RECHERCHES SUR LE PRIEURÉ DE St-PIERRE ET DE St-PAUL, DE COSSONAY
par M. Louis de Charrière
Le prieuré de St-Pierre et de St-Paul de Cossonay devait son existence, on n’en saurait douter, aux anciens seigneurs de l’endroit 1 . Nul document ne nous fait connaître l’époque de sa fondation que nous estimons devoir remonter à la première moitié du 12me siècle, temps de ferveur religieuse qui donna naissance à plusieurs monastères dans la patrie de Vaud 2 . En effet, le prieuré de Cossonay n’existait certainement pas encore en 1096, alors que le sire Uldric donna l’église de Cossonay, avec tous ses revenus, au couvent de Romainmotier, puisque cette /24/ église devint la sienne. Mais comme, d’un autre côté, une bulle du pape Innocent II en faveur du monastère romain, de l’année 1139, nous apprend quelles églises étaient alors la propriété de ce monastère et que celle de Cossonay n’y est pas mentionnée, nous devons en inférer qu’elle ne lui appartenait plus et que le prieuré de Cossonay avait été fondé dans l’intervalle des deux dates. Sa fondation pourrait ainsi être attribuée au sire Humbert (I) de Cossonay. Une transaction eut lieu sans doute alors entre le fondateur et le monastère romain pour la cession de l’église au nouveau prieuré, et l’on peut croire que cette remise ne fut pas gratuite 3 . On sait que les saints apôtres Pierre et Paul étaient les patrons du couvent de Romainmotier. C’est sans doute la raison pour laquelle l’église de Cossonay, puis le prieuré, portèrent le nom de ces deux apôtres. Volontiers on les désigna l’une et l’autre sous celui de St.-Paul seulement.
Notre prieuré, de l’ordre de St.-Bénoît, fut placé dans la dépendance de celui de Lutry 4 , soumis lui-même au /25/ célèbre monastère de Savigny en Lyonnais. Il eut été plus naturel, semble-t-il, qu’il eût dépendu de celui de Romainmotier. Toutefois le prieuré de St.-Martin de Lutry, fondé en 1025 par un pieux seigneur du pays nommé Anselme 5 , était un couvent riche et important. L’empereur Henri IV l’avait rendu, en 1087, à l’abbaye de Savigny, à laquelle le fondateur l’avait remis 6 . Ainsi ce prieuré et celui de Cossonay qui en dépendait, échappaient en partie à l’autorité de l’évêque de Lausanne, quoique situés dans son diocèse. Néanmoins la cure de Cossonay était soumise à cette autorité.
L’église de Cossonay ayant fait partie de la dotation de notre prieuré, il jouissait des biens et des revenus de cette église et le prieur était le curé primitif 7 de l’endroit. Toutefois un vicaire perpétuel, qui porta longtemps le titre modeste de chapelain, remplissait les fonctions de curé. Le /26/ prieur avait la collation de ce bénéfice 8 . Pierre, chapelain de Cossonay, fut témoin, en 1202, d’une laudation de Jean, sire de Cossonay et de Prangins 9 . Et le cartulaire de l’église de Lausanne mentionne, en 1240, Reymond, chapelain de Cossonay (à l’occasion de l’élection du chantre Jean de Cossonay, au siége épiscopal de Lausanne). Une ordonnance, rendue, en 1261, par Guillaume, prieur de Lutry (et son couvent), en présence et du consentement de Jean (de Cossonay), évêque de Lausanne, fixa les avantages et les revenus que le curé de Cossonay devait percevoir à raison de sa chapellenie dans l’église de cet endroit. Cette part consistait dans son entretien quotidien à la table du prieur; la moitié de la moisson 10 , livrée annuellement par les paroissiens aux ministres de l’église; le tiers des aumônes des biens-meubles (rerum mobilium), données pour les trépassés; le denier du pain bénit avec le cierge; le tiers des corvées de charrue; quatre poses (jugera) de terre, franches de dixme et de terrage 11 , dans chacune des fins (finibus) 12 de /27/ Cossonay; le tiers des repas (refectionum), appelés ressats, offerts annuellement aux prêtres; et le denier donné par les malades après la communion 13 . Le curé de Cossonay se nommait alors maître Humbert. Comme les revenus qui lui furent assignés procédaient du prieuré, les curés soit vicaires perpétuels, ses successeurs, en passèrent reconnaissance en faveur de celui-ci, à diverses époques, ainsi que des autres avantages qui leur furent concédés postérieurement 14 . La reconnaissance du curé Aubert, de l’année 1280, contient, outre la spécification des avantages auxquels il a droit à raison de sa cure soit chapellenie, celle des autres revenus de l’église auxquels il déclare n’en avoir aucun, savoir: les aumônes perpétuelles et les bénéfices faits pour les trépassés, vulgairement appelés preveraz; les deux tiers des aumônes des biens-meubles; les deux tiers des corvées de charrue; les deniers des confessions, des oblations et des quêtes; ceux donnés pour les enfants décédés, les baptêmes, les noces et les compérages; et les deniers, vulgairement nommés trentaners 15 , qui se posent sur les corps des morts. /28/
Le donzel Jean, fils du feu chevalier Rodolphe de Sinarclens, tenait, du prieuré de Cossonay, la dixme des légumes 16 du village dont il portait le nom. Il lui en passa reconnaissance, en 1279 (mars), sous la cense annuelle d’un muid de blé, moitié froment et moitié avoine, payable à la St.-Michel. La confession du donzel Jean porte encore sur les biens de deux abergements 17 , situés au territoire de Senarclens, consistant en terres, prés, osches, chesaux et autres choses quelconques, sous la cense annuelle de quatre sols lausannois, payable à Noël, ainsi que sur une osche, au même village, sous celle de deux des mêmes sols 18 . Ces divers biens étaient tenus du prieuré en emphytéose perpétuelle.
Les sires de Cossonay avaient donné à notre prieuré, en aumône pure et perpétuelle, leur dixme de Chiblie 19 , à raison de quoi le prieur était tenu de donner annuellement un repas, dans le prieuré, à huit prêtres et à autant de clercs, le soir de la vigile de l’octave de la fête de St.-Martin en hiver. Jordane, dame de Cossonay, et Jean, son fils, confirmèrent cette donation, en 1282 (2 nov.), et mirent le prieuré en possession de cette dixme, sous réserve de l’obligation du repas, auquel dame Jordane et ses successeurs enverraient ces prêtres et ces clercs 20 . /29/
Peu d’années après, en 1286, frère Jaques (Jacobus), prieur de Cossonay, acquit, en franc-alleu, pour son prieuré, au prix de dix-huit livres lausannoises, les droits de Girard, fils du donzel Pierre de Conay, aux dixmes du village de Disy, et spécialement la sixième partie de ces dixmes 21 . Fréquemment conférées aux menses des églises, les dixmes n’étaient cependant pas la propriété exclusive des ministres des autels, et une grande partie d’entr’elles se trouvait dans les mains des laïques. Les maisons religieuses en recherchaient la possession. La grande dixme de Cossonay appartenait à notre prieuré, probablement qu’elle faisait partie de la dotation primitive de l’église.
Le prieuré de Cossonay payait chaque année à celui de Lutry, son supérieur, une redevance ou pension considérable en grains, soit en signe de sa dépendance, soit plutôt à raison du droit de patronage ou personnage 22 que ce dernier exerçait à son égard. Le prieur Pierre de Rougemont confessa, en 1301, au nom de son couvent, devoir payer annuellement à celui de Lutry vingt-quatre muids, moitié froment et moitié avoine 23 . Nous verrons cette pension augmenter avec le temps. Le prieuré de Lutry, de son côté, était tenu à divers paiements à l’abbaye de Savigny, dont il dépendait 24 . /30/ Les sires de Cossonay avaient fondé jadis un hôpital dans le chef-lieu de leur seigneurie. Un de leurs descendants, le sire Louis (I), le donna, en 1311, avec tous ses biens, au prieuré de Cossonay. Le frère Pierre de Rougemont, alors prieur, le reçut au nom de son couvent et de celui de Lutry. Le sire Louis réserva les droits de l’évêque diocésain, ceux du curé de Cossonay, et, pour lui-même, ceux de seigneurie. Le prieur, de son côté, prit l’engagement d’édifier, à ses propres dépens, une chapelle dans l’hôpital et d’établir un cimetière consacré, de construire une maison convenable pour y exercer l’hospitalité accoutumée, d’y recevoir, visiter et récréer les pauvres comme par le passé et mieux encore. Il promit en outre d’avoir deux moines, en sus du nombre ordinaire, pour le service de la chapelle et du cimetière. Ces moines logeraient au prieuré et y seraient nourris. Si, après six années, le prieur n’avait pas rempli ses engagements, la donation de l’hôpital serait annullée 25 .
Dix ans plus tard (en 1321), le même sire Louis de Cossonay considérant que l’obligation d’entretenir un moine 26 pour le service de l’hôpital était onéreuse au prieuré, accorda au prieur Pierre de Rougemont la faculté, bornée néanmoins à la vie de celui-ci, de le remplacer par un chapelain séculier /31/ qu’il instituerait et destituerait à volonté. Les autres clauses de la donation ne devaient pas subir de changement 27 .
Soit que la possession de l’hôpital St.-Antoine (c’est le nom de celui de Cossonay) procurât peu d’avantages au prieuré, soit que l’accomplissement des conditions mises par le sire de Cossonay à sa donation lui rendît celle-ci onéreuse, notre prieuré ne tarda pas à céder cet hôpital à la communauté de Cossonay. Mais cette cession, dont on ignore l’époque et les conditions, fut postérieure à la transaction suivante: En 1340, le prieur de Cossonay concède à Guillaume Foltoz, d’Apples, et à sa femme Brusette, leur domicile viager dans l’hôpital de Cossonay, ainsi que la jouissance viagère d’un pré, d’une osche et d’un jardin contigus à cet hôpital, de trois poses de terre situées au territoire de Cossonay (une pose en la Jonchière et deux en Aspar), d’une coupe (annuelle? ) de froment qui se percevait au moulin de Cossonay, de langue et portion de sel que l’hôpital percevait chaque jeudi (jour de marché) dans la ville de Cossonay, et de leur affouage dans les forêts du seigneur du lieu. En retour de ces avantages, Foltoz et sa femme exerceraient l’hospitalité envers les pauvres, ils entretiendraient l’hôpital et sa chapelle, ils répareraient les lits et les garniraient de douze linceuils au moins dans l’espace d’une année, ils garderaient fidèlement les biens et effets de l’hôpital et remettraient au prieur les oblations et les aumônes 28 ; ils soigneraient le bétail, la volaille et tout /32/ ce que le prieur leur remettrait en garde, et enfin ils travailleraient pour le prieuré. Les ustensiles, lits et effets, apportés par les jugaux Foltoz, demeureraient à l’hôpital 29 . Cette convention nous offre l’établissement d’un hospitalier à vie et des détails de mœurs de quelque intérêt.
En 1314, le prieur Pierre de Rougemont acquit, au nom de son prieuré, de Besançon Magerat, bourgeois de Cossonay, fils de feu Pierre, dit Baul, une vigne située au territoire de Cossonay, pour le prix de cent et dix sols lausannois. Le sire Louis de Cossonay lauda cette acquisition 30 .
Les dismes novalles, dans la paroisse de Cossonay, et celle des nascents soit du bétail naissant donnèrent lieu à une contestation entre le prieur Pierre de Rougemont et le curé. L’official de Lausanne, arbitre choisi par les parties du consentement de Simon, humble prieur de Lutry, la termina, en 1318, et décida que le prieur et le curé partageraient ces dixmes par égales portions, sauf les novalles du territoire de Cossonay proprement dit, dans certaines limites 31 , lesquelles resteraient au prieur qui les avait perçues jusqu’alors 32 . /33/
Le village de Disy faisait partie de la paroisse de Cossonay. Se fondant sur le droit et l’usage, le prieur Pierre (de Rougemont) et le curé de Cossonay prétendaient, à raison de la cure, percevoir, comme novalles, les dixmes des terres appelées de Bioley appartenant au donzel Henri, fils du feu chevalier Guillaume de Disy, et celles des terres appelées de Revergier appartenant au donzel Etienne, fils du feu chevalier Henri de Disy, situées les unes et les autres au territoire de Disy. Des compositeurs amiables appaisèrent les difficultés qui résultèrent de ces prétentions, et l’on convint que les dixmes de ces terres nouvellement défrichées 33 resteraient aux possesseurs de celles-ci, moyennant que le donzel Henri payât annuellement et perpétuellement dix-huit coupes de blé (moitié froment et moitié avoine) au prieur et au curé (à chacun d’eux la moitié) pour les terres de Bioley, et le donzel Etienne six coupes pour celles de Revergier 34 . Ces conventions, qui nous prouvent qu’il s’opérait alors des défrichements de quelqu’importance au territoire de Disy, eurent lieu en 1320 et 1323, au mois de janvier 35 .
Il a été parlé précédemment de reconnaissances passées par les curés de Cossonay, en faveur du prieuré, pour les /34/ revenus de leur cure. Le prieur Pierre de Rougemont en passa une, de son côté, en 1323, en faveur du curé Uldric Pacot, dans laquelle il spécifia les droits, possessions et revenus dont les curés de Cossonay devaient jouir 36 . Cette confession, qui corrobora la décision arbitrale de l’official de Lausanne, ci-devant mentionnée, concernant les dixmes novalles et celle des nascents, se fit du consentement du prieur de Lutry, seigneur de celui de Cossonay 37 .
La même année (1323, avril), notre prieur, toujours avec l’approbation de celui de Lutry, acensa au curé Uldric (Pacot) les revenus suivants, qui procédaient de la cure, mais dont les curés de Cossonay n’avaient pas eu encore la jouissance: Les deniers donnés pour les baptisés (pro batizatis); ceux de la réconciliation à Cossonay seulement; celui qui se donne à la Chaux pour le même objet; douze deniers de chaque presbytérée pledeyz 38 ; deux parts des confessions des avents du carême; les quatre deniers qui se donnent pour les enfants décédés; ceux qui se livrent pour les mariages, excepté les oblations des époux dans la messe; six deniers de chaque trentaner au lieu de quatre que le curé percevait jusqu’alors; le denier de l’extrême onction; les /35/ deniers des absolutions, les oblations de la messe étant faites; la moitié de tout ce qui se donne pour les quêtes tant au prieur qu’au curé; le denier de la visite des femmes en couches; et enfin celui de la bénédiction du lit des époux 39 . Cette remise eut lieu sous l’entrage de dix livres, bonne monnaie, et la cense annuelle de onze sols, payable à Pâques. Selon une des dispositions de ce contrat, le prieur paierait le tiers des frais qu’entraînerait un coadjuteur du curé, si celui-ci en avait besoin pour recevoir les confessions 40 .
Les paroissiens de Cossonay, on vient de le voir, payaient à l’église de nombreuses redevances que l’usage avait consacrées. Ils étaient peut-être, à cet égard, plus chargés que d’autres, car on trouvait des différences d’une localité à l’autre. Ces redevances donnèrent lieu, avec d’autres causes, à une grave mésintelligence entre le prieur Pierre de Rougemont qui agissait au nom du prieuré et de la cure, et les paroissiens. Les parties donnèrent les mains à ce que Simon, humble prieur de Lutry et le sire Louis (I) de Cossonay ramenassent la paix au moyen d’une transaction où nous lisons les dispositions suivantes, intéressantes par le jour qu’elles jettent sur les pratiques de l’église à cette époque et les charges en résultant pour les paroissiens de Cossonay:
Le prieur replacera le cartulaire (de l’église) où sont /36/ inscrites les aumônes perpétuelles, anciennes et modernes, dans le missel et l’y annexera, en sorte que l’on célèbre chaque dimanche les anniversaires de la semaine 41 . Lorsque quelqu’un donnera, le jour d’un anniversaire, de l’argent ou d’autres choses, pour la célébration de messes obligatoires ou d’autres offices des morts, on distribuera ce qui aura été donné selon la volonté du donnateur; s’il se trouve de l’excédent, le prieur le distribuera aux clercs présents, en sorte que le prieur, les moines et le curé, fonctionnant dans cet anniversaire, en reçoivent leur part. Deux parts des trentaners (tricennariorum) appartiendront au prieur et au curé, et l’autre part sera pour les moines, prêtres et clercs, fonctionnant continuellement dans l’église. Chaque paroissien est tenu de faire son aumône, et le prieur et le curé devront s’en contenter. Si quelqu’un décède sans avoir rempli cette obligation, ses héritiers y suppléeront. Les parents feront les aumônes pour leurs enfants ayant l’âge requis, à moins que ces enfants ne les fassent avec leur approbation. Si quelqu’un fait des presbytérées, il n’y recevra obligatoirement que le prieur et les moines, prêtres et clercs, qui vivent à sa table 42 . Chacun, s’il en a les moyens, fera les presbytérées accoutumées; s’il ne le peut pas, on l’en croira sur son simple serment et celui d’un autre prud’homme, son témoin. Ceux-là seulement qui cultivent leurs terres avec leur propre charrue, ou qui ont une ou plusieurs bêtes pour la charrue, ou bien qui se servent de charrue empruntée, sont tenus, envers la mense du prieur, à ce que l’usage prescrit. Celui qui fera des noces /37/ y invitera le curé et son clerc, ou bien il donnera seulement douze deniers au prieur. Lorsqu’on ne pourra pas faire de noces, les époux donneront à volonté. Quant à l’extrême onction et à la réconciliation des accouchées, les paroissiens donneront à volonté, moyennant que l’office de la réconciliation ait lieu à l’heure ordinaire; chacun offrira, pour cette réconciliation, le pain accoutumé, le cierge et un denier, s’il s’est confessé. Quiconque aura une charrue munie (carrucam munitam) devra la corvée au prieur qui le défendra, à cet égard, contre les prétentions d’un curé étranger. Tous les paroissiens sont tenus aux receptions soit ressats; ceux qui voudront les faire en nature, les feront, à frais modérés, au prieur, au curé, au vicaire (s’il y en a un) et au clerc du curé, seulement; les autres paieront selon l’usage observé jusqu’ici, savoir: les mercenaires huit deniers, ou bien ils feront une journée (dietam) comme équivalent 43 , ceux qui sont aussi pauvres qu’eux paieront de même, et les autres paieront douze deniers. Les paroissiens sont tenus d’offrir cinq fois l’an un denier, savoir: à Noël, Pâques, la Pentecôte, la Toussaint et la Conversion de St.-Paul 44 . Ils doivent l’oblation accoutumée du pain le lendemain de Noël. Ils sont tenus au paiement de la dixme ordinaire des nascents. Chaque ménage (feu) livrera deux deniers pour le luminaire. Le maître ou la maîtresse de la maison paiera, pour la confession, comme par le passé. Les paroissiens livreront quatre deniers pour /38/ chaque enfant décédé. Ils rendront les corvées de charrue selon l’usage, et les autres choses au mode habitué, à moins que la présente convention n’en ait décidé autrement. Celle-ci, faite au mois de novembre de l’année 1326, fut ratifiée par les parties 45 .
Une confession de Johannot Carrel, donzel, en faveur du prieuré de Cossonay, du 23e juillet 1372, portant sur une pièce de terre située au territoire de Cossonay, lieu dit en Forestalaz, que ce donzel tenait du prieuré, sous la cense annuelle de deux coupes de froment, nous apprend que le prieur était alors le frère Girard Contesson 45bis .
Les revenus de notre prieuré suffisaient seulement à l’entretien de trois religieux, outre le prieur. Louis (III), sire de Cossonay et de Berchier, chevalier, fils de celui dont il a été fait mention plus haut, les augmenta sensiblement et voulut que le nombre des moines fut doublé 46 . Voici les motifs qui le portèrent à cette largesse: Agnès de Cossonay, sa sœur, avait légué dix livrées annuelles et perpétuelles de terre à l’église de St.-Paul et au prieuré. Girard de Cossonay, sire de l’Isle, son frère, leur en avait pareillement légué quarante pour la célébration d’une messe quotidienne, /39/ en vue de son salut et de celui de ses prédécesseurs, à l’autel de la bienheureuse Vierge Marie fondé dans cette église par les sires de Cossonay. Or, le sire Jean (III) 47 , qui avait succédé aux biens d’Agnès et de Girard, son frère et sa sœur, n’avait pas acquitté leurs légats; toutefois, afin de réparer cette faute, il avait chargé son fils Louis (II), de les payer et même de les augmenter. La mort trop prompte de celui-ci, en Italie, avait empêché l’exécution de cet ordre. Son oncle Louis (III), qui lui succéda dans la possession de la seigneurie de Cossonay, instruit de toutes ces circonstances, voulant décharger les âmes de ses prédécesseurs et augmenter le culte divin dans l’église et le prieuré, à la gloire de Dieu, de la bienheureuse Vierge et de toute la cour céleste, bien informé de ses droits et imbu en cela de la grâce du St-Esprit, donna à notre prieuré et à son /40/ église, le frère Guillaume d’Oulens, prieur, acceptant à leur nom, soixante livrées de terre, soit soixante livres lausannoises, bonne monnaie, de cense annuelle et perpétuelle, avec toute directe seigneurie, qu’il assigna sur des censes en blé et en deniers aux villages de Sullens, Bournens, Daillens, Bettens, Penthallaz, Penthaz, Ascens, Senarclens, Lussery, la Chaux et Itens, sur sa portion aux dixmes de Penthallaz 48 et de Lussery, et sur le revenu du forage du vin et des langues des grosses bêtes à Cossonay 49 . Et il augmenta cette assignation de huit setiers de vin, de cense annuelle, à Luins, à la Côte. En retour de cette grande donation qui place le sire Louis au premier rang des bienfaiteurs du prieuré, il exigea que le prieur et les six moines chantassent dorénavant ensemble dans l’église, toutes les heures canoniales qu’ils récitaient séparément 50 , et qu’après la première de ces heures, ils célébrassent 51 chaque jour, à l’autel de la chapelle de la bienheureuse Vierge Marie des sires de Cossonay, une messe de requiem pour son salut et celui de ses prédécesseurs. Les divers censiers qui, par suite de cette donation, devaient payer désormais au prieuré les censes assignées, prirent, sur l’ordre exprès du sire Louis, leur très-cher seigneur, l’engagement /41/ solennel de les acquitter pacifiquement aux termes accoutumés, et de les reconnaître lorsqu’ils en seraient requis. L’instrument de la donation du sire Louis est daté de 1er décembre 1387 52 .
Telle est l’origine des censes considérables que notre prieuré percevait dans la plupart des villages de la baronnie de Cossonay. À la prière du prieur Guillaume d’Oulens, le comte Amédée VIII de Savoie confirma, le 7e novembre 1399, les dons du sire Louis au prieuré, même pour le cas où ils comprendraient quelque chose de son fief ou de son arrière-fief 53 . Alors la ligne masculine de la maison de Cossonay se trouvait éteinte par la mort du même sire Louis; et, des deux nièces et héritières de celui-ci, Louise, l’aînée, femme de Jean de Challant, était déjà morte sans enfants, et Jeanne, la seconde, dame de Cossonay et femme du sire Jean de Rougemont, n’avait point de postérité. Le prieur Guillaume d’Oulens agissait donc en homme prudent lorsqu’il sollicitait du comte de Savoie la confirmation dont on vient de parler, puisqu’à la mort de la dame de Cossonay ce prince revendiquerait sans doute la seigneurie de Cossonay qui mouvait de lui. Les successeurs d’Amédée renouvellèrent cette confirmation. Nous parlerons plus tard de celle du duc Philibert de Savoie.
Le sire Louis (III) de Cossonay était un pieux seigneur 54 /42/ qui ne voulait ni garder les biens de l’église ni porter atteinte aux droits de son prieuré. Aussi, à la date de la donation qui vient de nous occuper, abandonna-t-il à ce /43/ dernier, à l’instance du prieur Guillaume d’Oulens, une forêt située au territoire de Disy 55 provenant des biens du donzel Mermod, fils de Guillaume de Disy, et cela en compensation d’un muid annuel de froment légué jadis par ce donzel à l’église et au prieuré de Cossonay, de dix sols lausannois de cense légués par le même au prêtre desservant l’autel de St.-Nicolas dans la même église, et de cinq sols annuels qu’il avait donnés aux pauvres de l’hôpital de la bienheureuse Vierge Marie de Cossonay, dont l’administration ainsi que l’institution du prêtre qui y desservait l’autel, appartenaient au prieur 56 . De plus, en compensation de six sols annuels (trois au même hôpital de Ste.-Marie et trois au prieur), légués par Johannette 57 , sœur du donzel Mermod, et d’une presbytérée au prieur et à ses moines, au curé et /44/ aux autres prêtres et clercs de l’église de St.-Paul, instituée par elle, qui devait avoir lieu chaque année le jour de son anniversaire et qu’elle avait assignée sur son champ de laz Marchy (contenant quatre poses) et sa portion de la receverie de la dixme de Disy, le sire Louis, auquel (soit à ses prédécesseurs) les biens de Johannette étaient échus par commise, céda encore à notre prieuré ce même champ de laz Marchy ainsi que la receverie de la dixme de Disy 58 .
Le prieuré de Cossonay et son église étaient l’objet de nombreuses donations, surtout pour cause de mort. Quelquefois ces légats étaient considérables, témoin celui fait, en 1386 (samedi avant la fête de l’Annonciation), par un riche bourgeois de Cossonay nommé Nicolet Perrin (fils de Perrin Conon), de neuf muids de froment et de dix muids d’avoine, de cense annuelle, que ses prédécesseurs avaient jadis acquis du prieuré 59 . — Pierre, dit Pictet, de Cossonay, laissant sa succession au donzel Nicolet de Senarclens, son neveu, l’avait chargé de fonder, dans l’église de St.-Paul, un autel dédié à Ste.-Cathérine, où un chapelain séculier auquel un revenu annuel de quinze florins d’or serait assigné à cet effet, célébrerait une messe quotidienne pour son salut et celui de ses prédécesseurs. Cette assignation n’avait pas eu lieu 60 , mais en compensation d’icelle, ainsi que des presbytérées, aumônes de l’église et funérailles de son oncle, le donzel Nicolet céda (1400, 5e février), au /45/ prieuré (Guillaume d’Oulens était encore prieur), une grande pose et un petit ados de vigne situés au vignoble de Lonay et qui provenaient des biens de son oncle 61 . Moyennant cette cession perpétuelle, le prieur et son couvent associeraient Pictet et ses prédécesseurs à leurs bonnes œuvres, messes, jeûnes et prières 62 . Nicolet de Senarclens 63 ne se borna pas à cette largesse. Ayant en vue le salut de son oncle (et des prédécesseurs de celui-ci), il légua (1410, 7e mars), au prieuré et aux prêtres qui résidaient à Cossonay, deux muids et quatre coupes de froment, de cense, qu’il percevait sur une particule de la dixme de Disy 64 , attachant à ce don la condition qu’une messe hebdomadaire de requiem 65 serait célébrée à l’autel de feu Nicolet Perrin, fondé dans l’église de St-Paul sous le vocable de St-Etienne. Si l’on ne remplit pas cette condition, il lègue /46/ alors cette cense à l’abbaye du Lac-de-Joux, moyennant que les religieux de ce couvent célèbrent le service ordonné, dans leur église, à l’autel des Senarclens 66 . Jean de Senarclens, donzel, frère de Nicolet, confirma cette donation par son testament du 28e octobre 1412, et légua en outre au prieuré et au clergé de Cossonay quatorze sols annuels, rachetables par quatorze livres, pour la fondation de son anniversaire dans l’église de St-Paul 67 . D’autres membres de la famille féodale de Senarclens, qui fleurit encore de nos jours dans sa branche cadette, avaient déjà fait des largesses à notre prieuré et à son église 68 .
Ces dons n’émanaient pas seulement des classes élevées de la société. Jean, dit Hugonin, tenancier du château de Cossonay /47/ à Senarclens, légua au prieuré, en 1420 (septembre), cinquante sols annuels, qu’il assigna 69 , sous la condition que les religieux célébreraient (ou feraient célébrer) chaque semaine une messe de requiem 70 dans la chapelle de St.-Nicolas à Senarclens 71 .
Chaque testament, à peu près, contenait un don plus ou moins considérable à l’église. Ces légats, en s’assumant, augmentaient les revenus de celle-ci. Il est vrai qu’il en résultait volontiers l’obligation de célébrer des services anniversaires, mais le clergé s’allégeait cette charge en réunissant plusieurs anniversaires dans un même office.
Le frère Guillaume d’Oulens 72 cessa, en 1401, d’être prieur de Cossonay, et devint alors camérier du couvent de Lutry. Une cruelle disgrâce l’avait frappé et engagé, peut-être, à résigner son prieuré. Selon l’accusation du prieur de Lutry, il aurait porté, moyennant cinq sols de récompense, le notaire Pinard à fabriquer un faux titre de /48/ quittance d’assignat de dot au détriment des hoirs de la première femme d’André Maréchal, de la Sarraz 73 . Pinard venait d’être condamné, par la justice d’Aubonne, à être brûlé soit bouilli pour ses crimes de faux. Notre ex-prieur se purgea de l’accusation portée contre lui par la prestation du serment corporel; et neuf ecclésiastiques, tant séculiers que réguliers, jurèrent qu’ils le tenaient pour innocent, et que selon leur opinion il ne s’était point parjuré. D’Oulens fut alors déclaré absous et réintégré dans sa dignité et sa bonne réputation 74 .
Comme prieur, il s’était acquis, par sa bonne administration, des droits à la reconnaissance de son prieuré. Il avait rétabli ses finances fort délabrées, fait diverses acquisitions de ses propres deniers, et dégagé ce qui avait été aliéné; le tout sans rémunération. Ce témoignage lui est rendu par le prieur Pierre de Villar, son successeur 75 , /49/ lorsque, prenant les mérites de son prédécesseur en considération, il lui céda à vie, le 22e mai 1401, la portion de la dixme du village de Romanel qui appartenait à notre prieuré 76 .
Cette concession n’empêcha pas l’ex-prieur d’avoir, quelques années après, un différend avec le même Pierre de Villar, dont l’objet était la dixme de St.-Christophle, que le premier disait appartenir à son office de camérier du couvent de Lutry, tandis que le second assurait qu’elle faisait partie des biens de son prieuré. Jaques de Montmayeur, prieur de Payerne, administrateur temporel et spirituel du prieuré de Lutry 77 , prononça (1404, 3e février) sur cette difficulté en qualité d’arbitre. Le prieuré de St.-Christophle, décida-t—il, appartient, avec sa dixme et ses dépendances, au prieuré de Cossonay; mais le prieur est tenu, à raison de ce prieuré de St.-Christophle et ainsi que le veut une ancienne ordonnance supérieure, de payer soixante et dix sols annuels à l’office de camérier de Lutry, toutefois ce paiement aura lieu seulement après le décès du titulaire Guillaume d’Oulens. Afin de dédommager celui-ci, le prieur de Cossonay lui cédera à vie la part de son prieuré à la /50/ dixme d’Aclens 78 . Enfin la dixme de Romanel dont l’usufruit avait été accordé à Guillaume d’Oulens, appartiendrait dorénavant à l’office de camérier de Lutry dont le titulaire paierait alors, chaque année, quinze sols lausannois à l’office de communier 79 de ce couvent et quatorze sols au prieuré même, paiement auquel les prieurs de Cossonay étaient astreints 80 . Ceux-ci s’étaient souvent plaints de la charge résultant pour eux du paiement de cette rente au camérier de Lutry, et ils avaient même refusé de l’acquitter. C’est pourquoi le couvent de Lutry, par ordonnance du 1er juin 1401, avait séparé le prieuré de St.-Christophle de celui de Cossonay auquel il avait été jadis annexé sous la charge de payer la rente en question, et l’avait réuni avec toutes ses appartenances et certaines censes à l’office de camérier de Lutry, tout en exceptant cependant les dixmes d’Aclens, de Chibly et de Romanel, qui demeureraient au prieuré de Cossonay 81 . Guillaume d’Oulens invoquait sans doute ce décret dans l’intérêt de son office. /51/
Nous ne connaissons pas d’autres documents mentionnant ce prieuré de St.-Christophle qui, sans doute, était rural 82 . En revanche, plusieurs documents parlent de la cure du même nom et de celle de Chibie. Le cartulaire de l’église de Lausanne cite, sous l’année 1228, les églises de St.-Christophle et de Chibie (Chivlie). Louise de Montbéliard, veuve de Jean, sire de Cossonay, fait un legs, en 1383, au curé de St.-Christophle proche Chibie, et un autre, semblable, à celui de Chibie 83 . Ces deux églises étaient donc paroissiales. Le verbal de la visite des églises du diocèse de Lausanne, faite en 1416 et dans les années suivantes, mentionne les deux églises paroissiales de St.-Christophle et d’Aclens 84 . Cette dernière est celle de Chibie. Il ne faut pas perdre de vue qu’Aclens et Chibie, dans le principe deux villages distincts mais très-voisins, n’en formèrent plus qu’un seul avec le temps, pour lequel le nom d’Aclens prévalut. Selon le verbal cité, la paroisse d’Aclens aurait alors compté vingt-huit feux de bons paroissiens, outre deux feux de paroissiens d’une autre catégorie 84bis . /52/ La présentation du curé de cette paroisse appartenait an prieur de St.-Maire, de Lausanne, tandis que celle du curé de St.-Christophle appartenait au prieur de Lutry 85 . La paroisse de ce dernier curé renfermait seulement quatorze feux de bons paroissiens, plus quatre autres feux 85bis . Quant à l’église de St.-Christophle, elle était située dans le voisinage d’Aclens, du côté de Vuillerens 86 . Il ne paraît pas avoir existé, dans cette contrée, de village du nom de St.-Christophle. Les paroisses de Chibie soit d’Aclens et de St.-Christophle comprenaient, ensemble, les villages de Chibie, d’Aclens et de Romanel, et les hameaux du Villard et de Chinaux 86bis situés dans le voisinage, mais on ne saurait spécifier ce qui appartenait à chacune d’elles. La réformation apporta de notables changements à cet ordre de choses. En 1539, LL. EE. de Berne remirent, entr’autres choses, au seigneur de Vuillerens, les cures de /53/ St.-Christophle et d’Aclens, avec leurs revenus 87 ; et Aclens et Romanel devinrent annexe de l’église de Vuillerens 88 . Les bâtiments de la cure et l’église de St.-Christophle n’ayant plus de but, disparurent avec le temps. Nous croyons que le prieuré dont il a été parlé plus haut, n’était autre que cette église et cette cure. Sans doute qu’il était régi par un religieux du couvent de Cossonay 89 et ce religieux était peut-être le curé de St.-Christophle 90 .
Le prieur Pierre de Villar fut en différend, en 1405, avec les redîimeurs (redecimatores) 91 de la dixme d’Aclens et de St.-Christophle. Cette difficulté donna lieu à une prononciation du notaire dou Golliez et à un arrangement entre les parties 92 . On y rappelle que la grande dixme d’Aclens et la dixme de St.-Christophle appartenaient au prieuré de Cossonay 93 .
A la requête des Syndics de Cossonay et du recteur de l’hôpital St.-Antoine, le prieur Pierre de Villar avait accordé /54/ à la communauté de Cossonay, en 1402, sous certaines conditions, la faculté de faire célébrer chaque jour, par un chapelain séculier, une messe à l’autel de St.-Antoine, dans la chapelle de l’hôpital de ce nom, pour le salut des bienfaiteurs de cet hôpital 94 . Cinq moines du prieuré 95 et le curé de Cossonay (Jaques Custimier) approuvèrent cette concession. Les diverses chapelles de la paroisse de Cossonay dépendaient du prieur en sa qualité de curé primitif 96 .
C’est à la complaisance du même prieur Pierre de Villar que la communauté de Cossonay doit les deux prairies 97 qui, réunies, forment la grande place d’armes connue encore sous le nom de Pré-aux-moines. Il les lui céda, le 1er septembre 1404, en échange d’une pièce de commun, au bas de Graverney, appelée depuis le champ du prieuré 98 .
On n’a pas oublié que le donzel Jean de Senarclens avait jadis reconnu, en faveur de notre prieuré, la dixme des légumes de Senarclens sous la cense d’un muid de blé, et d’autres biens au même village sous celle de six sols. Or au temps du prieur Pierre de Villar, la moitié de cette /55/ dixme était tenue par le donzel Aymon, bâtard de Cossonay, qui refusait au prieur le paiement du demi-muid de blé, de cense, qui le complétait, et des six sols mentionnés dans la reconnaissance de 1279. En vue de bonne paix, les parties s’en remirent à la décision du donzel Guyonnet de Daillens, leur ami, qui prononça, le 12e avril 1407: que le donzel Aymon paierait chaque année (à la St.-Michel), au prieuré, le demi-muid contesté, en blé provenant de la dixme qu’il percevait à Senarclens 99 ; que, s’il était évincé d’une partie de ses droits à cette dixme, la cense à payer au prieur serait diminuée à proportion 100 . Enfin que le donzel Aymon ne serait pas tenu au paiement des six sols réclamés par le prieur 101 .
Une partie des censes assignées à notre prieuré, en 1387, par le sire Louis de Cossonay, s’acquittait en deniers. Le prieur (Pierre de Villar) voulait qu’elle fut payée en monnaie forte, à raison de seize sols pour un franc royal d’or. Les censiers, de leur côté, assuraient être seulement tenus à les acquitter en monnaie lausannoise courante, sur le pied de vingt sols pour le même franc. Le différend fut terminé, à la demande des parties, par une déclaration de /56/ l’official de Lausanne, du lundi après la St-Martin d’hiver de l’année 1409, portant: que ces censes se paieraient en monnaie de la valeur de celle de Lausanne lors de la donation du sire Louis; que si, cependant, la monnaie lausannoise actuelle valait moins que celle d’alors, les censiers bonnifieraient au prieur cette diminution de valeur 102 . Il paraît donc que l’argent avait subi une dépréciation depuis l’année 1387.
Lorsque, après l’extinction de la famille des sires de Cossonay, le comte Amédée VIII de Savoie eut réuni leur baronnie à ses domaines et succédé ainsi à leurs droits, il crut que celui de patronage (ou de personnage) de notre prieuré lui était dévolu. Mais après avoir examiné les droits du frère Michel de la Rispe, prieur de Lutry, constatant que le prieuré de Cossonay dépendait de celui de Lutry et que la collation et la provision 103 en appartenaient à ce dernier, il ordonna, le 9e novembre 1413, à son châtelain de Cossonay, de laisser le prieur de Lutry jouir dorénavant de ses droits sans difficulté. Le comte réserva néanmoins le cas où, par la suite, ce droit de patronage se trouverait lui appartenir 104 Les évêques de Genève et de Lausanne, et le prévôt de Montjoux furent consultés dans cette difficulté 105 . /57/
Ce n’était pas seulement à l’office de camérier du couvent de Lutry que notre prieuré devait une rente annuelle. Il payait encore, à titre de pension, huit muids annuels de blé, moitié froment et moitié avoine, qui se prenaient à l’époque de la St.-Martin d’hiver sur les dixmes du prieuré, à l’office de l’infirmerie du même monastère. Le frère Guillaume Masset, humble prieur de Cossonay, passa reconnaissance de cette cense, le 21e juin 1416, en faveur de l’infirmier Jean de Trétorrens. Les prédécesseurs de notre prieur, et lui-même, l’avaient déjà payée aux temps passés 106 . On voit que sa dépendance du prieuré de Lutry coûtait assez cher à celui de Cossonay. Le même office de l’infirmerie possédait la majeure partie de la grande dixme du village de Gollion dans la seigneurie de Cossonay 107 . Les sires de Cossonay l’avaient peut-être donnée au prieuré de Lutry, lorsqu’ils avaient placé leur prieuré sous sa protection et dans sa dépendance.
Guillaume de Challant, évêque de Lausanne, fit continuer, en 1418, la visite dans les églises de son diocèse, /58/ par Pierre, évêque d’Aquila, Jean de Columpnis (?), official de Lausanne, Jaques d’Aulps (de Alpibus) et Jean de Challant, ses officiers (officiarii) soit procureurs 108 . Ceux-ci visitèrent donc aussi l’église de Cossonay 109 . Et nous observerons ici qu’elle fut seulement soumise à cette visite comme église paroissiale: elle y eût échappé en qualité d’église du prieuré à cause de la dépendance médiate de celui-ci de l’abbaye de Savigny. Maître Raphaël, missionnaire alors célèbre, vint prêcher à Cossonay en 1423. Le prieur du prieuré fut le chercher à Lausanne, et l’on fit annoncer cette prédication dans les villages de la seigneurie 110 . Une nouvelle visite pastorale des églises du diocèse de Lausanne eut lieu sous l’évêque Georges de Saluces, en 1453 111 .
Les droits et les revenus de la cure de Cossonay donnèrent lieu à une grave contestation entre le prieur Etienne Aymonod (de Romainmotier) et le curé Mermet Prior, dévot fils de l’église. Une sentence défavorable au prieur avait /59/ été rendue, en première instance, par le conseil des jurisconsultes (du droit canon). Enfin Georges de Saluces, évêque de Lausanne, mit fin à la querelle, en prononçant, en 1441, en qualité de juge, d’arbitre et d’amiable compositeur, la sentence suivante, que les parties ratifièrent: Le curé et ses successeurs percevront, selon l’usage, la moitié de la moisson (soit de la prémice). Ils auront les douze poses de terres arables qu’ils ont toujours eues. Ils percevront, selon la coutume, toute la dixme de blé et d’avoine au village d’Alens 112 . Ils auront une pose de vigne à St.-Livres (in territorio de santo liberio) qu’ils cultiveront et récolteront, comme cela a été d’usage jusqu’ici. Ils percevront, ainsi que les curés de Cossonay l’ont perçu précédemment, le tiers des corvées et des ressats 113 ; et, chaque dimanche, un denier pour le pain bénit (in pane benedicto), et un cierge (candelam) valant deux deniers. Ils auront ce que les femmes en couches ont l’habitude de payer; et, selon l’usage, quatre deniers lausannois de chaque trentaneyr, plus deux gros pour l’aumône. Selon l’ancienne coutume ils percevront la moitié de la dixme des nascents. Chaque excommunié leur payera, comme d’habitude, quatre deniers lorsqu’il recevra l’absolution. Ils recevront, selon l’usage, leur part, avec le clergé de l’église de Cossonay et /60/ comme un membre de ce clergé, dans les distributions et autres droits (aliis juribus). Et comme le débat avait principalement pour causes la table du curé 114 et la grande charge résultant pour lui d’officier journellement à haute voix dans l’église et d’administrer les sacrements dans une paroisse aussi étendue, la sentence décida, quant au premier point: qu’indépendamment de quelques communs (communia) et de certains autres droits que le curé percevait d’habitude dans la paroisse à l’occasion des naissances, décès, etc., le prieur lui donnerait, chaque année, pour sa table, deux muids et demi de froment récolté dans la paroisse et un muid du vin des nouvelles vignes du prieuré 115 , outre quatre livres lausannoises. Et quant au second point, que le curé aurait, à ses frais, un clerc soit deux prêtres séculiers, pour l’assister, mais que le prieur lui donnerait annuellement, à cette occasion, deux muids et demi de froment, un muid du vin spécifié plus haut 116 , et six livres lausannoises et dix sols. La sentence de l’évêque spécifia encore: que le prieur tiendrait, dans le prieuré, à ses dépens, un clerc pour servir le curé dans l’office divin, l’administration des sacrements et les autres cas nécessaires, selon l’ancien usage. Que le prieur percevrait la totalité des légats ou donations, faits, soit à lui, soit au prieuré; que /61/ de ceux qui le seraient simplement à l’église 117 , le prieur en aurait les deux tiers et le curé le reste; et qu’enfin celui-ci percevrait seul les dons qu’on lui ferait soit au vicaire perpétuel de Cossonay 118 . Que le prieur percevrait toutes les dixmes novalles, mais qu’il donnerait au curé, en compensation, deux coupes de froment et autant d’avoine, chaque année, à l’époque de la moisson 119 . Que, moyennant les dispositions qu’on vient de lire, le prieur serait quitte de l’entretien du curé et de toutes autres charges à son égard; mais que celui-ci, de son côté, desservirait l’église, tant à l’égard des offices divins que de la cure d’âmes et des autres choses qui le regardaient selon l’exigence de l’église et la coutume établie, tout comme le prieur supporterait seul toutes les charges du prieuré et de l’église paroissiale 120 — 121 .
Le prieur Etienne Aymonod et son couvent, mûs par la dévotion, et dans le but que les offices divins fussent célébrés à l’avenir plus honorablement qu’ils ne l’avaient été précédemment, avaient institué, dans l’église du prieuré, un office de la sacristie, qu’ils avaient doté, et qu’un religieux, /62/ qui recevrait en outre sa portion de moine, desservirait. Ils l’avaient conféré à Nicod Bénoît qui avait jadis fait profession expresse de la règle de St.-Bénoît dans le monastère de Savigny et avait été ensuite transféré dans celui de Romainmotier. Or le prieur, son couvent et le nouveau sacristain supplièrent le pape Félix (V) de confirmer l’institution du nouvel office et d’interposer à son égard l’autorité du St-Siége. Et l’évêque, serviteur des serviteurs de Dieu, considérant que la providence attentive du pontife romain exauçait libéralement, d’habitude, les vœux des fidèles, surtout lorsqu’ils avaient pour objets l’augmentation du culte divin et l’ornement des églises, et qu’elle étendait pareillement la grâce de sa libéralité à ceux que recommandaient le zèle de la religion, l’honnêteté des mœurs et les autres mérites de la probité et des vertus, adressa de Genève, le 4e janvier 1444, un bref à son cher fils le vidomme de l’église de Rheims, lui enjoignant d’examiner l’institution, la dotation et les statuts de l’office en question, et, s’il les trouvait conformes aux rites et canons, de les approuver par l’autorité apostolique et d’instituer Nicod Bénoît en qualité de sacristain 122 . En conséquence, Jean Benevat, vidomme de l’église de Rheims, élut celui-ci, le 18e février suivant, à l’office de sacristain de notre prieuré 123 . Le revenu de cet office n’excédait pas six livres tournoises, petites, par année.
Cependant l’établissement du nouvel office n’avait pas été fait d’une manière régulière. C’est ce dont témoigne /63/ la déclaration soit la confession suivante, qui porte la date du 19e septembre 1450: Le frère Jean Aguet, moine et sacristain du prieuré de Cossonay, bien informé de ses droits, fait savoir que le prieur, le frère Etienne Aymonod, ayant indûment établi un office de la sacristie dans son prieuré, sans mûre délibération et sans le consentement du prieur de Lutry ou de l’abbé de Savigny desquels il dépend immédiatement et médiatement, également aussi sans l’approbation du curé de Cossonay, qui a même protesté contre la bulle de cette sacristie; attendu encore que cette bulle n’a été ni indiquée ni rapportée dans la fondation de l’office en question, chose estimée préjudiciable au prieur et honteuse pour le prieuré; et enfin que le prieuré de Cossonay est grevé de charges considérables 124 tant envers celui de Lutry, le curé de Cossonay et son associé 125 qu’à d’autres égards: le frère Aguet, disons-nous, mû par sa conscience et ayant en vue l’avantage du prieuré, veut réparer ce qui doit être réparé et reconnaître les devoirs et les charges de son office. Et d’abord il reconnaît (pour lui et ses successeurs) l’obligation de desservir dûment l’office de la sacristie. Item qu’il doit éclairer décemment l’église de St.-Paul et les autres églises de la paroisse (tant en huile, cire, qu’en autre luminaire), fournir le pain et les cierges (candelis) pour les altaristes de la paroisse, la cire pour les messes matutinales, ainsi que le cierge (candelam) pour ceux qui seront de semaine pour ces messes. Item qu’il doit fournir le luminaire pour les religieux qui remettent leurs âmes à Dieu 126 , ainsi que le prieur le faisait avant l’établissement /64/ de la sacristie. Item qu’il fournira annuellement les cordes des cloches de l’église de St.-Paul. Item qu’il procurera (tenetur ministrare) au prieur, chaque année, un clerc idoine tant à sa convenance qu’à celle du couvent et du curé, ainsi que le prieur le faisait précédemment, et cela aux dépens du sacristain, sauf la nourriture et les vêtements qui sont à la charge du prieur. Ce clerc prêtera serment au prieur et sera à sa disposition après le service des matines et des messes: le sacristain le remplacerait s’il n’obéissait pas au prieur. Item qu’il livrera, à chaque fête de la Purification de la bienheureuse Vierge, les cierges aux laboureurs et autres qui doivent les corvées de charrue, comme le prieur le faisait auparavant. Item qu’il réparera chaque année, dans la semaine Sainte, le grand cierge, et qu’il administrera journellement, lorsqu’il le faudra, les sacrements (alia sacramenta) administrables par lui; qu’il tiendra convenablement les calices, chappes, chasubles, aubes, livres, reliques et ornements d’église; qu’il fera approprier le chœur de l’église et le sanctuaire, qu’il placera les aubes et les autres ornements, et sonnera (soit fera sonner) les heures. La disposition et le maintien de la chapelle de Ste.-Marie hors les murs de la ville regardant le prieur, le sacristain lui remet cette chapelle ainsi que celle de l’hôpital St.-Antoine, avec leurs oblations. Le prieur éclairera ces deux chapelles et y dira les heures (ad illuminandum et dicendum horas suas), en sorte que le sacristain n’aura rien à y faire (edificare). Il reconnaît devoir chaque année au prieur, à raison de son office, à chacune des cinq fêtes principales, une torche (facem) de cire pesant deux livres, et une livre de petits cierges à l’usage des oraisons, soit onze livres de cire, au choix du prieur. Lorsque, dans l’église /65/ de St-Paul et dans les chapelles de Senarclens et de la Chaux, des torches seront offertes soit en oblation soit à cause des morts (tant dessus et à côté des corps que d’une autre manière), le prieur en aura le quart qu’il choisira, et le sacristain le reste 127 . Item il reconnaît tenir la chapelle de St-André, dans l’église de St.-Paul, avec ses bénéfices et ses charges, sous l’obligation de la desservir convenablement, selon que les fondateurs de cette chapelle l’ont ordonné. (Suit une disposition relative à la chambre que le sacristain occupera dans le dortoir.) Il confesse devoir obéissance au prieur, comme un vrai moine y est tenu; il pourra seulement résigner son office dans les mains du prieur; il lui est également interdit de l’échanger, sous peine de la confiscation de cet office. Si le sacristain fait défaut à un des points rapportés dans sa confession, ou s’il veut contester dans un jugement quelconque tant devant le légat que le susdélégué, alors le prieur retiendra l’office de la sacristie jusqu’à ce que le titulaire soit rentré dans sa grâce; si celle-ci était trop dure le prieur remettrait la décision du cas au prieur de Lutry. Le confessant se soumet à être condamné au paiement de 200 florins d’or (la moitié applicable à la chambre apostolique et l’autre moitié aux prieurs de Lutry et de Cossonay) chaque fois qu’il manquerait, en tout ou en partie, à ses engagements, ou qu’il ne ferait pas, devant le légat actuel ou le souverain pontife, quelque promesse, soit en procès soit autrement 127bis , ou /66/ s’il voulait se décharger de son serment. Il supplie le légat actuel ou le souverain pontife de ratifier sa confession; lui et le prieur veulent que l’acte de l’établissement de la sacristie soit sans valeur à côté de cette reconnaissance, et que ce qui a été fait à l’égard du premier sacristain (Nicod Bénoît) soit annullé, à l’exception simplement de la bulle de la sacristie; et s’il se trouvait dans cette bulle quelque clause contraire à la présente reconnaissance, le frère Jean Aguet entend que cette clause soit annullée 128 . Il relève le prieur des serments qu’il a précédemment prêtés à l’occasion de la sacristie, et prie le légat ou le souverain pontife de l’absoudre, si c’est nécessaire. Enfin, le prieur et le frère Jean promettent sous le vœu de leur religion, les mains placées sur la poitrine à la manière des religieux et sous l’obligation de tous leurs biens, d’observer le tout 129 .
Les démêlés du prieur Pierre de Villar avec le donzel Aymon, bâtard de Cossonay, au sujet de la moitié de la dixme des légumes de Senarclens, se renouvellèrent entre le prieur Aymonod et le donzel Jean de Yens pour l’autre moitié de cette dixme 130 , et amenèrent, le 9e mai 1445, /67/ une prononciation d’arbitres 131 qui condamna ce donzel à payer (au prieur), sur sa part de la grande dixme de Senarclens, le demi-muid de blé, de cense, qu’il refusait, et à reconnaître cette cense en faveur du prieuré chaque fois qu’il en serait requis. La prononciation décida encore que le blé et l’argent que le prieur avait fait lever de gage à son adversaire, en exécution d’un passement obtenu contre lui, demeureraient au prieur pour l’arriéré de l’année précédente 132 . Cette dixme des légumes donna lieu encore à d’autres transactions que nous allons indiquer pour épuiser le sujet: Noble Pierre de Cossonay, petit-fils du bâtard Aymon, ayant refusé au prieur Pierre de Sauvernier le paiement de la cense due pour sa part de dixme, il en résulta un procès devant l’égrége docteur Jaques Fussier (Fusserii), chanoine de Genève et juge apostolique, puis, ensuite, en appellation, devant la cour de Besançon. Alors cette cense n’était plus acquittée depuis trois années. Cependant le père du donzel Pierre (qui portait également le nom de Pierre) avait reconnu, le 13e mai 1445, la dixme en question en faveur du prieuré 133 . Enfin les parties s’en remirent à une décision d’arbitres 134 . Ceux-ci, tout en /68/ condamnant (1475, 7e avril) Pierre de Cossonay pour le fond de la question, voulurent toutefois que le prieur lui livrât vingt florins d’or, de petit poids, et que chaque partie supportât ses frais du procès 135 . Le donzel Pierre passa (même année, pénultième d’août) la reconnaissance ordonnée par la décision arbitrale 136 . Noble Jean de Cossonay, seigneur de Rurey, son frère et son héritier, confessa (1477, 15 avril), en faveur du prieuré, la cense due à raison de sa part de la dixme des légumes de Senarclens 137 . Et vers la même époque (1477, 8e avril), Marguerite et Alexie, filles et héritières de noble Pierre de Yens, seigneur de Corcelles, reconnurent la même cense pour la moitié de cette dixme 138 . — Maintenant retournons en arrière.
En 1445, Nicod Bénoît, prieur de Perroy, était amodiateur /69/ du prieuré de Cossonay 139 . On trouve dans le quinzième siècle et plus tard de fréquents exemples de communautés religieuses affermant leurs revenus. Toutefois cela nous semble indiquer chez elles une diminution de prospérité soit une décadence morale. Toujours est-il étrange de voir un prieur prendre à ferme un prieuré étranger.
Six conseillers de Cossonay 140 furent arbitres, la même année, dans une difficulté entre notre prieuré, et Jean Cuendet, bourgeois de Cossonay, et sa femme Marguerite, qui lui refusaient le paiement d’une coupe de froment, de cense, sur leur champ dit en Marches. Les arbitres donnèrent raison an prieuré 141 . Néanmoins cette difficulté fut seulement terminée en 1468 par une sentence définitive de l’official de Lausanne, qui condamna Cuendet 142 .
Les fondations pieuses jadis faites par la riche famille Conon, de Cossonay, et par le donzel Jean de Mont, à raison desquelles le prieuré réclamait certaines censes assignées sur des maisons et d’autres biens provenant de cette famille, amenèrent une transaction entre le frère Etienne Aymonod, humble prieur du prieuré de l’église paroissiale de St.-Paul de Cossonay, d’une part, le donzel Claude de Mont et les enfants de feu noble Jean de Mont 143 , de l’autre. Les /70/ nobles Georges Marchand et Jaques de Daillens, arbitres, décidèrent que les nobles de Mont assigneraient dix livres annuelles de terre au prieuré pour la célébration d’une messe quotidienne 144 .
Le prieur de Cossonay estimait avoir, en vertu de privilége du siége apostolique, la juridiction sur ses moines, c’est-à-dire le droit de les punir et de les corriger lorsqu’ils tombaient en faute. Cette prétention causa un débat entre l’évêque de Lausanne (Georges de Saluces) et lui. Sur la dénonciation du révérend père Jean Besson, abbé du monastère du Talent (Thela, en latin) ou de Montheron, les procureurs de l’évêque 145 avaient saisi à Cossonay, pour leur administrer due punition, deux moines 146 de notre prieuré, lesquels, selon l’accusation de l’abbé, avaient, avec d’autres complices, conspiré de le tuer, d’incendier son abbaye et de piller ses biens. Cependant les prévenus n’avaient pas été conduits dans les prisons épiscopales. /71/ Le prieur Etienne Aymonod réclama avec force contre cette arrestation, disant qu’il n’était point évident que ces moines fussent coupables; qu’il était prêt, pour le cas où leur crime serait démontré, de leur infliger la punition méritée; que ce droit lui appartenait non-seulement parce que son prieuré était conventuel, mais encore en vertu d’indult du siége apostolique, ajoutant que depuis soixante ans les prieurs de Cossonay en avaient l’usage et la quasi-possession. Le cas fut débattu devant l’évêque de Grenade 147 , l’official de Lausanne 148 et tout le conseil épiscopal, et notre prieur produisit son indult apostolique ainsi que les actes d’un procès soutenu jadis contre feu l’évêque Guy 149 . Les procureurs épiscopaux soutinrent les droits de l’évêque et alléguèrent que le prieuré de Cossonay et celui de Lutry, son supérieur, étaient soumis à la loi diocésaine et à la juridiction de l’évêque et de l’église de Lausanne; que la punition de ses moines appartenait seulement au prieur dans les cas qui concernaient l’observance régulière, mais non dans les énormités et délits publics, et cela d’autant moins que si, dans le présent cas, les deux moines étaient libérés, le jugement de la cause appartiendrait alors à l’évêque 150 . Ces procureurs attaquèrent encore la forme du privilége /72/ apostolique. Le prieur répliqua. Enfin, après bien des allégations réciproques, le conseil épiscopal ordonna que les prévenus, sans préjudice des droits de l’évêque, fussent remis au prieur Aymonod, surtout parce que leur culpabilité n’était pas suffisamment démontrée. Mais soit les procureurs de l’évêque soit notre prieur protestèrent contre cette décision, les premiers pour ne pas déroger aux droits du siége épiscopal, et le second à ceux de son prieuré 151 ; et les deux parties firent expédier, le 10e janvier 1458, par un notaire clerc, juré de la cour de Lausanne, des lettres testimoniales relatant ce qu’il s’était passé 152 . Ce débat nous offre un exemple des fréquents conflits qui surgissaient entre les évêques et les couvents de leurs diocèses. Ceux-ci, en vertu de priviléges obtenus du St.-Siége ou par d’autres causes, trouvaient moyen de se soustraire à l’autorité épiscopale. Aussi les évêques n’avaient-ils guères de faible pour les maisons religieuses. Nous verrons encore le droit de punir ses moines disputé au prieur de Cossonay.
Le prieur Aymonod était prébendier de Romainmotier. Il avait, en 1454 (14e février), confessé devoir trente livres au grand célérier de ce couvent, prix d’achat d’une chambre et d’un jardin attenant, situés dans ce prieuré 153 . Peut-être qu’il fit cette acquisition avec le projet de s’y retirer. Quoiqu’il en soit, Pierre de Sauvernier 154 , camérier du /73/ couvent de Romainmotier, était prieur de Cossonay en 1460. Nous connaissons quelques acquisitions faites par ce prieur dans l’intérêt de son prieuré. Ainsi Aymon Possioux, bourgeois de Cossonay, lui céda (1464, pénultième de janvier) neuf coupes et un tiers de froment, de cense, dues à Penthaz, que Jeanne, dame de Cossonay, avait jadis vendues (1404, 16e mai), pour le prix de quinze livres et dix sols, bonne monnaie lausannoise, à Jean Possioux (des Clées, bourgeois de Cossonay), ayeul d’Aymon, et à sa femme Agnès Malpauz 155 . Ainsi, encore, il acquit en franc-alleu, en 1470, de Girard Lamberzon (d’Orbe), bourgeois de Cossonay, quatre grandes poses tant champ que pré, situées au territoire de Cossonay, au lieu dit en Marchez, pour cinquante-cinq livres, bonne monnaie 156 .
Aymon dou Marest (du Marais) de Bettens 157 , donzel, avait assigné jadis à Bettens, à notre prieuré, alors que Pierre de Villar en était le prieur, une cense annuelle de huit coupes et deux tiers de froment. Or, en 1466, le donzel Pierre d’Arnex était, au nom de sa femme Marguerite, héritière de son père Jaquet de Bettens, donzel, en difficulté avec le prieur Pierre de Sauvernier au sujet de /74/ quelque retenues de cette cense. Une prononciation d’arbitres fut défavorable au prieur 158 .
Lorsque dans l’année néfaste 1475, la patrie de Vaud se vit menacée de l’invasion des Suisses, et que la bourgeoisie de Cossonay prit des mesures de défense pour la ville, le prieur Pierre de Sauvernier et le clergé, s’associant à ce mouvement, firent cadeau à la bourgoisie, le premier de deux serpentines et le second de cinq couleuvrines (colovrinas de passa) 159 .
En 1478 (19e janvier), Pierre de Sauvernier, prieur de Cossonay et camérier de l’insigne prieuré de Romainmotier dans lequel il résidait alors, fonda quatre messes hebdomadaires perpétuelles, à l’autel de la chapelle de la bienheureuse Vierge Marie dans l’église de Romainmotier, devant lequel il voulait être inhumé. Il dota chacune de ces messes de quatre livres de rente annuelle 160 . Déjà, en 1465, le pape Paul lui avait permis de tester, et, en 1477 ( 31e mars), Claude de Livron, prieur de Benex, vicaire général du prieuré de Romainmotier pour Jean-Louis de Savoie, lui avait accordé la latitude (pour autant qu’il en avait le droit) de fonder des messes et des anniversaires, et de faire donation de ses biens situés à Bursins, Vinsel, Gilly, Nyon et Begnins, à Jean, fils de feu noble Claude de Sauvernier, son parent 161 . /75/
Le prieuré de Lutry avait, en 1486, Jean de Montfaucon pour prieur commendataire. On sait que les commendataires s’efforçaient surtout de retirer de bons revenus de leurs bénéfices. Le prieuré de Cossonay ne fut pas à l’abri de la rapacité de Montfaucon, qui prétendait en outre y usurper les droits du prieur. Ecoutons, à cet égard, les plaintes et les accusations du frère Pierre de Dullit 162 , successeur du prieur Pierre de Sauvernier, comparaissant contre Montfaucon devant Léonard de Gruyère 163 , official de Besançon, juge et commissaire délégué par le siége apostolique dans la cause dont il est ici question:
« C’est à tort », dit-il, « que le commendataire de Lutry le moleste et prétend avoir la supériorité sur le prieuré de Cossonay, le droit d’y faire admettre des religieux 164 et celui de punir les défaillants, puisque la supériorité immédiate de ce prieuré appartient au révérend abbé de Savigny, et que l’admission, la correction et la punition des religieux, /76/ concédées au prieur de Cossonay par le Saint-Siége, lui appartiennent dès les temps les plus anciens. Quoique », ajoute notre prieur, « le commendataire de Lutry jouisse de copieux revenus provenant de ses bénéfices, il s’efforce cependant de se rendre l’église de Cossonay tributaire et d’appliquer à son propre usage la majeure partie des revenus du prieuré, en exigeant (pour ne pas dire en extorquant) quarante muids de blé 165 , de pension annuelle, qui n’est due ni selon les lois divines ni selon les lois humaines, dont la raison est ignorée et qui n’a pas été imposée par l’autorité supérieure. Que, dans le cas où la légitimité de cette pension viendrait à être prouvée, il (Pierre de Dullit) demande que celle-ci soit réduite, tant parce que les revenus du prieuré ont diminué que parce qu’elle excède le tiers de ces revenus, d’où il résulte que les religieux sont dans la pénurie. Que, si, néanmoins, soit erreur soit complaisance des prieurs de Cossonay, cette pension a été payée parfois, le prieur actuel, qui estime être lésé de plus de cinq cents écus d’or pour l’avoir fait pendant sept années 166 , demande de cesser cette prestation, à moins que le commendataire ne fasse apparaître de sa légitime imposition. » Enfin notre prieur conclud à ce qu’une sentence définitive de l’official prononce que le droit d’admettre les religieux dans le prieuré de Cossonay et celui de punir les défaillants appartiennent /77/ au prieur, et qu’aucune supériorité sur ce prieuré ne compète à Jean de Montfaucon; que, cette sentence contraigne celui-ci de renoncer à ses exactions, ou bien de payer cinq cents écus d’or au prieur Pierre de Dullit pour dommages et intérêts de paiement non dû; et finalement que si ce commendataire démontre que la pension est légitimement due, celle-ci soit réduite à proportion des revenus du prieuré 167 .
La sentence de l’official de Besançon ne nous est pas connue; mais la suite nous montrera que, dans cette circonstance, notre prieuré ne fut point affranchi de la supériorité de celui de Lutry. Sur ce point les prétentions de Pierre de Dullit n’étaient pas fondées, car nous trouvons cette supériorité établie depuis l’époque où les documents mentionnent le prieuré de Cossonay. Notre prieur paraît aussi faire ici un tableau exagéré de la pauvreté de son prieuré.
On se souvient que le forage 168 du vin qui se vendait en détail dans les tavernes de la ville de Cossonay, avait été cédé (en 1387) au prieuré par le sire Louis (III) lorsqu’il lui avait assigné soixante livres annuelles. La perception de ce revenu causa, en 1495, une contestation entre le prieuré et la communauté de Cossonay. Au dire de Pierre de Dullit, le forage avait été levé, de temps immémorial, sur le pied de quatre pots pour tout tonneau contenant inclusivement jusqu’à dix-huit setiers. La communauté, interprêtant différemment celle des dispositions des franchises de la ville qui /78/ parle du forage, assurait que cette redevance n’était pas due pour les tonneaux d’une contenance moindre de dix-huit setiers. Enfin, les parties transigèrent, en vue de paix, et l’on convint (18e juillet) que le forage se lèverait à raison de deux pots pour tout tonneau qui contiendrait inclusivement jusqu’à neuf setiers, de quatre pots pour tout tonneau contenant inclusivement de neuf à dix-huit setiers, et de huit pots, selon la lettre des franchises, pour tout tonneau d’une contenance supérieure 169 .
Quelques années plus tard, Michel Quisard, commissaire patrimonial ducal, renouvelait les extentes de la baronnie de Cossonay; et comme les censes assignées à notre prieuré, en 1387, par le sire Louis de Cossonay, procédaient du domaine du château qui avait passé aux ducs de Savoie, Quisard refusait de laisser parvenir au prieuré les avantages de la directe seigneurie de ces censes 170 . Le prieur Pierre de Dullit considérant le duc Philibert de Savoie comme le protecteur de son prieuré, et recourant à lui comme à la fontaine de la justice, le supplia 171 d’ordonner à son commissaire de faire reconnaître séparément, en faveur du prieuré, les censes qui étaient de la directe seigneurie de celui-ci, ou que, du moins, si on n’en faisait pas la division, ces censes fussent reconnues tant en faveur du duc que du prieuré, selon la part qui compétait à chaque partie, et que le commissaire expédiât au prieuré, à frais modérés /79/ ses reconnaissances et le laissât jouir dorénavant de ses droits de directe seigneurie. Et comme le prieuré se proposait de faire renouveler ses autres reconnaissances 172 par le même Quisard s’il voulait en accepter la commission, sinon par deux autres notaires experts 173 , et qu’il ne voulait pas, à l’occasion de ces reconnaissances, tirer les sujets du duc devant d’autres cours (de justice) que les siennes, notre prieur supplia encore le duc d’ordonner à Quisard et aux deux notaires de forcer les emphytéotes, censiers et débiteurs de tributs annuels soit de légats, de reconnaître et de spécifier dans leurs mains ce à quoi ils étaient tenus envers le prieuré, et de payer les retenues de ces tributs ainsi que les lauds et vendes qu’ils devaient, et cela sous les peines qu’il était d’usage d’imposer aux débiteurs du fisc 174 . Le duc Philibert fit droit à cette supplication, et par lettres du 27e août 1500, datées de Genève, il donna les ordres qu’on sollicitait, et confirma en même temps au prieuré toutes les donations et assignations faites jusqu’alors à son profit 175 . Déjà le duc Amédée VIII avait ordonné, dans le temps, au commissaire Mermet d’Etoy, chargé de la rénovation des extentes de la baronnie de Cossonay, de faire reconnaître, avec la directe seigneurie, les censes dues au prieuré, et de lui payer ce qu’il lui revenait à raison de cette directe seigneurie 176 . /80/
Le chapelain Pierre Magnyn s’était reconnu débiteur envers le prieur Pierre de Dullit d’une certaine somme qu’il avait pris l’engagement de lui payer à raison des choses suivantes: les aumônes perpétuelles qui se font pour les morts, nommées preveraz; deux parts des aumônes des biens-meubles; la moitié de la moisson; deux parts des corvées de charrue; le denier des confessions; les obligations des quêtes, des enfants décédés et du baptême 177 ; tout ce qui se donne lors des noces et pour le compérage 178 ; les deniers, appelés trentanyez, qui se mettent sur les corps des morts; enfin tous les autres revenus qui pouvaient appartenir au prieuré. Pierre de Dullit n’ayant pas été payé, obtint de l’official de Lausanne, à la date du 24e avril 1506, un monitoire contre le chapelain Magnyn, portant pour celui-ci la peine de l’excommunication s’il ne satisfaisait pas à ses engagements dans le terme de dix jours 179 . Ce chapelain avait probablement affermé du prieur les revenus désignés.
Le même prieur obtint encore de l’official de Lausanne, en 1512, un monitoire avec menace d’excommunication, contre Michel Clerc, religieux de son prieuré, et Jean Pandavenaz (Paindavoine), prêtre de Cossonay, amodiateurs du prieuré de Cossonay, lesquels n’avaient pas payé le terme de leur amodiation échu à la fête de la nativité de St.-Jean-Baptiste et s’élevant à 120 florins. Ces ecclésiastiques avaient pris à ferme les revenus et les charges de ce prieuré au /81/ prix de 280 florins par an 180 . Celles-ci étaient donc bien considérables pour motiver un prix aussi bas, ou bien la fortune de notre prieuré était alors dans un état de grande décadence. Cependant nous verrons que cette fortune n’était pas insignifiante.
Le prieur Pierre de Dullit avait fondé, en 1510 (1er février), on autel dans le chœur de l’église de St.-Paul, à main gauche du grand autel, et l’avait placé sous le vocable de St-Denis. Quatre messes par semaine devaient y être célébrées par les religieux du prieuré 181 . Nous reviendrons sur cette fondation en parlant des diverses chapelles de l’église de St-Paul.
Nous retrouvons, en 1517, les prieurs de Lutry et de Cossonay en contestation. Le premier est encore Jean de Montfaucon, chanoine de Genève, que nous connaissons déjà; quant au second c’est Pierre de Dullit, dit le jeune, neveu et successeur de son oncle du même nom. L’objet de la querelle est surtout la dépouille 182 de ce défunt prieur que chacune des parties veut s’attribuer. Après beaucoup d’altercations, de demandes et de réponses, les deux prieurs voulant terminer leur différend par voie amiable, s’en remirent à la décision de Sébastien de Montfaucon, évêque de /82/ Lausanne. Le prieur de Lutry soutenait qu’en vertu du droit et de la coutume, la dépouille contestée lui revenait à raison de la dépendance du prieuré de Cossonay de celui de Lutry. Au dire de Pierre de Dullit, cette dépouille lui appartenait parce qu’il succédait à celle des moines de son prieuré où son oncle était mort (il y avait environ un mois) simple moine, puisqu’à sa réquisition, lui, Pierre de Dullit, avait été pourvu, il y avait plus de trois ans, du prieuré de Cossonay par le très-saint pape. La sentence de l’évêque porte: que la paix et un amour sincère règnent entre les deux prieurs. Que la dépouille en question appartiendra à Pierre de Dullit qui payera alors vingt-sept écus d’or 183 au commendataire de Lutry. Qu’en qualité d’inférieur, le prieur de Cossonay aura l’obligation de comparaître à tous les chapitres de Lutry, de payer le droit de personnage (soit de patronage), et de s’acquitter des autres devoirs que les prieurs, ses prédécesseurs, avaient remplis envers ceux de Lutry. Que le commendataire ayant pourvu le vénérable frère Pierre d’Aymavigne (Aymavinea), religieux de Lutry, du prieuré de Cossonay, il obtiendra de lui qu’il se désiste, en faveur de Pierre de Dullit, de ses prétentions à ce prieuré 184 . Enfin que ce même commendataire garantira au prieur de Cossonay les biens-meubles du défunt prieur et se conduira envers lui comme les prieurs de Lutry s’étaient précédemment comportés envers ceux de Cossonay 185 . /83/ — Le désir, chez le prieur de Cossonay, de s’affranchir de la supériorité de celui de Lutry, était encore ici au fond de la querelle. Remarquons au reste que la sentence de l’évêque de Lausanne établit nettement cette supériorité, puisque le prieur de Cossonay a l’obligation de se rendre aux chapitres de Lutry et de payer à ce couvent le droit de patronage. Que, par suite de cette même supériorité, la dépouille des prieurs de Cossonay appartenait à ceux de Lutry (tout comme celle des moines de notre prieuré passait aux prieurs de Cossonay, leurs supérieurs). Remarquons encore, enfin, combien peu le St.-Siége respectait les priviléges des couvents quant à la nomination de leurs chefs, ainsi qu’en témoignent les lettres apostoliques qui appelèrent Pierre de Dullit le jeune à la place de son oncle, quoique le prieur de Lutry, en vertu de son droit de patronage, eût disposé de notre prieuré.
Le prieur Pierre de Dullit paraît avoir été peu respecté, soit que cela tint à son caractère personnel, soit peut-être à la déconsidération où étaient alors tombées la plupart des communautés religieuses. En effet, on le voit se plaindre, en 1520, du grand préjudice que lui causent, depuis plus de trois années, certains malfaiteurs, enfants d’iniquité, qui, n’ayant ni Dieu ni ses saintes Ecritures devant les yeux, mais étant d’esprit dépravé, imbus du malin esprit, /84/ et inattentifs à cette parole de la Sainte Ecriture: « Aime ton prochain comme toi-même », et à cette seconde: « La faute est seulement remise lorsque l’objet ravi a été restitué », cèlent, détiennent et cachent (celant, detinent et occultant) ses dixmes (de vin, blé, huile, légumes et autres choses) à Cossonay, Itens, Lussery, Penthallaz, Alens, Aclens et ailleurs, ainsi que les oblations en pain, vin, argent et cierges, qui lui appartiennent et qu’ils prennent dans les églises de Cossonay, la Chaux et Senarclens et dans la chapelle de l’hôpital de Cossonay. Ces malfaiteurs cèlent encore (celant et occultant) les corvées (c’est-à-dire l’argent qui se paie en place de celles-ci), le forage, les aumônes pour les morts et autres choses semblables qui appartiennent au prieur. Ils détiennent (sans prendre aucun soin de les restituer) plusieurs des biens des religieux qui décèdent soit dans le prieuré soit dehors, lesquels biens appartiennent au prieur, tels que de l’or, de l’argent, des titres, des obligations, des vêtements, des draps de couleur et d’autres, du linge, et des objets mobiliers quelconques. Ils détiennent et cachent les titres et les reconnaissances du prieuré. Ils soutirent des serviteurs du prieur des effets de diverses espèces appartenant à ce seigneur. Ils mettent en fuite les colombes et les pigeons du prieuré et les tuent. Enfin ils prennent du bois, coupé et non coupé, dans les forêts du prieuré. Pierre de Dullit ne connaissait pas, à la vérité, ceux qui commettaient ces désordres, donc il ne pouvait pas prouver facilement qui ils étaient; aussi implora-t-il l’assistance de l’official de Lausanne, qui lança collectivement contre ces malfaiteurs un monitoire portant peine de l’excommunication, si, dans /85/ dix jours, ils n’avaient pas réparé le mal qu’ils avaient fait 186 .
Après avoir obtenu, contre d’autres, les censures ecclésiastiques, le prieur Pierre de Dullit en fut lui-même atteint. L’official de Genève 187 fulmina contre lui une sentence d’excommunication 188 à raison d’injuste détention de divers biens qui appartenaient à Pierre Favey, de Lausanne, et à ses associés. Elle fut lue à haute et intelligible voix 189 , le 1er octobre 1527, dans l’église de St-Paul, c’est-à-dire dans celle du prieuré 190 . Tout cela, il faut l’avouer, ne fait pas apparaître notre prieur sous un jour bien intéressant.
Encore prieur l’année suivante 191 , Pierre de Dullit ne tarda pas à être remplacé par le frère Jaques Mestral, d’Aubonne, dont la famille possédait la seigneurie de Bierre 192 , et qui fut le dernier des prieurs de Cossonay. /86/ Celui-ci passa reconnaissance, en 1531, pour divers biens de son prieuré, sur les mains du commissaire Panissod, qui renouvellait alors, dans l’intérêt du duc de Savoie, les extentes rurales du château de Cossonay 193 .
La dernière heure de notre prieuré a sonné, car, au commencement de l’année 1536, la patrie de Vaud a passé sous la domination de Berne qui a embrassé la réformation de l’église et veut l’imposer à sa conquête plutôt par motif de politique que de ferveur religieuse. Les religieux du prieuré de Cossonay ne paraissent pas avoir été exempts de la corruption générale qu’on reproche au clergé de cette époque. Lorsque les commissaires bernois vinrent à Cossonay (1536, 23e mars) et qu’ils s’informèrent de la conduite du prieur et des moines, le conseil leur en donna des renseignements peu favorables, surtout sous le rapport des mœurs 194 . Les commissaires leur enjoignirent d’être désormais moins débauchés 195 .
Le prieur Jaques Mestral mourut le 26e octobre de la même année, encore assez jeune 196 . Un auteur contemporain, à la vérité zélé catholique, en fait l’éloge 197 . Il était, dit-il, « homme clerc, de bonne lettre et réputation, » et /87/ il ajoute qu’il mourut « rempli de bonne fame et renommée », du regret de la tournure que prenaient les événements. Sa mort évita aux Bernois la dépense d’une pension, lorsque, après l’issue prévue de la dispute de Lausanne, ils introduisirent violemment la réformation dans le pays. Jean Frisching, baillif de Moudon, se transporta à Cossonay, le 4e novembre, et fit abattre, en sa présence, les autels et les images des églises et des chapelles de la ville et de la baronnie 198 . Notre prieuré cessa donc d’exister et ses biens entrèrent dans le domaine de l’Etat. Un culte nouveau remplaça l’ancien dans l’église de St-Paul dépouillée de ses ornements et de ses nombreux autels, et les services fondés par les sires de Cossonay et par d’autres personnes cessèrent d’être célébrés. Un changement aussi subit froissa sans doute bien des sentiments, car, chez la plupart, la nouvelle foi ne pouvait pas être encore une conviction.
On ne sait ce que devinrent les moines du prieuré de Cossonay. Pierre de Milleris, l’un d’eux, embrassa la réformation, se maria et s’établit à Cossonay, où on lui payait une pension 199 . Ceux qui persévérèrent dans l’ancienne foi, trouvèrent probablement un refuge dans les pays voisins.
DES BIENS DU PRIEURÉ DE COSSONAY 200
Le prieuré de Cossonay n’avait pas, comme quelques couvents de la patrie de Vaud, des seigneuries et des sujets; aussi son rôle a-t-il été nul sous le rapport politique. Cependant ses biens n’étaient pas à dédaigner, comme on pourra en juger. Ils consistaient essentiellement en dixmes, censes et bien-fonds. Les dixmes formaient son plus gros revenu. Voici celles qui étaient sa propriété:
1o La dixme de Cossonay, de tous les blés 201 , rapportant, par année commune, soixante et dix muids 202 , moitié froment et moitié avoine. /89/
2o La dixme d’Aclens et la moitié de celle de Romanel 203 valant ensemble trente sept muids de blé par an.
3o La dixme d’Alens en valant vingt muids 204 .
4o La moitié de la dixme de Disy, en rapportant (cette moitié) dix muids 205 .
5o La tierce part 206 de la dixme de Penthallaz, en valant dix-huit muids.
6o Une partie de la dixme de Lussery qui en valait quatre muids.
Voilà y de compte fait, un rapport annuel de cent et cinquante-neuf muids de blé 207 .
Le prieuré possédait encore la dixme des légumes du /90/ village d’Itens, ainsi que celle du chanvre 208 ; la première lui rapportait, par amodiation, quatre coupes de blé.
Quant à ses censes, tant en froment et avoine qu’en chapons, poules, huile, vin et deniers, nous ne saurions en indiquer le produit annuel, considérable, sans doute, puisqu’il s’élevait, dans la ville de Cossonay seule, à soixante et dix-huit quarterons de froment, trois quarterons d’avoine, un pot d’huile, trois chapons, et huit florins, huit sols et sept deniers en argent 209 . Notre prieuré percevait en outre des censes à Penthaz, Penthallaz, Lussery et Villars-Lussery, la Chaux et Itens, Daillens, Sullens, Bournens, Boussens, Vufflens-la-ville, Aclens, Vuillerens, Senarclens, Disy, Crissier, Lausanne et Perroy 210 .
Celles de ces censes qu’il tenait de la libéralité du sire Louis de Cossonay et qui procédaient du domaine du château, étaient directes; ainsi il percevait les lauds ou vendes en cas d’aliénation des assignaux 211 . Les autres provenant /91/ de légats, de donations, d’acquisitions, d’abergements, soit d’acensements, étaient principalement foncières, soit pensionnaires, c’est-à-dire sans directe seigneurie.
Le prieuré percevait toutes les langues des grosses bêtes qu’on tuait dans les boucheries de la ville et de la châtellenie de Cossonay, puis le forage du vin qui se vendait en détail (en mynoz) dans les tavernes de la ville. On a vu sur quel pied il se payait. Ces deux redevances faisaient partie de la grande assignation du sire Louis.
Nous mentionnerons seulement en passant les divers avantages que le prieur de Cossonay retirait, dans la paroisse, en sa qualité de curé primitif, tels que la moitié de la moisson soit de la prémice 212 , les deux tiers des corvées de charrue, les deux tiers des dixmes novalles, la moitié de celle des nascents, etc., parce qu’il en a été suffisamment parlé dans le cours de ce travail. Nous dirons pourtant que cette moitié de la moisson valait annuellement au prieur environ deux muids et demi de froment et quatre muids d’avoine 213 . On se rappelle que le curé percevait l’autre moitié de cette redevance.
Le prieuré « tenait à ses mains » (c’est-à-dire qu’il ne les avait ni abergées, ni remises à cense) les vignes suivantes:
Quatre poses au vignoble de Perroy 214 .
Les Prioresses, vigne de quatre poses, au vignoble d’Echichens. /92/
Deux poses, au Cloz, au vignoble de Monnaz.
Un « trait » (cellier) à Lonay, avec une vigne attenante d’environ trois poses 215 .
En la Michaudaz, au même vignoble, une vigne d’environ deux poses.
Enfin une pose, en la Plantaz, aussi au vignoble de Lonay.
En tout environ seize poses 216 sans compter une vigne « en ruyne et réduyte en planche », en Vallizard, vers Gollion.
Il tenait encore à ses mains quelques fonds de terre au territoire de Cossonay, tant prés que champs, savoir: le pré de Sert, d’environ deux seytorées; celui de Praz-Verdet; le champ du Praz-du-Chert; celui des Marches, de deux poses environ; et celui vers le Publoz, de demi-pose. Plus une forêt d’environ quinze poses, située aux bois de Dizy, au territoire de Cossonay 217 . Enfin divers bâtiments à Cossonay: et d’abord la maison dite le prieuré, dans laquelle le prieur et ses religieux résidaient. Située dans la proximité de l’église de St.-Paul, du côté d’orient, elle offrait un point de vue magnifique. Après avoir erré sur une vaste étendue de pays couronnée par les sommets neigeux des Alpes, l’œil se reposait avec complaisance, dans le voisinage, sur la fraîche et riante vallée de la Venoge 218 . Tout auprès /93/ s’élevait le château-fort des sires de Cossonay. Autour du prieuré se groupaient, à droite et à gauche, quelques édifices qui en dépendaient, entr’autres une grande maison soit grange provenant des nobles de Mont, et une autre maison appelée le Colombier.
Tous ces biens, semble-t-il, devaient amplement suffire à l’entretien du prieur et de six ou sept religieux tout au plus. Il est vrai que le prieuré supportait quelques charges envers celui de Lutry; il en a été parlé.
Comme curé primitif, le prieur conférait la cure soit le vicariat perpétuel de Cossonay 219 .
Observation. On trouvera, dans notre Chronique de la ville de Cossonay, l’indication des principales aliénations, faites par Berne, des biens du prieuré. On y verra aussi ce que devint la maison appelée le prieuré, depuis la sécularisation de ce couvent.
DE L’ÉGLISE DE St -PAUL ET DE SES AUTELS, SOIT CHAPELLES.
Notre église a subi tant de réparations 220 ou plutôt de mutilations, qu’il est difficile d’apprécier le caractère primitif de son architecture. Cependant, malgré son apparence moderne 221 nous la croyons fort ancienne. La nef, incontestablement bien antérieure au chœur, est divisée en trois parties par deux rangs de colonnes assez lourdes, peu élevées, dépouillées d’ornements, et séparées par des arcades à plein cintre. La partie du milieu est sensiblement plus élevée que les autres 222 . Le chœur (y compris le chancel) est gothique, et nous ne mettons pas en doute que sa construction ne /95/ date, comme celle du clocher avec lequel il est à l’unisson, de l’année 1407 223 . L’un et l’autre produisent un bon effet. À main droite du chœur se trouvait le revestiaire 224 . En résumé, l’église de St.-Paul, soit par son étendue soit par ses décorations, répondait bien à sa double destination d’église d’un prieuré et d’une grande paroisse tout à la fois. Plusieurs autels soit chappelles, fondés et dotés par la dévotion des fidèles, la décoraient. Nous allons indiquer ceux qui nous sont révélés par les documents:
Chapelle de la bienheureuse Vierge Marie. Fondée et dotée par les sires de Cossonay, elle est probablement la plus ancienne des chapelles de l’église. Girard de Cossonay, chevalier, sire de l’Isle, avait légué, nous l’avons rapporté, quarante livres annuelles de terre à l’église de St.-Paul et au prieuré, pour la célébration d’une messe quotidienne 225 à l’autel de cette chapelle 226 . Louise de Montbéliard, veuve de Jean (III), sire de Cossonay, chevalier, fonda, par son testament de l’année 1383, une chapellenie particulière au même autel et la dota de vingt livres annuelles de terre, qu’elle assigna. Le recteur de ce bénéfice, dont l’élection appartiendrait à la dame de Cossonay et aux siens, célébrerait /96/ journellement une messe pour le salut de la fondatrice et celui de ses propres ancêtres ainsi que des sires de Cossonay, à l’honneur de Dieu, de la bienheureuse Vierge et de toute la cour céleste 227 . On a vu de quel service le sire Louis (III) ordonna la célébration à l’autel des sires de Cossonay, lors de sa grande donation au prieuré. Enfin Jeanne, dame de Cossonay, la dernière de son nom et l’héritière de sa famille, légua (1405, 6e avril) à la chapelle, fondée et dotée par ses ancêtres dans l’église paroissiale de Cossonay, dix florins d’or de rente annuelle et perpétuelle, ordonnant que les chapelains de cette chapelle célébrassent chaque année son anniversaire avec vigiles et messe haute des morts 228 . La chapelle de Ste.-Marie était donc bien dotée; aussi les commissaires bernois ordonnèrent-ils, en mars 1536, le séquestre de ses biens, parce qu’elle appartenait au duc de Savoie 229 . La dépouille mortelle des sires de Cossonay reposait dans leur chapelle. Louise de Montbéliard ordonne, par son testament, d’y être inhumée, dans la tombe des sires de Cossonay, avec le sire Jean, son mari bien-aimé. Et Jeanne, dame de Cossonay, veut également reposer dans cette chapelle. — On a entièrement perdu le souvenir de l’emplacement de la chapelle de la bienheureuse Vierge, dont les registres du conseil /97/ font encore plusieurs fois mention depuis la réformation 230 . Nous estimons qu’attenante à l’église, elle finit par être détruite pour éviter les frais de son entretien, et sans qu’il en résultât d’inconvénient pour l’église même. Sa démolition peut avoir eu lieu en 1712 231
Chapelle de St.-Nicolas. Le donzel Mermod de Disy avait légué dix sols lausannois de cense au prêtre qui desservait l’autel de St-Nicolas. Ce légat peut dater de l’année 1323 232 . Le donzel Nicod de Mont passa reconnaissance, en 1470, en faveur du prieuré, pour une tombe de famille dans la chapelle de St.-Nicolas, sous la cense de trois sols, assignée sur tous ses biens 233 . Lors de la réformation, le mayor François de Lutry acquit, au prix de 300 florins, les biens de cette chapelle, fondée par ses prédécesseurs 234 . Or comme ce gentilhomme avait hérité des biens des nobles de Bionnens, lesquels provenaient des nobles de Mont, nous pouvons en inférer que ces derniers étaient les fondateurs de la chapelle de St-Nicolas 235 . /98/
Chapelle de St-Etienne. Perrin Conon, riche bourgeois de Cossonay 236 , fonda l’autel de St-Etienne dans le courant du XIVe siècle. Son fils Nicolet Perrin ordonna, par testament, qu’une messe quotidienne y serait célébrée (voyez la note 144). Il fit davantage, et y fonda encore (par son même testament, de l’année 1386) une chapellenie particulière pour la célébration de quatre messes chaque semaine; il la dota de deux muids annuels de froment, d’un muid annuel de vin à percevoir sur ses vignes de Lonay, et de soixante sols lausannois annuels. Ce bénéfice fut conféré par lui au prêtre Pierre de Lila, auquel il légua, pour cette raison, une maison située au château de Cossonay, mais le fondateur spécifia que les successeurs de ce chapelain seraient ordonnés et institués par le prieur 237 . Le même /99/ Pierre de Lila, alors curé de Penthallaz, fit don, en 1428, à la chapelle de St.-Etienne, de la maison qui lui avait été léguée, et de six livres lausannoises pour l’achat de deux coupes de froment, de cense, au profil de cette chapelle 238 . A l’humble et dévote prière des nobles Jean de Mont, l’aîné, de Payerne, et Jean de Mont, le jeune, d’Aubonne, cause-ayants de feu Nicolet Perrin, Bénoît de Montferrand, évêque de Lausanne, tout en confirmant la fondation de la chapellenie dont il vient d’être question, érigea celle-ci, en 1484 (16e novembre), en bénéfice perpétuel, s’y réservant le droit d’institution et de destitution, et reconnaissant aux nobles de Mont celui de patronage et de présentation du chapelain 239 . La tombe de la famille Conon se trouvait devant l’autel de St.-Etienne. On n’a pas oublié que le donzel Nicolet de Senarclens avait fondé, en 1410, une messe hebdomadaire de requiem à l’autel de St.-Etienne.
Chapelle de Ste.-Marie-Madelaine. Marguerite, veuve de Perrod Marpaul, bourgeois de Cossonay, en vue de son propre salut, de celui de ses prédécesseurs, et de celui de son défunt mari, supplie humblement le frère Pierre de Villars, prieur du prieuré de Cossonay, de lui concéder une place dans l’église paroissiale, auprès de la tombe de son mari, pour y construire un autel en pierres, à l’honneur de /100/ Dieu, de la Vierge Marie sa mère, de la bienheureuse Marie-Madelaine et de toute la cour céleste, offrant de le doter jusqu’à la somme de dix livres lausannoises, bonnes, d’annuelle rente, et de le fournir de calice, livre, vêtements, ornements et autres choses nécessaires, comme aussi d’assurer chaque année, au prieur, quatorze sols, pour l’administration du pain, du vin et du luminaire, etc. Marguerite et ses héritiers seraient inhumés devant cet autel. Le prieur fait droit à cette demande, le 20e juin 1401. Une messe hebdomadaire sera célébrée à l’autel de Marie-Madelaine, mais ceux des héritiers de la veuve Marguerite qui voudront avoir leur sépulture dans cette chapelle, paieront quelque cense au prieur 240 . — Agnès Marpaul (aussi Malpaul et Marpaudaz), fille et héritière de Marguerite, eut deux maris: 1o Jean Possioux, et 2o noble Georges (I) Marchand; et postérité de l’un et de l’autre. De là, la dévotion de ces deux familles à l’autel de Marie-Madelaine, auquel Marguerite Portier, femme de noble Georges (II) Marchand, légua, en 1450, cinq sols annuels en fondation de deux messes chaque année 241 . Noble Jean de Sauvernier lui légua six livres, en 1500, pour la fondation de l’anniversaire de feu Antoine Possioux, donzel 242 . Et Louise Cohendoz, sa femme, fit, la même année, un légat de cent florins, de capital, au clergé de l’église de St.-Paul, en fondation d’une messe /101/ hebdomadaire 243 à célébrer sans doute à l’autel de Marie-Madelaine. Lors de la liquidation des biens d’église, noble Jaques Cerjat, châtelain de Cossonay, acquit une partie des biens de cette chapelle 244 .
Chapelle de St.-André. On a vu, par la confession du sacristain Jean Aguet, de l’année 1450, que la chapelle de ce nom était tenue, avec ses charges et ses bénéfices, par le sacristain du prieuré, qui avait l’obligation de la desservir convenablement, selon que les fondateurs de cette chapelle l’avaient ordonné. On ignore qui étaient ceux-ci.
Autel de la Sainte-Croix. Il est fait mention, sous l’année 1456, d’un autel ainsi nommé, dans l’église de St.-Paul 245 .
Chapelle de St.-Claude. Par son testament de l’année 1451, Jean d’Oulens, clerc, fils de feu Aymon d’Oulens, notaire et bourgeois de Cossonay, fonda, pour le cas où son fils Aymon décéderait sans postérité, une chapelle dans l’église de St.-Paul, auprès de son tombeau et de celui de ses prédécesseurs, à l’honneur de Dieu tout puissant et de St.-Claude, confesseur 246 . Le cas prévu par le testateur se réalisa 247 , et l’autel de St-Claude vint augmenter le nombre des autels de la vieille église de St.-Paul. /102/
Chapelle de St.-Jean-Baptiste. Mermet Mugnier, bourgeois de Cossonay, fils de feu Nicolet Mugnier, fonda, en 1465, un autel sous le vocable de St.-Jean-Baptiste, et le dota de quinze livres lausannoises, bonne monnaie, de rente annuelle, qu’il assigna (quatre livres, entr’autres, sur sa portion de la dixme de Vufflens-la-ville 248 ).
Chapelle des Saints Etienne et Sébastien. Il est fait mention de cette chapelle, sous l’année 1469, comme ayant été fondée par Pierre Gollie (Gollye, dou Golliez), bourgeois de Cossonay 249 . Nous l’estimons la même que celle du St.-Sépulcre dont il est également remarqué que Pierre Gollie était le fondateur 250 . Guillaume de Bougy (de Bogiaco), était, en 1531, le recteur de celle-ci. Pierre de Crousaz l’avait été plus anciennement 251 . A la réformation, Jaques Gollie acquit, au prix de 190 florins, les biens de la chapelle que ses ancêtres avaient fondée dans l’église de Cossonay 252 . LL. EE. de Berne donnèrent à la ville de Cossonay, en 1546, la maison de la chapelle de St-Sébastien pour y tenir l’école et loger le maître 253 .
Chapelle de St.-François. Noble Jean de Cossonay (de la branche illégitime de la famille de ce nom), seigneur de Rurey et d’Ornans-les-Granges, fonda la chapelle de /103/ St.-François et la dota richement de biens appartenant à sa directe seigneurie. Cette fondation peut remonter au 19e avril 1507, date du testament de Jean de Cossonay 254 . François Denizat, curé d’Oulens, était, en 1531, le recteur de cette chapelle qui possédait une maison au château de Cossonay 255 . Dame Rose de Cossonay, veuve du donzel Guillaume de Bionnens, acquit de LL. EE. de Berne, en 1543, pour 400 florins, les censes et les autres biens de la chapelle de St.-François, fondée et dotée par son père 256 .
Chapelle de St.-Denis. Pierre de Dullit, l’aîné, prieur de Cossonay, en vue de son salut et de celui de ses parents, prédécesseurs et bienfaiteurs, fonda et dota, le 1er février 1510, un autel dans le chœur de l’église paroissiale de Cossonay, proche et à main gauche du grand autel, et le plaça sous le vocable de St.-Denis. Quatre messes y seraient célébrées chaque semaine (les lundi, mercredi, vendredi et /104/ samedi). Le fondateur spécifia que les membres de sa famille, portant le nom et les armes de Dullit, pourraient toujours contraindre les religieux du prieuré à la célébration du service fondé 257 . Ainsi il n’y avait pas de chapelain particulier attaché à la chapelle de St-Denis.
Comme complément de notre travail sur le prieuré de Cossonay, nous indiquerons encore succintement quelques faits qui le concernent, soit son église, et qui n’ont pas trouvé place précédemment. /105/
Jean d’Oulens, tailleur, bourgeois de Cossonay, et sa femme Guillemette, donnent, en 1328, douze deniers, de cense, au prieuré de Cossonay 258 .
Johanette, fille de feu Amédée de Gland, proche de Vuillerens, donzel, confirme, en 1364, la donation faite par son père, à la fabrique de l’église de St.-Paul, d’une coupe de froment de cense 259 .
Jordane, femme de Perronet de Senarclens, donzel, confirme, en 1352, la donation de cinq sols et de trois coupes de froment (de cense, sans doute), faite à l’église de St-Paul, par ses filles Jeannette, Alexie et Clémence, pour le salut de leurs âmes 260 .
Jean, dit Viguiroux (Vigoureux) soit Manchet, marchand et bourgeois de Cossonay, donne, en 1372, cinq sols de cense au prieuré de Cossonay, tant pour avoir sa sépulture dans l’église de St-Paul qu’en remplacement de deux /106/ coupes de froment, de cense, précédemment léguées par lui au prieuré. Sa tombe, qui aura neuf pieds 261 de long et six de large, sera placée entre celles de Johannette, femme de Mermet, dit de Disy, et d’Etienne de Disy, donzel 262 .
Nicolet Quinnaz, bourreau (carnifex) et bourgeois de Cossonay, teste en 1384. Il veut être inhumé dans l’église de St-Paul avec son père Perrod et ses prédécesseurs, et fait des legs à cette église, au prieuré, à la confrérie du St-Esprit de Cossonay, à l’hôpital St-Antoine, à l’abbaye du Lac-de-Joux, aux frères prêcheurs et aux frères mineurs de Lausanne. Le testateur et son frère Jaccaud possédent une partie de la grande dixme de Daillens 263 . Tout cela est caractéristique et semblerait indiquer qu’alors l’exécuteur des vengeances publiques n’était pas méprisé, ainsi qu’il l’a été dans des temps plus récents.
Rolet Panchaud ayant légué trois sols annuels à l’église paroissiale de Cossonay, Brisette, veuve de Jean, fils de feu Perrod, bâtard de Senarclens, reconnaît, en 1384, cette cense en faveur du prieuré 264 .
Un accord a lieu, en 1387, entre le prieuré et Mermet Vigoureux, bourgeois de Cossonay, au sujet d’un légat fait au prieuré par Johanette, veuve d’Henri Bestor 265 .
Perrod Lamber, de Disy, ayant fait don au prieuré d’une coupe de froment, de cense, sa veuve Johannette en passe reconnaissance, en 1390 266 . /107/
Perrette, veuve de Jaquet d’Outrens, reconnaît, en 1395, la cense de six sols, bonne monnaie, léguée à l’église de St.-Paul par son mari et son fils Pierre, en vue de leur salut et de celui de la confessante, et pour avoir leur sépulture dans cette église. Leur tombe se trouve vers le pilier, dans l’angle, des côtés de joux et de bise 267 .
Jean Challet, de Cossonay, doit, en 1396, une coupe de froment, de cense, au prieuré de Cossonay, pour la concession d’une tombe dans l’église de St.-Paul 268 .
Nicolet d’Oulens et Jean, son fils, reconnaissent, en 1398, en faveur de l’église de St-Paul, la cense de neuf deniers donnée par leurs prédécesseurs 269 .
Le moulin de Penthallaz, doit, en 1404, au prieur de Cossonay, au nom de son église, la cense de six coupes de blé et de vingt-six deniers 270 .
Marguerite, fille de feu Jean de Conay, donzel, teste en 1411 et lègue deux sols de cense à l’église de St.-Paul, exprimant le désir d’être inhumée dans cette église, auprès de ses parents. Elle institue sa grand-mère Clémence 271 , veuve de Girod de Conay, héritière de ses biens, et lui substitue Marguerite, femme de Thomas d’Eclépends, /108/ donzel, et Alexie, femme du donzel Antoine de Châtillon de Cottens 272 .
Une prononciation est rendue, en 1456, entre le prieuré de Cossonay et les petits-fils du donzel Jean de Mont, au sujet d’un champ 273 .
Pierre Forney et Jean Mermoz, soit Rossier, de Senarclens, vendent, en 1516 (20e octobre), an prieuré de Cossonay, six coupes de froment, de cense perpétuelle, pour le prix de trente-trois florins, de petit poids; les vendeurs assignent cette cense sur trois poses de terre, situées au territoire de Senarclens 274 .
Le vénérable frère Pierre de Dullit, prieur de Cossonay, acquiert, en 1528, deux poses de terre au territoire de Penthallaz, pour le prix de huit florins d’or, de petit poids 275 .
LISTE DES PRIEURS DU PRIEURÉ DE COSSONAY 276
- Jaques. 1286. 1298 277 .
- Pierre de Rougemont. 1301. 1326 278 .
- Conon. 1302 279 .
- Jean de St-Martin. 1338 280 .
- Pierre douz Piage. 1350.
- Girard Béguinat (Bégninat, peut-être). 1361. 1374.
- Girard Contesson. 1373 281 . /110/
- Guillaume d’Oulens. 1384. 1401.
- Pierre de Villars 1401 (22 mai). 1412.
- Guillaume Masset. 1416. 1422.
- Etienne Romparez. 1430.
- Henri Chevalier (militis). 1435.
- Etienne Aymonod. 1438. 1458.
- Pierre de Sauvernier. 1460. 1478.
- Pierre de Dullit, l’aîné. 1483, résigne en 1514. † 1517.
- Pierre de Dullit, le jeune, 1514. 1528.
- Jaques Mestral 1531. † octobre 1536.
LISTE DES CURÉS SOIT VICAIRES PERPÉTUELS DE COSSONAY, CONNUS 282 .
- Pierre, chapelain de Cossonay. 1202.
- Reymond, idem. 1240.
- Maître Humbert, curé. 1261.
- Aubert. 1280.
- Jean. 1503.
- Girard de Chessaux (Cheseaux?) 1306.
- Guillaume de Chiblie. 1307.
- Pierre (peut-être de Rumillie). 1318. 1321.
- Uldric Pacot. 1322. 1326.
- Jaques Custumier. 1402.
- Mermet Prior. 1441.
- Claude Magnin. 1462.
- Jaques ... 1470.
- Rolet Fabri. 1483.
- Pierre De Venoge. 1496.
- Michel Navis, de Genève. 1507.