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Mémoires et documents de la Société d’histoire de la Suisse romande

Edition numérique

Jean Joseph HISELY

Histoire du Comté de Gruyère

Histoire
Tome II

Détails sur quelques descendants des comtes de Gruyère en particulier sur la branche des nobles de Gruyère-aigremont

Dans MDR, 1857, tome XI, p. 542-557

© 2021 Société d’histoire de la Suisse romande

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APPENDICE

CONTENANT DES DÉTAILS SUR QUELQUES DESCENDANTS DES COMTES DE GRUYÈRE EN PARTICULIER SUR LA BRANCHE DES NOBLES DE GRUYÈRE-AIGREMONT

Pierre de Gruyère, protonotaire du siége apostolique, chanoine de Lausanne, prieur de Broc et de Rougemont, curé de Gruyère et de Vuisternens 1 était oncle bâtard du comte Michel 2 , par conséquent fils naturel du comte Jean II. Au temps de l’accession de Michel au trône de Gruyère, Dom Pierre étudiait à Paris. A cette époque il était protonotaire du siége apostolique et il avait obtenu du pape une provision qui lui conférait le bénéfice régulier de Broc pour être possédé en commende 3 . Par l’incorporation de la Haute-Gruyère au canton de Berne, Dom Pierre perdit le prieuré de Rougemont, qui fut supprimé par ordonnance du 19 décembre 1556. Aussitôt après la chute de la maison de Gruyère, Dom Pierre voulut résigner la cure de Broc en faveur d’un jeune parent. Il fit, dans cette intention, des démarches prématurées auprès du gouvernement de Fribourg 4 . Il conserva /544/ jusqu’à sa mort le prieuré de Broc, qui fut annexé au chapitre de St-Nicolas de Fribourg par décret du 18 avril 1577.

Dom Pierre, chargé d’années, résigna la cure de Gruyère en faveur de Dom Jean Hugonier 1 . Il fit son testament le 3 février 1577 2 et mourut le 11 mars de la même année 3 . Suivant Castellaz, le protonotaire aurait laissé au clergé de Gruyère, son héritier, une bibliothèque intéressante, contenant la plupart des Pères de l’Eglise, un corps de droit canon, manuscrit sur vélin, en beaux caractères gothiques, un riche calice, remarquable par le travail et par ses émaux. Cette coupe précieuse, ainsi que la croix ornée de pierreries que la tradition fait venir de la Terre-Sainte, des chapes d’une rare beauté et d’autres ornements sont conservés dans l’église paroissiale de St-Théodule à Gruyère.


Jean, bâtard de Gruyère, fils naturel du comte Jean II, avec lequel il s’était distingué à l’affaire de la Bicoque. Il avait reçu de son père quelques biens mouvants de la châtellenie de Rue 4 .

Au milieu du seizième siècle, à l’époque du désastre de son frère Michel, le bâtard de Gruyère vivait à Chardonne dans un dénûment presque absolu, grâce aux tracasseries du châtelain de Rue. Il envoya son fils porter aux seigneurs de Fribourg une lettre dans laquelle il exposait à LL. EE. « ses grandes pouvrettés et indigences. » Le châtelain de Rue /545/ avait saisi sa dîme de la dernière année; le tiers de la dîme précédente était chez un dîmier 1 , qui refusait de la rendre, hormis sept ou huit sacs. Le bâtard de Gruyère se plaignait de frais qu’on mettait à sa charge, et il réclamait ses dîmes, dont il avait besoin pour vivre avec sa famille. « Car (dit-il) il y a grand pouvretté en moy. Je suys débille des chambes. Je nay ny bled ny argent, tellement quil moy failli (m’a fallu) empronter le bled pour faire les festes passées 2 . Je doibs à beaucop de gens de largent. Si je pouvoys avoir les dites prises de disme, jaurois meilleur moyen de satisfayre aulx gens. Je nay encores point fait de masel (boucherie)... 3 . »

Il ne paraît pas que Messieurs de Fribourg aient satisfait au désir du bâtard de Gruyère ou que leur commissaire ait exécuté leurs ordres. La comtesse Madelaine intercéda auprès d’eux en sa faveur 4 . Sur la fin de l’année 5 ils ordonnèrent à leur châtelain de Rue de faire rendre au bâtard de Gruyère les dîmes qui lui appartenaient et d’exiger du receveur de Hautcrêt la main-levée du blé qu’il avait saisi, afin que le dit gentilhomme en pût disposer.

Le bâtard de Gruyère avait une fille, nommée Isabeau, comme on l’a dit 6 , et un fils dont certaines lettres récemment découvertes nous ont révélé le nom et l’état. Ce fils s’appelait Humbert. Il avait reçu les Ordres sous les auspices de Dom Pierre de Gruyère, qui s’intéressait à ce parent 7 . Le protonotaire désirait faire passer la cure de Broc à son protégé. /546/ Le Conseil de Fribourg, ayant reçu sa requête, lui répondit qu’il s’occuperait de la question qui en faisait l’objet, aussitôt que le partage de la Gruyère serait accompli 1 . — Longtemps après on trouve Humbert de Gruyère au rang des ecclésiastiques de Fribourg. On le voit à l’occasion d’un tort que lui a fait le bailli de Lausanne. Dom Humbert avait vendu à son profit et au profit de son frère ou de ses frères et de sa sœur 2 et pour acquitter les dettes de feu son père, les biens que celui-ci possédait dans la châtellenie de Corsier 3 . Le bailli de Lausanne, Péterman de Watteville, avait confisqué une partie de la somme provenant de cette vente. Humbert alla dénoncer le fait aux seigneurs de Berne 4 . Ceux-ci demandèrent des explications au bailli. M. de Watteville justifia sa conduite en disant qu’un bourgeois d’Avenches ayant voulu retirer un héritage qui lui était échu sur le territoire de Fribourg, et les magistrats de ce canton, bien que combourgeois de Berne, ayant exigé rigoureusement le droit de détraction 5 , LL. EE. de Berne lui avaient ordonné de saisir tout héritage qui, situé sur le territoire bernois, pourrait échoir à un ressortissant de Fribourg; qu’en conséquence il avait fait la saisie de trente-huit écus que l’acheteur devait encore au vendeur, qui avait perçu le reste avant que lui, le bailli, fût informé de cette vente 6 . /547/

Si cette explication suffit à Messieurs de Berne, ce que nous ignorons, elle ne justifia point aux yeux d’Humbert de Gruyère la saisie de ce qui lui appartenait. Il fit sa plainte aux seigneurs de Fribourg. Ceux-ci réclamèrent auprès des seigneurs de Berne 1 , qui leur répondirent sans délai 2 . Il est probable que cette affaire finit par s’arranger à la satisfaction des intéressés.

Isabeau de Gruyère, sœur d’Humbert, était chez Monsieur et Madame de Villarsel, qui l’avaient accueillie et élevée dans leur demeure à Romont. Un jour, le comte Michel, agissant comme chef de la maison de Gruyère, envoya au Conseil de Fribourg une dépêche portant qu’un outrage avait été fait à sa sœur et à son beau-frère de Villarsel par Antoine Maillard 3 de Romont, qui recherchait Isabeau, fille de Jean bâtard de Gruyère, placée sous leur surveillance; que cette demoiselle était promise au curial de La Sarra par son père, qui avait dit réserver l’avis du comte; qu’elle avait donné sa parole au curial, et qu’il était juste de donner à celui-ci la somme de mille écus en réparation de l’injure que lui faisait le dit Maillard, en lui ravissant la fille unique du bâtard de Gruyère. Le comte ajouta que s’il n’avait pas la certitude que les seigneurs de Fribourg infligeraient au coupable une peine sévère, il se chargerait de le châtier 4 .

Le père d’Isabeau se plaignit aussi à Messieurs de Fribourg 5 . Maillard, interpellé sur le fait qu’on lui imputait, répondit qu’il voulait épouser la jeune fille du consentement de /548/ M. et de Mme de Villarsel. Les seigneurs de Fribourg prièrent M. de Villarsel d’arranger cette affaire pur le mieux 1 .


La branche bâtarde de Gruyère-Aigremont, rameau séparé de la tige originelle, survécut plus d’un siècle à la branche qui avait été légitimée en 1433. Son chef, Antoine 2 , avait reçu de son père en apanage, soit à titre d’établissement, le château et la coseigneurie d’Aigremont, et de son frère Jean de Montsalvens le vidomnat de Vauruz et de Vuadens. Il eut aussi la coseigneurie de Prez, dans le val de Charmey, et une maison à Fribourg, dont il était bourgeois.

Antoine de Gruyère, seigneur d’Aigremont, eut deux femmes: 1° Jeanne de Saliceto, issue d’une famille lombarde qui s’était établie à Fribourg; 2° Catherine (Ruffieux).

En 1501 Antoine vendit aux seigneurs de Berne, pour 1000 florins, les droits qu’il possédait dans la seigneurie d’Aigremont, et il ne conserva que le nom de ce fief.

Cette année le comte de Gruyère lui assura une rente de 100 sous à prendre sur le fonds de la seigneurie de Corbières.

Des deux faits qui précèdent on peut conclure qu’Antoine n’était pas dans l’opulence. Le fait suivant confirme cette opinion. Le 15 octobre 1501 les seigneurs de Fribourg invitèrent Antoine à faire réparer la maison qu’il avait dans leur ville et qui était en état de décadence. Cette injonction fut répétée, le 14 novembre 1503, au fils d’Antoine, et accompagnée de la menace qu’au besoin Messieurs de Fribourg disposeraient de cet édifice 3 . /549/

Antoine, après la vente d’Aigremont, s’était retiré avec sa famille en un lieu dit Mauborget, dont il était le propriétaire. C’est là que, vieux et infirme, il fit, en 1502, son testament 1 , dont voici la substance. — Antoine désire qu’on ensevelisse son corps soit dans la chartreuse de la Part-Dieu, soit dans celle de la Val-Sainte, ou devant l’autel de la chapelle de la Vierge Marie, fondée en l’église paroissiale de Charmey, ou bien en tel endroit que l’on jugera convenable. Il lègue au lieu qui recevra sa dépouille mortelle une somme de 100 florins petit poids (valant chacun 12 sous de Lausanne), pour une messe à célébrer chaque semaine au jour anniversaire de sa mort, pour le repos de son âme et le salut de ses ancêtres. Il veut que ses fils légitimes, André et Louis, qui sont ses héritiers, soient tenus de prendre de leur héritage de quoi nourrir et vêtir convenablement et pour la vie Pierre, son fils bâtard, à la condition que celui-ci, à sa mort, leur laissera ses biens, à moins qu’il n’ait lui-même des enfants nés de légitime union. Il lègue à sa seconde femme, nommée Catherine 2 , la somme de 140 florins petit poids, payables par les héritiers du testateur, en fractions annuelles de 35 florins 3 .

Antoine de Gruyère, seigneur d’Aigremont, eut plusieurs enfants. Nous indiquerons ceux qui nous sont connus d’une manière authentique.

André, qui fut l’aîné, et qui mourut, paraît-il, en 1523, puisqu’au mois de septembre de cette année Louis de Gruyère fit avec Guillaume d’Aigremont, châtelain de Corbières, son frère bâtard, un compromis portant qu’un différend né entre /550/ eux au sujet de l’héritage de feu André de Gruyère-Aigremont, frère légitime du premier, serait soumis à l’arbitrage de Jean II, comte de Gruyère, leur seigneur et juge, et que, jusqu’à décision, les clefs de la maison du défunt seraient déposées dans un coffre de l’église de Charmey, qui contenait les franchises de la vallée de ce nom 1 .

Nous mentionnons ici un « noble André de Gruyère, aultrement de Aigremont, » qui, dans une lettre datée de Turin le 25 novembre (1541) 2 , pria les seigneurs de Berne d’intercéder en sa faveur auprès de LL. EE. de Fribourg, parce que dernièrement, le jour de St-Luc (18 octobre), il avait eu le malheur de commettre un délit à Châtel-Saint-Denys, « à son corps défendant et pour sauver sa vie. » Les magistrats de Fribourg poursuivaient (octobre 1541) l’auteur d’un homicide commis dans une seigneurie dépendante de LL. EE. 3 .

André de Gruyère, réfugié en Piémont, réclamait la protection des seigneurs de Berne parce qu’ils lui avaient confié l’office de receveur de la maison de Hautcrêt.

Le comte Michel intercéda auprès des seigneurs de Fribourg et leur demanda un sauf-conduit pour le fugitif. Il lui fut refusé 4 .

André de Gruyère, dont nous parlons, étant en 1553 (3 novembre) châtelain de Palésieux, s’opposa, comme on l’a vu 5 à l’occupation de cette seigneurie par les commissaires fribourgeois. Il mourut pu de temps après. Le 19 mars 1554 il ne vivait plus.

Veut-on connaître le mobilier de ce gentilhomme? /551/

Voici l’ « Inventayre des biens qui furent à feu noble André de Gruyère, chastellain de Pallexui (Palésieux), faict le jour 15e de febvrier 1555. »

« Premièrement an poyle de la mayson que fust au dict feu noble André de Gruyère; Une table, ensemble icelle assortissants deux bancs; deux escabeaulx; une petite cultelesse (coutelière) avec deux coulteaulx et ung peynson (poinçon) et une selle brisée; ung lict (lit) garny, réservée une coultrepoincte (courtepointe), laquelle noble Catherine, du dit feu noble relaissée, affirme estre sienne, touteffoys que audict lict reste une couverture de plusieurs colliers; un charyot, garny d’une coultre (d’un coutre), d’ung coussyn, deux lynceulx (linceuls), d’une couverture de drap, d’une coultrepoincte et d’ung aureillyer, etc. — Une arche (de arca, coffre) ferrée en laquelle sont les bagues (hardes) de la dicte noble Catherine. Item troys chandellyers de laiton. Item ung rastellyer auquel sont six pots d’estaing tant petits que gros; une aiguyère d’estaing, six escuelles à aureyllies d’estaing; huyct guadrots (giarres, jarres?) d’estaing, sept placts d’estaing, sept escuelles plactes (plates) d’estaing, sept grelots d’estaing; un certain mesnaige (ménage) de bois; ung chappeau couvert de taffetas noyr, ung chappeau de paillye. Item ung gybassyez (gibbasse, espèce de bourse, ou plutôt gibbecier pour gibecière) dans lequel sont certaines lettres avec ung petit libure (livre) et un obligé (une obligation) de dix escus, etc. »

André de Gruyère laissa une veuve, noble dame Catherine ..., et une fille nommée Perrisson ou Perrison, qui, restée veuve de Guichard Clerc, bourgeois de Corbières, et se sentant malade, fit son testament le 19 mars 1554, faisant héritier Jacques fils de feu Etienne Clerc. Elle légua 30 livres de /552/ Lausanne au clergé de la chapelle de Notre-Dame de Corbières, produisant 30 sous de cens annuel destinés à la célébration de deux messes par an. Ces 30 L. devaient être prises de 60 L. que la famille Clerc devait à la testatrice. Celle-ci léguait l’autre moitié à la confrérie du Saint-Esprit de Corbières. Perrisson donne 100 florins de Savoie, constituant sa dot, pour une messe à célébrer au grand autel le vendredi de chaque semaine. Elle lègue à la dite chapelle sa houpelande 1 neuve, de bon drap, pour en faire une chasuble, et, pour faire la croix de cet ornement, ses deux bandes de velours noir 2 , y compris la soie si les deux bandes ne suffisent pas 3 .

Louis de Gruyère, autrement dit d’Aigremont, écuyer (scutifer), second fils légitime d’Antoine, et cohéritier d’André, épousa, en 1502 4 , Guillauma de Sauvernier, fille de Jean de Sauvernier, notaire de Cossonay, ce qui motiva l’établissement à Cossonay de cette branche de la maison de Gruyère 5 . Lorsque, en 1517, le duc de Savoie, Charles III, visita le Pays de Vaud, ce fut Louis de Gruyère qui remit, le 12 novembre, à Jacques Cerjat, percepteur du don gratuit que les bonnes villes offraient à S. A., la part fournie par la ville de Cossonay, dont il était bourgeois 6 . Louis de Gruyère ne vivait plus le 15 janvier 1530.

Antoine, seigneur d’Aigremont, eut deux fils naturels, savoir: /553/

Pierre, dit bâtard de Gruyère ou bâtard d’Aigremont, qui fût maître d’hôtel du comte Jean Ier 1 . Il hérita d’Hélène de Gruyère, dame de Fonvent, la somme de 100 florins de Savoie qu’elle lui avait léguée par son testament du 12 septembre 1502 2 . Il eut un fils nommé Guillaume 3 .

Vuillerme, soit Guillaume 4 , qui n’est nommé ni dans le testament de son père ni dans celui d’Hélène de Gruyère. Il figure comme témoin avec son frère Pierre dans un acte du 24 février 1512, puis dans un autre de 1517 5 . Il est qualifié écuyer, scutifer. Il paraît en 1522 comme précepteur ou gouverneur (syndic) de la ville et de la commune de Gruyère; comme châtelain de Corbières en 1523 et 1535 (7 juillet); comme châtelain de Palésieux en 1526 (6 février) et 1534 6 . Il est dit feu Guillaume dans une charte du 8 septembre 1539. Guillaume d’Aigremont s’était établi à Vuadens. Il figure comme débiteur d’une somme de 1000 L. de Berne sur la liste des créanciers du comte Michel, qui l’avait cautionné. Il laissa un fils, Michel d’Aigremont, qui fut châtelain de Château-d’Œx en 1548. Celui-ci, endetté comme son père, devait 436 écus aux seigneurs d’Unterwalden.

Louis de Gruyère, fils d’Antoine seigneur d’Aigremont, eut de sa femme Guillauma de Sauvernier plusieurs enfants, dont nous mentionnons l’aîné: /554/

François de Gruyère, bourgeois de Cossonay 1 . Ce gentilhomme a fait connaître sa famille par son testament de l’an 1563, dont voici la teneur:

François institue vrais héritiers universels ses fils Jean, François et Pierre de Gruyère, issus de sa légitime union avec noble Claudine de Saint-Saphorin, autrement de Challon, sa deuxième femme, et Daniel de Gruyère, qu’il a eu de noble Jeanne de Pré, sa troisième femme. Si la dite dame Jeanne de Pré met au monde un enfant mâle, celui-ci sera cohéritier de ses frères par égale portion. Le testateur lègue à sa fille Françoise, issue de son premier mariage avec Antoinette 2 , fille de feu noble Laurent Asperlin, seigneur de Bavois 3 , pour sa dot et sa part de la succession la somme de 800 florins petit poids, plus six robes nuptiales, dont trois grandes et trois autres de bon drap de couleur « selon son état et à la discrétion de ses parents. » Si Jeanne de Pré donne le jour à une fille, celle-ci aura une part égale à celle de Françoise. Le testateur lègue à chacune de ses sœurs cinq sous en une fois, et les prive par là de tout droit à ses biens. Il établit tuteurs et administrateurs de ses enfants des hommes dont l’affection qu’ils portent à ceux-ci lui inspire toute confiance, à savoir nobles Aymé de Pré, de Lutry, seigneur de Corcelles, son beau-père; François de Challon, seigneur de Siviriez, son beau-frère, et Bernard Mestral de Begnins 4 ; voulant toutefois que pour le gouvernement de ses enfants les dits administrateurs et tuteurs consultent les sages et discrets Nicolas Prenleloup, Pierre /555/ Delaydessos et François Paindavoyne, bourgeois de Cossonay, ses parents et alliés. De plus, connaissant la prudence, la fidélité et la sagesse de sa femme, noble Jeanne de Pré, il veut que tant qu’elle sera veuve elle ait le gouvernement et l’administration de tous ses biens et de ses enfants, à la condition toutefois qu’elle rendra compte de son administration, quand elle en sera requise, aux tuteurs et parents susdits. Enfin François de Gruyère lègue à sa femme, en une fois, soixante écus d’or au soleil. Cet acte de dernière volonté a été fait et passé à Cossonay le neuvième jour du mois d’août de l’an mil cinq cent soixante-trois 1 .

Jean-François de Gruyère, bourgeois de Cossonay, possédait avec son frère Daniel des cens ou des rentes à Corbières et Charmey 2 . Le 30 avril 1584 on le voit héritier par indivis de son oncle maternel noble François de Challon. Il est coseigneur de Saint-Saphorin et seigneur de Siviriez soit de Sévery et figure en cette qualité dans des actes du 30 janvier, des 6 et 15 février 1594 3 . Ce gentilhomme remplit pendant quelques années (entre 1580 et 1590) l’office de châtelain de Cossonay pour LL. EE. de Berne. En 1609 il ne vivait plus. Sa première femme, qu’il épousa par contrat du 17 mai 1572, fut Renée, fille de feu François Seigneux, seigneur de Vufflens-le-Château, Denens et d’autres lieux, et bourgmestre de Lausanne, et de dame Françoise Joffrey. Il épousa en secondes noces Philiberte, fille de Jacques de Watteville, seigneur de Vilars-les-Moines, et d’Agnès de Mulinen 4 . /556/

Fidèle à notre plan, dans lequel le rameau vivant sur le tronc de l’arbre brisé au XVIe siècle occupe une place accessoire, nous ne suivrons pas la filiation des nobles de Gruyère établis à Cossonay. Il nous suffit de dire qu’Elisabeth de Gruyère, la dernière de sa race 1 , apporta en 1667, par son mariage avec Sébastien Charrière, la seigneurie de Sévery à ce gentilhomme, dont les descendants possèdent encore aujourd’hui le château de ce nom avec le domaine qui en dépend.

Daniel de Gruyère, « donzel de Cossonay, » frère du précédent, était en 1592 conseiller à Cossonay. Il habitait Senarclens, où sa femme, Elisabeth, fille de Claude Farel, frère du réformateur, avait quelques propriétés 2 . En 1598, Daniel, avec l’autorisation d’égrège Pierre Fallyetaz, notaire et châtelain de Sévery, procureur spécial à ce député par Jean-François de Gruyère, seigneur de Sévery, tuteur et curateur des biens du dit Daniel son frère, vendit en toute propriété à Vincent Dachselhofer, trésorier et membre du Petit Conseil de Berne, au nom et au profit de LL. EE., et pour la somme de 350 florins petit poids, une pièce de terre sise sur le mont de Lutry, au lieu dit de Savigny 3 .

La ligne directe de Louis de Gruyère, fils d’Antoine seigneur d’Aigremont, conserva une position assez élevée en s’alliant à des familles notables, savoir à celles d’Asperlin, de Saint-Saphorin ou de Challon, de Pré, de Watteville, de Seigneux, de Pesme, de Joffrey, de Charrière. Les autres Gruyère se fondirent dans la bourgeoisie.

La famille bernoise de Greyerz, qui a pour armoiries la /557/ Grue d’argent sur champ de gueules, descend apparemment de Nicolas de Gruyère, bourgeois de Berne 1 . Elle se glorifie d’une origine qui remonterait à Jean de Gruyère 2 , que sa bravoure au combat de la Schosshalde 3 fit surnommer Walo, c’est-à-dire le Vaillant.


NOTES:

Note 1, page 543: Ch. du 15 mai 1550. [retour]

Note 2, page 543: Ch. du 21 juillet 1554. [retour]

Note 3, page 543: Répertoire de M. Daguet, 9 août 1540. [retour]

Note 4, page 543: Voir p. 545 et suivante. [retour]

Note 1, page 544: En 1575, dit Castellaz, qui cite le cartulaire de la paroisse de Gruyère. Si cette indication est exacte, il faut que Dom Pierre ait célébré à la place du curé de Gruyère le service funèbre en mémoire du comte Michel. [retour]

Note 2, page 544: Castellaz. [retour]

Note 3, page 544: Id. et le Répertoire de M. Daguet, note tirée du protocole du Conseil de Fribourg. [retour]

Note 4, page 544: Voir p. 343. [retour]

Note 1, page 545: « dimeur. » [retour]

Note 2, page 545: de Noël. [retour]

Note 3, page 545: « De Chardonnaz ce XVIIIe de janvier 1554. Jehan b(âtard) de Gruyère. » [retour]

Note 4, page 545: Lettres de Madelaine de Miolans des 3 et 4 juin 1554. [retour]

Note 5, page 545: Ordre du 12 décembre 1554. Répertoire de M. Daguet. [retour]

Note 6, page 545: p. 343. [retour]

Note 7, page 545: « Vetter. » [retour]

Note 1, page 546: Lettre du 21 février 1555. [retour]

Note 2, page 546: « Geschwister. » [retour]

Note 3, page 546: Un document dit à Corsier, un autre à Corseau. [retour]

Note 4, page 546: Le 29 décembre (1569). [retour]

Note 5, page 546: « den Abzug aller Strenge nach abgefordert. » Le droit de détraction était un droit en vertu duquel le souverain (dans le cas actuel le Gouvernement de Fribourg) distrayait, à son profit, une certaine partie des successions qu’il permettait aux étrangers (ici à un bourgeois d’Avenches) de venir recueillir dans ses Etats. Ce droit a été confondu quelquefois avec le droit d’aubaine, qui était encore plus rigoureux. [retour]

Note 6, page 546: Lettre autographe de Peterman de Watteville aux seigneurs de Berne, du 9 janvier 1570. [retour]

Note 1, page 547: Lettre du Conseil de Fribourg à celui de Berne, du 19 janvier 1570. [retour]

Note 2, page 547: Le 25 janvier. Nous ignorons la teneur de cette lettre. [retour]

Note 3, page 547: Maliard ou Maillard jouissait autrefois de la confiance du comte Michel. Voy. p. 368. [retour]

Note 4, page 547: Lettre du comte Michel dans l’Histoire inédite de la Gruyère, par Combaz. [retour]

Note 5, page 547: Lettre du 12 mai 1553. Répertoire de M. Daguet. [retour]

Note 1, page 548: Lettre du 20 mai. Ibid. [retour]

Note 2, page 548: T. Ier, p. 475 et suivante; t. II, p. 242. [retour]

Note 3, page 548: Répertoire de M. Daguet, d’après lequel Antoine aurait eu deux maisons à Fribourg, l’une dans le haut, l’autre dans le bas de la ville. [retour]

Note 1, page 549: « in malo borgeto, ipsius testatoris. » [retour]

Note 2, page 549: « Katherine uxori mee. » [retour]

Note 3, page 549: Testament original d’Antoine, « dominus Acrimontis, » scellé par l’official de Lausanne le 18 mai 1502. Communiqué par M. le colonel Daval de Joffrey. [retour]

Note 1, page 550: Note communiquée par M. Louis de Charrière. [retour]

Note 2, page 550: « De Thuryn le XXVe jour de novembre. » Signé: Andry de Gruyère. [retour]

Note 3, page 550: Répertoire de M. Daguet. [retour]

Note 4, page 550: Répertoire de M. Daguet. [retour]

Note 5, page 550: p. 481. [retour]

Note 1, page 552: « mon aupillande. » [retour]

Note 2, page 552: « bendes de vellu noir. » On disait aussi velluau ou velluyau pour velours. [retour]

Note 3, page 552: « Donné le 19 du mois de mars l’an prins (pris) à la nativité de notre Seigneur courant 1554. » [retour]

Note 4, page 552: Le contrat de mariage est du 18 décembre 1502. (Communication de M. Louis de Charrière.) [retour]

Note 5, page 552: Id., dans les Mémoires et Documents, t. VIII, p. 75, note 161. [retour]

Note 6, page 552: Idem, ibid. t. V, 2e partie, p. 112 et note 529. Louis de Gruyère paraît encore en 1519. Ibid. , t. V, 1re partie, p. 193, note 671. [retour]

Note 1, page 553: Lettre non datée du comte Jean Ier au Conseil de Fribourg. [retour]

Note 2, page 553: Ci-dessus, p. 190. [retour]

Note 3, page 553: « Guillelmo filio nobilis viri Petri bastardi de Grueria. » Ch. du 24 février 1512. Il est encore témoin en 1517. [retour]

Note 4, page 553: « Vulliermo bastardo filio quondam spectabilis domini Anthonii de Grueria, domini Agrimontis. » Ibid. [retour]

Note 5, page 553: Répertoire de M. Daguet. [retour]

Note 6, page 553: Il est nommé tantôt Wuyllem, tantôt Willelmus, Vuillelm ou Vullez, Vuillant et Guillaume d’Aigremont. [retour]

Note 1, page 554: Il paraît en 1543 dans les Mémoires et Documents, t. III, p. 401. [retour]

Note 2, page 554: « Anthoine. » [retour]

Note 3, page 554: « de Bayoes; » Baoies dans le Cartulaire de Romainmôtier, Mém. et Doc. , t. III, p. 568. [retour]

Note 4, page 554: « bernard mestraux de bignin. » [retour]

Note 1, page 555: Le testament original de François de Gruyère nous a été communiqué par M. le colonel Daval de Joffrey. [retour]

Note 2, page 555: Manuscrit Bourquenoud. [retour]

Note 3, page 555: Grenus, Documents relatifs à l’Histoire du Pays de Vaud, p. 350 et suivante. [retour]

Note 4, page 555: Communication de M. Louis de Charrière. [retour]

Note 1, page 556: Elisabeth de Gruyère mourut le 17 août 1672. Id. [retour]

Note 2, page 556: Communication de M. Louis de Charrière. [retour]

Note 3, page 556: Ch. du 27 février 1598 de la nativité de N. S. [retour]

Note 1, page 557: Voir au t. Ier. p. 251, 476 et suivante. [retour]

Note 2, page 557: Geschichtforscher, t. XIII, p. 563 et suiv. [retour]

Note 3, page 557: T. Ier, p. 120 et suivante et la note 2. [retour]


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