LES DYNASTES D’AUBONNE
PAR M. L. DE CHARRIÈRE
MEMBRE DE LA SOCIÉTÉ D’HISTOIRE DE LA SUISSE ROMANDE
/139/PREMIER DEGRÉ.
TURUMBERT D’AUBONNE
ET SON FRÈRE DODON.
Les sires d’Aubonne, qui occupaient un rang distingué parmi les dynastes vaudois, dominaient sur une belle seigneurie allodiale soit patrimoniale, située dans une contrée fertile et riante de la patrie de Vaud, laquelle s’étendait, dans les diocèses de Genève et de Lausanne, des deux côtés de la rivière de l’Aubonne. Turumbert, l’ancêtre de leur maison, apparaît dans le nombre des primats du royaume, qui siégèrent au plaid d’Eysins, sous le roi Rodolphe (III), dans la IXe année du règne de ce roi (1001 ou 1002), plaid où fut confirmée la donation que le prêtre Marin avait faite en faveur du couvent de Romainmotier 1. Dans la charte de ce plaid, le nom de Dodon, qui est celui d’un autre primat du /140/ royaume, précède immédiatement le nom de Turumbert. Or, comme nous apprendrons que ce dernier était le frère de Dodon d’Aubonne, on doit présumer que le primat Dodon était le frère du primat Turumbert.
Lorsque Amalric (ce personnage est selon toute apparence le fils de Rodbert de Mont et le petit-fils du sénieur Amalric) donna au couvent de Romainmotier une vigne située à Bursins, dans le canton Equestre, au lieu appelé Naldevert, Dodon fut l’un des témoins de cette donation, à laquelle il donna son consentement 1. Le témoin Dodon nous paraît être le frère de Turumbert d’Aubonne et vraisemblablement un consanguin du donateur Amalric. Il se pourrait très bien que les dynastes d’Aubonne et ceux de Mont fussent issus d’une même maison.
Par les mains de son avoué Doon, Turumbert fit don à l’église de St. Pierre de Romainmotier, de tout ce qu’il possédait à Bougel (in villa Balgeello), dans le canton (in pago) Equestre. Toutefois, cette maison de Dieu entrerait seulement en possession des biens donnés après le décès du donateur. Aucune date n’accompagne la charte de cette donation, écrite dans le latin le plus barbare 2. On peut supposer que Turumbert et son avoué Doon étaient Turumbert et Dodon d’Aubonne.
Une autre donation importante fut faite, à titre d’aumône, en faveur du couvent de Romainmotier, par Turumbert, frère de Dodon d’Aubonne, savoir : celle d’un grand clos de vigne, à Chivrajon (dans la proximité d’Aubonne). Roclenus, prieur, et les moines de Romainmotier, du temps de l’abbé Hugues, concédèrent ce clos de vigne, /141/ avec d’autres biens du couvent, à un serviteur (famulo) de celui-ci, nommé Dominique, à titre viager 1.
S’agit-il de Turumbert d’Aubonne dans l’indication suivante ? Adalgod, pour le remède de l’âme de son frère Turumbert, de sa propre âme et de celles de tous ses parents, donne au couvent de Romainmotier, où préside l’abbé Hugues, un manse, à Germagny (in villa Germaniaco), en présence de Conon et de Bertin 2.
Turumbert d’Aubonne laissa un fils, nommé Gérold. Il eut encore un autre fils, dont le prénom n’est pas connu, mais qui fut le père des neveux du prédit Gérold, dont il va être parlé, si l’on admet toutefois, que ces divers neveux étaient les enfants d’un même père.
DEUXIÈME DEGRÉ.
GÉROLD, FILS DE TURUMBERT D’AUBONNE.
Pour le remède de son âme et de celles de ses parents et afin que Dieu leur pardonne tous leurs péchés, Gérold, fils de Turumbert d’Aubonne, donne à Dieu, à ses saints apôtres Pierre et Paul et au couvent de Romainmotier, un manse, situé à Mauraz (in villa Mauriaco 3 ), avec toutes ses appartenances, en maisons, chésaux, champs, prés, /142/ bois et cours d’eaux, et aussi avec le serf qui l’habite, nommé Aaluuenus, ses fils et ses filles. Les neveux (nepotes) du donateur 1 , savoir: Amaldric, Widon, Namtelme, Dalmace et Odulric, chanoine, approuvent cette donation, qui n’est pas datée, mais remonte vraisemblablement à la seconde moitié du XIe siècle 2.
Lorsque, dans le courant du même siècle, Ornadus, dit Payen (qui et paganus), et sa femme Ancila engagèrent au couvent de Romainmotier, pour la somme de cent sols, le manse de Renaud, appartenant à leur héritage (soit à leurs biens allodiaux) et situé à Vincy (in villa que dicitur Vinciacus), Morand, Gérold, Dodon, Conon de Mont et Rodbert furent les témoins et les fidéjusseurs de cette mise en gage. Aux termes de celle-ci, le couvent de Romainmotier percevrait, chaque année, les revenus de l’engagère, lorsqu’elle n’aurait pas été dégagée à la fête de la nativité de St. Jean. Ornadus et sa femme rentreraient en possession de leur héritage lorsqu’ils pourraient le dégager sans recourir pour cela à un emprunt 3. Gérold et Dodon, nommés dans cette circonstance, sont vraisemblablement, l’un le fils de Turumbert d’Aubonne, l’autre le frère de celui-ci.
Sous l’année 1047, le 16 mai, Gérold (est-il le fils de Turumbert d’Aubonne ?) fut, avec Gospert, Otelin et Arbert, le témoin d’une donation faite en faveur du couvent de Romainmotier, par Richard, d’un homme nommé Ansoldus, pour le remède de l’âme de Raymburcha, son /143/ épouse, du consentement de Gospert et d’Otelin, ses frères 1.
TROISIÈME DEGRÉ.
NANTELME (I) D’AUBONNE.
Nantelme d’Aubonne apparaît dans le nombre des témoins d’un plaid tenu à Nyon, aux environs de l’année 1130, par Humbert de Prangins, en faveur du couvent de Romainmotier, contre celui d’Aulps 2. Ce Nantelme est sans doute le neveu (ou le petit-fils), portant ce prénom, de Gérold, fils de Turumbert d’Aubonne, qui approuva la donation de son oncle, en faveur du couvent de Romainmotier, d’un manse situé à Mauraz (voy. ci-dessus).
Nantelme d’Aubonne n’est pas nommé dans d’autres documents.
QUATRIÈME DEGRÉ.
HUMBERT (I), SIRE D’AUBONNE.
Après Nantelme vient Humbert d’Aubonne, qui était vraisemblablement son fils, quoique l’on ne possède pas /144/ la preuve diplomatique de cette descendance 1 , et auquel plusieurs documents attribuent le titre de sire (dominus) d’Aubonne.
Les faits et gestes d’Humbert d’Aubonne sont mieux connus que ceux de ses prédécesseurs.
Ce seigneur apparaît d’abord comme bienfaiteur de l’abbaye de Théla (soit de Montheron). On apprend par une charte d’Amédée, évêque de Lausanne, datée de l’année 1154, par laquelle ce prélat notifie divers dons faits en faveur de la dite abbaye, qu’Humbert d’Aubonne, en vue du salut de son âme, lui avait donné la terre appelée Bois-Lambert, sa part de celle d’Archens (situées l’une et l’autre, dans le Jorat, auprès de l’abbaye précitée), et ses droits aux dîmes du territoire de Montenon (Montheron), fruits des labeurs des religieux; dons qui avaient été faits en présence de Guillaume d’Ecublens, de son frère Conon, de Bertin de Fons et de Conon d’Astens. La prédite charte nous apprend, de plus, que le même Humbert d’Aubonne, en présence d’Othon, miles de Saint-Martin et de Guillaume, fils de Guy Barata 2 , avait librement donné à l’abbaye précitée, par les mains de l’évêque Amédée, certaine vigne appelée Sadai, voisine du château de Prangins, avec la terre attenante; qu’une seconde donation de la même vigne, dite en Sadai, et de la moitié de la dîme des vignes que les religieux avaient acquises dans ce lieu, avait été faite par Humbert d’Aubonne, en faveur de /145/ l’abbaye de Théla, du consentement de son épouse et de ses enfants et en présence d’Othon de Saint-Martin et de Guillaume, fils de Guy Barata, précités, et aussi en présence de l’évêque Amédée. Enfin la même charte rapporte que Pierre, seigneur du château de Prangins, avec le consentement de sa mère, de son épouse et de son frère Girold, avait approuvé les dons du sire Humbert d’Aubonne, son vassal (son homme), en présence de celui-ci 1. Cette approbation, du reste, avait seulement trait, estimons-nous, à ceux des dons précités qui relevaient de la seigneurie de Prangins.
La chartreuse d’Oujon, fondée, paraît-il, vers la fin de la première moitié du XIIe siècle, par le sire Louis de Mont, sur le Jura vaudois, dans le voisinage du village actuel d’Arzier, et partant dans la proximité des terres du sire Humbert d’Aubonne, fut l’objet des dons de celui-ci. Arducius, évêque de Genève, par une charte qui ouvre le cartulaire de cette chartreuse, confirma les donations qu’elle avait reçues (soit ce qu’elle avait acquis) du sire Louis de Mont et de ses fils, du sire Humbert de Prangins et de son fils et du sire Humbert d’Aubonne et de ses fils, ainsi que des vassaux de ces trois seigneurs 2.
Enfin, le sire Humbert d’Aubonne fit aussi des dons à l’abbaye de Bonmont. Selon la bulle du pape Alexandre (III) en faveur de ce couvent, celui-ci possédait la grange de Clarens et les vignes (à Clarens, peut-on supposer), en vertu de don fait par Humbert de Prangins et son fils Pierre et par Humbert d’Aubonne 3. /146/
Mais si ce seigneur fut porté de bonne volonté envers les différents couvents que nous venons de nommer, il se montra l’ennemi de l’église de Lausanne, avec laquelle il eut de violents différends à l’occasion du village de Saint-Livres, situé dans la proximité d’Aubonne. Il fut même excommunié par l’évêque Amédée (d’Hauterive). Ce saint prélat estimait sans doute que les torts du seigneur d’Aubonne étaient bien graves, puisque, sur son lit de mort, en présence du clergé et du peuple, il donna l’absolution à tous ceux qu’il avait excommuniés, n’en exceptant que le seul Humbert, seigneur d’Aubonne, qu’il assigna au jour du jugement, à cause des injures qu’il faisait à l’église de Lausanne, à Saint-Livres 1.
Lorsque Pierre de Saint-Saphorin avait donné, à la maison de Bonmont, par les mains de l’abbé Jean, les droits qu’il avait dans (infra) le clos de Bougel, cette donation avait eu lieu, à Lavigny, dans la maison de Rodolphe, ministral d’Humbert, sire d’Aubonne. — Humbert d’Aubonne et Jacques, son fils, furent les témoins d’une donation faite /147/ en faveur du même couvent, par Pierre d’Ecublens et son frère Uldric. Et Humbert, sire d’Aubonne, avec Girold, sénéchal 1 , furent présents lorsque Borchard de Mont confirma, à Aubonne, la donation d’une terre, faite par son père, à titre d’aumône, au couvent précité. Ces diverses circonstances nous sont révélées par une charte de confirmation et de notification, émanée d’Arducius, évêque de Genève, de divers dons faits en faveur du couvent de Bonmont, datée de l’année 1172, sous le règne de l’empereur Frédéric 2.
Selon une autre charte de cet évêque, de la même catégorie que la précédente et datée de l’année 1177, Humbert d’Aubonne fut l’un des témoins de la confirmation, faite au dit Aubonne, après la mort de Louis de Mont et de Bochet (Borchard ?) de Mont, par Guy de Mollens (de Morlens), neveu de ce dernier, d’une donation que le prédit Louis de Mont et sa femme Amblare avaient faite, en faveur de l’abbaye de Bonmont, des dîmes des vignes de Bougel et de celles des champs que les religieux cultivaient entre le ruisseau du Ruppalex et un autre ruisseau découlant proche de Bougel 3. Humbert d’Aubonne est encore cité, dans la même /148/ charte, comme témoin de plusieurs donations ou confirmations de donations faites en faveur du couvent de Bonmont, entr’autres lorsqu’Ebal de Grandson ratifia la donation de dîmes, ci-dessus rapportée, faite par Louis de Mont et sa femme Amblare, parce que les dîmes données appartenaient à sa seigneurie (c’est-à-dire qu’elles relevaient de son fief) 1. Humbert d’Aubonne apparaît une fois, dans la charte précitée, avec Girold, miles d’Aubonne 2. Etait-il encore vivant, en 1177, date de la charte de l’évêque Arducius ?
Humbert, sire d’Aubonne, pourrait avoir épousé une dame, nommée Pétronille, appartenant, peut-être, à la maison des seigneurs de Divonne 3. La bulle du pape Alexandre (III), en faveur du couvent de Bonmont, datée du 4 des ides de mai, de l’année 1164, indict. 13e 4 , indique, dans le nombre des possessions de ce monastère, des vignes, à Divonne, données par Pétronille d’Aubonne 5. /149/
On connaît trois fils d’Humbert, sire d’Aubonne, savoir :
1o Nantelme (II), qui succéda à son père comme seigneur d’Aubonne et auquel nous consacrons l’article qui suit.
2o Aimon. Nous le trouverons nommé, comme témoin, avec son frère Nantelme; toutefois il n’apparaît pas dans d’autres documents.
3o Jacques (I) ou Jacob, qui devint chevalier et que nous avons déjà rencontré, avec son père, en qualité de témoin. (Voir ci-devant, pag. 146.) Une troisième charte de l’évêque Arducius, en faveur du couvent de Bonmont, datée de l’année 1179, cite à plusieurs reprises Jacques d’Aubonne dans le nombre des témoins de donations faites en faveur de ce monastère, soit de confirmations de ces dons; une fois, entr’autres, avec Conon, son écuyer (armiger ejus), à propos de la donation du manse de Paleier (Paleyres ?), faite par les nobles d’Ecublens 1. Jacques d’Aubonne fut l’un des cinq chevaliers, témoins d’une concession faite, en l’année 1210 (17e et 18e décembre), par Amédée, sire de Gex, en faveur de la chartreuse d’Oujon 2. Il porte aussi le titre de chevalier lorsque, le 25 août 1217, il est l’un des témoins de l’approbation donnée par Jacques (II), sire d’Aubonne (son neveu), à un don fait par Jacques de Lully, en faveur du chapitre de Lausanne, relativement au cours de l’eau du moulin de Tolochenaz (Voy. plus loin.) Le cartulaire du chapitre de Lausanne cite Jacques d’Aubonne dans le nombre des témoins de la convention passée, /150/ le 18e juin 1226, au sujet de l’avouerie de l’église de Lausanne, entre l’évêque Guillaume d’Ecublens et Aymon, sire de Faucigny 1. Il est difficile de décider, d’après cette citation, s’il s’agit, dans cette circonstance, de l’oncle ou du neveu, portant tous deux le prénom de Jacques 2. Messire Jacques d’Aubonne vivait encore au mois de mars de l’année 1234 de l’Incarnation. A cette date un différend qu’il avait avec Guerric, sire d’Aubonne, son parent, fut pacifié par l’entremise de l’abbé du Lac de Joux, des prieurs d’Etoy et d’Oujon, des chevaliers P. d’Hauteville, Anselme de Trévelin, W. de Saint-Prex et Savaric, et d’autres personnes. Le sujet de ce différend n’est pas indiqué. (Voir plus loin.)
On ne connaît pas le nom de l’épouse de Jacques (I) d’Aubonne, mais l’on sait qu’il eut un fils nommé Pierre (I). Celui-ci donna à l’abbaye de Bonmont deux hommes de Saint-Oyen de Rottères, savoir: Albert et Willelme, fils de Pierre Botelier, avec leur ténement et ses appartenances. Cette donation, dont la date n’est pas indiquée, était un fait accompli en l’année 1221. (Voyez plus loin).
Pierre (I) d’Aubonne eut un fils portant aussi le prénom de Pierre (III), qui devint citoyen de Lausanne et fut l’auteur des nobles d’Aubonne fixés dans cette ville 3. Pierre (III) d’Aubonne épousa Alexie, sœur de François, fils de /151/ Pierre (II), dit Putot, coseigneur d’Aubonne, chevalier 1. Leurs fils Girard et Etienne d’Aubonne apparaissent, sous l’année 1310, comme réclamant du seigneur d’Aubonne, au nom de leur mère Alexie et en leur propre nom, la part de l’héritage du prénommé Pierre, dit Putot, coseigneur d’Aubonne, leur aïeul maternel, qui devait leur revenir 2.
Girard, frère d’Etienne d’Aubonne, chanoine de Lausanne, apparaît encore sous l’année 1339 3. Ce chanoine Etienne d’Aubonne est sans doute celui dont l’anniversaire est indiqué dans le Nécrologe de l’église cathédrale de Lausanne 4.
Girard d’Aubonne laissa un fils nommé François, et probablement encore un second fils, qui porta le prénom de Perret. Le 7e mai 1379, François, fils de feu Girard d’Aubonne, donzel et citoyen de Lausanne, vend, pour le prix de 6 livres, un cens de deux coupes de froment, mesure de Lausanne, aux chapelains officiant dans l’église cathédrale. Ce cens est assigné sur tous les biens du vendeur 5.
Nous apprendrons que le 13e février de l’an du Seigneur /152/ 1392, Michel, fils de feu Perret, dit d’Aubonne, citoyen de Lausanne, fit cession, au sire Othon de Grandson, seigneur de Sainte-Croix et d’Aubonne, du titre d’une donation faite en l’année 1283, par François, fils de feu Pierre, dit Putot, coseigneur d’Aubonne, chevalier, en faveur de sa sœur Alexie et de ses enfants, procréés ou à procréer, avec son mari Pierre, citoyen de Lausanne, fils de Pierre, dit d’Aubonne. (Voir plus loin.)
Michel et François d’Aubonne sont cités dans le nombre des citoyens et habitants de Lausanne, qui siègent dans la cour séculière de cette ville, le 5e juin 1398 1.
La suite et la fin de cette branche collatérale de la fa mille d’Aubonne ne nous sont pas connues.
Le sire Humbert d’Aubonne eut peut-être un quatrième fils, nommé Uldric. Parmi les témoins d’une déclaration d’Arducius, évêque de Genève et prévôt de Lausanne, en faveur de l’église de Sion, faite à Lausanne, aux environs de l’année 1184 et relative à une vigne située à Ouchy que le prédit évêque tenait de l’église (soit de l’évêque) de Sion, se trouve Uldric d’Aubonne 2 , qui pourrait avoir été chanoine de Lausanne.
/153/
CINQUIÈME DEGRÉ.
NANTELME (II), SIRE D’AUBONNE
Nantelme (II) était sans doute l’aîné des fils du sire Humbert d’Aubonne, puisque ce fut lui qui posséda la seigneurie de ce nom.
Lorsque Jordan, frère d’Ebal de Grandson, approuva, à Romainmotier, la donation qui avait été faite en faveur du couvent de Bonmont, par Louis de Mont et sa femme Amblare, des dîmes des vignes de Bougel et d’autres dîmes (voy. ci-dessus), Nantelme d’Aubonne et son frère Aimon furent, entr’autres, les témoins de cette approbation 1.
Jacques et Nantelme d’Aubonne, avec Borchard, sénéchal de Mont, furent présents lorsque Guillaume, fils de Conon d’Ecublens, dit Noir, approuva le don fait par son prédit père, sur son lit de mort, pour le remède de son âme, en faveur de l’abbaye de Bonmont, de la moitié du manse de Paleier 2.
Sous l’année 1189, Etienne, fils de Marcon de Bière, ayant fait donation, en faveur de la même abbaye, de tout ce qu’il possédait dans la proximité des vignes de Bougel, et, à une exception près, de ce qui y relevait de son fief, cette donation fut approuvée par Narduin de Bière, /154/ à Aubonne, dans la maison de Nantelme, en présence de celui-ci 1 , qui, on doit le supposer, était Nantelme d’Aubonne.
Ce seigneur d’Aubonne fut en différend avec le couvent de Bonmont au sujet de plusieurs des possessions de ce couvent sur lesquelles il élevait des prétentions. Une transaction eut lieu entre les parties, à Bonmont, dans la maison (in hospicio) de l’abbé Jean, qui représentait son couvent, le 16 des kal. d’avril de l’année 1196 de l’Incarnation (17 mars 1197, nouveau style). Par ce traité, probablement moyenné par Nantelme, évêque de Genève, qui le confirma, en décréta l’observation et le rendit manifeste par une charte, Nantelme d’Aubonne concéda à l’abbaye de Bonmont toutes les possessions dont elle était investie et qu’il réclamait comme appartenant à sa seigneurie. Ces possessions sont spécifiées dans le traité. Plusieurs d’entr’elles, des vignes, entr’autres, étaient situées à Divonne. Sont aussi nommés, dans le nombre, un pré qui avait été donné par Jacques, frère du dit Nantelme, la terre de Derases, don de son père Humbert, et le bois situé au delà de l’eau de Clarens. Gerriette, l’épouse du prédit Nantelme, approuva cette transaction, à Aubonne, dans la tour, en présence de témoins, et ses fils Guerric et Jacques l’approuvèrent pareillement 2.
Sous l’année 1204, Nantelme d’Aubonne fut l’un des témoins d’un accord intervenu entre Jean, sire de Prangins, /155/ et le couvent de Bonmont, accord notifié par Nantelme, évêque de Genève et dont Etienne d’Aubonne fut aussi l’un des témoins 1. Nous présumons que celui-ci était un fils de Nantelme, qui ne vécut pas longtemps ou devint peut-être homme d’Eglise 2. Du reste, on se rappelle que nous avons trouvé le sire Humbert d’Aubonne étant le vassal du sire Pierre de Prangins, père du sire Jean, à raison de fiefs situés dans la seigneurie de Prangins.
Dans la même année 1204 de l’Incarnation eut lieu une convention entre Reymond de Saint-Saphorin 3 et le couvent de Bonmont, destinée à terminer leurs différends nés des prétentions du premier et de ses hommes à l’égard de plusieurs des possessions du second. Nantelme, sire d’Aubonne et son fils Guerric furent, entr’autres, les témoins de cet accord, que Bonnette, épouse du prédit Reymond, ratifia, en présence de Nantelme, frère de Jacques, miles de cette ville (d’Aubonne), et d’autres témoins. Cette convention, notifiée par l’évêque Nantelme, de Genève, est datée de devant la porte d’Aubonne (actum ante portam Albone) 4. Nantelme, frère de Jacques, miles d’Aubonne, est-il /156/ Nantelme, qualifié de sire de ce lieu, dans le même document ? Cela nous paraît probable 1.
Guerric, fils du sire Nantelme d’Aubonne, apparaissant déjà comme seigneur d’Aubonne dans la même année 1204 (voir plus loin), on doit en inférer que celle-ci fut l’année du décès de son père. A la vérité, le Cartulaire du chapitre de Notre-Dame de Lausanne indique (pag. 459) la donation, faite en faveur de la bienheureuse Marie de Lausanne, le 13e des kal. de janvier 1217, à Aubonne, par Nantelme, sire de ce lieu, avec l’approbation de son épouse et de ses fils, d’un homme, nommé Vullelme d’Astens, avec ses héritiers et son ténement, lequel demeurait à Morrens; et le cartulaire ajoute que le chapitre avait réemptionné cet homme, moyennant 40 sols, du chevalier Uldric d’Ecublens. Toutefois, la date de cette donation doit être erronée, car Nantelme, sire d’Aubonne, n’apparaît plus dans les documents postérieurement à l’année 1204 2.
Nous avons vu précédemment que, sous l’année 1197, l’épouse du sire Nantelme d’Aubonne était Gerriette, qui approuva alors, avec ses fils Guerric et Jacques, la convention faite par son mari avec le couvent de Bonmont. L’extraction de dame Gerriette n’est pas connue. Nantelme d’Aubonne paraît avoir eu une seconde épouse, nommée Alix. Une charte, sur laquelle nous reviendrons, datée du /157/ mois de mars de l’année 1234 de l’Incarnation, mentionne la vigne d’Alix, épouse du défunt Nantelme d’Aubonne, située à Allaman 1. On n’a pas d’autre indication concernant cette seconde épouse de Nantelme d’Aubonne.
Ce seigneur d’Aubonne laissa trois fils, qui possédèrent la seigneurie de ce nom dans des proportions inégales. Ce sont :
1o Guerric, dont nous allons nous occuper.
2o Jacques (II), auteur de la branche des coseigneurs d’Aubonne, éteinte seulement dans le courant du XVe siècle. Nous rapporterons plus loin ce qui le concerne.
3o Pierre (III), dit Putoux (soit Posthume), né, sans doute, comme son surnom l’indique, après la mort de son père, et issu par conséquent d’Alix, la seconde épouse de celui-ci. Nous reviendrons sur son sujet.
A ces trois fils du sire Nantelme d’Aubonne, il faut, estimons-nous, en ajouter un quatrième, savoir : Etienne, duquel il a déjà été parlé.
Deux chanoines de Lausanne, Jacques et Humbert d’Aubonne, sont cités par le cartulaire du chapitre de Lausanne, où le premier apparaît dès l’année 1221, et le second depuis l’année 1227 2. Etaient ils les fils du sire /158/ Nantelme d’Aubonne, ou peut-être de son frère Jacques, ou bien, enfin, l’un d’eux aurait-il été le fils de Nantelme et l’autre celui de Jacques ?
SIXIÈME DEGRÉ
GUERRIC, SIRE D’AUBONNE
Chevalier.
Guerric, fils aîné de Nantelme, sire d’Aubonne, nous est apparu lorsque, sous l’année 1197, il approuva, avec sa mère Gerriette et son frère Jacques, dans la tour d’Aubonne, le traité fait par son père avec le couvent de Bonmont.
Nous avons dit plus haut que les trois fils du sire Nantelme (II) d’Aubonne eurent part à la seigneurie de ce nom, héritée de leur père. Guerric, dans les documents, s’intitule le plus souvent sire (dominus) d’Aubonne, parce qu’il possédait la part la plus considérable de cette seigneurie, celle qui forma la terre d’Aubonne proprement dite. Toutefois, l’on ne voit point que ses frères en aient tenu leur portion sous sa mouvance. A la vérité, plus tard, la coseigneurie d’Aubonne devint mouvante de la seigneurie, mais cela eut lieu à la suite de circonstances que nous rapporterons en leur temps.
Sous l’année 1204 du Seigneur (une date plus spéciale n’est pas indiquée), Guerric, sire d’Aubonne, concéda à l’église de Trévelin, sous le cens annuel de deux deniers, /159/ payables à Pâques, tout le terrain qui lui appartenait au-dessous du chemin de Chambères, entre celui-ci et le courant d’eau 1.
Le jeudi, 4e avril de l’année 1208, le duc Berthold (V) de Zæhringen, sous la domination duquel se trouvait alors le Pays-de-Vaud, inféoda au sire Guerric, à Jacques et à Pierre, seigneurs d’Aubonne, une étendue considérable du Jura vaudois, située dans le voisinage de leur seigneurie 2 , avec tous les droits de jurisdiction sur le territoire inféodé 3. On ne saurait guère douter que la seigneurie d’Aubonne, lors de cette importante inféodation, ne fût tenue en indivision par les trois fils du sire Nantelme; d’ailleurs, à cette époque, Pierre, l’un d’eux, était encore un enfant.
Lorsque, sous l’année 1218, à Pâques, Jean, sire de Prangins, fit sa paix avec le couvent de Bonmont, Guerric, sire d’Aubonne, fut l’un des témoins des engagements pris par ce seigneur, dans cette circonstance, envers le prédit couvent 4.
Jacques et Guerric d’Aubonne se trouvent nommés parmi les nombreux et importants témoins des traités faits au mois de juillet 1219, entre le comte Thomas de Savoie et l’évêque de Lausanne, relativement au château de Moudon 5. /160/
On n’a pas oublié que Pierre (I), fils de messire Jacques d’Aubonne, parent (cognatus) du sire Guerric, avait donné au couvent de Bonmont Albert et Vuillelme, fils de Pierre Botelier, de St.-Oyen de Rottères, avec leur ténement. De son côté, en l’année 1221, le sire Guerric d’Aubonne concéda à perpétuité, au prédit couvent, tous les droits qu’il avait ou pouvait avoir sur les prédits hommes et leur manse, confirmant en même temps le couvent précité dans la possession de tout ce qu’il avait acquis de ses prédécesseurs, à titre d’aumône, soit à d’autres titres. L’évêque Aymon de Genève notifia la donation du sire Guerric par une charte 1.
Guerric et P(ierre), son frère, et Jacques d’Aubonne sont nommés parmi les nombreux témoins du traité fait le 18 juin 1226, entre Guillaume d’Ecublens, évêque de Lausanne, et Aymon, sire de Faucigny, par lequel le premier acquit l’avouerie de l’église de Lausanne 2.
Voici maintenant un curieux traité fait entre Guerric et Jacques, seigneurs d’Aubonne, et qui laisse présumer l’existence de démêlés antérieurs entr’eux : Sous l’année du Seigneur 1226, à Aubonne, Aymon, évêque de Genève, notifie par une charte que Guerric et Jacques, sires d’Aubonne, se sont accordés et ont fait serment de s’aider mutuellement, l’un l’autre, contre toutes personnes, « senz meffaire, » pendant toute leur vie. Si l’un d’eux vient à /161/ décéder, l’autre sera tenu, sous serment, de porter secours à ses héritiers et de les soutenir. En cas de violation, par l’une des parties, des engagements contractés, ses hommes ne seraient pas tenus, envers elle, à l’accomplissement de leurs devoirs féodaux, jusqu’à ce qu’elle eût donné satisfaction de cette violation, selon que le dit évêque, les abbés de Bonmont et du Lac et le prieur d’Etoy, soit deux ou trois d’entre eux, le prononceraient. Ces engagements furent jurés, de la part du sire Guerric, par P. de Hauteville, Guigues de Begnins, Aymon de Vic (de Visez) et Etienne, fils de Jean le Grand (lu grant). Et, de la part du sire Jacques, par P(ierre) de Sévery et Etienne de Saint-Saphorin, Vautier, bourgeois d’Aubonne, et W. des Clées (de les Clees) 1. Les deux seigneurs d’Aubonne s’interdisent mutuellement, par ce traité, de recevoir quelqu’un (dans le château ?) sans leur entente (sine consilio) réciproque, à moins que cela ne soit nécessaire pour la garde ou la protection d’un ami ou de ses compagnons. Aucune des deux parties ne pourra vendre ou engager ses droits dans le château d’Aubonne soit en dehors de celui-ci (infra castrum vel extra) sans l’avoir auparavant soumis et offert à l’autre partie. Elles et leurs hommes ne feront aucune acquisition, l’une de l’autre, soit de leurs hommes, sans leur consentement réciproque. Moyennant les dispositions spécifiées dans ce traité, les sires Guerric et Jacques devaient désormais demeurer en paix. A leur prière, l’évêque de Genève et les abbés précités de Bonmont et du Lac apposèrent leurs sceaux à l’instrument de cet accord, fait à double, sur une même feuille, qui serait partagée entre /162/ les parties 1 , le double de chacune d’elles étant muni du sceau de l’autre 2. — Quoique, dans ce document, Guerric et Jacques ne soient pas désignés comme étant frères, il est évident que le dit Jacques, l’un des seigneurs d’Aubonne, était le fils de Nantelme (II) et ne saurait avoir été son oncle Jacques, chevalier, qui n’eut pas de part, paraît-il, à la seigneurie d’Aubonne, du moins l’on ne trouve aucune indication à cet égard.
Le chapitre de Lausanne, dans l’année 1226 (fête de Ste. Catherine), reprochait à W. de Saint-Prex, son vassal, qu’il avait prêté hommage lige à Gerric d’Aubonne, et fait par là injure à Ste. Marie. Le vassal du chapitre s’en excusait, alléguant qu’il avait jugé opportun d’entrer dans cet hommage lige à raison de certain héritage provenant de sa mère; il ajoutait que s’il pouvait, par le conseil du chapitre, se séparer du prénomme Gerric, il demeurerait volontiers l’homme du dit chapitre, envers lequel il était astreint 3.
Un document important pour l’histoire, soit des seigneurs d’Aubonne, soit de la ville de ce nom, se présente sous l’année 1234 (avril). On le désigne sous le nom de Franchises d’Aubonne. Par cet acte public, daté d’Aubonne, Michel, abbé de Bonmont, et Humbert, abbé du Lac de Joux, Guillaume, prieur d’Oujon, et Rodolphe, prieur d’Etoy, déclarent que, en leur présence, la paix a été rétablie, par le conseil d’hommes prudents, entre /163/ Guerric, Jacques et Pierre Putou, seigneurs d’Aubonne, au moyen du serment prêté, tant par eux que par les chevaliers et les bourgeois de la ville et du château d’Aubonne 1 , de maintenir et de respecter, soit les propriétés des abbayes de Bonmont et du Lac et du prieuré d’Etoy, soit les usages et les droits qui existaient dans les limites de la ville et du château prénommés. Ces droits et usages sont rapportés en vingt sept articles, dans le document que nous citons. Quinze d’entre eux concernent les droits des seigneurs (jura dominorum), et douze ceux des bourgeois (jura burgensium). Les uns et les autres offrent beaucoup d’intérêt. Il en ressort que chacun des seigneurs avait une part de la ville d’Aubonne et que dans celle de Guerric se trouvaient les fours et les moulins du lieu 2. On apprend par d’autres documents que les sires Guerric et Jacques possédaient, chacun, une part du château d’Aubonne, Guerric la partie antérieure, et Jacques la partie postérieure. Chacune d’elles formait un château spécial, du moins il en était ainsi plus tard.
Au mois de mars de l’année 1234 de l’Incarnation, Guerric, sire d’Aubonne, approuva et notifia l’abandon fait, à titre d’aumône, par Gérard, miles de Sottens, son vassal, en faveur du couvent de Bonmont, de toutes les prétentions qu’il élevait sur une terre, dite la Condemine, située à Allaman et mouvante du fief du prédit sire Guerric, terre que la dite abbaye possédait justement et canoniquement. Cet abandon avait eu lieu d’abord à Bonmont, /164/ le jour de l’Annonciation de la bienheureuse Vierge Marie, devant le grand autel, touché et baisé par le sire Guerric et par le donateur Gérard, étant présents Willerme de Yens (de Hyenz), chapelain du sire Jacques, frère du sire Guerric, et un autre ecclésiastique, Falcon de Trélex et Richard de Commugny, chevaliers; puis il avait été confirmé à Aubonne, devant la maison du sire Guerric, en sa présence et en celle du sire Jacques, son parent, et aussi en présence d’Humbert, abbé du Lac, de G, prieur, et de W., cellérier, chanoines de ce couvent, de R., prieur d’Etoy, de W., prieur d’Oujon, d’Aymon de Bretigny et d’Amaldric de Trévelin, prêtres, de P. d’Hauteville et de G., son fils, d’Anselme de Trévelin, de W. de Saint-Prex et de Savaric, chevaliers, et de plusieurs autres témoins, qui s’étaient rencontrés là pour terminer un différend existant entre le sire Guerric et le sire Jacques, son parent, différend qui fut en effet pacifié alors. En retour de l’abandon de ses prétentions, Gérard, miles de Sottens, reçut quarante cinq sols du couvent de Bonmont. Le sire Guerric d’Aubonne apposa son sceau à l’instrument de cette donation 1.
Guerric, sire d’Aubonne, se montra l’ami de la chartreuse d’Oujon. Au mois d’août 1237, pour le salut de son âme et de celles de ses parents, de ses antécesseurs et de ses successeurs, il exempta à perpétuité les religieux d’Oujon des droits de leyde, de péage et de ventes, dans toute sa seigneurie, et cela pour l’amour de Dieu. Cette concession eut lieu avec l’approbation de son épouse Clémence et pour le salut de l’âme de celle-ci 2. Le chevalier /165/ Pierre d’Hauteville, vassal du sire Guerric, ayant donné, à titre d’aumône, à la dite chartreuse, six setiers annuels de vin, assignés dans la paroisse de Féchy, Guerric, sire d’Aubonne, se porta le garant du paiement de cette rente et il apposa son sceau à la charte de son engagement, au mois de janvier de l’année du Seigneur 1240 1. Il avait été, au mois de mars de l’année (du Seigneur) 1237, l’un des témoins, au château de Mont, de la confirmation et de la notification faites par Ebal, sire de Mont, du don que son neveu Conon, seigneur de Genollier, avait fait, à la dite chartreuse d’Oujon, en réparation de ses torts envers elle, de huit coupes de froment, de cense, assignées à Genollier. Le sire de Mont reconnaît, dans cette circonstance, que la chartreuse précitée a été fondée par ses prédécesseurs (et ceux de son dit neveu Conon), mais qu’ils ne s’y étaient réservés, ni pour eux ni pour leurs successeurs, aucun droit temporel de seigneurie, de patronat ou d’avouerie, soit de fondation 2. Lorsque, en l’année 1241, le même Conon, seigneur de Genollier, confirma toutes les donations que ses prédécesseurs et lui-même avaient faites en faveur de la chartreuse d’Oujon et qu’il assigna à cette maison religieuse, en retour d’un prêt de dix livres, une partie du produit de sa vigne de Bursinel, Guerric, sire d’Aubonne, apposa son sceau à la charte de cette concession, avec Aymon, évêque de Genève, Aymon, seigneur de Faucigny, Ebal, sire de Mont, Henri, son fils, Michel, abbé de Bonmont, et Conon, seigneur de Genollier 3. /166/
On trouve Guerric, sire d’Aubonne, notifiant, au mois de juin de l’année 1238, que Savaric, miles d’Aubonne, du consentement de son frère Jacques, de sa mère et de son épouse, a donné au couvent de Romainmotier, en retour de neuf livres lausannoises, une maison et un chésal dans le bourg d’Aubonne. Cette donation fut approuvée par Pierre Putoz, frère du prédit sire Guerric, et par son épouse Froyn, la moitié du chésal donné relevant du fief du prénommé Pierre, tandis que l’autre moitié appartenait à celui du sire Guerric, lequel, avec son épouse Clémence, en approuva l’aliénation. M(ichel), abbé de Bonmont, et Guerric, sire d’Aubonne, à la prière des donateurs et du dit Pierre Putoz, scellèrent la charte de cette donation 1.
Sous l’année 1251, le sire Guerric d’Aubonne fait savoir qu’Humbert, dit Forneir, de Visinay, a fait don, en faveur de l’abbaye de Bonmont, d’un cens annuel de 2 sols, assigné sur son chésal de Visinay (dans la proximité de Divonne), et il appose son sceau à la charte de cette notification 2. Nous apprendrons que le sire Guerric tenait des fiefs du seigneur de Gex.
On connaît la tendance incessante de Pierre de Savoie à augmenter ses domaines et à étendre son autorité. Ce prince se fit céder, soi-disant à titre d’échange, la seigneurie d’Aubonne, par le sire Guerric. Les circonstances qui amenèrent cette cession, assez difficile à comprendre, sont ignorées 3. La transaction par laquelle elle fut accomplie /167/ nous est seulement connue par deux régestes, de sources différentes; et si ces deux versions s’accordent quant au fait principal, elles offrent des divergences à l’égard des détails qu’elles rapportent et de la date même de la cession. Selon le régeste qui se lit dans le cartulaire accompagnant l’histoire du comte Pierre de Savoie, par M. L. Wurstemberger 1 , Guerric, sire d’Aubonne, du consentement de son épouse Clémence et de son frère Etienne, aurait remis, à Pierre de Savoie, le 10e des kal. de septembre (23e août) 1255, son château, son bourg et son hôpital d’Aubonne, en échange de rentes annuelles, de pareille valeur, que Pierre de Savoie devait lui assigner dans la vallée de Châtillon. L’autre régeste est contenu dans un ancien inventaire, existant aux archives de la ville de Morges, de titres concernant la patrie de Vaud et se trouvant précédemment aux archives de Chambéry, mais ayant été transportés dans celles de Turin. Ce régeste-ci est plus explicite que l’autre. Il nous apprend que le 10e des kal. de septembre de l’année 1259, le sire Guerric, seigneur d’Aubonne, agissant avec le consentement de son épouse Clémence, de son fils Etienne, et de ses autres fils, a remis à Pierre de Savoie, à titre d’échange, tous ses droits au château, au bourg et à l’hôpital d’Aubonne, avec toutes les appartenances de ceux-ci, en hommes, terres, pasquiers, eaux, péages, pêcheries et autres choses quelconques, comprises entre l’eau dite de Vic (de Viz), d’un côté, et celle appelée de Morges, de l’autre. Le sire Guerric excepte de cette cession les fiefs qu’il tient du sire de Prangins et de celui /168/ de Gex, et le droit qu’il a à l’égard de Jean d’Aubonne et de ses frères et de leurs ténements, dans la ville d’Aubonne 1 , droit qu’il reconnaît tenir en fief du dit seigneur comte, c’est-à-dire de Pierre de Savoie. Celui-ci promet au sire Guerric de lui assigner le présent échange dans la vallée de Châtillon. Cinq sceaux étaient appendus à l’acte de cet échange 2.
La régeste de l’inventaire aux archives de Morges nous semble devoir obtenir la préférence, quant à l’exactitude des faits rapportés, sur celui du cartulaire Wurstemberger. En effet, nous trouvons le sire Guerric d’Aubonne, chevalier, agissant encore en qualité de seigneur d’Aubonne, à une date postérieure à celle indiquée par le dit cartulaire comme étant la date de la cession de la seigneurie d’Aubonne; car, lorsque Gérard de Saint-Saphorin fit donation, en faveur du couvent de Bonmont, le 22e juillet 1256, de ce qu’il possédait dans la vigne (le vignoble) de Bougez (Bougy) 4, le sire Guerric d’Aubonne, chevalier, son épouse Clémence et ses fils Etienne, Jean et Aymon approuvèrent cette donation, dont l’objet relevait du fief du dit Guerric 3.
Quoi qu’il en soit, le 23e juin 1261, à Genève, Guerric d’Aubonne renonça, en faveur de Pierre de Savoie et de son épouse, Agnès de Faucigny, à toutes les réclamations qu’il pouvait leur adresser, à raison de la cession qu’il /169/ leur avait précédemment faite de la terre d’Aubonne, renonçant, en même temps, aux vingt livrées de terre (!) qui devaient lui être assignées, en vertu de cette cession 1.
Le sire Guerric aurait-il été joué, peut-être, par Pierre de Savoie, dans cette circonstance ? L’on n’ose guère s’en permettre la supposition, mais cela en a presque l’apparence.
L’on ignore si, à l’exemple de la plupart des dynastes vaudois, il avait prêté hommage au prince Pierre de Savoie, pour sa seigneurie d’Aubonne, ainsi que l’avait fait son neveu Jacques, pour la coseigneurie de ce lieu. Cela paraîtrait probable, toutefois on ne trouve pas d’indication à cet égard.
Guerric, l’ex-seigneur d’Aubonne, n’était plus vivant le 19e août 1263. A cette date le comte Rodolphe de Genève tenait, dans le nombre des fiefs à raison desquels il prêta alors hommage au comte Pierre de Savoie, la part que feu le sire Guerric d’Aubonne avait possédée au dit Aubonne 2. Cette part ne demeura pas au comte de Genève. L’on sait qu’en vertu d’une sentence arbitrale, rendue le 3e août 1271, par Edmond, fils du roi d’Angleterre et Philippe, comte de Savoie et de Bourgogne, Béatrice, comtesse de Viennois et dame de Faucigny, fille du comte Pierre de Savoie, céda à sa tante maternelle, Béatrice, dame de Thoire et de Villars, la seigneurie d’Aubonne et d’autres terres pour satisfaire aux prétentions de celle-ci à la /170/ succession d’Aymon, sire de Faucigny, son père 1. Aubonne appartint donc à la puissante maison de Thoire et de Villars, sous la mouvance du comte de Savoie.
Guerric, seigneur d’Aubonne pendant de longues années, atteignit un âge très avancé, puisque il apparaît déjà, en 1197, lorsqu’il approuva, avec sa mère Gerriette et son frère Jacques, le traité que son père avait fait avec l’abbaye de Bonmont. Il était sans doute bien jeune alors 2.
On ignore quelle était l’extraction de son épouse Clémence, que nous avons trouvée mentionnée sous les années 1237, 1256 et 1259 3.
Trois fils du sire Guerric d’Aubonne nous sont connus par les documents, savoir :
1o Etienne, qui approuva, en 1256, la donation faite par Gérard de Saint-Saphorin en faveur du couvent de Bonmont, et qui donna son consentement, en 1259, à l’aliénation faite par son père, à titre d’échange, de la seigneurie d’Aubonne. Etienne, fils du sire Guerric, n’est pas nommé dans d’autres documents 4. /171/
2o Jean. Nous rapporterons, dans l’article suivant, ce qui le concerne.
3o Aymon. Celui-ci approuva, ainsi que nous l’avons rapporté, la donation faite par Gérard de Saint-Saphorin, sous l’année 1256, en faveur du couvent de Bonmont, et il est, sans aucun doute, l’un des fils du sire Guerric qui, indépendamment d’Etienne, approuvèrent la cession de la seigneurie d’Aubonne, faite à Pierre de Savoie. Aymon d’Aubonne renonça au monde et devint moine dans l’important couvent de Saint-Oyen. Il est mentionné comme tel, le dimanche après la fête de l’Assomption de la Vierge, de l’année 1292. Il devait alors approuver l’aliénation que son frère Jean avait faite, en faveur du couvent de Bonmont, d’un muid de blé, sur la tierce part de la grande dîme de Begnins, et le don fait par le dit Jean, au même couvent, d’un homme, nommé Biordarre. (Voir plus loin.)
SEPTIÈME DEGRÉ.
JEAN (II) D’AUBONNE
Donzel.
Nous avons trouvé Jean, le second des fils du sire Guerric d’Aubonne, approuvant la donation faite, le 22e juillet 1256, en faveur du couvent de Bonmont, par Gérard de Saint-Saphorin. On ne peut pas mettre en doute qu’il n’ait été aussi un des fils du sire Guerric qui consentirent /172/ à la cession de la seigneurie d’Aubonne, faite par leur père, en faveur de Pierre de Savoie.
On se rappelle que le sire Guerric avait excepté, de la cession précitée, les fiefs qu’il tenait, tant du sire de Prangins que de celui de Gex. Ces fiefs, qui ne sont pas désignés, paraissent avoir passé à son fils Jean.
L’official de Genève notifie, sous l’année 1292, le dimanche après la fête de l’Assomption de la Vierge, que Jean d’Aubonne, donzel, ayant aliéné, en faveur du couvent de Bonmont, un muid de blé, à la mesure de Nyon, qu’il percevait (annuellement) sur la tierce part de la grande dîme de Begnins, et ayant fait don, au même couvent, à titre d’aumône, d’un homme nommé Pierre Biordarre et de ses hoirs, promettant de faire approuver le tout par son fils Symon et le sire Aymon, son frère, moine de Saint-Oyen, lorsqu’il viendrait; l’official de Genève notifie, disons-nous, que Perret de May (de Mex), et Rolet, son frère, se sont constitués les garants des prédits don et aliénation de cense, et ont promis qu’ils tiendraient otage, à leurs propres dépens, lorsqu’ils en seraient requis, si Jean d’Aubonne manquait à ses engagements 1.
Le 4e des nones de décembre (2e du dit mois) de l’année 1295, Jean d’Aubonne, fils de feu Guerric d’Aubonne, chevalier, et Symon, son fils (du dit Jean), vendent à l’abbaye de Bonmont, pour le prix de 20 livres, deux hommes taillables, nommés Jacques du Nant, de Visinay, et Etienne du Nant, parent de celui-ci. Cette vente est approuvée et ratifiée par les enfants de Jean d’Aubonne, savoir : Symon, Guillaume, Jaquet et Henri, ses fils, et Marguerite, Jaquette et Clémence, ses filles. L’acte de cette /173/ aliénation est muni du sceau de l’official de Genève, de celui de Pierre, châtelain des Monts et de Perroy et du sceau de Jean d’Aubonne 1. Sur ce dernier sceau, malheureusement endommagé, se voit distinctement une étoile, placée à la pointe de l’écu 2.
D’autres documents faisant mention du donzel Jean d’Aubonne, fils du sire Guerric, ne nous sont pas connus. Le nom de l’épouse de ce donzel est ignoré. Nous avons trouvé ses enfants nommés dans les chartes que nous avons citées. Ce sont :
1o Symon, l’aîné, sans doute, qui devait ratifier le don fait par son père, en l’année 1292, en faveur du couvent de Bonmont, ainsi que l’aliénation d’une cense sur la tierce part de la grande dîme de Begnins. Symon nous est encore apparu, en 1295, lorsqu’il vendit, de concert avec son prédit père, deux hommes taillables au même couvent.
2o Guillaume (soit Guillerme), qui ratifia la vente précitée, ainsi que ses frères.
3o Jaques et
4o Henri.
5o Marguerite.
6o Jaquette.
7o Clémence. Ces trois filles de Jean d’Aubonne ratifièrent aussi la vente faite par leur père et leur frère Symon, en faveur de l’abbaye de Bonmont.
On ignore quelle fut la destinée de ces divers enfants de Jean d’Aubonne, fils du sire Guerric. On peut supposer qu’avec eux s’éteignit, dans une obscurité relative, la branche aînée de l’antique maison d’Aubonne. /174/
A l’époque où vivait le prénommé Jean d’Aubonne, un Jeannin d’Aubonne, donzel, vidomne de Divonne, est nommé dans les documents (de 1289 à 1316, inclusivement). Quoi que Jean et Jeannin soient au fond le même prénom, nous ne présumons pas qu’il y ait identité de personnes entre le fils de sire Guerric, toujours nommé Jean et le vidomne de Divonne constamment appelé Jeannin, et nous supposons que celui-ci appartenait à une famille de ministériaux d’Aubonne. Toutefois, il y avait des points communs entre eux. Tous deux avaient des fils portant les prénoms de Guillaume et de Jaquet, et Jean d’Aubonne, tout comme Jeannin d’Aubonne, possédait des taillables au village de Visinay (Vesenay, village situé dans la proximité de Divonne). Jaquet, fils de Jeannin d’Aubonne, vidomne de Divonne, était clerc et tenait, du couvent de Bonmont, en l’année 1307 (23 juin), pour le terme de trois années, le personnat de l’église de Crassier 1. Le mercredi après l’Epiphanie de l’an du Seigneur 1316, à Bonmont, Jaquet, fils de Jeannin d’Aubonne, vidomne de Divonne, reconnaît devoir à l’abbé Etienne et à son couvent de Bonmont, 4 livres de Genève, pour arrérages du blé dû par lui à raison de l’abergement du personnat de l’église de Crassier. Il les assigne sur ses hommes de Visinay, savoir: Guillaume, fils de feu Pierre du Nant, et les frères Etienne et Pierre du Nant, lesquels lui avaient été concédés par son père, en vertu d’une transaction, et qui étaient engagés, pour 20 autres livres de Genève, à la dite abbaye de Bonmont, pour le fait du personnat précité. Aymon de Bretigny et Michel de Gingins, moines de Bonmont, sont les /175/ témoins de la reconnaissance de Jaquet, fils de Jeannin d’Aubonne 1. Un troisième fils, nommé Jean, de ce même vidomne de Divonne, est mentionné sous l’année 1341 2 .
Avant de raconter ce qui concerne Jacques, frère du sire Guerric, et la branche de sa famille dont il fut l’auteur, soit celle des coseigneurs d’Aubonne, nous indiquerons ce qui regarde Pierre, dit Putot, le cadet des fils de Nantelme (II), sire d’Aubonne, dont la postérité masculine s’éteignit avec son fils.
SIXIÈME DEGRÉ.
PIERRE (II) D’AUBONNE, DIT PUTOT
(PUTOZ, PUTOU, PUTOUX, PUTHOUD, PUTOD, PUTHOD, PUTTOT. Posthume),
Coseigneur d’Aubonne, chevalier.
Ainsi que son surnom l’indique, Pierre d’Aubonne était né, sans doute, après la mort de son père et avait eu ainsi pour mère Alix, la seconde épouse de celui-ci 3.
Nous avons rapporté que, le 4 avril 1208, le recteur Berthold, duc de Zæhringen, inféoda au sire Guerric, à /176/ Jacques et à Pierre, seigneurs d’Aubonne, diverses montagnes du Jura vaudois, situées dans le voisinage de leur seigneurie. (Voir ci-devant pag. 159.)
Nous avons aussi indiqué que le cartulaire de Lausanne citait Guerric et P(ierre), son frère et Jacques d’Aubonne dans le nombre des témoins de la composition faite le 13 des kalendes de juillet 1226, entre l’évêque de Lausanne et le sire Aymon de Faucigny, au sujet de l’avouerie de l’église de Lausanne.
La participation, au mois d’avril 1234, de Pierre d’Aubonne, dit Putou, comme l’un des seigneurs d’Aubonne, à la transaction faite entre les seigneurs et les bourgeois de ce lieu, désignée sous le nom de Franchises d’Aubonne, a aussi été rapportée; et nous avons fait observer, à cette occasion, que la ville d’Aubonne était alors partagée entre les trois seigneurs. Ces parts étaient inégales, celle de Guerric étant la plus considérable et la part de Pierre la plus petite.
Aymon, évêque de Genève, notifie, sous l’année 1237, que Pierre Putoz d’Aubonne, chevalier, et Froyn, son épouse, ont reconnu, en sa présence, avoir donné, à titre d’aumône, à Michel, abbé de Bonmont et à son couvent, leur moulin de Bougy (de Bougye), de telle manière que si le dit chevalier Pierre procrée avec son épouse un héritier mâle, le moulin lui restera et il fera alors une aumône équivalente au couvent. L’abbé lui acense le dit moulin, à titre viager, sous douze deniers, payables chaque année à la fête de la B. Marie, au mois d’août. Le chevalier Pierre Putoz d’Aubonne assigne, en faveur du couvent de Bonmont, sur le moulin précité, sept sols censuels, pour le remède de l’âme de son fils Guerric, payables à la même /177/ époque, et jusqu’à ce qu’il les assigne ailleurs compétemment. L’évêque Aymon apposa son sceau à la charte de cette donation 1.
Au mois de juin 1238, Pierre Putoz, frère de Guerric, sire d’Aubonne, et Froyn, son épouse, approuvèrent la donation faite par Savaric, miles d’Aubonne, en faveur du couvent de Romainmotier, d’une maison et d’un chésal, situés dans le bourg d’Aubonne. La moitié du prédit chésal était mouvante du fief du prénommé Pierre Putoz. (Voir ci-devant, pag. 166.)
Le 13 des kalendes de septembre de la même année 1238, à Lausanne, en présence de témoins, P(ierre) d’Aubonne, chevalier, dit Putouz, donne au chapitre de Lausanne, à titre d’aumône, pour la célébration de son anniversaire, une forêt, appelée li Fay, sa propriété allodiale, située au-dessous du château de Dommartin 2. Le mayor de ce lieu la tenait de lui à titre de fief. En retour de cette aumône, le chapitre donna 40 sols au chevalier Pierre, outre le plaît de trois de ses amis 3.
Dans la part de la seigneurie d’Aubonne échue au cadet des fils du sire Nantelme (II) se trouvait l’avouerie et la moitié de la garde de Trévelin. Il s’agit sans doute ici de l’église de ce nom, qui était alors l’église paroissiale d’Aubonne, le lieu nommé Trévelin étant très rapproché /178/ de cette ville 1. Cette église dépendait du prieuré d’Etoy 2 , et l’avouerie et la garde en appartenaient aux seigneurs d’Aubonne. Sous l’année 1269, Pierre Putot, mari de dame Binfa, engagea l’avouerie et la moitié de la garde précitées 3 , engagère qui paraît avoir été faite en faveur de Jacques (III), coseigneur d’Aubonne, neveu de Pierre Putot 4. /179/
Dame Froyn, la première épouse du chevalier Pierre d’Aubonne, dit Putoz, nous est apparue sous les années 1237 et 1238. Son extraction n’est pas connue. A la première de ces dates, Pierre d’Aubonne n’avait pas d’héritier mâle, ayant perdu son fils Guerric. Il en eut un plus tard.
On ignore aussi à quelle famille appartenait dame Binfa, la seconde épouse du chevalier Pierre, coseigneur d’Aubonne, citée sous l’année 1269, et n’étant pas nommée dans d’autres documents.
Ce coseigneur d’Aubonne laissa trois enfants, savoir :
1o François, né, supposons-nous, de dame Binfa, sur lequel on a peu de lumières, et qui ne paraît pas s’être marié. En 1283, François, fils du feu sire Pierre, dit Puttot, coseigneur d’Aubonne, fit donation entre vifs de tous ses biens, en faveur de sa bien-aimée sœur Alexie, de ses fils et de ses filles, procréés ou à procréer, avec son mari Pierre, citoyen de Lausanne, fils de Pierre, dit d’Aubonne, lesquels étaient ses héritiers 1. Avec lui s’éteignit la postérité masculine de Pierre, dit Putot, chevalier, coseigneur d’Aubonne, fils cadet de Nantelme (II), sire d’Aubonne.
2o Alexie, épouse, en 1283, ainsi que nous venons de le voir, de Pierre (III) d’Aubonne, citoyen de Lausanne, dont elle eut deux fils nommés Girard et Etienne, lesquels réclamaient, en l’année 1310, tant au nom de leur mère Alexie, remariée avec Pierre de Prangins 2 , qu’en leur propre nom, d’Amédée de Villars, sire d’Aubonne, leur part de l’héritage de Pierre, dit Puthoud, coseigneur /180/ d’Aubonne, leur aïeul maternel 1. Un arrangement entre les parties paraît avoir été fait au sujet de ces réclamations 2. Quoi qu’il en soit, le 13e février de l’an du Seigneur 1392, Michel, fils de feu Perret, dit d’Aubonne, citoyen de Lausanne, fit cession, sur les mains de Jean Monrichier, d’Aubonne, clerc, au sire Othon de Grandson, /181/ seigneur de Sainte-Croix et d’Aubonne, du titre de la donation faite par François, fils de Pierre, dit Puttot, coseigneur d’Aubonne, en faveur de sa sœur Alexie et de ses enfants, et cela selon la teneur de ce titre 1. Alexie d’Aubonne, mère de Girard et d’Etienne d’Aubonne, n’était plus vivante au mois d’octobre 1312 2.
3o Etiennette, épouse de Jean de Saint-Oyen, donzel. Celle ci et son dit mari, en l’année 1293, se désistèrent, en faveur de l’abbaye de Théla, des prétentions qu’ils avaient élevées contre elle et lui cédèrent les droits qu’ils pouvaient avoir sur les bois Lambert, ceux d’Archent et d’autres biens, procédés de leur héritage paternel et maternel 3. On se rappelle qu’Humbert (I), sire d’Aubonne, avait fait don à l’abbaye précitée, en 1154, en vue du salut de son âme, des terres de Bois-Lambert et d’Archent et de ses droits aux dîmes du territoire de Montenon, dans le Jorat, indépendamment d’autres biens situés dans le voisinage du château de Prangins. (Voir ci-devant, pag. 144 et la suivante.) Mais, quelle interprétation peut-on donner aux expressions d’héritage maternel, employées aussi dans la cession faite par Etiennette d’Aubonne et son mari en faveur de l’abbaye de Théla ? Faut-il inférer de ces expressions que la mère de la prédite Etiennette (on ignore si ce fut dame Froyn ou dame Binfa) était aussi une descendante d’Humbert, sire d’Aubonne, le donateur, au couvent de Théla, des terres de Bois-Lambert et d’Archens ?
/182/
LES COSEIGNEURS D’AUBONNE
SIXIÈME DEGRÉ
JACQUES (II), COSEIGNEUR D’AUBONNE
Chevalier.
L’auteur de la branche des coseigneurs d’Aubonne, qui survécut à la branche aînée de la maison de ce nom, est Jacques, le second des fils de Nantelme (II), sire d’Aubonne. On se rappelle qu’au mois de mars de l’année 1197 (nouveau style), il approuva, avec sa mère Gerriette et son frère Guerric, la convention que son père avait faite avec le couvent de Bonmont. (Voir ci-devant, pag. 154.)
En 1208 (4e avril), Jacques est l’un des seigneurs d’Aubonne, auxquels le duc Berthold de Zæhringen inféode diverses montagnes sur le Jura vaudois. Ses frères Guerric et Pierre sont les autres seigneurs de ce lieu, et le tout était sans doute tenu en indivision, puisque Pierre, le cadet des trois, était alors très jeune.
L’époque, où les fils du sire Nantelme (II) firent le partage de la succession de leur père, n’est pas connue. La part de la seigneurie d’Aubonne obtenue par Jacques /183/ était importante. Aussi celui-ci s’intitule-t-il fréquemment seigneur (dominus) d’Aubonne, tout comme son frère Guerric le faisait de son côté.
Le 16 des kal. de mars de l’année 1212 de l’Incarnation (15e février 1213), Jacques, sire d’Aubonne, confirma à perpétuité, en faveur de la chartreuse d’Oujon, toutes les donations émanées de ses prédécesseurs, ainsi que celles des acquisitions faites, par les religieux, dans les limites de leur couvent, qui relevaient de sa seigneurie. Il fit cette confirmation à Oujon, dans le cloître du couvent, sur les mains du prieur Gaucher et en présence des religieux. Et comme Jacques d’Aubonne n’avait pas encore de sceau, il demanda que le chapitre de Genève apposât le sien à l’instrument de sa concession, dont furent les témoins : Conon, miles de Cossonay, Uboz des Clées (des Cleies), Gaucher de Bière et Gaucher de Vilar 1.
Jacques d’Aubonne fut un bienfaiteur de la chartreuse d’Oujon, comme nous le verrons.
Le 8e des kal. de septembre de l’année 1217, Jacques, sire d’Aubonne, approuva un don fait par Jean de Lully (de Lulie) au chapitre de Lausanne, concernant le cours de l’eau du moulin de Tolochenaz, dans le cas où ce don, qui consistait en une parcelle de champ, serait mouvant de son fief. Cette approbation eut lieu à Aubonne, en présence, entr’autres, de Ja(cques), d’Aubonne, chevalier 2. On n’a pas oublié que celui-ci était l’oncle paternel de Jacques, sire d’Aubonne.
Ce dernier est titré de chevalier et de sire d’Aubonne, lorsque, le 8 des nones d’octobre de la même année 1217, /184/ il fut l’un des témoins, à Lausanne, dans la chambre de l’évêque, d’un accord fait entre le chapitre et Ambroisie, veuve de Vuarnier de Mézery, au sujet d’une maison procédée de celui-ci 1.
Nous avons dit plus haut que ce seigneur fut un bienfaiteur de la chartreuse d’Oujon. L’an de grâce 1219, Jacques d’Aubonne, chevalier, avec l’approbation de son épouse Béatrice, fit un don considérable à cette maison religieuse, à titre d’aumône pure et perpétuelle, pour le salut de son âme, de celles de son épouse, de ses parents et de ses prédécesseurs, savoir: le don de son chésal (casaldum, domaine rural) appelé Mimoreis 2 et de ce que d’autres personnes pouvaient tenir des appartenances de ce chésal, sans exception aucune, ni réserve en sa faveur ou en faveur de ses héritiers. Le chésal précité, donné pour l’amour de Dieu et le secours (subsidium) de la chartreuse d’Oujon, en toute intégrité et pleine seigneurie, était procédé de la part de l’héritage paternel du donateur et de la seigneurie d’Aubonne (ex hereditate paterna et honore de Albona). Jacques d’Aubonne voulut qu’en témoignage de l’inviolabilité de sa donation, Berthold, évêque de Lausanne et Aymon, évêque de Genève, apposassent leurs sceaux à l’instrument qui la relatait, ainsi que le très noble Jean, sire de Prangins 3.
Plus tard, Jacques d’Aubonne ajouta à ce don celui de la dîme de Mimorey (Mimore). Par une charte datée de /185/ Genève, le 9e des kal. d’octobre 1235, Aymon, évêque de Genève, notifie la donation que Jacques d’Aubonne, chevalier, du consentement de la noble dame son épouse, et de ses fils et héritiers, a faite en faveur de la chartreuse d’Oujon, à titre de perpétuelle aumône, de la dîme précitée 1. A l’instance du donateur, l’évêque Aymon confirma cette donation, dont il scella l’instrument 2.
Une autre concession fut encore faite à la même chartreuse par Jacques d’Aubonne, à une date qui n’est pas indiquée. Ce fut celle de la pêche, dans sa seigneurie, la 6e férie, soit le vendredi, et aussi du pâturage, pour les bestiaux du couvent, de toute espèce, dans les bois et les autres terres de sa dite seigneurie. Il pria le seigneur évêque de Genève de notifier cette concession au moyen d’une charte scellée par lui 3.
Nous avons rapporté, à propos du sire Guerric d’Aubonne, le traité fait dans l’année 1226, entre lui et Jacques, son frère, tous deux seigneurs d’Aubonne, lequel devait terminer leurs différends et leur permettre de vivre désormais en paix. Nous ne reviendrons pas, en conséquence, sur ce sujet.
Sous l’année 1233 de l’Incarnation, on trouve Jacques, seigneur d’Aubonne, à Chillon, dans le nombre des témoins d’une donation faite par Aymon, fils du défunt comte Thomas de Savoie, en faveur du couvent d’Hauterive, de six livres lausannoises censuelles, pour la prébende d’un moine, assignées sur deux des quatre /186/ moulins de Moudon 1. Le même Jacques d’Aubonne est encore nommé, avec Henri de Champvent et Guillaume de Greysier, comme témoin du testament d’Aymon, sire de Faucigny, daté de Châtillon, au mois de février 1233 (vieux style) 2.
Nous rappellerons ici, toutefois sans en rapporter de nouveau les dispositions, la transaction du mois d’avril 1234, connue sous le nom de Franchises d’Aubonne, à laquelle Jacques, l’un des trois seigneurs d’Aubonne, prit part. On n’a pas oublié que, dans cet acte important, les droits des seigneurs, d’un côté, et ceux des bourgeois, de l’autre, sont déclarés et reconnus. (Voir ci-devant, pag. 162.) On apprend par ce document que la forêt d’Etoy appartenait au sire Jacques 3.
Sous la même année 1234, le jour de la fête de Ste Cécile, Jacques d’Aubonne, chevalier, fut, à Lausanne, l’un des témoins de l’abandon fait au prévôt et au chapitre de cette ville, par le chevalier P. de Chablie et son fils W., de leurs prétentions sur Humbert Blanc (album), de Vuarrens, son ténement et ses héritiers, et sur d’autres biens au dit Vuarrens 4.
Le couvent de Bonmont fut aussi l’objet des libéralités de Jacques, sire d’Aubonne. En l’année 1235, du consentement de dame Béatrice, son épouse, et de ses /187/ fils Jacques et Jean, il lui concéda, à titre d’aumône, par les mains de Michel, abbé de ce monastère, un chésal, appelé Mounal, sa propriété allodiale, situé au-dessous de l’église de Saint-Martin de Bougy, afin que le couvent de Bonmont y construisît un moulin, pour son usage. Le sire Jacques apposa son sceau à l’acte de cette concession 1. Déjà précédemment (aux environs de l’année 1221, peut-on supposer), il avait fait l’abandon, en faveur du même couvent, des droits qu’il avait ou pouvait avoir sur Albert et Guillaume, fils de Pierre Botelier, de Saint-Oyen de Rottères, et sur leur manse et ses appartenances, donnés au dit couvent par Pierre, fils du sire Jacques d’Aubonne, son parent. Le donateur avait scellé la charte non datée de cette concession 2.
Jacques, coseigneur d’Aubonne, chevalier, décéda en 1236 (soit peut-être déjà vers la fin de l’année précédente). Il avait épousé la noble dame Béatrice, dont la famille n’est pas connue et qui lui survécut longtemps. Cette dame fit, de son côté, divers dons à des églises, ainsi que nous allons le rapporter.
En l’année 1236, à Aubonne, Béatrice, veuve du sire Jacques d’Aubonne, son fils Jacques et ses autres fils et filles, non nommés, pour le salut de l’âme de leur dit mari et père, aussi pour leur propre salut et celui de tous leurs prédécesseurs et parents, concédèrent à la chartreuse d’Oujon, à titre d’aumône perpétuelle, quatre /188/ sols genevois censuels sur l’abergement de Boson de Bugnon à (apud) Dullit. Et afin que cette cense fût payée intégralement, à termes fixes, les donateurs libérèrent le dit abergement de toute pelucherie, exemptant l’abergataire de tout ban, de toute cense et de tout droit sur sa personne et ses biens, et lui ordonnant d’acquitter chaque année, pacifiquement, les quatre sols précités. Dame Béatrice fit sceller l’instrument de cette donation par son fils Jacques 1.
On pourrait présumer, cependant, que l’accomplissement de la concession sus-mentionnée éprouva des difficultés, puisque, huit années plus tard, les donateurs la renouvelèrent et reçurent, à cette occasion, une rémunération du couvent d’Oujon. Au mois de mai 1244, dans leur château d’Aubonne, dame Béatrice, ses fils Jacques et Jean, et ses filles Jordane, Alix, Léonnette et Clémence répétèrent la même donation, dans laquelle il fut spécifié que Guerric, sire d’Aubonne, et son héritier seraient perpétuellement les fidéjusseurs, envers la maison d’Oujon, à l’égard du dommage que les donateurs pourraient causer à l’abergataire Boson ou des exactions qu’ils se permettraient à son égard. Ce dommage serait restitué à celui-ci par le sire Guerric et son héritier, huit jours après qu’ils en auraient été avertis, sinon ils tiendraient otage, au château d’Aubonne, jusqu’à ce que le couvent d’Oujon et l’abergataire Boson eussent été satisfaits. En retour de l’observation fidèle de ces engagements, Béatrice d’Aubonne et ses enfants acceptèrent de la maison d’Oujon vingt sols lausannois /189/ et la chair d’un bœuf, valant vingt sols. Jacques, fils de Béatrice et le sire Guerric d’Aubonne scellèrent la charte de cette donation 1.
Le 1er juillet de l’année 1237, Béatrice, veuve de Jacques, chevalier, seigneur d’Aubonne, donna à l’abbaye de Bonmont, du consentement de ses fils Jacques et Jean et de toutes ses filles, les terres qu’elle possédait au-dessus du village de Féchy, depuis les vignes jusqu’au chemin appelé Muneressi. Le couvent de Bonmont, en retour, lui donna six livres lausannoises, employées par la donatrice au payement de l’aumône faite par son défunt mari (probablement en faveur du même couvent de Bonmont). Aymon, évêque de Genève, notifia cette donation et en scella l’instrument, ainsi que la veuve Béatrice 2.
Au mois de juillet 1238, la même Béatrice et son fils Jacques imposèrent un ban de trois sols à toute personne de leur seigneurie qui se permettrait de violer la clôture du manse de Mimorey, donné à Dieu et à la maison d’Oujon par feu le sire Jacques d’Aubonne et la dite Béatrice, et de causer du dommage à ses habitants. Nul ne devait pénétrer dans le dit clos autrement que par la porte qui lui serait volontairement ouverte. Le ban imposé serait augmenté selon la gravité du cas. Il serait payé par quiconque oserait gager les habitants de Mimorey sans avoir recouru auparavant à la dite Béatrice et à son fils, et sans que le prieur d’Oujon eût refusé de lui rendre justice. Enfin, dame Béatrice et son fils terminèrent un différend qui avait surgi entre les habitants /190/ de leur village de Coinsins et la dite chartreuse, relativement à un changement de cours d’eau et à l’extension d’une clôture établie par les religieux pour une terre du commun de Coinsins, concédée au couvent par le dit village 1. — Ainsi Coinsins faisait partie de la coseigneurie d’Aubonne.
Dame Béatrice vivait encore dans l’année 1262. (Voir plus loin.) Jacques, coseigneur d’Aubonne, chevalier, eut d’elle les enfants suivants :
1o Jacques (III), dont l’article suit.
2o Jean (I), apparaissant en 1235, 1237 et 1244. Est-ce lui que le sire Guerric d’Aubonne avait en vue, lors qu’il excepta de la cession qu’il faisait de la terre d’Aubonne à Pierre de Savoie le droit qu’il avait sur Jean d’Aubonne et ses frères et leurs ténements, dans la ville d’Aubonne ?
3o Jordane, nommée sous l’année 1244 2. Dame Jordane, sœur de Jacques, coseigneur d’Aubonne, fit un legs au couvent de Bonmont. (Voir plus loin.)
4o Alix, apparaissant aussi en 1244.
5o Léonette, et 6o Clémence, également nommées sous la même année 1244.
La destinée des filles de Jacques, coseigneur d’Aubonne, ne nous est pas connue.
Ce seigneur scellait avec un sceau équestre, sur l’écu /191/ duquel on voit un croissant contourné, accompagné de trois étoiles, deux en chef et une en pointe 1.
SEPTIÈME DEGRÉ.
JACQUES (III), COSEIGNEUR D’AUBONNE
Donzel.
Au mois de mars de l’année 1242, à Aubonne, Jacques, sire d’Aubonne, fils de Jacques, du consentement de sa mère Béatrice, remit à Pierre de Savoie, par les mains de Guillaume de Greysier, délégué de ce prince, toute la part du château et du bourg d’Aubonne que lui et son fils tenaient; et il la reprit de lui en fief. Le dit Jacques, qui reçut cent livres de Pierre de Savoie dans cette circonstance, devint l’homme de celui-ci, sous réserve de la fidélité qu’il devait à un seigneur. Il fut convenu que s’il avait plusieurs fils, l’un d’eux serait l’homme (exclusivement) du prince Pierre 2. Ce seigneur, dont Jacques d’Aubonne réserva la féauté, était probablement le sire de Prangins 3. On se rappelle que le sire Humbert d’Aubonne était l’homme de Pierre, sire de Prangins (et /192/ de Cossonay), à raison de divers fiefs situés dans les environs du château de Prangins.
Jacques d’Aubonne fut donc l’un des premiers dynastes de la patrie de Vaud qui prêtèrent hommage au petit Charlemagne. Cette branche de la maison d’Aubonne était, paraît-il, dans de bons rapports avec la maison princière de Savoie et ses alliés, puisque nous avons trouvé le sire Jacques (II) d’Aubonne, à Chillon, étant l’un des témoins d’une donation d’Aymon de Savoie en faveur du couvent d’Hauterive, et étant aussi le témoin, à Châtillon, du testament d’Aymon, sire de Faucigny, beau-père du prince Pierre de Savoie. (Voir ci-devant, pag. 185 et la suivante.)
Par une charte datée du vendredi avant la fête de Noël de l’année 1262, Henri, évêque de Genève, notifie que, en sa présence, Jaquet (Jacques) d’Aubonne, avec l’approbation de sa mère Béatrice, a vendu à l’église de Romainmotier, pour le prix de douze livres et un demi-muid de froment, le ténement que Jean Bazans tenait du vendeur, avec ses appartenances. Jacques d’Aubonne garantirait cette vente, et lorsque ses fils auraient atteint l’âge de puberté, il la leur ferait ratifier. Cette promesse-ci ne pouvait dans aucun cas s’appliquer à celui des fils du vendeur que nous avons trouvé mentionné sous l’année 1242, lequel devait être arrivé dès longtemps à l’âge de puberté. L’évêque de Genève et Jacques d’Aubonne apposèrent leurs sceaux à l’instrument de la prédite vente 1.
Jacques d’Allaman, homme lige de Jacques d’Aubonne, donzel, celui-là fils de feu Jean d’Allaman, dit de la Fulli, /193/ en son vivant aussi homme lige du prédit Jacques d’Aubonne, ayant vendu, à l’abbaye de Bonmont, du consentement de sa mère Jaquette et de sa sœur Perrette et avec l’approbation du prénommé Jacques d’Aubonne, la vigne, dite de Prella, située à Allaman, au-dessous de celle de la dite abbaye, pour le prix de quinze livres et cinq sols, le prédit Jacques d’Aubonne notifie cette vente, faite du consentement de Jaquet et Pierre d’Allaman, oncles du vendeur et également hommes liges du coseigneur d’Aubonne, par une charte datée des ides de janvier 1262 (13e janvier 1263, nouveau style) et scellée par lui et par Guidon, abbé du Lac de Joux 1.
Au mois de mai de l’année 1263, Jacques, coseigneur d’Aubonne, inféode à Henri de Corbières, donzel, du diocèse de Lausanne, moyennant le prix de vingt livres, quelques-uns de ses hommes, avec les droits qu’il a sur eux et spécialement la moitié du vin clair et des lies des vignes qu’ils tiennent de lui aux territoires de Jolens et de Vufflens (cinq hommes à Jolens et un homme à Vufflens). Il les inféode avec leurs héritiers et les droits de seigneurie qu’il a sur eux. Le prénommé coseigneur d’Aubonne et Jacques d’Allaman (voy. plus haut) promettent de maintenir cette vente et se soumettent, en ce qui la concerne, à la jurisdiction des évêques de Genève et de Lausanne et de leurs officiaux, lesquels pourront les excommunier, le cas échéant. Jean, évêque de Lausanne, et Henri, évêque de Genève, scellent l’instrument de cette vente, faite à titre de fief 2. /194/
Jacques d’Aubonne fut l’un des nobles du Pays de Vaud qui accompagnèrent le comte Pierre de Savoie en Flandre, d’où une expédition devait être dirigée sur l’Angleterre pour porter secours à la reine Eléonore, nièce du dit comte, expédition néanmoins qui n’eut pas lieu. Le comte Pierre, par un ordre daté de Dam, en Flandre, le 30e septembre 1264, enjoignit à son châtelain des Clées et à son bailli de Vaud de payer divers subsides aux nobles et aux chevaliers qui l’avaient accompagné. Selon cet ordre, Jacques d’Aubonne et son compagnon (son écuyer, sans doute) devaient recevoir vingt livres viennoises 1.
Au mois de mai de l’année 1272, Jacques, coseigneur d’Aubonne, donzel, fut, avec Humbert de Trélex, chevalier, le fidéjusseur de Jean, fils du feu chevalier Nicolas des Monts, lorsqu’il engagea au couvent de Romainmotier, pour quinze livres lausannoises, l’avouerie sur les hommes et les biens du prédit couvent dans le village de Mollens. Les fidéjusseurs tiendraient otage, à leurs propres dépens, à Saint-Prex, si le dit Jean des Monts molestait le couvent de Romainmotier au sujet de cette engagère, et cela jusqu’à ce que ce couvent, dans le mois qui suivrait sa réquisition, eût été pleinement satisfait, à l’arbitre d’hommes compétents (bonorum virorum). L’abbé Conon de Bonmont et Jacques, coseigneur d’Aubonne, scellèrent l’acte de cette mise en gage 2. [Note de l'édit. : Voyez la note 1 à la page 97 du Tome XXVIII des MDR]. L’année suivante (10e janvier), Jacques, coseigneur d’Aubonne, fut le fidéjusseur de Jean (II), sire de /195/ Prangins, lorsque celui-ci vendit au même couvent de Romainmotier, pour le prix de douze bonnes livres genevoises, tout ce qu’il possédait à Bursins. Le vendeur et Jacques, coseigneur d’Aubonne, apposèrent leurs sceaux à l’instrument de cette vente 1.
Au mois de juin de l’an du Seigneur 1274, Jean de Saint-Saphorin, donzel, avec l’approbation et l’exprès consentement de son seigneur Jacques, coseigneur d’Aubonne, donzel, de Marguerite, épouse de celui-ci et de ses fils Aymon et Jean, vend à Nicolas Magnin, bourgeois d’Aubonne, une vigne, située au territoire d’Allaman, avec son produit, soit la moitié du vin qui s’y récoltait. Jacques, coseigneur d’Aubonne, sera le fidéjusseur de cette vente, sous promesse, de la part du vendeur, d’être indemnisé par lui de tous dépens à cet égard. Le prénommé coseigneur d’Aubonne, à la prière du vendeur Jean de Saint-Saphorin, de sa propre épouse Marguerite et de ses fils, scella l’instrument de la vente faite par son vassal 2.
Humbert de Germagny, donzel, ayant vendu, avec l’approbation de Jacques d’Allaman, à Anselme Clarer, d’Alexandrie, bourgeois d’Aubonne, pour le prix de quatre livres et seize sols de Genève, Jean et Guillaume de Gymez (de Gimel), dits Cavallars, Agnès, leur tante, et le fils de celle-ci, avec tout leur ténement, Aymon, fils de Jacques, coseigneur d’Aubonne, par la volonté et sur l’ordre de son père et du vendeur Humbert, se porte le fidéjusseur de cette vente. Le prénommé coseigneur d’Aubonne, à la prière tant du /196/ vendeur Humbert, du fidéjusseur Aymon que de Jacques d’Allaman, suzerain du fief vendu, dont il a été indemnisé, appose son sceau à l’acte de la prédite vente, au mois de septembre de l’an du Seigneur 1274 1. Sans doute que les hommes vendus appartenaient à l’arrière-fief du coseigneur d’Aubonne.
On trouve Jacques d’Aubonne, donzel, nommé parmi les témoins d’une reconnaissance, dont la date n’est pas indiquée, faite par le même Jean, sire de Prangins, mentionné ci-dessus, en faveur du sire de Gex, et relative au fief que Jean de Genollier tenait, à Genollier, du prédit sire de Prangins, et qui était mouvant de l’arrière-fief de celui de Gex 2. La date de cette confession doit être placée entre les années 1270 et 1277. A cette dernière époque, Jacques (III), coseigneur d’Aubonne, n’était plus vivant, et son fils Jean se trouvait alors sous tutelle, ainsi que nous le verrons.
Ce seigneur éprouva la disgrâce de devenir le vassal d’Humbert, sire de Thoire et de Villars, à raison de sa coseigneurie de la ville d’Aubonne. Selon M. de Gingins (manuscrits), qui cite à cet égard l’historien Guichenon 3 , cet événement eut lieu en l’année 1268, lorsque le comte Philippe de Savoie et de Bourgogne, héritier du comte Pierre, son frère, céda au prédit sire de Thoire et de Villars la suzeraineté, soit la haute-seigneurie, d’Aubonne 4. Celui-ci, quelques années plus tard, étant /197/ devenu seigneur d’Aubonne, en vertu de la cession de cette seigneurie, faite à Béatrice de Faucigny, sa mère, par Béatrice, comtesse de Viennois et dame de Faucigny, fille du comte Pierre de Savoie (voir ci-devant, pag. 169), il en résulta que le coseigneur d’Aubonne devint et demeura le vassal du seigneur de ce lieu. A l’époque où la coseigneurie d’Aubonne avait été formée, elle était allodiale, soit patrimoniale, tout comme la seigneurie du même lieu, échue au sire Guerric, mais elle devint féodale lorsque Jacques (III) prêta hommage à Pierre de Savoie, ainsi que nous l’avons rapporté.
Marguerite, l’épouse de Jacques (III), coseigneur d’Aubonne, qui nous est récemment apparue, appartenait selon toute apparence à la famille d’Oron, puisque, dans une charte, datée de l’année 1285, Jean (III), coseigneur d’Aubonne, fils de cette dame, désigne Pierre d’Oron, évêque de Sion, son tuteur, comme étant son oncle maternel. (Voir plus loin 1.) Nous apprendrons que cette dame fit un legs testamentaire à l’abbaye de Bonmont.
En même temps que Marguerite, nous avons trouvé mentionnés deux fils qu’elle avait donnés à son mari, Jacques, coseigneur d’Aubonne, savoir : Aymon et Jean (III). /198/ Ce dernier, qui continua la lignée de sa famille, aura un article spécial. Ce qui concerne son frère aîné, Aymon, se réduit à peu de chose, ainsi qu’on va en juger.
On a vu plus haut que, dans le mois de septembre de l’année 1274, Aymon, fils de Jacques, coseigneur d’Aubonne, fut, sur l’ordre de son père, le fidéjusseur d’une vente de quelques hommes de Gimel, faite par le donzel Humbert de Germagny à Anselme Clarer, bourgeois d’Aubonne. Sans doute que le fils du coseigneur d’Aubonne n’avait pas encore atteint alors sa pleine majorité, puisqu’il agissait, dans cette circonstance, sur l’ordre de son père. Il est probable que le prénommé Aymon décéda jeune encore. Néanmoins, il laissa un fils bâtard, nommé Guillaume. Celui-ci, dans trois documents qui concernent des acquisitions de biens faites par lui à Lavigny, sous les années 1308, 1315 et 1327, est désigné comme étant le bâtard de feu le noble Aymon, coseigneur d’Aubonne 1.
Nous devons admettre qu’Artaud ou Altaud, coseigneur d’Aubonne, désigné comme étant le frère de Jean (voy. plus loin), était aussi un fils de Jacques (III), coseigneur d’Aubonne, probablement le plus jeune de ceux-ci. Jean et Artaud sont titrés chevaliers et coseigneurs d’Aubonne dans les lettres datées du 19e décembre 1301, par lesquelles Louis de Savoie, sire de Vaud, leur accorda l’autorisation de racheter le village de Marchissy. (Voir plus loin). Le 20e octobre précédent, le fief de Disy, à Aubonne, avait été reconnu en faveur des deux frères, ainsi que cela est indiqué dans la Grosse Bruneri. (Voir /199/ ci-après.) Artaud d’Aubonne fit une vente importante de biens et de revenus féodaux, situés à Gimel, Longirod, Saint-Georges, Burtigny et Marchissy, et qui étaient des alleux, en faveur du couvent de Romainmotier, qui lui concéda, le 10e décembre 1306, le droit de les racheter pour mille livres, savoir: six cent septante livres pour la dîme de Gimel, réemptionnée par lui de l’église de Saint Pierre de Gimel, et trois cent cinquante livres [Note de l’édit. : Voyez Note 2, page 286] pour les autres biens 1. Artaud, coseigneur d’Aubonne, chevalier, est qualifié de bailli de Vaud dans l’acte de cette concession. Il paraîtrait avoir rempli cette haute fonction pendant plusieurs années 2. On n’apprend pas qu’il ait été marié et on ne lui connaît aucune postérité. Comme il survécut à son frère Jean, on doit présumer que le fils de celui-ci, aussi nommé Jean, fut son héritier, du moins ce dernier posséda-t-il toute la coseigneurie d’Aubonne. L’époque du décès d’Artaud d’Aubonne n’est pas connue. Dans un acte daté de l’année 1380, Antoine, coseigneur d’Aubonne, rappelle son père Jean et son (grand) oncle Artaud, frère de Jean (III, son aïeul).
Nous aurions encore à nous occuper de ce qui pourrait concerner le fils aîné de Jacques (III), coseigneur d’Aubonne, mentionné sous l’année 1242, lorsque son père reconnut la suzeraineté de Pierre de Savoie. Ce fils paraît avoir été un Louis, coseigneur d’Aubonne, dont on trouve /200/ les traces dans quelques documents, mais dont l’existence est néanmoins très obscure. Nous reviendrons sur son sujet.
HUITIÈME DEGRÉ.
JEAN (III), COSEIGNEUR D’AUBONNE
Chevalier.
Au mois d’octobre de l’année 1277, Guillaume de Lavigny, mestral d’Aubonne, de la part de feu Jacques, coseigneur d’Aubonne, vend à Pierre (d’Oron), évêque de Sion, tuteur de Jannin, fils du prénommé feu coseigneur Jacques, la mestralie du dit Aubonne, avec ses droits, prééminences et appartenances, pour le prix de dix livres, outre une vache. Cet office faisait partie de l’abergement (soit de l’apanage) du prédit Jannin d’Aubonne 1.
Celui-ci n’était plus mineur en l’année 1285. Par une charte, datée du mois de septembre de la dite année, Jean, fils de feu Jacques, coseigneur d’Aubonne, nous apprend que par ordre de son père et de la dame (domine) sa mère, il a été placé, pendant les années de sa minorité, sous la tutelle de son cher oncle 2 P(ierre), évêque de Sion /201/ (celui-ci est Pierre d’Oron); que, sortant de cette tutelle par la volonté du dit évêque, il se trouve lui redevoir, à raison de la dite tutelle 1 , deux cent et soixante livres lausannoises, et qu’en conséquence il (Jean d’Aubonne) prend l’engagement de payer chaque année au prélat, à la fête de St. Jean, la somme de vingt-quatre livres, jusqu’à l’acquittement de sa dette, pour sûreté de laquelle il hypothèque les fours 2 et les langues de la boucherie d’Aubonne. Jacques de Montricher, chevalier, et Nicod de Disy, donzel, chacun d’eux pour la moitié, se portent fidéjusseurs de son engagement. Ils seront obligés, le cas échéant, de tenir otage à Vevey, à leurs propres dépens, pendant quinze jours continus, à la réquisition du seigneur évêque; passé ce terme, ils donneront des gages 3 , de la vente desquels la somme précitée de vingt-quatre livres pourra être retirée. Jean d’Aubonne et Nicod de Disy n’ayant pas de propres sceaux, font apposer celui de Guillaume, évêque de Lausanne, à la charte dont nous donnons ici l’analyse, tandis que Jacques de Montricher y appose le sien 4.
Nous avons dit plus haut que la suzeraineté de la seigneurie d’Aubonne avait été cédée par le comte Philippe de Savoie à Humbert, sire de Thoire et de Villars, devenu plus tard seigneur d’Aubonne. Toutefois, Béatrice, dauphine /202/ de Viennois, et dame de Faucigny, qui se disait l’héritière du comte Pierre de Savoie, son père, n’admettait pas cette cession; car, lorsque par le traité qu’elle fit, le 30e juillet 1286, avec sa fille Anne et le mari de celle-ci, Humbert, dauphin de Viennois, et seigneur de la Tour du Pin, elle leur céda généralement tout ce qu’elle possédait, dès la rivière de l’Aubonne jusqu’à la terre de Viennois, et depuis le lac de Genève jusqu’à la Bourgogne, elle en excepta, entr’autres, le fief et l’hommage de Jean d’Aubonne 1. La cession faite par le comte Philippe n’en reçut pas moins son accomplissement.
Au mois de mars de l’année 1288, Jean Régis, maréchal, demeurant à Saint-Prex, reconnaît qu’il est d’ancienneté et doit être homme lige et libre de Jean, coseigneur d’Aubonne et de ses hoirs; qu’il ne pourra devenir le sujet d’aucun autre seigneur, ni jurer garde, bourgeoisie ou confédération dans quelque château, ville, cité ou communauté, sans le consentement de son dit seigneur, à l’exception toutefois de la ville d’Aubonne, parce qu’alors il demeurerait soumis à la jurisdiction de son seigneur précité et dans son hommage. Il promet sous serment de ne rien faire de contraire à sa reconnaissance, et à sa prière et en témoignage de vérité, Girard, prieur d’Etoy, et Bernard, curé de Saint-Prex, apposent leurs sceaux à sa reconnaissance 2.
Pierre, fils de Vaucher de Grancy, dit Fraschar, confesse, au mois de mars 1290, qu’il doit l’hommage lige à Jean, coseigneur d’Aubonne, à raison de tous les biens qu’il tient dès l’eau appelée (la) Morges, jusqu’au lieu dit /203/ en Jorat, et depuis le lac de Lausanne jusqu’à la Joux (ad juriam), en ténements, terres, prés, vignes, arbres, maisons, chésaux, censes, hommages, avoueries, panateries, bois, pasquiers et autres biens, sauf deux muids de froment qu’il tient en fief du sire de Vufflens-le-Château sur le moulin de Morges. Pierre de Grancy déclare qu’après son décès son fief sera hérité par le prénommé Jean, fils de Jacques d’Aubonne 1. L’acte de cette reconnaissance d’hommage lige était muni du sceau de l’officialité 2. — Le confessant appartenait-il à la famille des milites de Grancy, dont le dernier membre que nous connaissions, le chevalier Guillaume, apparaît en 1238 3 ?
Au mois de juin 1296, Jean, fils de feu Guillaume de Yens, dit Sottens, donzel, prête hommage lige à Jean, coseigneur d’Aubonne, à raison des biens qu’il possède en deçà de la rivière de la Venoge. L’hommageant réserve la fidélité qu’il doit au sire de Vufflens-le-Château, et déclare qu’il ne peut aliéner aucun des biens appartenant à l’hommage qu’il doit au coseigneur d’Aubonne, sans le consentement de celui-ci 4.
Un échange important eut lieu, en l’année 1297, entre Jean, coseigneur d’Aubonne et l’abbaye de Montbénoît, en Franche-Comté. Une cense de deux muids, moitié froment et moitié avoine, due au prédit coseigneur, sur la moitié de la dîme de Pampigny, fut remise par lui à l’abbaye précitée, en échange de divers sujets que celle-ci avait au dit village de Pampigny 5. Nous verrons le /204/ successeur du coseigneur Jean augmenter, par une acquisition, ses possessions à Pampigny.
On trouve, sous l’année 1297, la reconnaissance de trois frères, nommés Dupraz, de Gimel, en faveur de Jean, coseigneur d’Aubonne 1. Et divers hommes du village d’Avenex, dans la proximité de Nyon, que ce seigneur avait affranchis de la condition taillable et qui étaient devenus ses hommes liges, reconnurent, sous l’année 1302, les censes qu’ils lui devaient par suite de cet affranchissement 2. Par lettres émanées de Louis de Savoie, sire de Vaud, datées de Romont, le 19 décembre 1301, ce prince autorisa les chevaliers Jean et Artaud, coseigneurs d’Aubonne, à racheter le village de Marchissy, conformément aux lettres de rachat concédées par Jean, sire de Prangins 3. Ce village, selon l’Inventaire général des droits de la baronnie d’Aubonne 4 , avait été vendu, sous faculté de rachat, par Guillaume de Disy 5 , coseigneur d’Aubonne, à Jean, sire de Prangins (et de Cossonay) pour une certaine somme d’argent qu’il lui devait. Marchissy avait été /205/ annexé par les sires de Prangins à leur seigneurie de Mont (le-Vieux), qui avait passé, par droit de conquête, à Louis (I) de Savoie, sire de Vaud. Les coseigneurs d’Aubonne, Jean et Artaud, ne firent pas usage de l’autorisation de racheter le village de Marchissy 1.
C’est maintenant le moment que nous reparlions de ce Louis, coseigneur d’Aubonne, que nous avons signalé précédemment.
La reconnaissance solennelle faite, le 20 octobre 1301, par la ville d’Aubonne et son mandement, en faveur des seigneurs de ce lieu, sur les mains du notaire Bruneri, indique le seigneur Louis comme étant l’un des seigneurs d’Aubonne qui possédaient en commun la jurisdiction sur les charrières et chemins publics, les eaux et cours d’eaux et les pasquiers et terrains communs, dans le territoire de la dite ville 2. Ce Louis nous paraît être un fils aîné de Jacques (III), coseigneur d’Aubonne, né, supposerions-nous, d’une première épouse de celui-ci. On se rappelle qu’en l’année 1242, le prénommé Jacques assujettit à la mouvance de Pierre de Savoie la part que lui et son fils tenaient dans le château et le bourg d’Aubonne. Cette part, possédée par le fils, et que celui-ci avait peut-être héritée de sa mère, ne devait pas appartenir à l’héritage paternel et avait sans doute une autre provenance. /206/ Nous présumerions qu’elle était procédée de ce Guillaume de Disy, coseigneur d’Aubonne, qui avait cédé à Jean (I), sire de Cossonay et de Prangins (apparaissant dès l’année 1189 à l’année 1230, inclusivement), le village de Marchissy, pour une somme d’argent qu’il devait à ce seigneur. (Voir ci-dessus.) Nous n’avons guère de lumières sur le prénommé Guillaume de Disy et ignorons à quel titre il pouvait avoir possédé quelque part de la seigneurie d’Aubonne. Il nous paraît probable que cela avait eu lieu à titre d’engagère et que cette part était procédée dans le principe de quelque membre de la maison d’Aubonne, peut-être du chevalier Jacques (I) ou de son fils Pierre, peut-être aussi d’Aymon, frère de celui-là, ou bien d’Etienne qu’on suppose être un fils de Nantelme (II) d’Aubonne, soit, enfin, de quelque autre membre encore plus ancien de cette maison.
Le document suivant est indiqué dans l’Inventaire général des droits de la baronnie d’Aubonne (pag. 136, No 435) : « Un livre approuvé et reconnu pour la Grosse originale des reconnaissances prêtées en faveur de Jean et d’Altaud, frères et fils de Louis, coseigneur d’Aubonne, sur les mains de Jean Bruneri, en l’année 1301, dans lequel est une reconnaissance de la ville d’Aubonne, où sont narrés les droits du seigneur et les franchises de la ville. »
Voici une autre indication du même Inventaire (pag. 82, No 268) : « Une reconnaissance de la ville et du ressort d’Aubonne, tirée de la Grosse de Jean Bruneri, de l’année 1301, rapportée au commencement d’un Extrait des reconnaissances prêtées à Montherod, en faveur du baron François de Lettes, à cause de son château d’Aubonne, sur /207/ les mains des notaires Dunant et Tripod, en l’année 1567, confession par laquelle la dite ville et son ressort reconnaissent, en faveur de Jean et d’Altaud, frères, coseigneurs d’Aubonne, les usages qu’ils ont dans les chemins publics, les eaux, cours d’eaux, territoires communs et pasquiers, existant dans le district du dit Aubonne 1. »
Une troisième indication de l’Inventaire précité (pag. 74, No 239) est la suivante : « Un Extrait des reconnaissances prêtées en l’année 1566, sur les mains du notaire Claude Rueyz, à Longerod, à cause de la coseigneurie de Gimel, eu faveur du noble Pierre Quisard, cause-ayant du noble et puissant Claude de Menthon, héritier testamentaire de Jean de Menthon, son père, celui-ci fils de Janin (Janus) de Menthon, fils de Claude (I) de Menthon, qui fut fils de Jean (I) de Menthon, lequel avait cause de dame Marguerite, codame d’Aubonne, femme de Henri, seigneur de Montricher, laquelle était fille de messire Anthoine, coseigneur d’Aubonne, fils de Jean, fils d’un autre Jean, qui fut fils de Louis, fils de Jacques. »
Nous avons cité plus haut la reconnaissance de la ville et du mandement d’Aubonne, datée du 20 octobre 1301, dans laquelle le seigneur Louis est mentionné comme /208/ l’un des seigneurs d’Aubonne. On y rapporte de quelle manière ces seigneurs exerçaient la jurisdiction, qu’ils possédaient en commun 1.
Enfin, le Régeste de M. Forel indique 2 la reconnaissance prêtée le 20 octobre 1301, sur les mains de Bruneri, par les bourgeois, la ville et la châtellenie d’Aubonne, en faveur de Jean et d’Altaud, coseigneurs d’Aubonne, à cause du seigneur Guillaume de Disy et d’Amédée de Villars, seigneur du dit Aubonne. Nous verrons plus loin que le fief de Disy, à Aubonne, ne relevait pas du seigneur de ce lieu 3 ; et quant à la cause-ayance procédée d’Amédée de Villars, seigneur d’Aubonne, nous sommes dans l’ignorance à son égard et même elle soulève chez nous des objections 4. /209/
Les diverses citations que nous venons de faire se rapportent-elles à une seule et même reconnaissance, prêtée par la ville d’Aubonne et son mandement, en faveur tant du seigneur que des coseigneurs de ce lieu et comprenant tout ce que cette ville tenait d’eux, ainsi que les devoirs qui en résultaient pour elle ? Cela serait possible, puisque la même date y est appliquée. L’inspection seule de la Grosse Bruneri, qui ne se retrouve plus, pourrait éclaircir ce point pour nous.
Les documents qui devraient nous servir de guides présentent des contradictions. Ainsi, l’Inventaire souvent cité par nous rapporte (No 565) que la dîme de St Pierre de Gimel 1 avait été engagée, en premier lieu, au curé de Gimel, par le magnifique Louis, coseigneur d’Aubonne, grand-père d’Artaud et que celui-ci l’avait dégagée, en l’année 1293. Cette circonstance-ci nous fait présumer que le coseigneur /210/ Louis n’était plus vivant lorsque ce dégagement avait eu lieu, quoique, d’après la reconnaissance de la ville d’Aubonne, du 20 octobre 1301, on pût supposer qu’il vivait encore à cette dernière époque. Il est probable que dans cette occasion il était plutôt question de ses droit-ayants que de lui-même.
Or, nous savons avec certitude et nous en avons donné la preuve par documents, que Jean (III), coseigneur d’Aubonne, était fils de Jacques (III) et non pas de Louis. Mais Artaud ne serait-il pas fils de celui-ci, ainsi que l’indique l’Inventaire, et n’aurait-il pas hérité de ce père les hiens importants situés à Gimel, Saint-Georges, Longirod, Burtigny et Marchissy, qu’il vendit au couvent de Romainmotier et dont celui-ci lui accorda, en 1306, le droit de rachat ? Alors, dans ce cas, pourquoi Louis de Savoie aurait-il accordé à Jean aussi bien qu’à Artaud l’autorisation de racheter le village de Marchissy, et pourquoi la ville d’Aubonne aurait-elle prêté reconnaissance en faveur de Jean et d’Artaud, à cause du seigneur Guillaume de Disy, si Artaud eût été seul fils et héritier du coseigneur Louis, toujours en admettant que celui-ci ait possédé la portion de la coseigneurie d’Aubonne qui était procédée de Guillaume de Disy ?
Voici, maintenant, nos appréciations à l’égard de ce qui précède :
Un Louis, coseigneur d’Aubonne, a existé. Il doit avoir été un fils aîné de Jacques (III), coseigneur d’Aubonne, et avoir tenu, on ignore à quel titre, une portion de la coseigneurie de ce nom en même temps que son père en tenait une autre plus considérable. Cette part du fils nous paraît avoir été celle qui provenait du seigneur Guillaume de /211/ Disy. Louis n’eut pas de part à l’héritage de son père et le sien propre passa à Jean (III) et à Artaud. Ce dernier pourrait avoir été son fils; toutefois, pour les raisons que nous avons indiquées plus haut, nous le tenons plutôt pour le plus jeune de ses frères et c’est la place que nous lui avons précédemment assignée.
Le prieuré d’Etoy, maison religieuse importante, de l’ordre du Mont-Joux, se trouvait dans la proximité d’Aubonne. On ignore à qui ce couvent était redevable de son existence, mais les dynastes d’Aubonne pourraient en avoir été les fondateurs, puisqu’ils en avaient la garde et qu’ils exerçaient des droits d’avouerie soit de haute jurisdiction sur ses sujets, droits qui étaient partagés entre le seigneur et le coseigneur d’Aubonne. De plus l’église paroissiale d’Aubonne, dite de Trévelin, relevait du prieuré d’Etoy, probablement en vertu de don fait par les seigneurs de cette ville.
Jean, coseigneur d’Aubonne, exerçait les droits d’avouerie dont nous venons de parler sur les sujets du prieuré d’Etoy, à Yens, Lavigny et à la Maladière d’Aubonne, et il avait été en différend à cet égard avec le prieur Jacques. Sous le prieur Jean, successeur de celui-ci, une convention entre les parties mit fin à leur querelle. Elle fixa les points suivants:
Les hommes du prieuré, ayant feu et demeure dans les lieux susdésignés, payeront annuellement au coseigneur d’Aubonne, pour l’avouerie, une coupe de froment, mesure du dit Aubonne, à la St. Michel. Le dernier supplice soit la mutilation des membres appartiendra au dit coseigneur. Les biens meubles des délinquants se partageront entre /212/ les parties, et leurs biens immeubles appartiendront à celle des deux dont ils seront mouvants.
Les clames peuvent se faire auprès de chaque partie; celles de six deniers appartiendront à la partie auprès de laquelle elles auront été faites, les clames excédant six deniers se partageront.
Trois hommes du prieuré, nommés, et leurs héritiers resteront francs et exempts de toute avouerie de la part du coseigneur d’Aubonne et ne relèveront que du prieuré. Cette transaction, approuvée par le prévôt du Mont-Joux et scellée par lui et par le prieur d’Etoy, est datée du mois d’octobre de l’année 1303 1.
Au seigneur d’Aubonne appartenait, d’un autre côté, la garde du prieuré d’Etoy et l’avouerie sur les sujets de cette maison religieuse, à Etoy et dans les dépendances de ce lieu, à Bérolles, au Rosey et à Lussy. Le criminel, jugé par les officiers du prieur, était livré, en chemise, à la Justice d’Aubonne 2. /213/
Vers l’époque où eut lieu la transaction entre Jean, coseigneur d’Aubonne, et le prieuré d’Etoy, dont nous avons rapporté les dispositions, Christin, fils de feu Jean de Lavigny, dit Andero, confesse qu’il est homme franc et libre du prédit coseigneur d’Aubonne, et qu’il ne devra faire d’autre garde que celle de ce seigneur, ni jurer bourgeoisie en bourg, ville ou château 1.
Jean (III), coseigneur d’Aubonne, chevalier, ne fournit pas une longue carrière. Il n’était plus vivant au mois de mars de l’année 1304 (v. style), lorsque Aymon, fils de feu Pierre d’Etoy, dit Verset, reconnut qu’il était homme lige et franc de dame Binfaz, veuve de Jean, coseigneur d’Aubonne; qu’il ne pouvait jurer de bourgeoisie nulle part, sans son consentement, et qu’il tenait d’elle tout ce qu’il possédait au territoire d’Allaman, sous la cense de six sols 2. Jean, coseigneur d’Aubonne, avait légué 30 sols annuels au couvent de Bonmont. (Voir plus loin.)
L’extraction de dame Binfaz (Binfa, Bynfa) n’est pas connue avec certitude; toutefois nous présumons que l’épouse de Jean, coseigneur d’Aubonne, appartenait à la famille des seigneurs des Monts 3. Dame Binfaz survécut très longtemps à son mari, puisqu’elle apparaît encore le 18 mai de l’année 1350. (Voir plus loin.) Elle gouverna la coseigneurie d’Aubonne pendant la minorité de son fils Jean; nous la trouverons souvent nommée dans les documents. /214/
Jean (III), coseigneur d’Aubonne, chevalier, laissa un seul fils, nommé Jean, comme lui, qui fut son successeur, et auquel l’article suivant est consacré. En revanche, dame Binfa, son épouse, le rendit père de six filles, nommées: Helène, Marguerite, Eléonore soit Hélione, Alexie, Henriette et Françoise.
Hélène (Eleena) épousa Jean de Lucinge de Duzillier 1 , dont elle eut un fils, nommé Humbert, que son oncle Jean, coseigneur d’Aubonne, appela, par son testament daté du 18 mai 1350, à recueillir sa succession, après ses propres fils et ceux de ses filles; toutefois, ce cas de substitution ne s’ouvrit pas en sa faveur. Hélène d’Aubonne survécut à son mari et n’était plus vivante le 21 mars 1344. Elle avait fait un legs à l’abbaye de Bonmont. (Voir plus loin.)
Marguerite devint l’épouse d’Henri Tavelli, citoyen de Genève, possesseur des terres de Vincy et de Gilly 2. Elle fut probablement la mère du célèbre Guichard Tavelli, évéque de Sion 3.
Sa sœur Hélione (Heliona) soit Eléonore nous est connue par le testament précité de son frère, de l’année 1350. Alors Hélione d’Aubonne ne vivait plus et elle avait légué 25 sols annuels pour la fondation d’un autel, sous le vocable de St. Georges, dans la chapelle de Saint-Etienne, d’Aubonne. (Voir plus loin.)
On ignore quelle fut la destinée des autres filles de Jean (III), coseigneur d’Aubonne, chevalier. /215/
NEUVIÈME DEGRÉ.
JEAN (IV), COSEIGNEUR D’AUBONNE
Chevalier.
On possède plus de documents sur ce coseigneur d’Aubonne que sur d’autres membres de sa famille.
Au mois de septembre de l’année 1307, l’abbaye du Lac de Joux cède à dame Bynfa, codame d’Aubonne et à Jean, son fils, Jacques de Chavannes, fils de feu Renaud Dupra, homme taillable de la dite abbaye, avec sa postérité et tous les devoirs auxquels il est astreint envers la prédite abbaye 1. Et aux kalendes d’août de l’année 1310, le chapitre de Lausanne accorde à Binfa, codame d’Aubonne, veuve de Jean, coseigneur du dit lieu, et à ses enfants, nommés : Jean, Marguerite, Eléonore, Alexie, Henriette et Françoise, le droit de racheter plusieurs vignes et censes, à Saint-Prex, Vufflens-le-Château et Jolens, avec la moitié de la dîme de Saint-Prex, le tout vendu par la dite dame Binfa au chapitre précité pour le prix de 500 livres lausannoises. Cette faculté de rachat est accordée pour le terme de douze années, le dit rachat devant avoir lieu chaque année entre la St. Martin d’hiver et Pâques. Le chapitre de Lausanne accorda plusieurs prolongations de terme à dame Binfa 2. /216/
Pierre, fils de feu Pierre de Saint-Germain, donzel, prête hommage lige noble, le 3 des ides de mars 1312 (v. st.), à Jean, coseigneur d’Aubonne, donzel, fils de feu, d’illustre (inclite) mémoire, Jean, coseigneur d’Aubonne, chevalier, pour des fiefs situés au village de Martheray. Thomas de Crissier et Vuillelme de Grésier sont présents lors de cette prestation d’hommage, dont l’instrument est muni du sceau de l’official de Genève 1. Le même hommage fut renouvelé dans l’année 1361, en faveur du prédit Jean, coseigneur d’Aubonne, par les personnes tenant alors les biens qui y étaient assujettis. (Voy. plus loin.)
Un certain donzel, nommé Chouvet d’Echandens, vassal, croyons-nous, de Jean, coseigneur d’Aubonne, à raison de fiefs au village de Ballens, avait commis des déprédations envers le chapitre de Lausanne. Sous l’année 1313, le second lundi du mois d’avril, Binfa, veuve de Jean, coseigneur d’Aubonne, et Jean, son fils, déclarent que ce n’est pas de leur volonté que le prénommé Chouvet a fait du tort au chapitre de Lausanne soit à ses hommes et qu’il leur a enlevé des biens, spécialement à Aubonne et à Saint-Prex, actions qui sont désapprouvées par dame Binfa et par son fils. Cette déclaration est scellée par la prédite dame, et par Jean, seigneur des Monts 2.
Il y avait entre dame Binfa, codame d’Aubonne, et son fils Jean, d’une part, et le chapitre de Genève, d’autre part, contestation au sujet d’une vigne et d’un chésal situés à Trévelin, près d’Aubonne, et dont le dit chapitre /217/ réclamait tout à la fois la possession et la propriété. Par une convention faite entre les parties, au mois de mars de l’année 1317, dame Binfa et son fils remirent à Avyole de Bougy-Saint-Martin les droits qu’ils pouvaient avoir sur les immeubles précités, sous réserve, en leur faveur, de celui d’avouerie. Il est remarqué dans ce document que le fils de dame Binfa était alors âgé de plus de 14 ans et de moins de 25 ans 1. La mention, faite dans cette circonstance, de l’âge du jeune coseigneur d’Aubonne, signifie que celui-ci, n’étant plus impubère, pouvait contracter, avec autorisation, mais qu’il n’était pas encore majeur.
L’entremêlement des droits du seigneur et du coseigneur d’Aubonne, dans la ville de ce nom, donnait souvent lieu à des différends entr’eux. Un de ceux-ci fut pacifié, le 6 des kal. de mars de l’année 1319 (style de la Nativité), par une transaction que des compositeurs amiables moyennèrent entre Guillaume Alamandi et sa femme Agnès de Villars, seigneur et dame d’Aubonne, d’une part, et dame Binfa, codame du dit lieu, et son fils Jean, d’autre part. Les premiers se plaignaient d’injures qui leur étaient faites par les seconds et par leurs gens. Ils leur reprochaient de n’avoir pas reconnu en plein le fief qu’ils tenaient d’eux dans les limites des franchises de la ville, et aussi l’opposition qu’ils apportaient à ce que le dit seigneur d’Aubonne établît un bourg neuf, au delà de la porte supérieure de la ville. Aux termes de la transaction /218/ précitée, les injures faites seraient remises. Les coseigneurs reconnaîtraient tous leurs biens situés dans les limites des franchises et de la jurisdiction de la ville d’Aubonne (ces limites sont indiquées dans la transaction), à l’exception du fief de Disy, qu’ils disaient n’être pas tenus de reconnaître 1. Le seigneur donnerait aux coseigneurs, à raison de cette reconnaissance, dix livrées de terre, dans la jurisdiction d’Aubonne, rachetables par 160 livres, lesquelles, le cas arrivant, seraient placées en acquisitions qui deviendraient mouvantes du fief du seigneur. Le bourg neuf serait fait dans les limites fixées par la transaction. Les coseigneurs pourraient y faire construire un ou plusieurs fours et en percevoir les émoluments, de même un ou plusieurs moulins et en avoir les obventions, et aussi percevoir, dans le dit bourg neuf, les langues des grosses bêtes de la boucherie. Les maisons et terrains achetés pour établir les fossés du bourg précité se paieraient à frais communs. Les coseigneurs conserveraient les droits qu’ils ont eus jusqu’à présent 2. Trois portes seraient faites au bourg neuf; les clefs en seraient gardées et « servies » comme celles des portes de l’ancienne ville. Chaque partie aurait dans le dit bourg ses droits et sa jurisdiction accoutumés. Les difficultés qui pourraient survenir entre les parties seraient soumises à l’arbitrage de Jean /219/ de Rossillon, doyen d’Alinges, de Jacques Alby, de Vevey, clerc, et de Guillaume de Lutry, jurisconsulte. Les témoins de cette convention, datée du château d’Aubonne, sont: Pierre de Belmont, seigneur du lieu portant ce nom, le sire Guillaume de Châtillon, le sire Henri de Viry, le sire Jean, psautier (psalterius) de Lausanne, tous chevaliers, François, sénéchal de Lausanne, le prêtre Huldric de Merceriis, de Lausanne, Etienne d’Yverdon, jurisconsulte, Pierre de Yens (de Hiens), dit Peller, Etienne de Mont (de Monz), Rodolphe de Lavigny, donzels, et autres dignes de foi 1. — Ce document rappelle le molar soit château des coseigneurs d’Aubonne.
[Note de l’édit. : Voyez l’Obsevation à la p. 348 des Pièces justificatives.]
A la suite de la convention rapportée ci-dessus, Jean, coseigneur d’Aubonne, prêta hommage, sous l’année 1322, à Guillaume Alamandi, seigneur du dit Aubonne 2.
Au mois de novembre de l’année 1321, douze personnes dont les noms sont indiqués, demeurant au village de Yens (huit hommes et quatre femmes) reconnaissent qu’elles sont de l’avouerie du noble Jean, coseigneur d’Aubonne et de ses hoirs, et qu’elles lui doivent, à raison de cette avouerie, un chapon et une gerbe de froment pour le mestral, par année, étant tenues de veiller pour lui et de faire tout ce qui ressort à la haute jurisdiction (pro ipso cavere et facere quicquid convenit ardue dominationi) 3.
Ces confessants étaient -ils les hommes du prieuré /220/ d’Etoy, qui avait des sujets à Yens ? Mais, dans ce cas, pourquoi ne reconnaissent-ils pas devoir à l’avoué une coupe de froment, par année, aux termes du traité précédemment fait, entre Jean (III), coseigneur d’Aubonne et le prieuré d’Etoy ? (Voir ci-devant, pag. 211 et la suiv.)
Au mois de mars de l’année 1325, Jean, coseigneur d’Aubonne, concéda à deux frères, nommés Rogier, de Yens, ses taillables, un ténement situé dans ce lieu, qu’ils posséderaient héréditairement, sous sa taille et miséricorde. Ces taillables payèrent 13 livres lausannoises, d’entrage, au coseigneur d’Aubonne 1. Celui-ci, sous l’année 1322, avait fait un abergement de biens à deux frères Dupraz, de Gimel, aussi ses hommes taillables 2.
Jean, coseigneur d’Aubonne, était en différend avec le chevalier Humbert de Rossillon et dame Nicole, son épouse, au sujet de l’exercice de la jurisdiction dans le territoire d’Allaman et des fourches patibulaires que le dit chevalier prétendait y avoir. Un accord intervint entre les parties, le mardi après la fête de Pentecôte de l’année 1326. Les jugaux de Rossillon, selon cette convention, auraient le mère et mixte empire dans la seigneurie d’Allaman et son territoire; toutefois, ils pourraient seulement élever leurs fourches patibulaires dans la partie de ce territoire située au delà de la rivière de l’Aubonne, dans le diocèse de Lausanne. L’exécution des avenaires délinquants appartiendrait au coseigneur d’Aubonne; leurs biens meubles seraient dévolus aux jugaux de Rossillon lorsque ces avenaires auraient délinqué sur leurs possessions, tandis qu’ils appartiendraient au coseigneur d’Aubonne si le délit /221/ était commis sur les siennes (à Allaman). Si ce délit avait eu lieu sur les charrières publiques ou dans les lieux communs, les prédits biens meubles appartiendraient à celle des deux parties qui serait la première occupante. Les jugaux de Rossillon ne pourraient pas établir de pont sur l’Aubonne, à l’usage des chars. Le coseigneur d’Aubonne, en retour de la concession qu’il faisait par le présent accord, percevrait, chaque année, deux muids de vin sur la garde des vignes de Féchy. Cette convention fut approuvée par Béatrice d’Allaman, mère de dame Nichole. Des arbitres furent désignés pour éclaircir les difficultés qui pourraient survenir entre les parties. Ce furent : Etienne d’Aubonne, chanoine de Lausanne, le prêtre Uldric de Merceriis et le jurisconsulte Ansermod d’Aulx. Les officiaux de Genève et de Lausanne scellèrent l’instrument de cette convention, qui eut pour témoins: Jean, coseigneur des Monts, Rolet de Ross(illion ?) et d’autres non nommés 1. Il ressort de ce document que Jean, coseigneur d’Aubonne, avait des droits de supériorité sur la terre d’Allaman, du moins sur la part de cette terre qui était située sur la rive droite de la rivière de l’Aubonne, dans le diocèse de Genève. En outre, ce seigneur avait à Allaman une coseigneurie, désignée plus tard sous le nom de fief de Menthon.
Les documents qui nous ont été conservés concernant Jean, coseigneur d’Aubonne, témoignent de diverses acquisitions de biens faites par lui, ainsi que de plusieurs aliénations de ceux-ci, que l’arrangement de ses affaires rendit nécessaires.
Le 5 des kal. de mai 1328, il acquit de Jean, fils de feu /222/ Rodolphe, seigneur de Montricher, le four banal de Pampigny, dit de Montricher (auquel, supposons-nous, les ressortissants de Montricher au dit Pampigny étaient tenus de cuire leurs pâtes). Cette acquisition comprit encore 20 sols lausannois annuels, sur les corvées de charrue de Pampigny, payables aux environs de la St. Michel, le tout à forme des partages faits entre le vendeur et le sire Jacques, seigneur de Montricher, son frère. Elle eut lieu pour le prix de 120 livres lausannoises, dont 100 livres furent payées au moyen de certain cheval grisard (gersardum), appartenant à l’acheteur et livré par lui au vendeur. Celui-ci fit la réserve que le coseigneur d’Aubonne livrerait chaque semaine, à la maladière de Clarmont, paroisse de Vufflens, un pain provenant du four qui lui était vendu, et cela aux termes d’une donation faite par les prédécesseurs du vendeur. Le seigneur de Montricher s’engagea à ne pas faire construire un autre four à Pampigny, et il scella l’acte de la vente précitée, ainsi que l’official de Lausanne 1. — Nous trouverons Humbert, coseigneur d’Aubonne, fils du prénommé Jean, en possession de droits féodaux à Pampigny, procédés, tant de l’acquisition précitée que de l’échange fait par son aïeul avec l’abbaye de Montbenoît.
Le 14 des kal. de juin de l’année 1339, le noble Jean, coseigneur d’Aubonne, acquit de Perronet, fils de feu Conrad Lombard, de Morges, pour le prix de 50 livres lausannoises, ses possessions au village de Bussy (des terres et quelques censes en deniers). Le vendeur excepta de cette vente celles qu’il tenait à ses mains 2. /223/
L’année suivante (6e des kal. de mai 1340), Jeannin d’Eschagnens (d’Echandens), donzel, fils de feu Vuillerme, et sa femme Marguerite vendirent à Jean, coseigneur d’Aubonne, pour le prix de 60 livres lausannoises, trois hommes liges taillables, frères, qui habitaient le village de Ballens, avec leurs ténements, plus diverses censes dues dans ce lieu 1. Le même Jean, coseigneur d’Aubonne, est qualifié d’homme illustre lorsque, le vendredi après l’octave de l’Epiphanie de la dite année 1340, à Aubonne, il achète d’un bourgeois de ce lieu, pour le prix de 6 livres et 10 sols, un pré, situé à Lavigny 2.
Jean, coseigneur d’Aubonne, apparaît décoré de la dignité de chevalier, lorsque, le 25e avril de l’année 1340, indiction 8e, Johannette, fille de feu Richard de Chantonay, donzel, de l’autorité de Henri de Bonvillars, son mari, lui prêta hommage 3 , de main et de bouche, au mode et en la forme usités par son père et ses prédécesseurs. Johanette de Chantonay et son mari promirent de desservir, selon la nouvelle et l’ancienne forme de fidélité, le fief que celle-ci tenait du coseigneur d’Aubonne. Ce dernier l’investit, ainsi que son mari, du prédit fief, qui n’est pas désigné, mais que la prénommée Johannette déclarerait lorsque le coseigneur d’Aubonne, son suzerain, l’en requerrait. Cette prestation d’hommage eut lieu à Lausanne, dans la cathédrale, vers la porte voisine du bénitier, en présence de Jacques de Gumoëns (de Gumuens), chevalier, d’Ybal de Gumoëns, du donzel Jaquinod de … et d’autres témoins non nommés 4. /224/
Le 8e des kal. de mai de l’année 1341 prise à la Nativité, Aymon et Etienne d’Yverner (de Verney), frères, fils de feu Pierre d’Yverner, reconnaissent qu’ils tiennent de Jean, coseigneur d’Aubonne, sous la cense perpétuelle de 5 muids de bonne avoine, mesure d’Aubonne, et de deux chapons, cense payable à la Toussaints, à Aubonne, les possessions que Jean Chouvet d’Echagnens, donzel, avait tenues au village de Ballens. Les prénommés Aymon et Etienne d’Yverner confessent qu’ils sont hommes censiers de Jean, coseigneur d’Aubonne 1. Nous présumons que le donzel Jean Chouvet d’Echagnens, mentionné dans cette circonstance, est celui qui, sous l’année 1313, avait commis des déprédations envers le chapitre de Lausanne, à Aubonne et à Saint-Prex. (Voir ci-devant, pag. 216.)
Johannod Cler, de Ballens, reconnaît, le 3e des kal. de mars de la même année 1341, qu’il est homme franc et lige de Jean, coseigneur d’Aubonne, chevalier, tenant de lui divers fonds de terre, à Ballens, sous l’entrage de deux muids d’avoine, mesure d’Aubonne, et la cense de 14 coupes de la même graine, payable à Aubonne, à la Toussaints 2.
Enfin, un volumineux document, assez lacéré, remontant à l’année 1342, nous fait connaître diverses reconnaissances féodales faites en faveur de Jean, coseigneur d’Aubonne, principalement par des bourgeois et l’hôpital de ce lieu, puis par des tenanciers de Montherod et de Reverolles, avec astriction à l’hommage pour plusieurs d’entr’eux. Ces reconnaissances sont datées du château d’Aubonne du dit seigneur Jean 3. /225/
Le 15 des kal. de juin de l’année 1342, Perrod de Vevey, fils de feu Aymon de Tryvillin (Trévelin), bourgeois d’Aubonne, accorde au noble sire Jean, coseigneur de ce lieu, le droit de racheter 2 muids et 6 coupes de froment, mesure d’Aubonne, de cense, qu’il lui a vendus pour le prix de 36 livres 1.
Humbert Alamandi avait succédé, en qualité de seigneur d’Aubonne, à son père Guillaume et à sa mère Agnès de Villars, dame du dit Aubonne. Nous le trouvons, sous l’année 1343, en différend avec Jean, coseigneur d’Aubonne, sur plusieurs points, et cette contestation donna lieu à une prononciation arbitrale, rendue entre les parties, par Aymon, seigneur (coseigneur) de Cossonay, Girard de Montfaucon, sire de Vuillafans, Othon, sire de Grandson, et Hugard, sire de Gex, tous seigneurs de poids. Ces arbitres décidèrent les points suivants :
La porte nouvellement établie sous le château d’Aubonne par le sire Humbert, lui demeurera, et le coseigneur Jean n’en fera usage qu’avec son assentiment. Le dit coseigneur Jean d’Aubonne pourra construire une porte nouvelle dans son château du dit lieu (nous croyons qu’ici l’expression château ne signifie pas la demeure des seigneurs d’Aubonne, mais qu’il faut l’appliquer au quartier de la ville, avoisinant le château, séparé sans doute par une muraille du reste de la ville et dont le seigneur et le coseigneur avaient chacun une part), là où il voudra, et établir une rue tendante dès la porte générale de la ville, en haut, vers les châteaux et les forts (fortalia) des parties, jusqu’à la forteresse (fortalicum) du /226/ dit seigneur Jean. Le sire Humbert lui garantira les prédites porte et rue, et lui paiera 60 livres, en deux termes, à raison de ces constructions 1.
Les halles (ala) et les meises (échoppes en bois s’avançant sur la rue), avec leurs droits, émoluments et la seigneurie (la jurisdiction) sur elles, demeureront au sire Humbert qui, toutefois, n’aura aucune jurisdiction sur les hommes du coseigneur Jean. Il (Humbert) percevra seulement les émoluments dus pour la location des dites halles et meises, et Jean conservera intact le droit de propriété qu’il a à leur égard 2.
La jurisdiction, à Lavigny, appartient au coseigneur Jean; toutefois le sire Humbert l’exercera sur les enfants de feu Rodolphe de Lavigny, donzel, leurs familiers, leur maison, avec le jardin et le verger contigus à celle-ci. Mais, si d’autres qu’eux y commettaient des délits, ces délinquants seraient soumis à la jurisdiction du coseigneur Jean.
Celui-ci paiera la garde des vignes qu’il a acquises, comme les bourgeois de la ville. A l’égard du cas de meurtre pendant, ceux qui en sont accusés feront amende envers les parents et amis du défunt, à l’arbitre d’Etienne de Mont et de Girard de Lavigny, donzels. Les parties se remettront réciproquement les injures qu’elles se sont faites, et les prénommés donzels de Mont /227/ et de Lavigny, charge ayant des seigneurs arbitres, prononceront sur les questions non suffisamment éclaircies, les prédits arbitres se réservant de prononcer dans les cas qu’ils ne pourraient pas décider. Faite sous le sceau des seigneurs arbitres, cette prononciation est datée du jeudi après la fête de St. Michel de l’année 1343 1.
Marguerite d’Oron, la première épouse de Jean, coseigneur d’Aubonne, avait légué, par testament (reçu par le notaire Jacques de Lavigny), 10 sols annuels au couvent de Bonmont. Un pareil legs testamentaire avait été fait au même monastère par la sœur du prédit coseigneur Jean, Hélène, veuve de Jean de Lucinge de Dusilly. Le 21 mars 1344, à Coinsins, en présence de Perrod, sire de Montricher, et de Jean de Gland (de Glanez), donzel, Jean, coseigneur d’Aubonne, acquitta les legs précités, par la cession qu’il fit, en faveur du monastère de Bonmont, de 20 sols annuels qui lui étaient dus par un tenancier de Coinsins, sur une pièce de vigne, appelée Croysone 2.
Le 2e juin 1347, Girard de Lavigny, donzel, et sa femme Hélionette vendent à Jean, coseigneur d’Aubonne, chevalier, pour le prix de 56 florins et 4 sols lausannois, bons, leur part de la dîme de tous les blés du village de Yens, indivise avec Guillaume, fils de feu Rodolphe de Lavigny (celui-ci était le frère du vendeur). Comme la part de dîme vendue était mouvante du fief de l’acheteur, le donzel Girard de Lavigny, en dédommagement, assujettit au fief de ce dernier divers biens situés à Lavigny. Si les vendeurs faisaient usage de leur droit de racheter la prédite dîme, les /228/ choses retourneraient alors dans leur état précédent 1.
Sous l’année du Seigneur 1343, le lundi après la fête de St. Nicolas d’hiver, dans le château d’Aubonne appartenant au noble Jean, coseigneur de ce lieu, chevalier, Marguerite, veuve de Jaquet de Sivirier, donzel, demeurant à Vuillerens, agissant en qualité de fille de feu Nicolas de Chavornay, avait confessé qu’elle était vassale lige (homo ligia), avant tous seigneurs, du prédit coseigneur Jean d’Aubonne, tenant de lui, en fief et sous hommage lige, le tiers du tiers de la grande dîme du froment du village de Yens. Les deux autres tiers du tiers de la prédite dîme étaient tenus, au même titre, du dit coseigneur Jean, par le donzel Nicolet, fils de feu Mermet de Lussy (de Lussye). Le prieur de Saint-Sulpice percevait, sur ce tiers de la grande dîme, 6 coupes villageoises (villanas) de froment, par année 2.
Pour l’arrangement de ses affaires et acquitter diverses dettes usuraires, Jean, coseigneur d’Aubonne, vend, à titre d’alleu, le 20 juin 1348, à Catherine, fille de François, mestral de Mont, femme de Mermet, dit Voudeis, fils de feu Richard, mestral d’Aubonne, 6 muids d’avoine, mesure d’Aubonne, de cense, à Ballens, avec les possessions pour lesquelles ils sont dus par les censiers; de plus, sa dîme du blé, dite d’Yverney (de Verney), sauf 2 coupes de froment et 2 coupes d’avoine que le curé de Yens y perçoit; le tout pour le prix de 140 florins de Florence, de bon or. L’illustre Humbert Alamandi, sire d’Aubonne et le noble Humbert de Rossillon, chevaliers, sont les fidéjusseurs de cette vente, datée d’Aubonne et ayant /229/ pour témoins Perret de Mont (de Montz) et François Magnyn, du dit Aubonne 1.
Le 29 mars 1350, en présence de Mermet de Crissier, donzel et d’Etienne Seschauz, d’Aubonne, divers fonds de terre, situés à Reverolles, sont acensés à Jean et Mermet Pillouz, du dit lieu, par Jean, coseigneur d’Aubonne, sous l’entrage de 20 sols lausannois, et la cense de cinq des mêmes sols et de 4 coupes de froment, mesure d’Aubonne 2 .
On ignore pour quelles raisons les habitants du bourg de Saint-Prex, sujets du chapitre de Lausanne, étaient les ennemis du coseigneur d’Aubonne, et l’on ne sait pas davantage à quel propos des bourgeois d’Evian, aidés par les habitants précités, firent ce seigneur prisonnier, au mois d’août de l’année 1351. Cet événement nous est révélé par un accord fait entre Jean, coseigneur d’Aubonne, et le chapitre de Lausanne, par la médiation de Guillaume, comte de Namur, sire de Vaud, lequel, dans le différend né de l’événement susmentionné, avait convoqué, en qualité d’arbitres, Jacques de Gumoëns (de Gumuens) et Antoine de Vuillens, chevaliers, et Richard du Bourg, bailli de Lausanne. Le coseigneur d’Aubonne accusait les habitants de Saint-Prex de complicité avec les bourgeois d’Evian, qui l’avaient fait prisonnier, et d’avoir empêché ses vassaux de s’emparer de quelques-uns de ces bourgeois /230/ qui s’étaient retirés à Saint-Prex avec leur prisonnier, circonstance dans laquelle plusieurs des dits vassaux avaient été blessés. Le coseigneur d’Aubonne, en conséquence, demandait que les habitants de Saint-Prex lui payassent un dédommagement de deux mille livres. Ceux-ci alléguaient avoir seulement défendu leurs personnes et leur bourg contre les Aubonnais, accourus en force pour prendre ce dernier et leur ayant causé du dommage. Aussi le chapitre réclamait-il, de son côté, une indemnité de deux mille livres, du coseigneur d’Aubonne. Finalement les parties se tinrent mutuellement quittes, le différend ayant été pacifié par la médiation du comte de Namur précité. Les témoins de cette transaction, datée du château de Morges, le 10e mars 1352 et revêtue du sceau du comte de Namur, furent: Louis, seigneur de Neuchâtel, Guillaume de Grandson, sire de Sainte-Croix, Jean de Blonay, bailli de Vaud, Aymon de Chastinnay (de Chastonnay), tous chevaliers et autres 1.
Par lettres patentes, datées de Moudon, le 13e juin 1352, Isabeau de Chalon, veuve de Louis (II) de Savoie, sire de Vaud, en son propre nom et en celui de Catherine, sa fille, accorde, en augmentation de fief, à ses féaux consanguins Guillaume de Grandson et Jean, seigneurs d’Aubonne, la faculté d’user, dans leurs terres situées entre la Venoge et la Versoye, les frontières de la Bourgogne et le lac Léman, de tous les droits de haute, moyenne et basse jurisdiction qu’ils ont dans la seigneurie d’Aubonne, et nommément à Coppet, pour ce qui concerne Guillaume de Grandson, et à Coinsins, Avenex et dans les autres lieux en dépendant, pour ce qui regarde le coseigneur d’Aubonne. /231/ La haute jurisdiction qu’ils ont dans la seigneurie d’Aubonne comprend la chasse, la perception des leydes, les appellations et l’érection de fourches patibulaires. Les villes de Morges et Nyon (et leurs territoires) sont exceptées de la concession faite par la dame de Vaud, qui se réserve le rière-fief dans les terres précitées, ainsi que l’hommage et le ressort 1. L’histoire n’a pas encore éclairci comment Guillaume de Grandson, seigneur de Sainte-Croix, devenu seulement seigneur d’Aubonne en 1365, peut être qualifié de tel, par la dame de Vaud, en 1352, à une époque où la seigneurie d’Aubonne était encore possédée par la maison Alamandi. On pourrait présumer quelque promesse de vente de cette seigneurie faite en sa faveur, soit une perspective d’inféodation de celle ci, pour un cas prévu, que lui aurait donnée la maison de Savoie dont il était un proche parent.
Le 16e octobre 1357, à Aubonne, Jean, coseigneur de ce lieu, chevalier, du consentement de son fils Humbert, vend, à titre d’alleu, à Pierre de Gumoëns-le-Jux, chevalier, pour le prix de 300 florins de Florence, de bon or, divers hommes censiers d’Allaman, désignés par leurs noms et soumis à son avouerie, avec les censes et rentes qu’ils lui doivent annuellement et les possessions à raison desquelles elles sont dues 2. Le vendeur se réserve les larrons et leur justice, la moitié des bans qui se feront sur la voie publique, la chevauchée et les bans dus à son occasion. /232/ Le coseigneur d’Aubonne vend encore, dans la même circonstance, la garde des vignes d’Allaman, indivise avec Humbert de Rossillon, chevalier, seigneur de ce lieu, plus deux seyturées de pré, au lieu dit en Condo (au territoire d’Allaman). Le 6e février suivant, Humbert et François de Lucinge, fils du feu noble chevalier Etienne de Lucinge, se portèrent les garants de cette vente, faite en présence de témoins (François Magnyn, dans le nombre) 1.
On peut présumer que Jean, coseigneur d’Aubonne, était un vaillant chevalier, puisqu’il jouissait de la faveur du comte Amédée VI de Savoie, dit le comte Vert. Ce prince éminent lui en donna une preuve lorsque, occupant à la suite d’une convention faite avec Guichard Tavelli, évêque de Sion, divers châteaux dans le Vallais épiscopal et remplissant la haute charge de bailli de ce pays, il nomma, pour un temps indéterminé, Jean, coseigneur d’Aubonne, chevalier, son lieutenant dans les châteaux, châtellenies et district de Granges et de Sierre, par lettres patentes, datées d’Evian, le 26 novembre 1358, revêtues de son sceau 2. Jean d’Aubonne fut aussi châtelain du château de Tourbillon et vice-bailli du Vallais, pour le comte de Savoie. Toutefois, il ne remplissait plus ces fonctions le 3e février 1360 (nouv. style, soit 3e février 1359, style de l’Incarnation), et même sa lieutenance en Vallais avait mal fini, ainsi que cela ressort de lettres de grâce (soit de rémission) 3 , que le comte Amédée lui accorda, à cette date, à la prière de Guillaume de la Baume, /233/ seigneur de L’Abergement (et d’Aubonne), membre de son Conseil, et d’autres personnes, au sujet de ce que, pendant la durée de son office en Vallais et à raison de celui-ci, il avait opprimé plusieurs sujets du dit comte, et d’autres personnes, leur ayant extorqué indûment, sans cause, certaines quantités d’argent et de vivres; et aussi au sujet de malversation dans ses comptes, où il n’avait pas porté, en faveur du comte Amédée, ce à quoi il était tenu. Ce prince, prenant en considération les services rendus par le coseigneur d’Aubonne, concéda qu’il ne fût pas procédé contre lui par voie juridique, moyennant qu’il payât une amende de cent livres, lesquelles se décompteraient des sommes d’argent que le comte Amédée lui devait. Messire Jean d’Aubonne niait, à la vérité, ou à peu près, d’avoir commis les délits qu’on lui imputait, au sujet desquels une enquête spéciale avait été faite 1. — La seconde épouse de ce seigneur appartenait, comme nous le verrons, à une noble famille vallaisanne, et cette circonstance ne fut probablement pas sans influence sur le choix que fit de lui le comte Amédée de Savoie pour être son lieutenant en Vallais.
Jean, coseigneur d’Aubonne, remplissait l’office de châtelain des Clées à l’époque où Guillaume, comte de Namur et Catherine de Savoie, dame de Vaud, son épouse, firent cession des états de celle-ci au comte Amédée de Savoie. Par une missive datée de Goulesines, le 19e juin 1359, scellée de leur sceau, les prénommés comte de Namur et Catherine de Savoie font savoir à leur cher féal, le sire Jean, coseigneur d’Aubonne, leur châtelain des Clées, /234/ qu’ils ont cédé, entr’autres, leur château et châtellenie des Clées, au comte Amédée de Savoie et qu’ainsi il ait à les lui remettre, sous réserve de leur meubles et des titres qui ne concerneraient pas la dite châtellenie, s’il s’en trouvait 1.
En présence de Mermet de Crissier, donzel, et de Michel de Vevey, tous deux bourgeois d’Aubonne, Jean, coseigneur de cette ville, chevalier, vend, avec l’agrément de son fils Humbert, le 1er août 1360, à Jaquet, fils de feu Perret Marchiant, bourgeois du dit Aubonne, une pièce de pré, située en la Luex, au territoire de la dite ville, pour le prix de 42 livres lausannoises 2.
Le 11e février 1361, Nicod de Pont, donzel, mari de Jaquette, fille de feu Jean de Saint-Germain, donzel, prête hommage lige-noble, de main et de bouche, en présence de témoins, à Jean, coseigneur d’Aubonne, chevalier, confessant tenir, sous le dit hommage, la moitié de tous les biens du prédit Jean de Saint-Germain et de Johannette, fille de feu Jean Marchiant, bourgeois d’Aubonne. Il promet de desservir cet hommage en bon et fidèle vassal 3. Et le 15e du mois de mai de la même année 1361, Pierre de Marbo 4 , du consentement et par la volonté de sa femme Catherine, fille de feu Jean de Saint-Germain, donzel, habitant du Martheray, et de Johannette, son épouse, fille de feu Jean, dit Marchiant, bourgeois d’Aubonne, prête aussi un hommage semblable, au prédit sire /235/ Jean, coseigneur d’Aubonne, pour l’autre moitié des biens du prénommé donzel, Jean de Saint-Germain 1. — On se rappelle l’hommage prêté, en 1312, au même coseigneur d’Aubonne, par le donzel Pierre de Saint-Germain, à raison de biens situés au village de Martheray et dans son territoire. (Voir ci-devant pag. 216.)
Deux pièces de vigne, au lieu dit aux Jardins, devant la ville d’Aubonne, furent acensées, le 2e février 1361, par Jean, coseigneur d’Aubonne, à Jean de la Parousez, sous la cense annuelle de 2 sols 2. Et le même seigneur abergea ou acensa, le 19e juillet 1363, deux autres pièces de vigne (l’une sise sous Trévelin, l’autre au Martheray), sous la cense annuelle de 3 sols genevois 3.
Jean, coseigneur d’Aubonne, essaya de se soustraire à l’hommage qu’il devait au seigneur d’Aubonne, à raison de sa coseigneurie de la ville de ce nom. Après la mort de Guillaume de la Baume, baron d’Aubonne, Etienne de la Baume et Pierre de Granges, tuteurs de Philibert et de Jean, fils du prédit Guillaume, lui accordèrent, sous l’année 1365, un affranchissement de cet hommage 4. Toutefois cet acte resta sans valeur (il n’est ni signé ni scellé); les fils de Guillaume de la Baume n’héritèrent pas la seigneurie d’Aubonne, qui passa, la même année, à Guillaume de Grandson, seigneur de Sainte-Croix, auquel Jean, coseigneur d’Aubonne, prêta hommage, en la dite année 1365 5. /236/
Sous l’année 1364, Jean, coseigneur d’Aubonne, avait reçu l’hommage lige de François, fils de feu la noble Jeanne, fille de feu Martin Annoz de Châtillon, donzel, à raison des biens pour lesquels les prédécesseurs du dit François, qui habitait à Promenthoux, avaient prêté le dit hommage. Jean de Giez (de Gye) et Jaquet de Chavornay, donzels, avaient été, entre autres, les témoins de cette prestation d’hommage, qui avait eu lieu dans le château d’Aubonne 1.
Le 8e avril de l’an du Seigneur 1369, à Aubonne, Jean de Giez (de Gye), donzel, fils de feu Vuillelme Pittet de Giez, donzel, et sa femme Johanette, fille de feu Girard de Ferrères, donzel, accordent à Jean, coseigneur d’Aubonne, chevalier, le droit de racheter, pour 80 florins de bon or, certaine dîme, de blé et de vin, dite des Quartes, se levant au territoire d’Aubonne, que les hoirs de Richard de Chantonay, donzel, avaient tenue de lui en fief (voyez ci-devant, pag. 223) et que le dit coseigneur Jean avait vendue à Jean, fils de feu Mermet, mestral d’Aubonne, donzel, sous la garantie du noble sire Rodolphe Rouge (Rubei) de Vufflens-le-Château, du chevalier Jean, mestral de Yens (de Yent) et d’Henri Favre (Faber), de Pampigny, bourgeois (burgenses) d’Aubonne. Le dit Jean, fils de Mermet, mestral d’Aubonne, avait vendu la prédite dîme des Quartes, avec l’approbation du coseigneur Jean, au prénommé Jean de Giez 2.
Ce même coseigneur d’Aubonne avait aussi vendu, à une date qui n’est pas indiquée, plusieurs censes et droits d’hommage, à Burtigny et à Gland, paraîtrait-il, avec la directe seigneurie et la jurisdiction, sauf le dernier supplice, /237/ au donzel Aymon de Gland, pour le prix de 80 livres et sous grâce de rachat. Jean de Menthon, seigneur de Drusilly, droit ayant du vendeur, racheta les prédites censes de Guillaume de Gland, donzel, demeurant à Lignerolles, petit-fils de l’acheteur, par acte daté des Clées, le 2e novembre de l’année 1445 1.
Il résulte, nous semble-t-il, de ce que nous avons rapporté des transactions de Jean (IV), coseigneur d’Aubonne, que si celui-ci fit, d’un côté, l’acquisition de diverses propriétés, il en aliéna, d’un autre côté, un plus grand nombre. Ce seigneur n’était plus vivant le pénultième d’avril de l’année 1373 2.
Le 18e mai 1350, indiction 2e, au château d’Aubonne, le noble Jean, coseigneur du dit lieu, chevalier, avait fait son testament, par lequel il avait institué son fils Humbert, né de Marguerite, sa première femme, fille du sire Girard d’Oron, chevalier, héritier de ses biens à Aubonne 3 et dans le diocèse de Genève, avec le village de Lavigny et la seigneurie (soit la jurisdiction dans ce lieu) et toute la forêt d’Etoy. Le fils dont sa seconde épouse Johannette, fille de messire Jean, seigneur d’Aniver (d’Anniviers) 4 , était enceinte, serait héritier de tous les autres biens du testateur, situés au delà de l’Aubonne, dans le diocèse de Lausanne, et il aurait sa maison de Vevey, procédée de la dot de sa première femme Marguerite, et tous les biens /238/ qui en dépendaient, avec ses vignes appelées de Colongy et dou Batron. Si Humbert le molestait au sujet des dits biens de Vevey, les deux frères feraient alors l’échange de leurs parts de l’héritage. Celui qui aurait Aubonne et les biens situés dans le diocèse de Genève, desservirait l’hommage dû à Humbert Alamandi, sire d’Aubonne, et à Louis de Savoie 1 , tandis que l’autre frère desservirait celui dû au comte de Savoie et les autres hommages qui se trouveraient dus dans le diocèse de Lausanne. Si l’épouse du testateur donnait le jour à une fille, celle-ci et sa sœur Antonie auraient chacune 500 florins de dot, payables par l’héritier Humbert. Ce dernier ne pourrait rien exiger de la dot de dame Johannette, la seconde épouse de son père, soit de l’assignation de cette dot. Bynfa, la très chère mère du testateur et la dite dame Johannette administreraient tous ses biens 2 ; toutefois, il leur serait interdit d’en aliéner aucun. Le testament de dame Marguerite, sa première épouse, recevrait son exécution intégrale, et il en serait de même de celui de dame Bynfa, qui se prendrait sur le partage du dit Humbert. Si ce dernier ne voulait ou ne pouvait pas payer les dots de ses sœurs, celles-ci auraient 18 livrées de terre, jusqu’à ce qu’on les satisfît à l’égard de leurs dots. Pour le cas ou Johannette, l’épouse du testateur, ne voudrait pas demeurer avec dame Bynfa, la mère de celui-ci, et avec Humbert, son héritier, elle jouirait, durant son veuvage, de la grange de Lavigny et de tous les biens situés dans /239/ ce lieu. Et si elle ne voulait pas résider dans la dite grange, Humbert, l’héritier du testateur, lui payerait annuellement, à titre viager, 50 livres lausannoises, en deux termes (à la Toussaints et à Pâques). A son fils Humbert et aux fils de celui-ci, puis aux fils qu’il pourrait avoir lui-même de son épouse Johannette, le testateur avait substitué, quant à son héritage, François, le fils aîné du sire Jean, fils du sire Rodolphe d’Oron, né de dame Catherine, fille du testateur. A celui-ci il avait substitué les fils à naître du sire Jean de Disy et de dame Guillermette, son épouse, aussi fille du testateur. Enfin, aux fils de ses fille Catherine et Guillermette, il avait substitué Humbert de Lucinge, son très cher neveu. Dans ce dernier cas, le testateur avait donné 400 livres à dame Catherine, sa fille, et à ses enfants; pareille somme à dame Guillermette (sa fille) et à ses enfants, et aussi à sa fille Johannette, épouse de Jean de Rych (Divitis), et à ses enfants, sommes payables par le dit Humbert de Lucinge, à titre d’augment de dot des filles du testateur. Si le prédit Humbert de Lucinge ne voulait ou ne pouvait pas payer les dites sommes, il assignerait, à chacune des trois dames susdésignées, 20 livrées de terre, qu’il pourrait réemptionner. Si c’était François d’Oron qui héritait, il payerait 400 livres à dame Guillermette et autant à Johannette, sœur de celle-ci, sinon il les assignerait. Si François d’Oron ne succédait pas à l’héritage du testateur, les fils à naître de dame Guillermette de Disy payeraient à dame Catherine d’Oron et à ses enfants, et à Johannette de Rych et à ses enfants, à chacune d’elles 400 livres, ou bien ils les assigneraient. — Le testateur avait ordonné que sa sépulture eût lieu dans le couvent de Bonmont, dans la tombe du sire Jean, /240/ son père, et il avait légué 10 solidées de terre à ce monastère, rachetables moyennant 10 livres. Il avait fondé un autel dans la chapelle de St. Etienne, à Aubonne, sous le vocable de St. Georges, devant le siège de dame Bynfa, sa mère. Trois messes seraient célébrées chaque semaine à cet autel, dont l’une pour le repos de son âme et de celles de ses prédécesseurs. Il avait légué au dit autel 70 solidées de terre, y compris 25 sols annuels légués par sa sœur Hélione, pour la fondation de l’autel précité, où l’une des trois messes serait célébrée pour l’âme de sa dite sœur. Il avait légué 100 sols, pour une fois, au curé d’Aubonne, 10 sols à chacun de ses vicaires, 5 sols à chacun des clercs de l’église de Trévelin 1 et de la chapelle de St. Etienne, d’Aubonne; 5 sols aux chanoines d’Etoy, pour la célébration d’une messe pour le repos de son âme; aux curés de Saint-Livres, de Yens, de Reverolles, de Pampigny, d’Eclépens, d’Allaman, de Burtigny, de Féchy, de Gimel, de Pizy, de Montherod et de Coinsins 2 , 5 sols à chacun d’eux, pour la célébration de messes de requiem. Il avait légué à l’hôpital du Saint-Esprit, d’Aubonne, deux coupes annuelles de froment commun, une coupe annuelle de semblable graine à la maladière d’Aubonne, autant à chacune des confréries de Lavigny et du Saint-Esprit, /241/ d’Aubonne, moyennant que, quoique décédé, il demeurât confrère de ces deux associations. Indépendamment d’autres legs pies, le testateur avait encore donné 20 sols lausannois, pour une fois, à la chartreuse d’Oujon, et 10 sols à chacun des couvents des Frères-Mineurs et des Frères-Prêcheurs de Genève, Lausanne et Nyon. Il avait ordonné que toutes les donations faites, tant par ses prédécesseurs que par sa défunte épouse Marguerite et sa sœur Hélione, fussent accomplies. Ses héritiers payeraient ses dettes, et cela serait publié dans toutes les églises de sa seigneurie 1 ; il en avait chargé leurs consciences et celles de ses exécuteurs testamentaires, savoir : Perrod de Montricher, Jean du Nant, de Menthon, curé d’Aubonne, Girod de Lavigny, donzel et François Magnyn, du dit Aubonne. Dame Bynfa, la mère du testateur, Johannette, son épouse, et Humbert, né de sa première femme, avaient approuvé et ratifié ce testament, fait en présence de Pierre de Gumoëns, chevalier, de Jean de Bettens, de Mermet de Crissier, donzel, et d’autres témoins 2.
Le testament du chevalier Jean, coseigneur d’Aubonne, jette du jour sur ses rapports domestiques et sa position, en général. Ce seigneur survécut de longues années à cet acte de dernière volonté. Le 18e septembre 1369, il fit un codicille, rapporté à la suite d’un extrait de son testament, par lequel il institua héritiers de tous ses biens (c’est à-dire de ceux dont il n’avait pas disposé en faveur de son fils Humbert, par son testament) ses fils Antoine et Jacques, nés de sa seconde épouse Johannette, fille de Jean, sire d’Aniver (d’Anniviers), par parts égales. Il nomma pour /242/ exécuteurs testamentaires: Guillaume de Pizy, prévôt du Saint-Bernard, Aymon du Four, frère prêcheur de Genève, Pierre, seigneur de Montricher, et Girard Tavelli, de Genève, donzel. Ce codicille, daté d’Aubonne, de la chambre du testateur, eut pour témoins Jacques de Saint Saphorin, donzel, et plusieurs bourgeois d’Aubonne 1.
Marguerite d’Oron, la première épouse de Jean, coseigneur d’Aubonne, apparaissant encore le 12e juin 1342 2 , ne vivait plus le 21e mars 1344 (voir ci-devant pag. 227). Elle était la fille et le seul enfant de Girard (III), sire d’Oron, chevalier, qui prêta hommage, en 1330, à l’abbaye de Saint-Maurice, pour le vidomnat d’Oron, et dont le nom de l’épouse n’est pas connu 3. Quant à Johannette, la seconde épouse de messire Jean d’Aubonne, qui était la fille du sire Jean, seigneur d’Anniviers 4 , elle appartenait à une noble famille du Vallais, possédant l’un des châteaux de Granges, avec la coseigneurie de ce lieu. Cette dame vivait encore le 11e mars de l’année 1377, style de la Nativité. (Voir plus loin.)
Jean (IV) d’Aubonne eut de sa première épouse les enfants suivants:
1o Humbert (II), qui fera le sujet de l’article qui suit. /243/
2o Catherine, mentionnée dans le testament de son père comme étant l’épouse de messire Jean, fils du sire Rodolphe d’Oron, et la mère de François d’Oron, appelé, par le testament précité, à succéder à l’héritage du testateur, après ses fils. Dame Catherine apparaît encore le 20e août 1358 1. Jean d’Oron, son mari, était chevalier et seigneur d’Attalens. François, leur fils, ne laissa pas de postérité 2.
3o Guillermette, épouse, à la date du testament de son père, de messire Jean de Disy, chevalier, fils de messire Nicolas de Disy, aussi chevalier. Dame Guillermette est encore mentionnée le 8 mars 1376, avec la remarque que le chevalier Jean de Disy, son mari, demeurait à Morges 3. Par son testament, daté de l’année 1390, Guillermette de Disy légua cinq sols annuels au curé d’Aubonne et les assigna sur un pré, dit en la Pra d’Aubonne, situé sous la ville 4.
4o Johannette (ou Jeannette), épouse de Jean de Rych (Divitis), de Fribourg, d’une famille marquante qui a donné un avoyer à cette ville dans la première moitié du XIVe siècle 5. L’existence et le mariage de Johannette d’Aubonne nous sont révélés tout à la fois par le testament de son père.
5o Antonie. Cette fille de messire Jean d’Aubonne nous est seulement connue par le testament de celui-ci, qui /244/ n’indique pas si elle était née de la première ou de la seconde femme du testateur. Nous présumons plutôt ce dernier cas. On se rappelle que le sire Jean d’Aubonne avait destiné à sa fille Antonie, par son testament, une dot de 500 florins. Selon la Collection de Gingins, une fille de ce coseigneur d’Aubonne, qui n’est pas nommée, aurait épousé Robert, sire de Menthon, chevalier, et elle aurait été la mère de messire Henri de Menthon, que nous verrons prétendre à la possession de la coseigneurie d’Aubonne, sous l’année 1434. L’épouse de Robert de Menthon était-elle Antonie d’Aubonne ?
De sa seconde femme, Jean, coseigneur d’Aubonne, eut deux fils, savoir :
6o Antoine, qui fut seul coseigneur d’Aubonne après la mort de son frère Humbert et auquel nous consacrerons un article spécial.
7o Jacques, nommé l’un des héritiers de son père par le codicille de celui-ci. Il paraît être décédé jeune, puis qu’on ne le trouve plus mentionné dès lors.
DIXIÈME DEGRÉ.
HUMBERT (II), COSEIGNEUR D’AUBONNE.
Humbert, fils aîné de Jean (IV), coseigneur d’Aubonne, né de Marguerite d’Oron, sa première femme, devint coseigneur d’Aubonne à la mort de son père. Nous avons /245/ vu quelle fut la part de biens que le testament de celui-ci lui assigna.
Le 11 mars de l’année 1377, prise à la Nativité, Humbert et Antoine, frères, fils de feu Jean, coseigneur d’Aubonne, acensent une maison, avec oche et jardin, située à Lavigny, et cela du consentement de la noble dame Johannette, veuve du prédit Jean et mère du prénommé Antoine, laquelle approuva cet acensement 1.
On apprend, par la reconnaissance de Jeannette de Pampigny, épouse du donzel Pierre de Ville, en faveur de Louis, sire de Cossonay et de Surpierre, datée de l’année 1377, que la confessante tenait sa part aux corvées, à la panaterie et à l’avoinerie, qu’elle percevait trois fois l’an, avec le seigneur de Montricher et Humbert, coseigneur d’Aubonne, à Pampigny et à Mauraz et dans les abergements des Asteyr et des Borian, de Villars-Boson, et des Chivaller, de Sévery 2. Indépendamment du four, dit de Montricher, acquis par son père, avec 20 sols lausannois annuels sur les corvées de charrue (voir ci-devant, pag. 221 et la suiv.), Humbert, coseigneur d’Aubonne, devait encore posséder d’autres droits féodaux à Pampigny, ce lieu étant nommé dans le nombre de ceux où des reconnaissances furent prêtées en faveur de Jean, coseigneur d’Aubonne, en 1321, à cause de sa coseigneurie du dit Aubonne 3. /246/
Humbert, coseigneur d’Aubonne, ne fournit pas une longue carrière. Etant malade, il fit son testament, daté de sa grange de Lavigny, le 7 mai de l’année 1377, indiction 14e, par lequel il institua son frère Antoine pour héritier universel de tous ses biens, lequel payerait ses dettes. Il légua dix sols annuels au couvent de Bonmont, rachetables par dix livres, et ordonna qu’on l’inhumât dans la tombe de son père, dans le prédit couvent. Ce testament fut fait en présence de Jaquet Marchiant, d’Aubonne, de Guillaume de Lavigny, le jeune, donzel, de Jaquet de Saint-Saphorin, et d’autres témoins 1. On n’apprend pas que ce coseigneur d’Aubonne ait été marié.
DIXIÈME DEGRÉ.
ANTOINE, COSEIGNEUR D’AUBONNE.
Antoine pourrait être cet enfant de Jean, coseigneur d’Aubonne, chevalier, dont était enceinte sa seconde /247/ épouse Johannette, fille de Jean, seigneur d’Anniviers, lorsqu’il fit son testament, le 18 mai 1350. On se rappelle que par cet acte de dernière volonté, le testateur assignait à cet enfant, si c’était un fils, les biens qu’il possédait à Vevey, procédés de la dot de Marguerite d’Oron, sa première épouse, et toutes ses possessions situées dans le diocèse de Lausanne 1. On se rappelle encore que, par son codicille du 18 septembre 1369, le même Jean d’Aubonne avait nommé son fils Antoine l’un de ses deux héritiers à l’égard des biens dont il n’avait pas disposé en faveur de son fils aîné, Humbert, par son testament.
Antoine ne tarda pas à posséder seul la coseigneurie d’Aubonne, par suite de la mort de son frère Humbert, dont il fut l’héritier.
Le 9 octobre 1380, à Aubonne, Antoine, coseigneur de ce lieu, accorde aux communautés de Gimel, Longirod, Marchissy et Burtigny, à titre d’abergement, le droit de couper du bois sur les montagnes de la Seiche, des Amburnex et autres, jusqu’à la rivière de l’Orbe, à l’occident, au rocher de Brisenchy, y compris celui-ci, du côté de vent, et jusques aux montagnes (chaumes) de Bière, au nord, et d’y pâturer leurs propres bestiaux. Il sera loisible aux habitants de ces communautés de couper du bois pour brûler dans leurs maisons, soit pour vendre dans leurs limites (ad cremandum in eorum hospicio aut vendendum et non ultra eorum potestatem). Cette concession a lieu sous l’entrage de huit muids d’avoine, et la cense annuelle de deux deniers genevois, payables, le lendemain de Noël, pour chaque feu de ceux qui couperont /248/ du bois et feront paître leurs bestiaux. Le coseigneur d’Aubonne fait observer, dans cette circonstance, qu’il possède les dites montagnes comme successeur de son père Jean et de son oncle Artaud, frère de celui-ci 1 , auxquels elles appartenaient en vertu d’une transaction passée entre Amédée de Villars, sire d’Aubonne, cause ayant d’Oddet, abbé de Saint-Oyen, d’une part, et Jean, coseigneur d’Aubonne et son frère Artaud, d’autre part, au sujet des prédites montagnes 2 , transaction par laquelle la jurisdiction sur celles-ci appartint au seigneur d’Aubonne et à l’abbé de Bonmont, quoiqu’elle dût appartenir aux coseigneurs Jean et Artaud, par part égale avec le dit seigneur d’Aubonne. Les communautés de Gimel, Longirod, Marchissy et Burtigny n’avaient pas de titre constatant l’usage dont elles jouissaient dans les montagnes précitées, et elles avaient prié le coseigneur Antoine de vouloir bien leur en accorder un 3. Ces montagnes sont celles que le recteur Berchtold, duc de Zæhringen, avait inféodées, sous l’année 1208, au sire Guerric, à Jacques et à Pierre, seigneurs d’Aubonne.
Le 20 juin 1381, Antoine, coseigneur d’Aubonne, prêta hommage lige, pour sa coseigneurie de la ville d’Aubonne, à Guillaume de Grandson, seigneur de Sainte-Croix et d’Aubonne 4. Il s’acquitta de ce devoir de la même /249/ manière dont son père Jean s’en était acquitté envers le prédit Guillaume de Grandson, confessant qu’il était l’homme lige de celui-ci, à raison des biens reconnus par son prénommé père 1. Jean, coseigneur d’Aubonne, avait prêté hommage lige à Guillaume de Grandson, sous l’année 1365 2.
Une confession de la communauté d’Aubonne, représentée par les deux gouverneurs (Etienne Séchaux, donzel, et Rolet Moschet) et dix bourgeois de ce lieu (dans le nombre Nicod de Mollens, donzel, et Jaquet Marchiand), datée du 28 novembre 1384, nous apprend que, dans le cas où Antoine, coseigneur d’Aubonne, parviendrait aux honneurs de la chevalerie, la communauté prédite, comprenant tant les sujets de Guillaume de Grandson, seigneur de Sainte-Croix et d’Aubonne, que ceux du prénommé Antoine, payerait alors à ce dernier une aide de quarante florins d’or 3. La circonstance suivante avait donné lieu à cette confession :
Le jeune Guillaume de Grandson, fils de l’illustre chevalier Othon et petit-fils de Guillaume de Grandson, seigneur de Sainte-Croix et d’Aubonne, avait accompagné son aïeul en Vallais, où le comte Amédée (VII) de Savoie, dit le comte Rouge, faisait la guerre aux Vallaisans et s’était emparé de la ville de Sion 4. Nonobstant sa grande /250/ jeunesse 1 , Guillaume de Grandson avait été récemment armé chevalier devant cette ville. Le sang de son père et de son aïeul, tous deux vaillants chevaliers, coulait dans ses veines. A l’occasion de sa promotion à l’ordre de chevalerie, la ville et communauté d’Aubonne lui avait payé quarante florins d’or, pour l’aide, payement auquel avaient contribué les sujets du coseigneur Antoine tout comme les autres. De là, et à titre de réciprocité, la confession rapportée ci-dessus 2. /251/
Dans l’année 1387, le notaire Jean Montricher rénova, en faveur d’Antoine, coseigneur d’Aubonne, les reconnaissances féodales, jadis prêtées à Aubonne, Gimel, Saubra, /252/ Longirod, Marchissiez, Burtigny, Saint-Oyen, Saint-Georges et Coinsins, en faveur de Jean et d’Artaud, coseigneurs d’Aubonne, sur les mains du notaire Jean Bruneri, en l’année 1301 1.
Le même notaire Montricher, en l’année 1377, avait stipulé la Grosse des reconnaissances prêtées, à Aubonne, Pampigny et ailleurs, en faveur d’Antoine, coseigneur d’Aubonne, à cause de sa dite coseigneurie. La plupart des confessants, à Aubonne, avaient reconnu être astreints à la garde 2.
Du consentement de la noble Mirande, son épouse, Antoine, coseigneur d’Aubonne, avait fait don à l’hôpital du Saint-Esprit, d’Aubonne, d’une cense de soixante sols, qui était assignée. Le 4 octobre 1392, le recteur de cet hôpital lui accorda le droit de la racheter 3.
La scène que nous allons rapporter se passait à Aubonne, le 1er juin 1394, sur la rue publique, devant la maison des hoirs de Jaquet Marchiand, où, en présence de Mermet Bassins, de Bougy-Millon, notaire public, se trouvaient rassemblés, d’une part, le noble et puissant Rodolphe, comte de Gruyère, seigneur d’Aubonne et de Vauxgrenant, et Girard Joet, procureur de Vaud, agissant pour l’illustre comte de Savoie, et, d’autre part, Antoine, coseigneur d’Aubonne. Les premiers demandaient que ce dernier entrât dans la maison précitée, qui relevait de sa seigneurie, en en rompant la porte, et cela contre la volonté de Perronette, veuve du prédit Marchiand, et de ses enfants, afin que les prénommés /253/ comte de Gruyère et procureur de Vaud prissent certaines extentes et reconnaissances, faisant à leur usage, et renfermées dans des arches que dame Jeanne, dame de Pollans, soit sa famille en son nom, y avait déposées. « Sachez, » leur disait le coseigneur Antoine, « que je n’entrerai pas dans la dite maison et n’innoverai rien que vous ne m’ayiez préalablement donné des lettres de non-préjudice, tant à l’égard de mes droits de seigneurie que des franchises et libertés de la ville d’Aubonne. » Ces lettres lui sont concédées par le comte de Gruyère et le procureur de Vaud, sous obligation de leurs biens, et stipulées par le notaire Mermet Bassins précité 1. [Note de l’édit. : Voyez l’observation de l’auteur à la page 384 des Pièces justificatives.]
Il est nécessaire d’ajouter, pour l’intelligence de ce qui précède, que, l’année précédente, Bonne de Bourbon, régente de Savoie, dans la disgrâce de laquelle était tombé le chevalier Othon de Grandson, parce qu’il avait protégé l’empirique que la voix publique accusait d’avoir causé la mort du comte Rouge (reconnu, cependant, par suite d’enquête, innocent de ce crime) et lui avait donné asile à Aubonne, Bonne de Bourbon, disons-nous, avait fait confisquer, entre autres, les terres d’Aubonne et de Coppet, au préjudice de l’illustre chevalier. Le comte Rodolphe de Gruyère, membre du Conseil de régence, ennemi du chevalier Othon, et qui avait prétendu à la possession de ces terres, du chef de Marguerite Alamandi, sa mère, avait profité de sa haute position pour en obtenir l’inféodation, le 4 novembre 1393, moyennant 14 000 florins d’or, de moitié avec Jean de la Baume, aussi ennemi du preux chevalier Othon 2. Sans doute /254/ qu’à la suite de ces événements, Jeanne, dame de Pollans, que nous présumons avoir été l’épouse du chevalier Guillaume, fils d’Othon de Grandson (on se rappelle que celui-là est qualifié de seigneur de Pollans dans le testament de son frère Ottonin), avait fait déposer les titres de la seigneurie d’Aubonne dans la maison de Jaquet Marchiand, pour les mettre en sûreté. Il s’agissait, dans cette circonstance, de mettre le comte Rodolphe de Gruyère en possession de la terre d’Aubonne; c’est ce qu’indiquerait la présence du procureur de Vaud.
Pour payer des dettes, le même coseigneur d’Aubonne et sa fille Marguerite, dite Margot, du consentement d’Agnès de Vuippens, épouse du dit Antoine, vendent, le 22 novembre 1404, deux prairies, situées à Yens, dites en Pra communaux, pour le prix de 60 livres 1. Ce coseigneur d’Aubonne aliéna aussi le four de Yens, en faveur du donzel Hugonet Grasset, de La-Sarra, qui lui concéda, sous l’année 1406, le droit de le racheter 2.
On se rappelle que Jean, coseigneur d’Aubonne, et son fils aîné Humbert avaient fait, chacun, par testament, une aumône de dix sols annuels, au couvent de Bonmont, /255/ dans lequel ils voulaient être inhumés. Or, Antoine, coseigneur d’Aubonne, dans le but de rendre les âmes de ses défunts père et frère et de ses prédécesseurs, ainsi que la sienne propre, participantes aux prières et aux bonnes œuvres qui se faisaient dans le dit couvent, fit à celui ci, le 21 octobre 1412, une donation importante, pour acquitter les legs précités, en les augmentant. Ce don fut celui de tous les bâtiments et artifices que le donateur avait sur l’eau de Coinsins, dite de Mimorey, avec le cours de cette eau. En retour de cette donation, le couvent célébrerait trois messes chaque semaine, dont l’une serait une messe de requiem. Après le décès du coseigneur Antoine, toutes les trois seraient des messes de cette catégorie-ci, célébrées pour le salut de son âme, de celles de son père, de son frère et de ses prédécesseurs. Le donateur fit la réserve que le curé de Coinsins ferait usage du moulin et du battoir concédés sans payer d’émine. Il réserva aussi en sa propre faveur la seigneurie (directe) et l’omnimode jurisdiction sur les biens donnés. Cette donation eut lieu au château antérieur d’Aubonne, devant Jean, évêque de Genève, qui s’y trouvait alors et qui lui donna sa sanction, et en présence de plusieurs témoins. L’abbé Etienne la reçut au nom de son couvent de Bonmont 1. [Note de l’édit. : Voyez l’observation à la page 393 des Pièces justificatives.]
Au mois d’août de l’année 1306, l’abbaye de Bonmont avait accordé à Binfa, codame d’Aubonne, la faculté de racheter, moyennant 70 livres, un cens annuel de 70 sols qu’elle avait assigné à ce couvent sur le tiers fruit de quatre poses de vigne situées devant la ville d’Aubonne, assignation qui avait eu lieu du consentement des /256/ exécuteurs du testament du feu seigneur Jean (III), coseigneur d’Aubonne, son mari, savoir : Nicolas de Greysier (de Greysie), chanoine de Genève, Guillaume de Greysier et Girald d’Allaman, donzels. La dite assignation avait été faite pour acquitter les aumônes suivantes : 10 sols annuels légués par dame Jordane, sœur de Jacques (III), coseigneur d’Aubonne; 20 sols (annuels) légués par dame Marguerite, femme du précité feu coseigneur Jacques; et 30 sols (annuels) légués par le seigneur Jean, coseigneur d’Aubonne, mari de la prénommée dame Binfa. Elle comprenait encore 10 sols annuels, auxquels ce dernier avait été tenu envers le couvent de Bonmont, à raison de certaine maison, située à Aubonne et procédée de feu Sanson, de Coinsins. Le 27 août 1417, le noble Antoine, coseigneur d’Aubonne, céda à l’abbaye de Bonmont, pour le prix de 24 écus d’or, le droit de rachat, mentionné ci-dessus, des prédites quatre poses de vigne, ainsi que tous les droits qu’il avait sur celles-ci. Cette cession eut lieu dans le jardin du château du dit noble Antoine, en présence de Jean Marchiand, bourgeois d’Aubonne, châtelain du prédit coseigneur, et de Michel Magnins, bourgeois de Nyon. Gomme les vignes précitées relevaient du fief noble du château d’Aubonne, François, comte et seigneur de Gruyère, et seigneur d’Aubonne, approuva, le 5 mai 1461, la prédite cession de rachat, moyennant 12 livres reçues par lui 1.
Quelques années plus tard, en 1420, Antoine, coseigneur d’Aubonne, affranchit l’abbaye du Lac de Joux du ruage du vin au pont de l’Aubonne, pour les vins provenant /257/ des vignes de ce couvent 1. Le ruage du vin était un péage qui se payait pour le vin voituré.
Les biens et les droits seigneuriaux qu’Antoine, coseigneur d’Aubonne, avait possédés à Allaman et dans les environs de ce lieu, se trouvaient, sous l’année 1419, dans les mains d’Henri, sire de Menthon, chevalier, en faveur duquel ils furent alors reconnus 2. Celui-ci les tenait-il à titre d’acquisition ou de donation ? Il y avait affinité et consanguinité entre lui et Antoine, coseigneur d’Aubonne, lequel, comme nous le verrons, était porté de la meilleure volonté envers le sire de Menthon, tout à la fois son neveu et son beau-frère 3 , et qui exploita /258/ largement ces dispositions. Il est probable que la mort prématurée de Louis, seul fils du coseigneur Antoine, contribua beaucoup à amener un pareil résultat, en rapprochant celui-ci de son neveu de Menthon.
Quoi qu’il en soit, en l’année 1424, Antoine, coseigneur d’Aubonne, fit donation, en faveur d’Henri, sire de Menthon, chevalier, de la moitié de tous ses biens, moitié dont il s’était réservé la disposition par le contrat de mariage de sa fille Margot. Nous présumons, du reste, qu’il se réserva l’usufruit des biens donnés. Et par son testament, dont la date n’est pas indiquée, le coseigneur Antoine assura tous ses biens au prénommé Henri de Menthon et même ceux de sa fille, si celle-ci ne laissait pas d’enfants 1.
Ce coseigneur d’Aubonne, avec lequel s’éteignit la lignée masculine de sa maison, n’était plus vivant le 20 avril 1430. (Voir plus loin.)
Il avait été marié deux fois. Sa première épouse, la noble Mirande, était la fille de Robert, sire de Menthon, chevalier, et d’Isabelle de Lucinge 2 et sœur consanguine d’Henri, sire de Menthon, chevalier. En l’année 1407, le noble et puissant Antoine, coseigneur d’Aubonne, fit un assignat, en faveur de sa fille Margot, de certaines sommes d’argent reçues par lui pour la vente du four de Yens et de certains prés dans ce lieu, lesquels (four et prés) étaient hypothéqués pour la dot de dame Mirande, mère de la prénommée Margot 3. Nous avons vu que /259/ c’était avec le consentement de la noble Mirande, son épouse, qu’Antoine, coseigneur d’Aubonne, avait fait don d’une cense de 60 sols à l’hôpital du Saint-Esprit, d’Aubonne.
Ayant perdu cette première épouse, Antoine, coseigneur d’Aubonne, se remaria, en l’année 1399, avec dame Agnès, fille de Nicod de Vuippens, de Fribourg, donzel, et veuve de Jacques de Rych (Divitis), aussi de Fribourg, chevalier. Pour la passation du contrat de ce mariage, le coseigneur Antoine avait été représenté par Henri de Menthon, chevalier, et Amédée de Viry, seigneur de Mont (le-Vieux); Agnès de Vuippens avait eu pour mandataires le chevalier Jean de Blonay et Louis de Joinville (de Jenvillaz), sire de Divonne. La dot de l’épouse avait été de 1200 florins, payables en deux termes. L’époux avait promis 200 florins à titre d’augment de dot; le tout serait assigné par lui. Il avait été stipulé que les enfants des deux lits, s’il y en avait, jouiraient des mêmes avantages. La convention entre les mandataires des époux avait eu lieu à Nyon, le 19 juillet de la prédite année 1399, en présence de Nicod de Divonne et de Girard de Moudon. Le coseigneur Antoine y avait donné son adhésion, dans son château d’Aubonne, le 9 septembre suivant, en présence de Perrod de Mollens, de Jean Vuient et de Pierre Boulat, bourgeois d’Aubonne. Dame Agnès de Vuippens, de son côté, l’avait confirmée le lendemain, à Fribourg, dans la maison de son premier mari, en présence de Pierre de Pougny et d’Aymon de Faucigny, donzels, de Petermann Gudriffyn et de Perrod de Prumier, bourgeois de Fribourg. Le clerc Jean Martine, de Perroy, avait stipulé le dit contrat 1. /260/
Par un traité, daté du 24 février 1417, Antoine, coseigneur d’Aubonne et Agnès de Vuippens, sa seconde épouse, se firent des donations mutuelles. Elles consistèrent, de la part du premier, en tous ses biens meubles, soit, à la place, 200 livres, bonne monnoie de Savoie, payables par ses héritiers. Il lui assura, à titre viager, dans le cas où elle lui survivrait, les langues des grosses bêtes de la boucherie d’Aubonne, une vigne située aux Crusilles et une seconde vigne, au lieu dit en Bael, au territoire de Féchy. De son côté, Agnès de Vuippens donna au sire Antoine, en cas de survivance de celui-ci, les fours ou le four d’Aubonne et la garde des vignes de Lavigny. Il payerait alors 20 livres aux créanciers de son épouse, lesquelles se déduiraient des 26 livres d’assignation qu’elle avait sur le four d’Aubonne 1. [Note de l’édit. : Voyez l’observation à la page 398 des Pièces justificatives.]
Agnès de Vuippens, encore vivante en l’année 1420 (voir plus loin), ne donna pas d’enfants à Antoine, coseigneur d’Aubonne, son second mari.
Mirande de Menthon, la première épouse de celui-ci, lui en avait donné deux, savoir : Louis et Marguerite, soit Margot. Cette dernière, par la mort prématurée de son frère, devint l’héritière de sa maison. L’article suivant lui est consacré.
Louis, décédé jeune, longtemps avant son père, laissa une fille bâtarde, nommée Clémence, qui épousa, en 1420, Pierre, fils de François Alloux, de Bussy, bourgeois d’Aubonne. Le sire Antoine lui constitua, du consentement de dame Agnès de Vuippens, son épouse, ainsi que d’Henri, seigneur de Montricher, et de dame Marguerite, /261/ soit Margot, épouse de celui-ci et fille du dit sire Antoine, une dot de 50 livres, pour laquelle, moyennant 37 livres qu’il reçut de l’époux de la dite Clémence, il donna à cette dernière le moulin de Yens. Sous l’année 1428, la prénommée Clémence était veuve de Pierre Alloux, et le père de celui-ci fit alors cession et remise à sa belle-fille du moulin précité. Un titre de rachat de ce dernier avait été stipulé, en 1425, en faveur du sire Antoine 1.
ONZIÈME DEGRÉ.
MARGUERITE, DITE MARGOT,
CODAME D’AUBONNE,
épouse d’HENRI, SEIGNEUR DE MONTRICHER.
Marguerite, ainsi que nous l’avons rapporté, était née de Mirande de Menthon, la première épouse de son père.
Elle devint l’épouse, à une date qui n’est pas indiquée, d’Henri, seigneur de Montricher, le dernier représentant de son ancienne et noble race, qui était le fils de messire Jean, coseigneur de Montricher, chevalier, et de Guillermette de Duyn. Ce mariage était un fait accompli sous l’année 1418. (Voir plus loin.)
Le 20 avril 1430, à Lavigny, Perronette, veuve de Jaquet Mugnier, pour lors épouse de Janin Barbier, /262/ confesse que, tant qu’elle fera feu au dit Lavigny, elle est soumise à l’avouerie d’Henri, seigneur de Montricher, et de Marguerite, son épouse, fille de feu Antoine, vivant coseigneur d’Aubonne, à cause de leur château d’Aubonne, et qu’elle leur doit chaque année, à raison de la dite avouerie, une coupe de froment, à la mesure d’Aubonne; qu’elle est tenue de leur obéir, de faire la garde pour eux et d’accomplir à leur égard ce qui ressort à la haute domination, les dits nobles coseigneurs d’Aubonne ayant sur elle la haute seigneurie. La confessante reconnaît les bans et clames dus par elle aux prédits coseigneurs d’Aubonne ou au prieur d’Etoy, selon la convention de l’année 1303 1. La dite Perronette était une sujette du prieuré d’Etoy, qui habitait Lavigny.
Jean Archet, de Longirod, prête hommage lige-censier, le 20 mai de la même année 1430, au sire Henri de Montricher et à son épouse Marguerite, coseigneurs d’Aubonne, pour des biens situés à Longirod. Il leur paiera, chaque année, à la St. Michel, 20 deniers lausannois et un chapon, de cense. Les coseigneurs d’Aubonne ont toute jurisdiction sur le prénommé Archet, qui payera l’aide, le cas échéant, et ne pourra jurer bourgeoisie de bonne ville, château, soit cité, ni se mettre sous la sauvegarde d’aucun seigneur, soit d’une autre personne, sans leur permission 2.
Henri, sire de Menthon, chevalier, était en contestation, dans l’année 1434, devant le vénérable Conseil résidant auprès du duc de Savoie, avec Henri, seigneur de Montricher, et son épouse Marguerite, codame /263/ d’Aubonne, et il avait même obtenu une sentence au sujet de ce différend, qui durait déjà depuis plusieurs années. Une requête et des « articles, » au nombre de dix-neuf, avaient été présentés par lui au duc de Savoie, en l’année 1430, contre Marguerite, fille d’Antoine, coseigneur d’Aubonne, oncle du dit sire de Menthon, au sujet de l’héritage du prénommé Antoine 1. [Note de l’édit. : Voyez OMISSION à la page 433.] Le sire de Menthon demandait que les époux de Montricher lui livrassent la moitié de tous les biens du défunt coseigneur Antoine, lui appartenant, disait-il, en vertu d’une donation que lui avait faite celui-ci, en l’année 1424, de celle de la moitié de ses biens dont il s’était réservé la disposition par le contrat de mariage de sa fille. Il ajoutait que la prédite Marguerite lui avait fait donation de l’autre moitié des biens précités, après elle, dans le cas où elle ne laisserait pas d’enfants 2. Enfin, que le même coseigneur Antoine lui avait assuré, par testament, tous ses biens et ceux de sa fille, si elle mourait sans postérité. Henri de Menthon /264/ prétendait encore avoir le droit de rachat à l’égard de tous les biens aliénés par le coseigneur Antoine et ses prédécesseurs. Les époux de Montricher contestaient la validité de la donation et du testament précités, pour plusieurs raisons, déduites devant le Conseil du prince. Selon Marguerite, la donation qu’elle avait faite en faveur du sire de Menthon était sans valeur, puisqu’elle (Marguerite) ne possédait rien lorsqu’elle avait eu lieu. Et, dans tous les cas, la dot de dame Agnès de Vuippens, seconde épouse de son père, s’élevant à 1400 florins, cédés aux époux de Montricher, moyennant 800 florins, devait être prélevée par la dite Marguerite. Les parties, à raison de l’affinité et de la consanguinité existant entre elles, transigèrent sur leur différend au moyen d’entremetteurs élus par elles 1. Par cette transaction, il devait y avoir vrai amour, consanguinité, affinité et dilection sincère entre les transigeants. Le sire de Montricher et son épouse Marguerite confirmeraient et corroboreraient les donations, testament et actes précités, en faveur du sire de Menthon, pour le cas où la dite Marguerite décéderait sans enfants. Celle-ci aurait la jouissance viagère de tous les biens de son père et de ses prédécesseurs, qu’elle maintiendrait en bon état. En cas de survivance de son mari, ce dernier aurait la jouissance de la moitié de ces biens (y compris le four d’Aubonne et les autres biens de la dot de dame Agnès de Vuippens [Note de l’édit. : Voyez l’observation à la page 398.]), tandis que l’autre moitié des biens précités serait alors remise par lui, avec /265/ le château d’Aubonne, au sire de Menthon, lequel en posséderait la totalité à la mort des deux époux de Montricher. Les rachats opérés par le sire de Menthon lui demeureraient et il en ferait à sa volonté 1. Ceux qui étaient encore à faire se partageraient entre lui et le sire de Montricher et son épouse; ces derniers les posséderaient à titre viager. A leur mort, les biens qu’ils auraient rachetés, sauf le four d’Aubonne et ceux qui provenaient de la dot d’Agnès de Vuippens, appartiendraient au sire de Menthon, auquel les héritiers de dame Marguerite seraient tenus de les revendre pour le même prix. Le sire de Montricher donnerait une garantie à celui de Menthon à l’égard de la dot de dame Agnès. Le premier serait tenu quitte de l’augment de dot de son épouse. Le sire de Menthon ferait honorablement les frais de la sépulture d’Antoine, coseigneur d’Aubonne. Il serait fait un inventaire des biens de celui-ci. Le sire de Montricher et son épouse pourraient disposer sur les dits biens de 1400 florins, chacun d’eux de la moitié de cette somme. La transaction dont nous venons de rapporter les dispositions, faite en présence de témoins, et dans laquelle le sire de Menthon fut représenté par son fils Philibert, est datée de Thonon, de l’auditoire des causes du Conseil du prince, le 9 juin 1434, indiction 12e. Le sire de /266/ Menthon la confirma, le 3 juillet suivant, à Bonneville 1. — La possession de la coseigneurie d’Aubonne fut donc assurée à ce seigneur, qui, toutefois, décéda avant dame Margot, sa parente 2.
Sous l’année 1438, les notaires Jean Challet et Pierre Tirocti stipulèrent la Grosse des reconnaissances féodales prêtées à Aubonne en faveur d’Henri de Montricher et de son épouse Marguerite, fille de feu Antoine, coseigneur d’Aubonne 3. Deux années plus tard (1440), la dite dame Marguerite apparaît comme veuve du seigneur de Montricher 4.
Marguerite, codame d’Aubonne, avait une cour de justice à Coinsins, à laquelle ressortissaient ses justiciables de ce lieu, aussi ceux d’Avenex et les autres justiciables qu’elle avait dans cette contrée. En l’année 1444, Pierre de Préla, de Coinsins, son châtelain, obtient de cette cour un passement, jusqu’à la valeur de 60 sols, contre le nommé Michel Lachoz, de Genollier, pour un ban dû par lui, parce qu’il avait tué un cerf, dans la jurisdiction de la dite dame Marguerite, sous Genollier, dans l’eau dite de Montens 5.
Johannot Lovet et Pierre Robert, gouverneurs de la ville d’Aubonne, ayant empêché l’officier de la codame Marguerite dans l’exercice de ses fonctions, avaient été contraints de lui en demander pardon à genoux, en l’année 1441 6. /267/
Le 13 mars 1443, indiction 6e, Marguerite, codame d’Aubonne, veuve de Henri, sire de Montricher, avait fondé une chapelle, à Aubonne, sous le vocable de Ste. Catherine. Elle était contiguë à l’église de Saint-Etienne; dame Marguerite en avait fait construire le bâtiment et l’autel, et cette chapelle devait renfermer sa tombe. Le recteur, dont la présentation appartiendrait à la fondatrice, et, après elle, aux coseigneurs d’Aubonne, ses successeurs, célébrerait trois messes par semaine à cet autel, avec office des morts (responsorium) sur son tombeau. Dame Marguerite avait doté cette chapelle de censes considérables, en froment, vin et deniers, appartenant à son alleu. Le premier recteur présenté par elle, nommé Mermet Morand, aurait une maison attenante à la dite chapelle, avec un jardin. Le 1er avril suivant, à Lausanne, François, évêque et prince de Genève, approuva, soit la fondation de la chapelle précitée, soit la nomination du recteur Morand 1.
Marguerite, codame d’Aubonne, survécut, ainsi que nous l’avons déjà indiqué, au chevalier Henri, sire de Menthon, qui devait lui succéder dans la possession de la coseigneurie d’Aubonne. Ce seigneur avait laissé plusieurs fils. Jean, seigneur de Dusilly (soit Drusilly), le cadet de ceux-ci, fut désigné pour succéder à dame Marguerite, probablement par le désir de celle-ci. Quoi qu’il en soit, on le voit, du vivant de sa parente, s’intituler : coseigneur d’Aubonne, et agir en cette qualité, soit de concert avec elle, soit seul.
Sous l’année 1446, le 12 décembre, à Genève, le duc Louis de Savoie accorde à Marguerite, codame d’Aubonne, /268/ et à Jean de Menthon des lettres reversales au sujet d’un gracieux subside de 120 florins qu’ils avaient accordé à ce prince 1. Deux années plus tard (1448), le comte François de Gruyère, seigneur d’Aubonne, donne à Marguerite, codame de ce lieu, quittance de certaines sommes imposées aux sujets de celle-ci, pour la guerre de Fribourg 2.
Le 3 novembre 1453, dans la grande salle du château d’Aubonne, Jean de Menthon, fils de feu Henri, sire de Menthon, chevalier, du consentement de ses frères Guillaume, sire de Menthon, et François de Menthon, chevaliers, et par l’ordre exprès de dame Margot, sa parente (avuncula), prête hommage et fidélité, de main et de bouche, à François, comte de Gruyère, baron d’Aubonne, pour la coseigneurie de la ville d’Aubonne, tenue par sa prédite parente. En augmentation de fief, le comte lui accorde son affouage, dans la forêt de Freschaux, située dans la seigneurie d’Aubonne 3 , ainsi que la place où est construite la maison de la chapelle de dame Margot. L’investiture du fief est figurée par la remise d’un poignard, faite par le comte de Gruyère au noble Jean de Menthon 4. /269/
L’année précédente (1452), dame Marguerite avait été en procès avec Jean de Vergy, seigneur de Montricher, héritier de son défunt mari, duquel elle réclamait le payement d’une somme annuelle de 250 florins (son douaire, sans doute), outre celui de 500 florins, pour une fois. Elle avait obtenu gain de cause dans cette circonstance 1. A une date qui n’est pas indiquée, elle fut aussi en différend avec le même Jean de Vergy, à l’occasion du four de Pampigny et de certains sujets de ce lieu 2.
Jean de Menthon, seigneur de Dusilly, s’intitule coseigneur d’Aubonne lorsque, sans la participation de dame Marguerite, il acense, le 9 mars 1456, à la commune de Burtigny, à cause de son château d’Aubonne, une pièce de pré, dite en les Vernes, située au territoire de Burtigny, sous la cense de trois bichets d’avoine, à la mesure de Nyon, payable à la St. Michel 3.
Le notaire Jean Challet, de Cossonay, stipule, sous la même année 1456, la Grosse des reconnaissances prêtées, à cause de la coseigneurie d’Aubonne, en faveur de Marguerite, fille de feu Antoine, coseigneur d’Aubonne, et de Jean de Menthon, seigneur de Dusilly, fils de feu Henri de Menthon, coseigneur du dit Aubonne. Voici quel était alors le domaine de la prédite coseigneurie :
Le château (postérieur) d’Aubonne, avec les granges, places et oches contiguës, limitant les charrières publiques à lac et à vent, le château et l’étable du seigneur comte de Gruyère à bise, et la charrière publique tendante au vieux château à joux. /270/
Les langues des grosses bêtes qui se tuent à la boucherie dans les confins de la châtellenie et du mandement d’Aubonne.
Le « rouage » du vin et des autres chariots qui passent sur l’eau de l’Aubonne, jusqu’au lac.
La huitième part des leydes et des obventions du marché d’Aubonne.
Les bans, clames, barres, saisine, lods (laodz), ventes, mère, mixte impère et omnimode jurisdiction, haute, moyenne et basse, sur les charrières, pasquiers communs, eaux et cours d’eaux, dans toute la châtellenie d’Aubonne.
La part des prénommés dame Marguerite et Jean de Menthon à la dîme, dite des Quartes, du vin, du blé et des autres choses; cette dîme se lève dans le territoire d’Aubonne et celui des lieux circonvoisins.
Trois poses de vigne, au Clos, devant la ville d’Aubonne
.Deux poses de vigne et d’oche, au Château-vieux 1.
Environ trois poses de vigne sous le Chesne des murs,
Une pose et demie de vigne, en Pomeir.
En Bayé, au territoire de Féchy, une pose et demie de vigne.
Une pose et demie de vigne et pré, en Pra Berthet, limitant la vigne des Thomasset.
Deux poses et demie de vigne, en Vanel 2.
Marguerite, codame d’Aubonne, apparaît dans les documents jusques dans l’année 1458; la dernière fois le 27 janvier de la dite année (1457, style de l’Incarnation), /271/ lorsqu’elle achète d’un bourgeois d’Aubonne, au profit de sa chapelle construite dans l’église de Saint-Etienne, d’Aubonne, une pièce de vigne et d’oche, contenant environ deux poses, située en Crusilliez, au territoire d’Aubonne, pour le prix de 80 livres. Mermet Morand, chapelain d’Aubonne et recteur de la dite chapelle, intervient dans cette acquisition. La vigne acquise devait cense à dame Marguerite et était de sa garde 1.
Dame Marguerite décéda la même année 1458. Elle avait fait un dernier testament (voir plus loin), ce qui supposerait l’existence d’un testament précédent 2. C’est probablement ce premier testament qui se trouve dans nos archives cantonales. Il est daté du 21 avril 1446. La testatrice y est qualifiée de noble et égrège dame Marguerite soit Margot, codame d’Aubonne, fille de feu, d’illustre mémoire, le noble Antoine, coseigneur d’Aubonne. Elle lègue 60 sols annuels à l’abbaye de Bonmont, sous condition que ce couvent fasse célébrer, chaque lundi, une messe pour le salut de son âme et de celle de son père. Elle institue héritiers, chacun d’eux pour le quart de ses biens, le sire Guillaume de Menthon, chevalier, François, Philibert et Jean de Menthon, tous frères, ses cousins germains (cognatos germanos), fils du défunt sire Henri de Menthon, chevalier, son oncle (avunculi), sous condition que celui d’entre eux auquel écherrait son château d’Aubonne écartellerait ses armes avec celles de la testatrice (portare arma sua dicte testatricis escartellata). Pour exécuteurs /272/ testamentaires, la testatrice nomme : Jean Marchiand, Georges Marchiand, Michel Mestral, Arthaud de Montricher, donzels, et Aymon Challet, notaire, d’Aubonne. Les témoins de cet acte de dernière volonté sont : Dom. Mermet Morand, chapelain, Jean Marchiand, Humbert Mayor, Mathieu de la Frace (de Fracia), donzel, Jaquet Magnin, Rainaud Martin, bourgeois d’Aubonne, et Antoine Vay, de Yens 1.
La condition imposée par dame Margot, quant à ses armes, ne fut qu’à moitié remplie, car les nobles de Menthon, coseigneurs d’Aubonne, se contentèrent, en mémoire de l’antique maison de ce nom, de briser, en chef, la bande d’azur de leur écu, d’une étoile d’or 2. Cependant, on voit sur un sceau de Jacques de Menthon, seigneur de Dusilly, de l’année 1566, qui se trouve dans nos archives cantonales, les armes des nobles de Menthon écartelées avec celles des coseigneurs d’Aubonne.
Nous présumons que par son dernier testament dame Margot avait appelé Jean de Menthon, seigneur de Dusilly, le quatrième des fils du sire Henri de Menthon, à lui succéder comme coseigneur d’Aubonne, quoique le choix de ce successeur fût plutôt, nous semble-t-il, une affaire à régler entre les fils du sire Henri de Menthon, puisque c’était à ce seigneur que la transaction du 9 juin 1434 avait assuré la possession de la coseigneurie d’Aubonne. Quoi qu’il en soit, le 8 juin 1458, à Evian, une transaction avait eu lieu entre les nobles et puissants Louis et Bernard de Menthon, frères, fils du défunt chevalier Guillaume, sire de Menthon, agissant tant en leur propre nom qu’en celui /273/ de leur frère Antoine, et Philibert de Menthon, agissant pour lui et pour son frère François de Menthon, chevalier, d’une part, et le noble et puissant Jean de Menthon, seigneur de Dusilly, d’autre part, au sujet du château postérieur d’Aubonne, de la terre et de la jurisdiction qui en dépendaient. Par cette transaction, les dits château postérieur et coseigneurie d’Aubonne appartinrent au prénommé Jean de Menthon, seigneur de Dusilly, moyennant la cession faite par lui à ses frères et à ses neveux de certains biens situés dans le mandement de Menthon, et aussi moyennant 39 florins annuels qui seraient dus par lui à ses frères et à ses neveux, à raison de l’évaluation nouvellement faite de la coseigneurie d’Aubonne 1. Deux jours après (10 juin 1458, indiction 6e), Antoine de Menthon, ayant l’âge majeur de 14 ans, ratifia, du consentement de sa mère Guillemette de Langin, dans la grande salle du château de Menthon, en présence de témoins, la transaction précitée 2. Puis, le 2 décembre de l’année 1460, prise à la Nativité, indiction 8e, un traité intervint, dans le château postérieur d’Aubonne, entre les prénommés nobles de Menthon, par lequel le seigneur de Dusilly, coseigneur d’Aubonne, assigna, en faveur de ses frères et de ses neveux, les 39 florins annuels qu’il leur devait sur la coseigneurie d’Aubonne, savoir : sur une moitié du four d’Aubonne 3 , sur une pièce de vigne d’environ deux poses, située derrière le château d’Aubonne, au lieu dit en Château-vieux, et sur diverses censes /274/ directes en deniers, dues dans la seigneurie d’Aubonne; le tout sous réserve, en faveur du seigneur de Dusilly, de la jurisdiction et de ce qui y appartenait, tandis que l’hommage serait supporté par lui. Ce traité fixa comment serait réparti entre les parties le payement des legs faits par dame Margot dans son dernier testament, et celui des frais, tant de son inhumation que de ses obsèques, savoir, pour celles-ci, 269 florins, 5 gros et un denier, non compris le blé, et 49 florins et 9 gros pour l’inhumation. Cette dernière somme avait été livrée par Aymon Gavit, sous le gage de neuf gobelets d’argent, légués par dame Margot, au seigneur de Menthon, au sire François, à Philippe (ou Philibert), à Bernard et à Antoine de Menthon. Le traité rapporte le compte fait entre les parties dans cette circonstance 1.
Des divers fils du sire Henri de Menthon, ce fut donc Jean, seigneur de Dusilly, qui devint coseigneur d’Aubonne.
Le même noble Jean de Menthon était devenu vidomne de Morges, en l’année 1447. Nous n’avons pu indiquer, dans notre notice sur le vidomnat de cette ville, à quel titre cela avait eu lieu. Aujourd’hui, nous comblerons cette lacune, grâce à quelques documents du bailliage d’Aubonne, qui seraient mieux placés parmi ceux du bailliage de Morges, puisqu’ils ont trait au vidomnat précité 2.
L’épouse de Jean de Menthon, seigneur de Dusilly, /275/ était Guillemette de Menthon de Dingy (de Dingiaco), sœur germaine du noble Jacques de Menthon. Cette dame avait épousé en premières noces Bertrand Bourgeois, donzel, l’un des fils du chevalier Lancelot Bourgeois, de Gex, et de Jaquette du Solier, à laquelle appartenait le vidomnat de Morges. Par son testament, daté du 24 mai 1436, fait sous le sceau de la châtellenie de Morges, Bertrand Bourgeois avait donné à Guillemette de Menthon, son épouse, sa maison de Morges, avec des biens importants situés dans cette ville et aux environs 1 , sa dîme de Cheseaux, divers biens situés à Gex et à Sessy; plus, tous ses biens meubles, et 1100 florins d’or de petit poids, auxquels seraient ajoutés 300 florins pour augment de dot et 100 florins, reçus par le testateur, du frère de sa dite épouse, à titre de dot, le tout s’élevant à la somme de 1500 florins, que la dite Guillemette prendrait sur les biens du testateur, biens qu’elle posséderait jusqu’à ce qu’elle eût été payée de la prédite somme 2. Cette donation paraîtrait avoir compris implicitement le vidomnat de Morges. Elle fut attaquée, l’année suivante, par le noble Claude Bourgeois, frère de Bertrand; alors la veuve de ce dernier était devenue l’épouse de Jean de Menthon, seigneur de Dusilly. Claude Bourgeois prétendait hériter les biens donnés par son frère à son épouse, parce qu’ils étaient procédés de messire Lancelot Bourgeois et de Jaquette du Solier, épouse de celui-ci, et il exhibait les titres faisant en sa faveur, soit le testament /276/ et le codicille du prédit Lancelot et le testament de la prénommée Jaquette (celui-ci daté du 16 mai 1422). Les parties recoururent au duc Amédée de Savoie, et ce prince rendit, le 10 juillet 1437, une prononciation dans leur différend. Aux termes de celle-ci, le vidomnat de Morges, en vertu d’une disposition du testament de dame Jaquette du Solier, devait appartenir au noble Claude Bourgeois, avec ses droits et émoluments, mentionnés dans le dit testament. Les autres biens donnés par dame Jaquette à son fils Bertrand et désignés dans la donation faite par celui-ci à son épouse, resteraient à cette dernière, sauf le vidomnat. Claude aurait le surplus des biens de dame Jaquette. A Guillemette de Menthon appartiendrait la moitié des biens paternels de son défunt époux, soit la valeur de cette moitié, que Claude Bourgeois lui payerait, tandis que l’autre moitié des biens précités appartiendrait à ce lui-ci. Chacun d’eux aurait une maison à Gex, procédée de messire Lancelot, et Claude Bourgeois payerait à dame Guillemette la prévaillance de la sienne 1. Bertrand Marval (Marva), clerc, notaire public et secrétaire ducal, attesta la prononciation rendue par le duc Amédée, et Louis de Savoie, prince de Piémont, l’approuva, à Pignerol, le 26 mai 1439, sous réserve de ses droits de fief, et il la scella 2.
Claude Bourgeois fut donc, de droit, vidomne de Morges. On doit présumer qu’il aliéna bientôt après cet office héréditaire, en faveur de Bertrand Marval, nommé ci-dessus, lequel le tenait sous l’année 1447. Le 26 mai de la dite année, indiction 10e, le noble Bertrand Marval, /277/ secrétaire apostolique, remit, à titre d’échange, au noble Jean de Menthon, seigneur de Dusilly et à la noble Guillemette, son épouse, le vidomnat de Morges, avec ses droits, appartenances, émoluments, honneurs, charges et prééminences, contre leurs possessions, rentes et droits dans la baronnie de Gex (hérités par la dite dame Guillemette de Bertrand Bourgeois, son premier mari). Bertrand Marval paya aux époux de Menthon un retour de 450 florins, de petit poids 1.
La supposition émise par nous, dans notre notice sur le vidomnat de Morges, que dame Guillemette, l’épouse de Jean de Menthon, aurait été la fille de Bertrand Marval, et qu’en cette qualité elle aurait apporté à son mari le prédit vidomnat, n’était donc pas fondée, quoique, d’un autre côté, ce vidomnat provînt bien d’elle, mais à un autre titre 2.
/278/
SUITE ET FIN DE LA COSEIGNEURIE D’AUBONNE.
La coseigneurie d’Aubonne resta dans les mains des nobles de Menthon, descendants de Jean, seigneur de Dusilly, à qui elle était parvenue après dame Margot, jusques dans la seconde moitié du XVIe siècle. Une partie de cette coseigneurie, celle de la ville même d’Aubonne, passa alors dans les mains du baron de ce lieu et demeura dès cette époque réunie à la seigneurie. La coseigneurie en dehors de la ville, soit hors des franchises de celle-ci, persévéra, très réduite, à la vérité, jusqu’en l’année 1754, époque où une transaction passée entre LL. EE. de Berne et le seigneur de Lavigny, coseigneur d’Aubonne hors les franchises, y mit fin. L’Inventaire général des droits de la baronnie d’Aubonne ne nous a guère fourni de lumières relativement à l’acquisition faite par le baron d’Aubonne de la coseigneurie dans les franchises. Elle remonte à Jean-Henri Lochmann, banderet de Zurich, qui acquit la baronnie d’Aubonne en l’année 1585; toutefois, le titre même de cette reintégrande n’est pas mentionné dans l’Inventaire précité. Nous rapporterons ici les diverses indications, puisées, tant dans ce document que dans les titres encore existants du baillage d’Aubonne, lesquelles concernent les derniers Menthon, coseigneurs d’Aubonne. C’est un sujet assez obscur, car on trouve ceux-ci, quoique contemporains, s’intitulant tour à tour coseigneurs d’Aubonne. /279/
Des trois fils de Jean (II) de Menthon, seigneur de Rochefort et coseigneur d’Aubonne 1 , placés, en 1542, sous la tutelle de Marie de Gilly, leur aïeule paternelle, François, l’aîné, fut seigneur de Rochefort, en Bugey; Claude (II), le second, eut Lavigny et la coseigneurie d’Aubonne; et Jacques, le troisième, posséda la seigneurie de Dusilly, en Chablais, la coseigneurie de Pampigny 2 et les biens de sa famille, à Morges, sauf le vidomnat.
En 1556, Jean de Lettes, de la maison de Montpezat, acquit la baronnie d’Aubonne de Nicolas de Meggen, avoyer de Lucerne, et LL. EE. de Berne lui en accordèrent l’inféodation 3. Ce nouveau seigneur d’Aubonne, dans la même année, acquit de Claude de Menthon, seigneur de Lavigny et coseigneur d’Aubonne, les hommes, hommages, censes, fiefs et jurisdiction que celui-ci avait dans la ville d’Aubonne et dans son territoire. Le vendeur excepta de cette vente, savoir : le droit des langues, le four banal, le « rouage » /280/ du vin et la jurisdiction sur les cours d’eaux, bois et charrières publiques, le château, dit de Rochefort, sa part de la dîme des Quartes et son affouage dans les bois du dit baron 1. La vente précitée fut faite aux conditions suivantes : le signe patibulaire serait transporté au delà du village de Lavigny, du côté de bise; le vendeur ne serait plus tenu de prêter reconnaissance en faveur de l’acheteur; et finalement les parents des parties contractantes ne pourraient pas faire valoir le droit de proximité au préjudice du présent contrat 2.
A la suite de cette acquisition, Jean de Lettes, d’un côté, et les syndics et gouverneurs de la ville d’Aubonne, d’un autre côté, se prêtèrent, le pénultième de novembre de la dite année 1556, les serments réciproques d’usage, le dit baron agissant, dans cette circonstance, en qualité de coseigneur d’Aubonne, en vertu de l’acquisition qu’il avait faite de Claude de Menthon 3. Mais déjà, l’année suivante, François de Menthon, seigneur de Rochefort, était en procès avec Jean de Lettes, parce qu’il prétendait faire le retrait lignager de la vente que son frère Claude lui avait passée, et la cour baillivale de Morges lui donna gain de cause 4. Cette sentence fut sans doute confirmée par arrêt souverain, /281/ puisque le seigneur de Rochefort devint coseigneur de la ville d’Aubonne, et le demeura. Ce seigneur, bientôt après, fut de nouveau en procès avec le baron Jean de Lettes, au sujet de l’hommage que celui-ci exigeait de lui à raison de cette possession. Une sentence définitive, rendue à Berne, le 30e novembre 1559, par les juges et auditeurs des « extrêmes appellations du pays de Savoye ressortissantes à leur audience, » libéra, avec dépens, le noble et puissant François de Menthon, seigneur de Rochefort et coseigneur d’Aubonne, de la demande que lui adressait le spectable et puissant Jean de Lettes, baron d’Aubonne, « de lui prêter fidélité et faire hommage et reconnaissance, » ainsi que ses prédécesseurs l’avaient fait en faveur de ceux du dit baron, pour tout ce qu’il pouvait tenir, sous la mouvance de son fief, dans les limites des franchises de la ville d’Aubonne. Cette sentence du tribunal supérieur, qui révoque celles rendues, dans la même cause, par les baillis de Morges et de Moudon, se base sur ce que, dans la transaction faite en l’année 1319, entre Guillaume Alamandi et Agnès de Villars, sa femme, seigneur et dame d’Aubonne, d’une part, et Binfa, codame d’Aubonne et Jean, son fils, coseigneur du dit lieu, d’autre part (voy. ci devant, pag. 217), desquels (Binfa et Jean) le dit noble de Menthon avait droit, il n’était pas fait mention de fidélité et d’hommage, mais seulement de reconnaissance en fief lige de ce que la dite dame Binfa et son fils tenaient dans les franchises de la ville d’Aubonne. La sentence supérieure réserva, en faveur du baron d’Aubonne, le cas où il pourrait prouver ses droits à la fidélité et à l’hommage qu’il réclamait 1. /282/
Le 26e juillet 1573, messire François de Menthon, seigneur de Rochefort et coseigneur d’Aubonne, donne procuration à maître Jean Delayaz, son châtelain, pour constituer en sa Justice d’Aubonne un lieutenant de châtelain et aussi un curial, s’il en était besoin 1.
De son côté Claude de Menthon, frère de François, tenait, dans la ville d’Aubonne, le château de Rochefort, avec les biens, droits et prééminences qu’il avait exceptés de la vente faite par lui à Jean de Lettes, sous l’année 1556, vente dont son frère François, seigneur de Rochefort, avait fait le retrait lignager; plus, en dehors de la dite ville, le reste de la coseigneurie d’Aubonne et les dépendances de celle-ci. Toutefois, il fit de nombreuses aliénations de ces dernières 2.
Claude de Menthon, seigneur de Lavigny, fut aussi en procès avec Jean de Lettes, baron d’Aubonne, au sujet de l’hommage que celui-ci lui demandait pour tout ce que le prédit Claude tenait dans les franchises de la ville d’Aubonne. Une sentence souveraine, en l’année 1561, le condamna à reconnaître, en faveur de ce baron d’Aubonne, tout ce qu’il possédait dans les prédites franchises, sauf le fief de Disy, qui devait être vérifié et spécifié par lui 3. /283/
L’année suivante (1562), une transaction, datée du 23e mai, intervint entre Jean de Lettes, baron d’Aubonne, et Claude de Menthon, seigneur de Lavigny, au sujet de l’hommage que le premier demandait au second. Elle rappelle la sentence supérieure d’exemption d’hommage, rendue dans les différends des parties, « sentence qui demeurerait en son entier. » Cette transaction fixa les points principaux suivants : Le seigneur de Lavigny reconnaîtrait, en fief lige, en faveur du dit baron d’Aubonne, toutes les pièces, possessions, « quartes de dîmes, » et autres choses, qu’il possédait ou que d’autres tenaient de lui, dans les limites des franchises de la ville d’Aubonne, et cela aux termes dela transaction précitée de l’année 1319, à la réserve de la vigne, dite Carmentrandaz et des autres choses que le dit noble Claude de Menthon ou les siens feraient apparaître être allodiales et acquises postérieurement à la transaction de l’année 1319, à la réserve encore du fief de Disy et de tout ce qui y appartenait. Les droits des parties à l’égard de tout ce qui pourrait se prouver être contraire à la présente transaction furent réciproquement réservés. Celle-ci eut lieu au château d’Aubonne du dit seigneur baron, en présence du noble Claude du Nant et d’égrège Nicolas Tripod, de Saint-Livres, témoins, et elle est signée par le notaire Vuallifin 1.
Nous avons dit plus haut que Claude de Menthon, seigneur de Lavigny et coseigneur d’Aubonne, avait aliéné /284/ plusieurs des dépendances de sa coseigneurie. Il avait inféodé, le 11 octobre 1556, la coseigneurie de Gimel (comprenant celle de Longirod), avec tous ses droits, au noble Pierre Quisard, bourgeois de Nyon, châtelain de Mont-le-Grand, fils du noble Urbain Quisard, seigneur de Crans et de Mercorens. Cette infédoation avait eu lieu à titre gratuit, en récompense des peines, journées et vacations, prises et faites par le dit Quisard pour le service du prénommé noble Claude de Menthon. Celui-ci s’était réservé le dernier supplice des délinquants, le rière-fief, la reconnaissance en sa faveur des biens et droits inféodés, et aussi que les hommes de Gimel ressortiraient à lui « pour le fait de guerre et de monstres, » à moins qu’ils ne fussent appelés au service du souverain. Le 2 novembre suivant, Michel Collat, lieutenant du noble Jean de Martine, châtelain du précité Claude de Menthon, avait, au nom de celui-ci, mis Pierre Quisard en possession de la coseigneuire qui lui avait été inféodée 1.
La coseigneurie de Gimel, cédée par Claude de Menthon à Pierre Quisard, faisait partie des anciennes propriétés des coseigneurs d’Aubonne. Nous avons vu précédemment (page 207) que les cause-ayances du prénommé Quisard à l’égard de cette coseigneurie, remontaient à Louis, fils de Jacques d’Aubonne. Le seigneur d’Aubonne, d’un autre côté, possédait une part de Gimel, et celle-ci /285/ était la plus considérable, en qualité de droit-ayant de Guillaume, comte de Namur, sire de Vaud, et cela en vertu de l’échange, daté de Morges, le 2e novembre 1358, fait par Guillaume de la Baume, seigneur de L’Abergement et d’Aubonne, avec le prince précité. Selon l’Inventaire général des droits de la baronnie d’Aubonne, le prénommé Guillaume de la Baume tenait, sous l’année 1359, les villages de Burtigny, Longirod, Marchissy et Gimel, en vertu de l’échange susmentionné (voir ci-devant, pag. 205, note 1), ce qui ne saurait toutefois s’appliquer à l’entier des villages de Gimel, Burtigny et Longirod, puisque par le prédit échange, le comte de Namur remit au seigneur d’Aubonne le village de Marchissy avec son territoire, puis, seulement, les droits, actions et possessions qu’il avait dans les villages de Gimel, Burtigny et Longirod et leurs territoires 1. Plusieurs documents témoignent que les droits de seigneurie à Gimel /286/ se partageaient entre le seigneur et le coseigneur d’Aubonne. Chacun d’eux prétendait à la garde de l’église de ce lieu. L’Inventaire cité ci-dessus rappelle la « soubmission » faite au noble Henri de Montricher, coseigneur d’Aubonne (mari de Margot, codame de ce lieu), par Jean Thomasset, lieutenant d’Etienne de Lavigny, donzel, châtelain d’Aubonne, au sujet de la prise d’Henri Volant et consorts, qui gardaient l’église de Gimel de la part du dit seigneur de Montricher 1. Plus tard, en vertu d’une transaction entre le seigneur et le coseigneur d’Aubonne, la garde des églises de Gimel, Burtigny et Longirod appartint au premier, ainsi que nous l’avons indiqué. (Voir ci-devant, p. 178, note 2.) On se rappelle la vente importante que le chevalier Artaud, coseigneur d’Aubonne, avait faite, en faveur du couvent de Romainmotier, de biens et de revenus féodaux situés à Gimel, Longirod, Saint-Georges, Burtigny, Marchissy et autres lieux voisins, vente dont cette maison religieuse lui avait accordé, en 1306, le droit de rachat moyennant mille livres 2. Ce droit avait passé à Pierre Quisard, par l’inféodation qui lui avait été faite de la coseigneurie de Gimel 3. Sous l’année 1560, un accord eut /287/ lieu entre le baron d’Aubonne et le coseigneur de Gimel, au sujet de « toute exécution et acte de justice, » sur les hommes, fiefs et possessions qui dépendaient du prieuré de Romainmotier 1. Enfin, l’on trouve un tarif, daté de l’année 1561, « du péage, rouages et leydes> dus au noble Pierre Quisard, coseigneur de Gimel, droit-ayant du coseigneur d’Aubonne, savoir : « dès l’entrée du finage de Vicq jusqu’à l’eau de la Gordanne 2 , et dès le grand chemin de L’Estraz jusqu’à la Joux 3. »
Les villages de Marchissy et de Burtigny (du moins la plus grande part de ce dernier), remis par le comte de Namur au baron d’Aubonne, par l’échange de l’année 1358, provenaient des dépouilles de la maison de Prangins, mais nous ne saurions affirmer qu’il en fût de même à l’égard des autres possessions cédées par lui dans la même circonstance. Les coseigneurs d’Aubonne avaient une coseigneurie à Burtigny, et, en l’année 1541, Jean de Menthon, seigneur de Rochefort et coseigneur d’Aubonne, prétendait percevoir les langues des grosses bêtes de la boucherie de Burtigny 4.
Claude de Menthon, seigneur de Lavigny, considérant que l’inféodation qu’il avait faite de la coseigneurie de Gimel « ne pouvait redonder ne tomber à grand proffict » /288/ au noble Pierre Quisard, concéda à celui-ci, le 9 août 1557, en augmentation du dit fief lige et noble, l’office de « mestrallerie, correction et mesures, » dans toute la coseigneurie d’Aubonne 1. Cette concession paraîtrait avoir été faite à titre gratuit.
Le même noble et puissant Claude de Menthon vendit, le 27 février 1565, pour le prix de 40 écus d’or, du coin du roi de France, au prénommé Pierre Quisard, soit eu l’absence de celui-ci au noble Urbain Quisard, son père, les hauts droits qu’il s’était réservés lors de l’inféodation de la coseigneurie de Gimel, savoir : le dernier supplice des délinquants, le rière-fief, la reconnaissance en sa faveur, et tous les autres droits quels qu’ils fussent qui concernaient la susdite coseigneurie 2. Le 2 janvier 1566, le noble et puissant Jacques de Menthon, seigneur de Dusilly, se désista, en faveur du précité Pierre Quisard, moyennant le prix de 50 florins, de la demande qu’il avait faite contre lui, par devant le seigneur bailli de Nyon, tendante à ce qu’il lui relâchât, en vertu de droit de proximité, la haute seigneurie, le rière-fief, et les autres droits qu’il (Pierre Quisard) avait acquis soit son père, le 27 février 1565, du noble et puissant Claude de Menthon, seigneur de Lavigny, frère du prénommé seigneur de Dusilly, droits que celui-là possédait sur la coseigneurie de Gimel, ses appartenances et ses dépendances 3.
Claude (II) de Menthon, seigneur de Lavigny et coseigneur d’Aubonne, décéda sans laisser de postérité et son /289/ frère Jacques, seigneur de Dusilly, fut son héritier. Celui-ci, sous l’année 1576, prend le titre de coseigneur d’Aubonne et agit en cette qualité 1.
Les nobles de Menthon, dont la maison était fort illustre et appartenait à la première noblesse de Savoie, supportaient difficilement de relever du seigneur d’Aubonne pour leur coseigneurie de la ville de ce nom. On a vu plus haut que Claude de Menthon, seigneur de Lavigny et son frère François, seigneur de Rochefort, furent en procès, avec Jean de Lettes, baron d’Aubonne, au sujet de l’hommage que celui-ci exigeait d’eux. Ce différend fut renouvelé par leurs successeurs, qui refusèrent de prêter à François de Lettes, baron d’Aubonne, fils et successeur de Jean, l’hommage qu’ils lui devaient. En l’année 1578, la cour des fiefs d’Aubonne condamnait Jacques de Menthon, seigneur de Dusilly, à prêter reconnaissance, en qualité d’héritier de son frère Claude, en faveur du baron d’Aubonne 2. Dans la même année, celui-ci obtenait, contre Gabriel de Menthon, seigneur de Rochefort et coseigneur d’Aubonne, une sentence par laquelle le four d’Aubonne lui était adjugé, parce que le prénommé coseigneur, quoique requis, ne l’avait pas reconnu comme relevant du fief de celui-là 3. L’année suivante (1579), il y avait procès entre messire Claude de Rivoire, seigneur de Romagnieux, agissant en qualité de tuteur de Prosper, fils du noble François de Menthon, seigneur de Rochefort et coseigneur d’Aubonne (il paraîtrait qu’à cette date Gabriel de Menthon, mentionné /290/ ci-dessus et qui était vraisemblablement un frère aîné de Prosper, n’était plus vivant) et le noble Jacques de Menthon, seigneur de Dusilly, d’une part, et François de Lettes, baron d’Aubonne, d’autre part, parce qu’e celui-ci avait refusé d’admettre le dit Prosper (et sans doute aussi son oncle Jacques) à lui prêter hommage, avant qu’il eût préalablement satisfait aux dépens du procès auxquels il avait été condamné au sujet du prédit hommage. Cet incident fut jugé en appel, à Berne, en faveur du coseigneur d’Aubonne. Toutefois il ressort de cette indication de l’Inventaire général des droits de la baronnie d’Aubonne 1 , que les seigneurs de Rochefort et de Dusilly avaient été condamnés à prêter au baron d’Aubonne l’hommage que celui-ci leur demandait.
LL. EE. de Berne rendirent, à la date du 8e avril 1579, une sentence souveraine dans les différends du seigneur d’Aubonne avec les coseigneurs de ce lieu. Elle rappelle les précédents procès entre François de Lettes, baron d’Aubonne, et Prosper de Menthon, seigneur de Rochefort, et Jacques de Menthon, seigneur de Dusilly, et entre leurs prédécesseurs réciproques, au sujet de l’hommage demandé par le premier aux seconds, pour tout ce qu’ils tenaient dans les limites des franchises de la ville d’Aubonne, avec la spécification de ces fiefs. La sentence rappelle, de plus, que le prédit baron d’Aubonne avait obtenu l’adjudication des fiefs précités (soit de la coseigneurie de la ville d’Aubonne), les dits de Menthon ne lui ayant pas rendu le devoir d’hommage; puis, que le four d’Aubonne lui serait échu pour défaut de payement de lod 2 , /291/ et que le seigneur bailli de Morges l’avait mis en possession des biens adjugés. La même sentence souveraine rappelle encore que les nobles de Menthon, ayant pris recours contre les dites adjudication et mise en possession, par devant LL. EE., celles-ci, après examen de tous les titres produits par les parties (transactions, reconnaissances, prestations d’hommage, procès et sentences), avaient trouvé que les dits de Menthon étaient tenus, ainsi que leurs prédécesseurs l’avaient été, à prêter le dit hommage pour toutes leurs possessions dans les franchises de la ville d’Aubonne, à l’exception du fief de Disy et de la vigne dite la Carmentrandaz, et elles avaient confirmé, le 4e décembre 1578, l’adjudication et la mise en possession précitées, condamnant les seigneurs de Rochefort et de Dusilly à prêter l’hommage qu’ils devaient au baron d’Aubonne, et leur donnant terme pour cela jusqu’à la Chandeleur suivante, sinon que celui-ci resterait en possession des fiefs qui lui avaient été adjugés, y compris le four du dit Aubonne. Les nobles de Menthon, selon que le rapporte la sentence souveraine de LL. EE., ayant fait une nouvelle opposition en s’adressant au Sénat de Berne, cette autorité, ayant examiné les titres nouveaux produits par eux 1 , les /292/ condamna de rechef, le 5 février 1579, tout en prolongeant, en leur faveur, le terme fixé pour la prestation de l’hommage au baron d’Aubonne, mais en maintenant celui-ci dans la possession de leurs biens, dans le cas où ils se refuseraient à faire cette prestation. Enfin, à la date précitée du 8e avril suivant (1579), les deux parties comparurent (par mandataires) devant l’avoyer et le Conseil de la ville et république de Berne, le baron d’Aubonne demandant à être confirmé dans la mise en possession qui lui avait été accordée, puisque ses adversaires ne lui avaient point prêté l’hommage qui leur avait été intimé, et ceux-ci, de leur côté, requérant d’être libérés de cette demande, vu les offres qu’ils avaient faites, dans le cours du procès, de prêter le dit hommage. LL. EE. décidèrent, après examen, que le baron d’Aubonne resterait en possession des biens des nobles de Menthon, pour défaut d’hommage prêté, à moins que ceux-ci ne pussent produire de meilleurs titres que ceux qu’ils avaient produits jusqu’alors, et obtenir, par-devant LL. EE., ou « par requête et amitié » du baron d’Aubonne, la restitution de leurs biens 1.
Les documents nous laissent ignorer si les nobles de Menthon obtinrent cette restitution, ou bien si leur coseigneurie d’Aubonne demeura dès lors dans les mains du baron de ce lieu et fut perdue pour eux. La circonstance que Jean-Henri Lochmann, banderet de Zurich, acquéreur, le 21 mai 1585, de la baronnie d’Aubonne, /293/ obtint de LL. EE. de Berne, à cette date, l’autorisation de réintégrer la coseigneurie d’Aubonne dans la seigneurie de ce lieu 1 , nous laisserait présumer que cette coseigneurie ne faisait pas encore partie de la seigneurie acquise par Lochmann. Si cette supposition se trouvait fondée, ce serait alors Prosper de Menthon, seigneur de Rochefort, qui aurait forcément vendu la coseigneurie d’Aubonne au baron Lochmann.
Quant au seigneur de Dusilly, oncle paternel de celui-là, François de Lettes faisait subhaster, dans l’année 1579, tous ses biens dans le bailliage de Morges 2 , et l’année suivante ce seigneur de Dusilly était sous le poids d’une discussion de biens 3. Jacques de Savion, de Genève, obtint, de son côté, une subhastation des biens du même Jacques de Menthon 4. Il la vendit, le 24 avril 1582 5 , à /294/ Jean-Henri Lochmann, banderet de Zurich, qui devint baron d’Aubonne, en 1585 1.
Aux environs de cette année-ci, le notaire Etienne Favre stipula la Grosse des reconnaissances prêtées en faveur de Jean-Henri Lochmann, baron d’Aubonne, à cause de la coseigneurie de ce lieu, dite de Rochefort 2. Sous l’année 1600, François Villain, baron d’Aubonne, reconnut, en faveur de LL. EE., la seigneurie et la coseigneurie d’Aubonne, avec les deux châteaux forts de cette ville 3. Cette coseigneurie resta dès lors réunie à la seigneurie.
Quant à la coseigneurie d’Aubonne hors des franchises de la ville, le baron Lochmann n’en fit pas la réintégration, mais il la rétrocéda, le 8 mai 1588 (acte reçu par égrège Favre), au noble Pierre de Gumoëns, seigneur de Correvon (et d’autres lieux), déjà seigneur de Lavigny 4 , ou ayant des droits sur cette terre, du chef de son épouse Françoise de Beaufort, sœur utérine de Jacques de Menthon, seigneur de Dusilly et héritier de son frère Claude, en faveur de laquelle il avait testé, le 11 septembre 1587 5.
Pierre de Gumoëns, ne possédant pas le château postérieur d’Aubonne, où les coseigneurs de cette ville avaient précédemment le siège de leur jurisdiction, établit son tribunal de Justice à Lavigny, tant pour l’exercice de la /295/ jurisdiction de ce lieu que de celle du territoire d’Aubonne hors des franchises 1. Ce seigneur de Lavigny prêta quernet pour la seigneurie de ce nom, en l’année 1600, en faveur de LL. EE., sur les mains du commissaire Pastor, et dans cette reconnaissance il réunit la seigneurie de Lavigny et la coseigneurie d’Aubonne pour n’en former qu’une seule et même châtellenie 2.
La seigneurie de Lavigny et la coseigneurie d’Aubonne, hors des franchises, passèrent des nobles de Gumoëns aux nobles Proux (ou Preux), de Vevey, par le mariage de Claudine, une des filles du prénommé Pierre de Gumoëns, avec Michel Proux 3. Les hoirs du noble André Proux, alors mineurs, vendirent, le 5 juin 1634, les prédites seigneurie et coseigneurie au noble Imbert de Lavigny, seigneur de Chavannes-sur-le-Veyron 4. Etiennaz de Lavigny, fille de celui-ci, les apporta à son mari, le noble Jean-Philippe Loys, vidomne de Moudon, seigneur de Villardin et d’autres lieux 5. Cette dame, alors veuve, les reconnut, en faveur de LL. EE. de Berne, le 8 août 1690, sur les mains des commissaires Steck et Rolaz 6. Elle décéda le /296/ 16 janvier 1694. Après elle la seigneurie de Lavigny et la coseigneurie d’Aubonne, hors des franchises furent possédées par le noble Gabriel-Henri de Mestral, seigneur de Vuillerens, mari de Gabrielle-Judith Loys de Villardin, fille de la précitée Etiennaz de Lavigny, qu’il avait épousée en 1691, et qui décéda déjà le 1er février 1694, laissant un fils, Albert de Mestral, héritier de sa mère. Celui-ci mourut le 3 février 1703 et fut hérité par son père 1.
Le 6 août de l’année 1733, le prénommé noble Gabriel-Henri de Mestral, seigneur de Lavigny et de ses dépendances, remit à LL. EE. de Berne, à titre d’échange, tous /297/ les droits de haute, moyenne et basse jurisdiction qu’il avait, à cause de Rochefort, tant sur les fiefs et censes procédés des seigneurs de Saint-Georges, acquis par LL. EE. le 18 avril 1731, que sur les assignaux des dites censes situés au village de Burtigny 1.
Lorsque, dans l’année 1701, M. de Vuillerens (c’est le nom que portait le noble Gabriel-Henri de Mestral, seigneur de Lavigny, Vuillerens et d’autres lieux) acquit de LL. EE. la maison seigneuriale et le clos, dits d’Aspre, à Aubonne, pour le prix de 39 070 florins, il leur remit, entre autres, /298/ à titre d’échange, des biens provenant de Mme de Villardin, estimés à la somme de 6200 florins 1.
Le même M. de Vuillerens était, sous l’année 1752, en différend avec LL. EE. ou plutôt avec le commissaire Tissot, en leur nom. Ce commissaire, chargé par LL. EE. de faire la rénovation de la baronnie d’Aubonne, qu’Elles avaient acquise, en 1701, du marquis du Quesne et dont Elles avaient fait un bailliage, ne voulut pas admettre que le seigneur de Lavigny s’intitulât coseigneur d’Aubonne, dans son quernet. Ce différend ne dégénéra pas en procès, mais il donna lieu, de part et d’autre, à divers Mémoires qui jettent du jour sur l’histoire de la coseigneurie d’Aubonne 2.
M. de Vuillerens décéda, le 13 mai 1753, à Vuillerens, après avoir fait, le 19 juin de l’année précédente, une donation entre vifs, en faveur de l’aîné de ses neveux, Gabrie-Henri de Mestral, dit M. de Pampigny, comprenant la seigneurie de Lavigny et la coseigneurie d’Aubonne hors des franchises, plus la maison, dite d’Aspre, avec ses dépendances, sous réserve de la jouissance viagère du tout 3.
M. de Pampigny transigea avec LL. EE., au sujet du différend qui avait existé entre Elles et son oncle. Par un traité, daté de Berne, le 2 mars 1754, le noble et généreux Gabriel-Henri de Mestral, seigneur de Pampigny, Saint-Saphorin, Lavigny et autres lieux, renonça à perpétuité, pour lui et ses successeurs, à toute prétention sur la coseigneurie d’Aubonne et à toute part et /299/ portion de celle-ci, soit à la jurisdiction (territoriale) dans le territoire d’Aubonne hors des franchises, renonçant aussi à tous titres, attributs et dépendances de cette coseigneurie. Ni lui ni ses successeurs ne pourraient, en aucun temps, former ni renouveller de prétentions sur la dite coseigneurie, puisqu’il cédait à LL. EE., par le présent traité, tous droits et actions sur elle, néanmoins sans attoucher au fief et à la jurisdiction spécifiques qui pouvaient lui appartenir dans le prédit territoire d’Aubonne hors des franchises, laquelle jurisdiction spécifique lui demeurerait, à forme de ses titres, annexée à l’avenir, comme elle l’a été par le passé, à sa Justice de Lavigny. LL. EE. reconnurent et confirmèrent, en faveur du dit noble de Mestral, le droit de chasse spécifique dans sa terre de Lavigny. Elles ordonnèrent au commissaire rénovateur des fiefs nobles de l’admettre, sans ultérieure difficulté, à prêter quernet pour la dite terre, et Elles lui payèrent, par les mains du seigneur baillif d’Aubonne, la somme de 800 livres tournois, soit de 2000 florins. De son côté, le prénommé noble de Mestral prêterait, sans nouveau retard, son quernet, en faveur de LL. EE., sur les mains du commissaire Tissot, lequel comprendrait tous les domaines et droits seigneuriaux qu’il possédait dans le bailliage d’Aubonne. Cette transaction, signée par le commissaire-général Lerber et le seigneur de Pampigny, est munie du sceau du trésorier du Pays de Vaud et de celui du prédit seigneur de Pampigny 1. — Ainsi prit entièrement fin la coseigneurie d’Aubonne, après une existence de près de cinq siècles. /300/
Une dépendance de cette coseigneurie se trouvait encore dans les mains du seigneur de Lavigny. C’était un fief considérable, à Burtigny, procédé des nobles de Menthon, seigneurs de Rochefort, avec jurisdiction omnimode. Il relevait du fief noble de LL. EE 1.
Qu’advint-il du château fort des coseigneurs d’Aubonne, appelé le château postérieur d’Aubonne, et plus tard celui de Rochefort ? Nous avons vu qu’en l’année 1600, François Villain, baron d’Aubonne, reconnut les deux châteaux forts d’Aubonne en faveur de LL. EE. On trouve celui des coseigneurs nommé dans le domaine de la coseigneurie d’Aubonne, sous l’année 1623, dans la Grosse des reconnaissances prêtées à Aubonne, sur les mains des notaires de Montricher et Chastelain, en faveur du très honoré baron de ce lieu (celui-ci était Théodore de Mayerne) 2. Nous présumerions que les vastes bâtiments du château moderne d’Aubonne occupent l’emplacement des deux anciens châteaux forts de cette ville, très rapprochés l’un de l’autre.
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SUCCESSION DES SEIGNEURS D’AUBONNE
A DATER DU MILIEU DU XIIe SIÈCLE
RAPPORTÉE ICI POUR L’INTELLIGENCE DU PRÉSENT MÉMOIRE 1.
Humbert, sire (dominus) d’Aubonne, apparaît en cette qualité dans les années 1154, 1159 et 1172. Il vivait peut-être encore en 1177. Sa femme et ses enfants, non nommés, approuvent une donation faite par lui à l’abbaye de Théla, en l’année 1154. Cette épouse pourrait avoir été Pétronille d’Aubonne, qui avait fait des dons à l’abbaye de Bonmont.
Nantelme, fils du prénommé Humbert, lui succéda comme seigneur d’Aubonne. Il l’était encore en 1204. Nantelme transigea avec l’abbaye de Bonmont, en l’année 1197. A cette date son épouse était Gerriette; il en eut une seconde, nommée Alix, qui lui survécut 2. /302/
Guerric, fils aîné du précédent, fut seigneur d’Aubonne après son père, et apparaît en cette qualité dès l’année 1204. Il devint chevalier et fournit une longue carrière. Guerric céda, le 23 août 1259, à titre d’échange, la terre et seigneurie d’Aubonne, au prince Pierre de Savoie. Son épouse se nommait Clémence. Il n’était plus vivant en l’année 1263. A cette date-ci, le comte Rodolphe de Genève tenait en fief du comte Pierre de Savoie, la part que feu le sire Guerric d’Aubonne avait possédée au dit Aubonne.
En vertu d’une sentence arbitrale, datée du 3 août 1271, rendue par Edmond, fils du roi d’Angleterre, et Philippe, comte de Savoie et de Bourgogne, Béatrice, comtesse de Viennois et dame de Faucigny, fille du comte /303/ Pierre de Savoie, céda, la même année, la seigneurie d’Aubonne, avec d’autres terres, à sa tante maternelle, Béatrice de Faucigny, dame de Thoire et de Villars, ainsi qu’à ses fils Humbert (III), sire de Thoire et de Villars, et Henri, chantre de l’église de Lyon.
Humbert (III), sire de Thoire et de Villars, d’Aubonne et de Coppet, décéda vers la fin de l’année 1279. Son épouse était Béatrice de Bourgogne, dame de Montréal et Martigna, en Bugey.
Humbert (IV), sire de Thoire et de Villars, d’Aubonne et de Coppet, fils du précédent, fut, avec Jean, sire de Cossonay, son gendre, le coadjuteur de Guillaume de Champvent, évêque de Lausanne, dans la guerre soutenue par ce prélat contre Louis (I) de Savoie, sire de Vaud. La femme de ce seigneur fut Marguerite de la Tour-du-Pin. Il mourut, selon l’historien Guichenon, le 14 mai 1301; toutefois, il est probable qu’il ne vivait déjà plus le 26 avril précédent.
Amédée de Villars, son fils puiné, apparaît comme seigneur d’Aubonne à cette dernière date. Il le fut aussi de Coppet. Encore seigneur d’Aubonne en 1310, il ne vivait plus en 1314, et était mort sans avoir été marié. Amédée de Villars fut inhumé dans le couvent de Bonmont.
Après lui, sous l’année 1314, sa sœur, Agnès de Villars, épouse de Guillaume Alamandi de Valbonnais, était dame d’Aubonne et de Coppet. Elle testa en 1323, mais vivait encore le 15 mai 1326. Guillaume Alamandi, son mari, testa en 1332.
Leur fils aîné, Humbert Alamandi, chevalier, fut seigneur d’Aubonne et de Coppet, après ses parents. Il reconnut, en 1336, le château d’Aubonne en faveur du /304/ comte de Savoie. Ce seigneur, qui avait épousé, en 1328, Agnès de Joinville, fille de Guillaume, seigneur de Gex et de Jeanne de Savoie, testa, en 1351, en faveur de Hugues Alamandi, son frère, lui substituant, dans l’absence d’enfants mâles, ses propres filles (du testateur), savoir : Marguerite, épouse de Rodolphe, comte de Gruyère; Elinode, qui épousa 1o François de Pontverre, fils d’Aymon, seigneur d’Aigremont, et 2o Archimand de Grolée, chevalier, laquelle mourut sans postérité; et Jeanne, qui devint l’épouse, en 1365, d’Ottonin (soit Othon), fils de Guillaume de Grandson, seigneur de Sainte-Croix.
Hugues Alamandi, frère puiné d’Humbert, était seigneur d’Aubonne et de Coppet sous l’année 1354. Il fit cession volontaire de la terre et seigneurie d’Aubonne, en l’année 1357, à Guillaume de la Baume, seigneur de L’Abergement, mari de Constance, sa fille unique. Guillaume de la Baume, l’un des Conseillers du comte Amédée de Savoie, fut seigneur d’Aubonne jusqu’à sa mort. Il apparaît encore en cette qualité dans l’année 1362. Hugues Alamandi, son beau-père, testa le 16 septembre 1364.
Après Guillaume de la Baume, en 1365, Guillaume de Grandson, chevalier, seigneur de Sainte-Croix, devint seigneur (ou plutôt coseigneur) d’Aubonne, par l’inféodation que lui fit le comte Amédée VI de Savoie des deux cinquièmes de cette seigneurie, qui lui étaient échus pour le lod de deux transmissions en ligne féminine. La même année son fils Othon, par son mariage avec Jeanne Alamandi, acquit les droits de celle-ci sur les terres d’Aubonne et de Coppet. Guillaume de Grandson acheta, en l’année 1370, de Rodolphe (IV), comte de Gruyère, pour le prix de 2000 florins d’or, les droits de ses enfants /305/ mineurs, Rodolphe et Marie, sur les terres et seigneuries d’Aubonne et de Coppet, droits procédés de Marguerite Alamandi, leur mère. D’un autre côté, Elinode Alamandi, codame d’Aubonne et de Coppet, pour lors épouse du chevalier Archimand de Grolée, testa, sous l’année 1379, en faveur de sa sœur Jeanne, épouse d’Othon de Grandson, chevalier. Enfin, aux termes d’une sentence rendue par le comte Amédée de Savoie, Guillaume de Grandson avait payé, le 25 septembre 1365, la somme de 9000 florins à Philibert et Jean, fils de Guillaume de la Baume, seigneur de L’Abergement et d’Aubonne, tant pour le paiement des dettes contractées par Hugues Alamandi, défunt seigneur d’Aubonne, que pour les rachats opérés par leur père, Guillaume de la Baume, et l’échange fait par celui-ci, en 1358, avec le comte de Namur 1. Par suite de ces diverses transactions et des dispositions testamentaires d’Elinode Alamandi, Guillaume de Grandson, seigneur de Sainte-Croix, et son fils Othon, furent, par indivis, seuls seigneurs d’Aubonne et de Coppet, quoique ce soit le premier qui en prenne le titre dans les documents.
En l’année 1389, à la mort de Guillaume de Grandson, seigneur de Sainte-Croix, d’Aubonne et de Coppet, son fils, l’illustre chevalier Othon, lui succéda dans ces seigneuries. On connaît la malheureuse destinée de ce preux chevalier. Bonne de Bourbon, régente de Savoie, ayant fait confisquer, à son préjudice, en 1393, entre autres les terres d’Aubonne et de Coppet, en accorda l’inféodation, le 4 novembre de la dite année, moyennant 14 000 florins d’or, à Rodolphe de Gruyère, seigneur de /306/ Vauxgrenant 1 , de moitié avec Jean de la Baume. Celui-ci eut la terre de Coppet 2. Le premier avait disputé, mais sans succès, à Othon de Grandson, en l’année 1390, la terre d’Aubonne, sur laquelle il prétendait avoir des droits du chef de Marguerite Alamandi, sa mère.
Le comte Antoine de Gruyère, mineur, devint seigneur d’Aubonne, en 1400, à la mort de son père Rodolphe, et il succéda au comté de Gruyère, en 1403, à la mort de son aïeul, le comte Rodolphe (IV). Le comte Antoine de Gruyère disputa au duc Amédée VIII de Savoie les terres d’Aubonne et de Coppet, dont le duc prétendait avoir la possession en vertu d’un traité fait par lui, le 2 octobre 1404, avec Jeanne Alamandi, veuve du chevalier Othon de Grandson, par lequel elle lui avait cédé tous ses droits sur les terres d’Aubonne et de Coppet. Par une transaction entre les parties, datée du 17 mars 1425, le comte Antoine garda Aubonne et le duc Amédée eut la terre de Coppet 3.
Antoine, comte de Gruyère et seigneur d’Aubonne, mourut en 1433. Après lui, son fils aîné, François, légitimé, /307/ avec son frère Jean, par l’empereur Sigisinond, lui succéda comme comte de Gruyère et seigneur d’Aubonne. Cette seigneurie-ci lui fut disputée juridiquement, dans l’année 1437, par Amblard, sire de Belmont (soit de Beaumont) et de Montfort, lequel fondait ses prétentions sur une substitution établie en sa faveur par le testament d’Elinode Alamandi, codame d’Aubonne et de Coppet. (Voy. ci-devant, pag. 305.) Le sire de Belmont n’obtint pas gain de cause 1. Le comte François de Gruyère, comme seigneur d’Aubonne, reçut, dans les années 1453 et 1459, l’hommage de Jean de Menthon, pour la coseigneurie de la ville d’Aubonne. L’épouse de ce comte de Gruyère fut Bonne de Costa.
Au comte François de Gruyère succéda, en 1475, son fils Louis, qui fut aussi seigneur d’Aubonne. Le comte Louis de Gruyère ayant pris parti pour les Confédérés dans la guerre de Bourgogne, il en résulta que la baronnie d’Aubonne fut épargnée lors de la descente des Suisses dans le Pays de Vaud, en l’année 1475.
Le comte Louis de Gruyère mourut en 1492 et eut pour successeur son fils, François (II), sous la régence de sa mère, Claude de Seyssel. Celle-ci, par le testament de son mari, avait eu pour douaire la baronnie d’Aubonne. La lignée masculine de la branche aînée de la maison de Gruyère n’ayant pas tardé à s’éteindre, cet événement fut suivi de longues contestations entre Jean de Gruyère, seigneur de Montsalvens, qui prétendait succéder au comté de Gruyère, et Claude de Vergy, seigneur de Fonvens, /308/ qui le lui disputait, tant comme mari d’Hélène de Gruyère, fille du défunt comte Louis, qu’en vertu d’anciennes prétentions de la maison de Vergy sur le prédit comté. Dans ces débats, Claude de Seyssel soutint vivement les intérêts de son gendre.
Le duc Philibert de Savoie, suzerain du comté de Gruyère, finit par rendre une prononciation dans cette querelle. Son Conseil, de concert avec les députés des villes de Berne et Fribourg, décida, le 22 juillet 1501, à Genève, que le sire de Montsalvens succéderait au comté de Gruyère; que Claude de Seyssel, veuve du comte Louis, aurait la jouissance viagère de la baronnie d’Aubonne, et qu’après son décès cette baronnie appartiendrait à sa fille Hélène, épouse de Claude de Vergy, réservant néanmoins, en faveur du comte de Gruyère, la faculté de pouvoir la racheter au prix de 30 000 florins de Savoie. Le duc Philibert promulgua cette prononciation le 2 août suivant.
Par son testament, daté du 12 septembre 1502, Hélène de Gruyère institua son mari, Claude de Vergy, héritier de tous ses biens, notamment de la seigneurie d’Aubonne, dont sa mère lui avait fait donation. Claude de Vergy s’intitula donc seigneur d’Aubonne.
Cependant, Claude de Seyssel étant décédée, le comte Jean (I) de Gruyère se hâta de prendre solennellement possession de la baronnie d’Aubonne, le 1er septembre 1503, dans l’église du chef-lieu de cette seigneurie, où il se fit prêter le serment de fidélité par les ressortissants de la terre. Le comte Jean traita ensuite avec la maison de Vergy pour le rachat d’Aubonne, et cette contestation fut terminée, en 1504, au moyen du mariage de Jean, fils aîné /309/ du comte Jean de Gruyère, avec Marguerite de Vergy, sœur de Claude 1. En qualité de seigneur d’Aubonne, le comte Jean de Gruyère reçut, en 1512, l’hommage de Janus de Menthon, seigneur de Rochefort, pour la coseigneurie de la ville d’Aubonne 2.
Au comte Jean (I), mort en 1514, succéda son fils Jean (II). Celui-ci, du vivant de son père, avait tenu la baronnie d’Aubonne, puisqu’en l’année 1507 il est appelé Monsieur d’Aubonne, et qu’en l’année 1512 il prend le titre de seigneur de ce lieu. Etait-ce peut-être comme mari de Marguerite de Vergy ?
Le comte Jean (II) de Gruyère, seigneur d’Aubonne, décéda en 1539. Michel, comte de Gruyère, son fils aîné, prend le titre de baron d’Aubonne et agit en cette qualité, lorsqu’il transige, en l’année 1541, avec Jean de Menthon, coseigneur d’Aubonne, à l’égard de divers points.
Cependant, l’on trouve, en l’année 1545, François de Gruyère, son frère cadet, né de Catherine de Montaynard, la seconde épouse de son père, appanagé de la baronnie d’Aubonne, qu’il conserva jusqu’à sa mort, survenue le 2 juillet 1550. Alors cette baronnie fit retour au comte Michel, qui ne la garda pas longtemps.
Dans la catastrophe financière de celui-ci, la baronnie d’Aubonne parvint, à la suite de plusieurs subhastations faites dans les années 1553 et 1554, à Nicolas de Meggen, /310/ avoyer de Lucerne, pour la somme grosse de 5100 écus d’or au soleil. LL. EE. de Berne confirmèrent, le 8 octobre 1554, en sa faveur, l’acquisition de la baronnie d’Aubonne.
L’avoyer Nicolas de Meggen vendit cette baronnie dans le mois de septembre de l’année 1556, à Jean de Lettes, de la maison de Montpezat, gentilhomme français, qui était un zélé Huguenot. Celui-ci acquit bientôt après, de Claude de Menthon, coseigneur d’Aubonne, la coseigneurie de la ville de ce nom, qu’il ne conserva toutefois pas, François de Menthon, seigneur de Rochefort, frère du vendeur, en ayant obtenu, par voie judiciaire, le retrait lignager. Jean de Lettes fut en procès, avec celui-ci et son frère Claude, au sujet de l’hommage qu’il leur demandait pour les fiefs qu’ils tenaient de lui dans les limites des franchises de la ville d’Aubonne.
L’épouse de Jean de Lettes se nommait Armande de Durfort.
François de Lettes, son fils et successeur, apparaît comme seigneur d’Aubonne, le 19 octobre 1563 1. Fort intriguant et aussi zélé huguenot que l’avait été son père, il prit part aux événements politiques qui se passaient alors en France, et cela de manière à compromettre LL. EE. de Berne. Soupçonné de haute trahison envers Elles, la cour baillivale de Morges se transporta, en décembre 1583, au château d’Aubonne, pour faire une enquête sur /311/ les menées de François de Lettes. Celui-ci tua alors Pierre Volat, le secrétaire ballival, et s’évada 1. La baronnie d’Aubonne, tombée en commise par suite de cet événement, fut adjugée à LL. EE. François de Lettes avait soutenu de longs procès contre les nobles de Menthon, au sujet de l’hommage qu’il exigeait d’eux, et il avait fini par obtenir gain de cause, en 1579. Son épouse était Péronne d’Anglure.
LL. EE. de Berne vendirent la baronnie d’Aubonne, par voie de discussion de biens, le 5 janvier 1585, à Wilhelm de Vuillermin, de Morges, seigneur de Montricher, pour le prix de 63 000 fr.
Celui-ci, à la date du 21 mai de la dite année, en fit la rétrocession, pour le même prix, à Jean-Henri Lochmann, banneret de Zurich, qui la conserva jusqu’à son décès. Ce fut le baron Lochmann qui fit, avec l’autorisation de LL. EE., la réintégrande de la coseigneurie de la ville d’Aubonne dans les franchises.
Gaspard Lochmann, frère du précédent, et d’autres membres de l’hoirie de ce dernier vendirent la baronnie d’Aubonne, le 12 décembre 1592, à François Villain, de Genève, pour le prix de 22 700 écus d’or. Celui-ci prêta quernet, le 8 juillet 1600, en faveur de LL. EE de Berne, pour la seigneurie et la coseigneurie (de la ville) d’Aubonne 2. /312/
Il fit l’acquisition, le 25 mai 1604, de la coseigneurie de Gimel et Longirod, de David Quisard, seigneur de Crans. Cette coseigneurie avait été inféodée, en 1556, par Claude de Menthon, coseigneur d’Aubonne, à Pierre Quisard, de Nyon, châtelain de Mont-le-Grand. Le baron Villain ayant été trouvé coupable de haute trahison, la baronnie d’Aubonne tomba en commise et échut à LL. EE.
Celles-ci la revendirent, le 7 octobre 1620, pour le prix de 24 300 écus bernois, à Théodore de Mayerne (soit Turquet de Mayerne), qui fut Conseiller et premier médecin des rois d’Angleterre, Jacques Ier et Charles Ier. Son épouse se nommait Elbourge de Boetzler. Messire Théodore de Mayerne, baron d’Aubonne, mourut en Angleterre, en l’année 1655, laissant deux filles mariées à deux frères de la maison de Caumont, petits-fils du maréchal de Caumont-Laforcé. L’aînée, épouse du marquis de Cugniac (aussi dit Cugniat), mourut sans enfants, laissant sa sœur Adrienne, femme de messire Armand de Caumont, marquis de Montpouillan, héritière de ses biens. Celle ci mourut en 1662, aussi sans postérité, laissant sa succession à son mari.
En qualité d’héritier de son épouse, le marquis de Montpouillan prit possession, l’année suivante (1663), de la baronnie d’Aubonne. Mais il retourna en France, en juin 1670, après avoir vendu la dite baronnie, le 28 avril précédent, pour le prix de 43 000 écus blancs, au célèbre voyageur, Jean-Baptiste Tavernier.
Tavernier posséda la baronnie d’Aubonne une /313/ quinzaine d’années. Elle fut vendue, par forme de discussion de biens, le 2 janvier 1685, à Henri, marquis du Quesne, baron de Valgrand, pour le prix de 46 000 écus blancs, faisant 138 000 livres de France. Cet acquéreur de la baronnie d’Aubonne était le fils du célèbre vice-amiral Abraham du Quesne, le vainqueur de Ruyter, mort à Paris, en 1688. Lui-même était aussi un marin distingué 1.
C’est du marquis du Quesne que LL. EE. de Berne acquirent, le 1er février 1701, pour le prix de 70 000 écus de 30 batz pièce, la baronnie d’Aubonne, dont Elles firent un bailliage.