et manquant de jour.

Le Conseil d’Etat reconnut bien vite la justesse de cette observation, et d’autres défectuosités encore ayant été remarquées, il adopta une solution nouvelle : il monta à l’étage supérieur. Le 20 décembre 1827, il adopta un plan de l’architecte Perregaux suivant lequel la salle des séances du gouvernement était transférée au premier étage, dans le bureau de la comptabilité, situé au midi, près de la Chambre de l’évêque. Cette dernière, avec le bureau des finances, était transformée en salle d’archives, le mur en tuf qui les séparait étant percé d’une porte. On disposait en outre à l’étage une salle d’audience à côté de celle du Conseil, des nouveaux bureaux des finances et de la comptabilité, et une chambre pour les huissiers qui, jusqu’à ce moment, étaient logés dans la petite annexe en face du grand escalier et où le monnayeur fut installé ensuite. La salle des séances fut achevée en novembre 1828, et l’ensemble du remaniement coûta 5355 francs. Notons qu’au cours des travaux on ne toucha que très peu à la « Chambre de l’évêque », mais qu’on transforma et agrandit plusieurs des fenêtres des autres pièces. On transporta dans la nouvelle salle des séances un tableau de Ducros qui avait été placé en 1822 dans l’ancienne. /222/

En même temps, le Conseil d’Etat faisait exécuter un autre travail important. Par décret du Grand Conseil du 20 mai 1828, il fut autorisé à transformer les locaux du second étage, les combles où était naguère l’arsenal du château, en bureaux pour le timbre et d’autres services. Ces travaux furent exécutés la même année. Précédemment, en 1826, le gouvernement avait fait transformer encore en local d’archives l’ancienne prison « de la Ponte » ou du pont, situé à l’entrée du château, sous l’un des bureaux de justice et police, d’où l’on disposa une rampe d’escaliers de bois pour y parvenir. Les quatre cellules de la prison avaient été définitivement désaffectées en 1811 déjà, à la suite d’un incident : un soldat qui y était tombé malade à cause de l’insalubrité du local.

Dans un rapport, le 25 octobre 1832, l’architecte Perregaux écrivait :

« Depuis 1803, le manque de place s’est constamment fait sentir dans la Maison cantonale et ses dépendances. Malgré les nombreuses constructions qui ont eu lieu successivement, on est toujours gêné. Après la construction de la salle du Grand Conseil on croyait avoir tout le nécessaire; mais on a dû établir tous les bureaux dans l’entresol au-dessous; la conciergerie dans laquelle il a fallu placer un bureau; les archives dans un entresol sous le bureau du département de justice et de police; le grand étage dans les combles du château; la nouvelle salle pour magasin encore au-dessus. On a disposé de la chambre dite de l’Evêque qu’on avait d’abord cru de pouvoir laisser comme un espèce de monument, etc. Actuellement on n’a pas de pièces pour les assemblées des commissions du Grand Conseil qui sont quelquefois multipliées. »

Nous n’avons pas à faire ici l’historique des locaux de l’administration cantonale. Bornons-nous à rappeler les /223/ transformations qui se sont produites dans l’entourage immédiat du château.

Les assemblées qui eurent lieu à la Maison nationale pendant la République Helvétique, avaient prouvé qu’aucune de ses salles ne pouvait recevoir une forte agglomération. Tout au plus les deux diètes restreintes de 1801 et 1802 avaient-elles pu s’y tenir. Le premier Grand Conseil se réunit à la Maison de ville de la Palud le 14 avril 1903. Il y siégea toute l’année. Une de ses premières décisions fut, il est vrai, de se transporter au château, mais cette résolution fut reconnue inexécutable. Le 5 mai, le Petit Conseil décida de démolir l’ancienne « maison du Chapitre » et les prisons annexes, où depuis la Révolution la Municipalité de Lausanne avait installé l’œuvre des « soupes économiques », et de construire un nouvel édifice sur l’emplacement de cette maison et du jardin attenant. L’architecte Perregaux fut chargé de dresser les plans, qui furent adoptés le 1er août par le Petit Conseil, et qui prévoyaient le maintien des caves et entresols de l’ancien bâtiment. Il se mit immédiatement après à l’œuvre. Le 8 août, il obtenait du Petit Conseil l’autorisation de faire « couper 160 plantes de bois dans la forêt de l’évêque pour la ramure de la salle du Grand Conseil. » Pour la session de mai 1804 1 , le nouvel édifice était achevé, ainsi que le péristyle dont on l’a fait précéder. Une petite terrasse, ombragée de trois acacias, séparait ce pérystile du corps de garde, l’ancien bâtiment des huissiers et des servantes du régime bernois. /224/

grand conseil et corps de garde Grand Conseil et Corps de garde
Extrait d'une planche gravée par Burkhardt et datant de 1835
(communiquée par M. G. A. Bridel)

Le tribunal d’appel ou tribunal cantonal avait été installé le 30 juin 1803 dans une des salles du château où avait siégé le tribunal du canton pendant la période helvétique. Mais il n’était là que provisoirement. Dès le 5 mai, le Petit Conseil avait décidé de le placer dans les anciennes écuries baillivales, qui servaient depuis de fenil, et le tribunal d’appel y siégea dès que les aménagements nécessaires eurent été effectués suivant les plans de l’architecte Perregaux et un devis montant à 3112 livres. Ce n’était pas une installation brillante, et les juges se plaignirent souvent de l’exiguité et de l’incommodité du lieu. Même, en 1829, la cour ayant à rendre un grand jugement public, dut siéger au péristyle du Grand Conseil sur une estrade spécialement aménagée à cet effet. L’année suivante, l’Etat acheta la maison de Ruynes voisine du tribunal et l’y incorpora. Mais cela ne suffit pas. La construction d’un nouvel édifice fut décidée en 1832. L’ancien bâtiment, qui était un peu plus au nord que la maison actuelle, fut aussitôt démoli, et les juges allèrent se loger provisoirement dans la cure du professeur de belles-lettres. Ils y demeurèrent pendant deux ans, parce que l’élaboration des plans de l’architecte Perregaux fut difficile. On se décida en effet, en cours de route, à acheter encore la maison Bergier et Wagnon, qui était voisine, et le bâtiment nouveau emprunta finalement aussi bien l’emplacement de cette dernière que celui des anciennes écuries. La demeure actuelle du Tribunal cantonal fut achevée en 1834.

Enfin, en 1809, une dernière construction fut édifiée. On démolit le rempart crénelé entre le château et la porte Saint-Maire, on combla en partie le fossé, et l’on /225/ établit sur cet emplacement un nouveau bâtiment qui servit tout d’abord de Conciergerie, soit de prison. Il comprenait primitivement trois pièces pour le géôlier, deux chambres d’arrêt, un bûcher et une loge pour la pompe à feu. Il fallut déplacer la fontaine et ouvrir une porte conduisant directement de la Barre au fossé du château, celle-ci en remplacement d’une autre, murée en 1804 et qui donnait sur le Chemin-Neuf. Le commissaire général des guerres s’installa plus tard dans ce bâtiment, et, finalement, les locaux furent occupés par le département militaire. Ce dernier bâtiment a disparu en 1891, après la démolition de la porte Saint-Maire (6 janvier - 7 février 1890) à laquelle il était adossé, et la construction de l’Ecole de chimie.

Château Saint-MaireChâteau Saint-Maire
Extrait du plan Berney (1827)

Il y a un quart de siècle, un vieillard M. Sorbière, rappelant ses souvenirs de jeunesse, décrivait en ces termes la place du château telle qu’elle était vers 1825 1 :

« La cour du château était fermée par un mur d’enceinte partant de la porte Saint-Maire et aboutissant près de la maison Gindroz, actuellement Bize, en formant un rond-point devant la Tournelette. (Département militaire en 1910.) En face de la Caserne no 1 (l’ancien grenier de Saint-Maire, devenu arsenal en 1803) se trouvait l’entrée, fermée par une grille surmontée des armoiries du canton. Au centre de la cour, une jolie fontaine. A droite, se trouvait un jardin longeant la façade méridionale du château et séparé de celui-ci par un fossé. A gauche, un autre jardin longeait le bâtiment du Tribunal d’appel, alors fort restreint, puisqu’il ne comprenait qu’un rez-de-chaussée. (C’est l’édifice antérieur à 1832.)

» Au fond de la cour, où se trouve aujourd’hui la balustrade, était un bâtiment qui renfermait le corps de garde et la salle de police. Un péristyle ouvert, avec arcades, le reliait au château. Sous ce péristyle restaient en permanence six pièces de canon, du calibre /226/ de quatre, à l’usage de l’école militaire d’artillerie du contingent de Lausanne, dont la revue se passait sur le Châtelard, plateau qui domine les plaines du Loup. »

Cet aspect de la place du château fut bientôt modifié, conséquence prévue de la construction du nouveau bâtiment du Tribunal d’appel. On avait jusqu’alors accès à ce dernier par l’avenue du château qu’un jardin-terrasse séparait, à gauche, du tribunal. La maison réédifiée, cette entrée fut supprimée, ce qui entraîna la disparition du second jardin à droite de l’avenue, « le jardin de M. le chancelier » du plan Berney. Le plan de déblaiement, approuvé le 28 janvier 1835, fut exécuté dès le mois suivant. Pendant ce travail, on découvrit 1 « les fondations d’une ancienne chapelle en carré long, dont le chœur était parqueté de dalles de pierre. Près de là gisaient des ossements humains et trois tombes creusées dans du grès du Jorat et recouvertes de ce même grès. Dans l’intérieur se trouvaient des ossements décomposés. » C’était l’église Saint-Maire. Si nous ne faisons erreur, les ossements furent jetés au Flon, ce qui est infiniment regrettable, d’autant plus que les trois tombes auraient peut-être donné des éclaircisssements sur la chapelle primitive de Saint-Thyrse et la sépulture de l’évêque saint Maire.

Il avait été facile de démolir. Il fut beaucoup plus difficile de reconstruire. En attendant un aménagement définitif, on avait établi une pente montant jusqu’à l’entrée du château, en même temps que l’on avait comblé partiellement les anciens fossés et transféré ailleurs les deux /227/ bûchers qu’ils contenaient depuis le dix-huitième siècle. Le Conseil d’Etat ne voulut pas d’un plan d’ensemble de nivellement de la place, esquissé par M. Perregaux. On fit un concours, qui ne donna qu’un faible résultat, un seul projet ayant été présenté. En 1838, l’ingénieur Wenger élabora un nouveau plan, prévoyant l’établissement de deux terrasses, inférieure et supérieure; le gouvernement l’adopta, mais n’osa pas le présenter au Grand Conseil pour des raisons budgétaires. (Le devis était de 14000 francs.) La question fut reprise en 1841 et 1843, sans résultat. Enfin, le 25 novembre 1844, le Conseil d’Etat adopta un nouveau plan que lui présentait la commission des travaux publics avec un devis de 25000 francs. Le Grand Conseil accepta ce projet dans sa session de décembre et il reçut son exécution immédiatement après la Révolution de février 1845.

Ce projet était le plus radical de tous ceux qui avaient été présentés jusqu’alors. Il comprenait en effet la démolition de tous les édifices attenant au mur de souténement du côté du Chemin-Neuf (l’ancien rempart), c’est-à-dire des chambres du pont où le département militaire siégeait depuis que le Conseil d’Etat y avait renoncé, de l’ancien péristyle construit en 1733, des masures du corps de garde qui pouvaient bien dater (quoique remaniées) de la période épiscopale. A la place de tout cela, on créait une belle terrasse, reliant directement le château au Grand Conseil et au Tribunal cantonal. Une rampe d’escaliers extérieure était construite pour arriver à l’entrée du château, débarrassée de la verrue du pavillon d’été. Le plan inférieur était moins transformé à cause de la nécessité de le relier à l’entrée /228/ du commissariat des guerres; les deux plans étaient reliés par une rampe d’escaliers.

Le remaniement de 1845 a été complété en 1890 par l’abaissement de deux mètres encore de la place inférieure du château, ce qui a obligé à l’établissement d’une seconde rampe d’escaliers pour parvenir à la terrasse supérieure.

Dans la seconde moitié du dix-neuvième siècle, le château a subi encore de multiples petites transformations intérieures, mais elles intéressent surtout l’architecte d’une part et les services administratifs de l’autre. Il faut cependant noter la restauration plus ou moins réussie de la « Chambre de l’évêque » en 1847, les travaux de restauration commencés en 1898 à la façade méridionale par M. l’architecte Jost avec le concours d’une commission spéciale, travail qui accompagna la pose de la statue élevée par le peuple vaudois à la mémoire du major Davel, notre héros national, à deux pas de l’endroit (tour Saint-Maire) où il fut emprisonné. A l’entrée même du château, depuis 1900, une autre statue se dresse, celle du colonel Veillon, le dernier commandant des milices vaudoises.

A la suppression de la porte Saint-Maire près, ces transformations ont été heureuses. L’ancien château épiscopal, la demeure redoutée des baillis, se dresse aujourd’hui plus imposant, plus fier, plus libre, au-dessus de la ville heureuse qui a enfin réalisé la liberté que Davel avait rêvée pour son pays.

Le Château dans l’état actuel Le Château dans l’état actuel.
Extrait de Lausanne à travers les âges.

 

 


 

TABLE DES MATIÈRES

 

Table de matières

 

I. Le « castrum » de Lausanne 109
II. L'évêché 114
III. L'évêchê après la Réforme 135
IV. Le château de Menthon 150
V. La tour d'Ouchy 151
VI. La maison de Billens 155
VII. Le château Saint-Maire 162
VIII. La chambre de l'évêque 170
IX. Le château aux XVIe et XVIIe siècles175
X. L'inventaire de 1553 187
XI. L'inventaire de 1656 189
XII. L'intérieur du château 194
XIII. L'arsenal du château et les prisons 203
XIV. Les dépendances du château 209
XV. Le château au XVIIIe siècle 211
XVI. La maison cantonale 218

NOTES :

Note 1, page 109 : Nous tenons à exprimer ici toute notre reconnaissance à M. Alfred Millioud, sous-archiviste cantonal, qui, entre autres, a bien voulu traduire à notre intention les passages des comptes des baillis bernois relatifs au château; à M. Ch. Vuillermet, aux bons conseils duquel nous avons eu largement recours; à M. Benjamin Dumur et à M. Naef, archéologue cantonal, qui très aimablement nous ont confié leurs notes; à M. Schmid, l’architecte de la restauration de l’Evêché, à M. Addor, chancelier d’Etat de Vaud, à MM. Hämmerli, secrétaire municipal, et Notz, archiviste, et à M. G.-A. Bridel, dont la grande obligeance nous a facilité notre travail. [retour]

Note 2, page 109 : Cart. laus., p. 284, 287, 288, 345. [retour]

Note 1, page 110 : Flach, Les Origines de l’Ancienne France, t. II, p. 255. [retour]

Note 2, page 110 : Bouquet, Historiens de la Gaule, t. IX, p. 540. [retour]

Note 3, page 110 : Zeumer, Formulae, p. 507. [retour]

Note 4, page 110 : Id., p. 211, 217. [retour]

Note 5, page 110 : Pages 680, 683, 547, 16. [retour]

Note 6, page 110 : Reymond, Origines de l’organisation municipale, p. 17. [retour]

Note 1, page 111 : Cart. laus., p. 97. [retour]

Note 2, page 111 : A. C. V., Rec. Chapitre, fo 206, et A. V. L., Rec. Chapitre, 1452, fo 106. [retour]

Note 3, page 111 : Plantin, Description de la Suisse. [retour]

Note 1, page 112 : Reymond, Origines de l’organisation municipale, p. 42. [retour]

Note 2, page 112 : Cart. laus., p. 660. [retour]

Note 3, page 112 : Id., p. 345. [retour]

Note 4, page 112 : Il ne nous est pas possible de prendre en considération le document publié par M. de Mulinen dans les M. D. R., II. série t. V, page 258, et par lequel, en janvier 1439, un commissaire impérial nommé Mathieu de Seckau aurait donné en fief à Jean de Hallwyl et à ses frères « le château, manoir ou maison inpériale, situé dans la ville de Lausanne, avec toutes juridictions, hautes et basses, fiefs, droit d’inféoder, ressorts, dîmes, rentes, ventes, droits et appartenances qui dérivent du Saint-Empire. » Il suffira, pour montrer que ce document, s’il est authentique et s’il s’applique réellement à Lausanne, n’a aucune valeur, de rappeler que six mois auparavant, le 21 juin 1488, l’empereur Frédéric, par l’intermédiaire de l’évêque Mathias de Ségovie, recevait le serment de fidélité de l’évêque de Lausanne, à raison de l’investiture des régales accordées au dit évêque. (Schmitt, Mémoires historiques sur le diocèse de Lausanne, t. II, p. 235 et Arch. Turin.) On remarquera que cet évêque de Ségovie est le même personnage que le commissaire Mathias de Seckau, et qu’en traitant avec Jean de Hallwyl il ne pouvait ignorer la situation de l’évêque de Lausanne. [retour]

Note 1, page 114 : Document des archives de la famille de Loys à Lausanne. [retour]

Note 1, page 115 : Cart. laus., p. 40. [retour]

Note 1, page 116 : Cart. laus., p. 434. [retour]

Note 2, page 116 : Revue d’histoire ecclésiastique suisse, 1907, p. 111. [retour]

Note 3, page 116 : Cart. laus., p. 424. [retour]

Note 1, page 117 : Cette enceinte existe eneore jusqu’à la porte Saint-Etienne, sauf une coupure ou deux. On la retrouve dans toutes les maisons voisines, les façades côté jardin des maisons de Saint-Etienne ne sont autres que le mur d’enceinte. L’enceinte occidentale subsiste aussi, sauf sur l’emplacement de la terrasse de la Cathédrale. (Communication de M. Vuillermet.) [retour]

Note 2, page 117 : Cart. laus., p. 544, 537. [retour]

Note 3, page 117 : Id., p. 621. [retour]

Note 4, page 117 : A. C. V., Reg. Cop. Laus., no 329. [retour]

Note 5, page 117 : Cart. laus., p. 621. [retour]

Note 6, page 117 : A. V. L., Comptes de la Cité pour 1408. [retour]

Note 1, page 118 : Cart. laus., p. 622. Furent brûlées les fondations du campanile et « de l’autre clocher, du côté de la maison de l’évêque. » [retour]

Note 2, page 118 : A. C. V., Reg. Cop. Laus., no 329. [retour]

Note 3, page 118 : A. C. V., Inv. bleu, t. I, 76. [retour]

Note 1, page 119 : A. C. V., Inv. vert., Paquet 125. [retour]

Note 2, page 119 : A. C. V., Inv. bleu, t. I, p. 61. [retour]

Note 3, page 119 : A. C. V., Rec. Chapitre, fo 149. [retour]

Note 4, page 119 : A. V. L., Rec. Rebeur, fo 318. [retour]

Note 5, page 119 : A. V. L., Rec. Prélaz, fo 211. [retour]

Note 6, page 119 : A. C. V., Reg. Cop. Laus., no 314. [retour]

Note 1, page 120 : A. C. V., Rec. Chapitre, fos 84, 109. [retour]

Note 2, page 120 : A. V. L., Rec. Rebeur, fo 142, 304. [retour]

Note 3, page 120 : A. V. L., Rec. Deschaux, fo 25. [retour]

Note 4, page 120 : Cart. laus., p. 115. [retour]

Note 5, page 120 : Id., p. 516. [retour]

Note 1, page 121 : Cart. laus., p. 102, 103, 451. [retour]

Note 2, page 121 : Id., p. 181, 547. [retour]

Note 3, page 121 : Id., p. 163. [retour]

Note 4, page 121 : Id., p. 474. [retour]

Note 5, page 121 : Id., p. 65. [retour]

Note 6, page 121 : Dunod, Histoire de Bourgogne, t. I, p. 597. [retour]

Note 1, page 122 : Reymond, Origines de l’organisation municipale, p. 53 et suiv. [retour]

Note 1, page 123 : Regeste Forel, no 2442. [retour]

Note 2, page 123 : M. D. R., t. VII, p. 200. [retour]

Note 3, page 123 : A. C. V., Répert. des titres de l’Evêché, fo 28. [retour]

Note 4, page 123 : Id., fo 81, 83, 92. [retour]

Note 1, page 124 : A. C. V., Nouveaux titres, no 6789. [retour]

Note 2, page 124 : Revue d’histoire ecclésiastique suisse, 1908, p. 193. [retour]

Note 3, page 124 : Bullarium franciscanum, t. VII, p. 286. [retour]

Note 4, page 124 : A. C. V., Nouv. titres, no 7678. [retour]

Note 5, page 124 : Il semble que l’on trouve encore dans une cave au-dessous du Département de l’instruction publique la trace de ce sinistre. [retour]

Note 1, page 125 : A. V. L., Min. G. Daux, p. 21. [retour]

Note 2, page 125 : Id. p. 123. [retour]

Note 3, page 125 : A. C. V., Rép. év., fo 74. [retour]

Note 4, page 125 : Id., fo 76. [retour]

Note 1, page 126 : Arch. Evêché, à Fribourg. [retour]

Note 2, page 126 : A. V. L. Corps de ville. [retour]

Note 1, page 130 : Essai sur les monnaies, manuscrit en copie à la Bibliothèque cantonale vaudoise, p. 40 et suiv. [retour]

Note 1, page 131 : Essai sur les monnaies, p. 49. [retour]

Note 1, page 132 : Manuscrit aux archives cantonales vaudoises, p. 37. [retour]

Note 1, page 133 : A. V. L., Registre E. 4. [retour]

Note 2, page 133 : M. D. P., t. XXVIII, p. 306, 308. [retour]

Note 1, page 134 : Arch. Turin, Protocoles ducaux, IIe série, t. 127, fo 94 à 186. [retour]

Note 2, page 134 : M. D. R., t. VII, p. 686 et suiv. [retour]

Note 1, page 135 : M. D. R., IIe série, t. 1, p. 42. [retour]

Note 2, page 135 : A. C. V., Comptes du boursier, 1537. Les renseignements qui suivent, et pour lesquels nous ne donnons pas de référence spéciale, sont extraits des comptes des boursiers de la ville. [retour]

Note 3, page 135 : M. D. R., IIe série, t. 1, p. 16-17. [retour]

Note 1, page 136 : Archives de la famille de Loys, à Lausanne. [retour]

Note 2, page 136 : Le maisonneur avait dans sa charge la direction des travaux d’entretien et de réparation des maisons communales. [retour]

Note 1, page 138 : Appelée : Tour des amoureux; il s’agit probablement d’une des tours de l’Evêché, mais nous ne savons de laquelle. [retour]

Note 1, page 142 : Sur la signification du mot « respier », reprendre un mur par le pied, on peut citer en 1616 « Advenant que quelqu’un par nécessité voulust faire respier et renforcer le fondement d’une muraille d’entre sa mayson et celle de son voysin … si tel repiement se fait tout au travers de la dicte muraille, se debvra (payer) par moitié. » (Coutumier du Pays de Vaud, p. 291.) [retour]

Note 1, page 147 : Compte du bailli bernois pour 1718. [retour]

Note 1, page 148 : Dans Blanchet, Lausanne dès les temps anciens, p. 77. [retour]

Note 2, page 148 : Un geôlier nouveau entre en fonctions le 12 mars 1799, et deux détenus s’évadent dans la nuit du 13 au 14 mars. Joli début ! [retour]

Note 1, page 149 : Ces détails sont extraits essentiellement du préavis adressé par la Municipalité au Conseil communal le 9 juin 1904 en vue de la transformation de l’Evêché. [retour]

Note 1, page 150 : Cart. laus. 518. [retour]

Note 1, page 151 : B. Dumur, Les Sénéchaux de Lausanne et le château de Menthon. — Lausanne, Bridel, éditeur, 1903. [retour]

Note 2, page 151 : « Oschie » s’entendait primitivement du territoire entre la Croix d’Ouchy et le lac. C’était anciennement un important domaine de l’évêque de Sion qui y construisit une chapelle dédiée à saint Théodule, laquelle devint dans la suite une église paroissale. Rive est le nom du hameau qui borde le Léman. Le Cartulaire de Lausanne distingue déjà une vieille Rive, ce qui suppose que le hameau actuel était nouveau à son époque. [retour]

Note 3, page 151 : Page 45. [retour]

Note 4, page 151 : A. C. V., Rép. des évêques, fo 17. [retour]

Note 5, page 151 : Ruchat, Essai sur les monnaies, p. 49. [retour]

Note 1, page 152 : A. C. V., Procès de sorcellerie. [retour]

Note 1, page 153 : Compte du bailli 1604. [retour]

Note 2, page 153 : A. C. V., Livres des bailliages, Lausanne, t. V, fo 14. [retour]

Note 1, page 154 : A. C. V., Livres des bailliages, Lausanne, t. V, fo 16. [retour]

Note 1, page 155 : A. C. V., Rép. des évêques, fo 146. [retour]

Note 1, page 156 : Bruchet, Trésor des Chartes de Chambéry, no 118. [retour]

Note 2, page 156 : A. C. V., Inv. vert, paquet 246. [retour]

Note 3, page 156 : A. C. V., Extractus, fo 265-268, et Inv. bleu, t. II, p. 59. [retour]

Note 1, page 157 : A. C. V., Extractus, fo 27. [retour]

Note 2, page 157 : Id., p. 272. [retour]

Note 3, page 157 : Id., p. 275. [retour]

Note 4, page 157 : Arch. Turin, note recueillie par M. Millioud. [retour]

Note 1, page 158 : Arch. Turin, note recueillie par M. Millioud. [retour]

Note 2, page 158 : Voie tendant de la Cheneau-de-Bourg à l’église, c’est-à-dire les escaliers actuels. [retour]

Note 3, page 158 : Cordey, le Comte Vert, p. 88. [retour]

Note 4, page 158 : A. C. V., Reg. cop. Laus., t. X, no 1427, et M. D. R., t. VII, p. 149. [retour]

Note 1, page 159 : Schmitt, Histoire du diocèse de Lausanne, p. 123. [retour]

Note 2, page 159 : Saint-Genis, Histoire de Savoie, t. I, p. 368. [retour]

Note 1, page 160 : Arch. Turin, Protocoles ducaux, IIe série, t. XXIV, p. 62. [retour]

Note 2, page 160 : Arch. Turin, notes Millioud. [retour]

Note 1, page 161 : M. D. R., t. XXXVI, p. 240, 289 et 292. [retour]

Note 1, page 162 : Cart. laus., p. 65. [retour]

Note 2, page 162 : Rappelé dans la bulle de 1412. [retour]

Note 1, page 163 : Arch. Evêché à Fribourg. [retour]

Note 2, page 163 : A. C. V., Rép. Saint-Maire, fo 1. [retour]

Note 3, page 163 : D’après cette indication tirée d’un acte de 1456, du minutaire Collondel aux archives de Froideville, l’église Saint-Maire devait avoir le chœur à l’ouest et la façade à l’est; le chemin de la porte Saint-Maire passait entre cette façade et une maison que possédait l’abbaye de Montheron. [retour]

Note 1, page 164 : A. C. V. Rég. Cop. Laus., no 1059. [retour]

Note 2, page 164 : A. C. V. Rép. Saint-Maire, p. 82 et 93. [retour]

Note 3, page 164 : Mémorial de Fribourg, III, p. 361. [retour]

Note 4, page 164 : Comptes de la Cité pour 1408. [retour]

Note 1, page 165 : Essai sur les monnaies, p. 50. [retour]

Note 2, page 165 : Cette date n’est plus visible. On la voyait encore en 1656, dit Plantin. (Blanchet, Lausanne dès les temps anciens, p. 46.) [retour]

Note 1, page 166 : La porte fut complètement refaite de 1572 à 1576. En 1572, on découvrit le portail, et en septembre 1576, le peintre Jean Dubrient repeignit la banderolle sur la tour neuve. [retour]

Note 1, page 167 : Comptes de la Cité pour 1405 et 1408. [retour]

Note 2, page 167 : A. V. L., Corps de ville, E. E. 886. [retour]

Note 3, page 167 : Comptes année 1418. [retour]

Note 1, page 168 : Schmitt, Histoire du diocèse de Lausanne, t. II, p. 225. [retour]

Note 1, page 170 : M. D. R., t. XXXVI, p. 347. [retour]

Note 2, page 170 : Aux Archives cantonales. [retour]

Note 1, page 171 : Compte du bailli. [retour]

Note 2, page 171 : A. C. V., Minutaire du notaire Gruet. [retour]

Note 1, page 172 : M. D. R., t. XXXVI, p. 232 et suiv. [retour]

Note 1, page 173 : T. I, p. 433. [retour]

Note 1, page 175 : M. D. R., t. XXXVI, p. 244. [retour]

Note 1, page 176 : Comptes du bailli. Disons ici une fois pour toutes que nous avons extrait des comptes des baillis tous les détails qui suivent et pour lesquels nous n’indiquons pas d’autres références. [retour]

Note 1, page 189 : L’original est en allemand. [retour]

Note 1, page 197 : Communication de M. le chancelier Addor. [retour]

Note 1, page 198 : En 1693, un grand pan de mur s’écroula « entre la petite chambre du trésorier et l’entrée du château » et tomba dans la râpe. [retour]

Note 1, page 201 : Ce nom de Ripaille provient sans doute de ce que la décoration rappelait le prieuré de Ripaille dont les deux derniers Montfalcon étaient les administrateurs. [retour]

Note 2, page 201 : Disposé dans l’embrasure de la fenêtre. [retour]

Note 1, page 204 : 1705, plus exactement au cabaret de Jean Noir, à Ouchy. (B. de Cérenville, Camisards et Partisans, p. 35.) [retour]

Note 1, page 208 : Page 172. [retour]

Note 1, page 209 : Dans un rapport de 1897, M. Naef affirmait que la poterne donnant du côté de la Barre devait se relier à un pont-levis insoupçonné jusqu’ici. Les textes que nous réunissons ici prouvent le bien-fondé de cette supposition. [retour]

Note 1, page 213 : Chambre des banderets, t. 69, fo 328, séance du 4 juillet 1750. [retour]

Note 1, page 214 : Chambre des banderets, t. 74, fo 348. [retour]

Note 2, page 214 : Chambre des banderets, t. 79, fo 586. [retour]

Note 1, page 216 : Le devis, basé sur les plans de l’architecte Delagrange, fut adopté par le conseil des Deux-Cents de Berne à la fin de mai 1788. [retour]

Note 1, page 217 : Transformée depuis peu en salle d’audience, l’ancienne ayant reçu un autre usage. [retour]

Note 2, page 217 : C’est aujourd’hui l’avenue de l’Université. [retour]

Note 1, page 219 : A ce moment (25 janvier 1811), la caisse d’Etat et la caisse des sels furent placées dans la « chambre voûtée » de l’étage supérieur, et l’on fit à cette occasion murer dessous et dessus l’escalier tournant, l’ancienne viorbe, qui passait derrière cette chambre. La Chambre de l’évêque reçut les archives des finances, précédemment dans la chambre voûtée, et le magasin du timbre. [retour]

Note 1, page 223 : En janvier 1804, on éleva la ramure de l’édifice; à cette occasion, le Petit Conseil accorda aux ouvriers la collation d’usage et fit, en outre, distribuer à chacun d’eux une cocarde aux couleurs cantonales. [retour]

Note 1, page 225 : Conteur vaudois, 31 janvier 1885. [retour]

Note 1, page 226 : Martignier et de Crousaz, Dictionnaire historique du canton de Vaud, p. 513. [retour]

 


 

 

 

 


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