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Mémoires et documents de la Société d’histoire de la Suisse romande

Edition numérique

Benjamin DUMUR

Jean-Baptiste Plantin et sa famille

Dans MDR, Seconde série, 1911, tome IX, Mélanges, pp. 5-105

© 2024 Société d’histoire de la Suisse romande

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JEAN-BAPTISTE PLANTIN ET SA FAMILLE

par Benjamin DUMUR

 


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BIBLIOGRAPHIE

Les ouvrages imprimés et les manuscrits de Jean-Baptiste Plantin (p. 9-11).

Notice biographique sur J.-B. Plantin par M. Louis Carrard, ministre. 1848. Manuscrit de dix-neuf pages, appartenant à la Bibliothèque de la Société d’histoire de la Suisse Romande. Nous y faisons de fréquents emprunts et le constatons ici d’une façon générale, une fois pour toutes.

Quelques notes sur J.-B. Plantin, à ajouter à la Notice de M. L. Carrard. Trois pages manuscrites de M. le professeur H. Vuilleumier. (Même Bibliothèque).

Les Actes, soit les registres des procès-verbaux de la Classe des pasteurs de Lausanne et Vevey.

Kirche und Academie-Geschäfte (Affaires d’Eglise). Archives cantonales vaudoises.

Biographie de J.-B. Plantin par M. Baron, ancien archiviste de l’Etat de Vaud. Manuscrit appartenant aux Archives cantonales.

Matériaux pour une Histoire littéraire du canton de Vaud (par M. le Doyen Ph. Bridel). Conservateur Suisse, XI, p. 283-285. (Ire édition).

Un article sur la naissance et les progrès des sciences naturelles dans le Pays de Vaud, par le même. Feuille du canton de Vaud, t. IX, 1822.

André Gindroz. Histoire de l’instruction publique dans le Pays de Vaud. Lausanne 1853. /8/

Dictionnaire biographique par M. Albert de Montet. Lausanne 1877.

L’Académie de Lausanne, 1537-1890. Esquisse historique par M. le professeur H. Vuilleumier. Lausanne 1891.

Virgile Rossel. Histoire littéraire de la Suisse Romande, t. I, p. 478, 485, 486.

Anton von Tillier. Geschichte des eidgenössischen Freistaates Bern. Bern 1838, t. IV, p. 493-495.

Registres de la Cour baillivale de Lausanne. Archives cantonales vaudoises.

Procès criminel de Pernette Daccord de Lutry et de Marie-Magdeleine Bally de Bussens. Ao 1676. Archives cantonales vaudoises.

Les Manuaux du Conseil de Lausanne.

Les Manuaux du Conseil de Lutry.

Les Généalogies Olivier. Le tableau consacré à la famille Plantin a été complété au moyen de différents registres de l’état-civil.

Les registres des baptêmes des paroisses successivement desservies par J.-B. Plantin. Archives cantonales.

Portrait de Jean-Baptiste Plantin. Bibliothèque cantonale vaudoise.

Portrait de son fils Jean-Jacob. Bibliothèque cantonale vaudoise.

 


 

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LISTE DES OUVRAGES
DE JEAN-BAPTISTE PLANTIN

1. — Disputatio theologica de Commentitio Ecclesiae visibilis capite, quam auspice Christo vero Ecclesiae capite, praeside Marco Saussurio, in Academia Lausannensi S.S. Theologiae Professore, publicae συζήτηση expositam propugnabit Johannes Baptista Plantinus Lausannensis S.S. Theologiae Studiosus, ad diem aprilis, horis, locoque consuetis. Bernae, excudebat illustrissimae reipublicae Bernensis typographus, Georgius Sonnleitnerus. MDCXLVIII.
(Bibl. cant. vaud. Thèses théol. Laus. B. 845; 40 p. in-4o comprenant 70 thèses.)

2. — Helvetia antiqua et nova seu Opus Describens :
I. Helvetiam, quoad adjuncta et partes et Helvetiorum antiquitatem, originem, nomina, mores, antiquam linguam, Religionem, Politiam, virtutem bellicam, etc.
II. Antiquiora Helvetiae loca, etc.
III. Populos Helvetiis finitimos, etc.
Opera et Studio Joh. Bap. Plantini Lausannensis et apud Castrodunenses Helv. V.D.M.
Cum Gratia et Privilegio Magistratus Bernensis. Bernae. Excudebat Illustrissismae Reipublicae Bernensis Typographus, Georgius Sonnleitnerus M.DC.LVI.
In-8o de 357 pages, non comprises les 22 p. initiales (dédicace, introduction, etc.) et les 11 de la fin (Observations et Index).
Cet ouvrage a été reproduit dans le recueil des classiques /10/ nationaux (Thesaurus Historiae Helvetiae, etc.) imprimé à Zurich en MDCCXXXV par Conrad Orelli. Il porte là le titre suivant :
Joh. Bapt. Plantini Lausannensis et apud Castrodunenses Helv. V.D.M. Helvetia Antiqua et Nova (76 pages in-fol.).
Une édition de deux ans postérieure est intitulée comme suit :
Joh. Bapt. Plantini Lausannensis Apud Castrodunenses Helv. V.D.M. Helvetia Antiqua et Nova; generalem Helvetiae antiquae et novae quoad conjuncta et partes Descriptionem, Helvetiorum originem, nomina, mores, religionem, politiam, virtutem bellicam, aliasque antiquitates continens. — Tiguri Helvetiorum. A. R. S. MDCCXXXVII. (Un vol. in-8 de 288 pages.)

3.— Petit Chronique de la ville de Lausanne recueilli de divers vieux manuscripts et autheurs, par Jehan-Baptiste Plantin, bourgeois et natif de Lausanne et à présent Ministre au Chateau doex, en l’an M.DC.LVI.
(Manuscrit in-fol. en partie autographe à la Bibliothèque cantonale vaudoise, F. 1069).
Ce manuscrit contient encore :

4. — Description de la ville de Lausanne (12 pages).

5. — De Antiquitate et Origine Lausann. Episcopatus. Brevis discursus ab eodem authore (3 pages).
La première de ces deux pièces annexes porte l’indication suivante :
Atque haec sunt quæ de Patria sua scribebat in Eremo Sabiniaca mense Januario A. 1660, Johannes Baptista Plantinus Verbi Domini Minister.
La seconde pièce ajoute :
Hac quoque mense et anno quo supra.

6. — Abbrégé de l’Histoire générale de Suisse, avec une description particulière du Païs des Suisses, de leurs sujets et de leurs Alliez, par Jean-Baptiste Plantin. Œuvre nouvelle, enrichie d’un très-ample Indice, avec la procuration de Gaston de Foix, C. de Longueville, pour la vente de ses terres de Greilly et au Ball. de Gex, et la fondation de l’Abbaïe de Payerne par Berthe Reine de Bourgogne Transjurane. A Genève, pour Jean Ant. et Samuel De Tournes. M.DC.LXVI. — Pt in-8o de 814 pages. /11/

7. — Petit Chronique ou briefve Histoire, selon l’ordre des temps, de la ville de Berne depuis sa fondation iusques au siècle présent, par J.-B. Plantin. Dédié aux Illustres Puissans et Souverains Seigneurs les Aduoyers, Thrésoriers, Banderets et Sénateurs de la ville et République de Berne. Manuscrit à la Bibliothèque cantonale vaudoise. F. 562. 70 pages.
Cette chronique va jusqu’à l’année 1677.

7bis. — Petit Chronique de la très-illustre et florissante ville de Berne, ou Abbrégé de l’histoire de ceste ville, depuis sa fondation selon l’ordre des temps. Recueilli par Jehan-Baptiste Plantin (Ecusson aux armes de Berne). M.DC.LXXVIII. — Imprimé à Lausanne avec Permission. Même dédicace que ci-dessus.
Ce petit volume in-12, de 184 pages, avec un titre quelque peu modifié et certaines suppressions et adjonctions, est la reproduction du manuscrit de la Bibliothèque cantonale vaudoise, F. 562.

8. — Lausanna restituta sive brevis oratio de reformatione Lausannæ. Ao D. 1536 facta, quam N. Nicolaus Tscharnerius Il. B. nobilissimi D. B. Tscharneri Lausannensis praefecti filius, publice in magno templo pronuntiavit, cum vernales promotiones ibidem celebrarentur, 5 Aprilis 1665.
Dans son Histoire de Berne (IV, p. 495) Ant. von Tillier laisse entendre que l’auteur de ce discours académique serait, non pas J.-B. Plantin, mais bien le jeune Nicolas Tscharner, âgé alors de 15 ans.

9. — Oratio de Lausannensibus rebus.

10. — Chronique du Païs de Vaud.
L’historien Abraham Ruchat fait seul mention de ces deux derniers ouvrages, restés manuscrits et aujourd’hui disparus.


Mr Weys, bibliothécaire à Besançon, auteur de l’article relatif à J.-B. Plantin de la Biographie Universelle, mentionne encore un Dictionnaire français-latin que ce dernier aurait publié pendant qu’il était principal du collège. Les recherches faites par M. L. Carrard pour découvrir ce livre sont restées infructueuses.

 


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portrait de Plantin

JEAN-BAPTISTE PLANTIN

1624-1700

 

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JEAN-BAPTISTE PLANTIN
ET SA FAMILLE

 

LE LIEU D’ORIGINE ET LES ANCÊTRES DE JEAN-BAPTISTE PLANTIN

Le village de Montpreveyres, bien que situé en plein Jorat, dans une contrée montagneuse, aux abords de sombres forêts et d’ailleurs pendant longtemps fort petit, n’en a pas moins joué, dans la patrie vaudoise, un rôle plus important qu’on ne pourrait le croire à première vue. Sans crainte des frimas, il avait su se camper sur le grand passage reliant le plateau suisse au bassin du Léman et formait ainsi pour le voyageur une étape naturelle. A mi-distance entre Moudon, longtemps capitale de la baronnie de Vaud, et Lausanne, siège d’un évêché considérable, ce village bénéficiait quelque peu de la proximité de ces deux centres politiques et intellectuels. Il faisait partie des terres de Savoie et c’était tout près de là que se dressait la borne, avec girouette, qui marquait la frontière du domaine de l’évêque. Grâce sans doute à sa position, Montpreveyres était parfois choisi pour y débattre certains litiges d’ordre international. Les délégués des parties y tenaient ce qu’on appelait des journées de marche. Vers le milieu du XIXe siècle encore, on y /14/ voyait le vieux chêne à l’ombre duquel, d’après la tradition, se rendait autrefois la justice.

De très ancienne date, la maison religieuse du Saint-Bernard avait ouvert des hospices à Lausanne et à Moudon. Vers 1177, elle fonda à Montpreveyres un prieuré de chanoines réguliers de l’ordre de Saint-Augustin, sous le vocable de Saint-Laurent. Ce couvent, il est vrai, ne fit pas beaucoup parler de lui. M. Fréd. de Mulinen a cependant pu dresser une petite liste de ses prieurs. Un des derniers fut Nicolas, fils de Jaques de Watteville, l’avoyer de Berne, et lui-même homme très distingué. Il embrassa la réforme, devint membre du Conseil souverain et, en 1536, fut un des présidents de la dispute de religion à Lausanne.

En fait de personnalités notables de temps plus récents, Montpreveyres peut revendiquer, de loin, Etienne-Salomon Reybaz, qui, après avoir étudié la théologie à Genève, devint le secrétaire et le collaborateur, plein de talents et discret, de Mirabeau (1737-1804) 1. De même Jean-Daniel-André Gindroz, professeur à l’Académie de Lausanne et auteur de nombreux ouvrages, entre autres d’une Histoire de l’Instruction publique dans le Pays de Vaud (1787-1857) 2 .

Montpreveyres est aussi le lieu d’origine de la famille Plantin, qui, à elle seule, a fourni, de père en fils, en petit-fils et arrière-petit-fils; Michel, régent au Collège de Lausanne (… 1617-1649…); Jean-Baptiste, notre premier historien vaudois en date (1640-1700); Jean-Jacob, grand ministre à Lausanne (1653-1713); enfin David, pasteur à Cheseaux et à Noville (… 1698-1749). /15/

C’est de cette famille que nous voulons nous occuper en attirant l’attention, d’une façon spéciale, sur Jean-Baptiste Plantin, le plus marquant de toute la lignée.

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Les Plantin étaient établis à Montpreveyres et y faisaient quelque figure au XVIe siècle déjà 1. En 1550 nous trouvons dans ce village Jehan Plantyn, le seul de sa race et apparemment l’ancêtre commun de tous les Plantin qu’on rencontrera plus tard dans cette contrée et à Lausanne. Ce personnage est mentionné dans le registre de la taille ou de la giette que les Seigneurs de Berne imaginèrent de lever sur tous leurs nouveaux sujets du Pays de Vaud pour éteindre, disaient-ils, les dettes qu’y avaient laissées les Ducs de Savoie. On apprend là que ce Plantyn possédait une fortune nette de 469 florins, ce qui, à cette époque, était presque la richesse 2. C’était lui qui, en 1545 déjà, tenait l’auberge du village, à l’enseigne du Paon 3 .

Le 15 janvier 1573, Jehan Plantin soutenait à Lausanne un procès contre un nommé Thivent Clerc 4 .

Le 28 janvier 1576, Jehan Plantin de Montpreveyres marie son fils Pierre à Anthoine fille de feu Claude Gilliéron, de Corcelles-le-Jorat. Il est qualifié d’honorable /16/ et fait partie des gens les plus considérés de son village 1 .

Voici apparaître la deuxième génération en 1590. Pierre et Jaques Plantyn, frères, sont alors en difficulté avec la ville de Lutry au sujet de certaine « particulle de boys du Jourat, le long du riaux de la Bressenaz, contre planche Mechaulx, là où est plantée la boenne (borne) séparant ceux de Lausanne d’avecq Lustrie et Mouldon 2 . » Jaques est mestral de Montpreveyres. En 1603 il remplit encore ces mêmes fonctions. C’est un personnage d’une certaine importance. Notons bien d’ailleurs qu’il tient l’auberge du village, comme l’avait fait son père : c’est chez cet « hoste » qu’en 1593 et 1596 des membres du Conseil de Lausanne vont se restaurer, lorsqu’ils font l’inspection des forêts du voisinage 3 .

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Michel Plantin, fils de Jaques, forme à lui seul la troisième génération. Le premier de sa race, il quitta le village pour entreprendre à Lausanne des études libérales. Le petit paysan fit comme le laboureur : il commença sa tâche sans se presser, mais la poursuivit avec persévérance et succès. Entré à l’Académie le 22 mai 1617 4 , il n’en sortit, il est vrai, que le 4 décembre 1627; mais il se distinguait alors au milieu de ses condisciples. Le pasteur François Jordan, qui a laissé de si intéressants mémoires, dit que le 18 août 1626, lorsqu’il entra à l’Académie de Lausanne, venant de Bâle, on lui donna /17/ un « ordre (rang) entre les estudiants, le premier desquels pour lors estoit Plantin 1 . »

Deux ou trois ans avant cette dernière date, Michel Plantin, tout aussi pressé que d’autres compagnons d’études, s’était marié. On ne trouvait pas encore la chose mauvaise. Ce n’est que beaucoup plus tard, le 16 juillet 1666, qu’une ordonnance souveraine priva de leurs gages et de leur rang d’études, en les reculant de dix, les étudiants qui, pour couvrir leur paillardise ou même honnêtement, se permettraient de prendre femme avant la fin de leurs études 2 .

Michel Plantin et sa jeune épouse, Claudine Rouge, n’eurent donc pas à se préoccuper de cette réglementation tracassière. Le 3 septembre 1624, il leur naquit un fils, le petit Jean-Baptiste, celui qui acquit plus tard quelque renom et, le 29 octobre 1627, une fille, Susanne-Pernette 3 .

Le père de cette petite famille était encore sur les bancs de l’académie. Le pasteur Jordan nous dit qu’il reçut l’imposition des mains et fut consacré au saint ministère avec Michaël Plantin et trois autres étudiants, le 4 décembre 1627 4 .

Dès cette date, Claudine Plantin née Rouge mit encore au monde cinq enfants : Pernette, Jeanne, Catherine, David, puis enfin Jean-Daniel, qui termina la série, en 1639 5 .

De Michel Plantin lui-même nous ne savons du reste /18/ que peu de chose. Le 18 octobre 1647, il acquit la bourgeoisie de Lausanne pour le prix de 140 florins de quatre batz. Nommé régent du Collège de cette ville, à une date qui n’est pas connue, il vivait encore, ainsi que sa femme, en 1649. Il mourut avant le 10 décembre 1658.

La maison de Michel Plantin était située près du grenier de Leurs Excellences appelé Saint-Maire. C’était, autrefois, la seconde, à main gauche, en descendant la Cité derrière 1 .

 

JEAN-BAPTISTE PLANTIN

SES ÉTUDES ET SES PREMIERS PAS DANS LA CARRIÈRE ECCLÉSIASTIQUE

Jean-Baptiste Plantin, l’aîné des sept enfants de Michel Plantin et de Claudine Rouge, naquit le vendredi 3 septembre 1624, à Lausanne, et y fut baptisé le 12 septembre suivant. Il eut pour parrain Jehan-Baptiste Guebey et pour marraine Anne Berger 2. Elevé par un père encore étudiant, en pleine atmosphère académique, il était prédestiné, semble-t-il, à fournir une carrière libérale. A peine âgé de sept ans le petit bonhomme, déjà au collège de Lausanne, y remportait un premier prix sur vingt élèves promus de 8e en 7e classe 3 .

J.-B. Plantin fut admis à l’académie, comme étudiant, le premier avril 1640 4 et dès lors il suivit, d’année en année, la filière ordinaire des études. Avant d’entrer /19/ dans l’auditoire de théologie, il profita de longues vacances pour faire, en 1644, un séjour de cinq mois à Die, en Dauphiné, où florissait une académie protestante de quelque renom. Il en rapporta un excellent témoignage de ses professeurs, tant au point de vue des mœurs qu’à celui de l’application, du travail et des connaissances acquises. Cette pièce, écrite en latin sur la première page d’un Josêphe 1 , est du 12 des Calendes d’Avril, l’an de l’ère chrétienne et du salut 1644; elle est signée par les sénateurs de l’académie de Die, établis d’autorité royale, savoir : Alex. Dizius, prédicateur de la parole de Dieu et recteur de cette académie; Stephan Blancus, professeur de théologie; Petrus Chasterus, docteur en médecine, professeur en philosophie et gymnasiarque; Théophile Terrisse, professeur de théologie.

Rentré à Lausanne, après ce séjour à l’étranger, J.-B. Plantin suivit les leçons de théologie et, s’autorisant sans doute de l’exemple de son père, s’empressa de se choisir une aimable compagne. Les registres des mariages de la paroisse de Lausanne nous apprennent en effet que le 20 janvier 1645, Jehan-Baptiste, fils de spectable Michel Plantin, Régent en la quatriesme classe du collège, épousait Eve, fille de feu Pierre Veillard, de Chasteney au comté de Montbéliard.

Coïncidence singulière, J.-B. Plantin, comme son père, eut deux enfants avant même d’avoir terminé ses études; nous les trouvons inscrits dans les registres des baptêmes de Lausanne, savoir : Susanne, fille de J.-B. Plantain, estudiant en théologie et de Eve Veillard, /20/ le 20 juillet 1645 (c’était donc tout juste six mois après le mariage); puis Jeanne, fille de J.-B. Plantin, estudiant en théologie et de Eve Veillard, le 20 novembre 1646. Malgré une légère déformation du nom de famille dans la première de ces inscriptions (Plantain au lieu de Plantin), les autres désignations sont trop précises pour qu’aucun doute soit possible.

En 1646, J.-B. Plantin était proposant en théologie. Comme tel il signa avec ses collègues une adresse à Leurs Excellences du Sénat à Berne en vue d’obtenir la conservation à Lausanne du Professeur Marc Desaussure, qui venait d’être appelé au poste de Pasteur de l’église française de Berne. Cette démarche faisait honneur aux élèves reconnaissants, aussi bien qu’à leur maître; elle eut un plein succès 1 .

Le 11 septembre 1646, J.-B. Plantin fut consacré au saint ministère avec quatorze autres candidats, dont l’un était Jacques Combe, qui plus tard devint gymnasiarque et pasteur à Lausanne 2. Ces « impositionnaires » n’échappaient pas encore à l’étroite discipline académique. Tant qu’ils n’étaient pas incorporés dans l’une des cinq classes du Pays de Vaud, ils devaient résider à Lausanne et y restaient astreints à certains exercices de dispute et de prédication.

C’est dans cette situation intermédiaire qu’en 1648 Plantin composa et soutint, devant le professeur Marc Desaussure, une thèse théologique dont le sujet : Le prétendu chef de l’Eglise visible 3 ne sortait pas du genre /21/ de controverse qu’on se plaisait alors à exploiter. D’un ton assez prétentieux notre jeune proposant y faisait assaut d’arguments contre le célèbre jésuite Bellarmin et son livre De Pontifice Romano 1 .

J.-B. Plantin était âgé de 24 ans lorsque, le 23 août 1648, il fut admis dans la vénérable Classe de Lausanne et Vevey et élu diacre d’Aigle 2 .

Cette paroisse comprenait, outre le Bourg de ce nom et sa banlieue, les communes d’Yvorne, de Corbeyrier, de Leysin et s’étendait ainsi sur un vaste territoire. C’était spectable J. Pierre Rethier qui la desservait alors (1646-1654). Le diacre devait lui prêter aide dans sa lourde tâche et remplacer aussi les autres pasteurs du gouvernement en cas de maladie. Jusqu’en 1630 le diacre était encore chargé des pénibles fonctions de maître d’école : mais le 5 avril de cette année-là Leurs Excellences de Berne avaient jugé convenable de mettre les enfants sous la discipline d’un régent spécial.

La pension du diacre d’Aigle consistait en 200 florins, 18 coupes de froment, 14 coupes de gros blé (maïs), 32 setiers de vin blanc et enfin quelques petites censes en vin, orge et fèves à Leysin. Ce n’était là que bien juste ce qui était strictement nécessaire pour l’entretien d’une famille, et celle du nouveau diacre allait encore s’accroître. C’est à Aigle en effet que Jean-Baptiste vit naître son troisième enfant, une petite Claudine que le père-grand et la mère-grand (Michel Plantin, le régent /22/ du collège de Lausanne et sa femme, Claudine Rouge) vinrent présenter au baptême le 27 février 1649 1 .

L’année suivante Plantin quittait Aigle pour prendre la suffragance de Crissier. Sa nomination à ce poste eut lieu par la classe sur le vu d’une lettre de Leurs Excellences du 22 janvier 1650, c’est-à-dire, pour se servir du langage de cette époque « d’autorité souveraine » 2 .

Le 5 juin 1650, la Classe réunie à Lausanne exhorta M. Pécolet, ministre à Crissier, « de tenir main à ce que le consistoire eût son cours et à ce que les actions accoustumées fussent faites, ou par lui ou par son suffragant, sans manquer et sans rien innover ». Le procès-verbal ne fournit pas de renseignement sur les faits qui motivèrent cette observation.

Plantin ne resta à Crissier que quelques mois. Le 7 août 1650, en effet, il fut nommé pasteur de la paroisse de Morrens 3 , où il vint remplacer maître Jean Secretan, appelé à desservir le poste de Crissier 4 .

Dès le mois de Juillet 1651 il est qualifié de ministre d’Assens et laisse là quelques traces de son passage. Relevons d’abord une inscription de sa main faite sur /23/ un cahier qui se trouve aujourd’hui aux archives cantonales vaudoises :

« Je Jehan Baptiste Plantin, de Lausanne, ministre à Ascens, ayant trouvé en la cure ministérielle du dit lieu le liure de Baptême et des espousailles en mauvais estat et rempli, l’ai transcript fidellement au présent liure, n’ayant peu remédier à plusieurs défauts qui s’y sont rencontrés. L’an MDCLI. »

Puis ces vers :

Ordine fac doceas et dexter habebere doctor,
Ordine fac discas et bene doctus eris
Servandus in omnibus ordo.

On peut les traduire ainsi :

Aie soin d’enseigner avec ordre et tu seras tenu pour un habile docteur.
Aie soin d’apprendre avec ordre et tu seras bien enseigné.
L’ordre doit être observé en toute chose.

Ces excellents préceptes méritent d’être recueillis, d’autant plus que ce n’était point là vaine parole.

A une époque où les registres de l’état-civil ont été tenus trop souvent de la façon la plus déplorable, notre jeune suffragant a pris soin de remettre au net ceux de sa paroisse, pour toute la période de 1617 à 1650, et a donné ainsi un exemple que beaucoup de ses collègues auraient dû suivre. Malheureusement le papier dont il s’est servi était mauvais et a été dès lors manié et remanié avec trop peu de précaution, de telle sorte qu’à son tour ce nouveau cahier est en partie tombé en loques. On l’utilise cependant, puisque l’original a depuis longtemps disparu. On peut aussi consulter une copie moderne faite par M. Jacques L. Keller, pasteur à Assens, /24/ de 1833 à 1845. Celle-ci est accompagnée d’une liste des pasteurs de cette paroisse. Il n’est que juste de mentionner en passant ce modeste travail.

Pour en revenir à Plantin, ce fut durant son ministère à Assens que lui naquit une quatrième fille. On la baptisa à Lausanne le 10 juillet 1651 et elle reçut le nom de Pernette, celui de sa marraine, une Demoiselle Charrière. Le parrain était noble Jean Jacob Réal, seigneur banderet de la Cité, sans doute un ami de la famille 1 .

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Au XVIIe siècle les pasteurs du Pays de Vaud avaient pris la déplorable habitude de changer constamment de cure et d’entrer parfois à ce sujet les uns avec les autres en mesquines compétitions. Pour quelques -uns c’était devenu une véritable manie; bien qu’à leur entrée en Classe ils eussent pris l’engagement de ne pas se livrer à de pareils procédés, ils ne cessaient d’être par voies et par chemins, courant à Berne pour y solliciter quelque faveur et y obtenir souvent de scandaleux passe-droits. A chaque vacance nouvelle d’un poste envié, c’était entre les concurrents une véritable course au clocher. Grâce à leurs intrigues, plusieurs parvenaient ainsi à « rompre les élections régulières au mespris et raval des vénérables Classes ». Le 12 janvier 1655 et le 6 juin 1676 encore, celles-ci adressèrent à Leurs Excellences de Berne des requêtes, pour les supplier de mettre un terme aux va-et-vient des « coureurs » 2. /25/

Plantin était de son siècle et à cet endroit il ne resta pas à l’abri de tout reproche. Dès le mois de novembre 1650, il avait su se procurer une lettre de Berne, mandant et commandant à toutes les Classes de le nommer pasteur de la première église vacante 1. Nous verrons tout à l’heure que cette pièce ne lui fut pas inutile.

En 1651, il s’agissait de repourvoir la paroisse du Mont et de Romanel dont le desservant, un M. Blanchet, devenait Bachelier du collège. A cette époque, et beaucoup plus tard encore, ce poste, celui de Prilly-Renens et celui des Croisettes étaient qualifiés de « forains » parce que leur territoire s’étendait à la campagne, hors de Lausanne, tandis que les ministres qui en avaient la charge résidaient dans cette ville, où ils faisaient aussi alternativement une prédication le lundi matin.

Plantin convoitait cette position, qui présentait certains avantages. Il s’empressa donc d’exhiber la lettre que leurs Excellences lui avaient délivrée.

Le corps académique, composé des professeurs et des ministres de Lausanne et qui, paraît-il, avait le droit de nomination ou de présentation des pasteurs conjointement avec la Classe, sans que d’ailleurs les compétences respectives des deux autorités fussent nettement déterminées, comprit qu’il n’y avait qu’à se soumettre à la volonté du Souverain et, par sa lettre du 11 juillet 1651, fit savoir à Leurs Excellences qu’unanimement il avait nommé Jean-Baptiste Plantin ministre des églises du Mont et de Romanel.

L’Académie, au surplus, rendait au candidat un excellent témoignage, signalait sa solide érudition et les /26/ talents qu’il avait plu à Dieu de lui départir. Elle était persuadée, ajoutait-elle, que Plantin possédait les qualités nécessaires à l’édification de l’église.

La Classe se montra moins docile. Dans sa séance du 15 juillet 1651, elle déclara « élire » au poste vacant M. Abraham Crostel, diacre à Aigle. Elle ajoutait, il est vrai, qu’en vertu des lettres souveraines produites, elle « nommait » aussi MM. Jean-Baptiste Plantin, ministre à Ascens et Jean de Losea, étudiant 1 .

Mais cette velléité de résistance ne fit que provoquer une affirmation plus nette de la volonté du maître. Le 18 juillet en effet Plantin fut élu définitivement à Berne ministre du Mont et de Romanel 2 .

Cette décision souveraine ne manqua pas de causer quelque déplaisir. Le 10 février 1652 encore la Classe /27/ de Lausanne-Vevey laisse percer sa mauvaise humeur : M. Plantin, est-il dit, « a esté receu et réincorporé en nostre corps avec exhortation à son devoir et à condition qu’il payera promptement dix florins comme l’on paye pour un changement. »

De 1645 à 1651, ainsi que nous l’avons vu, le nouvel élu avait eu quatre filles : Susanne, Jeanne, Claudine et Pernette; il pouvait craindre que sa maison ne finît en quenouille. La naissance d’un rejeton mâle mit fin à ses appréhensions et vint remplir de joie toute la famille. L’enfant fut baptisé à Lausanne, le 25 mars 1653, sous le nom de Jehan-Jacob. Il est dit fils de Jehan-Baptiste Plantin, ministre du Mont, et d’Eve Wolliard et présenté par Jehan-Jacob Réal, Sr Banderet de la Cité, et par spectable Jacob Combe, Diacre commun 1 .

Nous retrouverons plus tard ce nouveau-né, qui, à son tour, sera ministre du Mont, Diacre à Lausanne et grand ministre de cette ville.

 

LE POSTE DE CHATEAU-D’ŒX

En novembre 1653, Plantin se décida, on ne voit pas trop pourquoi, à faire un nouveau déménagement, cette fois pour s’installer dans la haute vallée de Château-d’Œx. Il y succédait, comme pasteur, à un nommé David Miéville ou « Miuellat », ainsi que le portent les Actes de la Classe. Ce Miuellat allait occuper la cure de Corsier 2. /28/

La paroisse de Château-d’Œx était fort étendue, car elle comprenait encore le vallon reculé de l’Etivaz, desservi, il est vrai, par un Diacre qui, lui aussi, demeurait à Château-d’Œx. Ce furent J.-Isaac Challet (1653-1654), David Blondet (1654-1654) et Odinet Bennaz (1654-1658) qui remplirent ce poste secondaire pendant le pastorat de Plantin. Il faut croire qu’ils vécurent avec ce dernier en bonne harmonie.

C’est en 1654, à Château-d’Œx, que Dame Eve Plantin née Veillard mit encore au monde une fille, du nom de Dorothée. Baptisée le 20 août, cette enfant eut pour parrains le magnifique Seigneur Ballif Christian Willading et honorable David Henchoz, jadis chastelain, et pour marraine Dame Dorothée née Tscharner, femme du dit Ballif.

Le 14 octobre 1655 enfin, pour terminer une série de huit rejetons, J.-B. Plantin baptisait encore deux petits jumeaux Adam et Abraham, que trois parrains et deux marraines portèrent triomphalement à l’église. C’étaient Abraham Martin, moderne chastelain; Adam Favrod et Claude Coulaye, par cy devant Seigneurs chastelains; Suzanne Henchoz, femme du dit chastelain Favrod, et Suzanne Chabloz, femme du moderne banderet David Henchoz 1. Dans toute la vallée il eût été difficile de trouver compagnie plus huppée.

Durant la période de 1648 à 1653, J.-B. Plantin n’avait guère fait que de passer rapidement dans cinq paroisses : Aigle, Crissier, Morrens, Assens et le Mont. Une fois /29/ installé à Château-d’Œx il fut sans doute captivé par l’attrait irrésistible de la montagne. Il éprouva en tout cas le besoin de reprendre haleine et resta fixé dans ce poste jusqu’au mois d’avril 1658. Profitons de cette étape pour laisser de côté les questions de filiation, la généalogie et le défilé incessant et fastidieux des cures. Jusqu’ici, nous n’avons fait que suivre à la course notre remuant personnage; tâchons maintenant d’apprendre à le connaître. Le moment convient d’autant mieux que lui-même commence à se révéler au public par ses actes et ses écrits.

Plantin nous apparait d’abord comme un homme doué d’un esprit très ouvert. Il sait regarder et s’intéresse à tout ce qui se passe dans son entourage, même à ces petites choses dont on est si curieux aujourd’hui. Grâce à lui nous savons que la maison du pasteur de Château-d’Œx était alors située au bas du monticule que couronne le temple, du côté d’orient. Elle se trouvait en fort pauvre état et Monseigneur le Bailli la fit réparer. Plantin pensa qu’il convenait d’instruire la postérité de ce changement. Il composa donc à cet effet une inscription commémorative et la fit graver sur le linteau de la porte d’entrée. La voici :

D. CHRISTIAN. A WILLADING. HB.
ALP. H. REG. PRAEFECTO.
H. DOM. REPAR. CVRANTI
IN GRATIAM. I. B. PLANTINI. V. D. M.
COMPAT. SVI H. M. P. E.
A. C. M.DCLV. 1 /30/

On peut la traduire de cette manière :

Au Seigneur Christian de Willading, H.-B., Bailli de cette contrée alpestre, qui fit réparer cette maison, J.-B. Plantin, Ministre de la Parole de Dieu, son compère, a, par reconnaissance, élevé ce monument public, l’an courant mil six cent cinquante-cinq.

L’année suivante Plantin composa encore une inscription du même genre qui fut placée dans une des chambres de la maison de commune. Elle était ainsi conçue :

POSTERIS SACRVM
DNO GABRIELI WEYS BERNENSI
CHILIARCHAE IN OBERLAND
TOPARCHIAE SANENSIS PRAEFECTO
DESIGNATO PATRONO OPTVMO FVTVRO
CASTRODVNENSES
TABVLAM HANC IN AEDIBVS PVBLICIS
POSVERVNT
1656 1

Ce qui signifie :

Consacré à la postérité. Au Seigneur Gabriel Weys, de Berne, colonel dans l’Oberland, Bailli de Gessenay, et désigné pour être à l’avenir leur très excellent patron, les gens de Château-d’Œx ont dédié cette inscription et l’ont placée dans leur maison de commune.

Plantin dit aussi que la maison de commune de Château-d’Œx, servant de logis, fut bâtie l’an 1575 en un lieu où existaient auparavant de vieilles masures. Il relève l’inscription qu’on lisait, sur une pierre noire /31/ encastrée dans la façade de cet édifice tournée du côté du village.

Elle portait :

P. S.
D. I. I. BVCHERO
D. C. A WILLADING
ALP. H. REG.
EX PRAEFECT. P. P
M. H. P. L. P.
CASTRODVNEN. 1

C’est à dire : Consacré à la postérité. Au Seigneur I.-I. Bucher et au Seigneur C. de Willading, anciens Baillis de cette contrée alpestre, pères de la patrie, la population de Château-d’Œx a élevé ce monument public avec empressement.

Ces inscriptions, à prétentions romaines, paraissent aujourd’hui bien solennelles pour de simples baillis bernois du Gessenay. N’oublions pas, pour les juger, que partout alors, dans le Pays de Vaud, ce ton-là était le même lorsqu’il s’agissait du Souverain et de ses représentants.

Dans ses ouvrages, Plantin fournit encore quelques autres petits renseignements sur la paroisse de Château-d’Œx. Il rappelle les privilèges et franchises accordées à cette vallée par les comtes de Gruyère. Il dit qu’en 1403 les Bernois conférèrent aux gens de Château-d’Œx, à certaines conditions, leur combourgeoisie. En 1585, ils les autorisèrent à vendre leurs biens communs et à établir un Conseil de cinquante membres. Le territoire de la /32/ commune fut alors divisé en sept parties, nommées Etablées, qui chacune avait droit à un certain nombre de conseillers et à deux membres de la cour de justice. Celle-ci était présidée, au nom du Bailli, par un Chastelain. Le chef de la commune portait le titre de Banderet. Les principales charges étaient repourvues de trois en trois ans. Château-d’Œx avait un marché ordinaire, le lundi, et cinq foires par année.

Pour aller à l’Etivaz il fallait passer par un chemin fort étroit appelé le Pissot, où, jusqu’en 1564, un pont de bois était suspendu au rocher. Cette année-là on améliora ce dangereux passage.

En descendant la vallée, dès le village de Château-d’Œx, on voyait encore, sur une petite éminence, les masures d’un vieux château. Un peu en aval, on passait la rivière sur un pont de pierre, autrefois de deux arches, mais qui fut emporté par une inondation. En 1533, on en construisit un nouveau d’une seule arche. On le renforça en 1656 au moyen d’une muraille de pierres de taille.

*
*            *

A Château-d’Œx, Plantin manifesta des goûts très réels pour les sciences naturelles et, à une époque où beaucoup de prétendus savants se contentaient de théories creuses et de disputes de mots, il sut, lui, former de petites collections et interroger directement l’œuvre du divin créateur. Malheureusement il était sans guide. Réduit à ses propres inspirations il ne sut pas se restreindre et dispersa trop ses recherches pour pouvoir les pousser bien avant. Tout l’intéressait la minéralogie, la flore, la faune. En été, il parcourait les Alpes du voisinage et /33/ rapportait toujours de ses excursions quelque objet curieux : de fausses chélidoines, tirées d’une grotte qu’il avait découverte sur les flancs de la montagne de Parey, du lait de lune, recueilli dans les cavernes de Corjon, ou d’autres minéraux.

A la fin du XVIIIe siècle, alors que le doyen Bridel habitait Château-d’Œx, les vieillards parlaient encore de Plantin et rappelaient qu’il avait cultivé dans le jardin de la cure quantité de plantes rares. M. Bridel pense que c’est lui qui a introduit et naturalisé dans la vallée plusieurs espèces étrangères : la Tanaisie baumière 1 , la Parelle sanguine 2 , la Livêche férulée 3 , l’Aurone 4 , la Valériane grecque 5 , la Valériane phu 6. Les botanistes peuvent donc, à bon droit, tresser une couronne en l’honneur de ce collègue disparu et, s’ils ne jugent pas à propos de cueillir à cet effet des immortelles, ils pourront choisir, tout au moins, de modestes « Ne m’oubliez-pas ».

Suivant une tradition recueillie aussi par le Doyen Bridel, Jean-Baptiste Plantin avait rassemblé et nourrissait dans son presbytère de Château-d’Œx une marmotte, un chamois et un bièvre ou castor solitaire. Ce dernier animal, d’espèce fort rare et aujourd’hui disparue en Suisse, avait été trouvé et capturé près des sources de la Torneresse, au fond du vallon reculé de l’Etivaz 7 .

En parlant de ce vallon (in valle Estivensi, vulgo Estivaz, Germ. Lessy), Plantin y signale déjà une source /34/ sulfureuse et une autre d’eau salée que, dit-il, personne n’utilise. Comme eaux minérales du Pays de Vaud, il mentionne également la source sulfureuse d’Yverdon, autrefois célèbre, mais dès lors négligée, disparue en partie et devenue le rendez-vous des serpents; il parle aussi des sources salées de Panex et de Bex, de certains travaux faits pour les utiliser et de la fabrication du sel à Roche; il dit enfin que sur les monts de Blonay, au bailliage de Vevey, existe une source dont les eaux blanchâtres, d’odeur sulfureuse prononcée, sont efficaces contre la gale ou la lèpre (scabies).

Beaucoup plus tard, Plantin s’intéressait encore aux phénomènes de la nature. Dans un de ses manuscrits il eut soin de consigner que « le 22 april, jour de Quasimodo, style ancien 1677, à Lustry, il tomba sur le soir des gouttes de sang qui tachoyent les feuilles des herbes ès jardins ». La pluie, ce jour-là fut sans doute colorée par quelques corpuscules ou animalcules qui se trouvaient dans l’atmosphère 1 .

 

PRÉPARATION DE TRAVAUX DIVERS.

Tandis qu’il s’occupait ainsi de sciences naturelles en amateur et à titre de délassement, J.-B. Plantin préparait ses ouvrages sur la géographie ancienne et moderne de la Suisse, sur l’épigraphie et l’histoire, mais rencontrait sur sa route bien des obstacles. La pauvre bibliothèque que l’académie de Lausanne avait essayé de fonder à la fin du XVIe siècle n’était encore qu’embryonnaire et composée presque exclusivement d’ouvrages de théologie /35/ et de littérature grecque et latine. Elle n’était d’ailleurs pas à la disposition d’un ministre habitant une contrée perdue au milieu des Alpes. Dans tout le pays de Leurs Excellences, même à Berne, il n’était guère question de véritables libraires et les rapports avec la France et l’Allemagne présentaient trop de difficultés et de hasards pour qu’on pût faire venir des livres de ces pays-là. Plantin, comme on l’a vu, chargé de famille avant même d’avoir atteint sa 21e année avait dû constamment compter avec les nombreuses exigences de la vie matérielle. Plus tard encore, il ne pouvait disposer que de la maigre pension d’un pasteur, à peine suffisante, sous le régime bernois, à l’entretien d’un ménage dans des conditions quelque peu décentes. De tout cela la science devait forcément pâtir. Dans une préface, le malheureux Plantin déplore son dénuement et le manque de livres nécessaires : numerorum penuriam, historicorum librorum inopiam video ! s’écrie-t-il dans sa détresse.

Malgré tout, Plantin finit par posséder un certain nombre d’ouvrages; dispersés depuis longtemps on les retrouve parfois sur les rayons des bouquinistes, reconnaissables à un ex-libris qui fait la joie des collectionneurs. Il figure, bien grossièrement il est vrai, des armes parlantes : une touffe de plantin à quatre feuilles et à trois épis sortant d’un cœur, sous un soleil rayonnant 1.

ex-libris de PlantinLa date, 1648, est celle où Plantin entra dans la vénérable Classe de Lausanne et Vevey. L’inscription : « Ex /36/Bibliotecha J. B. Plantini V. D. M. E. G. L. » (verbi Domini Minister et Gymnasiarcha Lausannensis) montre que cet ex-libris est postérieur à 1663, puisque c’est la date où Plantin fut appelé à remplir cette place de Gymnasiarque (directeur du collège). La devise : « Dat Deus incrementum » résume les aspirations et les espérances du jeune homme qui, plein de foi, commence résolument sa carrière.

En 1656, lorsqu’il fit imprimer l’Helvetia antiqua et nova, dont nous allons parler, Plantin confesse qu’il ignore la langue allemande et s’en excuse : « Linguae Germanicae ignorantiam video ». Dix ans plus tard, dans la préface de l’Abrégé de l’histoire générale de Suisse, il s’exprime déjà un peu différemment : « Pour les fautes qui se pourront rencontrer ès noms Allemands, vous les pardonnerez en des personnes qui n’entendent pas beaucoup ceste langue ». Enfin, en 1678, il dit que, pour sa petite Chronique de Berne, il a consulté différents auteurs, entre autres Stettler. « Je donne le tout en françois, ajoute-t-il, pour en instruire ceux qui ne scavent la langue allemande. »

Du rapprochement de ces trois passages il apparaît que notre auteur comprit trop bien ce qui lui manquait pour ne pas chercher à combler la lacune. A force de persévérance et réduit à ses seuls moyens, au milieu des neiges de Château-d’Œx et de Savigny, Plantin parvint /37/ à lire les vieilles chroniques suisses. Aujourd’hui cet effort ne compterait guère; il était certainement méritoire dans un pays et à une époque où l’on s’imaginait volontiers que les langues mortes pouvaient constituer tout le bagage du savant.

D’ailleurs Plantin eut vite le sentiment qu’isolé dans sa cure, loin de tout appui scientifique, il n’atteindrait que bien difficilement le but qu’il se proposait. Le nombre trop restreint de ses amis (paucitas amicorum) pouvait être une cause d’insuccès. Il entra donc en relation avec quelques personnes capables de lui prêter aide. L’antistès Hüldric, de Zurich, lui communiqua des manuscrits de Josias Simler et des notes personnelles; M. Hermann, commissaire général, lui fournit des inscriptions et un manuscrit sur la contrée de Neuchâtel 1 ; M. Gaudard, docteur en droit, l’aida de ses conseils 2. De son côté il ne négligeait pas les ressources qui étaient à sa portée. Nous savons qu’il fit quelques recherches dans les archives de Château-d’Œx et que, partout où il passait, il prenait note, avec soin, des moindres inscriptions lapidaires et de tout renseignement présentant quelqu’intérêt historique.

 

PUBLICATION DE L’HELVETIA ANTIQUA ET NOVA.

Le premier ouvrage que J.-B. Plantin publia, sous le titre d’Helvetia antiqua et nova, est une topographie ancienne et moderne de la Suisse, dont il avait sans doute rassemblé les matériaux de longue date, mais à laquelle /38/ il mit la dernière main à Château-d’Œx, à la fin de 1655 1. Il l’écrivit en latin, se conformant en cela à un mode de faire fort répandu à cette époque dans les milieux académiques et universitaires. Cette langue savante convenait d’ailleurs tout particulièrement à son sujet. Il dédia son livre à Leurs Excellences les Avoyers de la République et le présenta aux Conseils à Berne le 22 janvier de l’année suivante, c’est-à-dire à un moment qui était très mal choisi. Les Confédérés en effet se trouvaient alors encore une fois séparés en deux camps ennemis par une déplorable guerre de religion; ils ne songeaient qu’à s’entredéchirer et l’on était précisément à la veille de cette première bataille de Vilmergen qui allait être si désastreuse pour le parti protestant.

Avec de si graves affaires sur les bras, Messieurs de Berne ne jetèrent apparemment qu’un regard distrait sur l’ouvrage qui leur était soumis et, accordant à la hâte une gratification de six louis (sechs Dublonen) à l’auteur, ils lui promirent mieux une fois la paix rétablie 2 .

Ce livre, imprimé à Berne en 1656, est un petit octavo de 357 pages, divisé en deux parties bien distinctes. La première, générale, est consacrée à la géographie physique et descriptive de la Suisse et la seconde à l’étude spéciale des différentes villes et localités de ce pays.

Les matières traitées peuvent se grouper sous quatre chefs, savoir :

I. Description de l’Helvétie ancienne et moderne. Ses divisions, ses ressources et ses productions agricoles, /39/ minérales, etc; son climat. Le Jura. Les Alpes. Division de celles-ci en diverses chaînes; leur structure, leur beauté. Les plantes de la Suisse; les animaux; les forêts; le régime des eaux. Le Rhin; le Rhône; les rivières qui s’y jettent. Les grands lacs de l’Helvétie (lacus Lemanus, lacus Brigantinus). Les autres lacs.

II. La population. Origine et antiquités des Helvétiens; leurs noms primitifs; leur langue. Etat physique et moral; les mœurs, les habitudes, le mode de vivre, le caractère (sentiment inné de justice, hospitalité). La religion. La politique. Tempérament héroïque des Suisses.

III. Etude de certaines villes et localités particulièrement intéressantes par leurs antiquités et les anciennes inscriptions qu’on y a découvertes : Genève et le mur de César; Nyon; Lausanne; Orbe; Yverdon; Abiolica (qui, d’après les uns, serait Ornans en Bourgogne et, d’après d’autres, Bullet sur le Jura. Cette dernière opinion, remarque l’auteur, ne saurait être admise puisque la contrée de Bullet n’a été défrichée qu’à une époque relativement récente par des tenanciers des comtes de Savoie, ainsi que cela résulte d’anciens actes et du parler et de l’accent savoyard de la population actuelle); Vevey; Glérolle (dont le nom Glerola ou Gleyrola rappellerait celui d’une cohorte romaine : prima Flavia Calarona); Bromagus (lac de Bret, Bre, Bro, ou Promasens, Bromasin; Plantin ne se prononce pas entre ces deux manières de voir); Moudon; Payerne (ainsi appelée, dit-on, d’un certain Gracchus Paternus, qui figure sur une inscription romaine de Villar [Villariae]. Plantin pense qu’anciennement il n’y avait dans cette localité qu’une ferme ou un village [vicus], où l’on passait la Broie, et qui aura /40/ pris de l’importance après la ruine d’Avenches); Avenches; Petinesca, Petenisca, Pyrenesca. (L’auteur repousse l’identification avec Büren ou avec Bienne et par une série de déductions plus ou moins ingénieuses, arrive à fixer cette station romaine près de Tribey, un groupe de maisons entre l’Aar et la Thièle, non loin de Nidau); Noidenolex, Noidonolex (Neocomum oppidum, Neuchâtel); Soleure; Vindonissa (Windisch); Tobinium (Zoffingen); Pagus Tuginus (Zug); Lucerne; Pagus Tigurinus, Tigurum (Zurich); Vettingen; Forum Tiberii (Zursach); Confluentia (Coblentz); Rupertis villa (Rapperswyl); Vitodurum (Winterthur); Arbor felix (Arbon); Stein; Rinovium (Rhynau).

IV. Les lieux et les peuples voisins de l’Helvétie : Tulingiens; Latobriges; Rauraques; Augusta Rauracorum (Augst); Sequanais; Allobroges; Antuates (ce peuple aurait habité la contrée de Villeneuve ou d’Aigle. Antagne ?); les Vallaisans, Veragres, Sédunois, Vibères; les Rhétiens; Lépontins; Nantuates (peuple des Alpes vers le Rhin antérieur, Dissentis, Tavetsch).

Si nous donnons ici cette sèche nomenclature, c’est pour faire toucher du doigt l’étendue du sujet et les difficultés sans nombre dont il était hérissé. Celui qui eut le courage de l’aborder et qui sut mener à bien son travail avec les maigres ressources scientifiques qu’offrait alors le Pays de Vaud était certainement un homme très exceptionnel.

La préface de ce livre, rédigée par Plantin, est modeste. Je reconnais, dit-il, mon incapacité, car j’ai compris la grandeur de la tâche et j’en ai senti tout le poids. D’ailleurs, j’ai eu à lutter contre bien des obstacles; /41/ pénurie d’argent, éloignement des bibliothèques et de tout centre scientifique, ignorance de la langue allemande; mais l’amour de la patrie a remporté la victoire. (Sed vicit amor patriae).

Les amis de l’auteur se chargèrent des éloges et y mirent fort peu de mesure. Un sieur Guillermin, candidat au saint ministère, disait par exemple (en latin) : « Aussi longtemps que le Rhône roulera ses flots vers les rives de l’occident et que l’Eridan (le Pô) enrichira l’Hespérie (l’Italie) de son limon d’or; aussi longtemps que le Rhin baignera les frontières lointaines de la Germanie, la voix de leurs fraîches eaux (gelidarum murmur aquarum) portera tes louanges jusqu’aux astres, ô Plantin, si même les hommes venaient un jour à se taire 1  ! »

L’auteur acceptait tout cela sans sourciller; c’était le style dithyrambique de son temps.

L’Helvetia antiqua et nova eut un succès mérité et compta bientôt au nombre des ouvrages classiques. En 1735, Orelli lui accordait une place honorable dans son Thesaurus Historiae Helveticae, à côté de Simler et de Guilliman. Deux ans plus tard et trois quarts de siècles après qu’il eût paru pour la première fois, le livre de Plantin fut jugé digne d’une réimpression. (Zurich, 1737, 288 pages). L’éditeur anonyme n’y apporta guère de changement 2 ; il eut du moins le bon goût d’en faire disparaître les compliments ampoulés du candidat Guillermin. /42/

Les différents auteurs qui dès lors ont parlé de Jean-Baptiste Plantin ont, en général, rendu justice à ses patientes recherches et reconnu le mérite de son premier ouvrage. C’est le cas entre autres de Fuslin (Programme d’une histoire de la Suisse, Mercure Suisse, mai 1734, page 49), de Bodmer et Breitinger (Helvetische Biblioth. Zurich, 1735, pages 146, 147), d’Elie Bertrand (Lettre à M. de Danguel, Journal helvétique, 1759, mars, pages 281, 283), d’Emmanuel Haller (Bibliotheck der Schweizer Geschichte, tome IV, no 95, page 56), de Sinner de Ballaigue (Voyage historique et littéraire dans la Suisse occidentale).

Un historien moderne, Anton von Tillier, n’a garde d’oublier que J.-B. Plantin, le premier, a donné une Géographie ancienne de l’Helvétie sur un plan méthodique. Cet ouvrage, dit-il, renferme sans doute mainte opinion erronée et vieillie, mais, travaillé avec soin et riche en inscriptions diverses, il est, somme toute, d’une lecture particulièrement instructive. En l’écrivant, Plantin s’est acquis une solide réputation. (Dieses Werk gründete vorzüglich seinen Ruf 1 ).

Cette appréciation récente mérite d’être relevée et soulignée.

 

LA PETITE CHRONIQUE DE LA VILLE DE LAUSANNE

L’année même où paraissait l’Helvetia antiqua et nova, Jehan-Baptiste Plantin, bourgeois et natif de Lausanne, et alors ministre de Château-d’Œx, termina son Petit (sic) Chronique de la ville de Lausanne, recueilli de divers /43/ vieux manuscrits et autheurs. M.DCLVI. Il dédia ce nouveau travail aux « nobles, sages, provides et très honorés Messeigneurs le Bourgmaistre, (les) Banderets et Sénateurs du conseil et (de la) cité de Lausanne, » et le leur présenta en manuscrit. L’original, de la main de Plantin, est aujourd’hui conservé à la Bibliothèque cantonale (F. 1069) et il s’en trouve une copie ancienne aux archives du canton de Vaud.

Cette petite chronique n’a pas été imprimée et ne méritait point de l’être, car, aux yeux mêmes de l’auteur, ce n’était, pour le moment, qu’une collection de pièces éparses qui devait être continuée, en vue d’une rédaction définitive. D’ailleurs Plantin en était encore un peu aux récits héroïques des trop fameuses Chroniques de Vaud. C’était Arpentin qui fondait une cité au bord du lac Léman, dans la plaine de Vidy, et l’appelait naturellement Arpentras. Cette ville, détruite l’an 2790 du monde, fut rebâtie plus haut, sur une éminence où elle prit le nom de Lausanne. — Plantin, il est vrai, se doute déjà que toute cette histoire pourrait être fabuleuse et n’insiste pas. Pour lui, Lausanne a pris naissance sur la colline de Bourg, à une époque qu’on ne peut fixer exactement, mais qui est antérieure aux empereurs Dioclétien et Maximien. Lorsque la ville se fut agrandie, cet ancien quartier (la rue de Bourg) prit et conserva sur les autres le premier rang. Outre plusieurs prérogatives, ses habitants eurent la charge fort honorable de rendre la justice en matière criminelle, tant dans la ville qu’au château.

Plantin dit quelques mots de l’invasion des barbares. Ce sont d’abord les Vandales qui occupent le pays; puis /44/ les Francons qui, sous Chilpéric, s’assujettissent les villes du Rhin, les Grisons, les Valaisans et Lausanne. Dès lors cette ville est tantôt sous la direction des rois de Bourgogne et tantôt sous celle des rois francs, jusqu’au moment où, par la libéralité des empereurs, elle passe en mains des Evêques, princes spirituels et temporels. Leur autorité est mitigée par diverses franchises octroyées à la ville elle-même.

Pour la période épiscopale, Plantin suit essentiellement ce qu’il appelle « le compilateur des Evesques de Lausanne », sans doute le Chronicon breve episcoporum Lausannensium que Ruchat cite plus tard, sous la dénomination de manuscrit Demierre ou de manuscrit de Moudon. On rappelle, en passant, que cet ouvrage est un extrait maladroit du Cartulaire du Prévôt Conon d’Estavayer, fait au commencement du XVIe siècle, par un clerc resté anonyme. Le père Martin Schmitt, dans ses Mémoires historiques sur le diocèse de Lausanne, constate qu’il fourmille de fautes. J.-B. Plantin, d’après cette source, fournit une liste assez incomplète des évêques, avec des dates souvent erronées, et ne donne sur chacun de ces prélats que de fort maigres détails. Ci et là cependant il consacre une ou deux pages à quelque épisode particulier, par exemple à la guerre que se firent Jean de Cossonay et Philippe de Savoie, lorsqu’ils se disputaient l’évêché en 1239. Il parle aussi du grave conflit qui s’éleva en 1488 entre Bénédict de Montferrand et les gens de Lutry. Il donne in extenso, ou en extraits, plusieurs documents relatifs à la question si importante du vicariat impérial accordé, à différentes époques, aux ducs de Savoie sur la ville de Lausanne. Une pièce sans /45/ date offre cependant un intérêt spécial. Elle contient, comme l’explique Plantin, « certaines raisons couchées dans un vieux papier qui lui a été donné par feu M. le Banderet Réal, son très honoré compère, d’heureuse mémoire. » On y voit « qu’il y avait une difficulté grande de la Ville de Lausanne avec le duc de Savoie. » Celui-ci faisait des efforts répétés pour substituer son autorité à celle de l’évêque. Nombre de querelles avaient pris naissance à ce sujet.

Sur les temps des guerres de Bourgogne, notre auteur ne relate rien de saillant. Il rappelle toutefois que Lausanne fut frappée d’une rançon de 2000 goulden, ce qui n’empêcha pas les Allemands de « visiter » (piller) l’église de Notre-Dame.

Les deux derniers évêques ont beaucoup « basti ou rebasti » en cette grande église, comme il appert par leurs armes qui se voient en divers endroits. Aimo de Montfalcon, en 1505, ayant réparé et « accreu » la tour du clocher, la joignit à la nef dont elle était précédemment séparée par une rue.

En 1522, Sébastian de Montfalcon fit imprimer à Lyon un missel à l’usage de son église; il est intitulé : Missale ad usum Lausannensem de novo impressum cum multa diligentia correctum et emendatum et revisum per R. in Christo Patrem et Dominum Sebastianum de Montefalcone Episcopum Lausann. et Principem una cum suo venerabili capitulo. Expensis Gabrielis Pomardi impressoris et librarii Gebenn. Anno Dni MCCCCC XXII die vero prima mensis Julii.

Plantin fournit le texte complet d’une reconnaissance passée le 10 octobre 1518 par la ville et communauté de /46/ Lausanne en faveur de Sebastien de Montfalcon. (Cet acte a été imprimé dans les Mémoires et Documents de la Société d’histoire de la Suisse romande, tome VII, no C). Il donne aussi une copie de la lettre de combourgeoisie entre Lausanne et Lutry du 13 juin 1524, texte latin. (On trouvera une traduction de cette pièce intéressante dans les M. D. R., tome XXXVI, p. 27 et suivantes).

Notre auteur passe très rapidement sur l’alliance de Lausanne avec Berne en 1525 (M. D. R. tome VII, no CII). Il comprit sans doute que les Bernois ne tenaient point à ce qu’on rappelât leurs anciens serments, si peu respectés.

Mais voici le moment où ces alliés Lausannois ne sont plus guère que des sujets de la puissante république de Berne. La transformation est déjà complète que Plantin s’en doute à peine. « Comme en ce temps là, ditil, la lumière céleste s’espandoit en divers lieux de la Suisse, ceux de Lausanne, tant à cause des ennuis et fascherie qu’ils recepvoyent de leur Evesque, comme particulièrement à cause de la religion, se rendirent volontairement à L. E. de Berne, l’an 1536. — L. E. chassèrent l’Evesque (de la ville) et y plantèrent la religion réformée. » Puis plus loin : « Or, comme ceux de Lausanne se fussent entièrement soumis à l’obéissance de L. E., les articles suivans, entre autres leur furent accordés en novembre de la mesme année. » Cela dit, Plantin donne un extrait partiel de ce qu’on a l’habitude de nommer la Petite largition et tout est dit. On ne passe pas plus facilement d’un régime à l’autre.

En ce qui concerne la réforme religieuse, Plantin constate /47/ que, le 6 avril 1536 déjà, les nobles citoyens et bourgeois de Lausanne proclamaient la « liberté de conscience ». Une ordonnance de cette date portait entre autres : « Quod unusquisque libere et ad sui beneplacitum audire posset Evangelium et verbum Dei. »

« Item et equidem constitutum fuit quod quilibet libere et ad eius liberum arbitrium possit audire missam et aliud divinum officium more solito et pro ut hactenus ab antiquo fuit observatum. »

Le temple de la bienheureuse Marie Madeleine était attribué au culte nouveau (pro verbo Dei et Evangelio annunciando).

Le couvent des frères dominicains devait servir à la célébration de la messe 1 .

De la dispute de religion Plantin ne dit rien.

La dernière partie de la petite chronique est consacrée essentiellement au clergé réformé, à l’académie, au collège et, dans ce domaine, elle fournit un assez grand nombre de renseignements qu’on ne trouverait peut-être pas ailleurs. Des listes de Baillis, de Bourgmaistres, de Professeurs présentent aussi de l’intérêt. On sent du reste que l’écrivain ose à peine aborder les sujets qui pourraient déplaire en haut lieu. Relevons ce passage :

« L’an 1589, le Duc de Savoye, parmi les troubles de la France, s’estant saisi l’année précédente du Marquisat de Saluce, croyoit de subjuguer bien tost ses voisins. Il moleste ceux de Genève et entreprend sur Chillon, Vevey, Lausanne, Morge et Nyon. Il y eut particulièrement une conspiration découverte à Lausanne; de quoy ie n’ay ni veu ni entendu autres particularités ». Qui se /48/ douterait, sans la date, qu’il s’agit là de l’entreprise mouvementée d’Isbrand d’Aux; de Bouvier, le joyeux et spirituel compère qui mystifia si adroitement le bailli de Chillon; des frères Espaules, enfin, que Messieurs de Berne firent périr sur la roue ?

On voit, par ces quelques extraits, que le Petit chronique de Lausanne ne donne que ce qu’on pouvait attendre de son titre; son principal mérite est de montrer à quoi en étaient, au milieu du XVIIe siècle, les hommes les plus instruits de notre pays. Aujourd’hui, avec ce manuscrit, on touche du doigt le chemin parcouru.

Il paraît que le Petit chronique fut remanié un peu plus tard. Voici en effet ce qu’on lit dans les registres du conseil de Lausanne, à la date du 11 janvier 1676 :

« Spectable et savant Jean-Baptiste Plantin, ministre du saint Evangile de Lutry, ayant offert et dédié à nos honnorés Seigneurs un Livre qu’il a fait et composé avec grand soin, intitulé : Chronique de la ville de Lausanne, est remercié de la peine qu’il a prise et de la bonne volonté qu’il porte à ce Public, et prié d’agréer, pour une petite reconnaissance de ce travail, la somme de 330 fl., soit douze Louis d’or. »

 

LE POSTE DE SAVIGNY

Après cinq hivers passés à Château-d’Œx, J.-B. Plantin voulut se rapprocher de Lausanne, sans doute dans l’intérêt de sa famille et peut-être aussi dans celui de ses études historiques. Le poste de pasteur de Savigny étant donc devenu vacant, il le postula et l’obtint /49/ le 21 avril 1658 1. On voit qu’il y tenait les registres de l’état-civil dès le mois de mai suivant 2 .

Bientôt le nouveau venu dut s’apercevoir que ce changement de poste n’aurait pas pour lui les avantages qu’il en avait espérés. La paroisse de Savigny, comprenant aussi Forel, occupait sur le plateau du Jorat un vaste territoire qui, à cette époque, était encore couvert en partie de forêts et de fondrières. Le climat en était des plus rudes et l’âpre vent du nord n’y laissait croître que de maigres récoltes. Quelques hameaux insignifiants et de misérables cabanes, perdues dans de tristes solitudes, servaient de demeures à une population grossière, ignorante et superstitieuse. L’absence de voies de communication convenables laissait d’ailleurs ce coin de pays en dehors du monde civilisé. Même pour se rendre à Lausanne il fallait affronter un détestable chemin, plein d’ornières, et, aux abords de Rovéréaz, le casse-cou par lequel on était obligé de dégringoler jusqu’au fond du ravin de la Paudèze pour passer ce torrent à gué, ou sur de simples poutres, et gravir ensuite péniblement la roide côte opposée. En toute saison c’était un voyage; en hiver ce pouvait facilement devenir une aventure.

Jusqu’au commencement du XVIIIe siècle, le voyageur isolé courait d’ailleurs quelque risque en s’engageant sur le tard dans cette contrée inhospitalière. Il devait se méfier des brigands du Jorat et se tenir sur ses gardes.

Dans un rapport rédigé en 1764, Jérôme Nicolas Jaccoud, /50/ pasteur de Savigny, constate que la situation s’est quelque peu améliorée. « A mesure, dit-il, que les forêts disparaissent, les bêtes féroces en sortent. » Les mœurs des Joratiers sont toutefois encore « celles des peuples mal policés (rudis indigestaque moles). » Ces paysans sont « gros mangeurs, ivrognes, querelleurs, brutaux et fort peu respectueux du dimanche. Ils aiment la danse et ne montrent quelque talent que pour la vocation de ménétriers. Dans leurs travaux agricoles, ils suivent obstinément de vieilles routines et n’y ont rien changé depuis l’invention de la première charrue 1 . »

M. Jaccoud eût pu facilement signaler d’autres usages tout aussi fâcheux : Le pasteur de Savigny, comme tant d’autres, recevait une partie de sa pension en nature et, pour se faire de l’argent, en était réduit à vendre son vin en détail; la cure se transformait ainsi en une véritable taverne. Les registres du consistoire de cette paroisse laissent voir les nombreux inconvénients de ce mode de faire 2 .

Mais revenons à Plantin. Bien des fois, sous un ciel gris et bloqué par les neiges, le malheureux dut regretter la montagne, son bon soleil et ses pittoresques chalets. Pour se distraire, il reprit la plume et écrivit successivement, en français, une Description de la ville de Lausanne, puis, en latin, quelques pages intitulées : De antiquitate et origine lausannensis Episcopatus.

A la fin de ces deux opuscules, l’auteur exprime en un mot sa mélancolie, lorsqu’il dit : Atque haec sunt quae /51/ de Patria sua scribebat in eremo Sabiniaca, Aº. 1660, Johannes Baptista Plantinus verbi Domini minister. Pour lui Savigny n’était qu’un triste désert.

Il faut dire que Plantin se débattait alors au milieu de difficultés bien réelles. Les registres de la Cour des Appellations romandes nous apprennent en effet qu’il se trouvait engagé dans deux procès contre un nommé Jehan Dutruict de Rolle, sans qu’on voie exactement quel était l’objet du litige. Une première escarmouche eut lieu dans le courant de l’année 1658. Le 19 avril la cour baillivale de Nyon donna gain de cause à Dutruict. Plantin interjeta appel, mais, le 10 décembre, succomba encore, à Berne, et fut condamné à payer tous les frais.

En 1660 les hostilités recommencèrent de plus belle. Jehan Dutruict « demandait aux hoirs de feu spectable Michel Plantin, vivant régent au collège de Lausanne, l’abandon des biens procédés de feu spectable George Bovat, vivant ministre à Nyon. » Les hoirs Plantin, qui s’opposaient à cette demande, l’emportèrent cette fois de haute lutte, d’abord devant les Inférieurs de Prangins, ensuite par-devant le Seigneur Bailli de Nyon (18 janvier 1660), enfin, le 10 février suivant, à Berne. Il paraît que les plaideurs ne s’étaient point ménagés. La cour essaya de rétablir la paix en « enlevant tous propos injurieux profférez » et en décidant « qu’ils ne pourroient préjudicier à l’honneur et à la bonne réputation des parties 1 . »

Laissons-là ces querelles, trop fréquentes à cette époque, et revenons-en aux œuvres de Plantin. /52/

 

DESCRIPTION DE LA VILLE DE LAUSANNE

Le manuscrit ainsi intitulé n’est en somme qu’un petit guide de cette ville, l’aîné de tous ceux que la librairie a dès lors offerts au public. Mais Plantin n’en était pas encore réduit à montrer des rues et des avenues aussi banales que celles du XXe siècle. En 1660, Lausanne, avec ses murs d’enceinte encore complets, ses portes de Saint-Pierre, de Rive, de Saint-François, de Saint-Laurent, de Saint-Maire et cinq encore de moindre importance; avec ses vieux châteaux, sa cathédrale, ses autres temples, formait une accumulation de clochers et de tours des plus pittoresques. A côté de la porte de Saint-Pierre, on distinguait les traces de l’église de ce nom; dans le quartier de Saint-François, les ruines intéressantes du couvent des cordeliers abritaient un potier; à la Cité, près de la petite porte de Couvalou, le château de Menthon, qui n’avait été incendié qu’en partie en 1587, continuait à montrer ses deux tours massives à cinq étages; enfin le beffroi de Notre-Dame, que la foudre n’avait pas encore décapité, dressait contre le ciel « sa belle aiguille en pyramide. »

A l’extrémité occidentale du faubourg de l’Aisle de Saint-Laurent, « une belle et bonne tour ronde, construite en pierre de taille » et munie de ses quatre bretêches de défense, semblait défier les injures des hommes et du temps. Non loin de là, « parmi les prés, l’hospital de Saint-Roch » servait d’asile, en cas d’épidémie, aux malheureux pestiférés. On avait eu soin d’en restaurer la chapelle en 1527.

Plantin s’occupe successivement des cinq bannières de /53/ la ville, celles de Bourg, de la Cité, de la Palud, du Pont et de Saint-Laurent. Il énumère les édifices qu’il rencontre sur son chemin, fournit une date ou un petit renseignement historique, sans oublier surtout, dans les églises, les inscriptions tumulaires.

Aujourd’hui, les douze pages de ce travail se lisent avec intérêt et n’ont d’autre défaut que leur laconisme. Plantin les retoucha plus tard et les fit figurer dans sa Description particulière de la Suisse, mais en négligeant un ou deux détails. En 1863, M. Rod. Blanchet a eu l’excellente idée de reprendre le manuscrit primitif et de le donner, in extenso, dans son Lausanne dès les temps anciens.

 

DE ANTIQUITATE ET ORIGINE LAUSANNENSIS EPISCOPATUS.

Les trois uniques pages portant ce titre n’étaient sans doute que le commencement d’un travail que Plantin avait en vue, mais qu’il n’a pas poursuivi. Elles n’offrent rien de saillant et il n’y a pas lieu de s’y arrêter.

 

J.-B. PLANTIN,

DIACRE COMMUN A LAUSANNE ET GYMNASIARQUE DU COLLÈGE.

Plantin occupa la cure de Savigny pendant un peu plus de deux ans (avril 1658 à juin 1660) et c’est pendant ce temps qu’il fut élu actuaire, c’est-à-dire secrétaire de la Classe de Lausanne (1658) 1 .

Dans les assemblées de ce corps, chaque membre /54/ devait à son tour « rendre une proposition », c’est-à-dire prêcher devant ses collègues sur un texte donné d’avance. Le 1er juin 1659, Plantin reçut celui qu’il aurait à traiter : Saint Paul, épitre aux Romains, chapitre XI, verset 25. Il prononça son sermon l’année suivante dans la « congrégation ordinaire » qui eut lieu à Lausanne le 12 juin 1 .

La vénérable Classe apprécia sans doute l’éloquence de l’orateur, car c’est ce jour-là même (12 juin 1660) qu’elle lui confia la charge de Diacre commun de Lausanne, devenue vacante par le décès de M. David Blondet, et bien qu’il ne la postulât pas. Il fut décidé que ce nouveau poste ne lui serait pas compté comme un changement 2 .

Mais voici pour Plantin une nouvelle carrière qui s’ouvre, celle de l’enseignement, pour laquelle ses sérieuses études l’avaient bien préparé.

En 1663, un M. Jaques Combe, gymnasiarque ou régent de la première classe du collège, fut nommé pasteur de Lausanne, et il s’agissait de le remplacer. La charge restée vacante conférait au titulaire le droit de siéger dans le vénérable corps académique comme le dernier en rang; elle était importante et ne pouvait être remplie que par un homme de valeur. Plantin, dont on appréciait les connaissances variées, y fut appelé le 23 septembre 1663 3. Le bailli Bernard Tscharner présida à /55/ son installation, le 3 novembre suivant, dans la grande salle du Collège 1 .

C’est dans ses fonctions de gymnasiarque qu’en 1665 Plantin composa, en langue latine, un discours que le jeune Nicolas Tscharner, fils du dit bailli, débita le jour des promotions dans le grand temple (la cathédrale).

Le titre de ce morceau était Lausanna restaurata, sive brevis oratio de reformatione Lausannae, un thème qui pouvait facilement se prêter à toutes les intransigeances religieuses de cette époque. Le fougueux orateur n’a donc garde de ménager l’Eglise romaine, cette courtisane de la terre, cette maîtresse des rois. Avant la bienheureuse Réformation, apportée par LL. EE., elle avait à Lausanne, non des épiscopes, mais des aposcopes; non des docteurs, mais des séducteurs; non des pasteurs, mais des imposteurs !

Il semble qu’on entende encore les arceaux de la cathédrale répercuter l’écho de ces sonores objurgations. Heureusement toute cette rhétorique redondante et ampoulée, d’ailleurs dans le goût de l’époque, était du latin et passait par-dessus la tête du grand public.

Ant. von Tillier, dans son Histoire de la ville et république de Berne (t. IV, p. 495), laisse entendre que le véritable auteur de cette pièce académique serait, non pas J.-B. Plantin, mais bien le jeune Nicolas Tscharner lui-même, /56/ âgé alors de quinze ans, et dont il faudrait admirer le talent précoce !

Il nous plairait vraiment de savoir, d’une façon certaine, que Plantin est resté étranger à la rédaction de cette petite brochure 1 .

Après sa nomination comme gymnasiarque, Plantin alla occuper un appartement qui lui était sans doute attribué à raison de cette charge. Au nombre des propriétés de LL. EE. de Berne, en 1669, on voit en effet figurer : à la Cité une maison en laquelle demeure Mons. Plantin, Sieur principal au Collège, jouxte la charrière publicque d’orient, la place de noble et vertueux Abraham de Crousaz, seigneur assesseur baillival, dessus de bize 2 , les murailles et le bâtiment de la Cité d’occident et la place du collège de vent.

Ailleurs, on mentionne : « Le collège avec la place clos et fermé de murailles … jouxte la maison ou demeure Mr Plantin, principal, appartenant à LL. EE., de bise et la maison de spectable Jean-Pierre Dapples et Jaques Lovis Franc, régents au collège, du fied de LL. EE. avec la maison de Leurs dites Excellence, où demeurait M. le professeur Schenauer et la sortie du dit collège devers vent 3 . » Il apparaît ainsi qu’à cette époque Plantin /57/ occupait une partie du corps du bâtiment où se trouvait naguère la salle de lecture de la Bibliothèque cantonale. Le plan dressé en 1722 par Antoine Mischel Gignillat, nous apprend d’ailleurs que c’était bien là « le logement de M. le Principal. »

A ce propos, notons, en passant, que Jean-Baptiste Plantin acquit en propre, nous ne savons à quelle époque, une maison située non loin de là, à peu près en face du grand portail de la cour du collège, celle qui forme aujourd’hui, du côté méridional, l’angle entre la rue Cité-Devant et la rue de l’Académie. Il la possédait en 1670, ainsi qu’on le voit sur le plan Rebeur. En 1722, cette maison appartenait à son fils, M. le ministre David Plantin (Plan Gignillat).

 

ABRÉGÉ DE L’HISTOIRE GÉNÉRALE DE LA SUISSE.

Dès son arrivée à Lausanne, Plantin avait repris ses travaux avec un redoublement de zèle. En 1666, il fit publier, à Genève, chez Jean-Ant. et Samuel De Tournes, un nouvel ouvrage intitulé : Abrégé de l’histoire générale de la Suisse, avec une description particulière du Païs des Suisses, de leurs Sujets et de leurs Alliez. (814 p).

Comme son titre l’indique, ce livre est à la fois une histoire de la nation et une topographie du pays.

La première partie, consacrée à l’histoire, va des origines jusqu’au milieu du XVIIe siècle. Elle est divisée assez gauchement, en six livres :

I. L’ancienne Helvétie, d’après les auteurs grecs et latins. /58/

II. Des roys de Bourgogne soubs la domination desquels une partie de la Suisse a esté.

III. L’Etat de la Suisse après le décez du dernier roy de Bourgogne, soubs l’Empire.

IV. Du rétablissement de la liberté helvétique.

V. L’estat de la Suisse et des choses mémorables faites par les Suisses en l’espace d’environ cinquante ans. Et premièrement de la guerre de Bourgogne.

VI. L’estat de la Suisse depuis la Réformation jusqu’en 1634.

La seconde partie est consacrée à la description des 13 cantons ainsi que des pays et des villes qui s’y rattachaient alors à des titres divers. L’auteur les étudie, en général, bailliage par bailliage, au point de vue de la topographie, de la politique et de l’administration. Chemin faisant, il s’arrête avec une prédilection marquée sur tout ce qui a trait à l’épigraphie et il rassemble, il est vrai un peu pêle-mêle, un nombre très important d’inscriptions diverses, anciennes et modernes, dont plusieurs jusqu’alors inédites.

Ce nouveau livre, il faut le reconnaître, n’avait pas la valeur de l’Helvetia antiqua et nova.

En février 1666, le Journal des savants se bornait à l’annoncer et à en faire une rapide analyse.

Au XVIe siècle Haller 1 et Zurlauben 2 ne s’en montrent pas plus satisfaits l’un que l’autre. Pour eux cet abrégé de l’histoire suisse n’est en somme qu’une laborieuse compilation de Simler, de Munster, de Guilliman, de Stettler, etc. L’auteur de cet ouvrage, disentils, a sans /59/ doute beaucoup lu, mais son sens critique est fort peu développé. Les nombreux faits qu’il s’est borné à recueillir et à juxtaposer perdent de leur valeur par manque complet de coordination et d’enchaînement. Haller, en résumé, taxe l’ouvrage de médiocre et dit que, si l’on peut s’en servir, ce n’est que faute de mieux en langue française.

Au XIXe siècle la critique s’accentue encore dans le même sens. Tillier 1 répète Haller et constate que Plantin a, plus d’une fois, traduit les auteurs latins d’une façon peu compréhensible et a trop souvent défiguré horriblement les noms propres de personnes et les noms de localités. Préoccupé d’ailleurs de complaire à des lecteurs protestants, Plantin, dit-il, n’en finit jamais avec ses attaques contre les cantons catholiques. A partir de l’époque de la Réformation il perd décidément toute impartialité. Pour Tillier, l’Abrégé d’histoire suisse et la Topographie qui y fait suite n’eurent que peu de succès.

Un écrivain tout moderne, M. Virgile Rossel, dans son Histoire littéraire de la Suisse romande (tome I, p. 485), salue au passage le Vaudois Jean-Baptiste Plantin, le premier, dit-il, qui a mis en français les annales de la patrie suisse. Mais ce salut est assez dédaigneux. L’honnête Plantin a le ton du greffier plutôt que de l’historien; c’est par exemple avec le laconisme d’un procès-verbal qu’il consigne le plus grand événement du XVIe siècle (la Réforme). Pour M. Rossel, Plantin n’est ni un styliste, ni un érudit; son nom est peu connu et ses ouvrages le sont encore moins. A l’appui de cette exécution /60/ sommaire, M. Rossel cite quelques lignes qui, à première vue, paraissent concluantes. En y regardant de plus près, nous trouvons ces appréciations défavorables trop sévères. Aujourd’hui, sans doute, l’histoire de Plantin est de beaucoup dépassée et ce n’est certes pas là qu’il faut chercher des renseignements de première main; mais, si vieillot que soit ce livre, il n’en est pas moins d’une lecture attrayante, malgré certaines gaucheries et naïvetés. Le style, peu coulant et peu châtié, est volontiers pittoresque. Sous sa plume mal taillée, notre auteur sait trouver parfois des mots qui ne manquent pas de saveur. Relevons, par exemple, ce coup de bec donné à une maison princière trop remuante : c’est « le Savoyard qui ne laissa jamais passer brouillerie sans en vouloir estre. » Un jour les gens du duc, exécutant un complot perfide, tentent contre Genève une première entreprise, du côté de Saint-Antoine; ils sont repoussés avec grande perte et les voilà « grenouillans dans le fossé. »

Lors de l’escalade de 1602, les Savoyards « repassent les murailles plus vite qu’ils ne les avoyent montées. »

Ailleurs, pendant les grands troubles des Grisons, ce sont les cantons catholiques qui se montrent tout « embéguinés à l’Autrichienne ». Bien que cette Autriche « parle ordinairement fort haut », elle sait aussi user « d’astuce ». Dans une diète tenue à Baden, son ambassadeur « harangue en faveur de l’accord héréditaire des cantons avec la maison qu’il représente. Mais les mieux avisés ne se laissent point bercer de mots, voyant bien que ces amadouements sont deus au déclin des affaires de l’Autriche plustost qu’à une inclinaison franche /61/ envers le Corps helvétique. » Les Suisses estiment « qu’on estend trop le parchemin de cette alliance héréditaire et demeurent fermes en leur neutralité. »

Quant à l’Espagnol, il multiplie ses « caballes » et ne veut rien « desmordre de ses prétentions sur la Valteline. »

Le marquis de Cœuvres, puis plus tard le chevalier Roche, ambassadeurs de France, s’entendent à trouver leur voie au milieu de toutes les compétitions. Le premier fait si bien, qu’en dépit des obstacles, 3000 piétons, au service du roy, peuvent être « coulés par la Suisse », du côté des Ligues grises. Le second sait « visiter les cantons, tant réformés que catholiques. » A la journée de Baden il « offre l’amitié de son roy »; il est « admiré pour son éloquence. »

Lorsque Suédois et Impériaux guerroient sur les frontières, le long du Rhin, ils « font fumer hameaux et villages. » Parmi les partis qui se forment au cours de cette lutte, l’un « a l’œil au guet »; un autre « l’oreille sourde »; un troisième « mesnage ses coups »; plusieurs « sonnent leur affaire fort haut. » Tel, qui d’abord se montrait très entreprenant, devra tout à l’heure « saigner du nez. »

Au milieu de tout ce mouvement les Suisses sont trop souvent divisés par les questions confessionnelles, mais ce sont gens « constans en leur preud’hommie et généreux en leur simplicité. » Quand il le faut, « ils poussent le temps à l’espaule. » Une journée (conférence) particulière de certaines villes en « enfante une autre générale des 13 cantons. » Le Corps helvétique finira par surnager au sein de la tempête. » /62/

Dans cette Histoire abrégée de Suisse on pourrait, de page en page, piquer bien des jolis traits, qui résument une situation et font tableau. Sans doute le récit lui-même est souvent fort décousu, mais d’autres vieilles chroniques suisses ne sont guère meilleures.

La seconde partie du volume, intitulée : Description particulière de la Suisse et de ses alliés, fournit quantité de renseignements divers que les écrivains postérieurs ont fort bien su utiliser.

Pour rester tout à fait équitable, tâchons d’ailleurs de nous reporter aux temps déplorablement mauvais dans lesquels Plantin a vécu. Peut-être alors lui pardonnerons-nous, non seulement les lacunes que présentent ses ouvrages, mais encore un fâcheux moment de défaillance dont nous aurons malheureusement à parler par la suite.

 

LE MILIEU DANS LEQUEL PLANTIN A VÉCU.

Après avoir fait main basse sur le pays de Vaud, les Seigneurs de Berne comprirent que, pour s’en assurer la possession définitive, il était indispensable de le gagner à la foi nouvelle et d’élever ainsi, du côté de la Savoie catholique, une barrière infranchissable. Sous l’empire de ces préoccupations essentiellement politiques, ils se hâtèrent donc d’imposer la Réforme à leur nouvelle province et, au lendemain de la dispute de religion, ils créèrent à Lausanne la Schola lausannensis, qui plus tard prit le nom d’Académie. En 1540, ils adjoignirent à cette école un certain nombre de classes préparatoires qui, en se développant, devinrent le collège.

Dès l’origine ces deux établissements furent destinés /63/ à former pour les paroisses du Pays de Vaud une phalange de conducteurs spirituels disciplinés et dociles, et ils reçurent l’organisation spéciale qui convenait à ce but. Le programme d’enseignement ne fut cependant pas aussi étroit qu’on aurait pu s’y attendre, car des hommes tels que Conrad Gessner, André Zébédée, Mathurin Cordier, Pierre Viret, Théodore de Bèze et d’autres, tout imbus encore des idées de la Renaissance, étaient de taille à contre-balancer, au moins pour un temps, des visées politiques par trop exclusives.

Mais les puissants et redoutés Seigneurs de Berne entendaient bien rester, en définitive, les maîtres incontestés et absolus, même en matière d’école et d’église. Ils le firent voir dès que leur position se fut suffisamment affermie. Pour faire acte d’autorité, ils profitèrent d’une occasion très favorable qui ne tarda pas à leur être offerte.

A partir de 1542, le clergé du Pays de Vaud, s’inspirant de Calvin, avait fait des efforts réitérés pour obtenir, contre la corruption des mœurs, les armes qu’il estimait nécessaires; il avait sans cesse émis la prétention de soumettre l’Eglise à une discipline indépendante du pouvoir civil.

En 1558, Valier et Viret, pasteurs de Lausanne, accentuèrent ce point de vue, affirmèrent toujours plus nettement leur mission de juges spirituels et voulurent exclure de la sainte cène les membres de leur troupeau qu’ils estimaient indignes d’y prendre part.

On conçoit qu’un pareil droit d’excommunication pouvait facilement devenir dangereux pour l’Etat et qu’il /64/ n’était pas pour plaire à un gouvernement jaloux de son autorité souveraine.

Les Seigneurs de Berne refusèrent donc d’entrer dans les vues du clergé et, après avoir essayé sans succès de la persuasion et des remontrances, ils eurent recours aux grands moyens. Ils mirent à la porte Valier et Viret et ne craignirent pas d’infliger la prison aux membres de la Classe qui approuvaient la conduite des deux ministres récalcitrants et refusaient de les remplacer.

Bien que ce conflit eût un caractère essentiellement ecclésiastique, il mit en émoi tout le pays et s’étendit au collège et à l’académie. Les professeurs et les régents se rattachaient presque tous au clergé; ils prirent fait et cause pour les ministres et bientôt se réfugièrent avec eux dans la ville de Genève, qui leur ouvrait largement ses portes.

L’Académie de Lausanne fut à deux doigts de sa perte. On ne la releva et on ne la fit végéter, tant bien que mal, que parce qu’elle était nécessaire pour former, en pays romand, des serviteurs dévoués et toujours prêts à chanter, avec les psaumes de Clément Marot, les louanges de Leurs Excellences de Berne.

Sous un régime pareil, si contraire à tout développement humaniste, le déclin était fatal. Dès la fin du XVIe siècle il est manifeste, sinon complet, et les rares professeurs de talent qui, de temps à autre, viennent à Lausanne occuper une chaire ne parviennent que momentanément à rappeler quelque semblant de vie dans un arbre sans sève.

M. le professeur H. Vuilleumier montre excellemment tout cela dans sa savante esquisse historique intitulée /65/ l’Académie de Lausanne, 1537-1890 (Lausanne 1891). Sans cesser d’être indulgent pour ses devanciers, il eût pu présenter l’Académie du XVIIe siècle sous un jour moins favorable encore. Lorsqu’on lit les Actes des vénérables Classes, les registres des autorités de toute espèce, les manuaux des Conseils, les sentences rendues par les cours de justice, les actes de notaires, les rares mémoires du temps, et les livres de raison, l’insuffisance des résultats obtenus ne témoigne que trop de la pauvreté de l’enseignement.

En 1640 on essaya, il est vrai, de réorganiser le collège et l’académie, mais les règlements élaborés à cet effet laissent voir tout ce qui manquait à ces établissements, même après leur transformation. Sans insister sur d’autres lacunes, constatons que les nouveaux programmes ne donnaient aucune place ni à la géographie, ni à l’histoire, et que la grammaire et la littérature françaises étaient complètement laissées de côté. La langue maternelle était sans doute réputée vulgaire; un pasteur, pensait-on, en saurait toujours assez pour enseigner le petit catéchisme En qui crois-tu ? 1 , ou pour procéder aux « interrogats » dans des paroisses où l’on ne parlait guère que le patois.

A cette époque et pendant toute la domination bernoise, la seule perspective que pût avoir l’étudiant de l’Académie de Lausanne était une modeste cure de campagne 2. S’il cherchait à obtenir un poste de ville, une /66/ place de régent du collège ou s’il avait la hardiesse de prétendre à une chaire dans l’académie, il pouvait s’attendre à toutes les brigues et à toutes les jalousies; pour réussir, il devait apprendre à faire la révérence de la bonne manière et se prêter aux démarches les plus écœurantes. L’exemple paraît avoir été contagieux, car la route de Berne était sans cesse parcourue par des processions de solliciteurs de toute espèce. Une fois le but atteint, malheur à celui qui se fût permis de quitter l’ornière et de manifester quelque velléité d’indépendance. Messieurs de Berne ne connaissaient que la soumission; de leurs sujets ils exigeaient l’obéissance passive. Pénétrés de l’idée que toute émancipation intellectuelle porterait atteinte à leur prestige, ils s’efforçaient de maintenir le peuple dans une somnolente médiocrité.

Cette politique ne porta que trop vite ses fruits. Le XVIIe siècle fut pour le Pays de Vaud, dans tous les domaines, une ère de décadence matérielle, intellectuelle et morale.

Une administration mesquine et égoïste avait engendré partout la misère et plongé le pays dans le découragement. Dépourvus de moyens de communications faciles et sans intérêts généraux qui les rattachassent entre eux, les bailliages traînaient isolément une existence obscure.

De leur côté, les communes, trop souvent en conflit les unes avec les autres au sujet de questions matérielles /67/ parfois fort mesquines, dépensaient leur activité et leurs forces en procès interminables et coûteux, ou s’épuisaient en luttes intestines à propos d’usages et de privilèges surannés. Les citadins regardaient de très haut les gens de la campagne. Ceux-ci se défiaient des Messieurs de la ville. Partout des bourgeois vaniteux et égoïstes s’imaginaient que les biens communaux n’étaient qu’à leur seul usage : ils malmenaient les simples habitants et s’opposaient à l’arrivée des étrangers. Des querelles, sans cesse renouvelées, portaient de rudes coups à la prospérité du pays, mais, aux yeux du souverain, avaient le mérite de détourner les esprits de préoccupations politiques inquiétantes; elles n’étaient donc point pour lui déplaire. D’ailleurs les baillis recherchaieut tout ce qui pouvait augmenter leurs émoluments de justice. Sous un ton et des dehors paternels, les Excellences de Berne cachaient de très fins diplomates qui savaient à merveille diviser pour régner et profiter habilement de tous les antagonismes.

Dans ce régime aristocratique et autoritaire les pauvres sujets, privés de droits politiques et exclus de l’administration générale, n’avaient pas même la ressource des affaires pour se sortir de leur état d’infériorité. A cette époque en effet le Pays de Vaud ne possédait aucune industrie et le petit commerce que faisaient quelques villes, soumis à mille restrictions arbitraires et vexatoires, ne pouvait prendre un sérieux développement. Même la vente des produits du sol se voyait entravée par les ordonnances souveraines ou baillivales les plus incroyables. Le service militaire enfin n’était point une issue; longtemps il avait été interdit sous /68/ menace de peines sévères 1 ; il ne fut autorisé plus tard qu’au profit des bourgeois de Berne. Pour un infime sujet cette carrière aussi restait sans avenir.

Ainsi anihilée la population du Pays de Vaud ne sut malheureusement que se replier sur elle-même et ronger son frein en silence. La masse se résigna, s’endormit en une vie purement végétative et finit par se complaire dans ce sommeil. Beaucoup de gens demandèrent au vin l’oubli de leurs peines et ne firent qu’ajouter l’ivrognerie à tous les maux dont souffrait la patrie.

L’ignorance et la superstition s’ajoutaient à tout cela. C’est ainsi que des malheureux abattus par les revers, aigris par la morgue des maîtres et leur insatiable avidité, ouvrirent leur cœur ulcéré à l’envie, à la haine, à la vengeance, à toutes les mauvaises passions. Las d’un monde qui leur refusait tout et n’attendant plus rien, ni des hommes, ni de Dieu, ils cherchèrent appui et secours auprès des puissances infernales. Des cerveaux affaiblis par les privations, ou enfiévrés par les excès, virent facilement le diable en personne apparaître au premier appel et crurent réellement entrer en rapport avec lui. Il se trouva d’ailleurs, commme toujours, des gens sans scrupules qui, dans de ténébreux desseins, surent intervenir au moment opportun et entretenir, par de coupables manoeuvres, ces dispositions d’esprit maladives. Il ne leur fut pas difficile de se transformer en /69/ diables rouges, verts ou noirs, de faire miroiter l’or, de prodiguer les promesses fallacieuses, d’obtenir la conclusion de pactes horribles. Pour mieux accréditer leur puissance, ils laissaient sur le corps de leurs dupes quelque trace indélébile. C’était « la marque ». Qui saura jamais combien de véritables criminels, restés cachés et impunis, parvinrent, par de semblables machinations, à satisfaire des animosités personnelles, ou à assouvir des passions inavouables en d’infâmes débauches.

Pendant plus d’un siècle le pays de Vaud se crut sous le mauvais œil et sous le pouvoir infernal des sorciers et des sorcières. Des animaux domestiques, même des hommes, périrent sans doute, de temps à autre, par le poison, beaucoup moins toutefois que ne le prétendit la rumeur publique; mais, sous le coup de l’épouvante, tout événement imprévu, tout décès subit furent bientôt attribués à quelque redoutable sortilège.

La peur qu’inspire un danger inconnu et mystérieux l’emporte toujours sur celle que fait naître un péril immédiat et réel. D’ailleurs, comme les maladies du corps, celles de l’âme peuvent être contagieuses. Dans tout le pays, de la plaine à la montagne, se propagea une épouvantable épidémie morale qui frappa d’aberration ceux-là même que leur position sociale, leurs études et leurs connaissances auraient dû rendre circonspects et moins crédules que la foule ignorante. Une inquiétude vague et de folles craintes s’emparèrent de chacun; les regards devinrent mauvais, le soupçon s’implanta dans les esprits et bientôt les imaginations surchauffées ne virent partout que sorciers et sorcières occupés à trafiquer de leur /70/ âme, à danser en rondes infernales dans les lieux écartés et à pratiquer leurs maléfices sur hommes et bêtes. Dans l’affolement général les plus timorés voulurent à tout prix se défendre et entraînèrent l’opinion publique dans ce sens. Ce fut alors le temps néfaste des dénonciations anonymes, des enquêtes secrètes, des cachots ténèbreux, de la torture, des condamnations précipitées et, comme dénouement fatal, la flamme des bûchers. Dans ces lugubres tragédies, des magistrats inconscients n’avaient point horreur du rôle qu’ils se prêtaient à jouer. Même les ecclésiastiques, appelés à « consoler » les misérables hallucinés sur lesquels le bourreau avait déjà la main, en prenaient l’habitude. A lire leurs mémoires il semble qu’ils remplissaient leur mission d’un pas fort tranquille.

Plantin vit tout cela. C’est pendant qu’il était pasteur du Mont que les 2, 3 et 4 mars 1652, sur l’ordre de Leurs Excellences, un synode assemblé à Lausanue, et dont il fit sans doute partie, s’occupa exclusivement du « crime abominable de sorcellerie, de ses causes et des remèdes à y apporter.»

Dès l’abord « la vénérable Compagnie » déclara « estre dans la croyance qu’en ce fait le diable travaillait sur plusieurs esprits faibles, qui avoient l’imagination blessée par diverses illusions que telles personnes prenoient pour vérité et réalité. A raison de quoi la Compagnie trouvoit convenable qu’il fut porveu aux moyens par lesquels les magistrats, agissans avec prudence et exacte circonspection, pussent recognoistre le vray d’avec le faulx, afin que nulle personne ne fût injustement opprimée. »

Le Synode, recherchant les « causes du crime de sorcellerie », /71/ les trouve dans « l’ignorance profonde et crasse du peuple », l’insuffisance manifeste de l’enseignement que certains pasteurs donnent à leurs troupeaux; l’impunité dont profite le vice, etc.

Les « remèdes » proposés étaient, en résumé, les suivants :

1. Il fallait user de plus de sévérité dans l’admission des candidats au saint ministère; ne plus tenir compte d’aucune recommandation, n’accorder désormais aucune faveur.

2. N’accepter dans le clergé que des hommes d’une réputation irréprochable et dont personne ne pût repousser les réprimandes et « fermer la bouche », en rappelant les « crimes (de sorcellerie ou autres) commis par leurs parents ».

3. Interdire aux pasteurs de « s’habituer en procès, ainsi que l’expérience a fait voir que plusieurs jusques ici y ont esté trop attachez ». Il s’agissait non seulement des pasteurs qui entreprenaient des procès pour leur propre compte, mais aussi et surtout de ceux qui se mettaient à rédiger pour des tiers des pièces de procédure 1 .

4. Recommander aux prédicateurs « d’user de termes simples et hors de toute affectation de langage et allégories recherchées; de ne s’arrester point à des questions vaines et curieuses;… » de s’en tenir aux doctrines contenues dans les saintes écritures; d’attirer l’attention de leurs ouailles sur « la puissance et les ruses de Satan, /72/ sur les moyens par lesquels il séduit les hommes et les précipite dans le malheur »; leur apprendre comment on peut lui résister.

5. Il importe d’adopter « une prière saincte, uniforme partout, formée sur ce sujet (la sorcellerie) et prononcée és temps et lieux que Leurs Excellences ordonneront. »

6. On doit multiplier les catéchismes, les instructions simples et familières et contraindre chacun à y assister. On se servira de l’Abrégé du catéchisme de Heidelberg ou de tel autre qu’il pourra plaire à Leurs Excellences d’introduire.

7. Il conviendrait d’augmenter le nombre des paroisses de telle sorte que certains ministres n’aient plus à desservir « trois, quatre, voire en aucuns lieux cinq églises. » Les « surveillants et inspecteurs » établis dans les villages pour réprimer « l’impiété, les juremens et exécrations ordinaires en la bouche de plusieurs » ne sont pas à la hauteur de leur tâche, car « l’expérience fait voir que telles personnes vivent pour la plupart comme les autres. »

8. On suppliera Leurs Excellences d’établir « tant és villes qu’ès villages, des maistres d’escholles, gens de probité bien recogneue et ayant l’authorité non seulement d’enseigner à lire et prier Dieu, mais aussi de corriger les mœurs par censures, répréhensions et dénonciation des défaillants. » Il est en effet « imposssible aux ministres d’instruire ès plus bas rudiments de la foy et religion, ni aussi d’enseigner à lire et prier le grand nombre de petits enfans qui se rencontrent en toutes les églises. »

9. Il faut infliger des punitions sévères aux hommes /73/ qui n’ont à la bouche que « jurements, exécrations, imprécations et constamment réclament le diable. » De même ceux qui « usent de maugréemens et despitent le nom de Dieu. »

10. Les pasteurs doivent sérieusement réprimander ceux de leurs paroissiens « qui sont possédés de l’esprit de haine, d’envie, du désir de vengeance; » de même, les larrons, les paillards, les adultères, car ce sont ces gens-là que le diable attire pour leur faire commettre « ce crime énorme dont il s’agit. » (Celui de sorcellerie).

11. Il faut prendre des mesures pour empêcher la profanation du jour du repos.

12. Les consistoires devraient avoir des séances plus fréquentes. On suppliera le Souverain d’interdire aux baillis de faire comparaître ces corps en justice pour rendre raison de leurs sentences. Les censures qu’on leur inflige parfois en public énervent l’autorité dont ils ont besoin.

13. Les juges et assesseurs des consistoires ne sont malheureusement pas toujours des gens « probes, graves et pieux. » Ils ne sont pas exempts de tout reproche de « corruption » et trop souvent, dans l’exercice de leurs fonctions, acceptent « des dons » et tombent ainsi en un vice énorme et criant 1 . »

14. « C’est la povreté qui jette plusieurs personnes dans le crime de sorcellerie en tant qu’elle produit du /74/ « désespoir. » Les pasteurs doivent s’appliquer à visiter et consoler leurs ouailles affligées par pertes de biens, par procès, incendies, mortalité de bétail ou autres malheurs, » afin de « prévenir les machinations et efforts de l’ennemi des hommes. »

15. « Parce que la povreté est souvent produite par la perte des procès, Leurs Excellences sont priées enjoindre aux magistrats de rendre bonne et briefve justice, surtout aux idiots et povres, » en conformité du mandat promulgué à ce sujet.

16. « Les causes d’injures opiniastrement poursuivies par procès civils » provoquent la ruine de beaucoup de personnes. Le Synode demande que les consistoires puissent seuls prononcer sur ces causes-là.

17. Ces consistoires doivent rechercher et poursuivre plus soigneusement qu’ils ne l’ont fait du passé « les concussionnaires, les monopolaires et oppresseurs des povres. »

18. Il importe « que les offices (charges publiques) ne soient pas vendus; » que d’ailleurs on n’y appelle pas des « personnes mal qualifiées et sujectes à beuveries. »

19. « Les compositions secrettes des bamps, par le moyen desquelles le povre est foulé, doivent être interdites. Il ne faut pas non plus que l’on fasse perdre pièces de terre pour peu de fait. »

20. On doit nommer des tuteurs aux orphelins et exiger d’eux des redditions de comptes. Il faut empêcher que les mineurs soient « foulez de despens. »

21. « Qu’il plaise à Leurs Excellences enjoindre que l’abus en somptuosité et forme d’habits ne soit toléré. »

22. « Qu’il leur plaise encor enjoindre à leurs commissaires /75/ d’user de plus de modération envers les povres. »

23. « Que les fainéants et débauchez qui dissipent leurs biens en tavernes et envoient leurs enfans aux aumosnes soient contraints de travailler; que s’ils ne s’amendent ils soyent envoyés en quelque discipline et occupez en quelque vocation. Et que les pères et mères procurent l’instruction de leurs enfans et leur apprennent des mestiers en aage convenable à défaut de ce soyent chastiez. »

24. « Qu’il plaise à Leurs Excellences de ne pas suporter les charlatans et joueurs de passe passe parce qu’ils espuisent le pays d’argent, avec grand scandale et desbauche de la jeunesse. »

25. Lorsque les sorciers et autres criminels sont réduits dans les prisons, il arrive parfois de lamentables accidents (des suicides). Il faut que les geoliers visitent fréquemment les détenus et les signalent aux pasteurs. Ces derniers ne peuvent « instruire et consoler les criminels destinés à la mort et les y préparer convenablement », s’ils ne sont appelés à remplir cette tâche « qu’une heure ou deux avant le supplice, ce qui arrive communément. »

Sur toutes ces matières, si obscures et si embarrassantes, les opinions étaient d’ailleurs très partagées. En 1600 déjà les pasteurs de la Classe de Morges estimaient que pour combattre la superstition il fallait « instruire la jeunesse, » mais ils se hâtaient d’ajouter que c’étaient « les tavernes qui apportaient et attiraient ce malheur des sorciers. » Ainsi, à leur avis, l’ivrognerie jouait le rôle prépondérant dans la question.

En 1653, la vénérable Classe de Lausanne émettait /76/ sur le fond du sujet une manière de voir sensiblement différente de celle qui avait prévalu dans le synode de l’année précédente : « Il est hors de doute, disait-elle, qu’il y a plusieurs illusions et prestiges en ce dont les sorciers ou sorcières font confession, ce qui devra bailler juste occasion aux juges et justiciers de différencier les choses possibles d’avec celles qui ne le sont pas. Nonobstant cela, est à regretter l’assertion de ceux qui tiennent que les pactes malheureux que cette sorte de gens font avec le Diable, ne sont qu’en imagination. Il n’y a que trop de réalité en la marque satanique que le Diable leur imprime par attouchement; par raison bien déduite des Saintes Escriptures et analogie de la foy, l’on en peut tirer preuve suffisante et asseurée. »

Au milieu de toutes ces discussions, le gouvernement restait perplexe. Quatorze ans après le Synode de Lausanne, il fit enfin distribuer aux pasteurs du pays de Vaud un petit livre intitulé : Instruction familière touchant les moyens de résister aux tentations du diable. Composé et imprimé par le commandement de LL. EE. de Berne. Imprimé par Georges Sonnleiter, l’an 1666. (47 p. in12 1 ). C’est ce qu’on appelle communément le Catéchisme touchant le sortilège. Tiré, parait-il, à 600 exemplaires, il est aujourd’hui fort rare.

Malgré ce catéchisme on vit dans le pays de Vaud des sorciers et sorcières jusqu’à la fin du XVIIe siècle. Il est vrai que les cours de justice commencèrent à les punir d’une façon moins inhumaine que précédemment. /77/

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Avec les sorciers, le XVIIe siècle vit apparaître aussi les bandes faméliques de mendiants, de gueux, de rôdeurs, de vagabonds, de gens sans aveux et de bohémiens. Tout ce que Leurs Excellences de Berne surent essayer pour en débarrasser le pays fut l’organisation périodique de battues générales pour lesquelles la population de tel ou tel bailliage était mise sur pied, à jour fixe, afin de traquer la racaille comme on faisait du loup.

Les malheureux déshérités, objets de ces chasses sauvages, se hâtaient de fuir au plus profond des bois, mais ne pullulaient que davantage encore. Le fouet, le pilori, le carcan ne purent en avoir raison. Pour signaler ce gibier à la vindicte publique, on finit par le marquer au fer rouge, ou par lui couper les oreilles 1 .

C’est de tout cela que naîtront bientôt les brigands. Au commencement du XVIIIe siècle, ils infesteront les routes et seront la terreur du pays. On les verra, endurcis et cyniques jusqu’à la mort, se rire du gibet, braver la torture et la roue 2. /78/

Telle est l’époque tourmentée de Plantin et le triste milieu dans lequel il a vécu. Celui qui voudra bien y réfléchir et en tenir compte fera grâce à l’écrivain de toutes ses imperfections, pour songer plutôt aux efforts persévérants qu’il a dû faire et aux difficultés qu’il a surmontées.

Pour juger l’œuvre de Plantin, n’oublions pas que cet auteur a devancé Ruchat de quarante ans et Loys de Bochat de près d’un siècle 1 .

 

LE POSTE DE LUTRY.

Après avoir dirigé pendant plus de dix ans le collège académique en qualité de gymnasiarque ou de principal, Plantin, sans doute fatigué, se démit de cette place et la laissa à M. David Constant, jusque-là ministre à Coppet 2. Désirant reprendre la carrière pastorale, il postula la cure de Lutry, devenue vacante par le décès du doyen de Saussure, et, à cette occasion, se trouva de nouveau en concurrence avec ce même M. Crostel sur lequel, en 1651 déjà, il avait emporté le poste du Mont et de Romanel.

Cette fois-ci encore la Classe unanime manifesta clairement ses préférences en faveur de M. Crostel, pasteur à Vevey depuis quinze ans et qui s’y était fait apprécier. Mais Plantin, qui n’avait été présenté que « par obéissance », c’est-à-dire sur ordre positif venu de Berne, /79/ sortit vainqueur de la lutte, pour la seconde fois, et fut élu pasteur de Lutry le 12 janvier 1674 1 .

A peine installé dans sa cure, Plantin eut avec la famille de son prédécesseur, les hoirs de Saussure, des difficultés de succession qui furent remises, conformément à l’usage, à des frères arbitres et terminées par eux en 1675 2 .

En 1676, Jean-Baptiste Plantin et son fils Jacob étaient en procès avec un sieur Daniel Fichaulaz, ancien régent de IVe Classe au collège de Lausanne, au sujet d’une pension que ce dernier leur réclamait pour l’abandon à eux fait de ses biens. Ce vieux régent faisait à cette occasion des plaintes amères. Il aurait tant voulu avoir une servante, « qui eût esté d’humeur à le soulager dans ses infirmités, » et voici que les Plantin lui avaient supprimé ce secours si nécessaire 3 .

Le 6 septembre 1676, on trouve encore Plantin en conflit avec ses paroissiens à propos de l’inobservation par lui du règlement sur les bans de vendange 4 .

Ces démêlés regrettables témoignent d’un caractère tout au moins entier et difficile. D’ailleurs Plantin allait /80/ être chargé de griefs autrement sérieux. C’est ici en effet que se place une sombre tragédie qui remplit de consternation tout le pays et dont quelques éclaboussures rejaillirent jusque sur le pasteur de Lutry.

 

UN CRIME RETENTISSANT.

En 1676, la paroisse de Savigny était desservie par le pasteur Jean-Jaques André 1 , célibataire ou veuf, signalé autrefois pour s’adonner avec trop de passion à la chasse. Il vivait seul à la cure avec Pernette Daccord, de Lutry, sa servante, et une petite chambrière de 14 ans, Marie-Madeleine Bailly, de Boussens, qu’il élevait par charité, mais dont il s’occupait fort peu.

Ces deux femmes, point surveillées, entrèrent en rapport avec un certain Jean-François Crot, le jeune, de la paroisse de Villette, qui venait à la cure pour les travaux du jardin; elles prêtèrent l’oreille à ses discours déshonnêtes, puis finalement, comme le porte une petite chronique contemporaine, « paillardèrent longtemps avec lui. »

Crot avait peut-être été dans quelque service militaire étranger et s’y était perverti, car il parlait avec un grand cynisme des bonnes pilleries auxquelles on pouvait impunément se livrer en temps de guerre. Cet homme méprisable était marié, mais insinuait qu’il pourrait se défaire de sa femme pour épouser la fille Daccord. Souvent aussi il faisait allusion aux sacs de pistoles qui devaient se trouver à la cure et proposait froidement de mettre à mort M. André pour s’en emparer. Les deux /81/ servantes se récriaient sans doute, mais d’une façon assez molle et sans discontinuer leurs rapports avec leur dangereux séducteur.

Le 21 mai 1676, ces femmes veillaient à la cuisine d’enbas, tandis que le pasteur André, qui avait fait accidentellement une chute, gisait blessé au lit dans la chambre voisine 1. Il était fort agité et appelait fréquemment la fille Daccord pour la gronder. Crot, qui était entré par une fenêtre, survint à ce moment-là, recommença ses indécentes privautés et, entendant geindre le malade, fut tout aussitôt d’avis qu’il fallait l’achever. C’est dans ces funestes dispositions que les trois complices furent se coucher ensemble à l’étage. Pendant la nuit, Crot redescendit seul pour mettre à exécution son exécrable dessein. Il frappa le pasteur André à la tempe, lui fit une large blessure et le laissa sans vie sur sa couche. Le lendemain, tout désappointé de n’avoir pas trouvé le trésor qu’il convoitait, il distribua aux deux domestiques quelques batz sur lesquels il avait mis la main et avec elles chercha à faire disparaître les traces du crime en lavant le lit et le plancher maculés de sang. Ces trois misérables s’efforcèrent d’ailleurs de maintenir artificiellement quelque chaleur dans le cadavre pour faire croire, plus tard, à une mort naturelle. Ce ne fut que le jour suivant qu’ils appelèrent les voisins, criant bien haut que M. le ministre en était à sa dernière heure.

Mais ces manœuvres impudentes n’eurent pas de succès. /82/ Les personnes qui bientôt pénétrèrent jusqu’auprès de l’infortuné pasteur le trouvèrent assassiné, ou, comme dit la chronique, « cruellement meurtry; spectacle terrible et choze inouie, mesmement entre les Infidelles et les Turcs 1 . »

Les auteurs de ce crime ne tardèrent pas à être appelés devant la justice. Crot, impénitent jusqu’au bout, « soutint le droit impérial, » ce qui signifie peut-être qu’il supporta tous les degrés de la torture en persistant dans ses dénégations. Il n’en périt pas moins sur la roue.

Quant aux deux femmes elles avouèrent leur affreux forfait avec des marques de repentance. Le tribunal de la rue de Bourg condamna la petite Bailly à la décapitation, mais en la recommandant à la clémence du Souverain, à raison de son jeune âge. Leurs Excellences de Berne lui firent grâce de la vie et prononcèrent contre elle le bannissement perpétuel.

Le tribunal fut plus sévère pour Pernette Daccord. La sentence portait qu’attachée au « congrens » elle aurait le bras droit rompu, puis que l’exécuteur de la haute justice lui baillerait le coup de mort.

La malheureuse fille était enceinte, ou feignit de l’être, pour retarder son supplice. Provisoirement elle fut incarcérée dans l’hôpital de Lausanne 2 .

C’est ici que nous devons revenir à Plantin. /83/ En qualité de pasteur de Lutry, il vint voir Pernette Daccord, sans témoin, et fut pris d’une grande pitié pour elle. Vaincu par ses pleurs ou même, affirma-t-on, séduit par ses artifices et ses charmes, il la fit échapper de prison. Plus tard il aurait cherché à acheter son silence par l’offre de 400 florins.

A la suite de deux procédures instruites au sujet de cette triste affaire, Plantin fut destitué 1. Le 21 mars 1677, Messieurs de Berne, toujours pratiques, le frappèrent en outre d’une amende de 800 florins au profit … de leur arsenal 2  !

La Classe de Lausanne, réunie le 18 avril 1677, adressa à ses très illustres, hauts, puissants et souverains Seigneurs de Berne la lettre de mortification que voici :

« Nous sommes extraordinairement affligés de la scandaleuse chute de maistre Jean-Baptiste Plantin, l’un des membres de nostre corps, ayant esté si lasche que de commettre une action tellement indigne de son charactère qu’elle a donné juste sujet à Vos Excellences de la chastier en la manière qu’elles ont fait. Ce qui apprend, à nous les Pasteurs aussi bien qu’aux autres, que nous devons nous défier de nous mesmes et implorer à toute heure la grâce et l’assistance du Saint-Esprit, pour ne rien faire qui ne réponde à une charge si sainte et si sacrée que Dieu et vos Excellences nous ont confiée.

» Pour donc obéir au commandement de vos Excellences et procéder à l’élection d’un pasteur pour l’Eglise de Lustry, vacante, nous nous sommes extraordinairement /84/ assemblés, et, après l’invocation du nom de Dieu et la lecture du canon apostolique, nous avons nommé Maistre Abraham Crostel, l’un des pasteurs de Vevey, comme estant reconnu doué d’excellents dons et fort capable de faire cette charge, après celle du ministère de Vevey, qu’il a exercée fidèlement l’espace de 18 ans, et comme ayant déjà esté nommé unanimément pour la dite Eglise de Lustry lorsqu’il pleut à Vos Excellences d’y establir le dit Plantin1  »

La Classe, qui si souvent avait vu ses nominations de pasteurs « renversées » à Berne de la façon la plus arbitraire, n’était point fâchée de décocher ce trait (que nous soulignons ici) et de prendre, en passant, sa petite revanche.

Le même jour, 18 avril 1677, MM. Duflon et Bavaud, successivement diacres à Lutry pendant que Plantin y était premier pasteur, firent rapport au sujet de plaintes accessoires formulées contre ce dernier et à teneur desquelles il aurait fréquenté le logis public, négligé les malades et cédé trop souvent la chaire à d’autres.

Les deux diacres déclarèrent que ces accusations-là n’étaient pas fondées. La Classe, touchée des malheurs d’une famille désormais sans ressources, avait, précédemment déjà, laissé à Mme Plantin le quartier de pension échu depuis la déposition de son mari.

Hâtons-nous de dire que toute cette lamentable histoire paraît n’avoir pas été définitivement éclaircie et que la conduite de Plantin fut peut-être plus imprudente que coupable. Par les manuaux du conseil de Lausanne, on voit que Pernette Daccord, incarcérée dans les prisons /85/ du château, avait été transférée à l’hôpital pour y rester jusqu’à ce qu’elle fût « délivrée de son fruict », mais qu’elle était parvenue à s’évader. Il n’est fait aucune allusion à Plantin. C’est au contraire une servante, Barbille Besson, qui non seulement fut accusée d’avoir facilité la fuite de la détenue, mais fut même torturée pour ce fait, condamnée, puis expédiée à Berne pour « y être mise aux sonnettes, » à la maison de détention 1. D’ailleurs, une fois rentré à Lausanne, l’ancien pasteur de Lutry protestait de son innocence et affirmait être victime de fourbes et de méchants délateurs 2 .

Il est certain aussi, chose singulière, que Plantin n’avait pas perdu toute considération, ou qu’il pouvait faire appel à de bien puissants protecteurs. Le 23 juillet 1677 déjà Leurs Excellences voulant, disaient-elles, le mettre en mesure de faire valoir les talents que Dieu lui avait départis, l’autorisèrent, par lettre souveraine en due forme, à donner, deux fois par semaine, des leçons publiques d’histoire.

Cette autorisation ne devait d’ailleurs s’entendre que d’un simple cours occasionnel; elle n’emportait aucune rétribution officielle et ne conférait surtout aucun droit de séance à l’Académie 3. /86/

 

PETIT CHRONIQUE DE LA VILLE DE BERNE.

J.-B. Plantin utilisa ses loisirs forcés pour composer son dernier ouvrage intitulé : Petit Chronique de la très illustre et florissante ville de Berne, ou abbrégé de l’histoire de cette ville depuis sa fondation, selon l’ordre des temps 1 .

Plantin dédia ce livre aux hauts, illustres, puissants et Souverains Seigneurs les Advoyers, Thrésoriers, Banderets et Sénateurs de la République de Berne et obtint l’autorisation de le publier, après retranchement de certains passages qui auraient pu blesser les Soleurois 2 .

Cet opuscule, qui parut à Lausanne en 1678, est aujourd’hui fort rare, mais c’est à peu près son seul mérite. A. von Tillier le qualifie tout net d’insignifiant 3 .

Plantin, sous le coup de sa fâcheuse aventure, cherchait évidemment à rentrer dans les bonnes grâces de ses puissants Seigneurs. Dans une préface ampoulée, il célèbre avec complaisance la splendeur de la ville de Berne, l’aspect monumental de ses édifices et n’a garde d’oublier l’étonnement du voyageur Patin 4 , qui y voyait la demeure d’un peuple de rois ! Faisant sans doute une allusion discrète à ses circonstances personnelles, l’auteur /87/ demande que « les magistrats portent l’image de Dieu en ses deux vertus admirables, la justice et la clémence »; c’est à cette dernière apparemment qu’il fait appel.

 

J.-B. PLANTIN RÉGENT DE QUATRIÈME, DE SECONDE, PUIS DE PREMIÈRE CLASSE DU COLLÈGE DE LAUSANNE.

Plantin, dans son dernier livre, avait su tout au moins distribuer de droite et de gauche des coups d’encensoir. Il ne perdit point sa peine. Un an et demi ne s’étaient pas encore écoulés depuis sa destitution que déjà il rentrait en faveur. Le 21 août 1678, en effet, Daniel Imoff, bailli de Lausanne, lui fit conférer par l’Académie la place de régent de la quatrième classe du collège devenue vacante par suite de la maladie et de la démission de Christophe Roch. Le 23 août le recteur, Jacob Gérard Des Bergeries, installa solennellement le nouvel élu 1 .

Une fois remonté en selle, Plantin n’était pas homme à rester longtemps aux derniers rangs; il le fit bien voir en 1681, lorsqu’il s’agit de remplacer le régent de seconde, un M. Blanchet, qui ne savait plus maintenir le bon ordre dans sa classe.

A cette occasion les pasteurs de Lausanne et les professeurs de l’Académie écrivirent à Berne une lettre dans laquelle ils disaient entre autres : « Nous avons tout sujet de rendre très humble grâce /88/ à Vos Excellences du soin paternel qu’il leur pleust de prendre pour le bien du collège et singulièrement pour le restablissement de la discipline qui s’y estait affoiblie des quelque temps…. Nous eussions véritablement souhaité de pouvoir suivre l’ordre et nommer à la vacance de la seconde classe, qu’il a pleu à Vos Excellences de changer, celui qui suit en ordre, qui est le Sieur Dapples, personnage d’une condition très ample et qui a servi plus de quarante ans en la troisième classe, et ensuite le Sieur Plantin, à présent régent de la quatrième, aussi fort scavant et assez cognu de Vos Excellences, et ainsi consécutivement; mais, comme le principal dessein de Vos Excellences et nostre désir est de remettre en estat une légitime discipline, qui a esté l’unique deffaut du Sieur Blanchet, non celuy d’érudition en laquelle il ne cède pas aux autres, et que le mesme deffaut est aux susdits Sieurs Dapples et Plantin, l’expérience du passé et leur propre adveu le vérifie, et qu’ainsi ce changement seroit inutile et point édifiant, nous nous sommes sentis obligés de jetter les yeux ailleurs. »

Après ce préambule, quelque peu filandreux, l’Académie fournissait une liste d’hommes « scavants », tous capables de remplir la place à repourvoir. C’étaient :
MM. Hollard, pasteur à Agiez,
Cotturied, pasteur à Payerne,
Mestral, pasteur à Dennezel,
S. Niusperlin, impositionnaire de la vénérable Académie de Berne.
Enfin et surtout M. Le Clerc, pasteur à Bercher, qui possédait toutes les qualités voulues et offrait par son caractère et son passé les plus sérieuses garanties. /89/

Cette lettre, signée par Jérémie Currit, recteur, est conservée aux archives cantonales. Elle porte la date du 12 août 1681. Au bas on lit ces mots, aussi autoritaires que laconiques :

Plantin erwehlt. R. M.
17 Aug, dito. p. 186
1 .

C’est ainsi que les ordres venaient de Berne et il ne restait qu’à obéir. Jean-Baptiste Plantin, élu régent de seconde, fut donc installé comme tel le 9 septembre 1681. En consignant ce résultat dans ses Acta, l’Académie ne put cacher quelque dépit. Après avoir rappelé ses présentations et les motifs qui les avaient dictées, elle ajoutait : His omnibus neglectis, D. Plantinus electus est a Sup. Mag. 2 .

Trois ans plus tard (1684), Plantin fit un nouveau pas en avant, lors d’une transformation importante que subit alors le collège.

Les huit classes que comptait cet établissement étaient réduites à sept, la première en étant détachée pour former un auditoire spécial, celui d’éloquence.

M. Le Clerc, régent de l’ancienne première classe, mis à la tête de ce nouvel auditoire, prenait titre et rang de Professeur, mais conservait la direction du collège, le principalat. Jean-Baptiste Plantin devenait ainsi régent de la nouvelle première classe et s’appelait Bachelier (primus Ludimoderator) 3. Il n’obtenait toutefois pas le /90/ droit qu’il avait naguère (1663), comme Gymnasiarque, de siéger en séance académique 1 .

Un M. Dapples, précédemment régent de la troisième classe, était, à son tour, promu régent de la nouvelle seconde et ainsi de suite, apparemment, de ceux qui le suivaient.

Dans ce grand remue-ménage la question du rang avait sans doute de l’importance, mais celle du montant de la pension touchait chacun de plus près encore. Sur ce terrain-là le professeur d’éloquence avait, paraît-il, mis en œuvre toutes les ressources de sa dialectique pour se faire attribuer à la fois le traitement de professeur et celui de principal du collège.

Il s’éleva à ce sujet des jalousies, des réclamations et une polémique qui ne se termina pas sans rancune. Une lettre de M. Merlat, recteur de l’Académie, aux illustres et puissants Seigneurs de Berne, datée du 18 juin 1685, laisse entrevoir les divers intérêts qui se trouvaient en compétition.

On y lit entre autres choses :

« Le sieur Plantin, Régent de la première classe de votre collège de Lausanne, et le sieur Dapples, Régent de la seconde, ayant représenté à notre assemblée académique les griefs qu’ils ont receus par la concession faite au sieur Le Clerc, professeur en Eloquence, de toute la pension qui étoit cy devant donnée au Principal du dit collège, lorsqu’il étoit régent de la première classe, votre Académie n’a peu s’empêcher de verser sa douleur dans le sein de Vos Excellences sur ce sujet, non pas tant pour l’importance de la chose en elle-même que /91/ pour la conséquence qu’elle tire après elle, tendant à l’entière destruction de l’ordre que Vos Excellences ont elles même établi et exposent Vos Excellences à de continuelles surprises. »

Après cet exorde, le recteur Merlat relève les démarches occultes faites par M. Clerc pour la fixation de son propre traitement, critique ses procédés et ajoute :

« Les Régents de la seconde et de la troisième classe étant, par le projet exécuté, Régents de la première et de la seconde, leur degré, qui se hausse et leur peine qui croît les rend digne (s) aussi d’un accroissement de gage. D’un autre côté le Principal, qui était autrefois Régent de la première classe, et qui en cette qualité faisait par semaine 22 heures de leçon, outre la peine de son principalat, en qualité de professeur en Eloquence, comme il est aujourd’hui, ne fait que 6 heures par semaine, et ainsi sa peine est diminuée de près des trois quarts, et l’accroissement de sa dignité ne peut tout au plus que l’égaler au professeur de Philosophie. Ayant donc des gages égaux aux leurs et les deux régents ayant obtenu le surplus par les raisons alléguées, toutes choses sont par là dans l’équité; au lieu qu’en rendant au professeur en Eloquence, qui est maintenant Principal, tout ce que l’ancien Principal avoit lorsqu’il étoit Régent de première, on blesse l’égalité où il est avec les professeurs en Philosophie; on luy donne le salaire qui ne se donnoit qu’à la Régence plus pénible des trois quarts que sa profession et on prive les deux premiers régents d’aujourd’hui d’un accessoire de gage que leur accroissement de peine leur avoit fait donner 1. /92/

D’autres pièces expliquent ce dernier passage et nous apprennent que Plantin avait été à Berne pour présenter ses réclamations et en avait rapporté des lettres de Leurs Excellences relatives au « règlement de son gage » et que celui-ci avait été augmenté.

De son côté, Jean-Pierre Dapples, le père, exposait qu’alors qu’il était régent de troisième, M. le bailli et Messieurs de l’Académie lui avaient accordé une augmentation de six sacs de messel, qui devait être maintenue. Devenu régent de seconde il avait droit, estimait-il, au char de vin et aux deux sacs de blé de surplus qui avaient toujours été attribués au titulaire de cette classe.

Enfin, Jean-Pierre Clerc, professeur d’éloquence et Principal du collège, se défendait énergiquement d’avoir surpris la bonne foi du Souverain. Il était allé à Berne, affirmait-il, depuis Bercher, et n’avait caché sa démarche à personne.

Aujourd’hui, cette polémique paraît de bien mince importance; mais, au XVIIe siècle, elle suffisait pour échauffer les esprits au plus haut degré et pour mettre en émoi le clergé et toute la gent académique. Nous ne savons pas comment se termina le conflit, mais il apparaît que M. Le Clerc ne pardonna pas une campagne dirigée en partie contre sa personne. En effet, lui qui avait grand soin d’inscrire au Liber promotionum tous les décès survenus dans le corps enseignant et avait l’habitude d’ajouter quelques mots d’éloge à l’adresse de chaque défunt, ne consacre pas une ligne à la mémoire de MM. Plantin et Dapples 1. Jean-Baptiste Plantin n’écrivait plus et était peut-être /93/ tenu quelque peu à l’écart. L’histoire de Pernette Daccord avait fait trop de tapage pour être sitôt oubliée 1 .

Pendant dix ans, nous perdons de vue notre Bachelier. En 1697 une commission chargée de l’inspection du collège de Lausanne mentionne Plantin, régent de première, et le signale comme un homme savant et un bon humaniste. La commission ajoute toutefois qu’il n’a plus la fermeté nécessaire pour maintenir dans sa classe la discipline et elle propose de lui adjoindre un aide qui d’ailleurs n’aurait pas à s’immiscer dans son enseignement 2 .

La précaution était opportune. Le 23 novembre de cette année-là, en effet, l’Académie dut s’occuper de désordres graves qui venaient de se produire, la nuit précédente, dans le bâtiment du collège. Des inconnus avaient envahi la classe du Sr Plantin, avaient brisé bancs et pupitres et jeté les débris de ce matériel d’école dans le jardin du Principal. Non contents de lacérer le pallium (le manteau ou vulgairement la planche) du maître, ils avaient poussé l’audace jusqu’à faire disparaître la clepsydre.

L’Académie ordonna une enquête et le bailli menaça de ses foudres les auteurs de ce scandale, qui surent d’ailleurs se tenir cois. Une chose reste évidente, c’est /94/ que le vieux Bachelier, probablement d’un caractère chagrin et aigri, n’était plus respecté, malgré ses longs services 1 .

Plantin fut à la tâche jusqu’à la fin de sa vie. Il mourut dans le courant du mois de mars de l’année 1700, le 7, suivant une note insérée par un tiers à la fin de sa chronique de Lausanne; le 15, d’après les actes de l’Académie, ou le 16, au dire de l’archiviste Baron qui tenait cette date de source autorisée. Les registres de décès de la paroisse de Lausanne, ne remontant qu’à 1709, ne peuvent trancher la question 2 .

*
*            *

Malgré ses efforts personnels et l’appui de protecteurs restés fidèles dans les moments difficiles, Jean-Baptiste Plantin disparut de la scène académique, ne l’ayant abordée que de loin, sans avoir pu y jouer le rôle, entrevu et ambitionné, de professeur d’histoire. Cette chaire-là avait un moment existé à Lausanne, mais, occupée par le seul Jérôme Wild, était restée vacante à son décès, survenu en 1636 déjà. Elle ne fut dès lors jamais repourvue pendant tout le reste de la période bernoise, grâce à la politique de plus en plus ombrageuse du gouvernement. Leurs Excellences craignaient sans doute que des regards jetés sur le passé du pays de Vaud n’éveillassent chez le professeur ou chez les élèves des espérances /95/ qui pouvaient devenir inquiétantes. En 1708, il est vrai, le Conseil de Lausanne désirant l’établissement d’une chaire d’histoire, offrit pour cela de faire une pension de 500 florins par année. Le projet fut soutenu, même par le bailli, mais les Seigneurs de Berne, sans le repousser d’une façon absolue, spécifièrent que le cours du professeur devait rouler principalement sur l’histoire ecclésiastique.

Ce fut dans ces conditions-là que Jean Barbeyrac donna, à l’Hôtel de Ville et en français, quelques leçons publiques d’histoire 1 .

Plus tard, Abraham Ruchat, malgré son goût prononcé pour les recherches historiques en général et sa compétence en pareille matière, fut nommé professeur de /96/ belles-lettres, puis professeur de théologie (1733-1750). Le gouvernement de Berne interdit même la publication de la seconde partie de son Histoire de la réformation de la Suisse, qui ne vit le jour qu’en 1838.

Loys de Bochat, connu par ses Mémoires critiques pour servir d’éclaircissement sur divers points de l’histoire ancienne de la Suisse et sur ses monuments d’antiquités, resta professeur de droit (1717-1741).

Les travaux de ces deux savants firent un peu oublier Jean-Baptiste Plantin et ses essais de géographie ancienne, d’épigraphie et d’histoire suisse. Aujourd’hui, ses ouvrages ne sont plus guère que des raretés bibliographiques. Il nous a paru néanmoins qu’il y avait quelque intérêt à les signaler une fois encore et à recueillir ce qui concerne leur auteur.

Jean-Baptiste Plantin eut le mérite incontestable d’être, dans nos contrées, un précurseur. Il sut tracer un sillon que d’autres n’ont eu qu’à élargir. En date, c’est le premier de tous les historiens vaudois; nous lui devons un souvenir reconnaissant.

 


 

/97/

 

portrait de Jean-JacobPlantin

JEAN-JACOB PLANTIN

Grand ministre de Lausanne

1653-1713

 

En ce qui concerne ce nouveau personnage, nous nous bornerons à relever, pour les mettre bout à bout et telles quelles, les notes tirées de différentes sources. Nous aurons ainsi, tout au moins, le cadre d’une petite biographie.

1653, 25 mars.
Baptême, à Lausanne, de Jehan-Jacob, fils de spectable Jehan-Baptiste Plantin, ministre du Mont, et d’Eve Wolliard, présenté par Jean-Jacob Réal, Sr Banderet de la Cité, et par Sp. Jacob Combe, Diacre commun 1 .

1670.
Jean-Jacob Plantin soutient à l’Académie de Lausanne et fait imprimer, à Berne, une thèse latine, sous le titre de Disputatio de vera Ethica, etc.

1673, 2 mai.
Christophe Roch, régent de la 4e classe du collège de Lausanne, obtient, pour cause de santé, l’autorisation de prendre comme suffragant son neveu Jean-Jaques Plantin. La succession à cette régence est assurée à ce dernier 2 .

1676, 17 janvier.
Sentence rendue par la cour des Appellations romandes /98/ dans une cause entre Jean-Baptiste Plantin et son fils Jacob, d’une part, et Daniel Fichaulaz, ancien régent de 4e classe du collège de Lausanne, de l’autre, au sujet d’une pension réclamée par ce dernier pour prix de cession de certains biens 1 .

1677, 13 mars.
Consécration au saint ministère de Jean-Jacob Plantin 2 .

1677, 16 octobre.
Baptême, à Lausanne, de Jean-Jacob Plantin, fils de Jehan-Jacob Plantin et de Françoise Combe. Présenté par spectable Jacob Combe, pasteur en ceste ville, et par Jean-Baptiste Plantin et par Jeanne Collet et Eve Veillard, pères-grands et mères-grands de l’enfant 3 .

1678.
Christophe Roch, régent de la 4e classe du collège de Lausanne ayant donné sa démission, Jean-Jacob Plantin, qui avait, dès 1673, le droit de lui succéder dans cette charge, y renonce en faveur de son père Jean-Baptiste Plantin 4 .

1680, 1er décembre.
M. Plantin (sans doute Jean-Jacob) rend, avec approbation de la Classe de Lausanne, une proposition sur Rom. VIII, 32 5 .

1680, 1er décembre.
Le diaconat de Lustry étant devenu vacant par le décès de maistre Claude Bavault, la Classe unanime /99/ nomme (c’est-à-dire présente) pour cette place l’estudiant Jean-Jacob Plantin « envoyé » par la vénérable Académie pour ses beaux dons, bonne doctrine et honneste conversation, comme aussy pour estre proche de maistre Anthoine Bavauld, ministre à Villette, son beau-père, afin de lui subsidier en ses grandes et longues infirmités 1 . »

Cette nomination est confirmée (à Berne) le 12 janvier 1681.

1681, 6 avril.
M. Plantin est introduit dans la Ve classe de Lausanne, selon coutume, avec un sieur Gorgerat « qui sera le premier des deux comme auparavant, bien que Plantin ait été pourvu le premier 2 . »

1682, 12 janvier.
M. Plantin, diacre à Lutry, approuvé et loué 3 .

1682, 6, 7 juin.
L’église du Mont et l’annexe de Romanel étant à repourvoir par suite du décès de maistre Claude Danse, la Classe de Lausanne nomme à ce poste maistre Jean-Jacob Plantin, diacre à Lutry, et en sa place maistre François Gorgerat, diacre d’Aigle.

Cette nomination est faite « unanimément et sur présentation de la Ve Académie 4 . »

1682, 12 juin, à 1700.
Jean-Jacob Plantin, pasteur du Mont et de Romanel.

1686, 1688, 1696.
/100/ M. Plantin, pasteur au Mont, approuvé par la Classe et fort loué pour sa prédication 1 .

1692, 21 août.
Baptême à Lausanne de Jeanne-Marguerite Françoise, fille de M. Plantin, ministre du Mont et Romanel, et de Madem. Bauaud, sa femme, présentée par M. Hurtault, ministre de Crissier et par madame sa femme, encore par demoiselle Jeanne-Françoise Dufour 2 .

1699, 7 juin.
Maistre Plantin, pasteur du Mont, fort approuvé et loué du subside qu’il donne à M. Combe, son beau-père, en prêchant pour lui quelquefois 3 .

1699, 5 décembre.
M. Dapples priera MM. de l’Académie d’avoir la bonté de nommer M. le ministre Plantin en la place de M. Combaz que Dieu a retiré 4 .

1700, 29 janvier.
Jean-Jacob Plantin a été nommé ministre à Lausanne 4b .

1700, 24 juin.
J.-J. Plantin, ministre ès églises du Mont et de Romanel, qu’il avoit servi 18 ans, est confirmé à Berne comme 4e ministre de Lausanne, en la place de M. De Crousaz, la charge et la pension de diacre commun (soit celle de 4e ministre ?) ayant été rendue(s) esgale(s) à celle(s) du diacre de ville 4c .

1701, 4 juillet.
Décès de M. Bertex ou Bêthex, Doyen de la Classe et pasteur de Lausanne 4d . /101/

1701, 4, 17 août.
J.-Jacob Plantin, nommé unanimément par l’Académie et par la Classe comme ministre à Lausanne, est confirmé à Berne. Le 21 août il est présenté par n. Abraham De Crousaz, Lieutenant baillival et reçu par M. le boursier Des Combes 1 .

1702, 6 juin, 1704.
J.-Jacob Plantin actuaire de la Classe de Lausanne 2 .

1705, 1711, 1713.
J.-J. Plantin, Juré 2b .

1713, 3 octobre.
Spectable et scavant Jacob Plantin, ministre du saint Evangile à Lausanne, est mort hier; ensevely aujourd’hui aux cloîtres 3 .
Le portrait de Jean-Jacob Plantin, conservé à la Bibliothèque cantonale vaudoise, porte l’inscription suivante : « Johannes Jacobus, Johannis Baptistæ filius, Plantinus, natus 24 martii Anno 1653, depictus Aº 1687. Obiit 2 Octobris 1713, prope horam meridianam, Pastor in ecclesia Lausannensi. »

1713, 9 octobre.
Homologation, en cour baillivale de Lausanne, du testament olographe de spectable, docte et savant Jean-Jacob Plantin, vivant grand ministre de dite ville. Ce testament, dont le texte n’est pas fourni, était du 31 janvier 1709. On voit que le défunt instituait comme héritier David Plantin, l’un de ses enfants. Il faut croire qu’il faisait certains legs en faveur des autres; mais /102/ insuffisants pour les satisfaire. Jean-Jacob Plantin, le fils aîné, et M. le ministre Roumier, au nom de son fils, protestèrent pour le maintien de leurs droits. Pierre-Daniel de Ruvynes, au nom de Delle Plantin, sa femme, qui avait d’abord accepté le testament, se ravisa un ou deux jours après l’homologation, estimant que cet acte dérogeait aux clauses de son contrat de mariage 1. On ne voit pas quelle fut la suite de ces contestations.

Des notes précédentes il résulte que Jean-Jacob Plantin avait épousé, antérieurement au 16 octobre 1677, Demoiselle Françoise Combe, fille de spectable Jacob Combe, pasteur de Lausanne; qu’ensuite, antérieurement au 1er décembre 1680, il avait épousé une fille de Maistre Antoine Bavaud, ministre de Villette.

Le registre mortuaire de Lausanne nous apprend que cette dernière femme survécut seize ans à son mari. Il porte en effet : « Madame Jaqueline Bavaud, veuve de M. le grand ministre Plantin, est décédée à Lausanne le 8 mars 1729, âgée d’environ 72 ans et a été ensevelie sous les voutes du Cloistre. »

D’après le tableau généalogique de la famille Plantin, Jean-Jacob, le grand ministre, aurait épousé : 1º Françoise Combe et 2º une Demoiselle Du Four de Mustruz (Montreux), sœur de Madame Langin. Si ce dernier renseignement est exact, il faudrait placer ce mariage-là avant celui contracté avec la Demoiselle Combe, ou bien entre 1677 et 1680, puisque la Demoiselle Bavaud fut certainement la dernière femme de Jean-Jacob Plantin.

 


/103/

DAVID PLANTIN

1680 (environ).
Naissance de David Plantin, fils de Jean-Jacob Plantin, proposant, et de Françoise Combe.

1698, 5 mai.
David Plantin, étudiant à Lausanne 1 .

1709, 13 octobre.
David Plantin, ministre 1b .

1713, 9 octobre.
David Plantin institué héritier de son père Jean-Jacob Plantin 2 .

1716, 2-3 juin.
La Classe de Lausanne nomme (présente) pour le diaconat de Vevey les deux impositionnaires David Plantin et David Porta. Si le Sieur Plantin échoue, elle lui donne, en mémoire de son père, l’autorisation de demander à Leurs Excellences de faire partie du vénérable corps, sous offre de subsidier MM. les pasteurs du Colloque de Lausanne 3 .

1717, 1-2 juin.
MM. Parisod et Plantin ont été introduits dans la /104/ vénérable Classe de Lausanne. Pour ce qui regarde leur rang, on en renvoie la décision à une autre fois 1 .

1722, 3 juin.
M. Plantin, membre de classe honoraire, a été fortement repris de ce qu’il ne s’exerce point à la prédication, comme il avait promis de le faire et aussi de sa passion pour la chasse. Il lui a été déclaré que si, dans une année, il ne remporte pas un meilleur témoignage, il sera donné avis de sa conduite à Leurs Excellences, et il ne lui sera accordé aucune nomination qu’il ne se corrige 1b .

1725, 7 juin.
M. Plantin ayant demandé à la vénérable Classe de signer sa supplique à Leurs Excellences tendante à ce qu’il puisse, quoique marié, se mettre sur les rangs et prétendre à la nomination pour la suffragance du Mont, sa demande lui est accordée et MM. le Doyen Bergier et le juré Desaussure sont priés de le recommander à la vénérable Académie pour cette nomination 1c .
(Le tableau généalogique de la famille Plantin nous apprend que David fils de Jean-Jacob Plantin avait épousé Marianne fille d’égrège Charles Petitpierre, châtelain de Dompneloye, et de Marguerite Rougemont.)

1726, 11 juin.
M. Plantin a été exhorté en général à s’acquitter mieux de ce qui est du ressort de sa profession, et en particulier à prêcher plus fréquemment qu’il ne l’a fait pendant le cours de l’année précédente 1d .

1726, 9 octobre.
Après la lecture des canons apostoliques et l’invocation /105/ du saint nom de Dieu, la Classe de Lausanne nomme (présente), pour remplir le poste des Croisettes, M. Plantin, membre de Classe, et lui accorde une copie de l’arrêt de Leurs Excellences touchant la nomination des églises foraines 1 .
(Cette présentation n’eut pas d’effet, car on voit que Leurs Excellences établirent comme pasteur des Croisettes M. Jean-François Dapples, présenté par l’Académie.)

1729-1747.
David Plantin, pasteur de Cheseaux 2 .

1747, 21 août.
M. le ministre Plantin, de Cheseaux, avancé à l’église de Noville 1b .

1749, 9 septembre.
M. David Plantin, citoyen de Lausanne et pasteur de Noville, est mort le mardi 9 septembre 1749, âgé d’environ 69 ans, et a été enseveli le jeudi 11 septembre 3 .

1750, 17 août.
Madame la veuve de M. le ministre Plantin ensevelie au cimetière de la Madeleine, à Lausanne 4 .

David Plantin et Marianne Petitpierre avaient eu trois enfants, savoir :
Charlotte, baptisée le 6 septembre 1720.
Louis-César, baptisé le 19 mars 1725.
Susanne-Françoise, baptisée le 7 juin 1728.

 


Généalogie de la famille Plantin

Généalogie de la famille Plantin

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NOTES :

Note 1, page 14 : Ch. Pasche. La Contrée d’Oron, p. 296. [retour]

Note 2, page 14 : Ch. Pasche. La Contrée d’Oron, p. 296. [retour]

Note 1, page 15 : Les Plantin sont de Montpreveyres avant 1502. J. Piccard, Noms de familles. — Généalogie Plantin dans les manuscrits Olivier de Saint-Cierges. — Registre de réception des bourgeois de la commune de Lausanne. [retour]

Note 2, page 15 : Rôle de cette taille de 1550, pour le bailliage de Moudon, aux Archives cantonales vaudoises. [retour]

Note 3, page 15 : Ch. Pasche. La Contrée d’Oron, p. 293, n. 1. Jehan Plantin hoste à Montpreveyres. [retour]

Note 4, page 15 : Manuaux du Conseil de Lausanne. [retour]

Note 1, page 16 : Registre des mariages de la paroisse de Mézières. [retour]

Note 2, page 16 : Manual du Conseil de Lutry. [retour]

Note 3, page 16 : Manuaux du Conseil de Lausanne. [retour]

Note 4, page 16 : Généalogie Plantin dans Olivier. [retour]

Note 1, page 17 : Mémoires du pasteur Jordan. [retour]

Note 2, page 17 : Voir A. Ruchat, Abrégé de l’histoire ecclésiastique du Pays de Vaud, note CXXXIV. L’ordonnance serait du 6 juillet. [retour]

Note 3, page 17 : Registre des baptêmes de Lausanne. [retour]

Note 4, page 17 : Mémoires du pasteur Jordan. [retour]

Note 5, page 17 : Registre des baptêmes de Lausanne. [retour]

Note 1, page 18 : Archives cantonales vaudoises. [retour]

Note 2, page 18 : Registre des baptêmes de Lausanne. Inscription faite au dos du portrait médaillon de Plantin. [retour]

Note 3, page 18 : Liber promotionum. Note de M. le professeur H. Vuilleumier. [retour]

Note 4, page 18 : Généalogie Plantin dans les manuscrits Olivier. [retour]

Note 1, page 19 : Cet ouvrage, qui avait appartenu à J.-B. Plantin, était en 1869 entre les mains de M. le professeur Samuel Chappuis. [retour]

Note 1, page 20 : Archives cantonales vaudoises, Kirche und Academie Geschäfte, vol. III. [retour]

Note 2, page 20 : Acta academica, t. I, p. 43. Note de M. le professeur H. Vuilleumier. [retour]

Note 3, page 20 : De commentitio ecclesiae visibilis capite. 1648. Bibliothèque cantonale vaudoise. Thèses de théologie. [retour]

Note 1, page 21 : Robert Bellarmin, le plus grand docteur des Jésuites et le plus savant des controversistes de son temps (1542-1621). [retour]

Note 2, page 21 : Actes de la Classe de Lausanne et Vevey. Est nommé Diacre à Aigle Jehan Baptiste Plantin estudiant. Confirmé le 28 août. Présenté à la paroisse le 10 septembre. [retour]

Note 1, page 22 : Registre des baptêmes de la paroisse d’Aigle. [retour]

Note 2, page 22 : Actes de la Classe du 6 février 1650. « A esté leue une lettre de L. E. touchant la déscharge de maître Jean Pécolet, ministre à Crissier et la suffragance de ceste église donnée à Maître Jean-Baptiste Plantin, diacre en Aigle, datée du 22 janvier 1650. » [retour]

Note 3, page 22 : Archives cantonales vaudoises, Affaires d’Eglise; 7 août 1650. « Jean-Baptiste Plantin, suffragant en l’église de Crissier est nommé à Morrens » - Confirmé le 10 août 1650. [retour]

Note 4, page 22 : Actes de la Classe, 7 août 1650 : « Ont esté esleu pour ministre à Crissier, Mtre Jean Secretan, ministre à Morrens, et en sa place, Mtre Jean-Baptiste Plantin ». [retour]

Note 1, page 24 : Registre des baptêmes de Lausanne. [retour]

Note 2, page 24 : Abrégé de l’Histoire ecclésiastique du Pays de Vaud, par Abr. Ruchat, édition de 1838, note CXXXIV. [retour]

Note 1, page 25 : Archives cantonales vaudoises. Affaires d’Eglise. [retour]

Note 1, page 26 : Actes de la Classe du 15 juillet 1651. « Sur la vacance de l’église du Mont et Romanel par l’establissement de M. Blanchet en la charge de Bachelier, la Ve classe a esleu en dite église M. Abraham Crostel, diacre en Aigle, et avec lui ont esté aussi nommés en vertu de lettres souveraines, MM. Jean-Baptiste Plantin, ministre à Ascens et Jean de Losea, estudiant. - M. Plantin a esté establi et confirmé par L. E. au ministère du Mont et Romanel (18 juillet) ». [retour]

Note 2, page 26 : Un arrêt souverain du 6 juin 1648 portait que la nomination du Diacre commun de Lausanne, du ministre de Prilly et de celui du Mont appartiendrait à l’avenir aussi bien à la Classe qu’à l’Académie, chacun de ces corps devant élire un (candidat ). Mais cet arrêt n’avait pas aplani toutes les difficultés et le 15 juillet 1651 encore on en était à chercher un mode de faire qui tînt compte des droits des deux corps (Actes de la Classe).
Le 10 octobre 1725, LL. EE., voyant qu’il existait quelque malentendu entre l’Académie et la Classe sur la question de savoir à qui doit appartenir la nomination pour la nouvelle suffragance établie au Mont et Romanel, examinent des arrêts rendus à ce sujet en 1661, 1678, 1697 et 1719 et décident que cette nomination doit appartenir à l’Académie de Lausanne, à l’exclusion de la Classe (Actes de la Classe).
Arch. cant. vaud. Affaires d’Eglise. [retour]

Note 1, page 27 : Registre des baptêmes de Lausanne. [retour]

Note 2, page 27 : Actes de la Classe, 2 novembre 1653. « M. Miuellat, pasteur à Chasteau d’Ex, nommé à Corsier. M. Plantin, ministre au Mont, nommé et confirmé pour Château-d’Ex. » — J.-B. Plantin, confirmé à Berne comme pasteur de Château-d’Œx le 8 novembre, fut présenté à la paroisse le 4 décembre 1653. (Registre des baptêmes de Château-d’Œx). — David Miéville, pasteur de Corsier, 1653-1681. [retour]

Note 1, page 28 : Registre des baptêmes de Château-d’Œx. [retour]

Note 1, page 29 : Description particulière de la Suisse et de ses alliés, par J.-B. Plantin (2e partie de l’Abrégé de l’histoire générale de Suisse, Genève M. DC LXVI ), page 462. [retour]

Note 1, page 30 : Description particulière de la Suisse et de ses alliés, par J.-B. Plantin, page 463. [retour]

Note 1, page 31 : Description particulière de la Suisse et de ses alliés, par J.-B. Plantin, page 463. [retour]

Note 1, page 33 : Tanacetum balsamita. [retour]

Note 2, page 33 : Rumex sanguineus. [retour]

Note 3, page 33 : Levisticum officinale. [retour]

Note 4, page 33 : Artemisia Abrotaneum. [retour]

Note 5, page 33 : Polemonium caeruleum. [retour]

Note 6, page 33 : Valeriana Phu. [retour]

Note 7, page 33 : Voir Feuille du canton de Vaud, t. IX, 1822, un article de M. le Doyen Bridel, sur La naissance et les progrès des sciences naturelles dans le Pays de Vaud. [retour]

Note 1, page 34 : J.-B. Plantin, manuscrit F. 1069, à la Bibl. cant. vaud. [retour]

Note 1, page 35 : L’armorial vaudois de M. de Mandrot donne à la famille Plantin, de Lausanne, des armes critiquables au point de vue des règles du blason : d’argent à une touffe de plantin d’or, hissant d’un cœur de gueules, le tout sommé d’un soleil d’or. [retour]

Note 1, page 37 : Préface de l’Helvetia antiqua et nova. [retour]

Note 2, page 37 : Préface de l’Helvetia antiqua et nova. Histoire de la Suisse, 483, 713. [retour]

Note 1, page 38 : La préface est datée du 18 décembre 1655. [retour]

Note 2, page 38 : A. von Tillier, Geschichte des eidgen. Freistaates Bern, IV p. 495. Rathsmanual nº 125, S. 44. Sitzung vom 22 Jänner 1656. [retour]

Note 1, page 41 : Vers en latin de M. Guillermin, candidat au saint ministère. [retour]

Note 2, page 41 : Dans l’édition de 1737, l’éditeur a supprimé un premier tableau intitulé : Synoptica totius operis tabula; un second intitulé : Tabella de Helvetiae divisione; des Observationes quaedam omissae et enfin un Index rerum et verborum final. [retour]

Note 1, page 42 : Ant. von Tillier, Geschichte des eidgen. Freistaates Bern, t. IV, p. 493. [retour]

Note 1, page 47 : Voir pour tout cela et plus de détails les M.D.R., tome XXXVI, p. 248. [retour]

Note 1, page 49 : Actes de la Classe, congrégation extraordinaire tenue à Vevey le 21 avril 1638. « A l’église de Savigny a esté substitué concordablement Monsieur Plantin, ministre d’Oex, en la place duquel a esté nommé M. Benaz, Diacre au dit lieu. » [retour]

Note 2, page 49 : Registres des baptêmes de Savigny. [retour]

Note 1, page 50 : Bibliothèque cantonale vaudoise. Rapports statistiques adressés en 1764 au gouvernement de Berne par les Pasteurs du pays de Vaud. 2 gros vol. [retour]

Note 2, page 50 : 2 Archives de la cure de Savigny. [retour]

Note 1, page 51 : Registre de la Cour des Appellations romandes, communiqué par M. A. Millioud, archiviste. [retour]

Note 1, page 53 : Actes-de la Classe de Lausanne, 1er juin 1658 : « M. Plantin esleu actuaire. » – Il tient la plume jusque et y compris le 13 juin 1660 : huit pages du registre. [retour]

Note 1, page 54 : Actes de Classe du 1er juin 1659 et 12 juin 1660. [retour]

Note 2, page 54 : Actes de la Classe, 12-13 juin 1660. « En la vacance du Diaconat commun par le décès de M. David Blondet, a esté, selon les ordres accoustumés, nommé Plantin, ministre de Savigny, iaçoit qu’il ne la demandât. Cela ne lui sera compté pour changement.» [retour]

Note 3, page 54 : Le manuscrit Plantin conservé à la Bibliothèque cantonale porte à ce sujet ce qui suit : « Aº 1663, mortuus est Franciscus Mangetus Lausan. pastor cui successit Jacobus Combanus, Verbigenensis, ante Gymnasiarcha; et huic in Gymnasiarchatu datus est, ex Diacono communi Laus. J.-B. Plantinus, successor electus a v. coetu academico, 23 sept. confirmatus Bernae eiusdem mensis et inauguratus 3 novembris eiusdem anni. » [retour]

Note 1, page 55 : Note de M. H. Vuilleumier, professeur. — Notes à la fin de la Chronique manuscrite de Lausanne. [retour]

Note 1, page 56 : Lausanna restituta, sive brevis oratio de reformatione Lausannae, A. D. 1536 facta, quam n. Nicolaus Tscharnerus H. B. nobilissimi et magnificentissimi D. B. Tscharneri Lausannensis praefecti filius publice in magno templo pronuntiavit, cum vernales promotiones ibidem celebrarentur. 5 aprilis, 1665.
D’après M. Ch. Archinard (Histoire de l’Instruction publique dans le canton de Vaud, p. 31 ), les promotions de la cathédrale ne dateraient que de l’an 1680. Cette assertion est donc erronée ou, du moins, trop absolue. [retour]

Note 2, page 56 : La place où est actuellement la fontaine portant la date de 1728. [retour]

Note 3, page 56 : Archives cantonales vaudoises. [retour]

Note 1, page 58 : Haller, Bibl. der Schw. Gesch., 4, 231. [retour]

Note 2, page 58 : Zurlauben, 8, p. 326, 338. [retour]

Note 1, page 59 : A. von Tillier, Hist. de Berne, 4, 495. [retour]

Note 1, page 65 : Voyez l’intéressant travail de M. le professeur H. Vuilleumier intitulé : La religion de nos pères. Notice historique sur les catéchismes qui ont été en usage dans l’Eglise du Pays de Vaud depuis les temps de la Réformation. Lausanne, 1888. [retour]

Note 2, page 65 : En 1689, Gilbert Burnet, évêque de Salisbury, auteur d’un Voyage en Suisse, dit que, de son temps, le canton de Berne renfermait 450 paroisses, soit 300 dans le territoire allemand et 150 dans le territoire français. Il ajoute que les pasteurs allemands touchaient de belles pensions, qui allaient jusqu’à mille écus, tandis que les pasteurs du pays de Vaud n’avaient que des pensions médiocres, de cent à deux cents écus. [retour]

Note 1, page 68 : Dès le 5 octobre 1623 au 9 août 1699 nous ne comptons pas moins de 35 ordonnances bernoises portant défense de s’enrôler pour des services militaires étrangers non autorisés ou non patronés par le souverain. Au XVIIIe siècle, il y en a à peu près autant. Les peines prévues sont : la confiscation des biens, la prison, les châtiments corporels, le bannissement, même la mort. (Archives cantonales vaudoises). [retour]

Note 1, page 71 : Un mandat souverain, du 3 septembre 1653, constate que « plusieurs ministres font métier de se mêler pour autrui en secret et en public des procès et prononciations, tant par écrit qu’autrement ». LL. EE. défendent absolument la continuation de pareilles pratiques, sous peine de « disgrace et suspension de charge. » [retour]

Note 1, page 73 : Par un mandat souverain du 21 mars 1710, LL. EE. de Berne défendirent dans tous leurs pays, allemand et romand et, dans la capitale, « les dons et présents appelés de corruption » faits « lorsqu’il s’agit de juger de quelque procès ou lorsqu’on veut obtenir quelque charge ou employ et toute sorte d’avancement, lors aussi qu’il s’agit de chastier ou donner la liberté ou faire grâce, » etc. (Archives cantonales vaudoises.) [retour]

Note 1, page 76 : Bibliothèque de la faculté de théologie de l’Eglise évangélique libre du canton de Vaud. [retour]

Note 1, page 77 : Les ordonnances bernoises édictées sur ce sujet au XVIIe siècle sont des… 23 février 1631; 16 mars 1642; 12 juillet 1642; 13 mai 1643; 13 août 1643; 19 janvier 1644; 28 mai 1646; 28 mai 1649; 29 avril 1672; 25 juin 1681; 6 novembre 1683; 26 juin 1693; 19 mai 1699; 5 juillet 1699; 2 janvier 1700; 22 janvier 1700. Au XVIIIe siècle nous en comptons une cinquantaine encore. Les mesures de répression sont en général des plus inhumaines. [retour]

Note 2, page 77 : Voyez sur ces brigands le manuscrit Plantin à la Bibliothèque cantonale vaudoise (Hist. F. No 1069).
Voyez aussi le Canton de Vaud, par J. Olivier, II, p. 1159 et sq., et Eclaircissements, No XV. [retour]

Note 1, page 78 : L’Histoire de la réformation d’Abr. Ruchat fut imprimée en 1727. Les Mémoires critiques… sur divers points de l’histoire ancienne de la Suisse, par Loys de Bochat, parurent en 1747. [retour]

Note 2, page 78 : 1674, février. M. Constant, ministre de Coppet, confirmé comme Principal du collège en remplacement de M. Plantin. (Actes de la Classe.) [retour]

Note 1, page 79 : Les Actes de la Classe de Lausanne fournissent à ce sujet les renseignements que voici : « 7 janvier 1674. Sur la vacance du ministère de Lustry, par le décès de M. de Saussure, Doyen … a esté nommé unanimément pour le dit ministère M. Crostel, l’un des pasteurs de Vevey reconnu doué de grands dons et fort capable de desservir cette charge, y ayant plusieurs années qu’il a servi avec beaucoup d’approbation en des églises bien considérables. (A Vevey 15 ans.) Auquel a esté adjoinct, par obéissance à LL. EE., M. Plantin, principal du collège de Lausanne. » [retour]

Note 2, page 79 : Actes de la Classe. [retour]

Note 3, page 79 : Archives cantonales vaudoises, Cours des Appellations. Note de M. Alf Millioud, archiviste. [retour]

Note 4, page 79 : Manuaux du Conseil de Lutry. [retour]

Note 1, page 80 : Jean-Jaques André, diacre à Lutry (1653-1660), pasteur à Savigny (1660-1676). [retour]

Note 1, page 81 : En entrant dans la cure de Savigny on a, à main gauche, une pièce qui volontiers sert de salon et sur laquelle s’ouvrent deux petits cabinets. Celui du nord communique, au moins par un passe-plat, avec une ancienne cuisine, servant aujourd’hui de réduit. C’est dans ce dernier cabinet que le pasteur André était couché cette nuit-là. [retour]

Note 1, page 82 : Livre de famille d’égrège Antoine Cornut, notaire, qui possédait alors la campagne d’Entre-deux-Bois, à Savigny, à quelques minutes de la cure.
Procès criminel de Pernette Daccord et de Marie-Madeleine Bailly, aux Archives cantonales. [retour]

Note 2, page 82 : Procès criminel et confessions faites par Pernette Daccord, de Lutry, et Marie Magdeleine Bally de Bussens, détenues ès prisons du chasteau de Lausanne. (Archives cantonales vaudoises.) [retour]

Note 1, page 83 : 1676, 4 octobre. Le quartier de la pension de Lustry, depuis la déposition de M. Plantin est laissé à Mme Plantin et à son fils. (Actes de la Classe.) [retour]

Note 2, page 83 : Protocole du Conseil de la ville de Berne du 21 mars 1677, No 178. [retour]

Note 1, page 84 : Archives cantonales vaudoises, Kirche und Academie Geschäfte, F. 4. [retour]

Note 1, page 85 : Manuaux du Conseil du 2 au 28 novembre 1676. [retour]

Note 2, page 85 : On lit en effet les lignes suivantes dans la Chronique manuscrite de Lausanne par Plantin : « Anno 1677, cum mense Martio, secretis inquisitionibus malevolentia ac sycophantica quadruplatorum delatione apud magistratum traductus fuisset J.-B. Plantinus, Lustriacensis pastor, illo munere abrogatus est. At magistratus, melius informatus, sublata prædicandi suspensione, illi historicam professionem quæ a morte Jeremiæ Wildii 1636 vacaverat, concessit 23 Jullii. Cui professioni conjunxit D. Daniel Imoff, Laus. præfect, munus ludimoderatoris quarte classis, 21 Augusti 1678. [retour]

Note 3, page 85 : Actes acad. I, 116. Note de M. le professeur H. Vuilleumier. [retour]

Note 1, page 86 : Imprimé à Lausanne, avec permission, 1678, 184 pages. [retour]

Note 2, page 86 : A. v. Tillier, Geschichte des eidgenössischen Freistaates Bern, t. IV, p. 495. – Rathsmanual, Nº 179. [retour]

Note 3, page 86 : Un manuscrit de cet ouvrage est conservé à la Bibliothèque cantonale vaudoise (F. 562). Il est intitulé : Petit chronique ou Briefve Histoire, selon l’ordre des temps, de la ville de Berne, depuis sa fondation iusque au siècle présent, par J.-B. Plantin (70 pages encadrées de filets noirs). Ce pourrait n’être qu’une copie du XVIIIe siècle. [retour]

Note 4, page 86 : Charles fils de Gui Patin (1633-1694), médecin comme son père. On a de lui plusieurs ouvrages, entre autres des Voyages. [retour]

Note 1, page 87 : Note de M. H. Vuilleumier, professeur. — Christophe Roch, régent de quatrième, avait obtenu déjà en 1673, pour cause de santé, l’autorisation de prendre comme suffragant son neveu, Jean-Jacques Plantin. En 1678 ce dernier renonça donc à son droit à cette place de régent de 4e classe en faveur de son père. (Note de M. H. Vuilleumier.) [retour]

Note 1, page 89 : Archives cantonales vaudoises. Kirche und Academie Geschäfte, t. 4. [retour]

Note 2, page 89 : Actes acad. Note de M. H. Vuilleumier. [retour]

Note 3, page 89 : J.-B. Plantinus factus primus Ludi moderator, 14 Junii 1684, in aula collegii cum Domino clerico facto Gymnasiarca, 3 nov. (Manuscrit Plantin à la Bibliothèque cantonale, F. 1069.) [retour]

Note 1, page 90 : Note de M. le professeur H. Vuilleumier. [retour]

Note 1, page 91 : Archives cantonales vaudoises, Affaires d’église. [retour]

Note 1, page 92 : Note de M. le professeur H. Vuilleumier. [retour]

Note 1, page 93 : Il est possible que l’expression « jouer du plantin à quelqu’un », autrefois courante dans nos contrées, ait, à l’origine, fait allusion à quelque épisode de cette histoire. Elle se disait d’une personne qui manquait à un rendezvous, qui faisait faux-bond, qui oubliait une promesse. Une des lettres recueillies par M. le Dr Jaïn, de Morges (2e livraison p. 93), dit encore : « Je vous ai donné du plantin. » [retour]

Note 2, page 93 : Note de M. l’archiviste Baron. [retour]

Note 1, page 94 : Note de M. le professeur H. Vuilleumier. [retour]

Note 2, page 94 : Au dos du portrait de J.-B. Plantin on lit l’inscription suivante : « J.-B. Plantin natus die veneris 3 sept. Aº 1624, depictus in hac tabella Aº 1687 per Davidem Weiberum, Bern. Egregium pictorem. Obiit die (chiffre surchargé, un 7 ou un 15) martii 1700. Hora 2 matut. prop. tertiam. » — La date du décès reste ici encore incertaine. [retour]

Note 1, page 95 : Voyez la Notice sur la vie et les écrits de Ruchat, par Louis Vulliemin, vol. VII de l’Histoire de la réformation de la Suisse, p. 424.
Voyez aussi l’Esquisse historique sur l’Académie de Lausanne, 1537-1890, par M. le professeur H. Vuilleumier, p. XXI.
Les manuaux du Conseil de Lausanne fournissent sur ce point les renseignements suivants :
1708, 15 et 16 mars. Le Conseil confère avec M. le doyen Bergier et M. le recteur Pollier au sujet de l’établissement d’un professeur de droit et offre de donner à cet effet du froment, du messel et du vin jusqu’à vingt pistoles.
1711, 17 mars. On paiera la pension qu’on a promise à M. Barbiraz (sic), professeur en droit et en histoire, dès le jour de son arrivée dans cette ville.
1715, 7 mars. M. le banderet de la Cité parlera à M. le professeur Barberaz, afin qu’il fasse les leçons particulières et publiques, comme il y est engagé.
1716, 30 janvier. M. le Secrétaire fera eschauffer le fourneau du poile des Soixante les jours que M. Barbeyrac devra faire ses leçons, qui sont le mardy, le jeudy et vendredy, et on lui paiera ce qui sera de raison.
1717, 25 mai. M. le professeur Barbeyrach, appelé à une chaire de professeur à Croningue, prend congé du Conseil. M. le bourgmaistre est prié de luy offrir un repas auquel assisteront quelques conseillers. [retour]

Note 1, page 97 : Registre des baptêmes de Lausanne. [retour]

Note 2, page 97 : Act. Acad., 2 mai 1673. Note de M. le professeur H. Vuilleumier. [retour]

Note 1, page 98 : Archives cantonales vaudoises. Note M. A. Millioud, archiviste. [retour]

Note 2, page 98 : Act. acad. 1, 116. Note de M. le professeur H. Vuilleumier. [retour]

Note 3, page 98 : Registre des baptèmes de Lausanne. [retour]

Note 4, page 98 : Note de M. le professeur H. Vuilleumier. [retour]

Note 5, page 98 : Actes de la Classe. [retour]

Note 1, page 99 : Actes de la Classe. — Affaires ecclésiatiques, Archives cantonales vaudoises. [retour]

Note 2, page 99 : Actes de la Classe. [retour]

Note 3, page 99 : Archives cantonales vaudoises. Affaires d’Eglise. [retour]

Note 4, page 99 : Actes de la Classe. [retour]

Note 1, page 100 : Actes de la Classe. [retour]

Note 2, page 100 : Registre des baptêmes de Lausanne. [retour]

Note 3, page 100 : Archives cantonales vaudoises. Affaires d’Eglise. [retour]

Note 4, page 100 : Manuaux du Conseil de Lausanne. [retour]

Note 4b, page 100 : Manuaux du Conseil de Lausanne. [retour]

Note 4c, page 100 : Manuaux du Conseil de Lausanne. [retour]

Note 4d, page 100 : Manuaux du Conseil de Lausanne. [retour]

Note 1, page 101 : Actes de la Classe. - Archives cantonales vaudoises. Affaires d’Eglise. [retour]

Note 2, page 101 : Actes de la Classe. [retour]

Note 2b, page 101 : Actes de la Classe. [retour]

Note 3, page 101 : Registres mortuaires de Lausanne. [retour]

Note 1, page 102 : Archives cantonales vaudoises. Registres de la Cour baillivale de Lausanne. [retour]

Note 1, page 103 : Tableau généalogique de la famille Plantin. [retour]

Note 1b, page 103 : Tableau généalogique de la famille Plantin. [retour]

Note 2, page 103 : Archives cantonales vaudoises. Registre de la Cour baillivale de Lausanne. [retour]

Note 3, page 103 : Actes de la Classe de Lausanne. [retour]

Note 1, page 104 : Actes de la Classe. [retour]

Note 1b, page 104 : Actes de la Classe. [retour]

Note 1c, page 104 : Actes de la Classe. [retour]

Note 1d, page 104 : Actes de la Classe. [retour]

Note 1, page 105 : Actes de la Classe. [retour]

Note 1b, page 105 : Actes de la Classe. [retour]

Note 2, page 105 : G. Favey, supplément du Dictionnaire du canton du Vaud. [retour]

Note 3, page 105 : Registre des décès de la paroisse de Noville. [retour]

Note 4, page 105 : Registre des décès de Lausanne. [retour]

 


 

 

 

 

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