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Mémoires et documents de la Société d’histoire de la Suisse romande

Edition numérique

Frédéric TROYON

Monuments de l’Antiquité dans l’Europe barbare:
Préface
par Edouard Sécretan

Dans MDR, 1868, tome XXV, p. V-XI

© 2023 Société d’histoire de la Suisse romande

MONUMENTS DE L’ANTIQUITÉ DANS L’EUROPE BARBARE

SUIVIS D’UNE

STATISTIQUE DES ANTIQUITÉS DE LA SUISSE OCCIDENTALE

ET D’UNE

NOTICE SUR LES ANTIQUITÉS DU CANTON DE VAUD

Par

FRÉDÉRIC TROYON

Conservateur des antiquités au Musée cantonal; membre de la Société d’histoire de la Suisse romande, de la Société générale d’histoire suisse, de la Société helvétique des sciences naturelles; membre honoraire de la Société des antiquaires de Londres et de la Société archéologique du grand-duché de Luxembourg; correspondant de l’Institut archéologique de Rome, de la Société des antiquaires de France, de la Société des antiquaires de Normandie, de l’Académie royale des belles-lettres, de l’histoire et des antiquités de Stockholm, des Sociétés archéologiques de Vilna, de la Poméranie, de Berlin, de Schwérin, de la Thuringe, de Mayence, de Sinsheim, de Zurich, de la Société neuchâteloise d’utilité publique, de la Société d’histoire et d’archéologie de Genève, de la Classe des beaux-arts, de la Société des arts de Genève et de l’Association florimontane d’Annecy; membre correspondant de la Société des antiquaires d’Abbeville et d’Edimbourg; membre de la Société phil-américaine de Philadelphie; membre honoraire de La Société savoisienne d’histoire et d’archéologie, de l’Institut archéologique de Liège, correspondant de la Société des sciences naturelles de Neuchâtel, du musée Blakmore à Saliabury, etc.

 

LAUSANNE GEORGES BRIDEL ÉDITEUR 1868

 

/V/

PREFACE


Les amis de Frédéric Troyon désiraient vivement que l’on pût conserver une partie au moins de ses nombreux écrits, et cette mission revenait tout naturellement à la Société d’histoire de la Suisse romande, dont Troyon avait été l’un des membres les plus actifs et les plus distingués. Pour satisfaire à ce désir, sa veuve a publié, elle-même, l’Homme fossile, dernier ouvrage de notre regrettable collègue, et le Cours de mythologie, après quoi elle a bien voulu confier les autres manuscrits laissés par son mari à notre comité de publication, lequel en a pris connaissance. La plupart consistent en notes étendues, faites au jour le jour. Une foule d’observations et de réflexions fort intéressantes s’y trouvent consignées; il y a là une mine féconde pour l’amateur d’archéologie. Mais pour faire de ces notes l’objet d’une publication, il faudrait nécessairement opérer sur elles un travail d’épurement, de /VI/ classification et de remaniement que le comité ne s’est pas jugé autorisé à entreprendre. Il est rare que l’on puisse sans inconvénient substituer sa propre intelligence, sa propre pensée, à celle d’un autre. Cela devenait impossible, alors qu’une telle substitution eût dû se faire dans le domaine d’une science nouvelle, dans laquelle, parmi nous du moins, il occupait le premier rang. Nous sommes heureux de dire que ces manuscrits précieux, s’ils ne sont pas publiés, demeureront néanmoins d’un facile accès, puisqu’ils doivent être placés dans la partie du Musée d’antiquités de Lausanne où se trouve aussi la riche collection que Troyon s’était composée.

Doué d’un remarquable talent d’exposition orale, notre collègue avait plus professé que publié. Il se réservait pour un ouvrage d’ensemble, que chaque découverte obligeait à recommencer, et pour lequel il continua toute sa vie à recueillir des matériaux.

Parmi les travaux variés que nous avons eu mission d’examiner, quelques-uns cependant portaient un caractère d’achèvement assez avancé pour qu’on ait pu songer à les imprimer tels, à fort peu de chose près, que leur auteur les avait lui-même conçus. Ceux-ci sont, à la vérité, déjà assez anciens. C’est un inconvénient, lorsqu’il s’agit d’une science qui avance si rapidement. Toutefois, nous osons le dire, le présent volume, œuvre de la jeunesse de notre excellent ami, n’a /VII/ pas moins d’importance scientifique que les écrits composés et publiés plus tard; en outre, il servira à placer ceux-ci dans leur vrai point de vue.

C’est un récensement des antiquités de l’Europe barbare, ou, en d’autres termes, des antiquités non classiques. Troyon, qui voulait tout voir par lui-même, fit de longs voyages pour étudier soit les musées publics, soit les principales collections privées, en Allemagne, en France, en Angleterre et dans le Nord. Déjà connu à cette époque par la découverte des tombeaux de Bel-Air, il reçut partout de la part des hommes spéciaux, l’accueil le plus sympathique. Il leur apportait, comme il recevait d’eux.

Aujourd’hui un travail du genre de celui-ci ne serait peut-être plus possible; la moisson est devenue trop vaste; au moment où Troyon l’entreprit il était déjà bien considérable. Le lecteur aura lieu de s’en assurer.

Ce volume est tiré des notes, suffisamment rédigées, d’après lesquelles furent donnés différents cours publics à Lausanne, Morges, Vevey, Genève et autres lieux, dans les années 1849 à 1854.

La rédaction dont on s’est servi comprenait deux cours ayant également pour objet les antiquités de l’Europe barbare. Le second faisait suite au premier, mais n’a pas été terminé selon le plan de l’auteur, du moins dans les manuscrits que nous avons utilisés. /VIII/ Les notes excessivement concises qui servirent pour les répétitions de ces cours se référaient à sa première rédaction et n’ont pu nous servir à la compléter.

La fin de l’âge du fer, comprenant les premiers siècles de notre ère, ne paraît, dès lors, pas être traitée avec toute l’extension qu’elle avait dans la pensée de l’auteur, et qu’elle a reçu peut-être en dernier lieu, dans des expositions orales. Cette circonstance devait être notée afin de laisser à chacun sa responsabilité. Il est plus que probable que l’auteur, s’il eût vécu, n’aurait pas fait imprimer son ouvrage dans la forme où nous le donnons maintenant; mais, n’ayant que le choix entre la publication actuelle ou le défaut de publication, nous nous serions mal aisément décidés pour la dernière alternative.

Les deux morceaux accessoires placés à la fin du cours sur les antiquités de l’Europe barbare sont relatifs à la Suisse romande. Le premier est un recueil d’articles insérés, sous le titre de Statistique des antiquités de la Suisse occidentale, dans l’Indicateur d’histoire et d’antiquités de Zurich; ces articles furent composés de 1855 à 1858, alors que les antiquités lacustres devenaient déjà le but de nombreuses recherches.

Le second opuscule, intitulé Notice sur les antiquités romaines du canton de Vaud, ne porte pas de date, mais paraît avoir été composé peu après le morceau /IX/ principal du volume, ou vers le même temps. Comme conservateur des musées d’antiquités, Troyon était appelé à s’occuper activement de nos antiquités romaines, l’idée qu’il s’en faisait est exprimée succintement dans cet écrit.

Pris dans leur ensemble, ces derniers morceaux comblent, pour ce qui concerne la Suisse romande, la lacune signalée plus haut dans le traité général sur les antiquités de l’Europe barbare.

La difficulté du manuscrit dans certains passages, jointe à une indisposition du membre du comité chargé de surveiller la composition, ont entraîné des fautes d’impression dont une certaine quantité sont corrigées dans l’errata. Nous sollicitons l’indulgence pour celles qui subsisteraient encore.

Nous n’avons pas l’intention d’exprimer ici un jugement sur le mérite du présent écrit; qu’il nous soit seulement permis de faire observer qu’à notre connaissance tous les travaux de ce genre publiés jusqu’ici sont des travaux particuliers, relatifs à tel pays, à telle localité ou à telle question. Ce qui caractérise celui-ci c’est en premier lieu d’être un traité général, et en second lieu d’être essentiellement descriptif. Il aura par là une utilité durable, quelles que soient les découvertes faites dans la suite et les conséquences que l’on en déduira. Il n’est pas donné à chacun de parcourir l’Europe /X/ pour son instruction, mais grâces à l’exactitude d’observation et au talent de description de notre collègue, chacun saura aisément, lorsqu’un objet d’antiquité lui sera présenté, dans quelles circonstances des objets analogues ont été trouvés, et où l’on les voit. Nous avons ici comme le premier catalogue d’une vaste bibliothèque, auquel il n’y aura plus qu’à ajouter de temps en temps des suppléments.

L’auteur se montre sobre d’inductions et de conclusions générales; celles qu’il énonce découlent naturellement des faits; quelques-unes cependant seraient à réformer aujourd’hui. Dans ses derniers écrits Frédéric Troyon avait déjà commencé à faire lui-même ce travail de révision; sa fin prématurée l’a empêché de le poursuivre. Pendant le cours de sa carrière scientifique, l’archéologie avait passé par trois phases distinctes. Dans la première, celle durant laquelle les études dont ce livre est le résultat ont été faites, on trouvait surtout les débris du passé sur le sol et dans le sol; on classait les restes de constructions, les instruments et les tombeaux.

Un peu plus tard les habitations lacustres devinrent une source abondante, presque inépuisable de découvertes nouvelles. Le XVIIe volume de nos mémoires en a fourni un compte-rendu remarqué.

Enfin, dans ces dernières années seulement, des traces /XI/ de l’existence de l’homme sur la terre à une époque beaucoup plus reculée qu’on ne le croyait précédemment étant apparues, la spéculation scientifique s’est portée avec une sorte de passion vers les grandes perspectives que ce fait venait lui ouvrir. Troyon a pu exprimer encore ses vues sur cette nouvelle phase de la science à laquelle il s’était consacré; il l’a fait sans parti pris, comme il convient au savant véritable.

On trouve donc trois moments dans les ouvrages de Frédéric Troyon, correspondant chacun à l’une des phases que la science a parcourues depuis trente ans: Les Monuments de l’antiquité dans l’Europe barbare sont le premier moment; les Habitations lacustres, le second, et l’Homme fossile, le troisième.


Septembre 1868.

EDOUARD SÉCRETAN, professeur.