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Mémoires et documents de la Société d’histoire de la Suisse romande

Edition numérique

Jean GREMAUD

Documents relatifs à l'histoire du Vallais : Tome I
(300-1255)
Avant-propos

Dans MDR, 1875, tome XXIX, pp. V-XXIII

© 2023 Société d’histoire de la Suisse romande

DOCUMENTS RELATIFS A L’HISTOIRE DU VALLAIS

RECUEILLIS ET PUBLIÉS PAR

L’ABBÉ J. GREMAUD

professeur et bibliothécaire cantonal à Fribourg

TOME I

(300-1255)

LAUSANNE
GEORGES BRIDEL ÉDITEUR
1875

/V/

AVANT-PROPOS

I

Le Vallais est riche en documents historiques; mais le plus grand nombre sont restés inédits jusqu’à présent. Ceux qui ont été publiés ne forment qu’une faible partie des trésors enfouis dans les archives publiques et les collections particulières. Le seul recueil qui a paru est celui du Rév. Père Furrer : Urkunden welche Bezug haben auf Wallis, Sitten 1850, 1 vol. in-8. Ce recueil est tout à fait insuffisant; il ne contient qu’un très petit nombre d’actes et il laisse trop à désirer sous le rapport de l’exactitude.

Le canton aurait depuis longtemps un recueil diplomatique sérieux, si le chanoine de Rivaz eût publié sa précieuse collection de chartes. Ce prêtre laborieux consacra les loisirs d’une longue carrière à réunir et à transcrire les documents relatifs à l’histoire de son pays; les dix-huit volumes in-folio qu’il a laissés en manuscrit attestent son infatigable activité. Cependant sa collection /VI/ n’est pas complète; des sources importanles lui ont été inconnues ou inaccessibles 1.

Le recueil dont je publie le premier volume, est destiné à mettre à la disposition des amis de l’histoire les documents qui peuvent servir à faire connaître le Vallais, ses annales, sa constitution politique, ses mœurs et ses usages, ses institutions civiles et religieuses, ses transformations et ses vicissitudes, en un mot toute sa vie depuis l’établissement du christianisme. Ce travail présentera cependant une grave lacune. Pour être complet, il aurait dû comprendre les chartes conservées dans les riches archives de l’abbaye de Saint-Maurice, chartes nécessaires pour retracer l’histoire du pays, car les destinées de cette abbaye sont intimement liées à celles du Bas-Vallais en particulier. Je comprends combien cette lacune est regrettable, mais elle n’a pas dépendu de moi. J’espère cependant que l’important cartulaire de Saint-Maurice sera aussi publié plus tard et que les historiens pourront profiter de l’une des sources les plus abondantes, non-seulement pour le Vallais, mais aussi pour les contrées voisines.

Je travaille depuis de longues années à rassembler les documents relatifs au Vallais, et je crois en avoir réuni ]a plus grande partie; cependant, avant d’en commencer la publication, j’aurais dû continuer mes recherches pendant quelques années encore, pour pouvoir donner un travail plus complet. Mais la vie a ses limites, et lorsqu’on en a /VII/ dépassé l’apogée, il est temps de terminer une œuvre, si l’on ne veut pas multiplier les chances de la laisser inachevée. Il y a, me semble-t-il, moins d’inconvénients à donner au public un recueil incomplet, qu’à en retarder indéfiniment la publication; il est toujours facile de suppléer à ce défaut.

En Vallais, comme en tant d’autres pays, ce n’est que dans le XIIe siècle que les documents commencent à devenir nombreux; ils sont très rares dans les siècles antérieurs. J’ai cherché à y suppléer pour cette première époque en recueillant tout ce qui se rapporte au Vallais dans les chroniques et les annales, dans les vies des saints, les conciles, etc. Les extraits que je donne de ces sources ne sont pas tous d’égale valeur; on y trouvera certains détails plus ou moins vraisemblables. Je laisse au lecteur le soin de les examiner et d’en contrôler la vérité. Mon but est de fournir des matériaux à l’historien, et je crois que la plupart de ceux que je publie contribueront à donner un peu de jour sur des temps bien obscurs.

Quoique à partir du XIIe siècle les documents deviennent de plus en plus abondants, cependant, pendant le XIIIe, ils sont encore loin de suffire pour tracer l’histoire de ce siècle, pour lequel les chroniques et les récits historiques font presque entièrement défaut. C’est ce qui m’a engagé à publier, pour cette époque, tous les documents que j’ai pu découvrir, même ceux qui sont d’un intérêt purement privé. Si ces derniers ne peuvent donner aucune lumière pour les faits proprement dits, ils servent au moins à faire connaître l’état matériel et /VIII/ économique du pays; ils constatent certains usages, des points de droit civil ou féodal, etc. C’est avec raison qu’on voue aujourd’hui une attention spéciale à ces détails trop négligés pendant longtemps et qui cependant nous font souvent mieux connaître l’état d’un pays que les récits d’un historien. Ces considérations suffisent pour montrer la valeur d’actes qui, au premier abord, paraissent inutiles.

Dans ce recueil je reproduis tous les documents relatifs au Vallais, aussi bien ceux qui ont déjà été publiés que les inédits, et cela afin que l’on n’ait pas besoin d’aller chercher les premiers dans un grand nombre d’ouvrages que chacun n’a pas toujours à sa disposition. Je n’ai fait d’exceptions que pour les chartes qui ont déjà paru dans la collection des Mémoires de notre Société, en particulier dans le tome XVIIIe, sous le titre de Chartes sédunoises. Il serait superflu de les réimprimer dans un autre volume de la même collection. Les documents sont publiés en entier, sauf quelques-uns que j’ai abrégés en retranchant des détails ou des formules inutiles, mais sans modifier aucunement le texte de la partie publiée. Les documents ainsi abrégés sont précédés d’un astérisque.

Le lecteur s’attend peut-être à trouver au commencement de ce volume des prolégomènes semblables à ceux qui accompagnent ordinairement les publications de documents. Ce travail serait, en effet, très utile; en groupant les détails relatifs aux mêmes points, détails épars dans tout le volume, il mettrait en évidence les renseignements qui font connaître l’organisation du Vallais, les /IX/ offices civils et ecclésiastiques, ainsi que l’état des personnes et des terres. Mais les pièces comprises dans ce volume ne suffisent pas pour tracer un tableau de ce genre. Plusieurs points y sont à peine entrevus, et ce n’est que dans les volumes suivants que nous les verrons se développer et se dessiner d’une manière claire et précise 1. Aussi ce volume ne présente pas tout l’intérêt que l’on pourrait attendre; les suivants seront plus riches en faits et en détails et auront une importance comparativement plus grande.

 

II

Les documents vallaisans sont conservés dans diverses archives publiques, ainsi que dans plusieurs collections particulières.

Les archives les plus importantes étaient sans doute celles de l’évêché de Sion, puisque l’évêque était souverain temporel d’une grande partie du diocèse. Malheureusement ces archives sont perdues pour nous; elles ont été entièrement consumées dans l’incendie qui, le 24 mai 1788, détruisit une partie de la ville de Sion avec les châteaux épiscopaux de Majorie et de Tourbillon. Il nous reste cependant des copies d’un assez grand /X/ nombre d’actes de ces archives, grâce surtout à une mesure prise par l’évêque Hildebrand Jost (1613-1638). On connaît la lutte engagée entre ce prélat et les dixains du Vallais au sujet de la Caroline, c’est-à-dire de la souveraineté du pays. Le premier voulait maintenir les droits dont les évêques de Sion avaient joui pendant plus de six siècles, tandis que les patriotes cherchaient à l’en dépouiller. Pour prouver la légitimité de ses droits, Hildebrand fit transcrire dans une série de volumes tous les actes des archives épiscopales qui pouvaient servir à en constater l’origine et l’exercice dans les temps antérieurs.

Chaque volume contient une catégorie particulière d’actes, dont le titre général indique l’objet. Ces volumes, au nombre de dix-neuf, portent les titres suivants : 1o Traités avec la Savoie; 2o Variorum; 3o Generalia; 4o Vespia; 5o Briga; 6o Morgia et Grengiol; 7o Contegium; 8o Ardon et Chamoson; 9o Martigniacum; 10o Massongiacum; 11o Montheolum; 12o Granges; 13o Bagnes; 14o Gomesia sive Conches; 15o Sirrum; 16o Leuca; 17o Raronia; 18o Desenus Sedunensis; 19o Sedunum, Bramosium, etc. Malheureusement, la plupart de ces volumes sont égarés ou perdus; je n’ai pu retrouver que les Nos 1, 3, 16, 18 et 19. Les autres me sont connus par les extraits qui en ont été faits, vers le milieu du siècle passé, par le bourgmestre Philippe de Torrenté, extraits qui se trouvent dans un volume appartenant à M. Henri Bordier, de Genève.

Les copies de ces volumes sont loin d’être toujours exactes; les notaires qui les ont faites et quelquefois /XI/ signées, n’étaient pas experts dans la lecture des anciennes écritures. Certains mots sont évidemment défigurés et d’autres sont restés en blanc, parce que le copiste n’a pas su les lire. Les extraits de Philippe de Torrenté ont été faits au courant de la plume; parfois les phrases sont incomplètes et ne présentent aucun sens, d’autres fois il y a des erreurs grossières dans les dates. J’ai cependant utilisé tous les extraits qui peuvent servir à l’histoire.

Les archives les plus importantes aujourd’hui sont celles du vénérable chapitre de Sion, conservées dans une salle attenante à l’église de Valère. Ce sont celles qui m’ont fourni les documents les plus nombreux. Elles contiennent deux parties distinctes : les actes relatifs au chapitre, et les protocoles des notaires. Parmi les premiers il se trouve un certain nombre de pièces étrangères au chapitre. Ces actes se trouvent ou en original ou en copie. Deux cartulaires méritent une mention particulière. Le premier contient des chartes relatives au chapitre; il forme un volume petit in-folio, de cinquante-trois feuillets en parchemin. La plus récente qu’on y trouve, est du 1er octobre 1280; il faut en conclure que ce manuscrit a été écrit cette année-là ou la suivante au plus tard. Le second cartulaire comprend les actes qui concernent la paroisse de Viége; il est en papier et a été transcrit en 1431 ou 1432. Le vénérable chapitre m’a accordé les plus grandes facilités pour utiliser ses archives et c’est à cette faveur que je dois d’avoir pu préparer mon recueil. J’ai, en outre, trouvé un guide d’une rare complaisance dans le regretté M. Carraux, chanoine et archiviste. Il portait un /XII/ grand intérêt à mon travail et il m’a aidé avec un dévouement sans bornes 1.

Les archives de la ville ou bourgeoisie de Sion, beaucoup moins riches que les précédentes, contiennent cependant un assez grand nombre de documents intéressants, surtout à partir du XIVe siècle.

Les archives cantonales, formées récemment, n’ont que peu d’actes anciens; j’y ai trouvé quelques chartes originales et des copies que j’ai utilisées.

A Sion même, j’ai eu l’avantage d’avoir à ma disposition les collections importantes recueillies au siècle dernier par le bourgmestre Philippe de Torrenté 2. Elles m’ont fourni des copies de nombreux actes restés, la plupart, inconnus jusqu’à présent. Aussi je témoigne toute ma reconnaissance à cette famille qui s’est montrée si généreuse à mon égard.

Quoique, comme je l’ai dit, l’abbaye de Saint-Maurice ne rentre pas dans le cadre de ma publication, j’ai cependant inséré dans celle-ci les actes des archives de l’abbaye qui regardent directement l’évêché de Sion. J’ai profité surtout d’un volume de copies connu sous le nom de Livre de la Val d’Illiés, Liber vallis Illiacæ. Il a été relié récemment et il porte maintenant sur le dos le titre : Documents sur l’abbaye. L’auteur de ce livre est Jean Jodoc Quartéry de Saint-Maurice, qui fut d’abord /XIII/ chanoine et chantre de l’église cathédrale de Sion, puis chanoine de l’abbaye de Saint-Maurice où il fit profession, le 31 mars 1652, et dont il fut nommé abbé, le 11 août 1657; il mourut le 4 août 1669. Quartéry a écrit ce volume, au moins en très grande partie, avant son entrée dans l’abbaye, et il y a transcrit plusieurs actes des archives épiscopales. Quant au singulier titre sous lequel ce livre est désigné, je ne puis pas en donner une explication positive. Il m’a été dit que Quartéry l’avait écrit pendant qu’il habitait la vallée de Lœtschen, appelée en latin vallis Illiaca inferior, et que c’est là l’origine de ce titre. J’ignore ce qu’il y a de vrai dans cette assertion.

J’ai visité pendant le mois d’août de cette année les archives de l’hospice du Grand Saint-Bernard; elles sont encore assez riches malgré les pertes qu’elles ont subies. On sait que cette maison a perdu, en 1752, ses possessions dans les états sardes. Ses archives se trouvaient alors dans le Val d’Aoste, où résidait ordinairement le prévôt; elles lui furent enlevées, et la maison n’en obtint la restitution que plus tard, grâce aux démarches du chanoine Murith. Mais la restitution ne fut pas complète : un grand nombre d’actes anciens sont restés à Aoste; une partie en a été publiée par le chanoine Gal, dans les Monumenta historiae patriae, de Turin. Il manque encore les originaux de plusieurs chartes importantes, en particulier ceux des actes émanés de la maison de Savoie; il ne reste, de ces derniers, dans les archives de l’hospice, que des copies incorrectes. Malgré ces lacunes très regrettables, j’y ai cependant trouvé quelques documents intéressants pour le présent volume; /XIV/ mais comme l’impression était déjà trop avancée pour pouvoir les mettre à leur place chronologique, je les donne en supplément.

J’ai visité aussi d’autres archives dont je ne parle pas, parce que je n’y ai pas trouvé de titres antérieurs à l’année 1255, date à laquelle s’arrête ce premier volume.

Il est certains documents dont le chanoine de Rivaz a vu les originaux aux archives de Valère et que je n’ai pas pu y retrouver; dans ce cas j’ai suivi ses copies, ce que j’ai fait aussi pour d’autres documents conservés dans les archives de localités que je n’ai pas eu l’occasion de visiter. J’ai pu souvent contrôler les copies du chanoine de Rivaz et j’ai vu qu’il les faisait avec beaucoup de soin. Si parfois il lui est échappé des inexactitudes, celles-ci sont en général peu graves. M. de Rivaz, ancien préfet à Sion, a bien voulu mettre à ma disposition les précieux manuscrits de son oncle le chanoine; je lui en exprime toute ma reconnaissance.

On voit par ces détails que beaucoup de documents du Vallais n’existent plus qu’en copies. Parmi celles-ci j’ai cherché les plus exactes; mais trop souvent j’ai dû me contenter de transcriptions évidemment fautives. J’ai cru cependant devoir les donner telles qu’elles sont, car elles peuvent servir à l’historien. Si plus tard on en découvre de meilleures, il sera facile de les publier.

 

III

Comme prince temporel, l’évêque de Sion avait le droit d’instituer les officiers chargés de la rédaction et de /XV/ l’expédition des actes publics dans le comté du Vallais. Ce droit, désigné sous le nom de chancellerie, fut inféodé, dans le XIIe siècle au plus tard, au chapitre de Sion, qui en prêtait hommage à l’évêque. Pierre d’Aarberg, vicaire impérial en Vallais, confirma le droit de chancellerie au chapitre, par acte du 6 juillet 1355, et dix ans plus tard, le 21 juin 1365, l’empereur Charles IV ratifia lui-même la confirmation de son vicaire. Dans les premiers temps le chapitre remit l’exercice de la chancellerie au sacristain et ensuite, vers 1207, au chantre. Celui-ci en jouit jusqu’en 1285. En cette année le chapitre reprit à lui la chancellerie, afin que tous ses membres pussent participer aux émoluments assez considérables de ce droit; ce qui montre que, antérieurement, ils appartenaient au chantre en entier.

Le chancelier affermait le droit de stipuler les actes publics à un clerc, juré ou notaire pour un districi particulier. En 1308, les émoluments s’élevaient à 80 muids de froment, et dans les années 1377 à 1379 à 30 livres d’argent et à 10 muids de froment, en moyenne.

Les clercs ou notaires ainsi institués au nom du chapitre avaient seuls le droit de recevoir des contrats perpétuels, des testaments, etc. Les notaires établis par une autre autorité, comme les notaires impériaux, par exemple, et désignés sous le nom de tabellions, ne pouvaient recevoir que des contrats temporaires, c’est-à-dire d’une durée de huit ans au maximum. Le chapitre eut souvent à lutter contre ces tabellions pour maintenir son droit, et il dut employer les moyens les plus énergiques, sans toujours réussir. La lutte la plus sérieuse eut lieu contre /XVI/ le seigneur d’Anniviers qui chercha à s’emparer du droit de chancellerie dans la vallée de ce nom.

Les employés de la chancellerie capitulaire devaient rédiger les actes publics d’après un formulaire particulier, remarquable par sa brièveté, comme on peut le voir dans les chartes de ce volume. Il leur était interdit de les signer et d’employer les longues formules des autres notaires ou tabellions. Aussi ces chartes ne contiennent que les détails absolument nécessaires et elles ont une forme tout à fait caractéristique. Mais comme elles n’étaient ni signées, ni scellées, l’autorité prit une mesure spéciale pour en assurer l’authenticité. Chaque notaire devait, dans un délai déterminé, faire inscrire ses actes dans un registre public conservé aux archives de Valère. C’est ainsi que chez les Romains les contrats prenaient un caractère d’authenticité par leur allégation ou insinuation dans les registres municipaux, apud acta municipalia.

Trois de ces registres ont été conservés; deux se trouvent aux archives de Valère et le troisième est à celles de l’Etat. Ce dernier est marqué de la lettre R; il comprend des chartes de 1292 à 1313, relatives aux environs de Sion. La lettre qui le désigne, dix-septième de l’alphabet, indique que ces registres étaient nombreux. Les deux de Valère sont des années 1297 à 1310 et 1323 à 1349. Il ne reste que quelques fragments des autres. L’usage d’inscrire les actes dans un registre général cessa vers le milieu du XIVe siècle. Depuis lors chaque notaire tint des registres-minutes particuliers, qui furent également déposés dans les archives de Valère. On y trouve aussi des /XVII/ registres de tabellions, soit de notaires non institués par le chapitre. Les uns comme les autres y sont très nombreux. J’en ai vu aussi dans des maisons particulières.

L’abbaye de Saint-Maurice a également joui pendant quelque temps du droit d’instituer des notaires, droit qui lui fut confirmé par Amédée IV, comte de Savoie, le 20 septembre 1245. Comme à Sion, les actes étaient insérés dans des registres spéciaux; deux de ceux-ci existaient encore dernièrement dans les archives de l’abbaye, où je les ai vus; maintenant ils sont introuvables. Le chanoine de Rivaz a fait de nombreux extraits de ces deux registres, qu’il cite sous les noms de minutarium majus et minutarium minus, à cause de la différence de leur format, grand et petit in-folio. En l’absence des originaux, j’ai reproduit les copies de la colleclion du chanoine de Rivaz.

 

IV

On sait qu’au moyen âge on n’avait pas l’habitude de commencer l’année au 1er janvier, comme dans les temps modernes. Les modes ou styles variaient selon les pays; on en compte trois principaux. L’année commençait ou à Noël, 25 décembre, style natal, ou à la fête de l’Annonciation de la sainte Vierge, 25 mars, style de l’incarnation, ou à Pâques, style pascal. La chancellerie de Sion a employé d’abord le style de l’incarnation, puis le natal. Dans les plus anciennes chartes on trouve presque toujours la formule : Anno ab incarnatione Dni. Il y a un exemple frappant de l’emploi de ce style dans la charte /XVIII/ publiée sous le No 426. Elle est datée du 4 des calendes de février de l’an 1237, Bosone electo existente. Or, à cette date, en 1237, c’était encore Landri qui était évêque, puisqu’il n’est mort que le 10 avril de cette année. Il faut donc admettre que dans cet acte le notaire a suivi le style de l’incarnation, d’après lequel l’année 1237, commencant le 25 mars seulement, se prolongeait jusqu’au 24 mars 1238; le 4 des calendes de février (soit 29 janvier) 1237 correspond ainsi au 29 janvier 1238 du style actuel.

Vers cette époque la formule Anno ab incarnatione commence à être remplacée par celle Anno Dni, qui devient bientôt très fréquente et enfin est seule employée. En effet un changement a lieu et le style natal remplace celui de l’incarnation entre les années 1237 et 1248. Deux chartes de cette dernière année nous en donnent la preuve; elles sont datées, l’une (No 511) du 10 des calendes de février et l’autre (No 513) du 5 des ides du même mois, et dans les deux paraît Walter, chanoine et chantre de Sion, qui est mort le 14 décembre 1248 1. Dans ces deux cas on ne peut pas admettre l’emploi du style de l’incarnation, qui reporterait les dates ci-dessus en janvier et février 1249, ainsi après la mort de Walter. C’est là le premier exemple certain de l’introduction du style natal à Sion; on en trouve de fréquents exemples dans la suite.

La chancellerie de l’abbaye de Saint-Maurice a changé plusieurs fois de style. Les chartes les plus anciennes ont /XIX/ très probablement été datées d’après le style de l’incarnation; au moins c’est ce qui semble résulter des formules employées jusque vers 1280. Ces formules sont : Anno Dni, Anno gratie, Anno incarnationis Dni; cette dernière se trouve dans des chartes de 1200, 1206, 1232 et 1240. Dans un acte de 1252 on lit: Ante festum dominice incarnationis; cette indication ne peut s’expliquer que par l’emploi du style de l’incarnation. Cependant je dois faire la remarque que je n’ai pas trouvé d’actes contenant des données chronologiques suffisantes pour contrôler l’usage de ce style. A partir de 1281 jusqu’en 1294 la plupart des chartes de la même chancellerie sont datées d’après le style pascal, millesimo sumpto in paschate. Enfin, en 1299 nous voyons apparaitre le style natal et c’est celui qui est suivi depuis lors.

On comprend qu’au milieu des variations que je viens d’indiquer, il n’est pas toujours facile de savoir quel style a été employé dans chaque charte en particulier, et qu’ainsi je ne puis pas donner comme certaines toutes les réductions que j’ai faites des styles anciens en style moderne.

 

V

Je termine ce volume par une table alphabétique de tous les noms de lieux et de personnes. Pour les lieux j’aurais désiré pouvoir donner toujours les noms modernes correspondant aux noms anciens; mais cela ne m’a pas été possible. Pour une foule de noms de petits hameaux, de maisons et de terres isolées, cette /XX/ concordance ne peut être établie que par des personnes qui habitent les différentes contrées du Vallais. Je n’ai pas cru devoir indiquer la position géographique des divers lieux de ce canton ou des cantons voisins. Le lecteur pourra facilement la connaître en consultant le Dictionnaire géographique de la Suisse, par Lutz, édition revue par Moratel. (Lausanne 1859.)

On trouvera quelquefois une différence dans l’orthographe des noms propres entre le texte des documents et la table alphabétique, en particulier pour les noms qui sont précédés d’un article ou d’une préposition. J’ai reproduit le texte des documents tel qu’il est dans l’original, sans aucune modification et avec toutes les irrégularités si fréquentes dans les actes de moyen âge; ainsi, pour ne citer que deux exemples, les notaires écrivent indifféremment de Cuva, de la Cuva, ou de Lacuva, et de Ormona ou Dormona. Dans la table, j’ai séparé ces préfixes du mot principal et ramené les noms à leur forme primitive et rationnelle.

Les noms de personnes présentent de graves difficultés. Ceux de famille, inusités pendant les premiers siècles du moyen âge, ne commencent que dans le XIIIe. Les individus ne furent d’abord désignés que par leur nom de baptême, auquel on ajouta plus tard celui du lieu qu’ils habitaient ou dont ils étaient originaires, comme aussi celui de leur métier, profession ou office, d’un défaut ou de particularités physiques, etc. Peu à peu ces qualifications passèrent des parents aux enfants et, en se fixant, elles formèrent les noms de famille. La difficulté est de déterminer la nature de ces qualifications. Se rapportent-elles /XXI/ à l’individu seul, ou s’étendent-elles à tous les membres de la famille ? Tel homme, par exemple, est appelé sutor, cordonnier; est-ce là simplement l’indication du métier qu’il exerce, ou faut-il prendre ce mot comme nom de famille ? Très souvent il est impossible de le savoir. En présence de cette difficulté je n’avais à choisir qu’entre deux méthodes pour la table alphabétique: ou ne tenir compte que des noms de baptême, ou classer les personnes d’après ces noms propres douteux. Un système intermédiaire ne pourrait être qu’arbitraire et serait le moins pratique. J’ai choisi le second comme le plus utile pour les recherches. Je préviens seulement le lecteur que je n’entends nullement déterminer la nature de ces noms et que je n’ai pas eu d’autre but que de faciliter l’usage de ce volume.

 

VI

En publiant le diplôme de l’empereur Henri VI, du 29 mars 1180, je l’ai accompagné (pag. 112) d’une note que je dois modifier. La date donnée dans le texte même est exacte; celle qui est mentionnée dans la note provient d’une copie erronée, que j’ai vue aux archives du Grand Saint-Bernard. Au lieu de : « Anno M.C.LXXX, indictione XIII, » on a lu : « M.C.LXXX, indictione VIII », « puis « M.C.LXXXVIII, indictione. »

Dans la note qui est au bas de la page 141e, j’ai dit que le quartier de Mala-Curia, à Sion, est situé entre les portes de Louêche et de Savièse. Cette indication est /XXII/ trop vague. Le quartier de Mala-Curia comprend la partie de la ville qui est au nord de la rue de l’Eglise et la partie de la rue du Grand-Pont au-dessus de la Grenette. Entre ce bâtiment et le Casino, dans la direction de Majorie et de valère s’étend la Citta. Plus bas, le long de la Sionne, est le quartier de Glaviney; la rue des Vaches sépare ce dernier de celui de Pratifori, qui est limité par cette rue et celle de l’Eglise.

J’ai oublié de mentionner deux actes importants pour l’origine de la famille de Rarogne. Le premier, publié d’abord par Neugart dans son Codex diplomaticus, II, 77, et reproduit ensuite dans la Solothurn. Wochenblatt, 1829, pag. 156, et les Urkunden de Zeerleder, I, 84, contient la donation de deux alleux faite, en 1146, par Egelolf d’Opelingen au couvent de Frienisberg. Le donateur, après avoir spécifié ces alleux, ajoute : « Partem vero ipsius allodii quod fuit fratris mei Thietelini et uxoris ejus, redemi duobus allodiis meis quorum unum situm est in Wallis et vocatur Rarun et alterum Briens, quod idem frater meus Thietelinus et uxor ejus de manu tenentium hoc idem allodium, videlicet Ruodolfi de Belpo, liberum suscepit in castro fratris sui Chuonradi Montanianco. Alterius vero Wernheri de Sigenowo liberum suscepit in Honsteten. » Par un autre acte du second dimanche de carême (3 mars) de l’an 1219 (n. st. 1220), l’évêque de Constance fait connaitre que « Chuono vir nobilis de Briens cum fratre suo Ruodolfo de Rarun ejusque filio, apud Vispum (Viége) in cimiterio ejusdem ecclesie, coram multis testibus astantibus, Sancte Dei Genetrici semper virgini Marie in Monte Angelorum (Engelberg) jus /XXIII/ patronatus ecclesie Briens cum advocatia et cum omni jure, ut ipse possederat, in manu Heinrici prefati cenobii abbatis, pro remedio anime sue necnon et omnium parentum suorum, perpetua donatione contradidit, delegavit et consignavit. » (Neugart, II, 138; — Zeerleder, I, 195.)

Tout en contenant des données précieuses sur l’origine des Rarogne, ces chartes ne fournissent pas la solution du problème, et malheureusement les documents vallaisans sont muets à ce sujet. On constate bien par un acte de 1235 (No 409) l’existence d’un Rodolphe de Rarogne, frère d’Amédée. D’après la charte 221 bis, de l’an 1210, Amédée était fils de Henri de Rarogne, père, par là même, de Rodolphe. Si ce dernier est le Rodolphe frère de Conon de Briens, ne faudrait-il pas admettre qu’ils n’étaient que frères utérins ?

Fribourg, décembre 1874.

 


 

Notes:

Note 1, page VI Anne-Joseph, fils du célèbre Pierre de Rivaz, de Saint-Gingolph, né en 1751, fut successivement curé de Leytrom et de Conthey et chanoine à Sion, où il est mort le 8 juin 1836. [retour]

Note 1, page IX Les personnes qui désirent connaître l'histoire et les institutions du Vallais pourront consulter les ouvrages de M. Boccard et du Père Furrer, le mémoire de M. de Gingins, sur le Développement de l'indépendance du Haut-Vallais et la conquête du Bas-Vallais, le catalogue que j'ai publié des évêques de Sion, etc. [retour]

Note 1, page XII M. Hyacinthe Carraux, chanoine et grand sacristain de l'église cathédrale de Sion, est mort le 17 mars 1872. [retour]

Note 2, page XII Philippe de Torrenté a été pendant longtemps secrétaire de la bourseoisie de Sion, et il a rédigé un excellent répertoire des archives bourgeoisiales. Il est mort en 1762. [retour]

Note 1, page XVIII Cf. Nécrologe de Sion, pag. 289 et les chartes No 517 et suiv. [retour]