Mémoires et Documents publiés par la Société d’histoire de la Suisse romande.
Tome IX
Histoire du Comté de Gruyère
précédée d’une introduction et suivie d’un cartulaire
par J.-J. Hisely
Introduction
Lausanne Libraire de Georges Bridel, éditeur 1851
Introduction à l’histoire du Comté de Gruyère servant à l’intelligence des chartes relatives à cette contrée, avec carte, répertoire et table des matières.
« J’estime qu’il est convenable à l’auteur d’une histoire de traiter les matières à fond, de faire mention de toutes choses, et de s’enquérir par le menu. »
MACCAB. II. 2, 31.
/VII/
AVANT-PROPOS.
Des hommes qui étaient assez bien informés des antiquités de la Gruyère pour pressentir tout l’intérêt que peut offrir un travail approfondi sur cette matière, ont vivement regretté que personne n’eût écrit l’histoire détaillée des rois pasteurs qui régnèrent pendant plusieurs siècles sur les bords de la Sarine 1.
Il existait, à la vérité, depuis le milieu du XVIIme siècle, plusieurs essais d’annales et de généalogies historiques des comtes de Gruyère, mais presque tous étaient inédits, et même l’Histoire du pays de /VIII/ Gessenay, par Jean de Muller, écrite en 1779, ne parut que beaucoup plus tard 1.
D’autres essais ont succédé aux premiers. Quoique plus complets, ce ne sont guère que de simples esquisses. En général, les historiens de la Gruyère ont laissé de grandes lacunes à combler. Tous, à l’exception de Muller, sont tombés dans l’erreur de prendre les témoignages historiques, les traditions et les légendes pêle-mêle, sans discernement. L’absence de critique est le défaut radical de ces essais.
De nos jours, un ancien militaire et magistrat, connu par divers travaux historiques fort estimés, feu M. Em. de Rodt, a réalisé un vœu qui fut souvent exprimé, en publiant une histoire détaillée des comtes de Gruyère 2. Cet ouvrage, pour la composition duquel l’auteur a eu à sa disposition plus de matériaux que tous ses devanciers, et qui fait connaître les destinées des sires de Gruyère et de leur petit empire, est un travail qui peut ôter à d’autres l’envie d’écrire l’histoire de cette illustre maison.
Bien que j’eusse déjà rassemblé beaucoup de chartes lorsque parut l’ouvrage de M. de Rodt, j’hésitai à continuer les recherches que j’avais commencées. Ce savant, informé de mon indécision et du plan que je m’étais d’abord tracé, me fit observer que nous avions /IX/ choisi deux points de vue fort différents, puisqu’il écrivait l’histoire spéciale de la maison de Gruyère, tandis que je m’étais proposé de faire connaître avant tout les origines et les institutions du comté de ce nom. M. de Rodt me pressa de la manière la plus obligeante de persister dans ma première résolution. Il m’engagea même, en quelque sorte, envers le public, en lui annonçant que j’avais le dessein de publier une histoire diplomatique du pays de Gruyère 1.
L’histoire de ce pays est presque tout entière dans les archives. Cette circonstance a nécessité des investigations qui ont eu pour résultat le recueil d’un nombre considérable de titres, copies de pièces la plupart originales, les autres authentiques.
C’est à l’aide de ces documents, si patiemment rassemblés au milieu d’autres occupations sérieuses, que j’ai composé cet ouvrage. Lors même que, par suite de circonstances imprévues, la publication de l’histoire du comté de Gruyère devrait être différée, après l’impression de ce premier travail, qui de sa nature est un ouvrage spécial et forme un tout, la Société romande n’en aurait pas moins rendu un service essentiel à l’étude de l’histoire d’une des contrées les plus intéressantes de la Suisse, en publiant ce volume, fruit de recherches assidues, consciencieuses et désintéressées.
La carte qui l’accompagne, dessinée par M. A. de Mandrot, à qui nous rendons un hommage public de reconnaissance, répond à la division civile et militaire /X/ du comté de Gruyère. Les limites des bannières et des châtellenies y sont tracées d’après les documents.

L’auteur de ce livre pense qu’avant de le livrer à l’impression, il eût mieux valu d’abord apprécier les chartes, les coordonner et les éditer. Son Introduction y aurait gagné sous plus d’un rapport. Cette méthode, adoptée, comme la plus rationnelle, par M. Guérard, a des avantages que la Société d’histoire romande ne méconnaît point, mais auxquels elle a dû renoncer pour des motifs qui ne sauraient intéresser le public. Le défaut d’un cartulaire imprimé auquel l’auteur de ces prolégomènes eût pu renvoyer le lecteur, lui a imposé l’obligation de citer des textes originaux toutes les fois qu’il l’a jugé nécessaire pour établir un fait qui demandait à être appuyé sur quelque preuve positive.
En revanche il a été sobre de réflexions. Constater les faits, les exposer dans leur jour et laisser au lecteur le soin de les apprécier, telle est la règle qu’il a presque constamment suivie.
Les encouragements, les communications et les secours ne lui ont pas fait défaut. Dans ses courses scientifiques il a trouvé partout un bienveillant accueil, et, comme à Lausanne, le plus grand empressement à lui faciliter l’étude des sources. Que les personnes qui ont secondé cette œuvre avec dévouement, reçoivent ici l’expression de sa gratitude la plus vive et la plus sincère.
Lausanne, juin 1851.
J.-J. H.