LES DYNASTES DE LA-SARRA
ET LA BARONNIE DE CE NOM
PAR
M. L. DE CHARRIÈRE
MEMBRE DE LA SOCIÉTÉ D’HISTOIRE DE LA SUISSE ROMANDE
AVANT-PROPOS
Les sources où nous avons puisé le présent Mémoire sont avant tout les archives du château de La-Sarra, très riches encore nonobstant la descente qu’y firent les Brûle-papiers en 1802. La destruction de documents qui eut lieu à cette époque porta essentiellement sur les titres féodaux, reconnaissances, grosses, quernets, etc. 1 . Nos citations à l’égard de ces archives sont de deux espèces, savoir : 1o l’Inventaire, qui en a été fait peu d’années avant la révolution politique de 1798, par l’habile commissaire Wagnon 2 , document très précieux; et 2o les archives actuelles du château de La-Sarra, qui ont subi une modification, tant par suite de la destruction de documents portés sur l’inventaire Wagnon, que par l’adjonction des archives du château d’Orny, lors de l’extinction, postérieure à la descente des Brûle-papiers, de la branche de la maison de Gingins qui possédait cette terre. (Ces /344/ archives-ci comprennent surtout des documents de famille.) M. Aymon de Gingins a fait un inventaire des archives actuelles du château de La-Sarra, et les a classées par layettes et numéros.
L’ouvrage que nous publions aujourd’hui serait revenu de droit à feu M. Frédéric de Gingins-La-Sarra, le restaurateur, on peut bien le dire, de notre histoire nationale, lequel s’en serait mieux acquitté que tout autre. S’il ne l’a pas fait, c’est sans doute par un sentiment de délicatesse que chacun appréciera.
L’AUTEUR.Senarclens, mai 1873.
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LES DYNASTES DE LA-SARRA
MAISON DE GRANDSON
On conserve au château de La-Sarra un manuscrit dont feu M. Frédéric de Gingins-La-Sarra, de savante et regrettée mémoire, est l’auteur, mais qui n’est malheureusement pas achevé. Il est intitulé : Chronique historique et généalogique du donjon de La-Sarra. M. Frédéric de Gingins y exprime l’opinion que la première construction du château de La-Sarra doit être attribuée à Adalbert (II), primat du château de Grandson, et que ce château serait celui élevé par ce seigneur sur un terrain dépendant du village de Ferreyres qui appartenait au couvent de Romainmotier, d’où il commettait des exactions sur les ressortissants de ce couvent; faits qui sont consignés dans la supplique présentée au pape Léon IX par les religieux de Romainmotier 1 . Cette opinion a certainement des chances de vérité en sa faveur 2 , surtout si l’on /346/ considère qu’avant la construction de la ville de La-Sarra le territoire du village de Ferreyres paraîtrait s’être étendu jusqu’à Eclépens, comprenant ainsi le lieu sur lequel s’élève aujourd’hui La-Sarra. On peut inférer cette circonstance d’une charte de l’empereur Louis le Débonnaire en faveur de l’église de Lausanne, datée de l’année 815 et insérée dans le Cartulaire du chapitre de N.-D. de Lausanne. (Pag. 240.)
Un fait, rapporté dans la supplique des religieux de Romainmotier au pape Léon, vient indirectement à l’appui de l’opinion de M. de Gingins; c’est celui que le sénieur Adalbert avait enlevé plusieurs chars de vin aux hommes de Ferreyres. Or ce vin provenait indubitablement des vignes que ces hommes cultivaient sous les rochers de Mauremont, dans le vignoble actuel de La Sarra, car il ne croît point de vin à Ferreyres 1 .
La position du château de La-Sarra sur un rocher, /347/ prolongement de la colline de Mauremont et dominant un défilé par lequel passait peut-être déjà alors une route, était très favorable.
Du reste, ce fut seulement l’arrière-petit-fils du sénieur Adalbert, Ebal (I) de Grandson (fils de Falcon), chef de la puissante maison de ce nom et fondateur de l’abbaye du Lac de Joux, qui paraîtrait avoir fixé sa résidence dans le château de La-Sarra, sans doute agrandi par lui. Toutefois on ne peut faire que des conjectures sur ce point, aucune des chartes émanées de lui ne portant le nom du lieu où elle a été donnée. Ce seigneur, qui vivait dans la première moitié du XIIe siècle, passe pour avoir bâti la ville de La-Sarra 1 . Depuis Ebal (I), la branche aînée de la maison de Grandson résida à La-Sarra.
Barthélemy de Grandson, fils et successeur d’Ebal (I), partant pour la Terre sainte, confirme, en 1158, à La-Sarra (apud Saratam), une donation qu’il a faite au couvent de Romainmotier 2 .
Aucun suzerain n’interposait alors son autorité entre l’empereur et les dynastes de Grandson, seigneurs de La-Sarra, car la seigneurie de ce nom relevait nûment de l’empire. Cela se déduit d’une bulle de l’empereur Frédéric-Barberousse, datée de Mulhouse, le 26 août 1186, par laquelle ce souverain confirme et sanctionne les droits anciens et héréditaires de mère et mixte empire et d’omnimode jurisdiction sur toute la vallée du Lac de Joux, /348/ relevant de l’empire, que possède son cher vassal (fidelis) Ebal de La-Sarra, sire de Grandson, fondateur de l’abbaye du Lac de Joux 1 , droits qu’il confirme en sa faveur et en faveur de ses successeurs tenant le château (castrum) et la ville de La-Sarra 2 .
Ici, Ebal de La-Sarra, sire de Grandson, est plutôt Ebal IV, que son père Ebal (III).
Ebal (IV) de Grandson 3 fut un personnage marquant dans la patrie de Vaud. De ses huit fils, trois étaient laïques et cinq ecclésiastiques. Ceux-ci parvinrent à des dignités élevées dans l’église 4 . Leur père partagea de son vivant ses vastes domaines entre ses trois fils laïques : Girard, l’aîné, fut seigneur de La-Sarra, Henri, le second, le devint de Champvent, et Pierre, le troisième, eut pour sa part la seigneurie de Grandson. Chacun d’eux fut /349/ l’auteur d’une branche de la maison de Grandson. Celle issue de Pierre survécut longtemps aux deux autres; elle fut nombreuse et acquit beaucoup d’illustration, mais éprouva aussi de grandes catastrophes 1 .
Girard apparaît comme sire de La-Sarra lorsque, dans l’année 1222, Richard, seigneur de Belmont, fils de Jordan de Grandson, se reconnut son vassal à raison de la seigneurie de Belmont et des fiefs que tenaient de lui, à cause de cette seigneurie, les seigneurs de Rue, de Saint-Martin et de Corbières, aussi pour le fief de Hugues de Villette et pour divers droits d’avouerie à Pailly, Suchy, Ependes, Essertines et Chevressy. Les témoins de l’hommage prêté par le seigneur de Belmont à son parent, le sire de La-Sarra, furent : Ebal, sire de Grandson (père du dit Girard), Henri, seigneur de Champvent (frère de ce dernier), Ebal, seigneur de Mont, Willelme, seigneur de Vufflens, Willelme et Girard d’Eclépens, Hugues de Bavois et d’autres chevaliers 2 . Puis encore, Pierre, fils d’Humbert, comte de Genève, Pierre et Willelme, donzels de Bavois, Willelme et Henri, fils de messire Willelme d’Eclépens 3 .
L’hommage prêté par le sire de Belmont à celui de La-Sarra était conforme à la coutume de Bourgogne, d’après laquelle les puînés tenaient sous la mouvance de l’aîné de leur maison la part qu’ils obtenaient dans la succession paternelle. /350/
Le partage de ses seigneuries entre ses fils laïques, fait par Ebal (IV) de Grandson, était ainsi un fait accompli dans l’année 1222, du moins quant à ses deux fils aînés, puisque nous venons de voir Henri, sire de Champvent, prêter présence lors de l’hommage de Richard de Belmont. Pierre, le troisième fils du sire Ebal, apparaît comme seigneur de Grandson dans l’année 1234. Néanmoins, l’année suivante, son père s’intitule encore seigneur de Grandson lorsqu’il fonde son anniversaire dans l’abbaye du Lac de Joux. Ce titre, du reste, est celui qu’il prend dans les diverses chartes qui nous restent de lui.
Ce seigneur doit être le héros d’une légende populaire, indiquée par Jean d’Ipres dans sa Chronique de Saint-Bertin 1 et dont l’on trouve le récit dans la « Chronique historique et généalogique du donjon de La-Sarra, » par M. Frédéric de Gingins. Nous rapporterons ici le récit de ce dernier : /351/
Lorsqu’Ebal naquit, son père, dont il était le fils unique, appela des astrologues (des meiges, ainsi qu’on les nommait) qui lui révélèrent que, s’il vivait, il serait grand, puissant et vainqueur de ses ennemis. L’un des meiges tira du feu qui brûlait dans la cheminée de la grande salle du château de La-Sarra un tison enflammé et dit que la vie de l’enfant serait égale à la durée du tison; en même temps il enfonça celui-ci dans le mur pour qu’il ne se consumât pas. L’enfant vécut et parvint à une grande vieillesse, mais enfin, las de vivre, il fit retirer du mur le tison, gage de sa vitalité, et le fit jeter au feu. Quand celui-ci fut consumé, Ebal de Grandson, sire de La-Sarra, expira, âgé de près de cent ans. Selon le chroniqueur cité, il fut aux Croisades, où il guerroya pendant nombre d’années. Après l’arrivée du prince Edouard, depuis roi d’Angleterre sous le nom d’Edouard Ier, il s’attacha à sa personne. Ce prince ayant été blessé, en 1271, à Saint-Jean d’Acre, par le poignard d’un assassin, Ebal de Grandson, se fiant sur sa destinée attachée au tison, osa sucer la plaie que l’on croyait empoisonnée, et ce fut par ce moyen que ce prince guérit. Depuis ce temps-là, les seigneurs de la famille de Grandson furent honorés par les rois d’Angleterre. C’est en souvenir d’Ebal que les seigneurs de La-Sarra ont toujours porté depuis lui, pour cimier de leurs armes, une tête de vieillard portant une longue et vénérable barbe et offrant l’image d’un homme extraordinairement vieux. Le chroniqueur Jean d’Ypres dit tenir les détails qu’il rapporte dans sa chronique d’un gentilhomme de Savoie 1 . /352/
Nous renvoyons nos lecteurs à notre publication sur les dynastes de Grandson, pour examiner quelle peut être la valeur de cette légende quant aux faits historiques qu’elle rapporte. On y verra qu’Ebal (IV), seigneur de La-Sarra et de Grandson, n’apparaît pas dans les documents postérieurement à l’année 1235; que son fils Hugues, depuis prieur de Payerne, étant devenu moine à Romainmotier, son père fit une donation en faveur de ce couvent, dans l’année 1200, donation approuvée par son épouse et par ses fils Ebal, Girard, Henri, Guillaume, Othon, Pierre et tous les autres; que le prénommé Ebal, son fils, évêque de Lacédémone et prieur commendataire de Baulmes, fondant, le 30 juillet 1238, son anniversaire dans l’église de Payerne, lui et cinq de ses frères scellent l’acte de cette fondation, dans lequel Ebal, seigneur de Grandson, leur père, n’est point rappelé, ce qui établit la présomption que celui-ci ne vivait plus alors; enfin, que Jordane, épouse d’Ebal (III) et mère d’Ebal (IV), n’apparaît pas, dans les documents, avant l’année 1158. Il résulte de ces données qu’Ebal (IV) atteignit sans doute un âge avancé, mais qu’il n’est pas probable qu’il soit devenu centenaire. Ce seigneur pourrait s’être croisé, mais l’on ne sait rien d’authentique à cet égard, tandis qu’il est certain que son père, Ebal (III), avait fait le voyage de Terre sainte 1 . Toutefois le récit du chroniqueur de Saint-Bertin, en ce qui concerne le trait de dévouement, donné en 1271, par le sire Ebal (IV), au prince Edouard d’Angleterre, ne peut dans aucun cas s’appliquer à lui. On pourrait, dans le cas où il serait véridique, l’attribuer plutôt à son /353/ descendant, le chevalier Guillaume de Grandson 1 , alors que celui-ci était jeune, puisqu’on le trouve fixé en Angleterre et dans le nombre des barons de ce royaume qui accompagnèrent, dans l’année 1300, le roi Edouard (I) dans sa guerre contre l’Ecosse 2 .
On croit que Béatrice, l’épouse du sire Ebal (IV) et la mère de sa nombreuse famille, appartenait à celle des comtes de Genève. Elle aurait été la fille du comte Humbert (I) 3 .
Ebal de Grandson (Yeblo de Granzon) et Girard de La Sarra (son fils) sont nommés parmi les nombreux et importants témoins de la convention faite, dans l’année 1226, entre Guillaume (d’Ecublens), évêque de Lausanne, et Aymon, sire de Faucigny, concernant l’avouerie de l’église de Lausanne 4 .
Girard, sire de La-Sarra, est cité dans le Cartulaire du chapitre de N.-D. de Lausanne, sous l’année 1227 (4 des kalendes de février, v. st. ), comme étant le témoin de la quittance de 55 sols donnée par Hugues de Bavois (Baoies), chevalier, et ses neveux, pour la cession d’un /354/ ténement, situé à Corcelles sur Chavornay, tenu du dit Hugues par Pierre Maigrez, de Dommartin 1 . Le chevalier Hugues de Bavois était sans doute le vassal de Girard, sire de La-Sarra.
Ce seigneur-ci mourut avant son père, le sire Ebal (IV). Dans l’année 1233 (1re vigile de la fête de Saint-Michel), son état de maladie ne lui permettait pas de ratifier une concession faite par son père Ebal en faveur du couvent de Romainmotier 2 . Il ne vivait plus au mois d’octobre de l’année suivante (1234), date à laquelle apparaît sa veuve Antonie 3 .
Girard, sire de La-Sarra, laissa trois enfants : 1o Aymon (Ier), qui fut sire de La-Sarra et le chef de la maison de Grandson; 2o Guillaume soit Vuillelme, homme d’église, chanoine et trésorier de l’église de Lausanne, qui nous apparaîtra encore sous l’année 1273 4 ; et 3o Jordane. Celle-ci doit avoir été l’épouse de Jacques, coseigneur /355/ d’Estavayé (selon l’ouvrage manuscrit de M. d’Estavayé, sur la maison de Grandson-La-Sarra).
On ne possède que peu de lumières sur Aymon (I), sire de La-Sarra. Au mois de janvier 1250 (v. st.), du consentement de son épouse, non nommée, il concéda au couvent de Romainmotier une serve, nommée Pétronille, fille de Pierre, dit Heri, de Chevilli, et ses hoirs, que Hugues, fils de Guillaume, dit Ba, de Romainmotier, avait épousée 1 .
Ce seigneur subit l’influence de Pierre de Savoie.
Le 28 novembre 1251, à Gex, il entra dans le vasselage de ce prince lorsqu’il soumit à sa suzeraineté l’hommage que lui devait Richard, sire de Belmont, à raison du château de ce nom 2 .
Le même jour, il fit cession au prédit Pierre de Savoie de l’hommage du fief que le prénommé Richard de Belmont tenait de lui et que le seigneur de Rue reconnaissait tenir du dit Richard 3 .
Enfin, toujours à la même date, Aymon, sire de La-Sarra et Richard, sire de Belmont, déclarent qu’ils ont abandonné à Pierre de Savoie le fief que le dit Aymon tenait de ce prince par suite de l’assujettissement qu’il avait fait à sa mouvance de l’hommage que lui devait le seigneur de Belmont et celui que le prédit Richard tenait du dit Aymon, comprenant les dîmes de Thierrens, de Saint-Cierge, d’Ogens, de Pailly, de Mont-Saint-Martin, de Saint-Pierre d’Arconciel, d’Escotaux, de Promassens, des /356/ grandes et petites Mexières, de Mailly et de Palaisieux, fief que le seigneur de Rue reconnaissait tenir de celui de Belmont 1 . — Par suite de cette cession le fief du seigneur de Rue, auparavant fief de Belmont et arrière-fief de La-Sarra, releva directement de Pierre de Savoie.
Aymon (I), sire de La-Sarra, ne vivait plus dans l’année 1269. Au mois d’avril de l’année 1244, Humbert, abbé du Lac de Joux et son couvent avaient confessé, par leur reconnaissance, qu’il était leur avoué et fondateur et avait sur tous leurs biens le mère et mixte empire et l’omnimode jurisdiction, ainsi que ses ancêtres les avaient eus et que ses héritiers et successeurs devront les avoir 2 . Après lui la maison de Grandson-La-Sarra tomba en quenouille, car il ne laissa pas de fils, mais seulement trois filles, nommées Henriette, Jordane et Jaquette. La première épousa le sire Humbert de Montferrand, à cause d’elle seigneur de La-Sarra. Ils furent les auteurs de la maison de La-Sarra-Montferrand. Jordane fut l’épouse d’Amédée, sire de Neuchâtel, et Jaquette devint celle de Simon de Monnet, seigneur de Montsaugeon.
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MAISON DE LA-SARRA-MONTFERRAND
PREMIER DEGRÉ
HUMBERT DE MONTFERRAND
CHEVALIER, ET HENRIETTE, DAME DE LA-SARRA, SON ÉPOUSE.
L’époux d’Henriette de La-Sarra appartenait aux Montferrand soit Montferrant, du comté de Bourgogne, maison de haute noblesse, qu’il ne faut pas confondre avec son homonyme de la province de Bresse. Nous donnerons ici l’analyse d’une charte, conservée aux archives du département du Doubs et qui nous fera connaître la position des Montferrand, en Franche-Comté. Elle est datée du mardi avant la fête de l’Ascension de l’année 1273.
Hugues de Montferrant, chevalier, étant tombé dans la « malgrâce » de sa très redoutée et noble dame Alix (comtesse) de Savoie et de Bourgogne palatine, lui promet, sous serment solennel, « qu’il ne la courroucera plus tant qu’il vivra, » s’obligeant à lui payer la somme de 500 marcs d’argent s’il manquait à sa promesse. Il oblige à cet effet, à sa dite dame, tout son héritage et ses biens meubles et immeubles, et met en sa main, pour ses pleiges, Odon de Neufchâtel, doyen de Besançon, Fromont de Montferrant, /358/ chevalier, sire de Corcondray, Thiebaud, sire de Rougemont, chevalier, Willelme, dit le Destrait, seigneur de Frasnes, et Jacques d’Erguel, chacun d’eux pour cent marcs. Au besoin ces pleiges tiendront otage à Dôle ou à Gray. Lui-même se soumet à aller et à retourner dans sa prison chaque fois que le voudra sa dite dame et là où elle le lui ordonnera 1 .
Le chevalier Humbert était-il un frère du chevalier Hugues de Montferrant ?
Vers cette époque (1276) apparaît le frère Etienne de Montferrand, commandeur (preceptor) des maisons du Temple, de Dôle et de Genevois (de Gebennesio) 2 .
Henriette, dame de La-Sarra, s’adresse, sous l’année 1269, à ceux de ses vassaux dont les noms suivent : Le seigneur de Belmont, messires Hugues de Palézieux, Bourcard de Bettens, G. de Baulmes (de Balmis), Pierre de Saint-Saphorin (de Saint-Simphorien), tous chevaliers; Guidon de Moyri, Pierre de Moudon 3 , Amauri d’Eclépens, Willelme de Ferreyres, Girard Grasset, W. de Conay, fils de messire Savaric de Baulmes, chevalier, tous donzels. Elle leur notifie qu’elle et ses deux sœurs Jordane et Jaquette ont fait entre elles le partage de toute la terre de La-Sarra et de tous les fiefs ou vassaux qui en relèvent; que ceux qu’elle a nommés ci-dessus forment le partage de sa sœur Jordane à laquelle ils doivent dorénavant /359/ prêter hommage, ne le devant plus à messire Humbert de Montferrand, sire de La-Sarra, seigneur et mari de la dite dame Henriette 1 .
Indépendamment des hommages précités, Jordane de La-Sarra, épouse d’Amédée, sire de Neuchâtel, obtint encore, par les partages faits avec ses sœurs, une part de la baronnie de La-Sarra. Nous verrons ce que devint cette part 2 .
On n’apprend pas quelle fut celle de la dame de Montsaugeon dans le partage de la succession paternelle. On sait seulement qu’il lui advint l’hommage du seigneur de Champvent avec celui du seigneur de Montricher, et que, lorsque les trois sœurs firent le partage des trois chevaliers qui étaient leurs vassaux, Henri Grasset échut à Henriette, dame de La-Sarra, Bourcard de Bettens à sa sœur Jordane et Pierre de Bavois à leur sœur Jaquette. /360/ Henriette, sans doute en qualité d’aînée et de dame de La Sarra, eut l’hommage du seigneur de Grandson pour le château et la ville de ce nom. (Voir plus loin.)
Une prononciation fut rendue, le samedi après la Saint-Michel de l’année 1273, par Guillaume, évêque de Lausanne et Jean de Alla…do, juge dans le Genevois et le Pays de Vaud pour le comte de Savoie, entre Guillaume de La-Sarra, trésorier de l’église de Lausanne, agissant au nom d’Humbert de Montferrand, chevalier, et d’Henriette, sa femme, de Simon de Monnet et de Jaquette, sa femme, et d’Amédée de Neuchâtel et de Jordane sa femme, d’une part 1 , et l’abbé Jean et son couvent du Lac de Joux, d’autre part, au sujet de diverses redevances et prestations exigées par les prénommés seigneurs et dames des hommes de la prédite abbaye. Aux termes de cette prononciation l’abbé et le couvent du Lac de Joux reconnaîtraient que ce couvent, dans ses limites, était et devait être de l’avouerie de dame Henriette, dame de « La Sarrée, » épouse du prédit seigneur de Montferrand, à laquelle la seigneurie de « La Sarrée » appartenait et devait appartenir; que, au dit seigneur de Montferrand et à ses hoirs devait appartenir et appartenait « la pugnicion » de tous les délinquants en la dite abbaye, ainsi que les limites de celle-ci s’étendaient, et que les biens des dits délinquants lui demeureraient; enfin, qu’il percevrait de tous les hommes de la dite abbaye l’avoinerie, la chaponnerie, les corvées de charrue et d’autres redevances désignées dans la prononciation 2 . /361/
Simon de Monnet, chevalier, seigneur de Montsaugeon et Jaquette, sa femme, fille d’Aymon, sire de La-Sarra, cèdent, en l’année 1277, à Humbert de Montferrand, chevalier, seigneur de La-Sarra et à Henriette, sa femme, sœur de la dite Jaquette, tous les droits qu’ils ont dans la vallée du Lac de Joux et en quelques autres lieux de la seigneurie de La-Sarra, moyennant le prix de 50 livres 1 .
Cet exemple, en ce qui concerne la vallée du Lac de Joux, fut suivi par Jordane, dame de Neuchâtel. Celle-ci et son fils Rolin, en l’année 1288, vendirent à Henriette, dame de La-Sarra, sœur de la dite Jordane, et à Jean, son fils, tous leurs droits sur l’abbaye du Lac de Joux et dans la vallée de ce nom, pour le prix de 60 solidées (annuelles) de terre, évaluées à cinq muids de froment, mesure de La Sarra, et assignées sur les fours et les moulins d’Orny 2 .
Humbert de Montferrand, lors de cette dernière transaction, n’était plus vivant. (Il apparaît encore dans l’année 1282, lorsque le chapitre de Lausanne ayant remis, à vie, à Othon de Champvent, l’un de ses chanoines, le château de Saint-Prex et le village de Crans, sous le cens de cent livres annuelles, Humbert de Montferrand se porta garant, auprès du chapitre, pour 20 livres sur cette somme 3 .)
Il laissa un fils, nommé Jean, qui lui succéda. Henriette de La-Sarra, sa femme, lui survécut de longues années. Nonobstant qu’elle fût de son propre chef dame de La-Sarra, elle céda néanmoins cette baronnie à son fils, gardant pour douaire le village d’Orny, du moins elle /362/ apparaît, en 1303 et 1314, avec le titre de dame d’Orny, ainsi que nous le rapporterons. En revanche, elle s’intitule dame de La-Sarra, lorsqu’elle reconnaît, en l’année 1314, qu’Aymon, sire de La-Sarra (son petit-fils), doit l’hommage lige à la noble donzelle Agnès de Villars, fille de feu le sire Humbert, seigneur de Thoire et de Villars; que le défunt Jean, sire de La-Sarra, fils de la dite dame Henriette et père du prénommé Aymon, a fait le dit hommage au prénommé sire Humbert, avec le consentement et de l’autorité de sa dite mère, et que celle-ci et le dit sire de La-Sarra tiennent et reconnaissent tenir en fief lige du dit sire Humbert et des siens : le bourg de La-Sarra, dès la porte du château du côté du lac jusqu’à la porte de la dite ville, ainsi que s’étend en droite ligne le lac soit l’étang de ce lieu, plus le fief que les nobles, dits les Grasset, tiennent du dit seigneur de La Sarra, à Bavois, la seigneurie de Bonvillars et certain fief en Bourgogne 1 . /363/
Nous ne trouvons pas, postérieurement à cette reconnaissance, la féauté due par les seigneurs de La-Sarra à la puissante maison de Thoire et de Villars, soit à ses droit-ayants, mentionnée dans les documents. Cette maison, en prenant pied dans le Pays de Vaud, s’efforçait de s’y créer des vassaux. Notre Mémoire sur les dynastes de Mont en montre des exemples.
Henriette, dame de La-Sarra, prolongea sa vie jusques dans l’année 1322. Elle fut inhumée dans l’abbaye du Lac de Joux 1 .
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DEUXIÈME DEGRÉ.
JEAN DE MONTFERRAND
SIRE DE LA-SARRA.
Jean de Montferrand, fils unique du chevalier Humbert et d’Henriette, dame de La-Sarra, succéda à son père.
Au mois de décembre 1292, par la médiation de Guillaume de Champvent, évêque de Lausanne, Jean, seigneur de La-Sarra, fit un traité d’alliance et de confédération avec Jean (III), sire de Cossonay, dans lequel les limites de leurs terres, du côté de la vallée du Lac de Joux, furent déterminées 1 .
Le péage de Ballaigues appartenait à Jean, sire de La Sarra. Sous l’année 1295 (4 des ides d’avril), ce seigneur, du consentement de son épouse Marguerite, le céda pour quatre années, à Reymond Mercier, moyennant 14 livres 2 .
Les nobles de Corbières ayant fait donation, en faveur de la chartreuse de la Val-Sainte, de quelques dîmes à Epagny, dans la paroisse de Gruyère, et Vuillelme de Belmont, seigneur de Pailly, ayant confirmé ce don, Jean, sire de La-Sarra, ratifia cette confirmation, le 7 /365/ septembre 1296 1 . On se rappelle que les nobles de Corbières tenaient des fiefs mouvants de la seigneurie de Belmont, qui, elle-même, relevait de celle de La-Sarra.
Par une transaction que Jean, sire de La-Sarra, fils d’Humbert de Montferrand, et sa femme Marguerite avaient faite, au mois de mai 1293, avec les bourgeois de La-Sarra, ils leur avaient remis, contre le payement de 25 livres, outre 60 livres déjà reçues par le prénommé Humbert de Montferrand, le droit des toises, soit deux deniers lausannois que le dit seigneur percevait annuellement, la veille de Noël, pour chaque chésal situé entre les bourgs de la ville, tant intérieurement qu’extérieurement. Cette transaction nous apprend que la ville de La-Sarra avait alors deux portes, celle du Chêne et la porte par laquelle on se rendait à l’hôpital (de Bornu). Chaque porte avait son portier, payé par la ville, mais établi de concert par le seigneur et les bourgeois 2 .
Ce seigneur n’était plus vivant au mois d’avril 1307 (voir plus loin). Etait-il déjà mort dans l’année 1303, lorsque la déclaration suivante fut formulée ?
Henriette de La-Sarra, dame d’Orny (de Ornier), Guillaume Grasset et Guillaume Bonnet, de La-Sarra, donzels, déclarent : qu’ils ont été témoins de l’hommage prêté, dans la grande salle du château de La-Sarra, par Jacob (Jacques), seigneur de Grandson et son frère Othon, chevaliers, à feu Humbert de Montferrand, seigneur de La-Sarra, chevalier, pour la ville et le château de Grandson, /366/ Bonvillars (Binvillars), les Roches 1 et les Onens 2 , qui relevaient de son fief lige. Un acte fut dressé de cette déclaration et muni des sceaux de la cour de Lausanne, de Pierre, abbé du Lac de Joux, de Girard de Disy, curé d’Orny, d’Humbert, recteur de l’hôpital de Bornu, près La-Sarra, et de Renaud de Grey, châtelain de Longvic, au diocèse de Besançon 3 .
Jean, seigneur de La-Sarra, avait épousé Marguerite, seule enfant de Jean de Joux, écuyer, et d’Isabelle, fille d’Odon de Châtillon, en Bugey. Jean de Joux mourut avant son père Hugues, sire d’Usie 4 .
Marguerite de Joux était remariée, en l’année 1307, avec Etienne de Vienne, seigneur de Berthelange 5 . Ces époux approuvèrent alors une concession de terres, dans /367/ la vallée du Lac de Joux, que faisait Aymon, fils de la dite dame et de défunt Jean, sire de La-Sarra, en faveur de l’abbaye du Lac de Joux, dans laquelle son père était inhumé, et en faveur des habitants de la vallée de ce nom, sous certaines réserves, et ils apposèrent leurs sceaux à l’acte de cette concession 1 .
Nous venons d’apprendre que le sire Jean de La-Sarra avait laissé un fils, nommé Aymon, qui lui avait succédé, circonstance dont la reconnaissance d’Henriette, dame de La-Sarra, en faveur d’Agnès de Villars, nous avait déjà instruit.
TROISIÈME DEGRÉ.
AYMON (II), SEIGNEUR DE LA-SARRA,
damoiseau.
Aymon (II) soit Aymé, fils de Jean, sire de La-Sarra, et de Marguerite de Joux, prend encore parfois dans les documents le nom de Montferrand, mais ses successeurs ne le portèrent plus.
A la réquisition de ce seigneur, une nouvelle déclaration relative à l’hommage qui avait été prêté au sire Humbert de Montferrand par les seigneurs de Grandson, déclaration semblable à la précédente, fut faite le dernier jour de novembre 1314 par les mêmes personnes, auxquelles /368/ se joignirent Guillaume Leschar et Pierre d’Orny. Ce dernier témoin ajouta à la déclaration des autres : qu’il avait vu les trois filles du seigneur de La-Sarra, savoir la prédite Henriette, qui fut femme du chevalier Humbert de Montferrand, Jordane qui fut celle d’Amédée de Neuchâtel et Jaquette, qui épousa le seigneur de Montsaugeon, faire le partage de leurs biens, vu qu’elles n’avaient point de frères; 1o de trois chevaliers qui étaient leurs hommes, desquels Henri Grasset parvint à la dite dame Henriette, Bourcard de Bettens à la prénommée dame Jordane et Pierre de Bavois (de Bavoës) à leur sœur Jaquette; 2o de leurs fiefs nobles, dont celui de Grandson échut à la dite dame Henriette, pour elle et les futurs seigneurs de La Sarra, celui de Besmont (Belmont) à la dite Jordane, et celui de Montricher soit (?) de Champvent 1 à la dite Jaquette; qu’à la suite de ce partage Jacob (Jacques) de Besmont, comme seigneur de Grandson, prêta l’hommage sus indiqué au sire Humbert de Montferrand, après l’avoir refusé à Amédée de Neuchâtel auquel il devait l’hommage pour Besmont, tandis qu’il ne le devait qu’aux seigneurs de La-Sarra pour Grandson 2 . /369/
Pour l’intelligence de cette déclaration, nous ferons observer que Jacques de Grandson, seigneur de Grandson avec son frère, le chevalier Othon, tous deux fils d’Amédée ou Amy, seigneur de Grandson, fils lui-même de Pierre de Grandson, le fondateur de cette branche de sa famille, était devenu seigneur de Belmont par suite de son mariage avec Blanche, fille et héritière de Richard (de Grandson), sire de Belmont.
Il est évident que les déclarations formulées sous les années 1303 et 1314, dont nous venons de parler, avaient pour but de constater le droit des seigneurs de La-Sarra à recevoir l’hommage des seigneurs de Grandson. Sans doute que les premiers faisaient alors auprès des seconds des instances pour que cet hommage fût prêté. Toutefois, on n’apprend pas qu’elles aient été couronnées de succès. Le vol élevé pris par les seigneurs de Grandson et leur alliance matrimoniale avec la maison de Savoie leur permirent, sans doute, de se soustraire à l’hommage qu’ils devaient aux sires de La-Sarra.
Aymon de Montferrand, seigneur de La-Sarra, « avoué /370/ et gardien naturel » de l’abbaye du Lac de Joux (c’est ainsi qu’on le trouve désigné sous l’année 1323), s’employa activement à retirer ce couvent de l’état de décadence dans lequel il était tombé par suite de mauvaise administration et du relâchement de la discipline de l’ordre. Il fit même dans ce but des sacrifices pécuniaires considérables et provoqua, de la part de l’abbé des Prémontrés, les mesures nécessaires pour le rétablissement du bon ordre dans ce monastère. Dans le but de sauver les biens du couvent, il les prit en amodiation pour 15 années, toutefois il les lui rendit avant l’expiration de ce terme, lorsque l’ordre et la discipline y eurent été rétablis 1 .
Aymon, seigneur de La-Sarra, négocia le mariage de Jean, fils unique de Louis (II) de Savoie, baron de Vaud, avec Marguerite, sa seconde femme, fille de Jean II de Chalon, comte d’Auxerre et de Tonnerre, qui fut conclu au château de Treffort, le 14 mars 1329 2 .
Ce seigneur remplissait la haute charge de bailli de Vaud, de la part de Louis (II) de Savoie, dans les années 1332, 1333 et 1335 3 . /371/
Sous l’année 1331, le 1er août, le chapitre de Lausanne avait concédé à Aymon, sire de La-Sarra, le droit de rachat à l’égard de certaines censes que lui avait léguées Henriette de La Sarra, dame d’Orny et Guillaume de La Sarra (trésorier du dit chapitre), de bonne mémoire 1 .
Dans les dernières années de sa vie, Aymon, sire de La-Sarra, qui avait épousé en secondes noces Jeanne de Dampierre de Saint-Dizier, eut un grave différend avec Jean (III) de Saint-Dizier, seigneur de Vignory, neveu de sa seconde épouse, lequel refusait de laisser parvenir à celle-ci la part qui lui revenait dans la succession de Béraut de Saint-Dizier, son neveu, qui testa en 1337 et était fils d’Etienne de Saint-Dizier, seigneur de Saint Laurent de La-Roche, frère de la dame de La-Sarra. Voyant toutes ses réclamations inutiles, Aymon, sire de La-Sarra, recourut aux armes et se fit justice à lui même. S’étant saisi de la personne de Jean de Saint-Dizier, seigneur de Vignory, il le retint en captivité dans son château de Vaugrenans, en Bourgogne. Marie de Bar, épouse du prisonnier, entreprit la délivrance de son mari et négocia à cet effet, par l’entremise de ses amis, auprès du sire de La-Sarra. Par une convention datée du 3 mai 1340, ce seigneur promit de rendre la liberté à Jean de Saint-Dizier moyennant une rançon de 3000 livres tournois et de 200 livres annuelles de rente sur les salines de Salins, promesse qui fut garantie, au nom du sire de La-Sarra, par Jean de Chalon, sire d’Arlay, tandis que, d’autre part, Henri, comte de Montbéliard, sire de Montfaucon, se rendit pleige et caution, auprès du sire de /372/ La-Sarra, du payement de la rançon de Jean de Saint-Dizier. Celui-ci, ensuite de cette convention, recouvra sa liberté. Sa rançon indemnisa Aymon de La-Sarra des droits de son épouse sur les domaines de sa famille. Le comte de Montbéliard lui donna en outre une lettre de garantie, datée de Cambrai, le 26 juin 1340 (il servait alors dans l’armée du roi de France contre les Anglais), par laquelle, tant en son propre nom qu’en ceux de Jean de Saint-Dizier et de Marie de Bar, sa femme, dont il était parent, il promettait de ne point rechercher le sire de La-Sarra au sujet de la captivité de Jean de Saint-Dizier et de le préserver de tout dommage résultant de ce fait 1 .
Aymon (II), sire de La-Sarra, doit être décédé dans l’année 1342, ainsi que cela résulte de documents postérieurs.
Il avait épousé en premières noces, avant l’année 1300, Agnès, fille de Hugues de Vaugrenans, chevalier, qui testa en 1311 et dont l’épouse était Jeanne de Sainte-Croix 2 . Agnès de Vaugrenans mourut en 1323 et fut inhumée dans l’abbaye du Lac de Joux 3 .
En secondes noces Aymon, sire de La-Sarra, damoiseau, épousa Jeanne de Dampierre de Saint-Dizier, fille de Guillaume de Dampierre, seigneur de Saint-Dizier 4 et /373/ de Jeanne de Chalon, fille d’Etienne, seigneur de Rouvres et de Montenot, le troisième fils de Jean de Chalon, dit le Sage ou l’Antique, et d’Isabelle de Courtenay, sa seconde épouse. Jeanne de Saint-Dizier, « moindre d’ans » en 1317, avait épousé, avant 1324, Huguenin, dit Villars de Varair, écuyer. Elle reçut, en 1324, 200 livres de rente, à Salins, de son frère Etienne, pour toute sa part dans les successions de ses père et mère. Jeanne de Saint-Dizier, qui pourrait avoir été la plus jeune des enfants de ses parents, avait cinq frères et sœurs 1 . Elle ne donna pas d’enfants à Aymon, sire de La-Sarra, et mourut, paraît-il, en 1343 2 , laissant son héritage à sa sœur Isabeau, femme de Henri, sire de Blamont (en Lorraine), et à François, sire de La-Sarra, fils d’Aymon, son mari et d’Agnès de Vaugrenans, première femme de celui-ci 3 . /374/
Aymon (II), seigneur de La-Sarra, damoiseau, laissa un fils né de sa première femme, duquel il vient d’être parlé et qui fut son successeur. Il est probable qu’il eut aussi une fille de cette première épouse, puisque, sous l’année 1318, apparaît Maot (Mahaud) de La-Sarra, épouse de Jean (II), sire des Monts, chevalier, qui venait de succéder au sire Jean (I) des Monts, son père. Maot soit Macelide de La-Sarra était veuve, en 1332, du prénommé Jean (II) des Monts et tutrice des deux fils, nommés Richard et Jean, qu’elle avait eus de lui. Elle ne vivait plus en 1346 1 .
Un Girard, bâtard, donzel, apparaissant à La-Sarra sous l’année 1339, était-il peut-être un frère ou un fils du sire Aymon (II) 2 ?
Du reste, les archives de l’état de Neuchâtel, à propos du fief de Neuchâtel à La-Sarra, nous font connaître divers individus portant le nom de La-Sarra et apparaissant dans le lieu de ce nom dans la première moitié du XIVe siècle. On a inféré de cette circonstance qu’ils appartenaient à une branche cadette de la maison de La-Sarra, toutefois nous estimons plutôt qu’ils étaient des ministériaux de cette maison. L’un d’eux, le donzel Jacques de La-Sarra, est dit fils du feu donzel Jacques d’Eclépens. Il fut châtelain de La-Sarra et ne vivait plus au mois de janvier de l’année 1344. Un de ses fils nommé Perrod ou Peter, apparaissant en 1333 et 1344 3 ne saurait être un Pierre de La-Sarra, /375/ chanoine de Lausanne sous les années 1340-1355 et maître de la fabrique de l’église en 1351 1 . Cependant, comme on ne peut pas le rattacher à la maison de La Sarra, on doit supposer que ce chanoine de Lausanne appartenait à la famille des ministériaux qui portait le nom de La-Sarra. On sait que la plupart des maisons de haut baronnage ont eu des ministériaux portant leur nom.
QUATRIÈME DEGRÉ
FRANÇOIS (I), SIRE DE LA-SARRA
COSEIGNEUR DE VEVEY, VIDAME DE MONTREUX, BAILLI DE vAUD ET DE CHABLAIS,
chevalier.
En qualité de donataire soit plutôt d’héritier de Jeanne de Saint-Dizier, sa belle-mère, François, sire de La-Sarra, renonce, le 22 juillet 1343, en faveur de Jean de Chalon, comte d’Auxerre, à tous les droits qu’il pouvait avoir sur la seigneurie de Valempoulières, du chef de Renaut de Saint-Dizier, dont la prénommée Jeanne de Saint Dizier était cohéritière 2 . Et, à la date du 2 décembre de la même année (1343), l’official de la cour de Besançon /376/ déclare : Que le noble damoiseau François « de la Sarrée » a confessé que la défunte noble dame Jeanne de Saint-Dizier lui ayant fait donation, tant à lui qu’à son fils Pierre, de douze vingt et dix (250) livres d’annuelle et perpétuelle rente en la saulnerie de Salins, et de tout le droit qu’elle pouvait et devait avoir du défunt Béraut de Saint-Dizier, seigneur de Saint-Laurent de la Roche, pouvant s’élever à la cinquième partie, le noble baron monsieur Jean de Chalon, comte d’Auxerre et seigneur de Rochefort, comme seigneur du fief, a confirmé et approuvé les dites donations, desquelles il a la moitié par conventions faites entre eux; le dit François, tant pour lui que pour son fils Pierre, confesse devant la dite cour de l’official qu’il tient en fief toutes les choses données et confirmées, confessant aussi tenir en fief du dit comte d’Auxerre 50 livrées de terre en la saulnerie de Salins, ayant, paraît-il, une autre provenance, et qu’il est entré en l’hommage du dit comte d’Auxerre, celui-ci étant présent, acceptant et agréant 1 .
Quoique François, sire de La-Sarra, possédât, indépendamment de la seigneurie considérable de ce nom 2 , encore la coseigneurie de la ville de Vevey et la vidamie de Montreux provenant de Marie d’Oron, son épouse, et des biens importants dans le comté de Bourgogne hérités /377/ de Jeanne de Saint-Dizier, sa belle-mère (et probablement aussi de sa propre mère, Agnès de Vaugrenans), il avait néanmoins des dettes pour le payement desquelles il vendit, le 24 avril 1344, du consentement de Marie d’Oron, son épouse, la vallée de l’abbaye du Lac de Joux à Louis (II) de Savoie, sire de Vaud « son très chier seigneur », pour le prix de mille livres. Cette vallée s’étendait dès le lieu appelé Pierra Fuly jusqu’à une lieue vulgaire du lac dit Quinzonnet, limite du pays de Vaud, et dès le mont nommé Riso (Risoud), devers Muetoz (Mouthe), jusqu’à la montagne dite Mont-Tendroux (Mont-Tendre), ainsi que les eaux descendent dans la dite vallée. Cette vente comprit tous les droits que le vendeur possédait dans la vallée qu’il vendait, entre autres ceux de mère et mixte empire et d’omnimode jurisdiction et d’avouerie. François de La-Sarra se réserva l’exercice du vidomnat dans la vallée vendue, tel qu’il s’exerçait à Moudon, et il tiendrait cet office héréditaire en fief de l’acheteur, en augmentation de celui auquel ses prédécesseurs « étaient tenus au dit monseigneur Louis, à cause du comté de Savoie. » Il se réserva de plus, pour lui, ses héritiers et ses successeurs et pour ses sujets de la seigneurie de La Sarra, l’usage perpétuel dans les paquiers et forêts de la vallée vendue. Encore, pour sa maison, le droit de pêche dans le lac. Enfin, l’avouerie, le mère et mixte empire et l’omnimode jurisdiction, dès le lieu appelé Pierra-Fuly, en dessous, sur les hommes et possessions de l’abbaye du Lac de Joux, dans la seigneurie de La-Sarra 1 . Cette réserve-ci /378/ pourrait faire supposer que la vente faite par François de La-Sarra à Louis de Savoie comprit l’avouerie sur les autres hommes et possessions de l’abbaye du Lac de Joux. Cependant, il ressort des reconnaissances prêtées par les abbés du monastère du Lac de Joux en faveur des successeurs de François, sire de La-Sarra, que ceux-ci continuèrent à être les avoués, les patrons et les gardiens de ce couvent.
Le 30 avril de la même année 1344, Louis de Savoie reconnaît avoir reçu de François, sire de La-Sarra, le titre d’une convention faite entre le couvent du Lac de Joux et le seigneur de La-Sarra (lequel ?), au sujet du village dit le Lieu 1 . Et de son côté Louis, abbé du Lac de Joux, donne quittance, à l’octave de la Nativité du Seigneur 1344 (1er janvier 1345), à François, sire de La-Sarra, des titres que celui-ci lui a remis « dans une arche bien fermée 2 . » Cette circonstance nous semblerait indiquer que le sire François de La-Sarra rendit alors au couvent du Lac de Joux les titres de ce couvent qui avaient été probablement remis au sire Aymon, son père, lors de l’époque de décadence que ce monastère avait traversée.
On se rappelle que par les partages que les trois filles et héritières d’Aymon (I), sire de La-Sarra, avaient faits de la succession paternelle, une part de la baronnie de La Sarra était échue à Jordane, l’une d’elles, qui fut l’épouse d’Amédée, sire de Neuchâtel. Cette part se trouvait dans les mains de son petit-fils Louis, comte de Neuchâtel, qui la céda, à titre de fief, à son parent François, sire de La-Sarra. /379/ Le 15 juillet 1344, ces seigneurs firent des conventions en suite desquelles le premier céda au second, en fief lige, tous les droits dont il jouissait dans les « finages de la Ferrère » (Ferreyres), Moiry, Pompaples, Ornerel (nom d’un territoire à La-Sarra), Moremont et généralement tout ce qu’il possédait dans la seigneurie de La Sarra 1 .
Le comte Louis de Neuchâtel augmenta bientôt après le fief que François de La-Sarra tenait de lui, ainsi que nous l’apprend la reconnaissance suivante :
Au mois de juin 1345, au château de Champvent, François, sire « de la Sarrée », confesse et déclare que son très cher seigneur et oncle 2 Louis, comte et seigneur de Neuchâtel, lui a fait don, en augmentation du fief qu’il tient de lui, de tous les fiefs de gentilshommes appartenant au dit comte dans la châtellenie de La-Sarra, savoir : le fief des Hogits (soit Hengits) (?) dits de Ferreyres, le fief de Rolet de Moiry (de Muerye), le fief des hoirs de Girard à la Cornyola de Conay, celui de Pierre, fils de Girard Grasset, le fief de Vuillerme Peyeel (soit Pegiel) (?), celui de Vuillerme de Daillens, le fief du mayor Guillaume de Romainmotier 3 et celui de Vouchy d’Orny (de Ornier), /380/ et généralement de tous les fiefs qui pouvaient lui appartenir dans la dite châtellenie, avec les cens, reconnaissances, droits et appartenances des dits fiefs. En récompense de cet accroissement de fief, François, sire de La-Sarra, reconnaît et confesse qu’il tiendra en fief, du comte Louis de Neuchâtel, tous les francs-alleux qu’il peut avoir dans les villages, finages et territoires de Moiry, Ferreyres et Pompaples. Sont présents à cette reconnaissance : Mermet de Langin, châtelain du dit Champvent, Perronet de Bignins et Guillaume, « le maour » (le mayor) de Romainmotier, et d’autres gentilshommes dignes de foi. Le prévôt de l’église collégiale de Neuchâtel et le sire de La-Sarra en scellent l’acte 1 .
François de La-Sarra, par cette transaction, rentra en possession de la mouvance des fiefs démembrés de la seigneurie de La-Sarra par les partages faits entre les filles d’Aymon, sire de La-Sarra, et échus à Jordane, épouse d’Amédée, sire de Neuchâtel.
Le fief que tenait François de La-Sarra du comte Louis de Neuchâtel, et qui fut accru dans la circonstance que nous venons de rapporter, comprenait les biens procédés de Jordane de La-Sarra, aïeule du dit comte et que celui-ci lui avait remis par la convention du 15 juillet 1344 (voir ci-dessus). Nous ignorons ce qu’il advint avec le temps de cette féauté des seigneurs de La-Sarra envers les comtes de Neuchâtel. Nous la trouverons encore rappelée en 1400.
En conséquence de la cession que nous venons d’indiquer, Girard, Jean et Jacques de Ferreyres, frères, /381/ reconnurent leur fief en faveur de François, sire de La-Sarra, le 29 juillet 1346 1 .
Vers la même époque (juillet 1346), Jaquette, veuve de Jaquet dit Mermet de Bottens (de Boctens), et son fils Girard reconnurent en faveur du même sire de La-Sarra le péage de Ballaigues tenu par eux sous hommage lige 2 .
Louis de Savoie, sire de Vaud, accorda, en l’année 1346, à François, sire de La-Sarra, une place pour bâtir une grange, dans la vallée du Lac de Joux, en deçà de la rivière de l’Orbe. Estard de Monnet, seigneur de Montsaugeon et de Bavois, châtelain des Clées et Guillaume de Dompierre furent chargés de marquer cette place 3 .
Dans un document de la même année 1346, Richard de Dompierre est cité comme écuyer de François, sire de La-Sarra 4 .
Aux termes d’une prononciation rendue par Louis de Savoie, sire de Vaud, entre l’abbaye du Lac de Joux et le sire François de La-Sarra, ce couvent était tenu de payer au dit sire cinquante livres de rente pour le capital de mille florins de Florence, pour lesquelles François de La-Sarra tenait vingt charges de sel, à Salins, plus cent soudées de sel, avec la muere, au Bourg-le-Comte, ainsi que le pré et le vergier situés entre Salins et l’Isle (Lyla). Le sire de La-Sarra, en l’année 1349, fit remise au couvent du Lac de Joux des prédites cinquante livres de rente avec leurs assignaux, sous condition que deux chanoines de la dite /382/ abbaye célébreraient journellement, à l’autel devant la sacristie, deux messes de requiem, sauf le dimanche, les fêtes annuelles et les fêtes doubles, et que tous les lundis de l’année, ils fissent, après la grande messe, un service sur la tombe des sires de La-Sarra 1 .
François, sire de La-Sarra, apparaît en qualité de bailli de Vaud et de chevalier dans un document daté du 11 décembre 1347 2 . Il remplit pendant plusieurs années cette haute charge de bailli de Vaud, savoir dès l’année 1345 à l’année 1350, puis encore de l’année 1359 à 1361 3 .
Isabelle de Chalon, dame de Vaud, sous l’approbation de Guillaume, comte de Namur et de sa femme Catherine de Savoie, fille de la dite Isabelle, inféode (aberge, plutôt), le 8 janvier 1353 (v. st.), à François, sire de La-Sarra, tous les bois situés au-dessous des villages de Moiry et de Ferreyres, du côté du Jura, sous la cense de six muids de froment et l’entrage de cinquante florins 4 . Ils comprenaient l’étendue considérable de sept cents poses.
La même Isabelle de Chalon adresse, le 21 mars de la dite année 1353, au châtelain des Clées, l’ordre de laisser /383/ jouir le sire de La-Sarra, son bien-aimé cousin, de tous ses droits de vidomne dans la vallée du Lac de Joux et des prééminences attachées à cet office 1 .
Nous avons dit précédemment que, par son mariage avec Marie d’Oron, François, sire de La-Sarra, était devenu coseigneur de la ville de Vevey et vidame de Montreux (Mutruz). Cette vidamie, située dans une contrée aussi fertile que riante, formait une seigneurie considérable, comprenant dix-huit villages 2 . Toutefois, il ne s’y trouvait pas alors de château-fort pouvant opposer, en cas de guerre, de la résistance à l’ennemi et offrant d’un autre côté un refuge aux ressortissants de la seigneurie. Ceux-ci étaient donc obligés, le cas échéant, de se réfugier dans les châteaux voisins du comte de Savoie, d’où il résultait des difficultés à l’égard du payement de leur part à la contribution pour la fortification de ces châteaux. Un traité fait par François de La-Sarra avec le comte Amédée VI devait mettre fin à cet état de choses. Aux termes de ce traité, daté du 2 décembre 1352, indict 5e, François de La-Sarra construirait un château-fort dans la paroisse de Montreux et recevrait à cet effet 600 livres de Lausanne du comte, qui lui furent payées. Ce château relèverait du fief noble du dit comte et le sire de La-Sarra le reconnaîtrait en sa faveur, ainsi que des biens allodiaux (situés sans doute dans la paroisse de Montreux) d’un revenu annuel de 218 livres de Lausanne, soit environ, le tout /384/ sous réserve de l’hommage qu’il devait (pour La-Sarra) à Catherine de Savoie, dame de Vaud 1 . François, sire de La-Sarra, mourut avant d’avoir rempli l’engagement qu’il avait contracté. Nous verrons les conséquences qui en résultèrent pour ses petits-fils.
Une transaction, datée du mois d’octobre 1355, termina un différend qui s’était élevé entre le prénommé François et ses sujets de la vidamie de Montreux, auxquels il demandait le payement de trois cas d’aides, savoir : pour sa promotion à la chevalerie, pour le pèlerinage fait par lui au delà de la mer et pour la dot d’une de ses filles, payement auquel les prédits sujets prétendaient n’être pas tenus. Par la dite transaction le sire de La-Sarra et Marie d’Oron, son épouse, affranchirent perpétuellement leurs sujets de la vidamie de Montreux de tous les cas d’aides (soit aytere) 2 , moyennant la somme de 300 livres de Lausanne, bonnes, que ceux-ci leur payèrent, les dits nobles époux, de leur côté, leur faisant cession, dans cette circonstance, de certain pré soit crête (dit la Seya de Beaeux ?), au sujet duquel ils payèrent 65 livres à la commune de Chillon pour les droits qu’elle y avait. Présents à cette transaction 3 furent : Pierre, curé de /385/ Montreux (de Mustreux), Jacques Albi, jurisconsulte, Jean de Cuarnens, Jacquet de Mollens, clerc, Jean Curnillat, de Vevey, et d’autres personnes. L’acte en fut scellé par la cour de Pierre de Pont, juge de Chablais et de Genevois, et par le sire François de La-Sarra 1 .
L’année suivante (1356, 3 mars, v. st.), en qualité de coseigneur de Vevey, François de La-Sarra octroya à la ville de Vevey l’omgelt du vin de ce lieu, depuis la Veveyse jusqu’à l’Egnonaz (ruisseau entre Vevey et la Tour), soit un picotin de chaque setier, à condition que le pont de la Veveyse, les portes et autres bâtiments publics de la ville fussent maintenus aux frais de celle-ci. Le sire de La-Sarra fit la réserve que ses vins seraient francs de l’omgelt 2 . La coseigneurie de Vevey, attachée à la maison forte, dite la cour d’Oron (soit la cour au chantre), formait la moitié du mandement de Vevey.
François, sire de La-Sarra, chevalier, apparaît en qualité de bailli de Chablais, de la part du comte Amédée de Savoie, sous les années 1355 (6 juin) et 1356 (8 décembre) 3 .
La transaction faite par ce seigneur avec ses sujets de la vidamie de Montreux, en l’année 1355, nous a appris qu’il avait fait le pèlerinage d’outre-mer. En effet, l’on trouve dans les archives de la ville de La-Sarra (paqt 1, no 7) un acte de non-préjudice donné par lui aux bourgeois de La-Sarra, au sujet d’un don gratuit de 50 florins qu’ils lui avaient fait, le 24 février 1351 (v. st.), à son retour de Jérusalem, où il avait visité le saint sépulcre. /386/
Le même sire de La-Sarra fut l’un des garants du traité de Belley, fait le 9 juillet 1359, entre Guillaume, comte de Namur, et Catherine de Savoie, son épouse, d’une part, et le comte Amédée VI de Savoie, d’autre part, pour la cession de la baronnie de Vaud, etc., à ce prince-ci 1 .
Dans la même année, Louis, comte de Neuchâtel, faisant son testament, nomme, pour tuteurs de ses enfants mineurs, Jean de Neuchâtel, son fils aîné, et François, sire de La-Sarra, son neveu 2 .
Enfin, le 3 mai 1360, Frédéric, duc de Teck, bailli d’Alsace, et François, sire de La-Sarra, bailli de Vaud, ménagent, à Vaumarcus, un traité d’alliance et de confédération entre le comte Amédée de Savoie et le duc d’Autriche 3 .
Il ressort de plusieurs des circonstances que nous avons rapportées que François (I), sire de La-Sarra, chevalier, fut un seigneur marquant et très considéré dans la patrie de Vaud.
Il fit son testament, conjointement avec Marie d’Oron, son épouse, le 16 juillet 1360, en faveur de leurs enfants Aymon, François, Pierre, Marguerite, Alexie et Agnès. Selon cet acte de dernière volonté, Aymon aurait la seigneurie de La-Sarra et celles de la Motte et de Vaugrenans, en Bourgogne. Son frère François hériterait la vidamie de Montreux, la coseigneurie de Vevey et les revenus de Salins. Si Pierre, leur frère, alors absent, revenait au pays, ses frères lui remettraient la terre de la Motte et les revenus de Salins 4 . /387/
Les autres enfants des testateurs, nés et à naître, recevraient de leurs frères, à titre viager, vingt livrées (annuelles) de terre, sans seigneurie 1 . Par son testament, François, sire de La-Sarra, fonda et dota la chapelle de saint Antoine, à La-Sarra, dans laquelle il choisit sa sépulture et où ses successeurs furent inhumés. Elle devait être desservie par deux chapelains. Cette fondation, successivement très augmentée, eut lieu avec l’autorisation d’Aymon de Cossonay, évêque de Lausanne, et le consentement de Louis de Senarclens, abbé du Lac de Joux 2 , qui en firent la consécration.
Outre les enfants précédemment indiqués, François, sire de La-Sarra et Marie d’Oron eurent encore une fille nommée Catherine, qui épousa le 31 août 1354 François, seigneur d’Oron, fils de Rodolphe, seigneur d’Oron et d’Attalens 3 . Elle eut 800 livres de dot et les donna entre vifs à son mari, le 17 août 1360. Catherine de La-Sarra n’était plus vivante en 1364, année dans laquelle eut lieu une transaction entre le prénommé François d’Oron et Aymon (III) et François (II) de La-Sarra, frères de son épouse, au sujet de la donation que celle-ci avait faite de /388/ sa dot en faveur de son mari. Cette dot fut convertie en 12 livres annuelles de terre 1 .
Alexie de La-Sarra, sœur de Catherine, épousa le chevalier Jean (III) des Monts. Etant veuve de lui elle fit, le 11 Octobre 1373, une donation de dix livres en faveur des chapelains de la chapelle de Saint-Antoine, de La-Sarra, fondée par son père 2 .
Marguerite de La-Sarra, sœur des précédentes, vivante en 1372, ne se maria pas. Elle est mentionnée comme ayant part à la seigneurie de Montreux.
Enfin, Agnès, la quatrième fille de François, sire de La-Sarra et de Marie d’Oron, fut la femme de Richard de Vuillens, donzel. Elle fit un legs de dix sols (de rente) à l’église de Moudon 3 .
François (I), sire de La-Sarra, n’était plus vivant le 14 août 1362 (voir plus loin). Sa veuve et ses enfants lui firent ériger un beau monument dans la chapelle de Saint Antoine, de La-Sarra, qu’il avait fondée. Ce remarquable monument a été transporté de nos jours dans l’ancienne chapelle du château de La-Sarra. Une intéressante description en a été publiée 4 .
Marie d’Oron, épouse de François (I), sire de La-Sarra, /389/ et qui lui apporta la coseigneurie de Vevey et la vidamie de Montreux, était la fille et le seul enfant de Girard d’Oron, chevalier, et d’Alexie de Blonay. Au mois de mai 1334, François, fils du noble Aymon, sire de La-Sarra, et Marie, sa femme, fille et héritière de feu, de bonne mémoire, Girard d’Oron, coseigneur de Vevey et de la paroisse de Montreux (Mustruz), chevalier, assignent, en faveur de l’abbaye de Hautcrêt, dix livres annuelles de rente, percevables, à la fête de Saint-Martin d’hiver, sur les tailles de leurs hommes de la paroisse de Montreux. Cette assignation, faite avec l’approbation du prénommé Aymon, sire de La-Sarra, a lieu pour acquitter sept livres annuelles de terre léguées à la dite abbaye par le susdit Girard d’Oron, pour la célébration de son anniversaire, abbaye dans laquelle il a élu sa sépulture, et pour acquitter encore 60 livres dues au même couvent par les dits époux de La-Sarra, tant pour les obsèques du prédit sire Girard que pour celles de la noble dame Marguerite, sœur de celle ci, inhumée dans la dite abbaye. Les dix livres de rente assignées s’acquitteront en argent, blé ou vin. Alexie (de Blonay), veuve du prénommé sire Girard, et divers témoins sont présents à cette assignation, dont l’acte est scellé par Hugues de Champvent (de Chanvent), doyen de Vevey, Aymon, sire de La-Sarra, et Nicolas, abbé de Hautcrêt 1 . /390/
Marie d’Oron, veuve de François, sire de La-Sarra, vivait encore en 1364, lors de la transaction passée entre ses fils Aymon et François, d’une part, et François, seigneur d’Oron, d’autre part, transaction précédemment mentionnée. Elle habitait alors la maison (forte) de Chailly (Challiaci), dans la vidamie de Montreux, remplacée dans le siècle suivant par le château du Châtelard, bâti aux environs de l’année 1441, par le chevalier Jean de Gingins, époux de Marguerite de La-Sarra 1 . (Voir ci-après.)
CINQUIÈME DEGRÉ
AYMON (III), SIRE DE LA-SARRA
chevalier.
Aymon (III) succéda à son père comme seigneur de La Sarra, aux termes du testament de celui-ci.
Le 14 août 1362, il fait un accord avec les bourgeois de La-Sarra relativement à l’entretien du pont, dit de Jougne, à La-Sarra, entretien qui sera à la charge des bourgeois, mais pour lequel le sire Aymon donnera le bois nécessaire 2 . Dans cette circonstance Aymon de La-Sarra agit comme seigneur du lieu de ce nom. Le 1er mai 1363, il promet, avec serment, de maintenir à perpétuité les /391/ nobles et bourgeois de La-Sarra dans les us, coutumes et franchises de Lausanne; sans changement d’un seul point, excepté celui de la garde du bétail 1 . C’est la première mention qui soit faite que la coutume de Lausanne fût suivie à La-Sarra et sans doute aussi dans toute la châtellenie. Lequel des seigneurs de cette ville la lui avait-il concédée ?
Il est désigné de seigneur (dominus) de La-Sarra dans la transaction faite en l’année 1364 entre les deux fils du sire François (I) de La-Sarra et leur beau frère François, seigneur d’Oron, relativement à la donation qu’avait faite en faveur de celui-ci Catherine de La-Sarra, son épouse, sans le consentement de ses frères.
Dans la même année 1364, plusieurs des vassaux nobles de la seigneurie de La-Sarra reconnurent, en faveur du sire Aymon (III), les fiefs qu’ils tenaient de lui, savoir :
Dans le mois de mars, Jaquet d’Eclépens.
Le 13 du dit mois, Guillaume, mayor de Romainmotier 2 .
Le 12 avril, Jordan, fils de Guillaume de Daillens.
A la même date, Mermet, fils de Girard Grasset, donzel, et Aymon Freylon, de Cuarnens, donzel.
Le 14 avril, François, fils d’Aymonet, fils de Jaquet Freylon, de Cuarnens.
D’autres vassaux de la seigneurie de La-Sarra s’acquittèrent du même devoir, en faveur du sire Aymon, dans l’année 1368, savoir :
Le 30 janvier, Thomasset, dit de la Grange, donzel, de La-Sarra. /392/
Le 28 février, Pierre, fils de Vouchy d’Orny, dont la reconnaissance, en son absence, fut faite par son frère Jacob, curé d’Orny, chanoine de l’abbaye du Lac de Joux.
Le 14 avril, Girard, fils de Guillaume, fils d’Othon d’Eclépens, chevalier.
Le 17 avril, Girard, fils de Perrod Grasset, donzel, d’Eclépens, pour lui, Isabelle et Jean, ses frère et sœur.
Le 21 avril, Etienne, fils de Jordan de Conay.
Le 15 août, Guillaume, mayor de Romainmotier, puis Aymon Guichard, de Cossonay.
Puis encore dans la même année 1368, mais sans indication d’une date plus spéciale, les vassaux dont les noms suivent reconnurent aussi leurs fiefs en faveur du sire Aymon :
Nicole, fille d’Othon de la Grange, femme de Jean de Chabiez, donzel.
Jaquette, fille de Rolet de Moiry (de Muerier), donzel, femme de Perret d’Ecublens.
Girard, fils de Cuanet de Senarclens, donzel, dont, le fief était situé à Chavannes, Cuarnens et Montlaville.
Béatrice, fille de Perrod Grasset, d’Eclépens, veuve de Mermet, fils d’Othon de Gondo, donzel.
Et Jean, fils de Perrod Grasset d’Eclépens, donzel.
Le 2 mars de la prédite année 1368, Aymon, sire de La-Sarra, chevalier, inféode des biens à Mermet, dit Grasset, de La-Sarra, donzel; puis aussi à Nichole, fille d’Othon de Grange, donzel. Enfin, à la même date, Jean, fils de Richard de Yens, écuyer, reçoit de lui, à titre d’inféodation, le fief qu’avait jadis tenu Henri Bonex, de La Sarra 1 . /393/
On voit par ce que nous venons de rapporter que les seigneurs de La-Sarra avaient de nombreux vassaux nobles.
Aymon, seigneur de La-Sarra, est titré de chevalier dans une prononciation rendue le 1er août 1369, entre lui et le couvent de Romainmotier dont Artaud Alamandi était alors prieur, au sujet des moulins de Moiry 1 .
Il n’était plus vivant le 15 janvier 1370 (n. st.). Imitant l’exemple de son père, il avait fait le pèlerinage d’outre-mer, ainsi qu’on l’apprend par un acte de non-préjudice donné par lui à la bourgeoisie de La-Sarra à l’égard d’un don gratuit de 100 florins qu’elle lui avait fait, en 1367, à son retour de ce voyage 2 .
Aymon (III), sire de La-Sarra, chevalier, avait été marié deux fois, mais il ne laissa pas de postérité.
Sa première épouse (1351) fut Isabelle de Vuillens, qui ne vécut pas longtemps 3 .
Il se remaria, en 1360 ou 1361, avec Marguerite de Duin, dite de Vufflens, fille d’Hugonin de Duin, seigneur de Vufflens-le-Château et de La Motte 4 . Cette dame, en qualité de veuve d’Aymon, sire de La-Sarra, fit, le 15 janvier 1370, une déclaration touchant le fief de Jean, fils de Richard de Yens 5 . Elle assigna en 1372 divers legs faits en /394/ faveur de la chapelle de La-Sarra par son défunt mari 1 .
Les 23 et 28 novembre de la même année 1372 eut lieu le partage soit la répartition des dettes passives de feu Aymon, sire de La-Sarra, entre Marguerite de Vufflens, sa veuve, usufruitière de ses biens (c’est-à-dire de la moitié de ceux-ci), alors devenue l’épouse de Louis, comte de Neuchâtel, d’une part, et Nicod et Aymon, fils de feu François de La-Sarra, chevalier, frère du dit défunt Aymon, d’autre part. On apprend par ce document que la veuve du prénommé François était Marguerite, fille d’Aymon d’Oron, seigneur de Bossonens, et que leurs fils Nicolas et Aymon se trouvaient alors sous la tutelle de Rodolphe de Langin, donzel. De plus, qu’il était dû à Marguerite, Alix et Agnès, sœurs des dits Aymon et François, 1000 florins d’or à chacune d’elles, à titre de dot 2 . — Marguerite de Vufflens ne tarda pas à devenir veuve de Louis, comte de Neuchâtel. Elle épousa en troisièmes noces Jacques de Vergy, sire d’Autrey, auquel elle apporta la seigneurie de Champvent, dont elle avait obtenu la cession de la part de son second mari. Elle prétendait y avoir des droits du chef de Marguerite de Champvent, son aïeule paternelle 3 . Marguerite de Vufflens testa au /395/ château de Champvent, le 24 août 1400, en faveur de ses fils Jean et Pierre de Vergy et de son mari Jacques de Vergy, chevalier. Elle légua par ce testament quatre setiers annuels de vin aux chapelains de la chapelle de Saint-Antoine, de La-Sarra, assignés sur la vigne du clos de Chamevet (Champvent ?), au Martheray 1 . Cette dame vivait encore en 1403 et prêta alors quernet, en faveur du comte Amédée de Savoie, pour la terre de Champvent. Son fils, Jean de Vergy, fut seigneur d’Autrey, et Pierre, le second, le fut de Champvent et de Champlitte 2 .
CINQUIÈME DEGRÉ
FRANÇOIS (II), COSEIGNEUR DE VEVEY
ET DE LA PAROISSE DE MONTREUX
chevalier, puis seigneur de La-Sarra.
En vertu du testament de ses parents François (II) de La-Sarra obtint la coseigneurie de Vevey et celle de la /396/ paroisse de Montreux, pour sa part de leur succession. Il s’intitule coseigneur de Vevey et chevalier, sous l’année 1364, dans la transaction passée avec son beau-frère, François, seigneur d’Oron.
François (II) de La-Sarra parvint ainsi de bonne heure aux honneurs de la chevalerie, ce qui indique qu’il s’était distingué dans la carrière des armes. M. Fréd. de Gingins rapporte dans ses notes sur La-Sarra qu’il fut fait prisonnier en Lombardie, dans la grande guerre du comte Amédée VI de Savoie, et que la ville de La-Sarra donna 100 florins pour sa rançon. Effectivement, l’inventaire des archives de la ville de La-Sarra renferme (paquet I, No 11) l’indication d’un acte de non-préjudice en faveur des bourgeois de La-Sarra, daté du 20 juillet 1364 et à eux concédé par Aymon, sire de La-Sarra, au sujet d’un don gratuit de 100 florins d’or, lorsque François de La-Sarra, son frère (son père, est-il dit erronément) était prisonnier en Lombardie et en Piémont 1 .
A la mort du sire Aymon (III), son frère, François (II), devint seigneur de La-Sarra, Marguerite de Vufflens, veuve du premier, ayant l’usufruit de la moitié des biens de son défunt mari. Cette dame jouissait encore de cet usufruit en l’année 1387 2 . /397/
Le sire François (II) de La-Sarra prêta hommage lige, à Morges, le 27 août 1370, au comte Amédée de Savoie, pour le château, la seigneurie et le mandement de La Sarra 1 . Le comte, dans cette circonstance, lui accorda la faculté de pouvoir disposer, pour le remède de son âme, soit d’une autre manière, comme il l’entendrait, de ses prairies et de ses terres cultivées et incultes, dans la seigneurie de La-Sarra, et aussi de ses vignes, à La-Sarra même, sans qu’il encoure, par suite de cette aliénation de fief, la peine de commise de celui-ci 2 .
Ce quernet est le plus ancien des quernets connus prêtés pour La-Sarra. On ne saurait guère mettre en doute d’après les termes de la bulle de l’empereur Frédéric Barberousse, en faveur d’Ebal de La-Sarra, seigneur de Grandson, de l’année 1186 (voy. ci-devant, pag. 347), que la seigneurie de La-Sarra ne fût terre immédiate de l’empire. Toutefois, nous ne supposons pas que les seigneurs de La Sarra aient pu maintenir leur immédiateté vis-à-vis de la maison de Savoie. Dans la vente que fait le sire François (I) à Louis de Savoie, seigneur de Vaud, de la vallée du Lac de Joux, le vendeur appelle l’acheteur « son très chier seigneur, » et il reconnaît tenir de lui l’office de vidomne de la dite vallée, qu’il se réserve, « en augmentation du fief auquel ses prédécesseurs étaient tenus au /398/ dit monseigneur Louis, à cause du comté de Savoie. » Et lorsque le même François (I) de La-Sarra fait un traité, le 2 décembre 1352, avec le comte Amédée VI de Savoie, relativement à la vidamie de Montreux, il y est spécifié que le sire François reconnaîtrait en faveur du dit comte le château fort qu’il prenait l’engagement de construire, avec des biens allodiaux d’un revenu de 218 livres, et cela sous réserve de l’hommage qu’il devait à l’illustre Catherine de Savoie, dame de Vaud 1 . Cet hommage-ci était sans doute dû à raison de la seigneurie de La-Sarra. Au reste la concession faite par l’empereur Charles (IV) au comte Amédée VI de Savoie, du vicariat impérial dans les états de ce dernier et divers évêchés, n’aurait laissé aucun prétexte au sire François (II) de La-Sarra pour ne pas prêter hommage au comte de Savoie.
Ce seigneur ne posséda pas longtemps La-Sarra, puis qu’il était déjà mort dans le mois de novembre 1372, lors de la répartition des dettes passives du défunt Aymon, sire de La-Sarra, entre sa veuve et les fils du prénommé François.
Etant malade de corps, il avait fait son testament à Chailly 2 , dans la vidamie de Montreux, le 10 mars 1371 (n. st.). Par cet acte de dernière volonté il avait légué 10 livres annuelles à l’abbaye du Lac de Joux, dans laquelle il avait élu sa sépulture, dans le tombeau de ses prédécesseurs. Ces 10 livres annuelles seraient rachetables par le /399/ capital de 200 livres. L’abbaye du Lac de Joux célébrerait chaque semaine trois messes perpétuelles pour le remède de son âme, de celles de ses parents et de ses prédécesseurs. Le testateur avait nommé héritier son fils Nicolas, et s’il arrivait que dame Marguerite d’Oron, sa très chère épouse, lui donnât encore des fils, ils partageraient par parts égales avec l’aîné. Si c’étaient des filles, elles seraient mariées (c’est-à-dire dotées) selon leur état et leurs facultés 1 .
François (II), sire de La-Sarra, coseigneur de Vevey et de la paroisse de Montreux, chevalier, laissa deux fils : Nicolas (I) soit Nicod et Aymon (IV). Celui-ci pourrait être né posthume.
Nous avons vu que ces jeunes seigneurs étaient, au mois de novembre 1372, sous la tutelle du donzel Rodolphe de Langin, leur parent maternel 2 . Le premier fut seigneur de La-Sarra et le second en fut le coseigneur et posséda la vidamie de Montreux et les biens à Vevey procédés de la maison d’Oron. Il fut l’héritier d’Artaud, sire des Monts. Nous rapporterons plus tard ce qui le concerne, ainsi que le rameau issu de lui.
Marguerite d’Oron, leur mère, était l’une des deux filles d’Aymon d’Oron, seigneur de Bossonens et d’Attalens, chevalier, bailli de Vaud en 1358, qui furent ses héritières conjointement avec Rodolphe de Langin, son neveu. Ce seigneur par son testament, daté du 12 octobre 1375, laissa à sa fille Catherine, épouse de Jean de Blonay, coseigneur de Vevey, sa seigneurie d’Attalens grevée d’une jouissance de douaire en faveur de sa veuve /400/ Philippine 1 , avec encore d’autres biens. Sa fille Marguerite eut 2030 florins d’or, en vertu du contrat de son premier mariage avec feu François de La-Sarra, chevalier; plus, 3000 florins d’or et 500 florins de rente en vertu du contrat de son présent mariage avec Louis, seigneur de Cossonay, la dite rente étant assignée sur les revenus les plus rapprochés du château de Bossonens et sur ceux des villages de Cheseaux, Boussens, Etagnières et Crissier. Elle eut avec cela le château de Bossonens, ses dépendances et ses forêts, y compris le bois de Montisingoz, toutes les possessions du testateur dans les villages nommés ci-dessus, sa part de la grande dîme des paroisses de Vevey et de Blonay, la vigne, dite de la Crottaz, et les dîmes de Sarnens (Sarzens ?) et de Porsel. Rodolphe de Langin obtint de son oncle, par ce testament, les châteaux de Pont et de Villarsel-le-Gibloux, avec leurs dépendances, et beaucoup d’autres biens 2 .
Marguerite d’Oron fut donc dame de Bossonens. Nous venons d’apprendre que lorsque son père fit son testament, elle était devenue l’épouse de Louis (II), sire de Cossonay et de Surpierre, auquel elle donna quatre filles avec lesquelles s’éteignit la maison de Cossonay. Elle leur survécut et prétendit avoir part, en 1409, à l’héritage de Jeanne, dame de Cossonay, celle de ses filles qui avait survécu aux autres. Marguerite d’Oron était l’épouse, à cette date, de François, sire de Challant et de Montjovet. Cette dame testa, le 24 avril 1410, en faveur des deux /401/ fils qu’elle avait eus de François, sire de La-Sarra, qu’elle institua ses héritiers par parts égales, les substituant l’un à l’autre, ainsi que leurs descendants mâles 1 . Elle fonda par testament deux messes perpétuelles dans l’abbaye du Lac de Joux, pour le remède de son âme et de celles de ses prédécesseurs et successeurs, donnant à cet effet quatre muids de froment et douze livres d’argent, de cense 2 .
Rodolphe de Langin, devenu chevalier, tuteur de Nicod et d’Aymon de La-Sarra, fit, du consentement de Marguerite d’Oron, mère de ses pupilles, une transaction avec le comte Amédée VI de Savoie, datée de Morges, le 2 juin 1379, pour les libérer des engagements que leur aïeul avait pris envers ce prince (voy. ci-devant, pag. 383) et qui n’avaient pas été remplis. Le comte en pressait juridiquement l’exécution et avait même obtenu contre les jeunes seigneurs de La-Sarra un premier jugement qui leur était défavorable. Par cette transaction, leur tuteur, en leur nom, fit cession au comte Amédée de la coseigneurie de Vevey soit de la jurisdiction haute, moyenne et basse, du mêre et mixte empire et du droit de glaive, qui leur appartenaient, par héritage soit à un autre titre, dans la ville et la paroisse de Vevey et sur ses habitants de toute condition, avec les émoluments et droits de justice qu’ils avaient coutume de percevoir à raison de /402/ l’exercice de la justice civile et criminelle. Cette remise excepta en faveur des sires de La-Sarra : 1o la directe seigneurie sur les fiefs, ténements et autres-biens fonds mouvant immédiatement d’eux dans la dite ville et paroisse. 2o Les lods des ventes, les censes et toises des maisons et des fonds précités. 3o Leurs droits sur le péage de Vevey, la savaterie, la panaterie et autres redevances féodales de diverses espèces, ainsi que la banalité de leurs fours et moulins de Vevey. Enfin cette transaction stipula que les prédits seigneurs de La-Sarra auraient le droit de tenir une cour de justice patrimoniale et féodale dans leur maison forte, dite la Tour d’Oron, à Vevey, sauf le recours, par voie d’appel, à la cour du bailli de Chablais.
De son côté, en vertu de cette transaction qui s’étendit encore à d’autres points relatifs à la coseigneurie de la paroisse de Montreux, le comte Amédée tint les jeunes seigneurs de La-Sarra entièrement quittes des obligations auxquelles ils étaient tenus envers lui 1 . Et de plus, il leur céda vingt livres annuelles et perpétuelles sur ses revenus dans la paroisse de Montreux, que les seigneurs de La-Sarra reconnaîtraient tenir de lui. Ceux-ci seraient tenus à deux fidélités et hommages envers le comte de Savoie, l’une pour la seigneurie de La-Sarra et l’autre pour leurs fiefs mouvant de lui dans les paroisses de Vevey et de Montreux 2 .
L’Inventaire des archives du château de La-Sarra /403/ indique (fol. 139) une reconnaissance faite, dans l’année 1382, par l’abbé du Lac de Joux, en faveur du seigneur de La-Sarra. Il s’agit sans doute ici d’une reconnaissance relative à l’avouerie de l’abbaye du Lac de Joux, prêtée en faveur des deux fils de François II, sire de La Sarra.
SIXIÈME DEGRÉ
NICOLAS (I), SOIT NICOD
SEIGNEUR DE LA-SARRA
Donzel.
Le 1er janvier 1392 (v. st. ?), les jeunes seigneurs de La-Sarra, Nicod et Aymon, fils de François II, confirment les us, coutumes et franchises dont jouissent les bourgeois de La-Sarra, savoir les franchises de la ville de Lausanne. Ils confirment aussi en leur faveur la possession de leurs « communs » et spécialement de l’omguelt de La-Sarra et des autres lieux de la baronnie. Les seigneurs et les bourgeois, dans cette circonstance, se prêtent mutuellement serment 1 .
Dans l’année 1398, Nicod, sire de La-Sarra, reçoit l’hommage de Jean de Neuchâtel, seigneur de Vaumarcus, pour le fief, dit de Bière, dans la seigneurie de /404/ La-Sarra 1 . Jean de Neuchâtel était le mari d’Antonie, fille et héritière de feu Louis de Bière, chevalier.
Nicod et Aymon de La-Sarra, frères, firent, le 14 mars 1400, des partages de biens comprenant la baronnie et le mandement de La-Sarra, le vidomnat de la vallée du Lac de Joux et d’autres droits « dépendant de l’arrière-fief du comte de Neuchâtel 2 . » Par suite de ces partages, Nicod fut le seigneur de La-Sarra et Aymon en fut le coseigneur; toutefois le premier apparaît parfois dans les documents avec le titre de coseigneur de La-Sarra. Son frère Aymon eut dans sa part de biens la coseigneurie de la paroisse de Montreux et les biens de Vevey.
Nicod, sire de La-Sarra, fait une donation, le 6 avril 1400, à la chapelle de Saint-Antoine, de La-Sarra, donation que son frère Aymon, seigneur de Mont et coseigneur de La-Sarra, approuve 3 . Nous avons déjà indiqué que le dit Aymon fut l’héritier testamentaire d’Artaud, sire de Mont.
Le sire Nicod paraît avoir prêté quernet, dans l’année 1430, pour la seigneurie de La-Sarra, en faveur du duc Amédée VIII de Savoie 4 .
L’Inventaire des archives du château de La-Sarra indique, sous l’année 1433, un document qui n’existe plus, mais qui laisse présumer qu’il s’était élevé des différends entre Nicod de La-Sarra, d’une part, et Jaquemette de Seyssel, veuve de Claude de La-Sarra, seigneur de Mont, son neveu, représentée par sa mère, dame Jeanne de la /405/ Rochette, d’autre part, au sujet de substitutions établies 1 .
On trouve, sous l’année 1444, une transaction moyennée par Nicod, sire de La-Sarra, entre la ville de ce nom, d’une part, et les villages d’Eclépens, Orny, Pompaples, Ferreyres et Moiry, d’autre part, au sujet des fortifications de la ville de La-Sarra. Aux termes de cette transaction les villages précités contribueraient en toutes choses aux dites fortifications, tout comme les habitants de la ville, et ils payeraient leur part des impôts (giets) levés à cette occasion. Cette transaction eut lieu de l’avis et par le conseil de Jean de Montluppel, seigneur de Chautagne, capitaine du Pays de Vaud, d’Humbert, son fils, de Guillaume de Colombier, seigneur de Vuillerens, de Pierre de Sous-la-Tour et de Guillaume de Pré 2 .
Par son testament de l’année 1393, Artaud, sire des Monts, avait établi une substitution, quant à son héritage, en faveur de Nicod de La-Sarra, frère d’Aymon de La Sarra, son héritier, et de sa descendance mâle. Ce cas de substitution s’était ouvert par suite du décès de Claude de La-Sarra, seigneur de Mont-le-Grand, seul fils d’Aymon, lequel était mort peu de temps après son père, ne laissant qu’une fille, nommée Jaquème, qu’il avait eue de Jaquette de Seyssel, son épouse, remariée avec Antoine (I) de Saint-Trivier, seigneur du lieu de ce nom, en Dombes, et de Branges, en Bourgogne. /406/ C’est en vertu de cette substitution que Guillaume de La-Sarra, fils aîné du sire Nicod, s’intitule, en 1444 (13 octobre), coseigneur de Mont-le-Grand 1 . Le 26 février 1446 eut lieu un partage entre Nicod de La-Sarra et ses fils Guillaume et Anselme, d’une part, et Jaquemette (soit Jaquette) de Seyssel, veuve en premières noces de Claude de La-Sarra et en secondes noces d’Antoine de Saint-Trivier, et Jaquemaz (soit Jaquème) de La-Sarra, sa fille, d’autre part, celle-ci étant l’épouse d’Antoine (II) de Saint-Trivier, probablement fils aîné, né d’un premier mariage, de celui qui avait épousé en secondes noces Jaquemette de Seyssel. Ce partage comprit les châteaux et seigneuries de Bossonens, La-Sarra, Cheseaux, Mont le-Grand, Genollier et La Motte de Vaugrenans, au diocèse de Chalon 2 .
Cet acte important n’existe plus, mais il ressort des faits postérieurs que les châteaux et seigneuries de La Sarra, Bossonens, Cheseaux et La Motte de Vaugrenans 3 demeurèrent au sire Nicod de La-Sarra et à ses fils, tandis que ceux de Mont-le-Grand et de Genollier appartinrent à Jaquemette de Seyssel. Nous ne comprenons guère quels droits cette dame pouvait avoir à ces terres, sinon peut-être des droits de reprise de dot. Par les partages précités le sire Nicod de La-Sarra et ses fils cédèrent sans doute leurs droits à l’héritage d’Artaud de Mont en échange de la coseigneurie de La-Sarra échue dans le temps à Aymon, frère du prénommé Nicod. /407/
Nicod (I), sire de La-Sarra, donzel, ne survécut pas longtemps aux partages de biens dont nous venons de parler, son fils aîné Guillaume apparaissant comme le seigneur de La-Sarra le 10 mai 1447 1 .
Il avait épousé (l’année de son mariage n’est pas indiquée) Isabelle de Salins, fille de messire Othon de Salins (la Tour), chevalier, Seigneur d’Aréchies (soit Arèches), fils de messire Dimanche de Salins 2 . Bonne de Salins, sœur d’Isabelle, fut l’épouse d’Aymon de La-Sarra, frère du sire Nicod. Isabelle de Salins donna deux fils à son mari : Guillaume, qui fut seigneur de La-Sarra, et Anselme, auteur de la branche des seigneurs de Bossonens, dont nous parlerons plus tard.
Le sire Nicod de La-Sarra laissa aussi un fils illégitime. Henri, bâtard de Nicod, coseigneur de La-Sarra, apparaît le 11 mars 1432 3 . Le prénommé Henri eut une fille, nommée Marguerite, qui épousa Pierre de Yens, donzel, duquel elle était veuve en 1486 4 . /408/
SEPTIÈME DEGRÉ
GUILLAUME, SEIGNEUR ET BARON DE LA-SARRA
BAILLI DE VAUD, AVOYER DE PAYERNE
Chevalier.
Nous avons vu apparaître Guillaume de La-Sarra, en l’année 1444, avec le titre de coseigneur de Mont-le-Grand; puis encore, le 26 février 1446, en qualité de fils de Nicod, dans le grand partage qui eut lieu à cette date. Il s’intitule seigneur de La-Sarra depuis et y compris l’année 1447.
Le 3 janvier 1448 (v. st. ?), Guillaume, sire de La-Sarra, confirme les libertés et franchises des nobles et bourgeois de La-Sarra et leur promet de les maintenir dans les us, coutumes et franchises de Lausanne, sans aucun changement, excepté le point de la garde du bétail 1 .
François, comte de Gruyère, Jacques, seigneur de Gingins, Louis, seigneur d’Estavayé, Richard de Colombier, seigneur de Vufflens et Humbert de Colombier, seigneur de Vuillerens, rendent le 12 janvier 1457 une prononciation arbitrale entre Guillaume, sire de La-Sarra, d’une part, et ses neveux Claude et Nicod, seigneurs de Bossonens, fils de son défunt frère Anselme, d’autre part. En /409/ vigueur de cette prononciation, le sire Guillaume de La Sarra assigne, le 7 février 1461, en faveur de ses neveux prénommés, vingt et une livres, bonnes, de rente annuelle, sur divers fonds de la baronnie de La-Sarra, et cela à raison de la plus value du château de La-Sarra sur celui de Bossonens 1 .
Cette circonstance nous indique qu’après la mort du sire Nicod un partage de ses terres avait eu lieu entre son fils Guillaume et ceux de son défunt fils Anselme, par lequel ceux-ci avaient eu les terres procédées de Marguerite d’Oron, mère du prénommé Nicod.
Guillaume, sire de La-Sarra, remplissait la charge importante de bailli de Vaud, dans les années 1458, 59 et 60 2 . Et en 1459 (vendredi avant Lætare) il apparaît comme avoyer (avoué) de Payerne, de la part d’Amédée de Savoie, prince de Piémont 3 .
Ce seigneur, à la date du 24 novembre 1461, est qualifié de « noble et puissant Guillaume de La-Sarra, seigneur et baron du dit lieu, fils du feu noble et égrége écuyer Nicod de La-Sarra, seigneur du dit lieu 4 . » Ses successeurs s’intitulèrent aussi seigneurs et barons de La-Sarra.
Les droits que François (I), sire de La-Sarra, s’était réservés lorsqu’il avait vendu la vallée du Lac de Joux à Louis de Savoie, donnèrent lieu à un différend entre le sire Guillaume de La-Sarra, d’une part, et Nicolas de Gruffy, abbé du Lac de Joux, de l’autre. Jacques de Savoie, comte /410/ de Romont et seigneur du Pays de Vaud, rendit, le 8 juillet 1467, une prononciation soit sentence dans ce débat, aux termes de laquelle le prédit sire et ses hommes de la seigneurie de La-Sarra devaient seulement avoir leur usage dans les Joux (les forêts de la vallée) « pour édifier bâtiments pour leur usage, sans qu’il leur fût loisible de faire aucun bâtiment dans quelque lieu que ce fût des dites Joux et pasquiers 1 . » — Au mois d’août de l’année 1454, Guillaume de Bettens, abbé du Lac de Joux et son couvent du dit lieu avaient prêté, en faveur de Guillaume, sire de La-Sarra, la reconnaissance qu’il était de droit leur avoué 2 .
L’Inventaire des archives du château de La-Sarra indique (fo. 48) une quittance donnée au château de Mont, le 13 février 1471, par Jaquemette de Seyssel, veuve de Jacques de la Baume, seigneur de l’Abergement, à Guillaume, seigneur de La-Sarra, lequel s’était obligé en faveur du dit Jacques de la Baume pour la somme de cent et quarante ducats d’or, quoiqu’il n’eût réellement reçu que neuf écus d’or. La précitée quittance avait été donnée en présence de Jean Banquetaz, d’Orbe, de Pierre de Gland, d’Amédée de Saint-Vincent et de Jean de Ville. Des explications au sujet de cette indication nous font défaut.
Guillaume, sire de La-Sarra, fut maltraité dans la guerre de Bourgogne. Il s’était attiré l’inimitié des Suisses, tant par les sentiments hostiles qu’on l’accusait de nourrir contre Berne et ses alliés que par la conduite de son fils Nicod qui, sans y être astreint par le lien du vasselage, /411/ avait combattu à Héricourt et se trouvait encore au service du duc de Bourgogne, ainsi que Jacques de La-Sarra, son frère. Ces péchés, aux yeux des Suisses, n’étaient pas rachetés par la circonstance que Jeanne de La-Sarra, fille de messire Guillaume, était l’épouse du chevalier Adrien de Bubenberg, seigneur de Spietz, l’un des chefs de l’armée bernoise.
D’Orbe, où elle était revenue après la prise des Clées, l’armée suisse envoya un détachement pour s’emparer du château de La-Sarra. Le sire Guillaume s’était éloigné à l’approche des ennemis. La ville de La-Sarra se rendit sans résistance et fut épargnée. Mais le château, pris d’assaut après une vigoureuse défense, dans laquelle périrent vingt-trois nobles vassaux et autres ressortissants de la seigneurie, fut pillé de fond en comble et livré aux flammes. Cet événement eut lieu le 24 octobre 1475 1 . Nous ne présumons cependant pas que l’antique château de La-Sarra ait été entièrement détruit dans cette circonstance.
Le testament de Guillaume, sire de La-Sarra, fils de Nicod, est daté du 18 avril 1477. Par cet acte de dernière volonté, ce seigneur institue pour ses héritiers ses fils Nicolas soit Nicod et Jacques et fonde une chapelle sous le vocable de sainte Catherine, au-dessous de celle de La Sarra (de Saint-Antoine), nommant Pierre Blondel pour premier recteur de cette chapelle 2 . Il n’était plus vivant l’année suivante. /412/
Des deux fils du sire Guillaume de La-Sarra, l’aîné, Nicod, fut son successeur. Nous parlerons de lui dans l’article qui suit.
Jacques, le second, qui devint chevalier et fut coseigneur de La-Sarra, prit du service en Bourgogne, et après la mort du duc Charles-le-Téméraire, continua de servir la fille de ce prince et son époux. Par lettres patentes datées de Bruges le 23 mai 1479, Maximilien, archiduc d’Autriche et Marie de Bourgogne, son épouse, accordent à Jacques de La-Sarra, chevalier, leur conseiller et chambellan, la confirmation d’une pension annuelle de 600 livres, à lui précédemment concédée par le feu duc Charles leur père, et dont le brevet fut expédié par Jean de Chalon, prince d’Orange, comte de Tonnerre, lieutenant général en Bourgogne. Dans ce brevet, rapporté dans les prédites lettres patentes, Jean de Chalon rappelle que le duc Charles a accordé la pension précitée à messire Jacques de La Sarra, notre cousin (de Jean de Chalon), en considération de ses grands et loyaux services, faits à grands frais en plusieurs de ses guerres et armées 1 .
Les rapports de messire Jacques de La Sarra avec la maison de Bourgogne donnèrent lieu à des représailles de la part du roi de France. L’Inventaire des archives du château de La-Sarra cite (fol. 53) le document suivant, sous la date du 24 novembre 1489 : « Prise de possession de la terre et seigneurie de La-Sarra, par Jean, seigneur de Baudricourt, lieutenant général et gouverneur (de Bourgogne ?) pour le roi de France, au nom du dit seigneur roi, au préjudice de Jacques de La-Sarra, seigneur du dit lieu, à /413/ raison de ce qu’il avait embrassé et soutenu un parti contraire à celui de sa dite Majesté; et transport de la dite seigneurie à Raoul de Saint-Mellane 1 . » On ne possède aucun éclaircissement au sujet de l’incident qui nous est révélé par ce document, ni sur les suites qu’il peut avoir eues. Nous ne présumons pas que celles-ci aient été bien graves, puisque la seigneurie de La-Sarra n’appartenait pas à messire Jacques. Celui-ci, selon l’ancienne généalogie de la maison de La-Sarra, aurait été seigneur de Cuarnens, l’un des principaux villages de la baronnie. En cette qualité, il vendit, le 8 janvier 1482, à Thomas Tissot, citoyen de Genève, huit muids de froment, mesure de Morges, de rente annuelle, pour le prix de 800 florins, petits 2 .
Jacques de La-Sarra ne laissa pas d’enfants de son mariage avec Jeanne, fille, selon l’historien Guichenon, de Claude de Saint-Trivier, seigneur du lieu de ce nom et de Branges, et de Jaqueline (soit Jaquème) de La-Sarra, et selon nous fille d’Antoine (II) de Saint-Trivier, etc. (Voy. ci-devant, pag. 406.) Jeanne de Saint-Trivier était veuve d’Odon de Chiel, seigneur de Chanues et coseigneur de Montetier, qu’elle avait épousé le 11 février 1479. Elle testa le 11 septembre 1504 3 . Jacques de La-Sarra laissa un fils bâtard, nommé Georges, mentionné dans le testament de Nicod (II), sire de La-Sarra et dans celui de Barthélemy, son fils. Nous aurons encore l’occasion de parler de lui.
Le sire Guillaume de La-Sarra laissa aussi une fille, nommée Jeanne, qui fut l’épouse du célèbre chevalier /414/ Adrien de Bubenberg, seigneur de Spietz, avoyer de Berne, le héros de Morat. Son père lui avait donné 2000 florins de dot. A la date du 5 mars 1464 (v. st.), Adrien de Bubenberg, habitant de la ville de Berne, fait une sommation à François de Gumoëns, coseigneur de Bioley, l’une des cautions du payement de la dot de son épouse, fille du puissant sire Guillame de La-Sarra, afin d’être payé de cette dot 1 . Jeanne de La-Sarra, épouse d’Adrien de Bubenberg, était encore vivante en 1480 2 .
Guillaume, seigneur et baron de La-Sarra, chevalier, avait été marié deux fois. En premier lieu, par contrat du 30 avril 1433, avec Aimée, fille de Jean de Montluel, seigneur de Châtillon, gouverneur de Piémont et de Guigonne de Luyrieux 3 . Nous présumons que ses trois enfants étaient issus de cette première épouse. Sa seconde épouse fut Alix soit Alexie, fille d’Antoine (I) de Saint Trivier, seigneur du lieu de ce nom et de Branges, et de Jaquemette de Seyssel. Cette dame fit, à la date du 24 mai 1470, une dotation en faveur de la chapelle de Saint-Antoine, de La-Sarra 4 , qu’elle assigna sur deux vignes à Mont et sur une autre vigne à Germagny. Cette dotation est datée du château de Mont 5 . Alexie de Saint-Trivier l’augmenta encore l’année suivante (dernier février 1471 6 ). /415/ Enfin, le 2 novembre 1475, elle fonda et dota la chapelle de Saint-Nicolas, située au nord de celle Saint-Antoine 1 , dans le même lieu où son mari fonda, deux années plus tard, la chapelle de Sainte-Catherine 2 .
De son côté le sire Guillaume de La-Sarra avait augmenté, le 10 mai 1447, la donation faite par Bonne de Salins, veuve d’Aymon, coseigneur de La-Sarra et seigneur de Mont, en faveur de la chapelle de Saint-Antoine, augmentation qui avait eu lieu sous la condition qu’une messe qui s’y célébrait le dimanche à voix basse, se dirait à haute voix; et il avait accordé aux chapelains de cette chapelle, dont il était le patron, la permission d’y être inhumés, dans la partie postérieure de la tombe du dit seigneur et de ses ancêtres 3 . Ajoutons ici que les seigneurs de La-Sarra s’étaient réservé la directe seigneurie et la haute jurisdiction sur les biens qu’ils avaient donnés à leur chapelle de Saint-Antoine 4 .
HUITIÈME DEGRÉ
NICOLAS (II), SOIT NICOD
SEIGNEUR ET BARON DE LA-SARRA, CHATELAIN DES CLÉES
Chevalier.
Par lettres patentes, datées du 10 mars 1478, Yolande (de France), duchesse et régente de Savoie, en /416/ reconnaissance des services que lui a rendus son bien-aimé écuyer Nicod, seigneur de La-Sarra et des dépenses qu’il a faites pour elle, le constitue châtelain du château, ville et mandement des Clées, sous les gages et avantages mentionnés dans les dites lettres, qui sont munies du grand sceau de Savoie 1 .
Encore écuyer à la date que nous venons d’indiquer, Nicod de La-Sarra est titré de chevalier sous l’année 1483. (Voir plus loin.)
Les bourgeois de La-Sarra tenaient du seigneur de ce lieu l’omguelt dans tout le mandement de la baronnie de La-Sarra, à charge de pourvoir à la fortification de la ville. Ils tenaient également de lui les « communs » (soit biens communs) de la ville, toutefois ils ne lui payaient aucune cense à raison de ces possessions. Mais comme elles étaient mouvantes de son fief, ils les reconnurent, le 10 novembre 1482, en faveur de Nicod, baron de La-Sarra, sur les mains du commissaire Pollens 2 .
Jean de Tornafol, abbé du Lac de Joux, prête reconnaissance, le 7 juin 1484, en faveur du noble et puissant Nicod, sire de La-Sarra, confessant que celui-ci est le fondateur, le gardien et l’avoué de son couvent 3 .
Le dit sire Nicod acquiert, le 18 août 1484, de Marie, fille de Pierre de Mont, femme de Pierre de Bionnens, d’Yverdon, docteur en droit, sa part à la dîme de Moiry, des censes qu’elle possède à Moiry et Cuarnens et des /417/ droits sur les moulins du dit Cuarnens; le tout pour le prix de 200 florins 1 .
Les réceptions de bourgeois ayant donné lieu à un différend entre Nicod, sire de La-Sarra, et la ville de ce nom, une prononciation fut rendue à cet égard entre les parties, le 2 novembre 1485 2 .
Marguerite, veuve de Pierre de Yens, donzel, fille de Henri, bâtard de La-Sarra, reconnaît, sur les mains du notaire Aymonet Pollens, le jour de la Saint-Barthélemy 1486, les biens qu’elle tient de Nicod, sire de La-Sarra 3 .
Louis de Bettens ayant vendu au sire Nicod de La-Sarra les fiefs et les censes qu’il possédait à Cuarnens, pour le prix de 60 livres, et le prédit sire Nicod ne pouvant payer cette somme, celui-ci, le 21 novembre 1488, les revend au prénommé Louis de Bettens pour le même prix, toutefois sous grâce de rachat 4 .
Le 25 avril 1489, le sire Nicod de La-Sarra fit un accord avec le donzel Girard de Daillens, au sujet d’un conflit sur des censes dues par les Sécretan, d’Orny. Girard de Daillens lui céda ses droits sur les censes précitées pour le prix de 30 florins, que le sire Nicod assigna sur d’autres censes 5 .
Ce seigneur de La-Sarra ne tarda pas à décéder, puis qu’il n’était plus vivant le 9 avril de l’année suivante 6 . /418/
Il avait fait son testament le 24 (ou le 29) janvier 1487 (v. st.), par lequel il avait institué pour héritiers ses fils Barthélemy et Claude, fixé à 4000 florins d’or la dot de sa fille Antoinette et légué 18 florins (de rente ?) aux chapelles de La-Sarra. Cet acte de dernière volonté rappelle son épouse, Madelaine de Glérens 1 .
Celle-ci était la fille de Claude, seigneur de Glérens, en Bresse, chevalier (et de Jeanne de Montagny, en Lyonnais, selon une note de M. Fréd. de Gingins) 2 . Elle fut dame de Glérens. Louis de Glérens, devenu seigneur de l’Isle, par le décès précoce de son neveu François, fils de son frère François de Glérens, assigna, le 1er octobre 1477, en faveur de sa parente, la spectable dame Madelaine de Glérens, épouse de Nicod, sire de La-Sarra, pour satisfaire ses prétentions aux biens de sa famille, la somme de 2400 florins de capital, soit celle de 120 florins de rente, sur la seigneurie de L’Isle et le village de Gollion, et cela en vertu d’une sentence arbitrale 3 . Madelaine /419/ de Glérens, alors devenue veuve du sire de La-Sarra, reconnut, sur les mains de Quisard, la part de la seigneurie de L’Isle qu’elle tenait à titre d’assignation 1 .
Le 4 décembre 1483, Nicod, seigneur de La-Sarra, chevalier, fils de feu le sire Guillaume de La-Sarra, fit une donation de 3000 florins, assignés sur tous ses biens, en faveur de Madelaine de Glérens, son épouse 2 .
Celle-ci de son côté, dite fille du noble et puissant Claude, seigneur de Glérens, chevalier, fit donation, le 7 du même mois de décembre 1483, en faveur de Barthélemy de La-Sarra, son fils, de son château soit maison forte de Glérens, avec tous les droits seigneuriaux qui en dépendaient 3 .
Madelaine de Glérens testa le 30 mars 1493, en faveur de son fils Barthélemy 4 .
Cette dame donna trois enfants au sire Nicod (Il) de La Sarra, son mari, savoir :
1o Barthélemy, qui succéda à son père comme baron de La-Sarra.
2o Claude-Bénoît, décédé jeune.
3o Antoinette, qui épousa par contrat du 5 septembre (plutôt décembre) 1492, Michel Mangeros (Mangerot, Mangero), seigneur de la Bruyère, au comté de Bourgogne 5 . Elle en eut un fils, nommé Michel, qui fut l’héritier de son oncle maternel Barthélemy, baron de La-Sarra, et une fille, nommée Antoinette, dont nous aurons encore /420/ l’occasion de parler. Antoinette de La-Sarra n’était plus vivante le 3 janvier 1504 (v. st.) 1 .
NEUVIÈME DEGRÉ
BARTHÉLEMY,
SEIGNEUR ET BARON DE LA-SARRA
(ordinairement appelé Bartholomé)
SEIGNEUR DE GLÉRENS, EN BRESSE, COSEIGNEUR DE L’ISLE ET CHÂTELAIN DES CLÉES.
Barthélemy fut le dernier baron de La-Sarra de la maison de Montferrand.
La mort précoce de son frère Claude-Bénoît le rendit seul possesseur de la baronnie de La-Sarra.
En qualité de seigneur de Glérens, Barthélemy, fils de Nicod, sire de La-Sarra, fait, le 5 décembre 1487, une composition avec Bénoît Martel, pour racheter le fils de celui-ci de la peine qu’il avait méritée pour un vol commis par lui dans le château de Glérens. Le père du coupable paya 200 florins au seigneur de Glérens 2 . Nous avons vu que Barthélemy de La-Sarra tenait la seigneurie de Glérens en vertu de la donation que sa mère lui en avait faite.
Par lettres patentes datées du 5 juillet 1490, Blanche, duchesse de Savoie, en qualité de tutrice de son fils, le /421/ duc Charles-Jean-Amé, confère à Barthélemy, sire de La Sarra, l’office de châtelain des Clées, rempli par son père 1 .
Le 10 du même mois de juillet, le prénommé Barthélemy vend un cens de 8 coupes de froment qui lui était dû sur les moulins d’Eclépens 2 .
La dot promise à Antoinette de La-Sarra, épouse de Michel Mangerot, seigneur de La Bruyère, avait donné lieu à un procès devant la cour de l’Official de Besançon, entre Barthélemy, baron de La-Sarra, et les prénommés époux Mangerot, procès suivi d’une prononciation rendue entre les parties, à la date du 12 septembre 1496 3 .
Barthélemy, baron de La-Sarra, aliène, le 24 février 1498 (v. st.), un pré, dit en Bricher, situé au territoire de Chavannes et des cens à Montlaville, en faveur de l’abbaye du Lac de Joux, pour le prix de 60 livres, et cela sous grâce de rachat 4 .
Le duc Philibert de Savoie, à la date du 17 mars 1498 (v. st.), confirme Barthélemy, sire de La-Sarra, dans l’office de châtelain des Clées 5 .
Une prononciation est rendue, le 20 novembre 1502, entre Barthélemy, seigneur de La-Sarra et Michel de Savoie, prieur commendataire de Romainmotier, au sujet de la dîme des terres situées sous le Crêt des Fourches et aux environs de ce lieu; prononciation dans laquelle se trouve la désignation de ce qui appartient à chacune des deux parties 6 . /422/
Dans les dernières années de sa vie, le baron Barthélemy de La-Sarra commit un acte qui eut de graves conséquences. Ayant été offensé par les habitants du village de Denges, justiciables du duc de Savoie 1 , il fit de nuit une descente dans ce village, à la tête d’une troupe de quatre-vingts hommes environ, rompit les portes des maisons des habitants, fourragea leurs biens, emporta de ceux-ci et emmena plusieurs prisonniers, qu’il retint en captivité. Clamé au sujet de ces méfaits devant la cour de Moudon par les habitants de Denges et le procureur de Vaud tout à la fois, ce dernier l’accusant du crime de lèse-majesté comme ayant violé la jurisdiction du duc de Savoie, à Denges, il ne comparut pas, fut jugé par contumace et la cour de Moudon accorda au procureur de Vaud, le lundi avant la Saint-Valentin 1503 (v. st.), un passement de la somme de 20 000 ducats pour le principal et de pareille somme pour les frais et missions, contre Barthélemy, baron de la La-Sarra. Ce jugement était d’une rigueur excessive.
Le passement fut exécuté par la saisie de certains cens dus au baron de La-Sarra, saisie effectuée le mercredi après la Saint-Valentin de la même année, et on le lui notifia en la personne de son mestral, ainsi que la vente qui en fut faite à Moudon, le lundi après le dimanche des Bordes, lui signifiant que par cette vente, dont les objets étaient perdus pour lui, le passement avait acquis force de chose /423/ jugée. Alors Barthélemy de La-Sarra donna deux garants, savoir : Jacques de Gléresse, seigneur de Bavois, et François de Gumoëns, seigneur de Bioley, qu’il se présenterait devant le tribunal pour faire juger contradictoirement l’accusation dont il était l’objet (cavit super passamento) 1 .
Les choses en restèrent là jusqu’à la mort de Barthélemy de La-Sarra, survenue l’année suivante, mais après son décès le procès fut recommencé contre sa veuve et son héritier, ainsi que nous le rapporterons.
C’est probablement en vue des éventualités qui pouvaient surgir de la fâcheuse affaire où il se trouvait engagé, que Barthélemy, « seigneur et baron de La-Sarra, seigneur de Cuarnens 2 et de Glérens, » fit, le 12 septembre 1504, au château de Gruyère, un traité d’alliance et de confédération avec Jean (I), comte et seigneur de Gruyère, seigneur d’Oron, de Montsalvens, d’Aubonne, de Corbières et du Vanel; Adrien, seigneur de Bubenberg, de Spietz, de Mont-le-Grand et d’Attalens; et François de Gingins, seigneur du Châtelard 3 . Le but des contractants, qu’unissaient les liens de la parenté 4 , était de se secourir mutuellement, le cas échéant.
On peut supposer que les événements qui s’étaient passés avaient rapproché Barthélemy de La-Sarra de ses parents, les nobles François et Jacques de Gingins, seigneurs /424/ du Châtelard, très bien vus à la cour de Savoie. Ils étaient les petits-fils de Marguerite de La-Sarra, épouse du chevalier Jean de Gingins, sire de Divonne (voy. ci-après), et partant les consanguins du sire Barthélemy de La-Sarra. Celui-ci prit la résolution de laisser sa succession à Jacques de Gingins, sans doute afin de l’assurer mieux, ce dernier étant chambellan et conseiller du duc de Savoie et en faveur auprès de ce prince. Il fit donc un testament en sa faveur, le 22 janvier 1504 (1505 n. st.), daté de la chapelle de N.-D. de La-Sarra, près du grand autel, circonstance qui indiquerait qu’il voulait dérober ce qu’il faisait à la connaissance de ses alentours. Voici les dispositions contenues dans ce testament : Le testateur choisit sa sépulture dans sa chapelle de Saint-Antoine de La-Sarra, selon son état; trois cents messes seront célébrées, le jour de son décès (de sa sépulture, plutôt), par les curés d’Orny, d’Eclépens et de Saint-Didier, ainsi que par ses altaristes et les chapelains de La-Sarra; et un pareil nombre de messes seront célébrées le jour de son anniversaire.
Le testateur lègue à son épouse, Huguette de Saint-Trivier, la jouissance viagère de son village d’Orny, avec tous ses revenus, à l’exception de la dîme; de plus, la jouissance viagère de sa grange établie en son pré situé sur la rivière de la Venoge, et de la condemine située au delà de cette rivière.
Il lègue au noble Georges, bâtard de La-Sarra, son village de Chevilly, avec ses revenus, lequel fera retour au testateur soit à ses héritiers, si le prénommé Georges ne laisse pas de descendants.
Il lègue à Madelaine, sa bâtarde, 1500 florins (de douze sols chacun), pour sa dot, et en outre 500 florins pour ses habits nuptiaux. /425/
Le testateur lègue au noble Henri Marchand, son serviteur, 1000 florins pour services rendus. A chacun des couvents des frères mineurs de Grandson et de Lausanne 100 florins, et autant à l’abbaye du Lac de Joux; 30 florins à sa chapelle (de La-Sarra), outre les autres legs et donations faits à cette chapelle.
Il lègue 1000 florins à Adrien de Bubenberg, son cousin, pour échute légale, et pour la même raison 100 florins au noble Michel Mangeroz, fils de feu Antoinette de La-Sarra, sœur du testateur, en l’excluant de sa succession; et aussi 100 florins, pour la même raison, au noble Georges de La-Sarra, seigneur de Bossonens.
Enfin, le testateur institue héritier le noble Jacques de Gingins, coseigneur du Châtelard, son cousin, en récompense des services qu’il lui a rendus et à condition qu’il prendra les armes de La-Sarra. Cet héritier devra faire inhumer le testateur, selon son état, et il est aussi chargé du payement de ses dettes et legs 1 .
Le 21 février 1504 (v. st.), Barthélemy, sire de La-Sarra, créa, en faveur de Guigon des Oches, marchand de Lyon, une lettre de rente de 460 livres de capital 2 .
Le 1er mai suivant (1505), le duc Charles de Savoie fit cession de tous les droits qu’il avait sur la baronnie de La-Sarra, en vertu du passement daté du lundi avant la Saint-Valentin 1503 (v. st.), obtenu par le procureur fiscal de Vaud contre Barthélemy, seigneur de La-Sarra, en faveur de Jacques de Gingins, coseigneur du Châtelard, en considération de ses grands mérites et vertus et des services signalés rendus au prédit duc, tant par le dit Jacques /426/ de Gingins qu’en particulier par son cousin Antoine de Gingins, seigneur de Divonne, conseiller ducal et président du sénat de Savoie 1 .
Indépendamment du testament que le sire Barthélemy de La-Sarra avait fait en faveur de son parent Jacques de Gingins, coseigneur du Châtelard, on trouve encore l’indication d’une donation de tous ses biens qu’il fit au profit de ce dernier, le 5 du même mois de mai, mais dont nous ne connaissons pas le texte. Nous apprendrons que peu de temps après la mort du sire Barthélemy cette donation fut approuvée et confirmée par le duc de Savoie 2 .
Barthélemy de La-Sarra changea bientôt après de sentiment à l’égard de l’institution de son héritier, sans doute parce qu’il était circonvenu par ses alentours. Le 17 août de la prédite année 1505, étant quelque peu malade, il fit un nouveau testament dans lequel il s’intitule baron et seigneur de La-Sarra, fils de feu Nicod, chevalier, baron et seigneur de La-Sarra, contenant les dispositions suivantes :
Le testateur choisit sa sépulture dans le tombeau des seigneurs de La-Sarra en leur chapelle de ce lieu, où il veut être inhumé comme il convient à un baron. Il confirme une donation qu’il avait faite à la dite chapelle pour que les heures canoniales y fussent célébrées tous les jours, et il lui lègue en outre 30 florins, de petit poids, de rente annuelle.
Il lègue dix florins au curé d’Orny; cent florins au couvent des frères mineurs de Lausanne et autant à celui des frères mineurs de Grandson, sous condition que les /427/ moines de ces couvents viendront à La-Sarra l’ensevelir avec l’habit de religieux de Saint-François et qu’ils célébreront son anniversaire le jour de son décès dans leurs couvents. Le testateur lègue cinquante florins au couvent des religieuses de Saint-François, d’Orbe; cent florins à l’abbaye du Lac de Joux, à condition que les chanoines célébreront son anniversaire le jour de son décès et qu’ils viendront à La-Sarra pour son ensevelissement. Il lègue dix florins pour l’amélioration de la messe du purgatoire célébrée tous les lundis dans la chapelle paroissiale de La Sarra, et autant pour l’amélioration de la messe de Saint Sébastien célébrée dans la dite chapelle.
Barthélemy de La-Sarra lègue à Georges, bâtard du feu sire Jacques de La-Sarra, trois cents florins de rente, desquels deux cents florins sont assignés sur les censes et revenus des villages de Cuarnens et Chevilly et le reste sur les censes et revenus de Glérens, en Bresse; cette somme sera reversible au château de La-Sarra si le dit Georges ne laissait pas de descendants, sauf toutefois cinquante florins dont il pourra disposer par testament. Le testateur lègue à sa bâtarde Madelaine mille deux cents florins pour sa dot et trois cents florins pour ses habits nuptiaux. Il lègue mille florins au noble Henri Marchand, son serviteur, et trois cents florins au noble Guillaume de Murs, aussi son serviteur, puis il fait des legs de quarante à cinquante florins à plusieurs autres serviteurs.
Il donne à Huguette de Saint-Trivier, son épouse, la jouissance viagère de tout ce qu’il possède dans les villages d’Orny, Pompaples et Eclépens, ainsi que de sa grange neuve près du pont de la Venoge, sous la ville de La-Sarra. Il lui lègue aussi tous ses meubles, ainsi que /428/ tous ses droits dans le village et mandement de L’Isle et à Gollion (sauf sa grange neuve, près de L’Isle), à condition que la dite Huguette payerait les dettes et les legs tant du testateur que de ses prédécesseurs. Enfin Barthélemy de La-Sarra institue héritier, conformément aux testaments de feu son père et de sa mère, la noble Madelaine (de Glérens), son neveu Michel, fils du noble Michel Mangerod (Mongerol), seigneur de la Bruyère, en Bourgogne, et de feu son épouse, la noble Antoinette de La-Sarra, sœur du testateur, celui-ci ayant l’intention de faire confirmer son dit neveu, de lui faire changer de prénom et de l’appeler dès lors Barthélemy, de l’adopter pour fils et de l’instituer son héritier, à condition aussi de porter le nom et les armes de La-Sarra. Le testateur substitue à son dit neveu sa nièce Antoinette, sœur de ce dernier, à condition qu’elle se mariera selon la volonté de ses parents et que son mari viendra habiter le château de La Sarra et en portera le nom et les armes. Il substitue aux prénommés Michel et Antoinette, pour le cas où ils viendraient à mourir sans postérité, un des enfants d’Adrien de Bubenberg, son cousin germain, à condition de venir habiter le château de La-Sarra et d’en prendre le nom et les armes. Et si alors il ne restait plus d’enfants au dit Adrien de Bubenberg, la succession du testateur serait dévolue à qui de droit, selon les lois et coutumes du pays. Lorsque la précitée Antoinette, nièce du testateur, se mariera, elle devra recevoir de son dit frère trois mille florins, en augment de dot, indépendamment de la dot que son père lui donnera.
Barthélemy de La-Sarra lègue au noble Georges de La Sarra, seigneur de Bossonens, pour tous ses droits et /429/ prétentions, à raison d’échute légale, sur les biens du testateur et de ses prédécesseurs, la somme de trois cents florins.
Comme le prénommé Michel, héritier du testateur, est encore mineur, celui-ci lui nomme pour tuteurs les prénommés Adrien de Bubenberg et Huguette de Saint-Trivier, qui acceptent cette tutelle, le dit Adrien devant percevoir chaque année quatre cents florins pour sa peine. De nombreux et importants témoins furent présents à l’acte de la dernière volonté de Barthélemy de La-Sarra, savoir : Michel de Savoie, protonotaire apostolique, prieur de Romainmotier, Jean de Tornafol, abbé du Lac de Joux, Pierre de Dullit, prieur de Cossonay, Jacques de Gléresse, seigneur de Bavois, Jean de Cossonay, seigneur de Ruéry, François de Sévery, Pierre de Bavois, écuyer, d’Orbe, François de Gallera, écuyer, de Ferreyres, et Guillaume Fellin (Ferlin), donzel, de Jougne 1 .
Michel Mangerot et sa sœur, enfants d’une sœur de Barthélemy de La-Sarra, avaient incontestablement les premiers droits à recueillir la succession de celui-ci. Après eux venait Adrien de Bubenberg, seigneur de Spietz, fils d’une tante du sire Barthélemy. En troisième ligne se trouvait Georges de La-Sarra, seigneur de Bossonens, petit fils d’Anselme de La-Sarra, frère du sire Guillaume, aïeul paternel du sire Barthélemy. Il avait de plus l’avantage d’être de la maison de La-Sarra. Enfin, en quatrième ligne venaient les nobles de Gingins, petits-fils de Marguerite de La-Sarra, épouse du chevalier Jean de Gingins, sire de Divonne. Aymon (IV), coseigneur de La Sarra, père de cette dame, était le frère de Nicod (I), sire de La-Sarra, bisaïeul du sire Barthélemy. /430/
Les deux testaments du sire Barthélemy de La-Sarra nous ont appris que Huguette de Saint-Trivier était sa femme. Le 4 juin 1498, il avait fait, en faveur de cette épouse, en augmentation de dot, une donation de trois cents florins d’or, de rente annuelle, qu’il avait assignée sur la dîme du village d’Orny, ainsi que mille livres qu’il lui avait précédemment données 1 .
Huguette était la fille de feu Guillaume de Saint-Trivier, seigneur de Mont-le-Grand et de Branges, et la sœur de Claude de Saint-Trivier, dame de Mont-le-Grand et de Genollier, dont le premier mari fut le chevalier Adrien (II) de Bubenberg, seigneur de Spietz 2 . Alix de la Baume, mère de ces deux dames, fille de Pierre de la Baume, seigneur de Mont-Saint-Sorlin, Attalens, Illens, etc. (qui était un fils de Jean de la Baume, comte de Montrevel, maréchal de France, et de Jeanne de la Tour), avait épousé en secondes noces Claude de Lugny, seigneur de Ruffey 3 . De là une proche parenté entre les filles de Guillaume de Saint-Trivier et la maison de Lugny, en Bourgogne. Le 16 août 1504, Adrien de Bubenberg, chevalier, seigneur de Spietz, agissant au nom de sa femme Claude, fille de Guillaume de Saint-Trivier, et Barthélemy, seigneur de La Sarra, qui agissait au nom de sa femme Huguette de /431/ Saint-Trivier, firent cession, en faveur de Jean de Lugny, conseiller et chambellan du roi de France, seigneur d’Alerey, de leur part au château, forteresse et seigneurie de Sarmoaz (Sarmoyé, selon un autre version), pour deux mille livres de Savoie, et de leur part à la seigneurie de Cusero (?), pour quatre cents florins 1 . Il est probable que ces terres étaient procédées de la maison de la Baume. Philiberte de Lugny, nièce de Huguette de Saint-Trivier, devint la seconde épouse de Jean-Rodolphe de Scharnachthal, chevalier, avoyer de Berne, ce qui motiva la puissante assistance que ce haut magistrat et la ville de Berne donnèrent à Huguette de Saint-Trivier et à Michel Mangerot dans leurs démêlés avec les nobles de Gingins, au sujet de la succession du baron Barthélemy de La-Sarra 2 . Philiberte était-elle la fille de Jean de Lugny, nommé ci-dessus ? Nous aurons encore l’occasion plus tard de parler de Huguette de Saint-Trivier.
Madelaine, fille bâtarde du sire Barthélemy de La-Sarra, mentionnée dans ses deux testaments, épousa Claude de Gallera, donzel, de Ferreyres. Etant veuve de lui, elle donna, le 15 mai 1515, à Huguette de Saint-Trivier, dame de La-Sarra, veuve du prénommé Barthélemy, quittance des biens de son défunt mari et de ses prétentions contre la dite Huguette et Michel, baron de La Sarra 3 .
L’année suivante, elle devint religieuse dans le couvent de Bellevaux, près Lausanne, et fut dotée, dans cette circonstance, par Huguette de Saint-Trivier, de cens à Gollion, reversibles au dit couvent (1516, 22 décembre) 4 . /432/
Barthélemy, seigneur et baron de La-Sarra, décéda bien tôt après avoir testé, car il n’était plus vivant le 27 septembre 1505, lorsque le duc Charles de Savoie confirma la donation de ses biens, que le dit Barthélemy avait faite en faveur de Jacques de Gingins, coseigneur du Châtelard 1 .
Avant de continuer notre récit, nous rapporterons ce qui concerne les branches collatérales de la maison de La Sarra.
SEPTIÈME DEGRÉ
BRANCHE DES SEIGNEURS DE BOSSONENS
ANSELME DE LA-SARRA
ÉCUYER, COSEIGNEUR D’ARÈCHE SOIT D’ARÉCHIES
Il était le second fils de Nicolas soit Nicod (I), sire de La-Sarra, et d’Isabelle de Salins, son épouse, et c’est probablement du chef de sa mère qu’il était possesseur de fiefs dans le comté de Bourgogne 2 , ainsi que nous allons l’apprendre.
Par lettres datées de Salins, le 23 mars 1421 (v. st.), Philippe, duc et comte de Bourgogne, notifie « que Ansel /433/ de La-Sarrée, » écuyer, a repris de lui en fief tout ce qu’il tenait du comté de Bourgogne, qu’il a été admis à lui en faire le devoir et qu’en conséquence il a été envoyé en la possession des biens mouvants du dit fief, à charge d’en fournir le dénombrement dans le temps dû 1 .
Anselme de La-Sarra, dans un document de l’année 1456, postérieur à son décès, est titré de coseigneur d’Aresche 2 .
Le duc Amédée (VIII) de Savoie, dans l’année 1427, inféoda à Anselme de La-Sarra et à sa femme Louise de Blonay le château (castrum) de Villars-Boson, près de L’Isle, et ses murailles, avec une certaine quantité de terrain contigu 3 . Anselme de La-Sarra se proposait-il peut-être de restaurer ce château, délaissé depuis l’extinction de la maison de Cossonay, et d’en faire sa demeure ? Quoi qu’il en soit le dit château fit retour au domaine ducal 4 . /434/
Anselme de La-Sarra prit part, en qualité de fils du sire Nicod, au grand partage fait le 26 février 1446 entre le prédit sire Nicod et ses fils, d’un côté, et Jaquemette de Seyssel, veuve en premières noces de Claude de La-Sarra, seigneur de Mont-le-Grand, et en secondes noces d’Antoine (I) de Saint-Trivier, et sa fille Jaquème de La-Sarra, épouse d’Antoine (II) de Saint-Trivier, d’un autre côté.
Le prédit Anselme de La-Sarra paraît être décédé avant son père 1 .
Nous avons vu plus haut que Louise de Blonay était son épouse dans l’année 1427. Il en eut une seconde, savoir Etiennette d’Arbonnier (appartenant sans doute à la famille franc-comtoise de ce nom), qui apparaît en 1456 comme veuve du noble et puissant Anselme de La-Sarra, coseigneur d’Arèches, et femme de Jean Borgesi (Bourgeois ?), seigneur de Passavant, lorsqu’elle fait l’acquisition de cens considérables du noble François de Gumoëns, seigneur de Bioley 2 .
Anselme de La-Sarra laissa trois fils, nommés : Claude, Nicod et François, qui se trouvaient en 1451 sous la tutelle de leur oncle Guillaume. Ils possédèrent les terres et seigneuries de Bossonens et de Cheseaux, procédées de Marguerite d’Oron, aïeule de leur père. Cela avait-il eu lieu en vertu du testament du sire Nicod (I) de La-Sarra, leur aïeul, ou bien à la suite de partages qu’ils auraient faits avec le sire Guillaume de La-Sarra, leur oncle paternel ?
Claude de La-Sarra continua la lignée de sa famille.
Son frère Nicod fut seigneur de Cheseaux et ne laissa /435/ pas d’enfants de son mariage avec Perronette, fille de Jean (III) de Gruyère, seigneur de Montsalvens et de Perronette de Blonay 1 . Devenue veuve, Perronette de Gruyère se remaria avec Jean Champion, seigneur de la Bâtie et de Vauruz.
François, le troisième fils d’Anselme de La-Sarra, apparaît en 1456 (voy. plus loin), mais il n’est pas nommé dans un document daté du 7 février 1461 dont nous allons parler. Selon le Diction. géograph., statist. et histor. du canton de Fribourg (I, pag 47), François de La-Sarra aurait abandonné à ses frères, en 1457, tous ses biens paternels et maternels, contre une rente viagère de 160 ducats.
HUITIÈME DEGRÉ
CLAUDE DE LA-SARRA
SEIGNEUR DE BOSSONENS
Les fils d’Anselme de La-Sarra estimaient qu’ils avaient été lésés dans la part des biens de leur maison qui leur était échue. Le 12 janvier 1457 (v. st.), une prononciation avait été rendue par divers seigneurs arbitres dans le différend qui en était résulté avec leur oncle Guillaume, sire de La-Sarra. (Voy. ci-devant, pag. 408 et 409.) Aux termes de cette prononciation, celui-ci assigna à ses neveux Claude et Nicod, seigneurs de Bossonens, le 7 février 1461 (v. st.), 21 livres bonnes, de rente annuelle, dans la /436/ baronnie de La-Sarra, à cause de la plus value du château de La-Sarra sur celui de Bossonens 1 .
En l’année 1458, Claude de La-Sarra avait affranchi le nommé Jean Fontet, de Bossonens, de sa qualité d’homme taillable à miséricorde, moyennant 28 livres. Le dit Fontet pourrait, comme homme lige, disposer librement de ses biens 2 .
Selon M. d’Estavayé (Hist. généal. manusc. de la maison de Grandson-La-Sarra), ce serait dans l’année 1464 que Claude de La-Sarra et son frère Nicod auraient fait le partage de leurs seigneuries, par lequel Bossonens advint à Claude et Cheseaux à Nicod.
Claude de La-Sarra, seigneur de Bossonens, épousa par contrat daté du 17 avril 1459 Mathée, fille du spectable chevalier Jean, seigneur de Blonay (et de Froé de Colombier, selon M. d’Estavayé) 3 .
On ne connaît pas l’année de son décès.
Il laissa un fils, nommé Georges, qui fut son successeur. Peut-être en laissa-t-il deux, car un Grégoire de La-Sarra apparaît à Bossonens dans l’année 1502 4 . /437/
NEUVIÈME DEGRÉ
GEORGES DE LA-SARRA
SEIGNEUR DE BOSSONENS ET DE CHESEAUX
Ce fils et successeur de Claude de La-Sarra apparaît comme seigneur de Bossonens et de Cheseaux (il avait hérité cette terre-ci de son frère Nicod, décédé sans enfants), le 9 mai 1497, lorsque Adrien de Bubenberg, chevalier, seigneur de Spietz, lui fait cession des fiefs et de la jurisdiction qui lui appartenaient dans la baronnie de La Sarra, à cause de Cheseaux 1 . Ces fiefs pouvaient provenir de Jeanne de La-Sarra, mère du prénommé Adrien de Bubenberg.
Nous avons rapporté que chacun des deux testaments de Barthélemy, baron de La-Sarra, contenait un legs en faveur de Georges de La-Sarra, seigneur de Bossonens, son parent; le premier de 100 florins et le second de 300 florins, legs qui lui sont faits, pour tous ses droits et prétentions, à raison d’échute légale, sur les biens du testateur et de ses prédécesseurs.
Dans le conflit qui eut lieu au sujet de la succession de Barthélemy de La-Sarra, entre Michel Mangerot et Huguette de Saint-Trivier, d’une part, et les nobles Jacques et François de Gingins, seigneurs du Châtelard, de l’autre, le seigneur de Bossonens paraît s’être rangé du côté de ces derniers, puisque, le 7 février 1507 (v. st.), il fit cession, en faveur de François de Gingins, sire du Châtelard, /438/ de toutes les prétentions qu’il pouvait avoir sur la baronnie de La-Sarra 1 .
On n’apprend pas que Georges de La-Sarra ait été marié. N’ayant pas de postérité, il aliéna ses seigneuries de Bossonens et de Cheseaux en faveur du duc Charles de Savoie, par les mains de Pierre de Beaufort, bailli de Vaud (celle de Bossonens, du moins). Le 13 septembre 1513, il échangea le château de Bossonens contre divers droits que le duc possédait dans la châtellenie de Vevey 2 .
Georges de La-Sarra ne survécut pas longtemps à cet échange 3 .
BRANCHE DES SEIGNEURS DE MONT-LE-GRAND
SIXIÈME DEGRÉ
AYMON (IV), COSEIGNEUR DE LA-SARRA
ET DE LA PAROISSE DE MONTREUX, SEIGNEUR DE MONT-LE-GRAND
Il était le second fils de François (II), sire de La-Sarra, /439/ coseigneur de Vevey et de la paroisse de Montreux, chevalier, et de Marguerite d’Oron.
Nous avons indiqué qu’Aymon de La-Sarra et son frère aîné Nicod furent, durant leur minorité, sous la tutelle de Rodolphe de Langin, leur parent maternel; et que celui ci, au nom de ses pupilles, fit une transaction, en l’année 1379, avec le comte Amédée (VI) de Savoie, par laquelle il céda à ce prince la coseigneurie de Vevey, soit les droits de jurisdiction que ses pupilles possédaient dans cette ville et qui étaient procédés de la maison d’Oron.
Aymon de La-Sarra et son frère Nicod firent le 14 mars 1400 le partage de leurs biens, par lequel le premier fut coseigneur de La-Sarra. Il en prend le titre le 6 avril suivant. (Voy. ci-devant, pag. 404.) Y eut-il, entre les deux frères, un partage réel de la baronnie de La-Sarra ou bien la possédèrent-ils en commun, peut-être dans des proportions inégales, l’aîné avec le titre de seigneur de La Sarra et son frère avec celui de coseigneur de cette baronnie ? Celui-ci eut dans sa part de biens la coseigneurie de la paroisse de Montreux, ainsi que la tour (soit cour) d’Oron à Vevey, et les biens et droits, dans cette ville, qui en dépendaient.
Aymon de La-Sarra apparaît dans la même année 1400 avec le titre de seigneur de Mont 1 . Il avait hérité cette seigneurie en vertu des dispositions testamentaires d’Artaud, sire de Mont, datées de l’année 1393. Le 6 juin 1401, Aimé, baron de Mont-le-Grand et coseigneur de La-Sarra, donne aux bourgeois de La-Sarra un acte de non-préjudice au sujet d’un don gratuit de 50 florins d’or qu’ils lui avaient /440/ fait lors de sa captivité en Lombardie, « dans la grande guerre du duc (comte) de Savoie ». Un autre acte de non-préjudice en faveur des mêmes bourgeois, daté du 1er novembre 1411, nous apprend qu’ils avaient fait aux frères Nicod et Aymon, sires de La-Sarra, un don gratuit de 60 florins, « en leur nécessité 1 . »
Frère utérin de Jeanne, dame de Cossonay, épouse du chevalier Jean de Rougemont, du comté de Bourgogne, Aymon de La-Sarra se posa, lors de la mort de cette héritière des sires de Cossonay, comme l’un de ses héritiers. Afin de s’approprier une part de cette succession il s’empara du château de Bercher, mouvant de l’évêché de Lausanne. L’évêque Guillaume de Challant fut d’abord favorable aux prétentions du sire des Monts, car, en l’année 1407, le lendemain de la fête de saint Jean-Baptiste, il lui accorda l’investiture du château et de la châtellenie de Bercher, au préjudice de Jean de Rougemont, héritier testamentaire de son épouse 2 . Toutefois, le prélat ne tarda pas à changer de sentiment, puisque le 11 avril de l’année suivante (1408), il fit avec Jean de Chalon, sire d’Arlay, auquel Jean de Rougemont avait vendu ses droits à la seigneurie de Bercher, un traité d’alliance offensive et défensive, spécialement dirigé contre Aymon de la Serrée, sire de Mons, qui s’était nouvellement emparé du dit château de Bercher sur le prince d’Orange 3 .
On trouve le sire des Monts nommé dans le nombre des /441/ prétendants à l’héritage de Jeanne, dame de Cossonay, entre lesquels le conseil du comte Amédée (VIII) de Savoie rendit, à Morges, le 14 novembre 1409, une sentence dans la cause amiablement pendante devant lui, au sujet du dit héritage 1 . Par lettres datées du 17 mai 1415, le comte Amédée de Savoie accorde à Aymon de La-Sarra, coseigneur du dit lieu et seigneur de Mont-le-Grand, de pouvoir lever, sur les hommes soumis à sa jurisdiction, la somme de 300 florins, à charge de recevoir à son passage Sigismond, roi des Romains 2 . On ne possède pas d’éclaircissements au sujet de cette concession et l’on ignore si Aymon de La Sarra reçut effectivement le roi des Romains dans son château de Mont.
Ce seigneur de Mont-le-Grand, coseigneur de La-Sarra et de la paroisse de Montreux, fit son testament le 22 septembre 1427, par lequel il institue héritier universel son fils, Claude de La-Sarra. Il y fait un legs à Guillaume de Bettens, abbé du Lac de Joux, donne pour dot à sa fille Louise 180 (?) florins d’or, de petit poids, lègue une rente viagère de 15 florins à sa fille Jeanne et donne 200 florins à sa fille Marguerite, épouse du seigneur de Divonne 3 .
Aymon de La-Sarra décéda bientôt après qu’il eut testé, puisqu’il n’était plus vivant le 3 octobre suivant, date du testament de son fils Claude.
Son épouse fut Bonne de Salins (la Tour), sœur d’Isabelle de Salins femme de son frère Nicod, seigneur de La-Sarra. Elle fut codame d’Aresches. Le 23 juin 1422, /442/ Bonne de Salins, fille de feu messire Ottes (Othon) de Salins, chevalier, seigneur d’Aresches, et femme du noble Aymé de la Sarrée, sieur de Mons (Mont), confesse tenir divers biens en fief du comte de Bourgogne 1 .
Après la mort précoce de Claude de La-Sarra, Jaquemette de Seyssel, sa veuve, en qualité de mère de Jaquème de La-Sarra, sa fille mineure, fut en différend avec Bonne de Salins, sa belle-mère, au sujet de la jouissance des biens du défunt Aymon de La-Sarra, à laquelle prétendait la prénommée Bonne de Salins. Une prononciation d’arbitres fut rendue entre ces deux dames, le 16 août 1428, par le chevalier Jean de Gingins, de la part de Bonne de Salins, et Humbert et Jean de Seyssel, seigneurs d’Aix, de la part de Jaquemette de Seyssel 2 .
Le 3 novembre de l’année suivante (1429), un partage de biens eut lieu entre les deux dames précitées, par lequel il advint à Bonne de Salins la moitié de la terre et seigneurie de Montreux (soit de la coseigneurie de la paroisse du dit Montreux), avec la maison forte, dite la tour (soit la cour) d’Oron, dans la ville de Vevey, et les biens, droits et revenus qui en dépendaient. Jaquemette de Seyssel eut pour sa fille Jaquème de La-Sarra l’autre moitié de la seigneurie de Montreux et, pour elle-même, la seigneurie de Mont-le-Grand 3 .
La veuve d’Aymon de La-Sarra fit son testament à Vevey, dans la cour d’Oron, le 12 avril 1430, par lequel elle institua héritière universelle sa fille Marguerite, femme du chevalier Jean de Gingins, seigneur de Divonne, lui /443/ substituant, en l’absence de postérité, sa petite-fille Jaquemette (soit Jaquème) de La-Sarra et à celle-ci, dans le même cas, Anselme et Guillaume de La-Sarra, ses neveux, fils de Nicod, à ceux-ci Jeanne de Salins, sa sœur, et à cette dernière ses héritiers naturels 1 . Par un codicille, daté du même jour et du même lieu, Bonne de Salins, codame de Montreux, veuve d’Aymon de La-Sarra, coseigneur des dits Montreux et La-Sarra et seigneur de Mont, fait un legs aux chapelains de la chapelle des seigneurs de La Sarra, fondée dans la ville de ce nom, sous condition qu’ils y chanteront deux messes chaque semaine 2 .
Nous avons trouvé les enfants d’Aymon de La-Sarra nommés dans son testament, savoir :
1o Claude, dont il sera parlé dans l’article suivant.
2o Louise, décédée, non mariée, au commencement de l’année 1428 3 .
3o Jeanne, qui devint religieuse dans le couvent de Sainte-Claire, à Vevey, peu de temps après la mort de son père 4 .
4o Marguerite, qui épousa aux environs de l’année 1415 Jean de Gingins, chevalier, seigneur de Gingins, de Belmont en Semines, des Troches, de Divonne, de Saint-Jean de Gonville et de la saulterie de Flies. Comme leurs descendants parvinrent avec le temps à la possession de la baronnie de La-Sarra, nous nous réservons de parler de la maison distinguée de Gingins, lorsque nous arriverons à cet événement. /444/
Par la mort de sa mère Marguerite de La-Sarra hérita la moitié de la seigneurie de Montreux, les biens de Vevey et la coseigneurie d’Aresches. Elle ou son mari acquirent bientôt de Jaquème de La-Sarra, leur nièce, l’autre moitié de la seigneurie de Montreux, mais on ignore quand et à quel titre cette acquisition eut lieu. Le chevalier Jean de Gingins bâtit, entre les années 1440 et 1450, le château du Châtelard, qui remplaça la maison forte de Chailly et donna son nom à la seigneurie de Montreux comprenant l’ancienne vidamie de ce nom. On peut dire que Jean de Gingins fut le véritable fondateur de la baronnie du Châtelard 1 .
Le duc Louis de Savoie rendit une prononciation, le 14 août 1456, entre Jean de Gingins, seigneur de Divonne soit Marguerite de La-Sarra, son épouse, d’une part, et Guillaume, seigneur de La-Sarra et ses neveux, fils de son défunt frère Anselme, d’autre part. Marguerite de La Sarra obtint, en vertu de cette prononciation, un dédommagement de 1250 florins pour les terres procédées de Marguerite d’Oron, dame de Bossonens, son aïeule, qui avaient passé à Nicod, sire de La-Sarra, son oncle 2 .
L’année suivante (1457), le 16 mars, un accord eut lieu entre le sire de La-Sarra et ses neveux, d’une part, Jean de Gingins, chevalier, seigneur de Divonne et du Châtelard et Marguerite de La-Sarra, sa femme, de l’autre, au sujet du payement des 1250 florins mentionnés ci-dessus 3 . /445/
Jean de Gingins, seigneur du Châtelard, décéda vers la fin de l’année 1461 1 . Son épouse lui survécut. Le 18 mars de l’an de grâce 1462, à la supplication de dame Marguerite de La-Sarra, veuve de messire Jean de Gingins, chevalier, seigneur de Gingins et de Divonne, le duc Philippe de Bourgogne lui accorde, à Bruges, une remise de foi et d’hommage, à l’égard des rentes et revenus qu’elle tenait de ce prince sur la saulnerie de Salins 2 . Le duc Louis de Savoie lui concéda également, sous l’année 1464, à Versoy, une remise de foi et d’hommage pour la terre du Châtelard 3 .
SEPTIÈME DEGRÉ
CLAUDE DE LA-SARRA
SEIGNEUR DE MONT-LE-GRAND, COSEIGNEUR DE LA PAROISSE DE MONTREUX ET DE LA-SARRA
Claude de La Sarra, seul fils d’Aymon (IV), épousa par contrat, daté du 29 octobre 1422, Jaquemette, fille d’Antoine /446/ de Seyssel, seigneur d’Aix, Saint-Paul et la Bâtie et de Jeanne de la Rochette 1 .
Sa carrière ne fut pas longue et il ne posséda que peu de temps les seigneuries qu’il avait héritées de son père qu’il suivit bientôt dans la tombe. Malade de corps, mais sain d’esprit, ce seigneur fit son testament, au château d’Aix, en Savoie, le 3 octobre 1427, par lequel il institua sa fille Jaquème son héritière universelle, lui substituant, si elle ne laissait pas de postérité, son épouse Jaquemette de Seyssel, pour le temps de sa vie, puis, après elle, Bonne de Salins, mère du testateur et les sœurs de celui ci, Marguerite, épouse du chevalier Jean de Gingins, seigneur de Divonne, et Louise de La-Sarra, par part égale. Jaquemette de Seyssel serait la tutrice de sa fille Jaquème, sans compte rendre, jusqu’à ce que celle-ci eût atteint l’âge de 15 ans. En cas de décès de la prédite Jaquemette de Seyssel, la tutelle et l’administration des biens de sa fille Jaquème passeraient à dame Bonne de Salins, aïeule paternelle de celle-ci, et en cas de décès de la dite Bonne de Salins, ces fonctions seraient exercées par dame Jeanne de la Rochette, veuve du noble et puissant Antoine de Seyssel, seigneur d’Aix, aïeule maternelle de la dite pupille. Le testateur nomma pour exécuteurs testamentaires ses beaux-frères Humbert de Seyssel, seigneur d’Aix et Jean de Seyssel, seigneur de Barjat. Par ce testament le curé de l’église de Mont reçut une pièce de vigne située à Germagny, pour le remède de l’âme du testateur et de celle de son défunt père Aymon 2 . /447/
Claude de La-Sarra n’était plus vivant le 16 août 1428. (Voy. ci-devant, pag. 442.)
Jaquemette de Seyssel se remaria avec Antoine de Saint-Trivier, seigneur de Saint-Trivier et de Branges, duquel elle était veuve lors du partage du 26 février 1446, déjà plusieurs fois cité, partage qui lui donna la seigneurie de Mont-le-Grand. Elle prit un troisième mari dans la personne de Jacques de la Baume, seigneur de L’Abergement, auquel elle survécut.
Jaquème de La-Sarra, sa fille du premier lit, prit part au partage ci-dessus mentionné. Elle était alors l’épouse d’un noble Antoine de Saint-Trivier, que nous présumons avoir été un fils d’Antoine de Saint-Trivier, le second mari de Jaquemette de Seyssel, né d’un premier mariage de son père.
Antoine de Saint-Trivier, l’époux de Jaquème de La Sarra, se qualifie de seigneur de Mont, dans l’année 1438. Selon l’historien Guichenon, le dit époux aurait été Claude de Saint-Trivier, seigneur du lieu de ce nom, en Dombes, et de Branges 1 .
Jaquème de La-Sarra aliéna en faveur de sa tante Marguerite de La-Sarra, épouse du chevalier Jean de Gingins, sa part soit la moitié de la seigneurie de Montreux qu’elle avait obtenue par les partages du 3 novembre 1429. Du reste, elle renonça aux avantages que lui avait faits le testament de son père et se contenta d’une assignation de /448/ 600 florins annuels sur la dîme dite des Chevaliers, de Germagny 1 .
L’époque du décès de la fille de Claude de La-Sarra n’est pas connue. Elle laissa une fille. Jeanne de Saint-Trivier, qui épousa en 1479 Odon de Chiel, seigneur de Chanues et coseigneur de Montetier. Devenue veuve de lui, Jeanne de Saint-Trivier se remaria avec Jacques, coseigneur de La-Sarra, chevalier, et testa le 11 septembre 1504 2 .
Nous rapporterons maintenant les événements qui suivirent la mort de Barthélemy, dernier baron de La-Sarra de la maison de Montferrand.
MICHEL MANGEROT DIT DE LA-SARRA
SEIGNEUR ET BARON DE LA-SARRA ET SEIGNEUR DE GLÉRENS
Michel Mangerot (aussi Mangerod, Mangeros, Mangeroz, Mangero), héritier de son oncle maternel Barthélemy, baron de La-Sarra, était bien jeune lorsqu’il fut appelé à recueillir la belle succession de cet oncle, sur laquelle, à la vérité, pesait le passement obtenu de la cour de Moudon par le procureur fiscal de Vaud contre le baron Barthélemy. On se rappelle que celui-ci établissait par son /449/ testament son épouse Huguette de Saint-Trivier et son parent, Adrien de Bubenberg, pour tuteurs du jeune Mangerot, qui fut élevé, en qualité de page, dans la maison de Claude d’Arberg, seigneur de Valangin 1 .
Les Mangerot, de Salins, n’appartenaient pas à la haute noblesse du comté de Bourgogne. Cette famille est connue dès le XIIIe siècle, sans être alors réputée noble encore; elle avait une berne en propriété dans les salines. Peu de temps après, les salines de Groson étaient gouvernées par Richard et Vuillemin Mangeroz, issus d’une branche de la même famille, établie à Poligny 2 .
Michel Mangerot, seigneur de la Bruyère, l’époux d’Antoinette de La-Sarra, était le descendant, à la quatrième génération, de Nicolet Mangeroz, damoiseau, qui acquit en 1384 la prévôté et la seigneurie des Muires du puits de Salins, et qui était le petit-fils de Guy Mangeroz 3 .
Peu de temps après la mort de Barthélemy de La-Sarra, le duc Charles de Savoie, sans prendre en considération ses dernières dispositions testamentaires, confirma, le 27 septembre 1505, la donation que le défunt sire de La Sarra avait faite, le 5 mai précédent, en faveur de Jacques de Gingins, coseigneur du Châtelard, conseiller et chambellan du prénommé duc, de tous ses biens, droits et châteaux. Le duc, dans cette circonstance, fit aussi remise à Jacques de Gingins du lod qui lui serait dû à raison de cette donation, et il lui céda tous les droits qu’il pouvait /450/ avoir sur les biens donnés en vertu de commise et d’échute 1 .
Après la mort du baron Barthélemy, le procureur fiscal demanda au bailli de Vaud de faire exécuter complétement, vis-à-vis de Huguette de Saint-Trivier et de Michel Mangerot, par la saisie de la seigneurie de La-Sarra, le passement obtenu précédemment. La veuve et l’héritier du baron Barthélemy furent cités le samedi avant la fête de la Purification 1506 (n. st.) et comparurent à Moudon le lundi après la fête de Saint-Pierre in cathedra. Huguette de Saint-Trivier, en son propre nom et au nom de son pupille Mangerot, demanda l’annullation du passement, surtout en raison du cautionnement fourni par le sire Barthélemy dans le délai légal de quarante jours depuis le jugement. Cependant le passement fut confirmé par le bailli de Vaud, qui envisagea le cautionnement comme tardif, vu qu’il y avait urgence en présence de la détention illégale de personnes 2 et que l’on pouvait abréger les délais de citation, de sentence et d’exécution de celle-ci, et que d’ailleurs le cautionnement n’avait été fourni que lorsque le passement était entré en vigueur de chose jugée. Cette confirmation du premier passement par le bailli de Vaud est datée du lundi après les Bordes 1506. Huguette de Saint-Trivier déclara vouloir recourir au sénat de Savoie.
Le premier passement ainsi confirmé fut définitivement exécuté par la saisie de la baronnie de La-Sarra (15 juillet 1506), saisie qui fut notifiée à Huguette de Saint-Trivier. /451/ Cette baronnie fut ensuite vendue à l’enchère à Moudon et acquise au prix de 18 000 ducats d’or par Jean, comte de Gruyère. On notifia aussi la dite vente à la prénommée Huguette de Saint-Trivier, le samedi avant la Saint-Barthélemy.
Le 10 septembre suivant, le comte de Gruyère devait être mis en possession de la baronnie de La-Sarra, ce qui ne put se faire à cause de l’opposition armée faite par Michel Mangerot, seigneur de la Bruyère, père de l’héritier du baron Barthélemy. On remit au comte le cadenas de la porte de la ville, il mit la main sur la dite porte et entra dans le bourg (soit dans la ville) en signe de possession, mais il en ressortit, car lorsqu’on avait voulu pénétrer plus avant, on avait rencontré le seigneur de la Bruyère avec douze hommes armés. N’ayant pu trouver Huguette de Saint-Trivier, on fit afficher à la porte de la ville la notification que la mise en possession du comte avait eu lieu 1 .
Le duc Charles de Savoie ordonna au sénat de Savoie, le 8 octobre (1506), de ne plus s’occuper de l’affaire de La Sarra, qu’il évoqua à lui, à la demande des Bernois, et il assigna le procureur fiscal et Michel Mangerot à comparaître devant lui, le 10 novembre prochain (ordre daté de Thonon). Au jour fixé le duc confirma le passement obtenu à Mondon, et il assigna les parties à un autre jour, afin d’entendre son jugement définitif. Mais deux jours après (12 novembre) Michel Mangerot s’étant plaint de la /452/ confirmation du passement, le duc accorda un nouvel interrogatoire des témoins, par deux commissaires, membres du sénat, désignés à cet effet. Le 16 novembre, l’interrogatoire précité ayant été apporté dûment fermé, le duc le fit ouvrir et publier, puis il assigna de nouveau les parties à un autre jour, pour entendre son jugement. Celui-ci ne se trouve pas rapporté dans le cahier de procédure dont nous avons extrait les détails que nous venons d’indiquer 1 . Il pourrait ne pas avoir été rendu, car si, d’un côté, le duc de Savoie favorisait la transmission de La-Sarra à Jacques de Gingins, d’un autre côté il ne voulait pas mécontenter les Bernois, qui faisaient des instances auprès de lui en faveur de Huguette de Saint-Trivier et de Michel Mangerot.
En attendant, à la date du 24 décembre de la même année 1506, le duc Charles de Savoie inféoda la baronnie de La Sarra à Jacques de Gingins, en primogéniture et fidéicommis. Le duc, dans ce document, rappelle les bons services que lui a rendus la maison de Gingins, qu’il désigne de fidelissima Ginginorum domus 2 . Nonobstant cette inféodation et un ordre du bailli de Vaud, en date du 6 septembre précédent, adressé à Michel Mangerot, seigneur de la Bruyère, par lequel il lui était enjoint de /453/ vider dans huit jours le château et la baronnie de La-Sarra, dévolue à Jacques de Gingins, Huguette de Saint-Trivier et son pupille se maintinrent dans la possession de cette baronnie. C’est qu’ils avaient trouvé dans la ville de Berne un puissant appui.
En effet, la famille de Bubenberg, très influente dans cette ville, était parente de celle de La-Sarra, puis l’avoyer Jean-Rodolphe de Scharnachthal, chevalier, magistrat très considéré, était devenu par son second mariage avec Philiberte de Lugny, le neveu de Huguette de Saint-Trivier. Enfin Michel Mangerot (le père, sans doute) avait recherché la bourgeoisie de la ville de Berne et y avait été agrégé. Il obtint de cette ville qu’une troupe de gens de guerre vînt occuper le château de La-Sarra, en janvier 1507 (v. st. ?) 1 . Le duc Charles écrivit plusieurs lettres aux Bernois pour les prier de retirer leurs troupes, se plaignant de cet acte d’hostilité 2 ; toutefois il ne voulait pas se brouiller avec eux et sacrifia Jacques de Gingins. Celui-ci s’adressa au roi Louis XII dont il était connu. Le monarque français écrivit aux Bernois une lettre pressante en sa faveur, y rappelant les bons services que Jacques de Gingins lui avait rendus en ses guerres et affaires de Naples et de Milan. Cette lettre est datée d’Asti, le 16 avril 1507 3 .
D’un autre côté Michel Mangerot obtint des Bernois de si fortes recommandations pour le duc de Savoie, que ce /454/ prince, qui avait alors des raisons pressantes de ménager les Bernois à cause de ses vues sur Genève, lui accorda ce qu’ils souhaitaient et les en avisa par une lettre du 6 mars 1508 (n. st.) 1 .
Le prince précité, le 18 mai 1508, fit cession et remise, à titre de fief et sous hommage, de la baronnie de La Sarra, à Michel et Michel Mangerot, père et fils, révoquant la donation qui en avait été faite à Jacques et François de Gingins, seigneurs du Châtelard, et abandonnant en faveur des prénommés Mangerot le passement obtenu par le procureur de Vaud contre le défunt Barthélemy de La-Sarra 2 .
L’avoyer Jean-Rodolphe de Scharnachthal avait remplacé Adrien de Bubenberg, seigneur de Spietz, décédé, en qualité de tuteur du jeune Mangerot. Lui et Jean de Colombier, tuteur d’Antoinette, sœur de l’héritier du baron Barthélemy, firent, le 5 décembre 1508, un arrangement soit traité avec Huguette de Saint-Trivier, veuve de ce dernier, relativement à l’usufruit qu’il lui avait donné 3 . /455/
Jacques de Gingins, abandonné ou pour mieux dire trahi par le duc de Savoie, chercha ailleurs les moyens d’arriver à la possession de La Sarra. François de Gingins, sire du Châtelard, son frère, agit de concert avec lui dans cette circonstance. L’affaire de La-Sarra ayant commencé en 1505 et Michel Mangerot ayant obtenu alors la bourgeoisie de Berne, François de Gingins, pour établir une contre-batterie, demanda celle de Fribourg qu’il obtint par lettres patentes du 1er décembre 1505 et se fit un parti dans cette ville. Il demanda aussi celle de Lucerne qui lui fut accordée ainsi qu’à son frère Jacques et dont ils surent tirer bon parti. Lucerne entra dans leur querelle et ils réussirent de plus à y intéresser Schwitz et Zoug. Ces trois cantons leur fournirent un certain nombre d’hommes d’armes pour tenter une expédition sur La-Sarra. Celle-ci eut lieu au commencement de l’année 1512. Jacques de Gingins partit avec sa petite troupe et marcha avec tant de précautions et de célérité qu’il arriva à La-Sarra avant qu’on l’apprît à Berne. Il s’empara du château, mit dehors Huguette de Saint-Trivier et Michel Mangerot et s’y établit comme en garnison, ne faisant de dégât que dans la basse-cour, qu’il mit à l’interdit, d’où vient que l’on appelle cette guerre la guerre des chapons. Huguette de Saint-Trivier courut à Berne, implora la protection de la république. Elle fut écoutée et appuyée. Berne mit sur pied six cents hommes sous le commandement de Burkhardt d’Erlach, pour marcher contre La-Sarra et réintégrer les bannis et prévint en même temps de ce fait les /456/ états confédérés voisins, en faisant valoir la justice de la cause. Soleure mit incontinent cinq cents hommes sur pied, à la disposition de Berne. Lucerne et Fribourg envoyèrent alors des députés à Berne pour faire observer que l’occupation du château de La-Sarra s’était faite sans l’approbation de Lucerne et que cette ville et Fribourg priaient Berne de ne pas troubler par des voies de fait la paix et la bonne entente entre les confédérés, mais de régler cette affaire à l’amiable. Un compromis eut alors lieu et l’on décida que Berne, Lucerne, Fribourg et Soleure occuperaient en commun le château de La-Sarra jusqu’à ce que le duc de Savoie se fût définitivement prononcé sur cette question. Mais, l’on s’aperçut bientôt que ce prince, en traînant les choses en longueur, ne cherchait qu’à exciter Berne et Lucerne l’une contre l’autre et à semer la discorde parmi les confédérés. Des conférences eurent alors lieu à Berne et l’on résolut de rester unis et d’obliger le duc de Savoie, auteur de la querelle, à un accommodement équitable entre les parties, conformément aux lettres scellées émanées de lui, ainsi qu’au remboursement des frais occasionnés par cette affaire. Une ambassade fut envoyée par les deux villes au duc de Savoie, à Genève, laquelle lui communiqua, en présence des parties, le jour de la Pentecôte (1512), cette décision des confédérés. Le duc accéda alors au traité suivant, tel qu’il avait été convenu entre les députés de Berne, Lucerne, Fribourg et Soleure :
Premièrement la baronne douairière et le jeune baron de La-Sarra seront remis en possession du château et de la baronnie de La-Sarra, de ses droits et appartenances, comme cela était avant le commencement de la querelle, et le duc de Savoie devra payer à la baronne 2000 couronnes. /457/ Puis, il devra donner aux seigneurs du Châtelard, à titre de dédommagement, 16 000 couronnes au soleil, savoir 4000 à la Saint-Barthélemy (prochaine) et même somme annuellement à la Saint-Martin, jusqu’au payement intégral de la somme.
Le bâtard de La-Sarra, qui prétendait avoir, d’après le testament de feu son père, des droits sur la terre de La Sarra, serait désintéressé, et si cela ne réussissait pas, il serait ouvert une enquête sur la validité de ses droits.
Il sera payé aux villes de Berne et de Soleure, pour la solde des hommes d’armes levés dans cette circonstance, 3000 couronnes, dont 2000 à Berne et 1000 à Soleure, payables à la Saint-Barthélemy prochaine 1 .
Il sera payé, à la Saint-Jean de la présente année, 70 florins, monnaie de Berne, aux quatre cantons dont les hommes occupent le château de La-Sarra, somme qui sera répartie parmi les soldats, suivant leur bon plaisir.
Si le duc de Savoie tardait à accomplir les clauses du présent traité, il n’en résulterait pas de guerre, mais les cantons occuperaient dans ses états, à titre de gage, autant de villes, de villages et de seigneuries qu’il serait nécessaire pour se couvrir, jusqu’à ce qu’il eût rempli ses /458/ engagements. Moyennant quoi toute hostilité cesserait et la paix régnerait désormais entre les parties 1 .
Ainsi finit la guerre dite des chapons. Le duc de Savoie fut sévèrement puni de la duplicité ou pour mieux dire de la faiblesse de caractère dont il avait fait preuve dans toute cette affaire de La-Sarra, et les Suisses lui firent bien sentir qu’ils étaient pour lui de redoutables voisins.
Ce bâtard de La-Sarra, dont il est parlé dans le traité que nous venons de rapporter, est Georges, bâtard de messire Jacques de La-Sarra, chevalier, oncle du sire Barthélemy. On se rappelle que celui-ci lui avait fait des legs par ses deux testaments. On ne sait pourquoi Huguette de Saint-Trivier refusait de l’en laisser jouir. Sous l’année 1510, l’Official de Lausanne, par un mandement adressé à tous les curés du diocèse, menace d’excommunication ceux qui devaient acquitter le legs fait en 1487 par Nicod, baron de La-Sarra, à Georges, bâtard de La-Sarra et celui que lui avait fait le baron Barthélemy par son testament de l’année 1505. L’Official adresse surtout ce mandement à Huguette de Saint-Trivier, veuve du dit Barthélemy 2 .
Cette dame, sous l’année 1508 (31 mars), avait fait une grande donation en faveur de la chapelle des seigneurs de /459/ La-Sarra, savoir celle de 100 livres annuelles, assignées sur ses dîmes de Bolignous et de Sandrens, en Bresse, et cela tant en accomplissement du legs de 30 livres fait par son défunt mari et de celui de 500 livres fait par sa tante, Alexie de Saint-Trivier, femme de Guillaume de La-Sarra, qu’en augmentation de la dot de la dite chapelle, à charge par les chapelains de celle-ci de la célébration de services religieux 1 . Peu de temps auparavant (12 février 1507, v. st.), la même Huguette de Saint Trivier avait fait un don à la chapelle de Moiry, lequel avait été employé à l’achat d’une vigne 2 .
Le 2 mars 1509 (n. st.), elle avait amodié, pour le terme de neuf années, au noble Henri Marchand, d’Aubonne, les censes, rentes, lods, moulins, fours, scies et autres revenus qu’elle avait à L’Isle et à Gollion, au prix de 200 florins de Savoie, par année, à l’exception des droits de châtellenie 3 .
Le 13 novembre 1516, Huguette de Saint-Trivier, dame de Sandrens, en Bresse, veuve de Barthélemy, baron et seigneur de La-Sarra, d’une part, et Michel (Mangerot), baron et seigneur du dit La-Sarra, âgé de plus de quatorze ans et de moins de vingt-cinq ans, d’autre part, font, en présence de l’évêque de Lausanne, dans son château de Saint-Maire, un accord au sujet des dépenses que la dite dame prétendait avoir faites pendant qu’elle était sa tutrice et qu’elle avait l’administration de ses biens, et cela pour les affaires de ce pupille à l’occasion des débats auxquels /460/ l’hoirie du dit seigneur Barthélemy avait donné lieu. Huguette de Saint-Trivier estimait que ces dépenses s’élevaient à la somme de 24 000 florins de Savoie, toutefois elle n’en réclamait que 20 000, que le baron Michel prend l’engagement de lui payer, en les hypothèquant sur son château de Glérens, en Bresse, avec ses appartenances. Celui-ci, dans cette circonstance, confirme en faveur d’Huguette de Saint-Trivier tous les droits qu’elle a aux biens de son défunt mari, dans le Pays de Vaud et en Bresse, en vertu de legs, donations, assignats, soit à d’autres titres, ainsi que tous les abergements, lods, échanges, quittances et autres actes passés par la dite dame pendant sa tutelle. De son côté, elle promet de remettre au dit Michel tous les titres et quittances qui pourraient lui être utiles 1 .
Bientôt après (17 janvier 1517, n. st.), Michel Mangerot, dit de La-Sarra, voulant aller voyager, remet l’administration de ses biens à Huguette de Saint-Trivier, veuve de Barthélemy de La-Sarra, « son oncle et son bienfaiteur 2 . »
Cependant, les bons rapports qui existaient entre cette dame et son ci-devant pupille s’altérèrent plus tard et leurs différends donnèrent lieu à une prononciation d’arbitres rendue entre eux, le 11 mai 1520. Huguette de Saint-Trivier demandait à Michel Mangerot de lui céder le château et la seigneurie de Glérens, en raison d’un assignat de 20 000 florins, de petit poids, qu’il avait fait en sa faveur; de plus, des droits seigneuriaux, de jurisdiction, des cens et d’autres revenus à L’Isle et Gollion, Eclépens, Orny, Pompaples, ainsi que le grangeage sur la Venoge, et cela en vigueur de la donation testamentaire que lui en avait /461/ faite son défunt mari, Barthélemy de La-Sarra, le 15 août 1505 1 , acte reçu par le notaire Aymonet Pollens; enfin tous les meubles de son mari. Huguette de Saint-Trivier demandait encore d’être déchargée de toutes les dettes auxquelles elle était tenue envers certains Bernois, Lucernois et Fribourgeois, en capital et intérêts, dettes dont devait se charger Michel Mangerot. Les arbitres, Christophe de Diesbach, conseiller de la ville de Berne, et Benoît Champion, seigneur de Cheseaux, décidèrent les points suivants : Huguette de Saint-Trivier rendra l’acte d’assignat des 20 000 florins à Michel Mangerot, et cet assignat sera nul et non avenu. Tous les meubles se trouvant dans le château de La-Sarra appartiendront à l’héritier du sire Barthélemy, qui se chargera de tout ce que la dite dame devait, en capital et intérêts, à certains Bernois, Lucernois et Fribourgeois. Huguette de Saint-Trivier conservera tous les immeubles ou droits sur des immeubles que lui a légués son mari à L’Isle, Gollion, Eclépens, Orny et Pompaples, ainsi que le grangeage sur la Venoge, qu’ils consistent en droits seigneuriaux, jurisdiction, ou autres. Enfin Pierre Codurier, chapelain de La Chaux, restera altariste de la chapelle de Saint-Antoine, à La-Sarra, fondée par les seigneurs de ce lieu, et ne sera pas inquiété au sujet des cens, revenus et autres biens reçus de la baronne de La-Sarra. Les parties acceptèrent cette prononciation, Michel Mangerot étant autorisé par son conseil, François, chanoine et vicaire général de Lausanne. L’acceptation de Huguette de Saint-Trivier est datée du 11 juin suivant. /462/ Celle-ci est titrée dans ce document de dame Descendens, c’est-à-dire de Sandrens 1 .
La veuve de Barthélemy de La-Sarra paraît être décédée dans la même année 1520 2 .
Le duc Charles de Savoie, par des lettres patentes datées du 7 janvier 1518 (v. st.), avait nommé Michel Mangerot, dit de La-Sarra, son conseiller et son chambellan 3 .
Le dit Michel, baron et seigneur de La-Sarra, créa, le 8 novembre 1521, une lettre de rente, de 300 florins de capital, en faveur de Guillaume de Mur, coseigneur du dit lieu, donzel, de Corcelles, sous l’hypothèque du terrage de Moremont 4 .
L’empereur Charles V accorde, le 21 août 1523, à messire Michel de La-Sarra, baron du dit lieu et seigneur de Myon, l’autorisation de faire sortir les gens infectés de la contagion qui se trouvaient près de Salins, venus contre son gré du dit village de Myon 5 . /463/
Par contrat de mariage, daté du dimanche après la Nativité de N. S. 1522, Michel, baron de La-Sarra, épouse Hélène, fille du défunt seigneur Christophe de Diesbach, de Berne, et lui promet 1000 florins de Savoie, de petit poids, d’augment de dot 1 .
Sous l’année 1526, le dit Michel, au nom d’Hélène de Diesbach, sa femme, François de Blonay, seigneur de Carouge, Egyptienne de Diesbach, sa femme et Anne de Diesbach vendent à Guillaume de Diesbach, seigneur de Signau, la seigneurie de Worb, avec l’église et la chapelle de ce lieu, des montagnes dans le bas Siebenthal et d’autres immeubles, pour le prix de 33 000 livres 2 .
La Chronique de Stettler rapporte (Ire partie, pag. 663) qu’en l’année 1526 le jeune baron Michel du Châtelard fut admis à la bourgeoisie de Berne à la place de son père, et qu’il fut décidé à cette occasion que tous les bourgeois résidant au dehors seraient tenus de faire, dans un délai fixé, l’acquisition d’une maison dans la ville de Berne, sous peine de perdre leur droit de bourgeoisie. Cette indication du chroniqueur bernois doit plutôt se rapporter à Michel, baron de La-Sarra, qu’à François (II) de Gingins, seigneur du Châtelard, celui-ci, ainsi que nous le verrons, ayant été admis à la bourgeoisie de Berne le 8 février 1522 (v. st.), à la recommandation de son oncle maternel, le comte Jean (II) de Gruyère, et son père, François (I) de Gingins, seigneur du Châtelard, n’ayant pas possédé cette bourgeoisie. Il paraîtrait ainsi que Michel Mangerot, seigneur de la Bruyère, père du jeune baron de La-Sarra, et qui /464/ était bourgeois de Berne, serait mort en 1526 et que son fils l’aurait remplacé dans cette dernière qualité.
Nous ignorons à quel titre Michel Mangerot possédait une partie de la seigeurie de Monnet, au comté de Bourgogne, savoir celle qui avait appartenu aux sires de Montsaugeon 1 . Il l’aliéna, le 27 juillet 1526, en faveur de haute et puissante dame Philiberte de Luxembourg, princesse d’Orange, pour le prix de 4800 francs. Dans l’acte de cette vente Michel Mangerot est titré de baron et seigneur de La-Sarra, Liele (L’Isle) et Glérens 2 . Michel Mangerot n’était pas seigneur de L’Isle, mais, dans la succession qu’il avait héritée de son oncle Barthélemy de La-Sarra, était comprise l’assignation qui avait été faite sur cette seigneurie, en 1477, par Louis de Glérens, en faveur de sa parente Madelaine de Glérens, épouse de Nicod (II), sire de La-Sarra. Au reste, cette assignation fut rachetée de lui, le 7 novembre 1528, par la noble Louise de Glérens et ses neveux Claude, Pierre et Henri de Dortans. Le père de ceux ci, le chevalier Claude de Dortans, avait déjà payé à Michel Mangerot 1200 florins à compte de ce rachat, soit la moitié du prix de celui-ci 3 .
Une autre aliénation faite par Michel Mangerot, seigneur de La-Sarra, tant en son nom qu’en celui d’Hélène, sa femme, fille de feu Christophe de Diesbach, avoyer de Berne, fut celle de la seigneurie de Glérens, en Bresse, /465/ vendue, le 15 octobre 1530, aux nobles Bénédict, François, Jean, Etienne et Jean (?) Jolia, oncle et neveux, pour le prix de 3700 écus d’or au soleil. La prénommée Hélène de Diesbach ratifia cette vente le 27 novembre suivant 1 .
Cette dame décéda jeune. Par son testament, daté du 26 mars 1528, elle laissa sa succession à Michel, baron de La-Sarra, son mari 2 .
Celui-ci se remaria, par contrat du 12 mars 1532, avec Claudaz, fille de Michel de Gilliers, seigneur de Rochefort, en Bugey, veuve en premières noces de François Bochard, seigneur de Montfleur 3 . Cette dame joue un rôle important dans l’histoire de la seigneurie de La-Sarra.
Le 23 juillet suivant a lieu une transaction entre Michel, baron de La-Sarra, et Claude de Gilliers, sa femme, d’une part, et Claude Bochard de Montdragon, seigneur de Montfleur, d’autre part 4 . Et, le 19 août de la même année 1532, Michel de La-Sarra, au nom de Claude de Gilliers, sa femme, fait une vente de fonds à Salins 5 .
Michel, baron de La-Sarra, était un grand ennemi de la réforme religieuse et des Genevois. Aussi joua-t-il un rôle actif dans l’association dite des gentilshommes de la Cuiller, destinée à agir contre la ville de Genève. A la tête de quatre cents hommes, il défit et tailla en pièces près de Gex l’avant-garde du seigneur de Varé (Varey), lequel marchait au secours de Genève avec quatre cents soldats français. Le gros de ce corps n’avait pas encore passé la montagne, /466/ tandis que Varé, à la tête de cinquante hommes, marchait en tête de la colonne. Celui-ci se réfugia à Genève, avec dix hommes, et le reste de sa troupe rebroussa chemin et se replia de l’autre côté de la montagne pour y attendre des renforts. Cet événement se passa à la fin de l’année 1535 1 .
Au commencement de l’année suivante les Bernois firent la conquête du Pays de Vaud. Le 20 du mois de février l’armée bernoise, revenant de Genève, arriva de bon matin devant la petite ville de La-Sarra. Le capitaine, ayant reçu un sauf-conduit, sortit du château et vint demander aux chefs de l’armée la vie sauve pour lui, ses douze soldats et quelques milices. Il l’obtint, mais le château fut réduit en cendres 2 . Pendant ce temps le baron Michel se trouvait à Yverdon, ville dans laquelle il s’était enfermé avec d’autres gentilshommes vaudois pour la défendre contre les Bernois.
L’Inventaire des archives du château de La-Sarra indique (fo 68) un « ordre donné par le duc de Savoie, à la commune et aux habitants de la Rippaz 3 , de se préparer à recevoir une compagnie de cent chevaux sous la conduite du baron de La-Sarra; ordre daté du 15 août 1536. » A cette époque le Pays de Vaud se trouvait déjà entièrement dans les mains des Bernois, d’où l’on peut inférer que la date indiquée par l’Inventaire est erronée et qu’il faudrait substituer 1535 à 1536. Dans le cas où cette date serait exacte, on pourrait présumer que le baron de La-Sarra, réfugié dans le comté de Bourgogne, aurait voulu tenter quelque coup de main sur le Pays de Vaud et obtenu du /467/ duc de Savoie, se considérant encore comme le maître légitime de ce pays, l’ordre indiqué par l’Inventaire.
On doit présumer que Michel, baron de La-Sarra, fit sa soumission aux Bernois et que ceux-ci lui imposèrent le payement d’une rançon, toutefois nous ne trouvons pas d’indications quant à ces points. Il conserva, depuis la conquête du Pays de Vaud, sa baronnie de La-Sarra, qu’il n’habita guère, résidant ordinairement dans le comté de Bourgogne. Les nouvelles doctrines religieuses lui étaient antipathiques, et d’ailleurs son château de La-Sarra avait été incendié par les Bernois.
Le 16 juin 1538, Claudaz de Gilliers, épouse de Michel de La-Sarra, vendit, pour l’acquittement des dettes de celui-ci, les trois quarts de la dîme d’Eclépens à Pierre Malherbe et Jean Forney, d’Orbe, pour le prix de 150 écus d’or. Puis, le 15 mars 1540, la dite Claudaz de Gilliers, chargée de la procuration de son mari, vendit au prénommé Malherbe, bourgeois et marchand d’Orbe, le quart restant de la dîme d’Eclépens, pour le prix de 50 écus d’or 1 .
Par lettres patentes datées du 25 juin 1540, l’empereur Charles V, duc (?) de Bourgogne, accorde à Michel, baron de La-Sarra, une gratification de 200 francs, monnaie de Bourgogne, une fois payée, outre une pension viagère de pareille somme, payable de six mois en six mois, à commencer du jour des dites patentes, par le trésorier de Dôle, receveur général du duché de Bourgogne 2 . — Quelle était la raison des libéralités de l’empereur envers le baron de La-Sarra ? /468/
Celui-ci ne jouit pas longtemps de cette pension, puis qu’il mourut, le 4 juin de l’année suivante (1541), à Saint-Claude, au comté de Bourgogne 1 . Par son testament, daté du 5 mai 1537, Michel, baron de La-Sarra, avait institué Claude de Gilliers, sa femme, héritière des biens qu’il avait eus d’Hélène de Diesbach, sa première femme, et l’enfant dont il croyait que sa femme était enceinte héritier de tous ses autres biens, ordonnant que si c’était une fille son mari dût porter le nom et les armes de La-Sarra. A défaut de cet enfant son épouse serait son héritière universelle, et si elle venait à se remarier son mari prendrait le nom et les armes de La-Sarra 2 .
Comme le baron Michel ne laissa pas d’enfants légitimes, Claude de Gilliers, sa veuve, recueillit sa succession. Cette dame se remaria en troisièmes noces, l’année qui suivit la mort de Michel Mangerot 3 , avec François (II) de Gingins, seigneur du Châtelard et de Divonne. /469/
LA MAISON DE GINGINS
La maison historique de Gingins appartient à notre très ancienne noblesse indigène. Elle est connue depuis la première moitié du douzième siècle par les donations qu’Etienne de Gingins fit en faveur du couvent de Bonmont dont il fut un des premiers bienfaiteurs 1 . On peut présumer qu’Etienne de Gingins était le frère de Vaucher de Divonne, le fondateur de ce monastère, puisqu’il est positif que ce dernier avait un frère nommé Etienne 2 . /470/
Cette maison doit son nom au grand village de Gingins, situé au pied du Jura, dans le district actuel de Nyon. La seigneurie de Gingins, comprenant la paroisse de ce lieu 1 , forma son patrimoine primitif; elle la possédait à titre d’alleu et y exerçait tous les droits de jurisdiction civile et criminelle, soit le mère et mixte empire. Le chevalier Aymon (I) de Gingins, fils de Pierre, et petit-fils, selon le temps, d’Etienne de Gingins, le bienfaiteur du couvent de Bonmont, maintint victorieusement l’indépendance féodale de sa seigneurie de Gingins contre Bernard (de Thoire), évêque de Belley et abbé de Saint-Oyen. Ce prélat prétendait qu’elle relevait de son abbaye de Saint-Oyen, mais par un traité qu’Aymon de Gingins fit avec lui, la veille de la Pentecôte de l’an de grâce 1211, l’évêque Bernard reconnut que le prénommé Aymon ne lui devait aucune fidélité, à cause de l’abbaye de Saint-Oyen, pour son domaine, église, paroisse et autres dépendances de Gingins, sous réserve, néanmoins, que si le chevalier Aymon venait à avoir connaissance de quelque mauvais dessein tramé contre lui par ses ennemis, il fût tenu d’en avertir le prélat 2 . /471/
Jean (I),seigneur de Gingins, le descendant à la sixième génération d’Etienne, mentionné plus haut, épousa Catherine de Ternier, qui apporta à sa maison les seigneuries de Belmont, en Sémine 1 , et des Troches, en Genevois 2 .
L’esprit d’accaparement des monastères au moyen âge est chose notoire. Celui de Bonmont fut un mauvais voisin pour les seigneurs de Gingins. C’est sans doute en prévision des dangers résultant de ce voisinage que le chevalier Aymon, seigneur de Gingins, celui qui fit avec l’évêque de Belley, abbé de Saint-Oyen, le traité dont nous avons parlé, établit, par son testament, une substitution perpétuelle, dans sa maison, de la seigneurie et du « ténement » de Gingins, avec défense d’en aliéner aucune part à des étrangers. Malgré cette précaution, le couvent de Bonmont était parvenu à posséder, par suite de donations, d’achat ou à d’autres titres, des biens importants dans la seigneurie de Gingins, avec une part de jurisdiction, le tout aux dépens des seigneurs de ce lieu. Il avait même obtenu l’hommage de ceux-ci, à raison de divers fiefs. Cet état de choses devait nécessairement entraîner des différends entre les parties, lesquels amenèrent une transaction, datée du jour de la fête des saints Jacques et Philippe de l’année 1317, alors qu’Etienne de Divonne était abbé de Bonmont. Le chevalier Hugues de Mesges, tuteur de son petit-neveu Perronet, fils de feu Jean de Gingins, l’aîné, contracta, dans cette circonstance, au nom de son pupille. Il réclamait en faveur de ce dernier, en sa qualité d’aîné /472/ de la maison de Gingins, le bénéfice de la substitution établie par le testament de son quadrisaïeul (atavus 1 ) Aymon, seigneur de Gingins. Il refusait de prêter au couvent l’hommage auquel celui-ci prétendait, à forme des précédentes reconnaissances 2 . Il refusait également de ratifier diverses donations faites en faveur du couvent par des membres de la famille de Gingins et les donations faites par les nobles Séchaux (Sénéchaux) et de Begnins, dont les objets étaient procédés des nobles de Gingins. Enfin, il s’opposait à une association que l’abbé Etienne prétendait faire avec Louis (II) de Savoie, sire de Vaud, relativement à la jurisdiction de Gingins.
La transaction fixa la manière dont la jurisdiction serait exercée par les parties, la part qui en appartiendrait à chacune d’elles et la jurisdiction qui serait commune. /473/ Le mère empire soit le dernier supplice y fut réservé en faveur de Perronnet de Gingins. Celui-ci prêterait hommage à l’abbé, sous réserve de la fidélité qu’il devait à Louis de Savoie comme seigneur de Prangins 1 . Il ratifierait les donations faites en faveur du couvent par divers membres de sa famille 2 , ainsi que les donations des nobles Séchaux et de Begnins. Hugues de Mesges déclara que son pupille était homme lige noble de l’abbé et du couvent de Bonmont, agissant en cela, tant au nom de son dit pupille qu’en celui des autres membres de la famille de ce dernier avec lesquels il était en indivision de biens. Le dit Perronet serait tenu à une seule fidélité envers le couvent, sous laquelle son tuteur reconnut tenir, au nom de son pupille, conformément à la volonté des prédécesseurs de celui-ci et nonobstant le testament d’Aymon de Gingins précité, en fief noble et lige, toutes les jurisdictions réservées en sa faveur par le présent traité, y compris le mère empire à Gingins et à Arnex, et tout ce que son dit pupille pourrait tenir du couvent à titre de fief, tant à forme des /474/ reconnaissances précédentes qu’à d’autres égards. Enfin, le chevalier Hugues de Mesges consentit à ce que l’abbé traitât avec Louis de Savoie au sujet de l’association projetée, et cela pour le plus grand avantage tant de son couvent que de Perronet de Gingins et des siens 1 .
Cette association porte la date du vendredi après la fête de l’Annonciation de l’année 1319. Par ce traité dans lequel l’abbé Etienne de Bonmont agit, y est-il dit, du consentement exprès et par la volonté des nobles de Gingins 2 , le dit abbé et ses participants accordèrent à Louis (II) de Savoie, sire de Vaud, en échange de sa garde et de sa protection, le mère empire soit la haute juridiction criminelle, avec le dernier supplice, dans toute la seigneurie de Gingins, avec la moitié des bans pour effusion de sang par glaive, pierre ou bâton. (C’étaient les bans de 60 sols.) Pour la garde, Louis de Savoie percevrait un tribut de 12 deniers par focage, duquel le couvent et ses participants recevraient le tiers 3 . Cette association amoindrit la jurisdiction des seigneurs de Gingins dans leur seigneurie /475/ patrimoniale. Le mère empire qui y est concédé à Louis de Savoie n’appartenait pas à l’abbé, mais il était la prérogative exclusive des seigneurs de Gingins. Les deux traités dont nous venons de parler, surtout le premier, témoignent qu’à cette époque ces seigneurs étaient sous la griffe du couvent de Bonmont. Au reste ce mère empire leur fut rendu plus tard, à titre d’inféodation, comme nous le rapporterons. Et, d’un autre côté, l’hommage dû par les seigneurs de Gingins au couvent de Bonmont fut aboli par une des dispositions d’une transaction faite, en l’année 1511, entre Jean, seigneur de Gingins et le dit couvent, dont Aimé de Gingins, son frère, était abbé commendataire perpétuel 1 .
Jacques (I), seigneur de Gingins, Belmont et d’autres lieux, chevalier, épousa, en 1374, Aymonette, fille d’Amédée (II) de Joinville, seigneur de Marnay et de Divonne, laquelle, après le décès de ses frères, morts sans postétérité, fut leur héritière et dame de Divonne 2 . La seigneurie considérable de ce nom, située au pied du Jura, dans le pays de Gex, était peu éloignée de celle de Gingins. L’époux d’Aymonette de Joinville était le petit-fils de Jean de Gingins qui avait épousé Catherine de Ternier.
Le chevalier Jacques de Gingins, seigneur de Divonne du chef de son épouse, laissa deux fils : Jean (II), seigneur /476/ de Gingins, Divonne, Belmont et d’autres lieux, et Jacques Guibert de Gingins, abbé de Bonmont, en 1430 1 .
Le chevalier Jean (II) de Gingins épousa aux environs de l’année 1415 Marguerite de La-Sarra, qui devint codame de la paroisse de Montreux. Nous avons déjà parlé de lui à propos de son alliance matrimoniale et de la baronnie du Châtelard dont il fut le vrai fondateur.
Jean de Gingins prêta hommage, le 18 août 1419, au duc Amédée VIII de Savoie, pour sa terre et seigneurie de Divonne 2 . Il servit le duc Philippe de Bourgogne, en qualité de chevalier banneret, dans les guerres de ce prince contre les Armagnacs 3 . Il servit aussi le roi de France, Charles VII, dans la guerre contre les Anglais, jusqu’en 1440 4 . De l’année 1432 à l’année 1439 on le trouve revêtu de l’office de châtelain de Rivoli, en Piémont, de la part du duc de Savoie 5 .
Le duc Louis de Savoie inféoda, le 4 mai 1441, à Genève, à Jean de Gingins, chevalier, seigneur de Divonne, son conseiller, le mère empire soit le droit de dernier supplice dans la seigneurie de Gingins, qui avait été cédé à Louis (II) de Savoie par le traité que l’abbaye de Bonmont et les nobles de Gingins avaient fait dans le temps avec ce prince. (Voy. ci-devant, pag. 474.) Cette inféodation eut lieu à titre d’échange, Jean de Gingins ayant remis au prince savoisien, dans cette circonstance, les droits de /477/ mestralie et d’autres droits qu’il possédait dans la ville de Nyon, Il prit aussi l’engagement de reconnaître en faveur du duc de Savoie son château de Gingins, qu’il bâtissait alors et qu’il prétendait être un franc-alleu 1 . Ainsi le chevalier Jean de Gingins faisait construire à peu près en même temps les châteaux de Gingins et du Châtelard 2 . Il prêta hommage dans l’année 1443, au même duc Louis de Savoie, pour sa seigneurie de Belmont, en Sémine 3 .
A la prière des syndics et procureurs de la communauté des habitants de la paroisse de Montreux, justiciables du Châtelard, agissant au nom de la dite communauté, présentée à Jean, seigneur de Divonne, de Gingins, de Belmont en Sémine et du Châtelard (Castellarii in Mustraco), chevalier, dans sa maison d’habitation de Chailly, ce seigneur accorda, le 22 juillet 1456, à ses prédits ressortissants, un code de franchises et de libertés étendues. Il les avait convoqués à cet effet auprès de lui, par le crieur public, afin de connaître leurs sentiments au sujet de cette concession, qu’ils avaient approuvée en nombre de plus des deux tiers de la dite communauté, et dont ils avaient sollicité la promulgation 4 . /478/
Ce code de franchises est particulièrement approprié à une peuplade agricole qui ne possède pas de ville dans son territoire. A cette époque le chevalier Jean de Gingins ne paraît pas avoir encore habité le château du Châtelard récemment construit 1 .
Ce chevalier décéda vers la fin de l’année 1461 2 . Lui et Marguerite de La-Sarra, son épouse, avaient testé conjointement, le 22 janvier 1454, en faveur de leurs trois fils. Jacques (II), l’aîné, eut par ce testament les seigneuries de Gingins et de Divonne, le château de Saint-Jean de Gonville, la saulterie de Flies et généralement tous les biens de son père situés entre la rivière de l’Aubonne et la Cluse de Gex, indépendamment de la seigneurie des Troches, en Genevois, procédée des seigneurs de Ternier, et de 38 livres de rente ou environ sur la saulnerie de Salins. Pierre, le second fils, obtint le château du Châtelard, la paroisse de Montreux et toutes ses appartenances. Amédée, le troisième, reçut la cour d’Oron, à Vevey, avec ses droits et appartenances. Pierre et Amédée eurent ensemble la maison de Chailly et ses appartenances, des biens dans les paroisses de Montreux 3 , Vevey et Blonay, et tout ce dont les testateurs n’avaient pas disposé par leur testament entre Aigle et Saint-Saphorin. De plus, la coseigneurie d’Arréchies, en Bourgogne, avec ses fiefs, /479/ censes et jurisdictions, laquelle demeurerait à Pierre seul; tous les autres biens des testateurs, situés en Bourgogne, sauf les 38 livres données par eux à leur fils Jacques; enfin, la seigneurie de Belmont en Sémine, dont le château devait appartenir au seul Amédée 1 .
Jacques (II) de Gingins, l’aîné des fils de Jean de Gingins et de Marguerite de La-Sarra, auquel ses parents firent une si belle part par leur testament, fut conseiller, chambellan et maître d’hôtel du duc de Savoie et son ambassadeur auprès du pape Paul (II). Il épousa, en 1448, Jeanne, fille d’Aimé de Chrescherel. Le duc Charles de Savoie confirma, en sa faveur, le 20 mars 1486, l’inféodation faite à son père par le duc Louis de Savoie de la haute jurisdiction de Gingins 2 . Jacques de Gingins laissa quatre fils et deux filles. Ceux-là furent :
1o Antoine, seigneur de Divonne. Sous l’année 1466, le pape Paul (II) lui accorda un canonicat et une prébende dans le chapitre de Lausanne 3 . Il fut envoyé par le duc Charles de Savoie, en l’année 1482, avec d’autres députés, auprès de l’empereur Frédéric (III), pour prendre et recevoir, au nom de ce prince, l’investiture /480/ du duché de Savoie et de ses autres états 1 . Par patente du 2 janvier 1483 (v. st. ?), le duc Charles de Savoie le nomma premier président du sénat de Savoie 2 , et, en l’année 1492, la duchesse Blanche de Savoie, au nom de son fils mineur, Charles-Jean-Amédée, l’appela à la présidence du conseil de Savoie 3 . Charles VIII, roi de France, accorda, le 22 octobre 1495, à Antoine de Gingins, seigneur de Divonne, docteur en droit, « grand président de Savoie, » la charge de son conseiller et de maître des requêtes de son hôtel, et cela en récompense des bons et agréables services qu’il lui avait rendus 4 . Antoine de Gingins jouit de la faveur des divers ducs de Savoie sous lesquels il vécut. Il testa dans l’année 1504 5 et ne laissa de Marie de Menthon, son épouse, qu’une fille, nommée Marguerite, héritière de Divonne, qui épousa, en 1525, François (II) de Gingins, seigneur du Châtelard, son parent 6 .
2o Jean (III), seigneur de Gingins, écuyer (scutifer) du duc Philibert de Savoie, qui lui conféra, le 9 décembre 1496, la châtellenie de la Balme 7 . Le duc Charles de /481/ Savoie lui accorda, en l’année 1518, de pouvoir ériger un patibule à trois colonnes dans sa seigneurie de Gingins 1 . Jean (III) de Gingins devint chevalier et fut l’auteur de la branche aînée de la maison de Gingins, éteinte dans la ligne masculine, en 1659, dans la personne de Salomon, seigneur de Gingins 2 .
3o Claude, seigneur de Saint-Jean de Gonville, et de la saulterie de Flies, écuyer du duc de Savoie. Il ne se maria pas et testa en 1527 3 .
4o Amé, homme d’église, protonotaire apostolique, chanoine de Genève, prieur de Saint-Sulpice et de Nyon, commendataire perpétuel de l’abbaye de Bonmont, élu canoniquement évêque de Genève en 1513, puis vicaire et coadjuteur du dit évêché. Il mourut en 1537, instituant le gouvernement bernois son héritier 4 .
Les deux filles de Jacques (II) de Gingins, seigneur de Gingins, Divonne, etc., furent :
1o Anne, qui épousa en 1499 Renaud des comtes de Valpergue. Elle devint gouvernante des princesses de Savoie, charge qu’elle remplissait dans les années 1490 et 1492 5 .
2o Marie. Elle épousa Jacques de Charansonay, chevalier 6 .
Amédée de Gingins, le troisième fils du chevalier Jean (II) de Gingins et de Marguerite de La-Sarra, fut seigneur /482/ de Belmont, en Sémine, et capitaine général des provinces de Chablais et de Gex à l’époque de la guerre de Bourgogne 1 . Son frère Pierre, seigneur du Châtelard, ayant été tué à la prise de la Tour de Peyl par les Allemands, il fut le tuteur de ses enfants 2 . N’ayant que des filles, Amédée de Gingins, sire de Belmont, fit donation, le 18 novembre 1511, en faveur de son neveu Jacques, coseigneur du Châtelard, « de tous ses droits sur le Châtelard en la paroisse de Montreux, » sous réserve d’une rente annuelle 3 . Il est probable que cette donation comprit aussi la cour d’Oron, à Vevey, et les biens qui en dépendaient. Amédée de Gingins vivait encore trois années plus tard 4 . Son épouse fut Anne, fille de Robert de Greilly, seigneur de Ville-la-Grand, et de Claudine de Vergy 5 . Elle lui donna quatre filles, savoir :
1o Yolande, qui épousa Etienne de la Mar, seigneur de Vanzier.
2o Louise, dame de Ville-la-Grand, épouse d’Antoine de Châtillon (contrat du 16 août 1499). /483/
3o Aimée, qui fut dame de Belmont et l’épouse de Claude de Chabot (contrat du 23 octobre 1500).
4o Antonie, épouse de Nicolas des comtes de Valpergue (contrat du 22 octobre 1508) 1 .
C’est de Pierre, le second fils du chevalier Jean (II) de Gingins et de Marguerite de La-Sarra, que descend la maison de Gingins actuelle. On se rappelle qu’aux termes du testament de ses parents il eut pour sa part la seigneurie du Châtelard. Son épouse fut Andrée (soit Andriette) de Valpergue, qui lui donna trois fils : François (I), Jacques et Claude de Gingins, et une fille, nommée Antoinette, qui fut l’épouse d’un noble de Montvagnard, seigneur d’Asnières. (Voir plus loin.) Sous l’année 1495, Claude fit une donation de biens en faveur de son frère François (I) de Gingins 2 .
Pierre de Gingins, sire du Châtelard, fut tué, en 1476, en défendant vaillamment la petite ville de la Tour de Peyl contre les Bernois et les Vallaisans, qui avaient fait une irruption dans les environs de Vevey, pendant la guerre de Bourgogne. Son château du Châtelard fut saccagé et brûlé dans cette circonstance. Bien plus, ses enfants perdirent la terre du Châtelard à la suite de la malheureuse affaire, dite des Peaux de moutons, au récit de laquelle feu M. Frédéric de Gingins a consacré un chapitre entier de ses Episodes des guerres de Bourgogne 3 . Il résultera de cette circonstance que nous n’entrerons ici dans aucun /484/ des détails du différend des enfants de Pierre de Gingins avec des marchands allemands pour fait de marchandises saisies à ces derniers pendant la guerre de Bourgogne. La maison de Savoie, à laquelle cette terre était parvenue, la restitua, dans les années 1490 et 1492, aux enfants de Pierre de Gingins, sur les représentations de leur oncle Amédée de Gingins, sire de Belmont, et par suite du bon vouloir de cette maison souveraine pour Antoine de Gingins, président du sénat de Savoie et pour Anne de Gingins sœur de celui ci, gouvernante des princesses de Savoie 1 . François (I) de Gingins fut seigneur du Châtelard et son frère Jacques (III) en fut le coseigneur. Ce dernier apparaît comme conseiller et chambellan du duc Charles de Savoie dans les débats qui eurent lieu à l’occasion de la succession de Barthélemy de La-Sarra. Son frère François, écuyer du duc Philibert de Savoie en 1497, devint capitaine de Chillon et commandant de la Tour de Peyl 2 .
L’affaire de la succession du baron Barthélemy de La Sarra nous a fait connaître les frères François et Jacques de Gingins du Châtelard. Celui-ci, qui était célibataire, fit cession et donation de tous ses biens, en l’année 1508, en faveur de son frère François 3 .
Tous deux étaient connus à la cour de France et bien vus par elle. Nous en avons trouvé la preuve dans la lettre de recommandation que le roi Louis XII écrivit aux Bernois, /485/ en l’année 1507, en faveur de Jacques de Gingins, dans l’affaire de La-Sarra.
Après l’apaisement de cette affaire, en l’année 1513, les Bernois soupçonnant que le sire du Châtelard avertissait la cour de France de ce qui se passait chez eux, résolurent de le faire arrêter. A leur instance, cent hommes de Fribourg, accompagnés de deux conseillers de Berne, s’emparèrent, pendant la nuit, de son château du Châtelard et le firent prisonnier. François de Gingins les fit traiter magnifiquement, et lorsqu’il eut ainsi endormi leur vigilance, il leur échappa et prit la fuite. Son frère Jacques fut moins heureux. Etant en route pour Lucerne, il fut assailli, dans la seigneurie de Wangen, sur l’ordre des Bernois, par les gens de la campagne et poursuivi jusqu’à Soleure, où il se réfugia avec peine dans le cimetière de Saint-Ours. Cependant cet orage s’apaisa, non sans beaucoup de frais, et les seigneurs du Châtelard finirent par rentrer en possession de leur patrimoine 1 .
L’année suivante, les confédérés voulant attaquer le roi de France, avec vingt mille hommes, ce dernier, d’après l’avis du duc de Bourbon, chercha à établir des relations amicales avec eux. Trois gentilshommes savoisiens, dévoués à la ville de Berne, savoir : les seigneurs du Châtelard 2 , de la Bâtie et de Bonvillars, reçurent des confédérés des sauf-conduits pour se rendre à la diète des cantons qui devait se tenir le 24 avril 1514, afin d’y représenter les intérêts du roi de France 3 . /486/
Ce seigneur du Châtelard fut admis, le 3 novembre 1514, à la bourgeoisie de la ville de Soleure 1 . Dans la même année, les nobles de Montvagnard, seigneurs d’Asnières, lui donnèrent quittance de la dot de leur mère Antoinette de Gingins, sœur du prédit baron du Châtelard 2 .
Il avait épousé, par contrat du 6 janvier 1499 (v. st. ?), Bonne, fille de Jean de Gruyère, seigneur de Montsalvens, devenu bientôt après comte de Gruyère, et de Huguette de Menthon 3 . Par suite de ce mariage, le comte Jean (I) de Gruyère céda à son gendre, le 9 mars 1502 (v. st. ?), le village de Sales 4 , dans la seigneurie du Châtelard, qui lui appartenait. Bonne de Gruyère était déjà décédée en l’année 1506 5 . Une partie de sa dot fut assignée par son mari le 15 août 1517 6 .
François (I) de Gingins, sire de Châtelard, testa le 14 novembre 1521 en faveur de son seul fils légitime François (II), que lui avait donné Bonne de Gruyère, son épouse. Il ordonne par son testament qu’on l’inhume /487/ dans la chapelle des saints François et Jacques, fondée par lui, en 1513 1 , dans l’église de Montreux 2 .
Ce seigneur du Châtelard laissa trois enfants illégitimes, nés de la même mère, savoir : un fils, nommé Hugues et deux filles, Claude et Perronette, auxquels il fit un sort par son testament, ainsi qu’un legs à leur mère. Hugues de Gingins reçut de son père 100 écus d’or au soleil, de rente, que son frère assignerait pour le capital de 2000 des dits écus. Il devint un personnage important, duquel nous aurons encore l’occasion de parler. Sa sœur Claude épousa un noble Bernard de Colombier, de Villeneuve, dont elle n’eut pas d’enfants. Perronette, l’autre fille de François de Gingins, mourut non mariée 3 . Celui ci doit être décédé vers la fin de l’année 1521 4 .
François (II) de Gingins, sire du Châtelard, né en 1502, succéda à son père. Du vivant encore de celui-ci, le roi François (I) le créa, par patente datée de Lyon, le 10 avril 1521, enfant d’honneur de sa maison, en considération, est-il dit dans ce diplôme, des bons et agréables services que lui avait rendus son père et dans l’espérance que lui-même en ferait de même à l’avenir. François (II) de Gingins prêta le serment voulu pour cette charge, le 27 juillet 1522, entre les mains du bâtard de Savoie, grand maître de la maison du roi 5 . /488/
Le 8 février 1522 (v. st.) « le noble et généreux adolescent François de Gingins, seigneur de Divonne, » fut admis à la bourgeoisie de la ville de Berne, en considération de sa proche parenté avec le comte Jean (II) de Gruyère et à la recommandation de ce seigneur 1 . C’est par anticipation que François de Gingins est qualifié ici de seigneur de Divonne.
Il épousa, dans l’année 1525, Marguerite de Gingins, dame de Divonne, sa parente, fille et héritière d’Antoine, seigneur de Divonne, président du conseil du prince et du sénat souverain de Savoie, et de Marie de Menthon. Par ce mariage, convenu dès longtemps, François (II) de Gingins devint seigneur de Divonne et de ses appartenances 2 .
La bourgeoisie de Fribourg accordée à François (I) de Gingins en 1505, fut renouvelée, le 6 août 1526, en faveur de son fils 3 .
Lorsque les Bernois entreprirent la conquête de Pays de Vaud, au commencement de l’année 1536, la position de François de Gingins devint délicate, puisque ce seigneur était tout à la fois vassal du duc de Savoie et bourgeois de Berne, ville avec laquelle il fallait compter. Il prit le parti de la neutralité et se retira à Genève, avec sa famille 4 . La Chronique de Stettler rapporte (IIe partie, pag. 82) que le baron de Divonne se rendit de bonne grâce /489/ aux Bernois, paya la rançon qui lui était imposée, prêta hommage aux vainqueurs et leur remit quelques pièces de campagne.
Marguerite de Gingins-Divonne, épouse de François (II) de Gingins, tomba malade à Genève et y mourut en 1537, ayant rendu son mari père de deux fils et deux filles 1 . Nous avons précédemment rapporté que celui-ci se remaria, dans l’année 1542, avec Claude de Gilliers, veuve et héritière de Michel Mangerot, baron de La-Sarra.
FRANÇOIS (II) DE GINGINS
BARON DE LA-SARRA, SIRE DU CHÂTELARD ET DE DIVONNE.
En épousant Claude de Gilliers François de Gingins coupait court au conflit qui se serait indubitablement élevé s’il avait voulu faire valoir des prétentions sur la baronnie de La-Sarra. Le gouvernement bernois lui inféoda, le 17 juillet 1542, cette seigneurie qu’il s’était adjugée « par la prise d’icelle, » inféodation qui fut faite à François de Gingins en qualité de mari de Claude de Gilliers et à raison de laquelle il paya un lod de cinq cents écus d’or au souverain 2 .
Lorsque le dimanche 21 janvier de l’année suivante /490/ (1543) le nouveau baron de La-Sarra prit possession de cette baronnie, il prêta serment de maintenir les nobles et bourgeois de La-Sarra dans leurs franchises et libertés, « jouxte les ordonnances de Leurs Excellences de Berne 1 . »
Claude de Gilliers se montra l’épouse dévouée de François de Gingins et portée de très bonne volonté pour la famille de celui-ci. Elle fit un testament, le 27 mars 1543, en faveur de son mari et de ses deux fils, Jean-Francois et Michel-Cathelin de Gingins, sans y oublier leur sœur Philiberte 2 .
Cette dame fut en différend avec Marie-Egyptienne de Diesbach, épouse de François de Blonay, seigneur de Carouge. On trouve l’indication de deux prononciations souveraines rendues dans cette contestation. L’une datée du 26 décembre 1540, « concernant les biens de ladite dame de Blonay, » et l’autre datée du 24 février 1542, « relative à la restitution des biens de feu Hélène de Diesbach 3 ». On se rappelle que cette première épouse de Michel Mangerot avait laissé sa succession à son mari, lequel, de son côté, avait institué héritière sa seconde épouse, Claude de Gilliers.
Le 25 septembre 1542, Georges Zumbach vend à François de Gingins, baron de La-Sarra, une dîme au territoire de Ferreyres, procédée anciennement des nobles de Gallera, et toutes les censes et la directe seigneurie qu’il possède dans les territoires d’Eclépens, Chevilly, Ferreyres et /491/ La-Sarra 1 . On n’indique pas à quel titre le vendeur, que nous supposons avoir été un Bernois, était devenu possesseur du fief de Gallera, mouvant du château de La Sarra.
Si François (II) de Gingins était possesseur des seigneuries considérables de La-Sarra, du Châtelard, et de Divonne, il avait d’un autre côté beaucoup de dettes et partageait ce sort avec la plupart des seigneurs de sa catégorie à cette époque. Sa terre du Châtelard en était particulièrement chargée. Dans cette situation il prit la résolution, de concert avec son épouse, de remettre ses terres à ses fils, espérant peut-être que ses affaires prendraient une meilleure tournure à la suite de cette remise. Comme ses fils Jean-François et Michel-Cathelin n’avaient pas encore atteint leur pleine majorité, il leur donna, deux jours plus tard, le comte Michel de Gruyère, son parent, pour curateur, lequel fut investi de cette charge par le bailli de Gex dans la jurisdiction duquel se trouvait la seigneurie de Divonne 2 . Le choix était malheureux, car le comte Michel ne gérait guère bien ses propres affaires. La cession de François de Gingins et de son épouse en faveur de leurs fils, datée du 6 décembre 1548, eut lieu en présence et avec l’autorisation d’Auguste de Luternau, bailli de Gex 3 . Ces époux se réservèrent d’être nourris, eux et leurs gens, indépendamment d’une rente annuelle 4 . /492/
Après cette remise ils se retirèrent à Genève, où ils fixèrent leur domicile 1 .
Le 18 août 1549, Michel, comte et seigneur de Gruyère, agissant tant en son propre nom que comme tuteur des enfants du magnifique seigneur François de Gingins, baron de La-Sarra, seigneur de Divonne et du Châtelard; celui-ci, tant pour lui-même que pour la noble et généreuse dame Claude de Gilliers, son épouse, et Jean-François de Gingins, seigneur de Sales 2 , fils du prénommé François de Gingins, toutefois de l’autorité du susnommé comte de Gruyère, son tuteur, vendent, cèdent et remettent au noble Hugues de Gingins, fils « nourri » du défunt noble et puissant François de Gingins, seigneur du Châtelard, 100 écus d’or, au coin du roi de France, de cense annuelle, pour le prix de 2000 des dits écus, et cela sous l’hypothèque de tous leurs biens. Les communautés de La-Sarra et des villages de Ferreyres, Eclépens, Pompaples, Orny, Moiry, Chevilly et Cuarnens se portent garants des engagements pris par les vendeurs dans cette circonstance 3 . On se rappelle que François (I) de Gingins, sire du Châtelard, avait laissé à son fils illégitime, Hugues, cent écus d’or de rente annuelle, soit deux mille des dits écus, de capital, lesquels n’avaient probablement pas été payés jusqu’alors. /493/
L’aliénation de la seigneurie du Châtelard devint bientôt une nécessité. Cette belle terre fut vendue, le 20 septembre 1549, à Charles de Challant, seigneur de Villarsel-le-Gibloux, Attalens et Vuillens, pour le prix de 7500 écus d’or au soleil, frappés au coin du roi de France. Les vendeurs de la seigneurie du Châtelard furent : le comte Michel de Gruyère, en qualité de curateur de Jean-François et Michel Cathelin de Gingins, fils de François de Gingins, le dit magnifique seigneur François de Gingins, baron de La-Sarra, dame Claude de Gilliers, son épouse, et le précité Jean-François de Gingins, agissant pour lui et pour son frère Michel-Cathelin. La dite vente comprit tous les biens et droits appartenant à la seigneurie du Châtelard, dans les paroisses de Montreux, Vevey 1 , la Tour de Peyl, Blonay, Saint-Saphorin, Corsier et autres lieux voisins. De plus, les meubles qui se trouvaient au château du Châtelard et dans la maison de Chailly 2 . L’acheteur acquitterait les dettes hypothéquées sur la terre du Châtelard et qui sont spécifiées dans l’acte de vente, et comme ces payements excéderaient le prix d’acquisition de la dite terre, les vendeurs et noble Hugues de Gingins lui passeraient encore acte de vente, pour le prix de 2000 écus d’or, des biens légués par le défunt seigneur du Châtelard au dit noble Hugues, son fils illégitime. Cette vente, faite sous la spéciale hypothèque des terres et sei gneuries de La-Sarra et Divonne, est notifiée par Laurent /494/ Gasser, bourgeois de Berne, bailli de Vevey et capitaine de Chillon et l’instrument en est reçu par Odet Richard, son secrétaire et scellé par le dit bailli 1 .
Le 19 juillet de l’année suivante (1550), la vente de la terre du Châtelard fut ratifiée par la noble Philiberte de Gingins, fille du prénommé baron de La-Sarra, en présence de témoins (entre autres de noble Benoît Comte, seigneur de Mex) 2 .
Selon l’Histoire du comté de Gruyère (II, pag. 456), LL. EE. de Berne avaient cautionné François de Gingins, baron de La-Sarra, de la somme de 4000 écus, sous l’hypothèque de la seigneurie du Châtelard et d’autres fonds. La nouveau seigneur du Châtelard n’ayant pu acquitter la dette de son prédécesseur, le bailli de Chillon saisit cette terre au nom de LL. EE. 3 . On n’indique pas en quelle année cette saisie eut lieu.
Le comte Michel de Gruyère avait la manie d’acquérir des terres seigneuriales. Celle de Divonne étant chargée de dettes, le comte se porta caution de son parent, le baron de La-Sarra, et, obligé de payer pour lui, il en prit possession et ajouta à ses titres celui de baron de Divonne 4 . /495/ Cependant, cette possession ne fut chez lui qu’éphémère.
Quoi qu’il en soit, cette terre fut bien près d’être perdue pour la maison de Gingins à la suite des différends que cette maison eut avec les hoirs de Charles de Challant, suite probable de l’acquisition que ce dernier avait faite de la terre du Châtelard. Divonne avait même été remis aux hoirs précités par Jean-François de Gingins, à raison de sommes d’argent qu’il leur devait et en vertu d’une prononciation, mais ensuite cette seigneurie lui avait été rendue moyennant la restitution de 4000 écus d’or et cette remise avait été lodée le 1er mai 1559 1 .
François de Gingins prêta hommage au duc de Savoie, en l’année 1567, pour Divonne, après que le pays de Gex eut été restitué à ce prince 2 . En 1563, il avait prêté hommage au même prince pour la terre de Vanzier, en Sémine 3 . A cette époque son fils aîné Jean-François ne vivait déjà plus.
François (II) de Gingins mourut à Genève dans l’année 1578, âgé de 76 ans. Il avait adopté les dogmes de la religion réformée. L’année de la mort de Claude de Gilliers, son épouse, n’est pas indiquée. Marguerite de Gingins-Divonne, sa première femme, lui avait donné quatre enfants, savoir : /496/
1o Jean-François.
2o Michel-Cathelin.
3o Catherine, morte non mariée.
4o Philiberte, qui épousa, en 1559, Charles-Philibert de Bouvens, fils de Janus, chevalier, seigneur de Ciriez et coseigneur du Val de Rogemont, et de Jeanne de la Palu 1 .
Marguerite de Gingins testa à Genève, en 1537, en faveur de ses fils, léguant 500 écus d’or à sa fille Catherine et 1000 des dits écus à son autre fille Philiberte 2 .
JEAN-FRANÇOIS DE GINGINS
ET SON FRÈRE
MICHEL-CATHELIN
INDIVISÉMENT BARONS DE LA-SARRA ET SEIGNEURS DE DIVONNE.
Jean-François, fils aîné de François (II) de Gingins, seigneur du Châtelard et de Divonne et qui devint baron de La-Sarra à la suite de son mariage avec Claude de Gilliers, et de Marguerite de Gingins-Divonne, sa première épouse, naquit le 12 mai 1526 au château de Divonne. Il fut élevé à Genève, où son père s’était retiré lors de la conquête du Pays de Vaud par les Bernois, et il y adopta les principes de la religion réformée. Son frère Michel-Cathelin était /497/ son cadet de quelques années, étant né le 2 janvier 1531 1 .
Nous avons indiqué que leur père et leur belle-mère, Claude de Gilliers, leur remirent leurs terres et seigneuries, le 6 décembre 1548, et qu’à cette occasion le premier leur donna pour curateur le comte Michel de Gruyère, son parent. L’Essai sur la généalogie de la maison de Gingins accuse ce dernier d’avoir mal soigné les intérêts de ses pupilles, et cette accusation pourrait bien avoir quelque fondement.
Après la vente de la seigneurie du Châtelard les deux frères possédèrent en indivision les seigneuries de La Sarra et de Divonne, l’aîné sous le nom de baron de La-Sarra et son frère sous celui de baron de Divonne 2 .
On trouve sous l’année 1558 (6 avril) l’indication d’une cession faite par Philippe, seigneur de Bellerive, en faveur de Jean François de Gingins, seigneur de La Sarra, du château et maison forte de Vaulru, avec la seigneurie de ce lieu 3 . Nous ne trouvons point d’explications au sujet de cette transaction.
Jean-François de Gingins et son frère Michel-Cathelin prêtèrent quernet, en faveur de LL. EE. de Berne, pour leur baronnie de La-Sarra, sur les mains du commissaire Jean Mandrot, dans les années 1560 (17 décembre) et 1562 (24 août). On lisait dans ce document, dont il n’existe plus qu’un extrait, que les confessants tenaient la baronnie de La-Sarra en vertu de l’inféodation qui en avait été faite par LL.EE. de Berne à leur père, en l’année 1542, comme mari de dame Claude de Gilliers et surtout comme /498/ droit ayant de dame Marguerite de La-Sarra, sa bisaïeule, épouse du chevalier Jean de Gingins, en faveur de laquelle Claude de La-Sarra (son frère) avait établi une substitution par son testament du 22 septembre (3 octobre) 1427 1 . Les biens reconnus par les confessants le furent à cause de dame Marguerite de La-Sarra et de dame Claude de Gilliers. Ce quernet comprit aussi le vidomnat de la vallée du Lac de Joux 2 .
A cette époque les fiefs nobles de la baronnie de La Sarra étaient les suivants :
Le fief de Vuippens; le fief de Gallera (acquis en partie en 1542 par François (II) de Gingins); le fief de Cheseaux; le fief des nobles Ferlin; le fief des nobles de Mur; le fief des nobles Arnod; le fief des Humbert soit Orlandin, à Ferreyres; le fief dit de Jougne; le fief des nobles Costabloz; le fief de Daillens et le fief de noble Louis de Pontherose et d’Anne Cathelan, sa femme. Il y avait aussi le fief de Prex. Sous l’année 1547 (25 mars), Claude, fils de Claude Thomasset, cause-ayant de Pernette de Prex, sa mère, avait prêté hommage lige pour les fiefs mouvants du noble et puissant François de Gingins, baron de La Sarra. Un fief d’Arsens, mouvant du château de La-Sarra, est aussi mentionné sous l’année 1530 3 . La plupart de ces /499/ fiefs furent acquis avec le temps par les barons de La Sarra.
Jean-François de Gingins mourut à la fleur de son âge et avant la fin de la prestation de son quernet en faveur de LL. EE. Il habitait depuis son mariage le château de La-Sarra. Y étant tombé malade il se fit transporter à Genève, où il décéda, le 25 février 1562, laissant un seul enfant, un fils, nommé Joseph, en faveur duquel il avait testé le 15 du même mois de février. Son épouse fut Claude de Vuippens, fille de Girard, seigneur d’Echichens et coseigneur de Disy, et de Claude de Gumoëns. Elle était veuve de Jean, coseigneur d’Estavayé, dont elle avait eu trois fils et une fille, nommée Susanne, qui épousa Michel Cathelin de Gingins, frère de Jean-François. Claude de Vuippens testa au château de Divonne, le 10 décembre 1572 1 .
Nous parlerons encore de Michel-Cathelin de Gingins, dans l’article suivant. /500/
JOSEPH (I) DE GINGINS
BARON DE LA-SARRA, SEIGNEUR DE GINGINS, FERNEX ET UTZINGEN (près Berne).
Né au château de La-Sarra, le 2 juillet 1554, Joseph de Gingins fut placé, à la mort de son père et par le testament de celui-ci, sous la tutelle de Claude de Vuippens, sa mère, de Hugues, bâtard de Gingins, seigneur de Fernex, et de François de Gumoëns, seigneur de Bioley; et de plus sous la haute protection de LL.EE. de Berne 1 .
L’indivision de biens qui avait existé entre les deux frères continua entre l’oncle et le neveu, et Michel-Cathelin administra ceux de son neveu Joseph. Mais, après le mariage de ce dernier et sur sa demande, un partage eut lieu entre eux. Michel-Cathelin s’y opposa longtemps, jusqu’à ce qu’un ordre souverain l’y obligeât. Ce partage fut fait en premier lieu, le 6 décembre 1582, par François de Gumoëns, seigneur de Bioley, Pierre de Gumoëns, seigneur de Correvon, François, coseigneur d’Estavayé et Gabriel-Raphaël Réal, seigneur de Morrens. Mais sur les plaintes auxquelles il donna lieu de la part de Joseph de Gingins, il fut revu par les mêmes gentilshommes, auxquels LL.EE. adjoignirent les baillis de Lausanne et d’Yverdon et le sénateur Marquart Zehender, député à cet effet. Ces arbitres s’assemblèrent pour la première fois /501/ au château de La-Sarra, le 20 mars 1583. Michel Cathelin voulait être baron de La-Sarra, et son neveu, comme fils du frère aîné, croyait devoir l’être de droit. Vu le différend qui résulta de ces prétentions opposées, le sénateur Zehender ajourna les parties à Berne, au lundi 8 avril. Y ayant comparu LL. EE. décidèrent la question en faveur de Joseph, ordonnant à son oncle de rendre ses comptes de tutelle, puis, le 12 du même mois d’avril, Elles mandèrent à leurs baillis de Lausanne et de Moudon de mettre la dernière main à ces partages, qui furent conclus le 28 juin suivant. Les substitutions en faveur de la maison de Gingins, le droit de primogéniture et le fidéicommis établis à l’égard de la baronnie de La-Sarra y furent annulés, au nom du souverain. Les villages de Cuarnens et de Moiry et leurs dépendances, avec les focages de Mont-la-ville et de La-Praz, furent joints au partage de Divonne, qui fut celui de Michel-Cathelin 1 . La baronnie de La Sarra, dans cette circonstance, subit un premier démembrement. Des estimations détaillées des terres de La-Sarra et de Divonne, probablement faites à l’occasion des partages précités, en portent la valeur, quant à la première, à la somme de 158 281 florins et 1 sol, et quant à Divonne à celle de 110 502 florins et 1 denier 2 .
Ensuite des partages faits avec son oncle, Joseph de Gingins prit possession, le 11 mai 1583 3 , d’autorité /502/ souveraine, de la baronnie de La-Sarra, en présence du bailli de Moudon, du conseil de La-Sarra et de toute la bourbeoisie de cette ville. Celle-ci lui jura fidélité et soumission, et lui, de son côté, jura de la maintenir dans ses priviléges, libertés, franchises et coutumes, écrits et non écrits 1 .
Michel-Cathelin de Gingins, baron de Divonne et de ses dépendances, seigneur de Cuarnens et de Moiry, testa le 15 décembre 1598 et mourut l’année suivante 2 , laissant trois fils et trois filles 3 , que lui avait donnés Susanne d’Estavayé, qu’il avait épousée par contrat du 19 décembre 1558. /503/ Celle-ci était la fille de Jean, coseigneur d’Estavayé et de Claude de Vuippens. Nous avons appris que cette dernière se remaria avec Jean-François de Gingins, frère aîné de Michel-Cathelin.
Le fief des nobles de Mur, dans la baronnie de La-Sarra, fut adjugé, le 7 juillet 1584, au baron Joseph de Gingins 1 .
Celui-ci, l’année suivante, acquit par voie de retrait féodal le fief dit de Daillens, situé à La-Sarra, Pompaples, Orny, Montlaville et autres lieux, que Christophle Manlich, seigneur de Daillens, avait vendu, pour le prix de 4500 florins, à Gaspard, fils de feu Sulpis Siret, curial de La-Sarra, le 1er décembre 1584 2 .
Le 12 juin 1590, le prénommé Joseph de Gingins acquit de Pierre d’Arnex, coseigneur de Lussery et Disy, des /504/ droits seigneuriaux que celui-ci possédait à La-Sarra, Orny, Ferreyres, Pompaples et Moiry 1 .
Enfin, le pénultième de mai 1593, Baptiste Loys, coseigneur de Cheseaux, lui vendit les censes directes et certaines prairies qu’il possédait dans la baronnie et au territoire de La-Sarra 2 .
S’appuyant sur des titres déjà anciens, datant de l’année 1531, Joseph de Gingins, baron de La-Sarra, réclamait de son parent Jean-François de Gingins, seigneur du dit Gingins (fils de feu François, fils de feu Jean, vivant seigneur de Gingins), la cession, en sa faveur, des droits de jurisdiction dans la prédite seigneurie. Une prononciation fut rendue entre eux sur ce point, le 13 février 1591 3 . Elle attribua au baron de La-Sarra l’exercice de la haute jurisdiction dans la seigneurie de Gingins, et le bailli de Nyon en loda l’acquisition en sa faveur, le 15 août 1593 4 . C’est comme possesseur de cette prééminence que Joseph de Gingins prit dès lors le titre de seigneur de Gingins, titre que ses successeurs ont porté après lui tant qu’ils l’ont possédée.
Ce baron de La-Sarra et Barbe de Stein, son épouse, cautionnèrent, le 15 octobre 1599, les enfants de feu Michel-Cathelin de Gingins, baron de Divonne, leur oncle, de la somme de 1100 écus d’or sols, de capital, auprès de l’avoyer de Watteville 5 .
Hugues, fils illégitime de François (I) de Gingins, /505/ seigneur du Châtelard, et dont nous avons déjà parlé plusieurs fois, décéda sans enfants au commencement de l’année 1583, laissant sa succession à Michel-Cathelin de Gingins, seigneur de Divonne, son neveu, et à Joseph de Gingins, baron de La-Sarra, son petit neveu. Hugues de Gingins était devenu seigneur de Fernex par l’inféodation que les Bernois lui avaient faite de cette seigneurie, le 17 juillet 1554 1 . Le duc Emmanuel Philibert de Savoie, après avoir recouvré la province de Gex, lui avait accordé, en récompense de ses services, le 7 août 1573, des lettres de légitimation 2 . L’année précédente (1572, 21 février), ce prince l’avait chargé de demander à LL. EE. de Berne une compagnie de 300 hommes pour mettre dans la citadelle qu’il avait fait bâtir à Bourg, en Bresse 3 . Hugues de Gingins fut marié deux fois; en premier lieu, en 1555, avec Catherine, fille unique de Robert (I) du Gard, seigneur de La Chaux et de Philippine de Hault 4 , et en secondes noces avec une comtesse Françoise de Loupffen, cousine d’Henri, comte de Loupffen, laquelle apparaît comme son épouse le 15 mai 1577 5 . Les héritiers de Hugues de Gingins vendirent la terre de Fernex à Paul Chevalier, citoyen de Genève, le 27 juillet 1594 6 .
Le prieuré de Divonne, que les Bernois, maîtres du pays de Gex, avaient remis aux seigneurs de Divonne, avait été compris dans les partages faits entre Michel-Cathelin /506/ de Gingins et son neveu Joseph. Dès lors ce prieuré avait été adjugé à l’abbaye de Saint-Claude, de laquelle il relevait précédemment. Cette circonstance donna lieu à une prononciation, rendue dans les années 1608 et 1609, entre François et Pierre, fils de Michel-Cathelin de Gingins, d’une part, et leur cousin Joseph de Gingins, d’autre part, au sujet de la maintenance réciproquement promise par les partages précités 1 .
Le bailli de Romainmotier loda, le 29 septembre 1606, en faveur de Joseph de Gingins, baron de La-Sarra, l’acquisition faite par celui-ci des fiefs, censes et autres biens que Samuel d’Aubonne et ses frères possédaient à Eclépens et dans les environs de ce village 2 .
L’endroit où le seigneur de Daillens avait fait ériger les fourches patibulaires de sa terre, avait donné lieu, sous l’année 1605, à un différend entre lui et Joseph de Gingins, baron de La-Sarra. A la date du 5 août de la prédite année, le seigneur de Daillens prétendait démontrer que les plaintes du baron de La-Sarra sur ce point n’étaient pas fondées 3 .
Le 8 février 1617, noble Théodore Orlandin, de Saint Prex, prête quernet en faveur de Joseph de Gingins pour le fief de Gallera 4 . /507/
Joseph (I) de Gingins, baron de La-Sarra, décéda au commencement de l’année 1623, à l’âge de soixante-neuf ans. Il avait épousé, par contrat du 26 août 1579, Barbe, fille et héritière de Sébastien de Stein soit de la Pierre, noble bernois, seigneur d’Utzingen (près de Berne) et bailli de Romainmotier, le dernier de sa maison. La mère de Barbe était Kinguelle Würtz de Rudentz. Sébastien de Stein mourut en 1584, et l’année suivante LL. EE. de Berne accordèrent à son gendre l’investiture de la terre d’Utzingen 1 .
Barbe de Stein donna de nombreux enfants à son mari. Onze d’entre eux, quatre fils et sept filles, survécurent à leur père. Celui-ci testa en faveur de ses fils, renvoyant ses filles à leur légitime 2 . /508/
Les fils de Joseph de Gingins furent : Sébastien, Jean François, Albert et Joseph. Nous parlerons d’eux dans le chapitre suivant.
Barbe de Stein, leur mère, testa le 6 juillet 1623.
LES BARONS DE LA-SARRA
SUCCESSEURS DE JOSEPH DE GINGINS
Après la mort de Joseph de Gingins des contestations s’élevèrent entre ses fils au sujet du partage de sa succession. Sébastien, l’aîné des quatre frères, s’opposait au démembrement de la baronnie de La-Sarra, réclamant en sa faveur le bénéfice de la primogéniture et du fidéicommis établis par l’inféodation du 24 décembre 1506. LL. EE. de Berne intervinrent de nouveau et ordonnèrent à /509/ leurs baillis de Lausanne, d’Yverdon et de Romainmotier, par lettre du 18 février 1624, de faire les partages entre les quatre frères, en y appelant deux autres personnages qualifiés. Ceux-ci furent Samuel d’Aubonne, seigneur de Préverenges et châtelain de Morges, et Joseph Darbonnier, coseigneur de Disy. Le traité de partage fut signé le 7 avril suivant et réformé ensuite par Marquart Zehender et Jean d’Erlach, le 13 septembre 1625, et plus tard le 7 janvier 1626 1 . Ce fut une longue et difficile opération qui consomma le démembrement de la baronnie de La-Sarra.
Aux termes de ce traité, Sébastien, l’aîné, eut la ville de La-Sarra, avec le village de Ferreyres; Jean-François, le second, fut seigneur d’Orny et de Pompaples; Albert, le troisième, le fut d’Eclépens et de la part de Villars qui appartenait à la baronnie de La-Sarra; Joseph (II), le quatrième, eut Chevilly, Utzingen et la haute jurisdiction de Gingins 2 . Celui-ci mourut sans postérité, mortellement blessé à la bataille de Lützen, étant capitaine de cavalerie au service de Gustave-Adolphe, roi de Suède. La terre de Chevilly passa alors à son frère Jean-François, son héritier pour les deux tiers, celle d’Utzingen resta indivise entre lui et son frère Albert, seigneur d’Eclépens, héritier pour l’autre tiers, et la haute jurisdiction de Gingins fut possédée en indivision par eux, par parts inégales 3 . Utzingen fut vendu, le 2 janvier 1634, à Jean-Jacques Manuel, seigneur de Cronay 4 .
LL. EE. de Berne expédièrent à Sébastien de Gingins /510/ une patente datée du 11 août 1624, portant qu’Elles voulaient et entendaient qu’en qualité d’aîné il eût et portât le titre de baron de La-Sarra, nonobstant que des parts de cette baronnie en eussent été démembrées 1 .
L’ancienne coutume de Bourgogne, jadis suivie dans le Pays de Vaud et qui voulait que dans les partages de la succession du père les puînés tinssent en fief de l’aîné la part de succession qu’ils obtenaient, fut entièrement laissée de côté dans les partages faits entre les fils de Joseph de Gingins. Chaque part releva directement du souverain.
Les trois fils aînés de Joseph de Gingins formèrent trois branches principales de leur maison, savoir : celle des barons de La-Sarra, la branche des seigneurs d’Orny, Pompaples, Chevilly, Moiry et des coseigneurs d’Eclépens, et celle des seigneurs d’Eclépens. De la branche de Jean-François, seigneur d’Orny, sont issus les rameaux de Pompaples, de Chevilly, de Moiry (cette terre-ci fut acquise, le 7 juin 1669, par Joseph (III) de Gingins, seigneur d’Orny, fils de Jean-François, de Michel de Gingins, petit-fils de Michel-Cathelin), et des coseigneurs d’Eclépens, devenus plus tard barons de La-Sarra. De la branche d’Albert, seigneur d’Eclépens, sont issus les rameaux de Lussery, Villars-Lussery et un second rameau de Pompaples 2 . /511/
Sébastien de Gingins, baron de La-Sarra, né le 2 juillet 1583, épousa, en 1617, Esther, fille de feu Jean-François de Martines seigneur de Bourgeod, et de Benoîte Gumoëns, dame de Saint-Georges. Il mourut déjà dans l’année 1628, âgé de quarante-cinq ans 1 .
François (IV) de Gingins, né le 18 mai 1619, fut baron de La-Sarra après son père Sébastien. LL. EE. de Berne confirmèrent en sa faveur, le 10 août 1648, les nom, titre et qualité de baron de La-Sarra, dont son père et ses prédécesseurs avaient joui 2 . François de Gingins fut colonel au service de la république de Venise, et, paraît-il, officier de mérite 3 . Il fut aussi membre du conseil souverain de la ville et république de Berne 4 . /512/
Le gouvernement bernois l’envoya en mission auprès du duc d’Epernon, à Dijon, en l’année 1653 1 .
François (IV) de Gingins, baron de La-Sarra, décéda dans l’année 1684, ayant été marié deux fois, en premier lieu, en 1648, avec Marie, fille de messire Michel de Gilliers, conseiller du roi au parlement de Grenoble, baron de la Bâtie et de Belregard, et d’Honorée de Bellugeon, dame de la Bâtie. Il en eut une fille, nommée Anne-Claude, qui épousa Georges de Gingins, seigneur de Chevilly 2 . François de Gingins se remaria, par contrat du 18 septembre 1677, avec Salomé-Véronique, fille de Jean-Rodolphe de Diesbach, bailli de Romainmotier et de Marie May 3 . Il en eut entre autres un fils, nommé François Louis, qui lui succéda.
Le 22 août 1689, l’hoirie de François de Gingins, baron de La-Sarra, acquit de Jean-Jacques Quisard, seigneur de Crans, Arnex, Borex et Grens, pour le prix de 3000 florins, les fiefs et censes que celui-ci possédait dans divers lieux de la baronnie de La-Sarra, procédés des nobles Ferlin, de Vuippens, Arnod et de Gallera 4 .
François-Louis de Gingins, baron de La-Sarra après son père François (IV), était né en 1683. Dans l’année 1707, LL. EE. de Berne lui conférèrent l’exercice de la jurisdiction ecclésiastique à La-Sarra. Il commandait une compagnie de dragons dans la campagne de 1712 contre les cantons catholiques et fut tué le 26 mai de la /513/ dite année à la bataille de Bremgarten, lorsque, à la tête de son escadron, il pénétra dans la forêt où l’ennemi s’était embusqué 1 . Ce baron de La-Sarra laissa plusieurs enfants de sa femme Anne, fille d’Albert de Buren et de Benigne Loys, qu’il avait épousée par contrat du 25 juillet 1701 2 .
Ses deux fils aînés, François-Louis et Albert-Amédée, moururent jeunes, en 1727 et 1728. Le troisième, nommé Victor-rodolphe, fut baron de La-Sarra après le décès de ses frères. Il avait pris du service en Piémont, où il avait une compagnie dans le régiment de Diesbach. Il mourut de maladie à Modène, à l’armée, le 25 octobre 1742 3 , sans avoir été marié. Par son testament daté du 5 août 1741, il institua pour son héritier universel son neveu Amédée-Philippe de Gingins, fils aîné de sa sœur Anne de Gingins, morte le 26 mars 1741, femme de Gabriel-Henri de Gingins, coseigneur d’Eclépens et possesseur de la haute jurisdiction de Gingins. Le testateur donna l’usufruit de tout son héritage à sa mère, Anne de Buren, qui mourut le 20 février 1744 4 .
L’héritier de Victor-Rodolphe de Gingins, baron de La-Sarra, appartenait à la branche de la maison de Gingins qui descendait de Jean-François, seigneur d’Orny, /514/ Pompaples, Chevilly et Gingins, le second des fils de Joseph (I), baron de La-Sarra, et de Barbe de Stein. Il était son descendant à la cinquième génération 1 .
Amédée-Philippe de Gingins, qui devint baron de La-Sarra par succession de son oncle maternel Victor-Rodolphe de Gingins, était né le 20 janvier 1731, à Berne. Il parvint au conseil souverain de cette ville et république dans l’année 1775. Son père, qui possédait la haute jurisdiction de Gingins, la céda, par traité du 8 juillet 1757, à LL. EE. de Berne. La filiation de la maison de Gingins est constatée dans ce traité, où se trouve la preuve que cette maison possédait déjà la seigneurie de Gingins en l’année 1211 (c’est-à-dire lors du traité fait par le chevalier Aymon de Gingins avec Bernard, abbé de Saint-Oyen et évêque de Belley, duquel nous avons parlé) 2 .
Amédée-Philippe de Gingins, baron de La-Sarra, épousa, à Londres, par contrat du 30 mai 1765, Anne-Elisabeth /515/ Sarazin, de Bâle, veuve de Gaspard Wettstein, prédicateur de la cour d’Angleterre 1 . Cette dame, qui ne lui donna pas d’enfants, décéda à Berne, le 29 octobre 1781. Lui-même mourut subitement au château de Vufflens, chez Mme de Senarclens, sa sœur 2 , le 9 novembre 1783, après avoir, par son testament daté du 13 juin 1774, institué son frère Charles pour héritier universel, avec substitution en faveur du fils de celui-ci, Charles-Louis-Gabriel de Gingins. Amédée-Philippe de Gingins était lieutenant colonel au service de Hollande en 1756.
Charles de Gingins, baron de La-Sarra par succession de son frère Amédée-Philippe, était né à Berne, le 10 juin 1733 et était parvenu, en 1764, au conseil souverain de cette ville et république. Quatre années plus tard il devint bailli de Gottstadt, puis d’Oberhofen, en 1782.
Charles de Gingins fut le dernier baron de La-Sarra, puisqu’il mourut, le 22 mai 1801, au château de La-Sarra, postérieurement à la révolution politique de 1798, qui abolit les droits seigneuriaux et féodaux. Il avait déjà testé en l’année 1783. Par contrat de mariage du 13 mai 1758, il avait épousé Louise-Salomé, fille d’Alexandre de Watteville, bailli de Nidau, et de Salomé d’Erlach. Elle décéda le 2 février 1802.
L’antique château de La-Sarra et le domaine considérable qui en dépend appartiennent aujourd’hui indivisément à M. Henri-Victor-Louis de Gingins, ancien colonel, commandant du 4me régiment suisse capitulé au service du roi des /516/ Deux-Siciles, retiré du service en 1848, avec le grade de général de brigade, et à M. Charles-Mathias-Aymon de Gingins, son fils 1 , celui-ci comme cessionnaire, en 1850, de son oncle feu M. Frédéric-Charles-Jean de Gingins La-Sarra (mort le 27 février 1863), auteur de plusieurs mémoires sur la botanique et d’une série d’ouvrages justement estimés sur notre histoire nationale.
M. le général de Gingins est le fils de M. Charles-Louis Gabriel de Gingins, né le 5 octobre 1761, décédé le 14 décembre 1842, et de Mlle Marie-Anne de Watteville de Mollens, morte le 21 octobre 1819, fille de Nicolas-Alexandre de Watteville, seigneur de Mollens, gouverneur d’Aigle et de Catherine Weiss, dame de Mollens, et le petit-fils de Charles de Gingins, dernier baron de La-Sarra, mort le 22 mai 1801. L’épouse de M. le général de Gingins, décédée à Naples, le 29 mars 1840, était Mlle Frédérique-Rosalie, fille de Ferdinand de Rovéréa, ancien colonel du régiment de son nom au service d’Angleterre, et de Catherine de Watteville de Mollens, sa première femme.