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Mémoires et documents de la Société d’histoire de la Suisse romande

Edition numérique

Louis DE CHARRIÈRE

Le prieuré et la commune de Baulmes

Dans MDR, 1853, tome XIII, pp. 59-143

© 2021 Société d’histoire de la Suisse romande

LE PRIEURÉ ET LA COMMUNE DE BAULMES

PAR

M. Louis de Charrière,

Membre de la Société d’histoire de la Suisse romande.

 

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AVANT-PROPOS.

L’idée du Mémoire qu’on va lire appartient à feu mon frère, M. Frédéric de Charrière, qui avait exploré avec soin les riches archives de la commune de Baulmes, ainsi que les titres de l’abbaye de Payerne. Il en commençait la composition lorsque la mort le surprit. S’il eût vécu, il nous eût aussi donné, à l’instar de ses Recherches sur le couvent de Romainmotier, une histoire du monastère fondé par la reine Berthe. Les amis de notre histoire vaudoise regretteront sans doute que ce travail n’ait pas été exécuté. On trouvera naturel que j’aie donné suite aux projets de mon frère quant au prieuré et à la commune de Baulmes, et profité pour cela des matériaux qu’il avait rassemblés. Je dois avertir que, dans le but d’éviter des répétitions fastidieuses, lorsque je ne cite pas les sources où j’ai puisé, il est toujours sous-entendu que ces sources sont les archives de la commune de Baulmes. Les autres sont indiquées avec soin.

Senarclens, juillet 1853.

l’auteur.

 


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LE PRIEURÉ ET LA COMMUNE DE BAULMES.

 


Le grand et riche village de Baulmes se déploie au milieu de noyers et d’autres arbres fruitiers, sur une pente douce, adossée aux derniers soulèvements du Jura. Il est dominé par un cintre ou amphithéâtre de rochers escarpés, du sommet desquels l’on jouit d’une vue aussi étendue que magnifique sur la chaîne des Alpes, les vallées et les collines verdoyantes de la patrie de Vaud.

Les grottes ou baumes que ces rochers renferment ont donné leur nom au village situé à leurs pieds, et dont nous entreprenons de raconter le développement d’après les documents que ses archives contiennent.

L’histoire de ce grand village est intimement liée à celle d’une maison religieuse très ancienne, à laquelle il appartenait, mais dont les chartes nous apprennent néanmoins peu de chose. En effet, le prieuré de Baulmes, donné à l’abbaye de Payerne à la fondation de celle-ci 1 , puis uni à /62/ ce célèbre monastère dès la fin du treizième siècle, n’a guère vécu d’une vie indépendante 2 . Ses biens ont enrichi un autre couvent, et le prieur de Payerne devint le seigneur de Baulmes.

Au-dessus du mont de Forel, couvert de sapins, se trouvent des débris de masures qu’on nomme Saint-André. Un sentier y conduit depuis ce qu’on appelle l’hermitage. Là aurait existé, selon la tradition, la cellule des premiers solitaires de Baulmes. La présence de pieux cénobites peut avoir été l’occasion de la fondation du monastère. Le cartulaire du chapitre de Notre-Dame de Lausanne, cette précieuse source de notre histoire, nous apprend qu’Ermentrude construisit le monastère de Baulmes l’année onzième du règne de Clotaire, et du temps de Chilmégisèle, évêque d’Avenches ou de Lausanne. Ermentrude était la veuve de Chramnélène ou Ramnélène, duc ou patrice de la Bourgogne-Transjurane, qui avait volontiers résidé à Orbe 3 . Il paraît positif que ce duc et son épouse Ermentrude avaient fondé, vers l’an 646, le célèbre couvent de Romainmotier, au pied du Jura 4 . Quant à la date, indiquée par le cartulaire, de la fondation du monastère de Baulmes, savoir l’année 532, elle est nécessairement erronée. En effet, Clotaire, troisième du nom, roi de Neustrie et de Bourgogne, fils de Clovis II (et il ne saurait être ici question que de lui), régna dès 656 à 670 5 . L’année onzième de son règne porterait à 667. /63/ Ce serait donc à cette date que le couvent de Baulmes aurait été fondé par Ermentrude. L’église en fut placée sous l’invocation de la Vierge Marie; du moins on doit le présumer d’après un document de l’année 1036 (20 mars), qui nous fait connaître la donation de Durandus et de sa femme Gotesburga, au couvent de Romainmotier, de deux terres situées à Orbe, dont l’une limitait Sainte-Marie de Baulmes (Sancta Maria Balmensis), c’est-à-dire ses possessions 5bis . — On ne peut guère présumer qu’il y eût alors d’autre église à Baulmes que celle fondée par Ermentrude. D’ailleurs nous trouverons plus tard le prieuré de Baulmes désigné, depuis son incorporation au couvent de Payerne, sous le nom de Sainte-Marie, quoiqu’il portât celui de Saint-Michel lors de cette union.

La veuve d’un patrice de la Transjurane ne pouvait faire, semble-t-il, qu’une fondation religieuse importante. Elle la dota sans doute de biens considérables, et l’on peut présumer qu’au nombre de ceux-ci se trouvaient déjà l’église d’Orbe 6 avec ses dîmes, ainsi que la dîme de Bosséaz, au territoire de cette ville 7 . Nous verrons cette église et ces dîmes appartenir plus tard au couvent de Payerne, cause ayant de celui de Baulmes 8 .

A cette époque reculée, un but d’utilité publique s’associait fréquemment à la fondation des couvents, ceux-ci /64/ exerçant l’hospitalité envers les pèlerins et les voyageurs. Il en fut probablement ainsi de celui de Baulmes, situé sur la route qui conduisait dans la Cisjurane. Le passage de Jougne ne paraît pas avoir été fréquenté alors 9 . De Baulmes la route se dirigeait sur Sainte-Croix, puis sur Pontarlier par les défilés des montagnes. Quoi qu’il en soit, les plus épaisses ténèbres enveloppent l’histoire de la fondation d’Ermentrude, et pendant près de trois siècles les documents ne font aucune mention de Baulmes. Une charte du roi Conrad de Bourgogne, dit le Pacifique, datée de Lausanne, le 6e des ides d’avril de la vingt-quatrième année de son règne, rompt ce long silence. Le monastère de Payerne venait d’être fondé par la reine Berthe, veuve du roi Rodolphe II de Bourgogne, et mère du roi Conrad. Par la charte mentionnée, ce roi très pieux (rex piissimus), à la sollicitation de sa mère, de son frère Rodolphe 10 et de sa sœur Adélaïde 11 , concéda diverses possessions à l’église de Sainte-Marie de Payerne 12 , entre autres « certaine cellule très propre aux religieux, » appelée Baulmes, avec deux petites forêts, l’une de hêtres, l’autre de chênes, situées sur le rocher 13 , plus la dîme du lieu où cette cellule se trouvait 14 . /65/ Le terme de cellule, applicable à une petite église, ne l’est guère à un monastère. On peut en conclure que celui d’Ermentrude avait subi les malheurs de l’époque; que, comme le couvent voisin de Romainmotier, il avait été désolé « par de méchants hommes et de mauvais voisins » 15 , et que les moines s’en trouvaient dispersés. Ce fut probablement en vue de son rétablissement que le roi Conrad le remit à l’abbaye de Payerne, dirigée alors par le célèbre Mayeul, abbé de Cluny 16 . Il semblerait, par les termes de la charte de ce roi, que sa donation lui fut inspirée dans la cellule même de Baulmes 17 . Quoi qu’il en soit, cette donation nous offre l’origine des rapports de sujétion et de patronage qui ont toujours lié Baulmes à Payerne; ils datent du roi Conrad, et l’on ne saurait mettre en doute que, quelques peu explicites que soient les termes de la charte, tous les droits et les biens du couvent fondé par Ermentrude n’aient passé, dans cette circonstance, à celui de Payerne. Le prieuré de Baulmes appartint donc à l’ordre de Cluny.

Le pape Eugène, par une bulle de l’année 1148, adressée à l’abbé, au prieur et aux autres religieux de Payerne, confirma la fondation de ce monastère. Cette bulle spécifie les diverses propriétés de l’église de Payerne, et nomme entre autres le village (villam) et l’église de Baulmes, ainsi que l’église d’Orbe 18 . Peu d’années après, en 1153, /66/ Frédéric, roi des Romains, confirma à la même abbaye le droit de choisir son avoué et la maintint en même temps dans la possession des biens dont elle jouissait et que le diplôme royal énumère, entre autres du village de Baulmes et de ses appendices, de son église avec les dîmes, et de l’église d’Orbe et de ses dîmes 19 . Enfin l’empereur Frédéric II confirma, en 1236, le diplôme de son aïeul, et cette corroboration mentionne à son tour les possessions que nous avons désignées 20 . Les droits de la reine Berthe sur le couvent qu’elle avait fondé avaient passé à sa fille Adélaïde, épouse de l’empereur Othon I 21 , et ils étaient demeurés aux successeurs de cet empereur 22 . Ainsi le couvent de Payerne ne relevait de droit que de l’empire 23 .

La cellule de Baulmes, donnée par le roi Conrad à l’abbaye de Payerne, était devenue, sous le patronage de ce couvent, un prieuré qui portait le nom de Saint-Michel; mais nous sommes privés de toutes lumières à son égard. Nous savons seulement, par le cartulaire du chapitre de Lausanne, que, sous l’année 1228, le prieuré de Baulmes avec la paroisse (prioratus de Balmes cum parrochia) faisaient partie /67/ du décanat de Neuchâtel 24 . Vers la fin du treizième siècle, un coup fatal fut porté à ce prieuré. Guillaume, abbé de Cluny, considérant les pesantes charges qu’avait à supporter son couvent de Payerne, prononça, par acte daté du vendredi après le dimanche de Jubilate de l’année 1294, l’union perpétuelle, à ce couvent, de la maison de Saint-Michel de Baulmes 25 , qui lui était soumise immédiatement, affectant spécialement à son vestiaire (pro vestiario) le produit de cette union 26 . L’abbé Bertrand (de Colombier), successeur de Guillaume, confirma cette incorporation et son but, par acte daté de Cluny, le 5e des ides de mai de l’année 1297, ordonnant toutefois que dans cette maison de Saint-Michel ainsi incorporée, le culte divin et les œuvres de charité ne souffriraient pas, mais que le prieur de Payerne 27 pourvoirait à ce qu’ils y fussent continués sans négligence 28 . Enfin le pape Clément V, par une bulle datée d’Avignon, le 6e des kalendes de juillet de la quatrième année de son pontificat (c’est-à-dire de l’an 1309), confirma, à la demande du couvent de Payerne et du noble sire Othon de Grandson, chevalier (avoué de celui-ci, vraisemblablement), l’union perpétuelle du prieuré (soit de la maison) de Saint-Michel de Baulmes à celui de Payerne, telle que les abbés de Cluny, Guillaume et Bertrand, l’avaient prononcée 29 . A ce diplôme /68/ s’en trouve annexé un autre (sans bulle ni sceau, et d’une écriture différente), par lequel le pape Clément, la 6e année de son pontificat, avise son cher fils le prieur de Saint-Léonard de Bâle, qu’il a appris que tant le prieur du prieuré de Baulmes que ses prédécesseurs, ont aliéné dîmes, terres, maisons, vignes, moulins, forêts, revenus, jurisdictions et autres droits de ce prieuré, en faveur de divers clercs et laïques 30 , et il lui enjoint de s’efforcer de les ramener à la propriété du susdit prieuré, nonobstant même les confirmations obtenues, disait-on, du siége apostolique, pour quelques-unes de ces aliénations 31 . Annexé au diplôme de Clément V, il est naturel d’attribuer celui-ci au même pontife 32 . Cette dilapidation des biens du prieuré de Baulmes peut bien avoir amené l’incorporation de celui-ci au prieuré de Payerne, afin de prévenir sa ruine. Ici s’arrête, pour ainsi dire, l’histoire du prieuré de Saint-Michel de Baulmes, devenu membre du couvent de Payerne et absorbé par lui. Nous verrons désormais les prieurs de Payerne agir en qualité de seigneurs de Baulmes; et lorsqu’à l’avenir il sera encore question du prieuré de cet endroit, nous le trouverons désigné sous le nom de Sainte-Marie, qui était tout à la fois celui de l’église de Payerne et aussi, paraît-il, le nom du premier monastère de Baulmes. Enfin il n’aura plus que deux ou trois moines.

D’après la tradition, Baulmes doit avoir été détruit par un vaste incendie à une époque reculée; et l’on ne peut, /69/ ajoute-t-on, fouir nulle part aujourd’hui dans son enceinte sans trouver des traces du feu. Il n’y a rien que de vraisemblable dans cette tradition, et nous placerions cet événenement soit à la fin du treizième siècle, soit au commencement du quatorzième, expliquant ainsi l’absence dans les archives, riches d’ailleurs, de la commune, de diplômes antérieurs à la seconde moitié du quatorzième siècle, l’absence en particulier de la charte originale des franchises que nous supposons avoir été concédées par le couvent de Payerne déjà dans le treizième siècle. Tous ces diplômes auront péri dans l’incendie du lieu.

Sous l’année 1340 se présente à nous un plaid remarquable et fort nombreux, tenu à Baulmes, sous la présidence de Vuillerme de Baulmes, donzel, au sujet de la condition de douze rées qui furent déclarés taillables du prieur et de l’église de Baulmes. Ils descendaient de quatre chefs de famille, frères, qui s’étaient reconnus taillables en 1303, et avaient en même temps avoué que, sans le consentement du prieur de Baulmes, il leur était interdit de jurer bourgeoisie à aucune bonne ville, ni à aucun château 33 . Le donzel Vuillerme, que nous venons de nommer, et qui était fils du chevalier Etienne de Baulmes, ayant en vue son salut et celui de ses prédécesseurs, donna, la même année (1340), à l’église de Saint-Pierre de Baulmes (c’était l’église paroissiale), un pré situé « eys tors » (aux tours, vers l’Aiguillon), et il scella de son sceau l’instrument de cette donation 34 . On ne s’explique pas trop la position, à Baulmes, de cette /70/ famille ancienne et distinguée portant le nom de la localité. Elle ne paraît point avoir été vassale du prieur de Payerne, mais tenait des biens du prieuré en simple censière, comme nous le verrons. Nous aurons plusieurs fois l’occasion de parler de ces nobles de Baulmes, que nous supposons avoir été vassaux de la seigneurie d’Orbe, et qui pourraient bien descendre d’un Dalmace de la Roche, aussi nommé de la Roche de Baulmes, fréquemment mentionné dans les chartes vers la fin du onzième siècle et au commencement du suivant 35 , et qui paraît avoir été l’un des principaux feudataires de la seigneurie d’Orbe, et l’un des premiers bienfaiteurs de l’hôpital de Sainte-Marie de cette ville 36 . Il se pourrait encore que le château fort de Baulmes, situé dans le voisinage de la roche de St.-André et que nous trouverons plus tard dans les mains du prieur de Payerne, eût été possédé par ce Dalmace de la Roche de Baulmes. Renaud miles de Baulmes vivait en 1225 37 . Nous verrons qu’il y avait dans la seigneurie de Baulmes des fiefs qui n’étaient pas mouvants du prieuré 38 .

On distinguait, en fait de taillabilité, la réelle de la personnelle. Celle-ci était attachée à la personne, l’autre l’était aux biens. Le taillable pour ses biens pouvait, en abandonnant ceux-ci à son seigneur, échapper à sa condition: /71/ faculté qui était refusée au serf 39 . Nous en trouvons un exemple à Baulmes, sous l’année 1361. Un taillable de ce village (Etienne Challes) ne voulait plus y demeurer à moins d’être affranchi de la servitude de la taille. Et Guillaume de Cossonay, prieur de Payerne, en vue de l’utilité de son prieuré, l’en libéra, échangeant la taille contre une cense annuelle de quatre sols, outre quatre florins payés d’entrée. Le nouveau censier continuerait de résider à Baulmes, et son fils après lui: conditions qui paraissent avoir été remplies 40 .

Le même prieur de Payerne et son couvent assignent, en 1362, vingt sols de revenu annuel en faveur du curé de Baulmes, sur une collonge au dit lieu 41 . Cette rente lui avait été léguée par Agnès de Dompierre, veuve du donzel Vuillerme de Baulmes, pour la célébration de son anniversaire. Isabelle, leur petite-fille et leur héritière, fille de feu Jaques de Saint-Renbert et femme du chevalier François de Combremont, avait cédé, à titre d’échange, ses biens situés aux territoires de Baulmes et d’Orbe au couvent de Payerne, sous la condition qu’il assignerait ces vingt sols au curé. Collonge vient de colonia. Les collonges étaient en général les terres les plus anciennement défrichées, et la condition sociale de leurs tenanciers n’était pas toujours avantageuse, précisément parce que, datant de très loin, elle n’avait pas ressenti l’effet de révolution libérale qui s’accomplissait peu à peu dans les idées et les institutions. /72/

Amédée VI, comte de Savoie, reconnaît, le 15 mai 1368, que son amé et fidèle le prieur de Baulmes (Guillaume de Cossonay, consanguin du comte) lui ayant gracieusement concédé un subside de deux florins par chaque feu de ses hommes, cela a eu lieu par grâce spéciale, et sans qu’il puisse en résulter aucun préjudice pour leurs priviléges, libertés et coutumes. Ce don gratuit est le seul dont les documents nous aient conservé le souvenir. Peut-on inférer de cette circonstance que les sujets de Baulmes n’étaient pas tenus aux subsides de la patrie de Vaud? Ne perdons pas de vue que le couvent de Payerne était, de droit, immédiat.

Nous arrivons à un événement qui eut pour Baulmes de graves conséquences, savoir sa combourgeoisie avec la ville des Clées. En 1375, vingt-sept bourgeois des Clées 42 déclarent que les prud’hommes de Baulmes au nombre de soixante-neuf 43 , et ceux du village voisin de Six-Fontaines au nombre de cinq, pour eux, leurs héritiers, et aussi pour toute la communauté de Baulmes et de Six-Fontaines 44 , sont entrés dans la bourgeoisie des Clées, pour cent florins de Florence, de bon or, payés d’entrée, et moyennant la redevance annuelle, pour chacun d’eux, d’un bichet de froment et l’obligation pour cette commune de suivre la chevauchée du seigneur des Clées, mais pas d’autre 45 . Ils promettent, sous serment, de ne pas leur demander autre chose, et font apposer à l’acte le sceau de l’official de Lausanne /73/ et celui de la châtellenie des Clées 46 . — Remarquons en passant que le village ou hameau de Six-Fontaines est réduit aujourd’hui à un seul bâtiment.

Cette combourgeoisie, conclue sans l’aveu du prieur de Payerne ni aucune réserve de ses droits, mais bien plutôt en compromettant son autorité par l’obligation contractée de suivre la chevauchée du seigneur des Clées, était un grave symptôme de l’esprit d’indépendance qui fermentait dans la commune de Baulmes; et nous croyons voir le prieur de Payerne, Pierre Vincent, de Poligny, et les moines de son couvent hochant la tête à son occasion. On doit supposer que ce prieur en marqua son mécontentement, et que l’orgueil résultant pour ses sujets d’un appui nouveau donna lieu à ce qui suivit. Bientôt, en effet, éclate une insurrection véritable contre le prieur, ses moines et ses officiers (famuliam). Le forcri ou fuercri se fait entendre (moto forcrido). Cependant Pierre Vincent ne veut point laisser fléchir ses droits. Une cour de justice se tient à Baulmes, sous la présidence de Rolet de Fernay, donzel de Payerne, juge et lieutenant du prieur à Baulmes. Elle se composait d’experts en coutume 47 , et son jugement fut une sentence de condamnation à payer mille livres et plus par la commune pour bans encourus et injures faites. Ce fut, on le comprend, de l’huile jetée sur le feu. A l’émeute succèdent de longues haines, des rancunes, des mésintelligences, des défiances; et non-seulement les mille livres ne se payaient point, mais la position devenait toujours plus difficile. En recourant au /74/ prince, le prieur compromettait son indépendance, mais c’était toutefois le seul moyen de sortir d’embarras. Aussi voyons-nous Pierre Vincent, d’une part, et des députés de Baulmes 48 , de l’autre, comparaître devant le comte Amédée de Savoie, qui prononça, le 17 janvier 1381, à Yverdon, la sentence suivante: Nonobstant les haines et discordes passées, le prieur rendra sa faveur à ses gens de Baulmes, pour aussi longtemps qu’ils s’abstiendront de s’insurger. Outre les dépens, ceux-ci lui payeront six cents florins dans l’espace de quatre années, le riche aidant le pauvre 49 ; et on aura égard, dans l’imposition de chacun, à son degré de participation au désordre, si bien que ceux qui n’y ont pas participé soient francs (à moins qu’ils ne contribuent volontairement). Cette imposition sera faite par Humbert de Colombier, chevalier, et Jaques Champion, docteur ès lois, aidés des hommes les plus sages de la commune, qu’ils choisiront. Quant à la sentence de mille livres obtenue par le prieur, celui-ci en remettra incontinent l’instrument au baillif de Vaud; mais si à l’avenir la sédition se réveillait, ce passement serait aussitôt rendu au prieur et mis à exécution; il lui serait aussi rendu si, plus tard, il voulait l’annuler. Nicod de Rua, ses deux fils et ses cinq pleiges seront exclus du bénéfice de cette sentence (celle du comte) 49bis . Enfin le comte Amédée établit pour fidéjusseurs et garants de sa prononciation deux seigneurs puissants et respectés, savoir Louis de Cossonay, son consanguin, et Humbert de Colombier 50 . Résister n’était guère possible; Baulmes se soumit donc. /75/

Une contestation surgit entre le même prieur Pierre Vincent et le sire d’Orbe, Henri de Montbéliard, au sujet de la dîme (de blé, vin et autres choses) et du terrage de Bosséaz au territoire de cette ville. Henri de Montbéliard revendiquait cette dîme et ce terrage à raison des droits de ses prédécesseurs, les sires d’Orbe; tandis que selon le prieur, ils appartenaient à l’église de Payerne, étant « du domaine et fondation anciennement de la dite église en chiefs et en membre. » Mieux informé, le sire d’Orbe se désista franchement de ses prétentions, moyennant trois cents florins de Florence que lui paya le prieur. La vigne de la chapelle d’Orbe 51 située dessous Bosséaz, et contenant environ une pose et demie, serait perpétuellement franche de dîme et de terrage envers le prieur. Monseigneur Etienne, comte de Monbéliard et sire de Montfaucon, père de messire Henri, chevalier, ratifia, en qualité de seigneur du fief d’Orbe, la convention ci-dessus, au château de Montbéliard, le 17 juillet 1383 52 . Le parchet de Bosséaz est situé près des lieux où l’on trouve de nombreux vestiges de l’ancienne ville romaine d’Urba, c’est-à-dire à l’orient de la grande route d’Orbe à Yverdon. Un village de ce nom existait alors. La chapelle, soit église de Sainte-Marie des Vignes, se trouvait dans la proximité 53 . La dîme de Bosséaz peut avoir fait partie de la dotation primitive du monastère de Baulmes. /76/

La combourgeoisie des Clées fut pour Baulmes une source de difficultés. A son occasion, les Clées levèrent des gages à la commune de Baulmes, en 1383. Alors, sur la demande du prieur Pierre Vincent, le chevalier Humbert de Colombier, baillif de Vaud, cita les parties à comparaître à Moudon. Les Clées y alléguèrent que, dans la levée de milices, le seigneur baillif leur avait imposé quatre lances, dont ils fourniraient volontiers trois, mais que ceulx de Baulmes pouvaient bien se charger de la quatrième, et que le baillif avait le pouvoir de les y contraindre; que, du reste, ceux des Clées ne devaient plaider à Moudon qu’en appel, ainsi qu’on n’avait qu’à venir au Clées. Puis ils sortirent de la cour, en disant: Faites ce que vous voudrez et vaille que pourra 54 ! Sur ces paroles trop cavalières, une sentence fut rendue donnant gain de cause à Baulmes sur toutes les demandes des Clées, et la combourgeoisie de cette commune fut déclarée nulle et non avenue, sans doute comme ayant été faite sans l’autorisation du prieur et comme lésant ses droits.

Bientôt cependant (en 1384) surgit la guerre contre la patrie valaisanne. Voulant faire preuve de bonne volonté, le prieur Pierre Vincent, par pure grâce, pour une fois et non plus, leva à ses frais, parmi ses gens de Baulmes, deux hommes d’armes et quarante clients (soldats) pour le service de l’illustrissime seigneur Amédée, comte de Savoie. Arrivés à Moudon, sous les armes, avec la bannière de Baulmes, le prieur permit encore, par grâce pure (mera et clara), que la petite troupe allât à la guerre avec les gens de la ville et de la châtellenie de Moudon, et sous la bannière de ceux-ci. /77/ Ils laissèrent donc la leur propre en cette ville, la reprirent au retour, et encore sous les armes ils la rapportèrent à Baulmes « cum mimis, » est-il remarqué, c’est-à-dire avec toutes les coutumes usitées en pareil cas. Le baillif de Vaud, Humbert de Colombier, assisté de plusieurs bourgeois de Moudon (entre autres de Nicod Serjat), déclare sous la date du 6 septembre 1384, que telles sont bien les choses, et que l’on ne doit en tirer aucune conséquence préjudiciable au prieur et à ses sujets de Baulmes, ni en prendre occasion de leur demander la chevauchée ou autre servitude. Il semble donc que Baulmes était, en droit, exempt des expéditions militaires du prince 55 . C’est sans doute à l’occasion de cette expédition dans le Valais que le prieur Pierre Vincent accorda, le 9 décembre de la même année, aux hommes de Baulmes et de Six-Fontaines, les franchises, libertés et coutumes dont jouissait le porte-enseigne (vexillator), soit le banderet (banderetus), dans la commune de Payerne; promettant, sous le vœu de sa profession religieuse, de les respecter 56 .La teneur de ces franchises nous est inconnue.

Les bons rapports entre le prieur et ses sujets de Baulmes avaient recommencé; aussi, le 3 janvier 1385, reconnaissant que les six cents cinquante florins 57 de la sentence du comte Amédée après la rébellion, lui avaient été payés, et que ses hommes lui rendaient toute espèce d’agréables services, Pierre Vincent annula le redoutable passement de /78/ plus de mille livres, et tout ce qui rappelait encore les différends passés 58 . Cependant la combourgeoisie des Clées, première cause du débat, subsista, mais modifiée, malgré la sentence de la cour de Moudon qui l’avait annulée. Car, le mardi avant la Saint-Mathieu de la même année 1385, quatre procureurs (procuratores, c’est-à-dire syndics) des villages de Baulmes et Six-Fontaines rappellent les longues difficultés soutenues à Moudon avec la commune des Clées, tant devant le défunt chevalier Humbert de Colombier, baillif de Vaud, que ses successeurs le sire Rodolphe de Langin et le chevalier Etienne Guerric, au sujet de quelques habitants (ab aliquibus) de ces deux villages nommés dans certaines lettres concernant la bourgeoisie des Clées, ainsi que les sentences et passements obtenus contre les Clées. Nonobstant ces sentences toutefois, et sur l’ordre du sire de Langin, du chevalier Guerric et de leur très cher seigneur le prieur Pierre Vincent, ces quatre procureurs reconnaissent, au nom des deux villages, que tous ceux qui sont nommés dans ces lettres doivent continuer à être bourgeois des Clées, non point à la vérité à la façon indiquée dans l’acte, mais seulement sous les astrictions des bourgeois de Moudon envers la ville de ce nom, et sans aucun autre joug de servitude. Or, un acte postérieur nous apprend que ces obligations se bornaient, pour chaque combourgeois, au payement, à chaque fête de Saint-Michel, de douze deniers à la ville des Clées. Si le prieur Pierre Vincent consentit à l’aveu dont nous venons de parler, ce fut sans doute à cause de la circonstance que le comte de Savoie était le seigneur des Clées. Une réflexion se présente ici: /79/ soixante-neuf prud’hommes, c’est-à-dire certainement chefs de famille, avaient contracté cette combourgeoisie des Clées, et ils sont appelés quelques-uns dans la charte de 1385; et plus tard, en 1462, il est remarqué, nous le verrons, qu’il ne se trouve plus de leur postérité à Baulmes. Cela nous fait entrevoir que la population de cet endroit était considérable au quatorzième siècle. Ainsi la tradition qui veut que Baulmes ait eu jadis douze cents habitants, tandis qu’il n’en a guère que huit cents aujourd’hui, n’est pas dénuée de tout fondement. Sans doute qu’au moyen âge une population de 1200 âmes était considérable, puisque la ville voisine d’Orbe, localité importante, ne comptait guère, au commencement du quinzième siècle, que 800 habitants, y compris la banlieue 59 . Toutefois si l’on se rappelle qu’au moyen âge les familles restaient souvent groupées autour de leurs chefs, au mode patriarcal et sans se détronquer, pour alléger les impôts, qui se payaient d’ordinaire par feu, qu’ainsi un ménage de dix personnes ou plus devait être chose commune, et si l’on veut admettre d’un autre côté que la moitié seulement des chefs de famille prirent part à la combourgeoisie des Clées, on arrivera à ce chiffre de 1200 habitants. Remarquons encore que si la population s’est accrue très sensiblement par suite surtout des progrès de l’agriculture, l’importance des localités diverses a beaucoup varié, et s’est pour ainsi dire déclassée. Telle, jadis importante, est tombée dans l’oubli ou même a disparu; tandis que telle autre, insignifiante autrefois, a pris un accroissement rapide. Baulmes avait trois églises, ce qui dénote une population assez considérable. /80/ C’étaient: 1° l’église de Saint-Michel, appelée église ou chapelle, qui était probablement celle du prieuré avant son incorporation au couvent de Payerne, et peut-être aussi cette cellule donnée par le roi Conrad à ce monastère 59bis ; 2° l’église du prieuré, dite de la Sainte Vierge Marie, desservie par trois moines résidant dans le prieuré; et 3° l’église paroissiale, dite de Saint-Pierre. Nous aurons l’occasion de parler de ces diverses églises. Au reste, le chiffre élevé de la population de Baulmes témoignerait en faveur du régime paternel des prieurs de Payerne.

Une branche de la famille de Baulmes portait le nom de Conay. Elle descendait de Willelme de Conay, vivant en 1222, fils du chevalier Savaric de Baulmes 60 , et paraît avoir pris ce nom d’un quartier du village de Cuarnens, dans la seigneurie de La Sarraz, où elle possédait des biens 61 . A la date du 4 octobre 1377, le donzel Girard de Conay se reconnut (pour lui et ses hoirs) homme lige du prieur de Payerne et de son couvent, pour les biens qu’avait possédés le donzel Perrod Rolet de Baulmes, savoir: pour /81/ une maison avec son chésal, située devant la chapelle de Saint-Nicolas et le prieuré de Baulmes, environ vingt poses et demie de champs 62 , dix seyturées de prés, un moulin 63 , et diverses censes en deniers; le tout sous hommage lige 64 . Nous verrons ces biens être possédés, au seizième siècle, par les nobles d’Aulbonne.

Les possessions de Baulmes rencontraient dans la montagne celles limitrophes de la baronnie de Sainte-Croix, et l’indécision des limites donnait lieu à des débats. Aussi, en 1386, Nicolet Lambert de Chamont, châtelain de la Mothe; Symon Aubert, clerc des Clées; Jean de Chamont, donzel, châtelain du château de la Sainte-Croix, et Jaques Millet, clerc de Grandson, charge ayant, tant du vénérable messire Pierre Vincent, prieur de Payerne, que du noble et puissant sire Guillaume de Grandson, chevalier, sire d’Aubonne et de Sainte-Croix, se rassemblent pour fixer les limites entre les deux seigneuries, et font enquête par 15 bons, probes et prudents hommes de Baulmes et de Sainte-Croix, qui, à l’unanimité, fixent la limite des joux et jurisdictions depuis un sentier (senderius seu violus) et le pré de la Limace, à côté des joux communes, jusqu’aux joux de Joigne. Uldric de Meunières, mestral de Baulmes, demanda qu’un acte notarié relatât cette fixation des limites. Il est déjà fait mention, dans un plaid de l’année 1377, du mestral et du vice-mestral de Baulmes: ils étaient les officiers du prieur, qui n’avait pas encore de châtelain dans cette /82/ localité. En revanche, c’est un mayor de Baulmes qui paraît dans le plaid de 1340 dont nous avons parlé.

Il y avait différend, en 1392, entre messire Pierre d’Estavayé, prieur de Payerne, et Pierre de Baulmes, bourgeois d’Yverdon. Celui-ci appartenait à la famille des nobles de Baulmes 65 , que nous avons appris à connaître. Ces différends roulaient sur plusieurs points. Et d’abord le prieur réclamait trente-neuf sols et six deniers de cense, payés par les prédécesseurs de Pierre de Baulmes, à la Saint-André, pour des possessions situées dans la seigneurie (in dominio) de Baulmes, et voulait que leur mouvance du prieuré fût reconnue à teneur de ses « collonges et escriptures antiques »; à quoi Pierre de Baulmes répliquait que ces écrits n’étaient pas signés. Puis le prieur demandait qu’il fît chanter une messe, fondée par ses prédécesseurs dans l’église de Sainte-Marie de Baulmes, etc., etc. Des arbitres (Jean Walacrest et Nicod, mestral de Tierrens, bourgeois de Moudon, de la part du prieur, et le noble sire Nicolas, co-seigneur de Saint-Martin-le-Chêne, chevalier, et Pierre Banderet, bourgeois d’Yverdon, pour l’autre partie) décidèrent que la reconnaissance demandée se ferait, mais en simple censière (ad simplicem censeriam) et au mode usité par les prud’hommes de Baulmes, excepté cependant l’hommage et la taille, auxquels Pierre de Baulmes n’était pas tenu. Il payera donc annuellement les trente-neuf sols et six deniers demandés. De plus il aura la donation (soit la présentation du chapelain) du dit autel, pour lui et ses héritiers; et dans les six semaines qui suivront le décès du desservant, il devra /83/ présenter au prieur un prêtre idoine; sinon le prieur aura, pour cette fois seulement, la donation du dit autel, que du reste Pierre devra doter convenablement sous obligation de tous ses biens de Baulmes. Cette chapelle était, croyons-nous, celle de Saint-Jean 66 . Nous avons déjà fait observer que l’église de Sainte-Marie était celle du prieuré, qui remplaça sans doute l’antique église de Saint-Michel (comme église du prieuré). On vient de le voir, Pierre de Baulmes devait des censes au prieur, mais point d’hommage, c’est-à-dire qu’il n’était pas son vassal. La mention faite de la taille et des collonges ferait supposer que ses possessions étaient des collonges, en effet, car nous ne trouvons de taille que là. Nous avons vu qu’elles étaient les terres les plus anciennement cultivées. On aura appelé de ce nom également le terrain, la reconnaissance qui en était faite, et, paraît-il aussi, l’époque du payement de leur redevance 67 .

Le souvenir récent des inconvénients qui étaient résultés pour Baulmes de sa combourgeoisie avec les Clées, aurait dû, semble-t-il, prévenir la formation de nouvelles associations du même genre. Il n’en fut point ainsi, car, sous l’année 1396, les quatre recteurs et communiers 68 de toute la commune de la châtellenie de Sainte-Croix, du consentement de leur seigneur, le noble et puissant sire Othon de /84/ Grandson, chevalier, reçoivent seize ressortissants de Baulmes 69 pour leurs bons, vrais et fidèles jurés et bourgeois de Sainte-Croix, selon les anciens bons us et coutumes. Chacun d’eux (et ses héritiers) payera, cette bourgeoisie durant, une coupe de bonne avoine, mesure de Grandson, à la Purification de la Vierge, et suivra la chevauchée et la bannière de Sainte-Croix, comme les hommes de ce lieu y sont tenus. En revanche ils pourront user de tous les bois morts 70 de la châtellenie, à volonté; et si quelqu’un d’eux voulait bâtir ou réparer sa maison, le châtelain et les prédits communiers, soit deux prud’hommes élus par eux, viendraient à Baulmes et lui donneraient le pouvoir de couper le bois et marrin nécessaire dans les forêts de Sainte-Croix. Du reste, chacun des admis pourra toujours renoncer à cette bourgeoisie en payant 20 sols et une obole, et les veuves quatre deniers dans l’année de leur veuvage. Les nouveaux bourgeois déclarent ensuite sous serment, que, dans cette circonstance, ils n’agissent point en vue de difficultés mues ou à émouvoir 71 , et tout aussi peu au préjudice du seigneur et des hommes de Sainte-Croix, bien au contraire. Enfin le sire Othon de Grandson déclare que le tout se fait de son aveu et par son conseil 72 .

Qui se fût attendu à voir des ressortissants de Baulmes s’imposer des charges, pesantes peut-être, pour se procurer du bois mort de chauffage et du bois de construction /85/ que les usages de Baulmes leur assuraient déjà auparavant? Il est plus étrange encore que cela se fît sans l’aveu du prieur, mais bien avec le consentement du sire de Sainte-Croix. On serait tenté de croire qu’il y avait là quelque connexion avec l’ancienne querelle, un vieux levain d’opposition.

Un document majeur, savoir la confirmation, par Jaques de Montmayeur, prieur de Payerne, des franchises de Baulmes, se rencontre sous l’année 1402. Comme, cependant, cet acte paraît être resté inachevé 73 , n’ayant ni formules de la fin, ni mention de témoins, ni signet de notaire, nous attendrons de trouver un diplôme en toute règle de ces franchises pour en parler. Seulement nous ferons remarquer qu’il y est dit que les jurés et habitants de Baulmes usaient de ces franchises et d’autres coutumes depuis tant de temps qu’il n’y avait aucun souvenir du contraire 74 , ce qui établit la prescription immémoriale; c’est-à-dire au moins trois générations, selon la manière habituelle de compter, mais bien plus peut-être. Nous croyons probable que ces franchises, dans la forme que nous verrons, dataient du treizième siècle; dans cette forme, disons-nous, car plusieurs des usages remontent évidemment aux plus anciennes coutumes germaniques, et bien d’autres avaient sans doute dès longtemps passé dans les mœurs avant d’être fixés par l’écriture. Ainsi en usait-on au moyen âge. Une constitution se formait le plus souvent avec beaucoup de lenteur, comme la constitution du corps humain; elle résultait des /86/ besoins, des souvenirs, des traditions, des mœurs, des usages, et n’éclosait pas à tel jour et en quelque sorte toute armée comme Minerve.

La même année (1402), les quatre jurés (c’est-à-dire les syndics) de Baulmes, du consentement des prud’hommes et de toute la communauté, prennent l’engagement de vendre à Baulmes le vin que le prieur pouvait avoir à Orbe (on se rappelle qu’il y possédait la dîme de l’église de cette ville et celle de Bosséaz). En conséquence, François de Sersens et François d’Anières, moines de Baulmes, et deux autres mandataire 75 du prieur Jaques de Montmayeur, déclarent que cet engagement n’est point la suite d’un devoir, mais bien l’effet d’une grâce spéciale, et qu’il n’en résultera aucun préjudice à l’avenir pour les gens de Baulmes. Les deux moines, mentionnés ici, résidaient dans le prieuré pour la célébration du culte divin et l’exercice des œuvres de charité, ainsi que cela avait été spécifié lors de l’union de ce prieuré à celui de Payerne.

Déjà en 1377 Baulmes avait sa confrérie du Saint-Esprit, gouvernée par des prieurs, soit recteurs, et fondée sans doute là comme ailleurs, en vue d’accomplir des œuvres de bienfaisance. Ces recteurs, du consentement des jurés et gouverneurs de Baulmes, donnèrent à cultiver, en 1413, pour 10 ans environ, deux poses de vignes qui appartenaient à la confrérie, situées à Saint-Christophe, sous la redevance annuelle de deux setiers et demi de bon vin ou de moût, mesure de Romainmotier, payables à la vendange, et sous condition que la vigne serait bien cultivée 76 . La culture de /87/ la vigne se faisait à moitié (ou parfois au tiers) vin; ainsi deux poses auraient produit annuellement six setiers de vin. La comparaison de ce petit produit avec celui des vignes de nos jours est bien propre à nous faire apprécier les immenses progrès de l’agriculture 77 . Une liaison étroite existait entre les confréries et les communes. Les recteurs de celles-là n’agissaient qu’avec le consentement des gouverneurs de celles-ci, qui en avaient en quelque sorte la surveillance. Il arrivait même parfois que ces gouverneurs fussent en même temps les recteurs de la confrérie.

Un débat existait, en 1415, entre noble et puissant seigneur messire Jean de Châlon, sire d’Arlay et prince d’Orange, en qualité de seigneur de Jougne, et vénérable et religieux messire Jaques de Montmayeur, prieur de Payerne, au sujet des limites de leurs seigneuries et jurisdictions respectives. L’endroit contentieux était « derrier les tors de Baulmes, » près de l’Aiguillon. Commissions sont données pour savoir la vérité, et l’on fixe au 19 septembre le jour pour prouver le droit par six témoignages. Après audition des témoins, les commissaires du sire d’Arlay, savoir: Etienne de Veyrié, licencié ès lois, et les écuyers Guillaume d’Ornens, châtelain d’Orbe, et Yvonet Fellyn (Ferlin), châtelain de Jougne; et ceux du prieur de Payerne, savoir: dom Guillaume de Baulmes, sacristain de Payerne, l’écuyer Pierre de Fitignier (Pitignier?), châtelain des Clées, et Pierre Mareschet, châtelain de Baulmes, réunis au lieu contentieux, /88/ plantent des bornes d’un commun accord 78 . Remarquons en passant la première mention d’un châtelain à Baulmes.

En 1432, le dernier d’octobre, quatre syndics, jurés et recteurs de la communauté de Baulmes, du laud et conseil et par la volonté des neuf conseillers jurés de cette commune, après mûre délibération avec les prud’hommes et habitants du lieu, établissent, en vue de l’utilité publique, que certains pâquiers communs, nommés en Pluam, doivent être du domaine propre de la communauté, pour tous ses habitants et leurs successeurs, de telle manière que ces pâquiers soient divisés par portions égales et distribués à chacun des focagers de Baulmes qui voudra en recevoir une, et cela sans charge ni tribut à payer, sauf la dîme due de droit, et sous condition que chaque habitant plantera sa particule en vigne dans l’espace de trois ans, sinon elle retournera de droit à la communauté. Il sera interdit à chacun d’aliéner sa part 79 . Le 2 novembre suivant, les quatre syndics et les neuf conseillers, s’étant adjoints certains prud’hommes, mettent à exécution la décision prise, au moyen de lots faits et tirés sur place 80 , et /89/ quatre-vingt-sept personnes reçoivent leur part, y compris le curé de Baulmes (dom Jaques Bisy) qui reçoit la sienne au nom de son église paroissiale de Saint-Pierre 81 . — Il est probable que ce partage d’un terrain communal est l’origine de la culture de la vigne à Baulmes. Le terrain partagé occupe le versant oriental d’une colline couronnée de bois, située entre Baulmes et Saint-Christophle. Si nous ne faisons erreur, il s’y trouve de la vigne encore aujourd’hui, ou sur son prolongement du moins: ainsi la pensée était heureuse. Un jour est jeté sur la population de Baulmes par le nombre de focagers qui reçurent leur part du pâquier divisé; toutefois il se pourrait que plusieurs ne se fussent pas souciés d’en avoir. Le quinzième siècle paraît avoir été un temps de grande mortalité, à cause de fréquentes pestes.

La même année 1432 nous offre aussi une confirmation, par le prieur de Payerne, des franchises et coutumes de Baulmes (acte daté du pénultième décembre), et elle nous les fait connaître. On nous permettra d’entrer dans quelques détails au sujet de ce document important:

Au nom de la Sainte Trinité, le frère Jean de la Palud, humble prieur de Payerne, pleinement informé des libertés, franchises et coutumes de Baulmes ci-après transcrites, ainsi que d’autres usages et coutumes dont ses fidèles, habitants et jurés du dit lieu ont usé depuis tant de temps qu’il n’y a aucune mémoire du contraire; voulant les traiter en père et pieux pasteur, il approuve toutes ces franchises et coutumes qu’il leur a concédées, et les leur concède de /90/ nouveau 82 , et cela à la supplication des gouverneurs, syndics, conseillers et jurés 83 de Baulmes, tant pour eux que pour toute la communauté, et après mûre délibération avec les religieux de son couvent, réunis et faisant chapitre au son de la cloche, dans l’église du prieuré de Payerne 84 .

Et d’abord c’est une antique coutume que chaque nouveau prieur est tenu de jurer l’observation fidèle de tous ces usages écrits et non écrits, sous le vœu de sa religion et en mettant la main sur la poitrine. En retour, les fidèles, habitants et jurés de Baulmes doivent aussi jurer sur les saints Evangiles de Dieu, de conserver les droits du prieur au nom et pour le compte des églises de Sainte-Marie de Baulmes, et de Saint-Michel 85 .

Il y a trois plaids généraux par an à Baulmes, auxquels les syndics, les conseillers et tous les chefs de ménage prennent part; et quiconque s’absentera, sans de bonnes raisons, au jugement du châtelain et des syndics, payera six deniers d’amende. Le premier de ces plaids a lieu en mai, et chaque feu doit au prieur un denier à son occasion. Il devra être annoncé huit jours à l’avance dans l’église /91/ paroissiale, et se tiendra le dimanche; le prieur pourra le proroger une ou plusieurs fois en l’assignant toujours un dimanche. En ce plaid général, les fidèles, habitants et jurés de Baulmes peuvent, en présence du prieur ou de son lieutenant, élire neuf jurés conseillers pour diriger les affaires de la commune. Ces conseillers élus peuvent incontinent choisir quatre syndics, procureurs et gouverneurs; puis les uns et les autres prêteront serment. Le second plaid général a lieu à la Saint-Martin d’hiver, et chaque feu devra aussi un denier au prieur pour sa tenue. Enfin, si c’est nécessaire, un troisième plaid général peut être tenu par la commune, en février, mais sans redevance pécuniaire 86 . Et les dimanches des plaids, avant que les jurés entrent en la cour pour tenir le plaid, ils doivent entendre la messe, sous peine, pour le défendant, de payer aux autres un pot de vin.

Le prieur, ni ses officiers ne peuvent mettre aucun ban ni faire aucune publication à Baulmes, si ce n’est par le jugement des conseillers jurés de la commune, excepté pour la chevauchée, l’exécution de la justice, et pour prêter main forte au seigneur.

Le témoignage (regiquina) doit être rendu sur les mains du châtelain ou du nonce, après serment prêté par devant les prud’hommes et en présence de celui contre qui il est rendu (s’il le veut). Les familiers (familiares) du prieur et ceux de la personne en faveur de laquelle on témoigne, sont repoussés du témoignage et du jugement 87 . /92/

Viennent ensuite des amendes pour un grand nombre de délits. Celui, par exemple, qui s’introduit violemment dans la maison d’un autre et le frappe, doit au prieur soixante sols, et dix-huit deniers au patient (s’il fait plainte).

Celui qui frappe quelqu’un du pied malicieusement ou déchire ses vêtements, doit dix sols au prieur et cinq au patient (s’il y a plainte), Les termes injurieux de cacochime, pugnex, lépreux, donnés sans raison, rapportent sept sols au prieur et trois et demi à l’offensé. Celui d’adultère est puni de dix sols au prieur et de cinq à l’offensé. Ces diverses amendes sont diminuées de moitié pour les femmes 88 . Celui qui en blesse un autre paye le labeur du médecin et les dépens du blessé; cependant, si la demande de celui-ci était exagérée, elle serait soumise à la modération du prieur ou de son châtelain.

S’il y a discordance en la cour de Baulmes, le châtelain qui la préside tiendra conseil avec les quatre procureurs (syndics), les neuf conseillers jurés et d’autres personnes sages (et aliis sapientibus), et rapportera selon qu’il aura été trouvé 89 . Il y a appel de la cour de Baulmes par devant le prieur à Payerne, mais seulement là 90 . /93/

Le châtelain et les quatre procureurs peuvent établir la taxe du pain et du vin; néanmoins, la veille de la Saint-Michel, chacun peut les vendre à son gré 91 .

Si quelque homicide se réfugie avec ses biens dans l’église de Saint-Michel de Baulmes, il y sera, d’après l’antique usage, en sûreté, par les libertés de Saint-Michel 92 .

Nul ne doit être saisi à Baulmes sans clame et jugement. Et si quelqu’un est saisi, il doit, si l’un des procureurs le demande, être amené en la cour, afin qu’on juge s’il doit être libéré ou puni 93 .

S’il se présentait quelque cas de droit non prévu ou dont il n’y eût pas de précédent, on recourrait à la coutume de Moudon, tout en respectant les usages écrits et non écrits 94 .

Si un tavernier réclame quelque argent pour pain et vin vendus, on doit le croire sur son serment jusqu’à cinq sols, mais en prêtant serment il aura en main le pot avec lequel il mesure.

Quiconque a deux mesures, une grande pour acheter et une petite pour vendre, doit au prieur soixante sols. /94/

Chacun peut aliéner prés, champs, tout immeuble en un mot, moyennant un sol par livre de laud au prieur 95 . Quant aux collonges, s’il y a aliénation, celui à qui la chose vendue appartient peut l’avoir pour le même prix, soit douze deniers, s’il le préfère 96 .

Celui qui fait une trouvaille excédant la valeur de quatre deniers et ne l’indique pas au châtelain dans les huit jours, doit un ban de soixante sols.

Le prieur ni son représentant ne peuvent entrer dans une maison de Baulmes si les portes en sont closes, sinon par le jugement des jurés 97 .

Il y a à Baulmes un lieu destiné aux plaids, et ni le prieur ni son lieutenant ne doivent officier en rien, avant d’avoir appelé les conseillers jurés et les communiers 98 .

Nous ne mentionnons pas nombre de dispositions, moins saillantes, de notre charte. Au nombre des témoins de ce document figurent Louis de la Palud, évêque de Lausanne, parent sans doute du prieur de Payerne, et Philibert de Blonay. Ces usages de Baulmes nous semblent un remarquable reflet des libertés et de l’esprit du moyen âge de la patrie de Vaud.

Baulmes s’était bien trouvé de ses nouvelles plantations de vignes, car, en 1435, on décida qu’un pâquier de médiocre grandeur, situé à bise des vignes nouvellement /95/ plantées 99 , serait divisé et distribué, comme le précédent, aux focagers du lieu. On jeta donc au sort des lots pour soixante et onze personnes 100 . Trois années plus tard, un débat s’engagea entre Baulmes et le village voisin de Rances, au sujet de ces vignes nouvellement plantées (en Puam, Pluam, Champ-Puyant), Rances prétendant avoir le droit de faire paître son bétail dans ce pâquier tout aussi bien que Baulmes, qui alléguait de son côté un droit exclusif de propriété 101 . Les gouverneurs des deux localités, désirant que les anciennes affections, les bonnes voisinances et amitiés qui avaient toujours existé entre les deux endroits se conservassent et se multipliassent à l’avenir 102 , et agissant avec l’approbation des conseillers (consultores) de leurs communes, applanirent la difficulté de la manière suivante: Rances, considérant le droit et l’antiquité de ceux de Baulmes et de cette commune dans le lieu où les dites vignes sont plantées 103 , pour gain de paix et parce que Baulmes lui a complu en beaucoup de choses au temps passé, /96/ consent à ce que ces vignes, qui ne seront pas étendues à l’avenir, subsistent et soient tenues closes 104 .

D’autres contestations avaient eu lieu récemment entre les deux communes. Il s’agissait, en 1436, d’un gagement fait « sur les fontanes en étrasses, » et le prieur Jean de la Palud et les mandataires de la commune de Baulmes avaient promis, par serment, sous le sceau de l’official de Lausanne, de soutenir par moitié les frais du débat. Nous ne connaissons pas l’issue de celui-ci.

La même année, Rances voulait empêcher Baulmes de mettre le pré dit pra Masseleir, situé derrière la maladière de Baulmes, en pugissin soit en devyns 105 , prétendant que ce pâquier était commun entre les deux villages. Après beaucoup d’altercations, des arbitres, amis communs des parties 106 , terminèrent le différend, le 24 août.

Enfin un nouveau débat s’engagea au sujet d’un autre pâturage situé dans le marais entre Baulmes et Rances, lequel avait toujours été commun, sans contestation, entre les deux communautés. Rances en demanda le partage, parce que Baulmes en usait davantage; et ce partage eut lieu, pour maintenir les anciennes affections, par la médiation d’amis communs 107 . — En dépit de leur peu /97/ d’importance, les divers faits que nous venons de rapporter jettent du jour sur la vie du temps. C’est quelque chose d’assez curieux que cette communauté de pâturages entre villages limitrophes, qui se retrouve souvent. Elle indique vraisemblablement une population originairement faible pour son territoire, et facile à admettre d’autres à en partager l’usage. Comme on l’a dit, l’homme manqua longtemps à la terre plutôt que la terre à l’homme; mais il commençait à en être autrement au quinzième siècle.

Tous ces débats cependant entraînaient la commune dans de grands frais. Aussi, considérant les oppositions, griefs et dépenses qui accablent de bien des manières la commune de Baulmes, tant à cause de la cherté du temps et de la pauvreté des habitants, que des frais pour la défense des pâturages, joux et terrains communs, les quatre syndics, avec l’approbation des neuf jurés conseillers, vendent, en mai 1439, à François, dit Vaillent, un morcel de pâturage, jouxte l’eau de la Baulmine, derrière la raisse de l’acquéreur, et cela pour le prix de quatre livres. Cette vente fut ratifiée (le 4 août suivant) par le prieur Jean de la Palud, qui déclara avoir reçu les lauds et ventes qui lui en revenaient 108 .

Nous allons voir maintenant le plaid général de Baulmes en action.

Le 13 mars 1441, il fut convoqué dans l’église paroissiale. Le vicaire du prieur Jean de la Palud, tenant en main certains articles écrits en roman (in romancio scriptos), relatifs à la reconstruction du fort de Baulmes, demande au /98/ châtelain Fabri alias de Pierraflour, qui présidait le plaid, et à tous les habitants de Baulmes qui y prenaient part, de donner leur consentement à ces articles, dont lecture est faite. Les habitants devront, à leurs frais, entourer le fort de fossés et de palissades. Ils en garniront les murs d’épines et de claies, pour soutenir les pierres qu’ils porteront au haut des murs pour la défense de la « fortelesse. » Ils contribueront enfin, pour la moitié, aux réparations nécessaires et à la construction de tours nouvelles de défense, mais pour cette fois seulement. Le seigneur prieur, de son côté, fera entièrement à ses dépens les ponts (levis), portes, ferrailles, chaînes et « aultres ferrementes nécessayres, » et les maintiendra. Par ce « méant » (moyen), chaque habitant, « alors que divisions de guerre occuroyent, » aura pleine entrée et libre retraite de corps et de biens en la dite « fortelesse, » sans que l’on puisse rien exiger de plus de lui à ce sujet. Après cette lecture, les syndics et les conseillers ratifient le tout, s’engageant en ce fait au nom de la ville, du laud et consentement et par la volonté des prud’hommes présents, ce que ceux-ci, au nombre de quarante-quatre 109 , confirment, déclarant avoir le tout pour agréable 110 . — Il paraît donc que dans les plaids généraux, présidés par le châtelain, les syndics et les jurés avaient l’initiative, et les prud’hommes ou la commune la ratification ou le veto.

Il serait intéressant de connaître par qui, et quand, le /99/ château-fort de Baulmes avait été construit. Il n’entrait guère dans les habitudes des monastères d’élever des forteresses 111 . Celle de Baulmes, peut-être, n’avait pas toujours appartenu au prieuré 112 . Il se pourrait que, possédée d’abord par ce Dalmace de la Roche de Baulmes, duquel nous avons déjà parlé, elle eût ensuite passé aux nobles de Baulmes, peut-être ses descendants, puis eût été enfin remise au prieur Guillaume de Cossonay, par Isabelle de Saint-Renbert, petite-fille et héritière du donzel Guillaume de Baulmes, alors qu’elle lui céda, à titre d’échange, ses biens situés aux territoires de Baulmes et d’Orbe 113 . Nuls vestiges aujourd’hui ne nous indiquent l’emplacement de ce château-fort; toutefois les documents nous fournissent divers renseignements à cet égard. « Assis au-dessus du village, auprès de la montagne 114 , » il était voisin de la roche de Saint-André et de l’antique église de Saint-Michel 115 . On le voit, ce que l’on nomme aujourd’hui le fort de Baulmes se trouve dans une situation entièrement différente. Les prétendues ruines de ce fort, auquel le public attribue une origine romaine, /100/ sont situées sous l’Aiguillon, près des limites du territoire 116 . Selon Levade (Dictionnaire géographique, statistique et historique du canton de Vaud), ces ruines sont seulement un roc calcaire qui se délie en petits cubes ou parallélipipèdes d’un demi à un pied de long, posés les uns sur les autres en forme de maçonnerie. Dans tous les cas, le château de Baulmes était considérable, puisque les nombreux habitants de l’endroit devaient y trouver retraite, eux et leurs biens, en temps de danger.

Souvent les châtelains de Baulmes étaient choisis dans la famille de Pierreflour ou Pierrefleur, originaire du lieu, et qui portait précédemment le nom de Fabri. Le banneret d’Orbe, chroniqueur bien connu de l’époque où la réforme de l’Eglise fut introduite dans cette ville, appartenait à cette famille, qui subsista (à Orbe) jusqu’au milieu du dix-septième siècle 117 .

L’autel de Sainte-Marie-Madelaine, dans l’église /101/ paroissiale, était celui de la confrérie du Saint-Esprit. Un altariste particulier, nommé par le curé, sur la présentation du prieur de la confrérie, des syndics de la communauté et de l’héritier du chapelain dom Quinson, de Baulmes, y célébrait chaque semaine trois messes fondées par diverses personnes 118 .

Un fait ressort d’un nombre considérable de transactions tant à Baulmes que dans d’autres parties de la patrie de Vaud: c’est celui de l’intérêt de l’argent au taux du cinq pour cent l’an. On n’en trouve chez nous ni de plus élevé ni de moindre dans tout le moyen âge, tandis qu’en Italie, en Angleterre, en Allemagne, l’intérêt de l’argent s’élevait, aux treizième et quatorzième siècles, jusqu’au quarante pour cent par année, ce qui tenait aux immenses profits du commerce 119 . Cette fixité, dans notre pays, de l’intérêt de l’argent depuis tant de siècles, ne serait-elle pas une révélation sur son état social et un symptôme de cet équilibre, selon nous très remarquable, qui existe dans ses institutions et ses mœurs, et qui donne une teinte si particulière à son passé?

En 1444 (16 mai), Louis de Riez, de Champvent, donzel, /102/ châtelain du dit lieu, reconnaît que les gouverneurs de Baulmes lui ont vendu une place couverte de bois, qui faisait partie des biens communs, pour y faire un four-à-chaux, moyennant quinze muids de chaux et la moitié du bois restant.

Un abus déjà très fréquent au quinzième siècle était celui de la mise en ferme des revenus des couvents, ce qui était un signe de décadence ecclésiastique 120 . Le personnage, soit le patronage, de l’église paroissiale de Saint-Pierre de Baulmes, auquel étaient attachés divers revenus, appartenait à l’office de la pitance du prieuré de Payerne, qui le remit en amodiation en 1424, pour trois ans, pour six livres de cense annuelle 121 . Déjà en 1421, François de Dissy (Disy?), donzel de Baulmes, tenait à location (ad locationem) ce même personnage, pour trois années, moyennant cinq livres et dix sols par année 122 . En 1462, le couvent de Payerne, rassemblé en chapitre au son de la cloche, rappelle que le personnage de l’église de Baulmes lui a été remis pour pitance à raison de huit livres de Lausanne, mais que, considérant la petitesse et l’appauvrissement de cette église 123 , il remet ces huit livres à dom Vuillerme Sare, son curé, sa vie durant, pour six livres annuelles. En revanche, en 1474, Rodolphe de Barre, moine de l’abbaye de Payerne et son mandataire, remet à cense ou à ferme (ad censum sive /103/ firmam) ce même personnage à dom André Richard, amodiateur, moine de Baulmes, pour huit livres annuelles. Dans toutes ces transactions, la présentation du curé, en cas de vacance, n’est point en cause. Le patronage de l’église paroissiale de Saint-Pierre de Baulmes appartenait, nous ne le mettons pas en doute, au prieuré de l’endroit, et le prieur de Payerne en avait disposé en faveur de la pitance de son couvent. — Ne laissons pas passer inaperçu ce titre d’abbaye donné au couvent de Payerne dans la dernière de ces transactions. C’est qu’en effet il en avait été remis en possession 124 alors que le pape Félix V en était le commendataire perpétuel, Payerne étant au nombre des bénéfices ecclésiastiques dont ce prince s’était réservé la jouissance 125 .

Il est question, dans une donation faite, en 1460, à la confrérie du Saint-Esprit, pour l’augmentation de son culte divin 126 , de la terre de noble Vuillerme de Baulmes. Cette mention est la dernière que nous trouvions à Baulmes de /104/ cette ancienne famille féodale, dont les biens passèrent bientôt, par succession, aux nobles de Colombier (sur Morges) 127 . Vuillerme ou Guillaume de Baulmes fut le dernier de sa famille 128 . Toutefois une autre branche de cette famille, établie à L’Isle, et qui porta aussi le nom de Bretigny, y subsista longtemps encore, et finit par tomber dans la pauvreté 129 .

On se rappelle cette combourgeoisie des Clées mélangée à tant de débats à la fin du quatorzième siècle. Elle avait subsisté, mais modifiée, ainsi que nous l’avons fait observer. Or, en 1462, les nobles et bourgeois des Clées 130 , considérant que leurs combourgeois de Baulmes (nommés, au nombre de 54) sont morts sans laisser de postérité qui se puisse reconnaître par les dits nobles et bourgeois, et que cette bourgeoisie ne procure nul avantage à ceux-ci, ils consentent à ce qu’elle soit annulée. Et cela tant à cause de beaucoup de services à eux rendus au temps passé par ceux de Baulmes, que parce que chaque bourgeois peut se dédire de cette bourgeoisie en payant soixante sols, quand il lui plaira, si quelqu’un d’eux se retrouvait encore. De plus, ils libèrent ceux de Baulmes de tous tributs, poursuites et autres usages accoutumés des bourgeois externes des Clées 131 , /105/ s’engageant expressément à ne rien demander à ce sujet, et remettant aux mandataires de Baulmes 132 la lettre de cette bourgeoisie annulée. Le sire Guillaume de La-Sarraz, châtelain des Clées, apposa le 12 juin le sceau de la châtellenie à l’instrument de cette renonciation 133 . Il est certes bien étrange qu’aucune postérité de ces chefs de famille de Baulmes qui avaient contracté, en 1375, la combourgeoisie des Clées, ne se retrouvât plus en 1462 (à Baulmes, du moins). On doit en inférer une grande mortalité causée sans doute par les mêmes pestes qui firent périr, à la même époque, plus de la moitié de la population de la terre de Romainmotier. Si aucune mention n’est faite, dans cette renonciation de bourgeoisie, du village ou hameau de Six-Fontaines (qui s’était aussi associé à la bourgeoisie des Clées), c’est qu’il avait disparu 134 .

On abusait des terrains communaux. Nous trouvons, sous la date du 6 novembre 1463, une commission de plusieurs personnes, nommée par les habitants de Baulmes, le jour du plaid dernièrement écoulé qui se tient selon la coutume au mois de mai, pour apaiser le différend élevé entre les habitants et la commune au sujet des terrains communaux; avec plein pouvoir d’en ordonner en vue de l’utilité publique, et promesse, intervenue avec serment /106/ entre les mains du châtelain, de s’exécuter avant la prochaine Saint-Martin d’hiver. C’est pourquoi, après mûre délibération avec les hommes sages, la commission prononce: Il est interdit à toute personne, quel que soit son état, de tenir du terrain commun à clôture. Si quelqu’un laboure un terrain en friche ou le réduit en pré, il en aura l’usufruit pendant neuf ans, sans difficulté, pour se récupérer de ses frais. De plus, les gouverneurs, par l’avis des conseillers jurés, donneront en location, à terme, tous les terrains communs, arables ou autres, et le produit en sera employé aux affaires de la commune et à la construction de la maison de la Confrérie du Saint-Esprit, et compte exact en sera rendu 135 . On le voit, l’administration des terrains communaux n’a pas autant changé qu’on pourrait le supposer depuis le quinzième siècle jusqu’à nos jours. Remarquons aussi cette mention faite du plaid général, car c’est la dernière qui se présentera à nous.

Il y avait à cette époque trois moines dans le prieuré de Sainte-Marie de Baulmes 136 . L’ancien nom de Saint-Michel n’est plus attribué à celui-ci. L’ère des commendataires perpétuels avait commencé pour le couvent de Payerne avec le pape Félix V. A celui-ci succéda son petit-fils Jean-Louis de Savoie, l’un des fils du duc Louis. Une concession faite par ce commendataire à ses ressortissants de Baulmes va /107/ nous le faire connaître, et nous révélera en même temps une industrie dont nous ne nous doutions peut-être pas.

Jean-Louis de Savoie, protonotaire apostolique, administrateur de l’évêché de Genève et commendataire perpétuel de l’abbaye de Payerne, fait savoir que ses hommes, bourgeois et habitants de Baulmes, membres de son abbaye de Payerne, lui ont exposé que, bien qu’ils aient déjà usé, durant un temps prolongé, d’un certain signe, savoir de l’aile de Saint-Michel et d’une crosse, dans les étoffes qui se tissent dans ce lieu, selon l’usage et le mode employés dans les autres lieux où il se fabrique des étoffes, d’user fidèlement de tels signes 137 , cependant, soit par la négligence de leurs prédécesseurs, soit par d’autres causes, on ne se sert plus de ce signe depuis un certain nombre d’années 138 , ce qui leur cause beaucoup de préjudice 139 , et qu’ils le supplient humblement de les autoriser à le reprendre, soit d’en choisir un autre. En conséquence, Jean-Louis de Savoie, après longue et mûre délibération, trouvant cette demande utile et raisonnable, accorde en effet aux bourgeois et habitants de Baulmes (et à leurs successeurs) le droit d’employer le signe prémentionné de l’aile de Saint-Michel avec la crosse pastorale, pour l’imprimer sur les étoffes qui se fabriqueront dorénavant, mandant au châtelain, aux officiers et aux sujets de Baulmes, sous peine de l’excommunication et l’amende de cent livres applicables à la fabrique de l’église de Payerne /108/ pour chaque infracteur, d’observer intégralement sa présente ordonnance. L’acte de cette concession, daté de Genève le 4 février 1464, est scellé du sceau du commendataire et de celui de l’abbaye de Payerne. Ainsi une industrie, passablement étendue et ancienne déjà alors, de tissage d’étoffes, existait à Baulmes. C’est un fait intéressant pour l’histoire de l’industrie vaudoise. On sait qu’à cette époque le même genre d’industrie avait un très grand développement à Fribourg, et vu les fréquentes relations existant entre Baulmes et Payerne et les vastes possessions du monastère dans le canton de Fribourg, on s’explique très bien la naissance du tissage d’étoffes à Baulmes. On ne peut guère entendre le diplôme de Jean-Louis de Savoie que comme un privilége accordé à un corps de métier, à une jurande, pour pouvoir le défendre. Les tisserands ou drapiers de Baulmes formaient donc une corporation dans la commune, comme cela avait généralement lieu au moyen âge. Ils avaient fondé un cierge perpétuel dans l’église paroissiale de Saint-Pierre, où, de leur côté, les agriculteurs soit les prud’hommes en avaient aussi un un 140 . Ces cierges étaient l’objet de dons 141 , et chacun d’eux avait ses recteurs particuliers. La chute de l’industrie du tissage d’étoffes à Baulmes expliquerait la diminution de la population de cet endroit. Nous avons parlé de relations fréquentes entre Baulmes et Payerne; c’est ici le cas d’ajouter que, d’après la tradition, /109/ des liens étroits d’hospitalité unissaient les deux endroits, et que les ressortissants de l’un étaient défrayés lors de leur passage dans l’autre. Quant au signe qu’on imprimait sur les étoffes de Baulmes, nous ne mettons guère en doute qu’il ne représentât les armoiries du prieuré de l’endroit.

Une reconnaissance générale des syndics et des prud’hommes de Baulmes, en faveur de Jean-Louis de Savoie, commendataire de Payerne, fut passée le 11 février 1468. Ce document, qui ténorise les limites de la terre, les dîmes et les diverses redevances, est reproduit en substance dans d’autres actes; il est d’ailleurs tellement effacé, qu’il en est presque illisible.

Sur la supplication de ses hommes de Baulmes, le même commendataire, en 1473, promit sur sa bonne foi, en plaçant sa main sur sa poitrine à la manière des prélats, de maintenir toutes les personnes de Baulmes dans leurs libertés, franchises, us et coutumes anciens: voulant que tous les abbés de Payerne entrant canoniquement en charge fassent un serment pareil avant que les sujets de Baulmes soient tenus de leur payer tailles, tributs, censes ou revenus quelconques, pourvu cependant qu’ils en soient dûment requis par eux 142 . Ce serment eût dû être prêté depuis longues années, à teneur des franchises; mais la patrie de Vaud n’a jamais été le pays d’une ponctualité exemplaire, moins autrefois encore qu’aujourd’hui. Remarquons, enfin, le nombre et l’étendue des seigneuries ecclésiastiques de Jean-Louis de Savoie, qui lui donnaient des possessions /110/ aussi considérables, pour le moins, que celles de son frère le comte de Romont, sire de Vaud. Il était évêque et prince de Genève, abbé de Saint-Oyens ou Saint-Claude dans le Jura (d’où dépendaient cent villages peut-être), abbé de Sainte-Benigne-Fructuaire, d’Ambreu et de Payerne, prieur de Romainmotier et de Nantua, et prévôt des SS. Antoine et Dalmace de Turin.

Cette puissance dans ses mains nous fera comprendre l’ordonnance suivante, rendue par lui sous la date du 24 novembre 1474:

Jn.-Louis de Savoie, prince de Genève, mande à ses amés vicaires, officiaux, juges, procureurs, fiscaux, vidommes, avoués, clercs, mestraux et autres officiers quelconques, que désirant préserver ses sujets de toute oppression illicite et sur la demande de ses amés ressortissants de sa ville forte (oppidi) 143 de Baulmes, qui redoutaient, d’après certaines conjectures vraisemblables 144 , d’être opprimés indûment par quelques-uns qui leur portaient envie 145 , il prend ces hommes, leurs maisons, leurs familles et leurs biens sous sa sauvegarde, sa conduite et sa protection spéciales 146 , et veut qu’ils y demeurent. Et si quelque téméraire allait à l’encontre, il encourrait son indignation et la peine de cent marcs d’argent pour chaque fois. Le prince évêque ordonne donc à ses officiers de protéger envers et contre tous ses dits sujets, et de les défendre en plaçant des /111/ panonceaux à ses armes sur leurs maisons et ailleurs où il appartiendra, en lieux apparents, en signe de cette protection 147 , et faisant de plus publier cette sauvegarde à voix de hérault (voce preconis), afin que nul ne se puisse excuser sous prétexte d’ignorance 148 . — Nous nous représentons les convois d’étoffes de Baulmes parcourant les routes sous la protection de bannières ondoyantes à la croix de Savoie accompagnée de la mitre et de la crosse épiscopales! On était à la veille des guerres de Bourgogne et dans l’agitation qui toujours précède les crises profondes: de là l’inquiétude des sujets de Baulmes et leur requête. C’est du reste le seul écho parvenu jusqu’à nous de cette époque redoutable. On connaît la conduite de l’évêque Jean-Louis de Savoie lors de la guerre de Bourgogne.

Quoique le village voisin de Montcherant appartînt au prieuré de Baulmes, il faisait néanmoins partie de la terre des Clées. Il est nécessaire de ne pas oublier cette circonstance pour l’explication du fait suivant: Le 6 février 1475, dans le village ou le fort (in villagio seu oppido) de Montcherant, Claude Richard, lieutenant de Collet Prévost, châtelain de Baulmes, tenant en main un mandat d’illustre seigneur Jaques de Savoie, comte de Romont et sire de Vaud, le présenta à Guillaume Paccot, lieutenant des Clées, lui enjoignant de lui remettre Guillerme Grossaz, habitant de Montcherant, prévenu d’homicide et détenu dans le château des Clées, et cela d’après l’ordre du comte de Romont, qui rappelait dans le mandat que son frère l’évêque de /112/ Genève, abbé de Payerne, le réclamait comme étant de son omnimode jurisdiction et de la seigneurie de Baulmes, attendu qu’habitant dès longtemps son territoire, le prévenu était censé et devait être son sujet. Jaques de Savoie ordonne donc de le livrer aux officiers de Baulmes pour qu’on instruise son procès et prononce son jugement, pourvu toutefois qu’ensuite il soit remis au châtelain des Clées, qui lui infligera la peine capitale, s’il y a lieu. Et ainsi se fait: le rée est remis entre les mains du lieutenant de Baulmes, et acte de cette remise est dressé en présence de témoins 149 . — On voit que la justice de Baulmes était respectée. C’était seulement pour Montcherant que le châtelain des Clées réclamait le droit d’infliger le dernier supplice ou plutôt d’exécuter la sentence. Baulmes ne faisait pas partie de la terre des Clées, et le prieur y possédait le dernier supplice, le plus haut des droits de seigneurie.

La riche et illustre abbaye de Payerne était devenue la proie des commendataires et des amodiateurs, régime doublement désastreux. Jean-Louis de Savoie eut pour successeur son frère François, archevêque d’Auch. Le 23 mai 1484, Humbert des Degrés (de Gradibus), d’Estavayer, lieutenant et mandataire d’illustre seigneur François de Savoie, évêque (sic) d’Auch, prévôt du Montjoux et commendataire perpétuel de l’abbaye de Payerne, à la demande des syndics 150 et des jurés et consuls (consulum) de Baulmes, jure dans l’âme de son seigneur, sur les saints Evangiles et en touchant les vertus de Dieu 151 , de maintenir fidèlement et d’observer /113/ les franchises, libertés, us et coutumes de toute la commune de Baulmes, tant écrits que non écrits. Et pareillement les syndics et les jurés et consuls, au nom de toute la commune, jurent sur les saints Evangiles et les vertus de Dieu, qu’ils sont, veulent et doivent être les prud’hommes et les fidèles 152 de leur dit seigneur, et de lui obéir, ainsi qu’à ses officiers. Cette prestation réciproque de serment eut lieu dans le chœur de l’église du prieuré, en présence, entre autres, des trois religieux et du curé de Baulmes 153 . N’était-ce pas déroger aux franchises, que le seigneur ne prêtât pas en personne le serment requis?

Jaques des Degrés (de Gradibus), chanoine de Neuchâtel, était, en 1488, vicaire et amodiateur de l’insigne abbaye de Payerne, pour François de Savoie, archevêque d’Auch. Jean de Greilly, prieur de Villars-les-moines, avait été vicaire général de la même abbaye pour Jean-Louis de Savoie 154 . En 1460 et l’année suivante, sous le même commendataire, Amédée Mestral, prieur de Montricher (Riggisberg), était tout à la fois vicaire et amodiateur de la dite abbaye, de laquelle, en 1472, le sacristain Pierre d’Espagnier était le vicaire général. Jean Balisteir, commendataire de Payerne, avait, en 1490, Rod. Benoît, prieur de Perroy, pour vicaire général. L’amodiateur du prieuré de Baulmes était, en 1495, Pierre de Pesmes, seigneur de /114/ Brandis. Cinq ans après, dom Antoine ou Octonet, cardinal prêtre du titre de Sainte-Praxède, commendataire de Payerne, avait pour vicaire Claude Marchiand, prieur de Rougemont.

Une de ces parcelles du pasquier commun de Champ-Pluant, distribués en 1432 aux divers chefs de familles sans aucune charge ni servitude, fut donnée, en 1479, par celui qui l’avait reçue, à la confrérie du Saint-Esprit, dans un but pieux 155 . Dix ans après, la fille d’un bourgeois de Grandson (nommée Jaquette Vioget) légua sa maison de Baulmes, avec diverses pièces de terrain, à l’altariste de l’autel de Sainte-Marie-Madeleine dans l’église paroissiale, lequel célébrerait chaque semaine une messe du Saint-Esprit pour son salut et celui de ses prédécesseurs, et habiterait la maison léguée (mais seulement trois années après le décès de la donatrice). Le tout passerait à la confrérie du Saint-Esprit, si ces conditions n’étaient pas remplies.

Baulmes avait sa mesure propre. Les recteurs de la confrérie acquièrent, en 1492, deux coupes de froment, mesure de Baulmes, de cense annuelle, pour le prix de six livres, bonne monnaie 156 . Cette transaction nous offre une donnée sur le prix du blé à cette époque. Deux coupes de cense, au cinq pour cent, valent quarante coupes de capital, estimées six livres soit 120 sols, c’est-à-dire trois sols la coupe de deux quarterons. Ainsi un sol et demi représentaient alors 20 batz de nos jours, prix moyen du quarteron de froment. /115/ Au dire des économistes, le prix du blé est la mesure la moins trompeuse de la valeur de l’argent.

Les prod’hommes de Baulmes étaient vigilants dans la garde de leurs franchises, ainsi qu’on va en juger. En 1514, Oddet Pirosset, de Baulmes, avait été saisi sur accusation et détenu à Payerne. Se fondant sur une disposition de leurs franchises, les jurés de Baulmes réclamèrent auprès de Jean-Amédée Bonnivard, commendataire des monastères de Payerne, Pignerol et Saint-Victor 157 . Celui-ci, dont les droits à Baulmes comprenaient l’omnimode jurisdiction, haute, moyenne et basse, le dernier supplice, avec le mère et mixte empire, fit droit cependant à cette réclamation, et reconnut qu’à teneur des franchises jurées, l’accusé n’aurait pas dû, en effet, être détenu à Payerne, mais plutôt amené devant la cour de Baulmes pour qu’on y jugeât s’il devait être libéré ou condamné; bien entendu que l’officier de Baulmes seul aurait dû agir, car le châtelain de Payerne n’a aucune jurisdiction à Baulmes, sauf pour les cas d’appel 158 .

Baulmes, avons-nous dit, était exempt depuis longtemps de la taille personnelle et réelle. Quelques terres, cependant, nommées collonges, se trouvaient soumises à la main-morte. - Celles-ci étaient cultivées surtout par une famille nombreuse et riche, portant divers noms: Vautravers, Magnynet, d’Entremont, Challes, Jaccaux, Cachimeillyz, et descendant, croyons-nous, de ces chefs de famille reconnus taillables, en 1340, dans un grand plaid (voyez ci-dessus). Or, une rumeur s’éleva, qui accusait les membres de cette famille /116/ d’être taillables à miséricorde et main-mortables, et qu’ainsi ils devaient avoir leur sépulture, non dans le cimetière de l’église paroissiale comme les autres prud’hommes, mais bien dans celui de l’église de la Sainte-Vierge-Marie du prieuré. Un grand débat s’ensuivit entre les vénérables religieux de Baulmes et la prédite famille, d’autant qu’il y avait doute sur la condition mentionnée et qu’on n’avait pas d’informations certaines, mais seulement des ouï-dire 159 . Les rées (Jaccaud et Cachimeillyz), de leur côté, très tristes et indignés, est-il remarqué, qu’on les soupçonnât de cette condition taillable, voulaient vendre tous leurs biens à bas prix (parvatim), et aller vivre ailleurs; ce qui eût causé un très grand préjudice au prieur, est-il encore remarqué. Claude Marchiand donc, vicaire de Jean de la Forest, commendataire de Payerne, affranchit, en 1516, cette famille et ses biens de toute servitude de taille et de main-morte, les reconnaissant hommes libres et liges comme les autres prud’hommes de Baulmes, et leur accordant le droit d’être inhumés où bon leur semblerait, le tout moyennant vingt-deux sols annuels, payables à la Saint-André, dont six le seraient aux religieux de Baulmes, et vingt-quatre écus payés d’entrée 160 .

Il ressort évidemment des détails dans lesquels nous venons d’entrer, qu’à l’époque où nous sommes arrivés et peut-être déjà longtemps auparavant, la taillabilité, chez /117/ nous, n’était plus qu’une tradition sans vie, l’affranchissement réel ayant de beaucoup précédé l’affranchissement légal opéré par Berne 161 . En effet, nous voyons ici une famille riche, accusée par le bruit public d’être de condition taillable; mais le seul désavantage résultant pour elle de cette condition, c’est que ses membres doivent être inhumés dans l’église du prieuré plutôt que dans l’église paroissiale. Nul ne songe, d’ailleurs, à l’empêcher de vendre tous ses biens pour aller s’établir où bon lui semblera. On n’aperçoit ici aucune trace de l’attache au seigneur. Il y a même quelque chose de beaucoup plus remarquable, comme indice de ce qu’était l’opinion publique relativement au servage: on peut prouver qu’il ne s’est guère accompli une transaction importante de la commune de Baulmes sans la participation de quelqu’un des membres de cette famille taillable, enclavée dans une population de condition franche 162 . Nous insisterons donc sur ce point: c’est que si, chez nous, à une époque fort reculée du moyen âge, la condition serve a été rude pour ceux qui y étaient soumis (et encore croyons-nous que le sort des taillables, dans la patrie de Vaud, a été bien moins rigoureux que dans les contrées voisines), de grands et successifs adoucissements y ont été apportés, à dater surtout du quatorzième siècle jusqu’au seizième, époque de son abolition légale. /118/.

Une spécification des droits du prieur, à Baulmes, se rencontre sous l’année 1516. Les prud’hommes reconnaissent qu’il a le mère et mixte impère et l’omnimode jurisdiction en sa baronnie 163 de Baulmes. Qu’eux-mêmes, ses hommes libres, doivent moudre en son moulin pour l’émine de seize au bichet, cuire en son four pour un denier par coupe soit une dénerie de pâte, outre le bois, et teindre (fouler, plutôt) leurs étoffes en sa foule. Leurs impôts étaient d’ailleurs légers: trois sols de chaque nouvel époux, la redevance des plaids généraux 164 , le tavernage soit deux pots de chaque char de vin vendu à Baulmes, une coupe d’avoine et un denier par feu pour l’avoinerie, une journée de faneur par feu, et enfin trois corvées annuelles de toute charrue entière. Celles-ci étaient rédimables, par trois sols et demi celle du printemps, et les deux autres par quatre sols 165 .

Voici maintenant la spécification, faite en 1521, du domaine 166 de l’abbé de Payerne, à cause de son prieuré de la Sainte-Vierge-Marie de Baulmes:

  Le château (castrum) avec ses places et ses dépendances;
  Le pré de la Combaz, de huit seyturées, situé auprès; /119/
  Le bois de Forest, de cent poses ou davantage 167 ;
  Le pré de Pallet, de trois bonnes seyturées;
  Celui des Terraux, de quatre seyturées;
  Le Pradoulx, de neuf seyturées;
  Le pré de Lestan, de huit seyturées;
  Le mas de terre en la Condemine de Famina soit de Cloz;
  Celui de la Condemine sous Balaigues, de onze poses;
  Une pose et un mas de terre en Condemine;
  Deux moulins situés sur la Bomine (Baulminaz), valant annuellement huit muids de froment;
  Le four de Baulmes, valant annuellement douze livres;
  La grande dîme de blé, vin et chanvre de Baulmes 168 , rapportant par année soixante muids, moitié froment et avoine, et six setiers de vin, à la mesure de Baulmes 169 ;
  La dîme de blé, vin, chanvre et légumes de Montcherant, qui vaut par an treize muids de blé, moitié froment et avoine, et dix-huit setiers de vin, à la mesure d’Orbe;
  La dîme d’Orbe, en blé, vin, chanvre et légumes, qui vaut par année cinquante muids, moitié froment et avoine 170 , et douze setiers de vin.
  La dîme de Bosséaz (au territoire d’Orbe), en blé, chanvre et légumes, valant annuellement huit muids, moitié froment et avoine; /120/
  La dîme de Methoux (Mathod?), en blé, vin, chanvre et légumes, qui vaut par an huit muids, moitié froment et avoine, et deux setiers de vin;
  Enfin la dîme de Serge (Sergey) et de l’Abergement, rapportant par année six muids, moitié froment et avoine.
  Tout cela dépendait du prieuré de Baulmes.

Le 9 septembre 1527, Claude Marchiant, prieur de Rougemont, sacristain de l’abbaye de Payerne et vicaire général de cette abbaye pour le commendataire Jean de la Forest, protonotaire, doyen de Savoie 171 , investit, à Payerne, le chapelain Brugnyer de la chapellenie de Sainte-Marie-Madeleine dans l’église paroissiale de Baulmes 172 . Cette investiture a lieu par la tradition d’un livre, mis en ses mains, selon l’usage, et sur la présentation des possesseurs du patronage de cette chapelle 173 . Le lendemain, Pierre Richard, religieux de Baulmes, sur la demande du nouveau chapelain, le met en possession, et celui-ci célèbre la messe devant témoins. En 1443, c’était le curé de Baulmes qui avait admis et reçu l’altariste de l’autel de Marie-Madelaine.

Il n’est plus question de l’antique église de Saint-Michel depuis l’année 1521. Sans doute qu’abandonnée lors de la Réformation, elle ne tarda pas à disparaître. Les documents ne mentionnent point de services religieux fondés dans cette /121/ église, mais l’on peut supposer que de temps à autre les moines du prieuré venaient y célébrer quelque messe en souvenir du temps jadis. Nous avons fait observer que l’église de Saint-Michel se trouvait dans le voisinage du château et par conséquent de la roche de Saint-André. Or, selon la tradition, la cellule des premiers solitaires de Baulmes était à Saint-André. — Le prieuré de Sainte-Marie et son église occupaient peut-être l’emplacement de la cure actuelle. Dans cette église devait se trouver un autel fondé par les nobles de Baulmes, ainsi que nous l’apprend la convention passée, sous l’année 1392, entre le prieur Nicolas d’Estavayé et Pierre de Baulmes 174 . Il s’y trouvait encore la chapelle de Saint-Nicolas 175 et celle de Sainte-Catherine 176 , au sujet desquelles nous sommes sans lumières. L’église paroissiale, dite de Saint-Pierre, encore existante, renfermait la chapelle de Sainte-Marie-Madelaine, dont nous avons plusieurs fois parlé, puis une chapelle de Baulmes, sous le vocable de sainte Marie, vraisemblablement fondée au quatorzième siècle par le donzel Vuillelme de Baulmes 177 , mais qui n’avait pas d’altariste particulier l 78 .

Un morcel de bois en Pra-Juvet et Brisse-Genoux est /122/ acensé, en 1534, par les syndics de Baulmes, du consentement des conseillers, à trois particuliers de l’endroit, sous dix sols annuels, payables à la Saint-André. Or le bois acensé limite du côté du vent le sentier par où les montagnards vont à Saint-André 179 , et l’eau de la Bomine du côté de bise. Cette mention de Saint-André, le lieu où doit avoir existé la cellule des premiers solitaires de Baulmes, doit être remarquée. Une autre circonstance doit l’être encore: c’est qu’à Baulmes la plupart des redevances féodales se payaient à la Saint-André, jour marquant pour la localité, paraît-il 180 .

L’année suivante (1535), une pose de terre appartenant à la confrérie est acensée, par les recteurs de celle-ci, sous trois bichets annuels de froment, payables à la Saint-André.

Nous arrivons à une époque notable, celle de la domination bernoise sur la patrie de Vaud. Les anciens usages ont déjà fléchi, de grands changements vont se faire encore, et nous allons prendre congé définitif d’un passé dont l’édifice ancien chancelle chaque jour.

La conquête du pays de Vaud et l’introduction de la réforme religieuse firent passer les biens de l’abbaye de Payerne dans les mains des Bernois. Baulmes eut donc désormais pour seigneur la ville de Berne et fit partie du bailliage d’Yverdon. Les documents ne nous apprennent pas ce qui s’y passa à cette époque mémorable, où l’on vit notre pays accepter si facilement un changement de domination et une croyance religieuse nouvelle. /123/

Les nouveaux maîtres firent quelques libéralités aux communes du pays, aux dépens surtout des biens d’église. On se rappelle la donation considérable de Jaquette Vioget à l’autel de Sainte-Marie-Madelaine. Or, en 1544, Berne octroie à la commune de Baulmes, sur sa demande, les biens de la confrérie appelée du Saint-Esprit, ainsi que la maison et les possessions léguées au susnommé autel; le tout sous la condition expresse que les revenus en seront distribués aux pauvres de la paroisse et employés à leur usage, et que bon compte en sera rendu chaque année au baillif d’Yverdon 181 . Telle est l’origine de la bourse des pauvres de Baulmes. Dans la plupart des communes du pays, ces bourses se formèrent des biens des confréries et des fondations pieuses. Nous avons vu qu’un lien étroit unissait les confréries aux communes; toutefois, bien que placées sous la surveillance des mêmes autorités, les deux bourses étaient bien distinctes.

Une reconnaissance générale des prud’hommes de Baulmes, en faveur des seigneurs de la république de Berne, fut passée le 24 octobre 1546, sur les mains du commissaire Jean Marcuard 182 . Elle rapporte d’abord les limites de la seigneurie, puis la confession de la jurisdiction et du mère et mixte impère y compris le dernier supplice, du cours des eaux, de « la force des oiseaux volants de proie 183  » et de la chasse, « excepté les us par les dits preud’hommes usitées ès dites eau et chasse accoutumées d’avoir. » — Notons, /124/ en passant, cette réserve quant à la chasse, car un acte de beaucoup postérieur l’éclairera pour nous d’une lumière inattendue. — Les prud’hommes reconnaissent ensuite les diverses redevances en deniers, grains et corvées, que nous connaissons déjà, y compris les deux deniers pour les plaids généraux de mai et de la Saint-Martin 184 . Ils reconnaissent encore les langues des grosses bêtes qui se vendent au masel, puis le droit de bannière, astreints qu’ils sont de suivre la dite bannière chaque fois que ce sera nécessaire, comme la coutume du lieu le requiert. Enfin les mesures de blé, vin et huile, les poids et aunes, etc., soit la mestralie 184bis .

Les moulins banaux de Baulmes, appartenant au domaine du seigneur, furent abergés à la commune, en 1557, par Jacob Wyss, baillif d’Yverdon, en emphytéose perpétuelle 185 , sous la cense annuelle de deux coupes de froment, à la mesure de Baulmes, et l’entrage de douze cents florins, de petit poids. Treize ans plus tard (1570, 17 février) Berne abergea également à la commune le grand four banal de /125/ Baulmes, sous la cense de trente florins annuels, et cent florins d’entrage 186 .

Il s’était fait, en 1562, un autre abergement qui était un symptôme de l’immense changement politique et social accompli dans la patrie de Vaud depuis un siècle. Le château de Baulmes avait été alors abergé en fief rural à François Jaccaud, l’un des membres de la famille qui avait été l’objet de l’affranchissement de la taille et de la mainmorte en 1516 187 . Ce château, qui n’avait plus de but, tombait sans doute en ruine. Nous le retrouverons bientôt dans les mains des nobles d’Alinges.

Sous la date du 10 février 1582, la commune de Baulmes, par l’organe de ses deux syndics et des neuf conseillers de l’endroit, passa une nouvelle reconnaissance en faveur des seigneurs de Berne, à cause de leur cure de Baulmes, sur les mains du commissaire Georges Darbonnier 188 . Elle en rappelle une précédente, de l’année 1561, modérée par les députés du souverain le 22 juillet 1581. Aux termes de cette reconnaissance, celui qui fera sa charrue entière ou sèmera dix poses et plus par pie, payera une coupe de froment, mesure de Baulmes, pour la moisson 189 . Celui qui fera une demi-charrue ou sèmera plus de six poses, payera demi-coupe. Celui qui sèmera de six poses en dessous, un tiers de coupe. Et les pauvres, soit ceux qui /126/ ne sèmeront plus de deux poses, payeront dix-huit deniers lausannois; le tout, par focage, à la Saint-André. Chaque charrue entière doit trois corvées de charrue par an, au printemps, en « semoraulx » et en automne, soit onze sols pour les trois. Chaque demi-charrue doit la moitié de trois corvées, soit cinq sols et six deniers. La dîme des nascents, due dans toute la paroisse, sur le pied, pour les porcs et les agneaux, de onze l’un, se paye deux mois après la naissance. Les seigneurs et leurs amodiateurs maintiendront le verrat, suivant l’usage immémorial. Ces redevances étaient précédemment dues au curé, et les trois corvées de charrue dont il est ici question ne sont point celles qui se faisaient pour le prieur. Les mêmes redevances se retrouvaient à peu près partout 189bis .

On n’a pas oublié l’hommage prêté, en 1377, par le donzel Girard de Conay, au prieur Pierre Vincent, pour un fief à Baulmes. En 1416, le prieur messire Jaques de Montmayeur avait investi de ce fief noble Pierre de Gumoëns-le-Châtel, mari de la petite-fille de Girard de Conay 190 . Or, noble Jean d’Aulbonne, châtelain et bourgeois de Morges, fils de noble Françoise de Lugrin qui descendait du ci-dessus nommé Pierre de Gumoëns, prêta quernet pour ce /127/ même fief, en 1583 (pénultième de juin), sur les mains du commissaire Darbonnier, en faveur de LL. EE., dont il se reconnut homme lige et noble, pour les biens situés à Baulmes, Montcherant et Rances, spécifiés au quernet 191 . Nos documents ne nous font connaître aucun autre fief noble mouvant du prieuré de Baulmes; cependant nous verrons qu’il y avait encore d’autres fiefs de cette nature dans la seigneurie.

Nous avons fait observer qu’à l’extinction des nobles de Baulmes, leurs biens avaient passé par succession aux nobles de Colombier (sur Morges). Marguerite de Colombier, l’héritière de cette famille distinguée, les avait apportés à son époux François d’Alinges, seigneur de Montfort, Coudrée et autres lieux, et ils étaient possédés par leurs fils Antoine, Pierre et Bernard d’Alinges, lorsque le commissaire Darbonnier exigea de ceux-ci qu’ils reconnussent divers biens en faveur de LL. EE., entre autres ceux de Baulmes, qui relevaient du prieuré et provenaient, par succession directe, de leurs ancêtres maternels les nobles Vuillerme et Pierre de Baulmes 192 . Cette reconnaissance fut passée à Orbe, le /128/ pénultième de juin 1584, par noble et puissant Antoine d’Alinges, seigneur de Servette, au nom des trois frères. Elle porte sur soixante poses de terres arables et cinquante-cinq seyturées de prés, tenues en domaine par les confessants, plus sur onze coupes et demie de froment et environ quatre-vingt-deux sols de cense, dus par divers ténementiers. Pour le tout ils payeraient à LL. EE. trente-neuf sols et six deniers annuels, à la Saint-André, ainsi que leurs ancêtres les avaient payés aux jadis prieurs, mais sans charge d’hommage ni de tailles. Les confessants reconnurent encore « le chastel du dit lieu de Baulmes avecq la maison, place, curtils, fossés et appartenances d’iceulx tout alentour, contigu au dit chasteau assis au-dessus du dit village auprès de la montagne, jouxte ses limites et confins; ensemble aussi le debvoir que sus icellui sont tenus à mes dicts seigneurs (de Berne) les subjects du dit Baulmes, pour l’édification, entretenement et fortiffication d’icelluy 193 ; » et cela sous la cense annuelle et perpétuelle de deux sols lausannois. Ce château appartenait aux confessants par l’acquisition que leur père en avait faite (nous avons vu qu’il avait été abergé, en 1562, par LL. EE. à François Jaccaud). Il nous semblerait plausible que l’époux de Marguerite de Colombier eût mis du prix à le posséder comme ayant été peut-être la demeure des nobles de Baulmes, ancêtres maternels de celle-ci.

Honorable et prudent Jean Brun, bourgeois de Neuchâtel, ayant acquis des hoirs du seigneur Christophle de Diesbach /129/ la grange appellée la Joigninnaz, en la montagne de Baulmes, avait été reçu communier, en 1582, pour pouvoir jouir des pâquiers communs, où toutefois il ne pourrait tenir que quarante mères vaches. Cette admission avait eu lieu tant gratuitement qu’au moyen de douze écus pistolets qu’il avait payés. On accorda la même faveur, en 1588, à honorable Petermann Amyet, des Thuillières de Grandson, reçu au nombre des communiers pour lui et les siens mâles tant seulement, moyennant cent florins. Nous verrons la commune de Baulmes soutenir une difficulté au sujet de cette bourgeoisie.

Un hôpital ne tarda pas à être fondé à Baulmes par la générosité d’un particulier de l’endroit. Cette fondation mérite que nous y consacrions quelques détails, car elle est empreinte de délicatesse et de charité chrétienne. Pierre Jaccaud, par son testament daté du 3 septembre 1593, dispose des biens « qu’il a pleu à Dieu lui prester en ce mortel monde. » Il donne, après la mort de sa femme, tous ses biens meubles et immeubles, pour l’honneur de Dieu, « tant aux paoulres de Baulmes qu’à d’autres paoulres allans et passans par le dit village demandant l’aulmosne en l’honneur de Dieu. » Il ordonne qu’on fasse de sa maison un hôpital, où seront « maintenues deux couches garnies de coultres, coussins, linceulx et couvertes, pour y loger et aberger les paouvres passans, lesquelles se debvront tenir bien nettes et se prendre bien garde de ny loger de ces gros bellistres qui se trouvent quelquefoys entachés de maladies contagieuses, à celle fin qu’en après y logeant quelques petits et paouvres enfants orphelins ils ne fussent entachés des dites maladies pour s’en ressentir tous les jours de leur vie.» Le testateur ordonne qu’il soit distribué /130/ de son bien aux pauvres, soit à ceux de Baulmes ou à « d’aultres passans, aux ungs de la graine, aux aultres de l’argent, ou bien de leur achepter des solliers pour pouvoir tant mieulx passer leur chemin. » Il charge les honorables jurés, conseillers et communiers de cette distribution, et leur recommande la meilleure culture et administration de ses biens. Il les prie d’ailleurs de commander à celui qui aura charge de loger les pauvres, « qu’il doije iceulx recevoir et loger incontinent sans les faire beaucoup attendre à la porte. Car, ajoute-t-il, j’ai tant bien esté receu par les hospital d’Allemaigne auxquels on m’a fait tant de biens de quoi j’en rends grâces à Dieu, » Enfin il remet le tout à leur discrétion et « preudhomie 194  » Près d’un siècle après, l’hôpital Jaccaud reçut un accroissement de quelque importance par suite d’une autre donation 195 .

On trouve, vers la fin du seizième siècle et au commencement du suivant, des traces de compâturage entre Baulmes et Champvent d’une part, et Baulmes, Vuitebœuf et Peney de l’autre, ainsi que de procès soutenus à cette occasion. Ces villages appartenaient cependant à des seigneuries /131/ différentes. Nous avons émis plus haut une opinion quant à ce compâturage entre plusieurs communes.

De toute ancienneté il avait été élabli que le gouverneur de la commune de Baulmes retirât des fermiers de la dîme, une cense accordée aux pauvres de l’endroit, nommée Cense pour les miches. Aussi trouvons-nous, sous la date du 29 janvier 1605, un ordre du baillif d’Yverdon au dîmeur de Baulmes, de délivrer cette cense au gouverneur, en belles et nettes graines 196 .

Baulmes admit, en 1657, un homme distingué au nombre de ses communiers, savoir noble, généreux et puissant Georges Steiger, seigneur de Begnins et baillif d’Yverdon, lequel avait acquis une grange et des prés en la montagne de Baulmes. On lui concéda de tenir en tout temps vingt-cinq vaches et cinq « suyvants » sur les pâquiers communs, et de pouvoir, quatorze jours après la Madelaine, faire paître son bétail sur les prés des particuliers et sur les montagnes, comme l’un des autres communiers 197 . Cette association à la bourgeoisie de Baulmes coûta trois cents florins au seigneur Steiger, outre un demi-char de vin blanc 198 .

On se rappelle le village ou hameau de Six-Fontaines, voisin de Baulmes. Depuis sa disparition, son territoire était devenu une propriété particulière, qui appartenait, vers le milieu du dix-septième siècle, à noble et vertueuse dame /132/ 132 Marguerite de Diesbach, dame de Saint-Christophle 199 . La fixation des limites entre les territoires de Six-Fontaines et de Baulmes entraîna de longs différends. Un essai d’arrangement tenté par Louis de Graffenried, baillif d’Yverdon, n’agréa pas aux parties. Enfin l’on requit le petit-fils de la dame de Saint-Christophle, noble Jean-Louis Steiger, seigneur de Bierre, qui devait être son héritier, de se porter au lieu contentieux, et là, le 14 juin 1659, on plaça des bornes d’un commun accord 200 . On réserva le commun pâturage réciproque, sauf celui des pièces passées à clos et à record; et si le bétail faisait du dégât sur des terres invêtues et inflorées, on en ferait une taxe. Le bois, enfin, de la commune, qui glisserait sur la propriété du seigneur Steiger, au moins dommageable et pas trop souvent, pourrait être repris par elle. Ceci a trait à l’exploitation des grandes forêts qui dominent Baulmes et Six-Fontaines. Les arbres ébranchés, les billons, sont lancés dans des couloirs ou chabloz depuis la montagne et arrivent avec grand fracas jusqu’à la plaine, parfois même dans le village de Baulmes, où il n’est pas rare qu’ils causent des accidents. Au moment de la grande exploitation annuelle, le bruit de ces avalanches d’arbres a quelque chose de solennel et parfois d’effrayant.

Sous l’année 1666 se trouve une reconnaissance générale des redevances des communiers de Baulmes aux seigneurs de Berne, faite après une simplification d’usages /133/ que LL. EE. cherchaient à accomplir partout dans le pays de Vaud, en détruisant la mosaïque de droits et de redevances du moyen âge et y substituant quelque chose de plus en harmonie avec l’esprit d’un âge nouveau. Cette époque donc nous paraît être marquante pour le pays. Par cette reconnaissance, passée le 28 mai, à l’instance du commissaire de Ruvynes, rénovateur du bailliage d’Yverdon, et alors qu’Emmanuel Steiger était trésorier du pays de Vaud et Jean Gaudard commissaire général de la ville de Berne, les représentants de la commune de Baulmes 201 s’engagent à payer annuellement pour cense fixe et stable de leurs censes non appréciées, savoir: deux muids et quatre coupes de beau, pur et net froment, à la mesure d’Yverdon; dix chapons, beaux et recevables, et dix florins en argent pour l’appréciation de trois livres de cire et de deux pots d’huile.

Item, trente florins pour le four.

Item, deux coupes de froment, à la mesure de Baulmes (soit une coupe et demi-quarteron à celle d’Yverdon), pour cense stable de leur moulin.

Item, pour cense fixe des focages, de la moisson, des corvées de charrue et de la dîme des nascents (que ces redevances augmentent ou diminuent à l’avenir), savoir: en froment, six coupes et deux quarterons, à la mesure d’Yverdon; en avoine, deux muids et dix coupes, et en argent, trente-trois florins. Toutes ces censes (les graines au raz) rendables au grenier de LL. EE. à Rances.

En outre, LL. EE. ayant acquis les fiefs et les censes que certains seigneurs possédaient rière le village, territoire et /134/ district de Baulmes 202 , Elles ont et doivent avoir à l’avenir le fief et la directe seigneurie sur tout ce territoire, sans exception, ainsi que sur les pièces ci-devant prétendues franches, qui sont assujéties à la généralité du fief par la présente reconnaissance générale. En vertu de quoi les lauds et vendes sont dus à LL. EE. au cinq pour cent, comme du passé, sans distinction de personnes ou de biens 203 .

La commune de Baulmes s’attira, en 1679, des reproches d’Emmanuel Steiger, baillif d’Yverdon, au sujet du peu de soin qu’elle mettait à exécuter le grand mandat de LL. EE. relativement à l’entretien des pauvres, auquel chaque commune était tenue de pourvoir, devant empêcher ceux-ci de rôder comme « vagabonds et fainéants. » Le baillif lui ordonna d’exécuter ce grand mandat promptement et ponctuellement, afin d’éviter le châtiment « des réfractaires et désobéissants au souverain magistrat 204  » La mendicité n’est donc pas un fléau de notre époque seulement.

La même année (1679), sur l’ordre de LL. EE., le baillif d’Yverdon et Jean-Louis Steiger son prédécesseur, marquent dans la grande joux de Baulmes, au lieu le moins propre à produire de beaux arbres, un mas de quarante poses et une place pour construire une maison, dans le voisinage de celle des Joseph, dite à la Limasse, pour être possédée à clos et à record par la commune de Baulmes. /135/ L’intervention du baillif d’Yverdon, dans cette circonstance, dénote de la sollicitude de la part du gouvernement pour le maintien des forêts.

Une abbaye, soit société militaire, existait à Baulmes. Ces sociétés se retrouvent à peu près partout dans le pays, dans chaque localité un peu importante. De nos jours on les a beaucoup multipliées. Quoique fondées dans un autre but que les confréries, puisque l’élément religieux y était complétement étranger et qu’aucun lien ne les unissait aux communes, elles avaient remplacé celles-ci. La noble abbaye de Baulmes, qui avait son abbé et son recteur, possédait des immeubles et fit, en 1715, un échange de fonds de terre avec le seigneur de Daillens et Gumoëns-le-Jux (Jean-Rodolphe de Vuillermin) 205 .

Noble Jean-Charles Thormann, seigneur de Saint-Christophle et possesseur du mas de Six-Fontaines, demanda à la commune de Baulmes, qu’à teneur des mandats souverains du 5 juin 1716 et du 13 janvier 1717, elle lui passât entièrement à clos et à record le dit mas, qui l’était déjà en partie. On fit droit à sa demande le 10 mai 1723, et tout le mas de Six-Fontaines fut réduit à clos, record et recordon 206 , moyennant la somme de sept cent cinquante florins, outre les vins. Les communiers se dévêtirent donc du droit de pâturage aux Six-Fontaines, sauf pourtant au bois noir, qui resta en communion, comme du passé, pour le pâturage seulement. Cette transaction fut confirmée en assemblée générale de commune (le 1er juillet suivant), et Baulmes /136/ paya à Rances (même année, 6 décembre) cent soixante florins pour «  un certain compâturage dans le mas de Six-Fontaines. »

Un procès s’instruisait, en 1734, devant la cour baillivale d’Yverdon, entre MM. Amiet et l’honorable commune de Baulmes, qui refusait de reconnaître une lettre de combourgeoisie accordée, en 1588, à leur ancêtre Petermann Amiet. Au dire de la commune elle devait être nulle, parce qu’elle avait été concédée sans le consentement du corps de la communauté ni l’autorité du seigneur baillif, et de plus prescrite, puisque ni Petermann Amiet ni ses successeurs n’avaient jamais fait aucun acte de bourgeoisie, soit de communiers, à Baulmes. En évitation de grands frais, les parties transigèrent par la médiation des avocats Correvon et Develey, et MM. Amiet mirent fin au procès en renonçant à la bourgeoisie réclamée, moyennant sept cents florins que la commune leur livra comptant, en gain de paix. Les communes vaudoises situées au pied du Jura possèdent des biens considérables dans la montagne, ce qui rend leur bourgeoisie avantageuse; celle de Baulmes est du nombre.

On n’a pas oublié la réserve faite par les prud’hommes de Baulmes lorsque, sous l’année 1546, ils reconnurent, entre autres, la chasse en faveur de LL. EE. Or, le colonel Fischer d’Oberried, baillif d’Yverdon, informé que plusieurs chasseurs s’émancipaient d’aller à la chasse du sanglier, et sous ce prétexte tuaient d’autre gibier sans ménagement, fit publier à Baulmes, le 27 novembre 1782, la défense de chasser, sans sa permission, l’ours et le sanglier, ordonnant qu’il soit averti lorsqu’on apercevra de semblables fauves, afin qu’il règle et ordonne la manière de les poursuivre; le tout sous peine de l’amende de chasse. Le 9 décembre /137/ suivant, arriva une explication du baillif, aux termes de laquelle la défense ne dérogeait point au droit que les membres du conseil de Baulmes pouvaient avoir de chasser en temps permis. Cependant les communiers exhibèrent au baillif la reconnaissance du 24 octobre 1546, afin de prouver qu’ils avaient usé de tout temps du droit de chasser. L’examen de ce document convainquit ce haut fonctionnaire, qui déclara, sous la date du 27 mai 1784: qu’il y avait lieu de croire que la réserve contenue dans la reconnaissance concernait tous les bourgeois de Baulmes, dignes par leur état et leur conduite de pouvoir être nommés preud’hommes, sans distinction des membres du conseil, aucune mention n’étant faite de celui-ci, quoiqu’il existât déjà alors; qu’en conséquence il retirait la défense promulguée contre le droit des bourgeois, au bénéfice duquel il les laissait en tant qu’ils ne chasseraient qu’en temps permis, c’est-à-dire dès le second lundi de septembre à la Chandeleur, et qu’ils ne chasseraient ni à la fauve ni aux perdrix, qu’il est défendu à chacun de tuer en tout temps. Selon la déclaration du baillif, le terme de prudhomme s’étend à tout homme sage et capable de posséder un emploi civil, et d’ailleurs les gens de Baulmes sont indistinctement appelés, dans la reconnaissance, habitants, demeurants et preud’hommes.

On trouve, dans plusieurs chartes de la Franche-Comté, un droit de chasse concédé, analogue à celui dont jouissaient les habitants de Baulmes. Ainsi l’on se fait, croyons-nous, une idée fausse lorsque l’on suppose que partout, dans le moyen âge, le laboureur ne pouvait point tuer le gibier qui détruisait ses récoltes, sans s’exposer aux plus graves pénalités. A Baulmes, du moins, il n’en était pas ainsi. — Quant au sens à donner au terme de prud’homme, nous /138/ rappellerons que dans la charte de 1432 (voyez ci-dessus), tous les chefs de focage ou de famille recevant une parcelle de pâquier commun pour y planter de la vigne, sont appelés prud’hommes, ce qui nous paraît décisif quant au sens de cette expression.


 

MONTCHERANT

Le village de Montcherant (et son territoire) appartenait au prieuré de Baulmes dès les temps les plus anciens 207 . Toutefois il ne faisait pas partie de la seigneurie soit baronnie de Baulmes, mais bien de celle des Clées. C’est la raison pour laquelle le châtelain des Clées y avait l’exécution des criminels condamnés à mort, ainsi que les bans et les clames des étrangers soit avenaires 208 . Les habitants de Montcherant payaient, en conséquence, quelques redevances annuelles au château des Clées 209 .

Un débat bien grave existait entre Guillaume de Cossonay, prieur de Payerne, que nous avons appris à connaître, /139/ et ses sujets de Montcherant, car il s’agissait de la condition de ceux-ci. Au dire du prieur, ils étaient taillables et mainmortables du prieuré de Baulmes, et astreints, deux fois l’an, à la taille à miséricorde. Eux prétendaient être hommes libres du prieuré. Or, comme ils étaient ressortissants au château des Clées et se trouvaient ainsi sous la sauvegarde 210 du comte Amédée (VI) de Savoie, ce prince ordonna à Jean, co-seigneur de Blonay, chevalier, baillif de Vaud, et au chevalier Aymon de Chastonay, de prendre connaissance du débat et de le terminer. Les commissaires du comte citèrent donc les parties à Moudon, et l’enquête qui y eut lieu ayant démontré que la taille avait été perçue des hommes de Montcherant comme le prieur le prétendait, celui-ci obtint gain de cause (1362, 14 janvier). L’année suivante (sous la date du 15 mars), le comte Amédée enjoignit à tous ses officiers et justiciers de la baronnie de Vaud de faire exécuter la sentence rendue par le baillif de Vaud, parce que le recours en appellation s’en trouvait prescrit, et qu’il (le comte Amédée) était bénignement enclin à écouter les supplications que son très cher consanguin le prieur de Payerne 210bis et son couvent lui avaient adressées au sujet de cette exécution. Le sort des sujets soit prud’hommes 211 de Montcherant paraît donc irrévocablement fixé: ils sont taillables à miséricorde deux fois l’an et mainmortables. /140/ Cependant de meilleurs jours vinrent bientôt à luire pour eux. Le prieur Guillaume de Cossonay, qui paraît avoir été un homme humain et juste, revint à d’autres sentiments à leur égard. Les enquêtes qu’il fit faire par ses prud’hommes de Baulmes auprès des habitants les plus âgés de Montcherant, ainsi que le témoignage digne de foi de ses moines de Baulmes, le convainquirent que ses hommes de Montcherant étaient et devaient être libres, et il le déclara sous la date du 5 mai 1369, les libérant irrévocablement de tous tributs, exactions, aides, tailles, chevauchées (calvacatis), corvées (perangariis), et de tout genre de servitude, sous la réserve de ses censes, qu’il ne pourrait pas augmenter, des bans et des clames, de l’omnimode jurisdiction, et des focages sur le pied de quatre deniers lausannois par chaque feu.

Le successeur de Guillaume de Cossonay, le prieur Pierre Vincent, fut en différend, en 1377, avec la noble dame d’Orbe, Jaquette de Grandson 212 , au sujet de la messeillerie et de la juridiction de Montcherant, que le prieur disait s’étendre jusqu’au lieu appellé Rochetaz, au delà de la maladière d’Orbe, tendant directement de la dite Rochetaz jusqu’à la rivière de l’Orbe, et de la même Rochetaz jusqu’à la rive dite des Ruotez. Les parties s’en remirent à la décision de huit prud’hommes, choisis par elles, et de Jean de Giez, châtelain d’Orbe (pour surarbitre, sans doute). Ceux-ci se réunirent au lieu même de la Rochetaz, où, après avoir prêté serment sur les saints Evangiles, de dire la vérité, quatre d’entre eux déclarèrent que le prieur de /141/ Payerne (soit ses nonces) avait recueilli la gerbe de la messeillerie jusqu’à l’endroit prétendu, avant que les limites entre les jurisdictions d’Orbe et des Clées eussent été posées, et non depuis. Selon les autres arbitres, il l’avait recueillie avant et après la fixation de ces limites. C’était donner gain de cause au prieur, qui demanda qu’un instrument public constatât la décision des prud’hommes 213 .

Par composition faite, en 1471 (5 juillet), entre le vénérable Philippe de Compois, vicaire-général de l’abbaye de Payerne, pour l’illustre et vénérable seigneur Jean-Louis de Savoie, commendataire perpétuel de cette abbaye, et la communauté de Montcherant d’un autre côté, les lauds et vendes à Montcherant se payeraient seulement au vingtième denier, soit au cinq pour cent. Le commendataire et le couvent de Payerne ratifièrent le 11 octobre suivant cette convention, que LL. EE. de Berne confirmèrent le 5 janvier 1569.

Les prud’hommes et la communauté de Montcherant passèrent reconnaissance, le 13 octobre 1582, sur les mains du commissaire Darbonnier, en faveur de LL. EE. de Berne (cause ayant du prieuré de Baulmes). Ils reconnaissent être et devoir être hommes francs et libres de LL. dites EE. en vertu des lettres d’affranchissement jadis accordées à leurs ancêtres par le prieur Guillaume de Cossonay 214 . Ils confessent devoir les focages sur le pied de quatre deniers annuels par feu. Item, que LL. EE. ont à Montcherant les bans, les clames et totale jurisdiction, à la réserve du dernier supplice. Ils reconnaissent tenir le four banal de Montcherant, sous la /142/ cense annuelle de neuf coupes de froment, à la mesure d’Orbe; plus, le moulin du lieu, sous celle de deux coupes de froment. Ils confessent devoir les lauds de leurs acquis au 20me denier. Enfin, que LL. EE. ont sur les confessants et leurs biens, les charrières et pâquiers publics, les eaux et cours d’eaux, ban, clame, barre, saisine, directe seigneurie et totale jurisdiction. Les prud’hommes de Montcherant avaient précédemment reconnu en faveur de LL. EE., sur les mains du commissaire Jean Marcuard (en 1546, probablement).

Le prieuré de Baulmes percevait diverses censes à Orbe, par suite d’acensement de terrain en Bosséaz, fait par le prieur Jaques de Montmayeur. Le terrain avait été affranchi par lui du terrage 215 .

Le 23 octobre 1583, la ville d’Orbe reconnut, en faveur de LL. EE. de Berne, cause ayant de l’abbaye de Payerne et du prieuré de Baulmes, « certaine maison en la dicte ville avecq une chambre attouchante à la dicte maison, » en laquelle se tenait pour lors et dès longtemps la boucherie, sous la cense annuelle, avec directe seigneurie, de cinq sols lausannois, outre douze deniers imposés par LL. EE. « pour la soufferte et admortérization de la dicte maison. » Le prieur, messire Guillaume de Cossonay, avait acensé cette maison à la ville, en 1362, et celle-ci l’avait reconnue, en 1406, en faveur du prieur Jacques de Montmayeur 216 .

Nous terminons ici notre chronique. Elle porte, sans doute, sur un prieuré fort ancien à la vérité, mais n’ayant pas joué un rôle important, ainsi que sur une localité secondaire. /143/ Toutefois elle peut avoir son utilité comme étude du moyen âge de la patrie de Vaud. Nous nous estimerions donc heureux si elle contribuait à rectifier plus d’une idée fausse ayant cours parmi nous sur ce moyen âge et le sort de la grande masse de notre population à cette époque.


Notes:

1 L’acte de fondation du couvent de Payerne (ce document est connu sous le nom du testament de la reine Berthe) est daté de Lausanne, le mardi des kalendes d’Avril de la vingt-quatrième année du règne du roi Conrad. Et la donation faite par ce roi à ce même couvent, laquelle comprend Baulmes, est datée du 6e des ides d’Avril de la même année. [retour]

2 On est dans la plus entière ignorance à l’égard du couvent de Baulmes, fondé par Ermentrude au septième siècle. Voyez plus bas. [retour]

3 De Gingins, Orbe au moyen âge. [retour]

4 Présents Mémoires et documents, tome III, Cartulaire de Romainmotier, notice préliminaire, origine du prieuré de Romainmotier. [retour]

5 Ibidem, ibidem, page VIII. [retour]

5bis Il est remarqué que les terres données sont situées au comté de Vaud, in valle heberdunense et in fine tabernis sive Urba (Arch. cant., Invent. analyt., Littera J.). [retour]

6 Dite de Saint-Germain, matrice des églises qui ont existé plus tard à Orbe. [retour]

7 Il sera question plus bas de cette dîme de Bosséaz. [retour]

8 Visite pastorale, sous l’année 1453. [retour]

9 Il n’en est guère question avant le douzième siècle. [retour]

10 Le duc Rodolphe, qui donna de grands biens situés en Alsace au couvent de Payerne. [retour]

11 Epouse de l’empereur Othon (I). [retour]

12 La reine Berthe avait surtout fondé le couvent de Payerne en l’honneur de la sainte Vierge Marie. [retour]

13 « Deo inspirante inter cetera impegimus in quandam cellulam huic sacro hordini aptissimam balmo nuncupatam, hanc cum duobus silvulis que superius rupe imminent, una quarum fagifera, altera glandifera » (Arch. cant., titres de Payerne, coté n° 2). [retour]

14 « Decimam eciam trium vicuum (vicorum?), unius vici in qua ipsa (cellula) sita est » (Ibidem). [retour]

15 Présents Mémoires et documents, tome III, page 10. [retour]

16 Tout comme la comtesse Adelaïde avait remis, en 929, le couvent de Romainmotier à Odilon, abbé de Cluny, dans un but pareil. [retour]

17 Voir la note 13. [retour]

18 Archives de la Soc. d’hist. du canton de Fribourg, 3me cahier, page 375. [retour]

19 Arch. cant., titres de Payerne, coté n°9. [retour]

20 Ibidem, ibidem. [retour]

21 Cette illustre princesse contribua par ses largesses à la fondation de l’abbaye de Payerne et y mit la dernière main, tellement qu’on peut la considérer comme sa seconde fondatrice. Voyez la vie de sainte Adélaïde, par Odilon, abbé de Cluny, dans les Monuments germaniques de Pertz, tome VI. [retour]

22 On trouve des diplômes, en faveur du couvent de Payerne, émanés des empereurs Othon II, Othon III, Henri IV et Conrad (Tit. de Payerne). [retour]

23 Lors de ses démêlés avec la maison de Savoie, Rod. de Habsbourg tenta de faire revivre les droits des empereurs, ses prédécesseurs, sur Payerne (Arch. de la ville de Payerne). [retour]

24 Il en fut de même plus tard, car fréquemment les actes publics, à Baulmes, sont scellés par le doyen de Neuchâtel. [retour]

25 Avec tous ses droits, biens et appartenances universelles. [retour]

26 Titres de Payerne, non inventoriés, aux arch. cant. [retour]

27 Quoique Payerne eût été fondé comme abbaye, les conventuels de ce monastère n’avaient d’autre abbé que celui de Cluny; ainsi le prieur en fut le chef, et le couvent porta le titre de prieuré. Nous verrons qu’il devint de nouveau abbaye avec le temps. [retour]

28 Titres de Payerne, non inventoriés. [retour]

29 Ibidem. [retour]

30 Aux uns à vie, d’autres de ces biens pour longtemps, et d’autres perpétuellement, soit à ferme soit à cense. [retour]

31 Titres de Payerne, non inventoriés. [retour]

32 Il serait ainsi de l’année 1311. [retour]

33 Acte muni du sceau de Borcard, co-seigneur de Font, chevalier, baillif de Vaud. [retour]

34 Et le fit aussi sceller par le doyen de Neuchâtel. Le sceau du donzel Vuillerme de Baulmes représente une aigle. [retour]

35 Il est garant et signifer d’une donation faite, en 1096, par le sire Uldric de Cossonay, au couvent de Romainmotier (Présents Mém. et doc., tome V, 1re partie, page 210). [retour]

36 De Gingins, Orbe au moyen âge. [retour]

37 Presents Mém. et doc., tome I, annales de l’abbaye du lac de Joux, page 151 et la suivante. [retour]

38 Cette circonstance nous est révélée par la reconnaissance passée, en 1666, pour la commune de Baulmes, en faveur de LL. EE. de Berne. [retour]

39 L’expression serf n’était plus guère en usage à l’époque où nous sommes parvenus. Le taillable était le successeur du serf. [retour]

40 On trouve, après cet affranchissement, des Challes au nombre des habitants de Baulmes. [retour]

41 Celle de feu Perrod Cams, cultivée par Etienne Chichimeilly et Reynaud dit Waustraveys. [retour]

42 Dans le nombre, plusieurs nobles de Gallera et de Bretignyez. [retour]

43 Pilliwit, Cachimayli, Favre, Corna, Quoquiliat alias Collet, de Rua, Estarnoz, Challes, Vautravers, etc. [retour]

44 « Pro tota communitas dictarum villarum. » [retour]

45 « Sequi carvaquatam domini Cletarum tantum. » [retour]

46 Isabelle de Jolens, veuve d’Aymonod Ruffy, des Clées, conservatrice du sceau de la châtellenie, l’y apposa le 9 mars. [retour]

47 « Per nonnullos peritos in consuetudine cognite et judicate. » [retour]

48 Un de Rua, entre autres, et un Pillivuit. [retour]

49 « Divite pauperem adjuvante. » [retour]

49bis Ils étaient sans doute les instigateurs de la sédition. [retour]

50 Louis de Cossonay, sire de Bercher, fils de Louis (Ier), sire de Cossonay, et d’Ysabelle de Grandson, était parent du comte Amédée de Savoie du chef de sa mère, fille de Pierre de Grandson, sire de Belmont, et de Blanche de Savoie. Humbert de Colombier, seigneur de Vuillerens remplit plusieurs fois l’office élevé de baillif de Vaud. [retour]

51 « De nostre chapelle d’Orbe, » remarque Henri de Montbéliard. [retour]

52 Grosse Marcuard. [retour]

53 De Gingins, Orbe au moyen âge. [retour]

54 « Faciatis quidquid volueritis et valeat quidquid valere poterat. » [retour]

55 Faut-il en conclure que cette localité formait une enclave, une seigneurie indépendante, dans la patrie de Vaud? [retour]

56 Et de ne les outre-passer jamais dans ses demandes. [retour]

57 La sentence du comte Amédée avait condamné Baulmes à payer six cents florins au prieur. Le surplus provenait sans doute des dépens. [retour]

58 Acte scellé par le prieur de Payerne et l’official de Lausanne. [retour]

59 Franchises de la ville d’Orbe. [retour]

59bis On peut cependant concevoir quelques doutes à cet égard. La première fondation religieuse à Baulmes portait le nom de Sainte-Marie, et le prieuré de Saint-Michel n’y apparaît qu’au treizième siècle. Ainsi la cellule de Baulmes, donnée par le roi Conrad à l’abbaye de Payerne, pourrait être l’église de Sainte-Marie, réduite, par suite des malheurs du temps, aux proportions d’une cellule. Dans cette hypothèse, le prieuré de Saint-Michel, œuvre de Payerne, aurait succédé au premier couvent. Nous verrons que les droits du prieur de Payerne à Baulmes procédaient des églises de Sainte-Marie et de Saint-Michel. [retour]

60 Présents Mém. et doc., tome V, 1re partie, page 63, note 164. [retour]

61 On ignore à quel titre les nobles de Baulmes possédaient des biens à Cuarnens. [retour]

62 Entre autres quatre poses situées sous la Condemine du prieuré, en la Finette. [retour]

63 Situé au lieu dit en Crotet. [retour]

64 Arch. cant., titres du bailliage d’Yverdon, coté n° 47. [retour]

65 On ne sait trop pourquoi la charte d’où nous extrayons les détails qu’on va lire, ne le qualifie pas de donzel. [retour]

66 Les nobles Antoine, Bernard et Pierre d’Alinges, héritiers, par leur mère, des nobles de Baulmes, reconnaissent, en 1584, une assez grande quantité de terrain à Baulmes, à cause de certaine chapelle de Saint-Jean (Grosse Darbonnier). [retour]

67 « In collongia omnium sanctorum 9 den.; in colongia beati Johannis baptiste 9 den., etc. » [retour]

68 Communarii, Perrot dit Poget, Reynaud dit Paucy de Bulet, Henri de la Charmilly et Christin dit Recordon. [retour]

69 Quoquilliat alias Collet, Wautravers, De Ruaz, Bataillard, Vaillent, etc. [retour]

70 « De nemoribus et ligius mortuis, galice bos mort. » [retour]

71 « Non fieri propter lites motas nec movendas. » [retour]

72 Acte muni du sceau de la châtellenie de Sainte-Croix et de celui du décanat de Neuchâtel. [retour]

73 Peut-être par suite de la mort du notaire Mareschet, ou qu’on y trouvât quelque inexactitude. [retour]

74 « Uti consueverunt tanto tempore quod de contrario memoria hominis non extitit. » [retour]

75 Hudric de Menières et Johannot dit Gros, bourgeois d’Orbe. [retour]

76 En 1425, les trois recteurs de la confrérie remirent la même vigne aux mêmes vigneron pour douze ans, sous la redevance annuelle de trois setiers de vin, mesure prédite. [retour]

77 Le minime rapport de la vigne tenait en grande partie sans doute à ce qu’on n’usait guère alors d’engrais; mais la qualité du vin devait être meilleure et l’abus moins fréquent. [retour]

78 Il est dit dans le procès-verbal dressé le 19 septembre, « que les joulx et montaignes de Baulmes, en tirant contre l’Agulion de Baulmes et contre les bois de la Sainte-Croix, et du Franchastel, sans préjudice de ces bois-ci et de leurs limites, demeurent au prieur et à ses hommes de Baulmes, et que dès les bornes du prel de la Limace, des lieux dits les Charbonou et la Piex, et dès celle mise au pré Jean Favre, en tirant contre Jougne, demeurent toutes les joulx, bois et montagnes à M. de Chalon, à cause de son chastel du dit Jougne » (Chambre des comptes, J. 75, aux arch. du Doubs). [retour]

79 Acte signé par le notaire Célérier et scellé par l’official de Lausanne. [retour]

80 « Per allot ibi in loco jactatos et positos. » [retour]

81 Le notaire Célérier fut chargé de dresser des actes à l’usage de chacun des prud’hommes ayant part au partage, et l’official de Lausanne apposa son sceau. [retour]

82 « Per nos eisdem concesse ... de novo damus et concedimus.» [retour]

83 Emeric Arnod, Jean de Ruaz le jeune, Mermet Aubercier et Pierre Bolliet, mandataires (procuratores), jurés et gouverneurs, et Reymond Estarnod, François de Disy, Nicod de Ruaz, François Verdonet, Pierre Fabri, Pierre Bactalliard, Humbert Frossard, Mermet Borgonyon et Jean Pugin, syndics, conseillers et jurés. [retour]

84 Les frères Jean de Font, doyen; Guillaume de Trétorens, camérier; Jean de Greilly, sacristain; Odon de la Baume, aumônier; Pierre de Viliez, prieur d’Aye; Pierre de Vulliaufens, prieur de Bretièges, Guillaume Boctollier et Pierre de Penczat, moines; Jaques Reynaud, Jaquet de Ryvaz et Girard Banquetaz, novices (monaculis). [retour]

85 On voit clairement ici la source des droits du prieur de Payerne à Baulmes. [retour]

86 Ces plaids généraux étaient de vraies assemblées populaires, et leurs racines plongent profondément jusque dans les coutumes des peuples germaniques, envahisseurs de l’empire romain. [retour]

87 « A regiquina et cognitione repelluntur. » Pour comprendre cette phrase il faut se rappeler la liaison étroite existant entre les témoins et les juges dans les législation primitives germaniques: les témoins et les juges c’est tout un, bien souvent. Parfois même regiquina paraît être pris dans le sens de cour de justice (« si fecerit clamam ante regiquinam »). [retour]

88 Nous retrouvons dans ces amendes une tradition des composition pécuniaires des lois barbares. Les bans élevés à payer au seigneur lui sont dus parce qu’il est le garant de la paix publique et qu’il y a enfreinte de sa sauvegarde, et c’est encore une tradition du temps où il était si difficile d’empêcher les vengeances personnelles et les guerres privées. [retour]

89 Ceci s’explique en disant que la cour était de droit composée de prud’hommes, c’est-à-dire des chefs de feucages tout au moins, et que, de plus, pour qu’un jugement fut valide, il devait être porté à l’unanimité. [retour]

90 Ainsi point d’appel à la cour du baillif de Vaud à Moudon. Nous avons fait observer que le couvent de Payerne était immédiat. [retour]

91 L’archange Saint-Michel était le patron de l’ancien prieuré de Baulmes, et sa fête sans doute la grande journée de l’endroit. [retour]

92 Ce droit d’asile est remarquable et nous paraît dénoter une haute antiquité de l’église de Saint-Michel qui en était dotée. [retour]

93 Voilà certes une grande garantie de liberté civile. On connaissait donc à Baulmes la séparation des pouvoirs. [retour]

94 La même clause et la même réserve existaient à Romainmotier; ainsi il y avait tout à la fois dans le pays unité et variété d’usages. [retour]

95 C’est-à-dire un droit de mutation de cinq pour cent. [retour]

96 On se rappelle que les collonges formaient une condition de terres particulière dont les usufruitiers étaient seuls soumis à la condition mainmortable. [retour]

97 Cette disposition est un symptôme de liberté notable. [retour]

98 Remarquons encore cette garantie et la participation de plein droit de la commune aux plaids de justice, qui avaient lieu d’ordinaire en plein air. [retour]

99 Et au midi du chemin public de Baulmes à Saint-Christophle. [retour]

100 La première distribution du pâquier de Pluam avait été faite à 87 chefs de famille. On ne saurait guère admettre que trois ans après le nombre des feux fût tombé à 71; il est plus probable que tous les feucages ne se soucièrent pas de leur lot. L’acte fut passé le 23 octobre, ainsi il ne paraît pas que cette distribution de terrain fût la suite d’une résolution du plaid général. [retour]

101 « Semper fuit propria hereditas ville de Balmis. » [retour]

102 « Ut antiqui amores, bone vicinates et amicitie qui semper fuerunt inter predictas villas in futurum serventur et multiplicentur. » [retour]

103 « Jure et antiquitate dictorum de Balmis et eiusdem communitatis ... in loco ... in quo dicte vinee plantate et artificate (*) sunt. »
(*) Greffait-on les vignes? [retour]

104 Acte scellé par l’official de Lausanne. [retour]

105 C’est-à-dire de le réserver pour les bêtes de charrue au temps des labourages. [retour]

106 Guillaume Mayor de Romainmotier, vice-châtelain des Clées; Georges de Gallera, donzel; Claude Aubert, Nicod Artod, bourgeois des Clées; dom Pierre Migevand, religieux de Baulmes; et Girard de Pierraflour, châtelain du dit Baulmes. [retour]

107 Noble Guillaume Mayor de Romainmotier, châtelain des Clées; Georges de Gallera, mestral de Rances, et Girard de Pierrefleur, châtelain de Baulmes; acte du 6 décembre 1438. [retour]

108 Ainsi les lauds se payaient pour les terrains communaux comme pour les autres. [retour]

109 De Pierrefleur, Pillivuit, Estarnoz, Vaultraver, Cachimeillyz, Clerc, Parisset, de Ruaz, Richard, etc. [retour]

110 En transcrivant le document qui vient de nous occuper, un notaire du seizième siècle en a assez modernisé le langage pour offrir par comparaison un spécimen du roman à ces deux époques, et de ses modifications durant un siècle. Celles-ci sont sensibles. [retour]

111 Cependant on voit Aymon, prieur de Romainmotier, faire construire un fort (fortalicium) à Bursins (Présents Mém. et doc., tome III, page 262). [retour]

112 Le plaid général, de 1441, nous offre la première mention du château de Baulmes dans les mains du prieur. [retour]

113 Voyez ci-dessus, sous l’année 1362. [retour]

114 Grosse Darbonnier, reconnaissance des nobles et puissants Antoine, Pierre et Bernard d’Alinges, sous l’année 1584. [retour]

115 « Retro sanctum Michaëlem ochiam sitam juxta ruppem sancti Andree a juria, gerdile castri de Balmis a vento et terralia ejusdem castri ab oriente » (Reconnaissance de Gervais Pilluyt, de Baulmes, sous l’année 1521). Le pré de La Combaz, de huit seyturées, appartenant au domaine du prieuré, était situé au midi du château (Grosse de l’année 1521). [retour]

116 Voici ce qu’on lit dans l’indication des limites de la baronnie de Baulmes, sous l’année 1516: « ad quendam lapidem retro Suschet, et inde tendendo per loz russel ... et inde tendendo ad duos lapides signatos pro metis existentibus supra crestum de Charbonnieres prope du fort de Baulmes, et inde ad duos lapides ... ... appellatos Lapyes et inde ad quendam metam ... in prato de la Lymacyz et inde per quendam vionetum usque au bas du fort. » On voit que les soi-disant ruines situées sous l’Aiguillon sont connues depuis longtemps sous le nom de fort de Baulmes. [retour]

117 Voici l’indication de quelques documents relatifs à la famille de Pierrefleur: Jean Fabri ou Favre, de Baulmes, autrement Emeri, fait une fondation pieuse à Baulmes, en 1422. Son fils Girard de Pierrefleur l’accroît en 1453, et à la même époque Pierre de Pierrefleur, clerc d’Orbe, y donne son approbation. Et en 1530 le neveu de celui-ci, Pierre de Pierrefleur, donzel de Baulmes et bourgeois d’Orbe, promet d’accomplir le tout. Ce dernier était probablement le père du chroniqueur. [retour]

118 Par dom Nicod Quinson, chapelain; Hudriod Heremite, de Baulmes, bourgeois de Genève, et Anthonia, fille de feu Pierre Fabri. Chacun des deux derniers avait consacré cent florins de capital à la fondation d’une messe hebdomadaire, et Quinson seulement cinquante livres. En 1443, le curé Jaques Bisit déclare accepter ces diverses fondations, moyennant douze livres reçues des héritiers des trois fondateurs, pour dotation, réception et acceptation des dites messes et pour l’administration du pain et de la lumière nécessaires à leur célébration. Ces sommes avaient été employées à l’achat de censes sur le pied du cinq pour cent. [retour]

119 Hallam, l’Europe au moyen âge. [retour]

120 Déjà vers le milieu du quatorzième siècle, Jaques de Chaux, sacristain de Payerne, était amodiateur de la maison soit du prieuré de Baulmes. [retour]

121 A Jean Pilliwit alias Celer. Pierre Mallet, moine de Payerne, agit alors comme procureur de l’office de la pitance. [retour]

122 Alors les frères Pierre Buellier, aumônier de Payerne, et Vuillerme d’Yverdon, moine, étaient les procureurs de ce couvent. [retour]

123 « Considerata tenuitate et depauperratione dicte ecclesie. » [retour]

124 Le couvent de Payerne était abbaye de fondation, mais avec le temps il avait perdu cette dignité, ainsi que les autres abbayes dépendantes de Cluny, la métropole seulement devant être abbaye. [retour]

125 En 1446 (8 avril), Jaques de Provana, prieur de Saint-Sulpice, était vicaire spirituel et temporel de l’abbaye de Payerne pour le pape Félix V, « qui pro suis et camere apostolice necessitatibus auctoritate sacri concilii Basileensis sibi de super concessa penes se reservavit » (Tit. de Payerne, coté n° 407). [retour]

126 Par Isabelle, la veuve de Pierre Bataillart. La même année, Anthonia, fille de feu Pierre Fabri et femme de Pierre Brisibarraz, maréchal, lègue, entre autres choses, à la confrérie du Saint-Esprit de Baulmes, en augmentation du culte divin, une vigne située à Orbe. Pierre de Pierrefleur, neveu de la testatrice, et Antoine Cosson, d’Agiez, clerc, son frère germain, sont ses héritiers. De nombreux dons étaient faits à cette confrérie du Saint-Esprit. [retour]

127 Par suite du mariage de Jeanne, fille de noble Pierre de Baulmes (voyez ci-dessus), avec Guillaume, seigneur de Colombier et Vuillerens, baillif de Vaud (Titres divers). [retour]

128 Vuillerme de Baulmes était, en 1473, seigneur d’Essert-Pittet et conseiller de Jaques de Savoie, comte de Romont (Grenus). Nous le croyons frère de l’épouse du sire de Colombier. [retour]

129 Grosses des fiefs nobles de Cossonay, par Quisard, Mandrot et Bulet. Voyez aussi Chronique de la ville de Cossonay, page 271. [retour]

130 De Sivirier, de Valleyres, de Gland, Pellis, etc. [retour]

131 « Tributis prosecutionibus et aliis usagiis fieri consuetis dicte ville Cletarum per burgenses extraneos ipsius ville. » [retour]

132 Fabri, de Riaz, Bourjat, Richard et Estarnod. [retour]

133 A la requête d’Antoine Cosson et de Jean Pellis, clercs, jurés de la cour. [retour]

134 Il est remarqué, dans une reconnaissance des droits du comte de Savoie à cause du château des Clées, faite sur les mains du commissaire Chalvin, en 1405, qu’il n’y a pas d’habitants à Six-Fontaines, en sorte que le seigneur comte n’y recueille rien (ad presens ibidem nullus moratur et sic ibi pro nunc dominus noster comes nichil percipit). [retour]

135 Les gouverneurs Richard et Verdonnet demandent acte de ces règlements; plusieurs jurés du lieu sont témoins, et l’official de lausanne appose son sceau à la date indiquée ci-dessus. [retour]

136 Pierre Migerand, Jean Chassot et Jean Guilloct (Confession, sous l’année 1463, d’Antoine Malécarius, chapelain, curé de Montcherand, relative à la fondation de quatre anniversaires à célébrer dans l’église de Saint-Pierre de Baulmes). [retour]

137 « Longina per tempora ... signo ale sancti Michaelis et una crocia in pagnis quos ibidem texunt usi fuerint, modo et forma quibus in aliis locis in quibus pagni fiunt talibus signis uti fideliter est usitatum. » [retour]

138 « Nec a certis annis citra usi fuerint. » [retour]

139 « Quod in multi forma dampnum eis cedit. » [retour]

140 Agriculteurs et prud’hommes sont ici synonymes. Les tisserands soit drapiers, c’est-à-dire les industriels, n’auraient-ils peut-être pas été envisagés comme prud’hommes? [retour]

141 Entre autres en 1422, 1432, 1450. En 1460, vente de cense faite aux recteurs du cierge des agriculteurs et à ceux du cierge des drapiers. [retour]

142 Acte signé et scellé à Genève dans la maison du protonotaire Jean de Montchenu, vicaire général de l’évêque, le 24 juin 1473. [retour]

143 Baulmes est ordinairement appelée villa. Cet endroit aurait-il eu peut-être un mur d’enceinte, des tours et des portes? Les documents n’en font aucune mention. [retour]

144 Ex nonnullis verissimilibus conjecturis. » [retour]

145 « Ipsorum emulos. » [retour]

146 « Sub nostris salvagardia, guidagio et protectione specialibus. » [retour]

147 « Penuncellos armorum nostrorum ... locis eminentibus ... apponendo. » [retour]

148 Acte daté de Genève, dans la maison de feu l’évêque de Nice et muni de la signature autographe de Jean-Louis de Savoie. [retour]

149 Jean Pellis, Pierre Pugin, Oddet de Pierrefleur et autres. [retour]

150 Verdonnet, de Riaz, Bolliet, et Jordannaz alias Bataillard. [retour]

151 « Dei virtutibus per me corporaliter tactis. » [retour]

152 « Homines probos et fideles. » [retour]

153 Les frères Jean Guilleot, André Richard et Pierre Esternod, moines; dom Vuillerme Sarre, curé. [retour]

154 En 1455 et 1457. Il était en 1432 sacristain de Payerne. On a retrouvé en dernier lieu la chapelle fondée par ce vicaire général dans l’antique église abbatiale de Payerne; très remarquable par son architecture, elle est décorée d’écussons aux armes de Greilly. [retour]

155 Barthélemy Fervilliet fait sa donation en vue de son salut, de celui de ses parents et de ceux dont il peut avoir charge. [retour]

156 Données à la confrérie par la même Jaquette Vioget (Voyez ci-dessus). [retour]

157 Oncle du célèbre François Bonnivard, prisonnier à Chillon et chroniqueur de Genève. [retour]

158 Noble Pierre Mestral, avoyer de Payerne, est l’un des témoins de cette déclaration. [retour]

159 « Motum fuit magnum jurgium ... eoquod de super memoratis condicionibus erat dubium, nec certe apparent informaciones nisi ex auditu dici. » [retour]

160 Les trois religieux du prieuré (les frères Jean Collet, Nicod Feysan et Pierre Richard) approuvent cette transaction, dans l’église du prieuré. [retour]

161 Cet affranchissement fut successif dans le pays de Vaud. Dans la baronnie de Cossonay, il eut lieu en 1574 (Présents Mém. et doc., tome V, 1re partie, page 200), [retour]

162 Nous les retrouvons dans la combourgeoisie des Clées en 1375, dans celle de Sainte-Croix en 1396, dans un passement de la cour du mestral de Baulmes en 1377, syndics de la commune et recteurs de la confrérie en 1413 et 1432, dans le plaid général sur le fort de Baulmes en 1441, conseillers jurés dans l’acte de François de Savoie en 1484, témoins et jurés dans un acte de 1463, etc. [retour]

163 La seigneurie de Baulmes était dotée de tous les droits d’une baronnie; toutefois on ne donnait guère ce titre aux seigneuries ecclésiastiques. [retour]

164 Nous avons vu que pour les plaids généraux de mai et de novembre, chaque chef de famille devait un denier. [retour]

165 La même estimation d’une journée de charrue à 3 1/2 sols existait à Romainmotier, et cette indication de la valeur comparative de l’argent ne doit pas être négligée. [retour]

166 Soit des indominures, c’est-à-dire, de ceux des biens du prieur qu’il tenait à ses mains, comme l’on disait, et qui n’étaient ainsi pas inféodés, acensés ou abergés. [retour]

167 La contenance de cette forêt était sans doute beaucoup plus considérable. En fait de bois, on n’y regardait pas de si près. [retour]

168 Sauf une petite dîme, le long du chemin de Lignyrolaz, qui appartenait au curé, ainsi que la dîme des légumes. [retour]

169 La dîme du blé se paye à la onzième gerbe et celle du vin au quinzième setier. [retour]

170 La dîme d’Orbe était ainsi d’un moindre rapport que celle de Baulmes. [retour]

171 En 1512, le couvent de Payerne avait été uni au décanat de Savoie, en sorte qu’à l’avenir le doyen serait toujours le commendataire perpétuel de cette abbaye. Toutefois l’abbé Bonnivard en conserverait l’administration, sa vie durant (Titres de Payerne, non inventoriés). [retour]

172 Vacante par la renonciation de Girard de Pierrefleur, chapelain d’Orbe. [retour]

173 Savoir: discret Pierre de Pierrefleur, les syndics de Baulmes et les consuls de la confrérie du Saint-Esprit. [retour]

174 Vraisemblablement la chapelle de Saint-Jean. Voyez la note 66. [retour]

175 Hommage de Girard de Cognay, donzel, sous l’année 1377. [retour]

176 Reconnaissance des nobles d’Alinges, en 1584. [retour]

177 On se rappelle le don fait par le donzel Vuillelme de Baulmes, à l’église de Saint-Pierre, d’un pré situé aux Tours, ainsi que la rente de 20 sols annuels que lui avait léguée Agnès de Dompierre, veuve de celui-ci. [retour]

178 Le clergé (clerus) de Baulmes se composait, en 1519, de dom Charles de Châtillon, curé; des trois moines du prieuré (Pierre Richard, Jean Brossero et Benoît Pillvuit), et d’André Richard, altariste de Sainte-Marie-Madelaine. [retour]

179 « Semitam per quam montani vadunt ad sanctum Andream. » [retour]

180 Ailleurs, dans la patrie de Vaud, ces redevances se payaient volontiers à la Saint-Michel-Archange, à la Saint-Martin d’hiver, et quelques-unes à Noël. [retour]

181 Acte du 25 février 1544, scellé du sceau de l’Etat. [retour]

182 Rénovateur des extentes de l’abbaye de Payerne et du prieuré de Baulmes. [retour]

183 « Les chasses, voleries et ayres d’oiseaulx » se comptaient parmi les droits dits royaux. [retour]

184 Nous avons quelque doute cependant sur la continuation de la tenue de ces plaids généraux à cette époque. [retour]

184bis Le 23 mars 1547, les prud’hommes reconnurent les biens de la chapelle de Sainte-Marie-Madelaine, et, entre autres, la cense de quinze sols due par Cathelin de Riaz, pour un morcel de bois sis ès Moillies, jouxte les moillies dessus Saint-André du côté de vent, l’eau de la Bouinaz (Bominaz?) d’occident, et la roche dessus Saint-Antoine de bise. Ainsi la roche de Saint-Antoine était voisine de celle de Saint-André. Pourquoi ces rochers portaient-ils les noms de ces deux saints? [retour]

185 Avec le droit de banalité et les émoluments et prérogatives compétents aux dits moulins. Cet abergement eut lien après « cries publiques, au plus offrant et dernier enchérisseur. » [retour]

186 La maintenance du four serait entièrement à la charge des abergataires. [retour]

187 Sous la cense annuelle de deux sols et sans doute aussi un prix d’entrage; mais celui-ci n’est pas connu. [retour]

188 Commissaire rénovateur des reconnaissances et droits des cures et chapelles du bailliage d’Yverdon. [retour]

189 Voyez au sujet de cette redevance, présents Mém. et doc., tome V, 2me partie, page 460 et les suivantes. [retour]

189bis Il nous semble voir une preuve de la dépréciation de l’argent dans les dix-huit deniers dus par les pauvres, c’est-à-dire par ceux qui payaient moins d’un tiers de coupe. Et d’autre part l’ancienne estimation des corvées de charrue subsistait au détriment, pensons-nous, du souverain; car certainement trois journées de charrue valaient au delà de onze sols dans la seconde moitié du seizième siècle. [retour]

190 Alix, fille de celui-ci, alors veuve du donzel Antoine de Châtillon, donna son consentement à l’investiture faite à Pierre de Gumoëns, mari de sa fille Anne. [retour]

191 A Baulmes, sept seyturées de pré tenues à ses mains et quelque terrain vacant, plus vingt coupes et demie de froment et trente-quatre sols, de cense. A Montcherant, douze coupes et un bichet et demi de froment, de cense. A Rances, un muid de froment, sur la dîme (Grosse Darbonnier). [retour]

192 Les nobles d’Alinges se firent beaucoup presser au sujet de cette reconnaissance. Le commissaire Darbonnier les fit citer juridiquement et obtint contre eux un passement qui le mit en possession de leurs biens de Baulmes, du clos situé sous le château de Saint-Martin-le-Chène et du four de Mollondin, qu’il leur demandait de reconnaître en faveur de LL. EE. Alors ils s’exécutèrent. Cependant Marguerite de Colombier, leur mère, du consentement du magnifique seigneur d’Alinges, son époux, avait reconnu ses biens de Baulmes sur les mains du commissaire Marcuard (Grosse Darbonnier). [retour]

193 Ce droit de bâtir, attaché au château, avait-il déjà été concédé par LL. EE. à l’abergataire Jaccaud, ou bien l’avait-il été plus tard au seigneur François d’Alinges? Il nous paraît peu probable que le possesseur du château en ait fait usage. [retour]

194 En témoignage de vérité, Jaccaud fait apposer à son testament le sceau du seigneur Albert Manuel, baillif d’Yverdon. Le ministre de la parole de Dieu à Baulmes, docte et savant Benoît du Meurier, est l’un des témoins de cet acte. [retour]

195 Marguerite Girard, femme de J.-J. Collet, de Baulmes, se voyant fort caduque, privée de parents et incapable de gagner quelque chose pour subvenir à ses nécessités, fit donation entre vifs, en 1674, de tous ses biens, meubles et immeubles, à l’hôpital de Baulmes (représenté par le justicier Claude Deriaz, directeur des biens et revenus de l’hôpital et des pauvres), sous condition qu’on l’entretiendrait honnêtement durant sa vie et qu’on payerait ses dettes. L’hôpital obtint sept cents florins au moyen de cette donation. [retour]

196 Cette livrance serait défalquée au dîmeur, par le receveur, sur la ferme de la dîme. [retour]

197 Si le dit seigneur mettait des chevaux sur les dits prés, chacun d’eux compterait pour deux vaches. [retour]

198 Acte du 17 avril, signé par le châtelain des Clées et scellé par le lieutenant baillival d’Yverdon, noble et prudent Henri de Treytorrens. [retour]

199 En 1583, les trois quarts du max (mas) de Six-Fontaines appartenaient a noble Jean-François Barral, secrétaire d’Yverdon; trois chefs de famille possédaient le quart restant et y demeuraient. Six-Fontaines était « assis au territoire de Baulmes » (Grosse Darbonnier). [retour]

200 Une, entre autres, au bas du « chabloz à l’ours. » [retour]

201 Le lieutenant en la justice, le gouverneur, les conseillers et le ministre de la parole de Dieu à Baulmes, Isaac du Meurier. [retour]

202 Nos documents ne nous donnent pas de lumières quant à ces fiefs. [retour]

203 Acte passé à Valleyres-sous-Rances, et muni du grand sceau de l’Etat. [retour]

204 Le grand mandat dont il est ici question avait paru en 1664. Voyez présents Mémoires, tome III, page 343. [retour]

205 Elle lui remit un mas de terre, dit aux Esserts de Prayez, pour être à clos et à record, contre dix seyturées de pré en divers lieux. [retour]

206 On nomme recordon, dans nos campagnes, le foin provenu de la troisième herbe d’un pré. [retour]

207 Cependant ni la bulle du pape Eugène, ni le diplôme de l’empereur Frédéric I, qui énumèrent les biens du monastère de Payerne, ne mentionnent le village de Montcherant (Voyez ci-dessus). [retour]

208 « Dominus noster comes habet in villagio et territorio de Moncherand bampna et clamas super extraneas personas et errantes et punitionem corporis omnium et singulorum ibidem quoquomodo deliquentium, » etc (Grosse Chalvin, année 1405). [retour]

209 Savoir, par focage, une coupe d’avoine, à la mesure des Clées, pour l’avoinerie, à Noël; un bichet de froment, au même terme, pour la gerberie et un pain valant un denier; plus un chapon, en carême (in carnis privio) (Même Grosse). [retour]

210 « In salvagardia et conductu. » [retour]

210bis Guillaume de Cossonay, prieur de Payerne, était consanguin du comte Amédée au même titre que son frère Louis de Cossonay, sire de Bercher (Voyez la note 50). [retour]

211 Ils sont nommés prud’hommes dans le passement obtenu contre eux par le prieur. Ainsi l’on pouvait être taillable et prud’homme tout à la fois. [retour]

212 Epouse de Gérard de Montfaucon, sire d’Orbe et d’Echallens (Présents Mém. et doc., tome V, 1re partie, page 205 et la suivante). [retour]

213 Arch. cant., titres du baill. d’Yverdon, coté n° 46. [retour]

214 La teneur en est insérée dans leur reconnaissance. [retour]

215 Grosse Darbonnier. [retour]

216 Ibidem. [retour]

 


 

 

 

 

 

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