Mémoires et Documents publiés par la Société d’histoire de la Suisse romande.
Tome X
Histoire du Comté de Gruyère
précédée d’une introduction
par J.-J. Hisely
Histoire du Comté de Gruyère
Composée sur des documents originaux
Histoire
Tome 1er
Georges Bridel, éditeur à Lausanne 1855
/VII/
AVANT-PROPOS.
Voici enfin le tome premier de l’Histoire du comté de Gruyère. L’abondance et la variété des documents nous ont engagé à élargir le cadre que nous nous étions d’abord tracé. Au lieu d’un volume, le public qui s’intéresse à ce travail en aura deux. Nous espérons qu’il ne s’en plaindra pas trop. Il ne s’agissait pas pour l’auteur de faire un gros livre, mais de communiquer aux amis de l’histoire nationale le fruit de longues et patientes recherches, de présenter sous son véritable jour l’histoire du comté de Gruyère, et d’y rattacher les incidents qui lui ont paru propres à l’éclairer et à répandre en même temps de la lumière sur le passé d’autres contrées de la Suisse; en un mot, de rédiger une histoire détaillée et consciencieuse qui eût tous les caractères d’authenticité que la science historique exige aujourd’hui.
A cet effet, l’auteur a puisé aux sources officielles. Les archives de trois cantons et divers autres dépôts de chartes, soit publics soit privés, lui ont fourni les matériaux nécessaires pour la composition de cet ouvrage. Les gouvernements de Vaud et de Fribourg, ainsi que Messieurs les archivistes Baron et Daguet, ont facilité ses recherches avec une bienveillance qui /VIII/ mérite toute sa gratitude. Le Conseil d’Etat du canton de Berne eût à coup sûr accueilli ses importunités avec la même bonté, si M. de Sturler, chancelier d’Etat, ne les eût prévenues en l’aidant de ses lumières et en lui communiquant avec une obligeance singulière un grand nombre de pièces d’un véritable intérêt.
Il est encore un nom que l’auteur se plaît à citer, c’est le nom de M. Gremaud, curé desservant à Echarlens, qui lui a offert avec le plus louable empressement les bonnes copies qu’il avait faites sur des actes originaux relatifs à la Gruyère, et diverses notes très utiles, extraites d’obituaires et d’autres registres.
Que d’autres amis de l’histoire qui nous ont fait des communications, et dont les noms paraissent dans le cours de notre ouvrage, agréent ici le tribut de notre reconnaissance.
Le comté de Gruyère, né des débris de l’empire de Charlemagne, au cœur des Alpes, qui le ceignaient comme d’une couronne, a eu plus de cinq siècles d’existence. La maison souveraine de ce petit Etat, apparentée à d’autres dynasties et aux plus nobles familles, était devenue, par ses alliances, comme un centre autour duquel se groupaient les chefs d’illustres maisons de la Suisse, de la Bourgogne, de la Savoie, de la Bresse et du Dauphiné. Outre une longue suite de princes, dont la plupart ont acquis de la célébrité, cette maison souveraine a fourni des prélats, des hommes de guerre, des magistrats. Pendant tout le moyen âge on voit briller son nom dans les chartes et sur d’autres monuments. Les deux peuples aux destinées desquels /IX/ les comtes de Gruyère ont présidé, peuples différents d’origine, de langage, de mœurs, mais unis par une foi commune, par des intérêts communs, par la même tendance vers la liberté, ces deux races, disons-nous, jouent un rôle considérable dans les annales du comté de Gruyère. Il ne faut donc pas s’étonner de la richesse des matériaux dont l’auteur peut disposer pour son travail. Ne voulant écrire et juger que sur pièces originales et authentiques, il n’a employé qu’avec réserve des témoignages recueillis de seconde main. Il a retranché divers faits qui ne lui paraissaient pas suffisamment avérés, ou qui offraient peu d’intérêt. Afin de ne pas grossir son livre outre mesure, il a passé sous silence la plupart des nombreuses erreurs de ses devanciers. Sans rejeter absolument les traditions, il ne les a écoutées qu’avec une certaine défiance, parce que les traditions cachent et altèrent la vérité. Il voulait substituer l’histoire à la fable, la vérité à la fiction.
Aux chartes gruériennes que l’auteur a recueillies depuis 1845, il faut ajouter quelques centaines de lettres des derniers comtes de Gruyère, de plusieurs membres de leur famille, et d’autres personnages marquants avec lesquels ils eurent des relations. Outre la valeur extrinsèque que leur donnent les noms de leurs auteurs, ces lettres offrent un intérêt incontestable au point de vue historique.
Notre collection de documents est assurément une des plus vastes, des plus complètes et des plus intéressantes que l’on puisse citer. Elle contient non-seulement l’histoire des comtes et du comté de Gruyère depuis l’origine de la féodalité jusqu’au milieu du seizième /X/ siècle, mais encore divers renseignements sur d’autres familles et d’autres contrées, et, de plus, une foule de détails concernant le droit féodal, les usages, les coutumes, les institutions politiques et religieuses du moyen âge.
Des circonstances imprévues ont fait ajourner la publication du recueil de documents originaux où nous puisons l’histoire du comté de Gruyère. Nous espérons que les nombreux amis des études historiques ne seront pas privés de ce riche trésor.
Lausanne, le 6 juillet 1855.
J.-J. H.