Encore quelques glanures sur les sires de Cossonay et de Prangins
Observation. Nous ne nous dissimulons point le désavantage des Appendices et des Glanures. Mieux vaut pourtant encore, ce nous semble, compléter ainsi notre travail: Nous n’avons pas le choix du moyen.
GLANURES.
Le sire Louis de Mont ayant fondé, probablement dans la première moitié du XIIme siècle, la chartreuse d’Oujon sur le Jura vaudois 1 , les seigneurs possessionnés dans le voisinage de cette maison religieuse s’empressèrent de lui faire des dons, ainsi que leurs vassaux. Parmi eux l'on remarque, outre les fils du fondateur, le sire Humbert de Prangins (et de Cossonay) et son fils (Pierre, vraisemblablement), et le sire Humbert d’Aubonne et ses fils 2 . Des largesses /472/ furent faites au prieuré d’Oujon par l’empereur Frédéric et le comte Amédée de Genève 3 ; et le pape Lucius fixa les limites de ses possessions 4 . Enfin, le prieur Hugues obtint d'Arducius, évêque de Genève, la confirmation des priviléges et des propriétés de son couvent 5 .
Guy des Monts, seigneur de Genolier, ayant cédé diverses terres à la chartreuse d’Oujon moyennant cinq cents sols genevois, Amédée de Genève, sire de Gex, et Jean, sire de Cossonay (et de Prangins), chevalier, scellèrent à sa prière la charte de cette donation, faite à Nyon, le 5 des Ides de juillet de l’année 1210 6 . Nous rappellerons, à l’occasion de cette laudation, qu’une partie de la terre de Genolier mouvait du fief des sires de Prangins et de l’arrière-fief de ceux de Gex 7 . /473/
Il a déjà été parlé de la donation du même Jean, sire de Prangins (et de Cossonay, petit-fils du sire Humbert), au prieuré d’Oujon 8 . Elle fut approuvée par sa femme Agnès et par ses fils Humbert, Jean et Guillaume. Par la charte de cette concession, datée de Prangins, devant l’église, le 17 avant les Kalendes de juin de l’année 1211 9 , le sire Jean ordonne à son ministral (ministralis) ou à son saultier (psalterius) d’en faire observer les dispositions. — Le même sire émit encore, en 1225 (kalendes de juillet), une autre charte en faveur de la maison d’Oujon 10 .
Enfin, Guillaume, sire de Prangins (fils de Jean), ayant reconnu qu’une partie des biens donnés à la même chartreuse par les milites de Bursinel 11 mouvait de son fief, ratifia leur donation en 1248 12 .
Dans le nombre des témoins, soit de la donation faite, en 1145, au couvent de Bonmont par Amédée de Begnins, Mathilde, sa femme, et Anselme, son fils, de ce qu’ils possédaient en Villars et de leur moitié de Montlaçon, soit de /474/ leur laudation de celle que Guigues de Begnins, leur parent, avait faite au même monastère, on trouve Girold, cuisinier de Prangins 13 . Or celui-ci était un ministérial des sires de ce nom. Ce don de la famille de Begnins comprenait la grange de Montlaçon et d’autres choses.
On voit par une attestation accordée, en 1179, par Ardutius, évêque de Genève, au couvent de Bonmont, de diverses donations faites à cette maison religieuse, qu’Humbert de […] (mot inlisible) et Aymeric, son frère, lui avaient donné les dixmes qu’ils réclamaient sur les possessions de la grange de Clarens, dixmes dont celle-ci se trouvait ainsi investie 14 . On se souvient que Bonmont tenait cette grange de la libéralité du sire Humbert de Prangins et de son épouse. Les sires de Prangins avaient conservé la haute seigneurie à Clarens 15 .
Pierre, sire de Prangins, vivait encore en 1189. On le trouve nommé alors avec Jean, son fils, Hugues, miles de /475/ Germagny, Etienne, Aymon et Marun, fils de Marun de Bierre, Conon, Amauri et Humbert de Mont, frères, et Raymond le gros de Vufflens 16 .
Une déclaration du chapitre de Lausanne, de l’année 1208 (juin), nous apprend que Thomas de Cossonay, chanoine et célérier du chapitre, ayant acquis divers biens pour le prix de 1020 sols, en avait assigné le revenu annuel, s’élevant à 40 sols, un muid de vin et trois coupes de froment, pour la fondation de son anniversaire, ainsi qu’un muid de froment, de cense, par lui acquis sur un moulin rière Pully. Ce revenu devait être distribué, le jour de cet anniversaire, par le sacristain ou quelqu’autre prêtre délégué par le chapitre, et cela de la manière qui en avait été prescrite 17 .
Humbert, sire de Cossonay, se porta garant, le 10 février 1230, de Guillaume Ferrex, chevalier, d’une cense annuelle de […] muids de froment (à la mesure de Lausanne), assignée sur la dixme de Penthallaz, à payer à maître Pierre d’Oulens, pour la somme de sept livres et dix sols de Lausanne 18 . — Ce chevalier Ferrex appartenait sans doute à la /476/ famille Ferrel de Cossonay, dont les membres étaient chevanciers des sires de Cossonay et de Prangins. Nous en avons vu deux, Hugues et Pierre, frères, donner, en 1180, des terres situées à Sullens au couvent d’Agaune de St-Maurice, et deux autres, Guillaume et Narduin, confirmer, en 1202, une donation de terres au Montlaçon, précédemment faite au couvent de Bonmont par leur père Turumbert et leur oncle Emarus 19 . Ce même chevalier peut bien avoir été le père de Conon, dit Ferrens de Pentala, lequel ayant donné, en 1267, sa part de la grande dixme de Burtigny au couvent de Bonmont, promit qu’il ferait approuver sa donation par le sire de Cossonay et l’en constituerait le garant 20 .
Nous avons parlé d’un extrait du cartulaire de Montfaucon, relatif à l’hommage du sire de Cossonay au siége archiépiscopal de Besançon, pour Nyon, les dixmes, etc 21 ./477/ Selon ce cartulaire, toutes les dixmes, depuis la pierre de Moray jusqu’à la ville (usque ad villam) nommée Pirum, soit que le sire de Cossonay les tînt lui-même, soit que d’autres les tinssent de lui, mouvaient du fief de l'archevêque. Nous appuyant sur diverses chartes qui indiquent la même pierre de Moray et le canal (« la chinaux ») de Bursins pour limites de ces dixmes, nous avions cru que Pirum était une mauvaise lecture du nom Bursins: Nous nous étions trompés. Peron (en latin Pirum, Piruns, Peruniacum) est un village du pays de Gex, au canton de Collonges 22 . Ainsi donc si, d’un côté, le sire de Cossonay tenait en fief de l’archevêque les dixmes entre la pierre de Moray et le canal de Bursins, il en était de même, du côté opposé, dès cette pierre jusqu’au village de Peron, ce qui comprend une étendue de pays considérable, soit la majeure partie de l’ancien comté des Equestres. — Ne peut-on pas tirer de cette circonstance une nouvelle présomption en faveur de la descendance des sires de Cossonay et de Prangins des comtes des Equestres?
Nous avons émis l’opinion que cet hommage du sire de Cossonay à l’archevêque, mentionné par le cartulaire, pourrait bien être antérieur à celui que prêta, en 1246, le sire Humbert (II) en personne, à Besançon 23 . Ce fut Etienne de Rossillon, on s’en souvient, qui en fit la prestation au nom du sire de Cossonay. Or un Etienne de Rossillon, vraisemblablement celui dont parle le cartulaire, intervient dans /478/ une charte de l’année 1235 et dans une autre de l’année suivante 24 . Nous en inférons que l'hommage en question fut peut-être prêté par le sire Jean, ou plus probablement par son fils Humbert, lorsque celui-ci entra en possession des seigneuries de sa famille, et que, plus tard, il le renouvela, en personne, à Besançon. Nous venons de voir Humbert agir comme sire de Cossonay déjà en 1230.
Un auteur moderne rapporte 25 un fait nouveau et intéressant pour l’histoire des dynastes de Cossonay. Selon lui, Guillaume, comte de Genève, aurait inféodé, en 1235, le château et la seigneurie de Vufflens (le-châtel) à Humbert, sire de Cossonay 26 . Les détails de cette inféodation nous font défaut, mais elle nous explique pourquoi ce même sire Humbert scella, en 1247, l’abandon que fit alors au couvent de Romainmotier le chevalier Vuillelme de Vufflens, dit gras, de ses prétentions à une vigne située à Bussy, endroit qui appartenait alors, en majeure partie, à la seigneurie de Vufflens 27 . Déjà le sire Jean, père d’Humbert, avait apposé son sceau à deux chartes émanées des nobles de Vufflens en /479/ faveur du monastère romain 28 . On doit présumer que l’inféodation indiquée eut lieu lors de l’extinction de la famille des dynastes de Vufflens. On sait quelle prépondérance les comtes de Genève avaient alors acquise dans le pays de Vaud. Cependant, d’un autre côté, le sire Guillaume de Vufflens avait soumis le château et la seigneurie de ce nom au fief de l’église de Lausanne, du temps de l’évêque Roger 29 . La maison de Cossonay ne paraît pas avoir conservé longtemps la seigneurie de Vufflens, qui passa bientôt à celle de Duyn. Mais l’écusson des sires de Cossonay (l’aigle) se remarquait dans l’antique donjon de Vufflens 30 .
Jean de Cossonay, évêque de Lausanne, cédant, en 1260, la moitié de la jurisdiction temporelle sur la ville de Lausanne au prince Pierre de Savoie, le nomme son très-cher consanguin 31 . D’où provenait leur parenté? A parler strictement, consanguineus signifiait cousin germain paternel, et consobrinus cousin germain maternel. Toutefois, dans la pratique, on donnait au premier terme un sens moins restreint. Le comte Thomas de Savoie, père du prince Pierre, avait été marié deux fois: 1o avec Béatrix de Genève, fille du comte Guillaume I 32 ; et 2o avec Agnès, fille de /480/ Guillaume, sire de Faucigny 33 . Selon Guichenon, ses nombreux enfants seraient issus de cette dernière épouse, tandis que selon d'autres auteurs 34 ils le seraient de la première. La question n’est pas résolue. Probablement que l’évêque Jean et le prince Pierre étaient parents du côté de leurs mères. Celle de l’évêque est appelée, dans les chartes, dame Agnès; on n’en sait pas davantage. Peut-être qu’elle appartenait à la maison de Genève ou à celle de Gex, qui en était issue, ou bien peut-être encore à celle de Faucigny, et que son existence a échappé jusqu’ici aux généalogistes de ces diverses maisons. Un fait reste certain, c’est celui de la parenté, au XIIIme siècle, de la maison de Savoie avec celle de Cossonay.
Jordane, femme de Jaques, sire de Cossonay, chevalier, était, selon toute apparence, nous l’avons fait observer, de la maison de la Tour-Châtillon. Les mémoires de l’académie royale de Turin contiennent un extrait des comptes de la châtellenie de Chillon, où l’on remarque l’article suivant, bien propre à corroborer l’opinion que nous avons émise: « Anno 1260-67. De XLI libris maur. pro banno, de hominibus domine Jordane de Turre, eo quod cum armis venerunt /481/ apud Massongie contra illos de S. Mauricio. » — On se souvient que dame Jordane de Cossonay était vidame d'Ollon et co-dame de Bex, lieux voisins de Massongier.
Jaques, sire de Montricher (et son fils Rolet), entrant, en 1289, dans l’hommage 35 d’Othon, comte palatin de Bourgogne, sire de Salins, réserve la féauté qu'il doit au sire de Villars, à Louis de Savoie, sire de Vaud, à la dame de Montsaugeon 36 , au sire de Gex, et à celui de Cossonay 37 . Nous avons fait observer que lorsque Raoul (ou Rolet), sire de Montricher, prêta hommage, en 1297, à Louis de Savoie, pour Montricher, il en excepta ce qu’il tenait du sire de Cossonay et d’autres seigneurs 38 .
Jean (II), sire de Cossonay, ayant contracté envers le donzel Richard, fils du feu chevalier Nicolas de Lutry, une dette de cinquante-sept livres, bonne monnaie de Lausanne, pour du blé et du vin que celui-ci lui avait vendus 39 , prend /482/ l’engagement (1297, mai) de l'acquitter à la prochaine fête de St-Michel. Et, pour le cas où il ne le remplirait pas, il autorise le donzel Richard à emprunter la somme due, sur le pied de deux deniers d’intérêt pour chaque livre par semaine, pour aussi longtemps qu’il ne sera pas payé. Il promet, sous serment, non-seulement de l'indemniser de tous intérêts, frais et dépens, mais encore de le croire, à l’égard de ceux-ci, sur sa simple parole, etc. Pour hypothèque spéciale, il lui assigne la dixme des blés de Pailly, que le donzel Richard tient de lui en fief 40 . Enfin, pour plus grande sûreté, le sire Jean constitue deux fidéjusseurs de sa dette, savoir: Pierre, fils de Guillaume de Penthereaz, citoyen de Lausanne, pour la moitié de celle-ci, et le donzel Guillaume, fils du feu chevalier Jean de Sonarclens, pour l’autre moitié. Le sire de Cossonay et ses cautions se soumettent à la jurisdiction de l’official de Lausanne, pour que, sans citation ni monition, celui-ci les contraigne, par la censure ecclésiastique, à l’observation de leurs engagements 41 .
Encore la même année (mercredi après la fête de St-Martin, en hiver), le sire Jean, du consentement de sa femme Marguerite de Villars, vend au même donzel Richard de Lutry, en libre alleu, la moitié de la dixme de Pailly (de froment, d’avoine, etc.), avec tous ses droits, pour le juste prix de cent-quatre-vingt-dix livres lausannoises, bonnes. /483/ Il promet de maintenir la dixme vendue, et tient l’acquéreur quitte jusqu’alors de tous devoirs de fief, hommages et obligations. Il se soumet de nouveau, ainsi que sa femme, à la jurisdiction de la cour de l’official, pour ce qui concerne l’observation des engagements qu’il contracte, réservant cependant huit jours de monition. Enfin il appose son sceau et fait apposer celui de l’official au contrat de vente, passé à Lausanne, dans la maison du chevalier Rodolphe de Billens, dans laquelle le sire de Cossonay et sa femme demeuraient alors 42 .
L’aliénation faite ici par le sire Jean comprend seulement la directe seigneurie soit la mouvance de la dixme de Pailly, puisque le donzel Richard possédait déjà celle-ci à titre de fief. C’est donc une exemption de ligence qui lui est accordée, et le haut prix qu’il en paie nous montre l’importance qu’on attachait alors aux liens de la vassalité.
Quatre-vingt-deux années plus tard, cette même moitié de dixme rentra dans le domaine du château de Berchier. Rolet, mayor de Lutry, donzel, héritier de François et de Richard de Lutry, son père et son aïeul, la céda, en 1379 (nones de juillet), à titre de vendition perpétuelle, à noble et puissant homme Louis de Cossonay, sire de Berchier, chevalier, pour le juste prix de deux cent-quarante livres lausannoises, bonne monnaie. Cette cession comprit également tous les droits que le vendeur pouvait avoir à la dette de cinquante-sept livres contractée par le sire Jean de Cossonay /484/ envers Richard de Lutry 43 . Et, comme le sire de Berchier avait employé à cette acquisition des deniers qui provenaient de la dot de noble dame Marguerite de Sarbruck (de Serraponte), son épouse chérie, il s'empressa, la même année 44 , en rémunération de beaucoup de services que celle-ci lui avait rendus et lui rendait journellement, de lui abandonner, à titre de donation entre-vifs, la dixme qu’il avait acquise 45 .
La même Marguerite de Sarbruck (ou Salabruche) légua, par son testament du 14 septembre 1394, trente sols annuels aux chapelains du chœur de l’église Notre-Dame de Lausanne. Ils seraient distribués, par le chapitre de cette église, entre ceux qui célébreraient la messe le jour de son anniversaire. Elle assigna cette rente sur sa dixme d’Ogens 46 .
Retournons maintenant en arrière.
Par son testament, de l’année 1300 (lundi après Judica me), Guillaume de Champvent, évêque de Lausanne, célèbre dans notre histoire, nomma pour exécuteurs de ses dernières volontés Aymon du Quart, prévôt du chapitre de Lausanne, Othon de Champvent, frère du testateur, Jean, sire de Cossonay, son neveu, Vuillerme, sénéchal de Lausanne, /485/ chevalier, Jean de Dugny, son official, et Jean d'Avenches, son officier domestique 47 . On ignore comment le sire de Cossonay et l’évêque Guillaume se trouvaient parents aussi rapprochés 48 , mais cette parenté peut bien avoir contribué à les unir lors de la guerre que l’évêque et ses adhérents soutinrent contre Louis de Savoie et ses alliés.
Il semblerait que la dépouille mortelle du sire Jean de Cossonay reposât dans l’église de St-Maire, à Lausanne, puisque Jean de Gruyère, sire de Montsalvans, chevalier, fondant, en 1359 (juillet), un autel dans cette église et y choisissant sa sépulture devant la chapelle Notre-Dame 49 , ordonne que son tombeau soit couvert d’une pierre unie (lapis planus), semblable à celle du tombeau de Jean de Cossonay 50 .
Marguerite de Villars, veuve du sire Jean (II) de Cossonay, et ses fils Louis et Humbert, firent, en 1306, quelques /486/ libéralités à l’abbaye du lac de Joux. Elles consistaient dans le don d’une cense annuelle de douze sols, d’une seconde cense de dix sols, d’une troisième de deux pains blancs, et d’une quatrième de neuf sols 51 .
On se souvient que l’archevêque et le doyen de Besançon avaient invité le comte Amédée (V) de Savoie, par lettre datée du samedi après la fête de l’Annonciation de la Vierge de l’année 1307, à recevoir, selon l’usage, l’hommage du sire Jean de Cossonay, admis par eux pour vassal à cause du fief de Nyon que le sire de Prangins tenait de lui, et cela parce qu’ils avaient jadis concédé ce fief au comte Philippe (de Savoie). Le sire Jean de Cossonay, à la vérité, ne vivait plus alors, mais ses fils le représentaient. Cette invitation, au reste, paraît avoir été une simple formalité, et l’archevêque Hugues accorda bientôt après (même année, kalendes de juin), par procureurs, l’investiture de Nyon au comte Amédée 52 .
Pierre (IV), comte de Gruyère, faisant, en 1314 (novembre), un traité d’alliance avec Louis (II) de Savoie, sire de /487/ Vaud, réserve que si celui-ci avait querelle avec Jean d’Englisberg, sire d’Illens et d’Arconciel (neveu du comte), soit avec le sire Louis (I) de Cossonay, il (le comte) ne marcherait pas personnellement contr’eux 53 . Cette réserve laisse entrevoir des relations particulières entre les maisons de Gruyère et de Cossonay.
Un accommodement paraît avoir eu lieu entre Louis (II) de Savoie, sire de Vaud, d’une part, et Aymon de Cossonay (chanoine de Lausanne), Jean, sire de Cossonay, et le frère (non nommé) de celui-ci, de l’autre. La concorde avait été rétablie par le chevalier Guillaume de Dompierre et N […] Guichard, de Cossonay, arbitres choisis par les parties. Celles-ci abandonnèrent la décision des points en litige à Humbert (de Billens), sire de Paleysieux et à Aymon de Chastonay, baillif de Lausanne 54 . On ignore et le sujet du différend et la date de l’accommodement auquel il donna lieu. Cette dernière doit vraisemblablement être placée entre les années 1333 et /488/ 1350 55 . Cette convention serait-elle le traité de paix dont parlent les anciens comptes de la communauté de Cossonay 56 ?
Lors d’une difficulté survenue entre les mêmes seigneurs de Cossonay et le donzel Mermet de Chabie, le sire Humbert de Paleysieux fut encore l’arbitre des premiers et Guillaume de Billens, châtelain de Romont, celui de l’autre partie.
Humbert de Billens, sire de Paleysieux, chevalier, et son fils Aymon, aussi chevalier, créèrent, en 1359, en faveur de Pierre de Billens, sire de Joux, chevalier, et de Marguerite de Grandson, sa femme, une obligation de 3200 florins d'or, de Florence, de capital, remboursable dans cinq années; et cela sous l’hypothèque du château de Paleysieux et de son mandement. Ils assignèrent la perception annuelle de l’intérêt de cette dette sur les revenus de l’hypothèque. Pierre, comte de Gruyère, Jean (III), sire de Cossonay, et son frère Girard, chevaliers, se portèrent garants des engagements du père et du fils 57 . Le sire de Paleysieux avait, on s’en souvient, épousé Johannette de Cossonay, tante du sire Jean. Une proche parenté les unissait donc.
Guillaume de Cossonay, prieur de Payerne, avait obtenu, en 1362 (14 janvier), du baillif de Vaud, un passement /489/ contre les prud’hommes de Montcherant, les astreignant à lui payer, deux fois l’an, la taille à miséricorde. L’année suivante, le comte Amédée de Savoie enjoignit (le 15 mars) à tous ses officiers et justiciers de la baronnie de Vaud, de faire exécuter ce passement, parce que le recours en appellation en était prescrit et qu’il (le comte) était bénignement enclin à écouter les supplications que son très-cher consanguin le prieur de Payerne et son couvent lui avaient adressées au sujet de cette exécution 58 .
Louise, dame de Cossonay, femme de Jean de Challant, réclamait du siége épiscopal de Lausanne le paiement de dix muids de vin, dûs, selon elle, aux sires de Cossonay à titre de fief relevant de l’église de Lausanne. Une sentence arbitrale la débouta de sa demande qu’elle n’avait pas appuyée de titres 59 . — Jean de Challant, l’époux de dame Louise, était fils d’Iblet, sire de Challant et de Montjovet 60 .
Jean de Cossonay (de la branche bâtarde de la famille de ce nom), seigneur de Rurey, etc., testa le 19 avril 1507 et institua ses deux fils François et Guy 61 pour héritiers universels /490/ de ses biens, par égale portion. Il légua, pour le cas où ceux-ci décéderaient sans postérité, sa dixme de Senarclens au clergé (séculier) de Cossonay 62 . Guy ne vivait plus lorsque son frère François fit son testament, le 10 octobre 1515, par lequel il donna au même clergé « la plus-value et véritable valeur » de la même dixme, déjà léguée à ce clergé par son père 63 .
Passons maintenant aux sires de Prangins en particulier. Guerric, sire d’Aubonne, du consentement de sa femme Clémence, de son fils Etienne et de ses autres fils, remit, en 1259 (10 des kalendes de septembre), à titre d’échange, au seigneur Pierre de Savoie, tous ses droits au (in) château, au bourg et à l'hôpital d’Aubonne, avec toutes leurs appartenances, en hommes, terres, pâquiers, eaux, péages, pêcheries et autres choses corporelles et incorporelles, qu’il possédait entre la rivière dite de Viz (la Promenthouse?), d’un côté, et la Morges, de l’autre. Il en excepta les fiefs qu’il tenait du sire de Prangins et de celui de Gex 64 . Pierre de Savoie promit au sire Guerric de lui assigner cet échange dans la vallée de Châtillon (Castellionis) 65 .
La déclaration suivante de Jean, sire de Prangins (fils du /491/ sire Guillaume), en faveur du couvent de Payerne, laisse présumer qu'il avait eu quelque démêlé avec ce monastère. Il confessa, en 1270, n’avoir aucun droit à (in) une terre située à Promenthoux, appelée la folie des moines, ni à la dixme de celle-ci. Et, en même temps, il permit au couvent d’acquérir, à Vic et à Marsins, deux poses de terre ou vigne qui appartiendraient à sa mouvance 66 .
De nouveaux démêlés surgirent bientôt à l’occasion du prieuré de Bassins, dépendant de celui de Payerne, mais dont l’avouerie appartenait au sire Jean en qualité de sire de Mont (le-vieux). Gaucher, prieur de Payerne, accusait celui-ci d’avoir commis des déprédations sur les hommes de Bassins, s’élevant, selon lui, à cinquante livres de Genève. Le sire de Prangins disait n’avoir fait usage que de ses droits d’avoué. Ces droits étaient niés par le prieur. Des compositeurs amiables (Aymon, prieur de Romainmotier, Humbert de Rossillon et deux autres) arrangèrent le différend et prononcèrent, en 1276: qu’à raison de l’avouerie du prieuré de Bassins, le sire de Prangins aurait: 1o la punition des criminels en cas de peine de mort ou de mutilation des membres; 2o la moitié des biens des délinquants, etc. 67 . Louis de Savoie, sire de Vaud, successeur des Prangins, ratifia cet accord en 1317 68 .
Ces mêmes hommes de Bassins étaient astreints aux devoirs de fortifier et de bâtir à l’égard du château de /492/ Mont (le-vieux) 69 . — Outre une grande partie de la Côte, la seigneurie de Mont (le-vieux) comprenait le plateau élevé qui la domine. Son ressort était considérable. Les criminels du Vaud et de Volatar 70 , lieux qui appartenaient à l'abbaye de Bonmont, étaient remis, après avoir été condamnés à mort à Bonmont, au châtelain de Mont (le-vieux) qui faisait exécuter la sentence 71 . Le prieuré et les hommes de St-Georges étaient du mandement de Mont (le-vieux), et le prieur payait annuellement quatorze sols au sire de Mont, pour la sauvegarde 72 . Le prieur de Bierre lui payait deux florins d’or pour le même objet, et ce sire avait le droit de dernier supplice sur les sujets du prieuré (à Bierre) 73 . Enfin les hommes de Bierre ressortissaient à Mont-le-vieux, en suivaient la chevauchée et y fortifiaient 74 . Déjà, en 1204, Narduin de /493/ Bierre avait été l’un des témoins d’une convention de Jean, sire de Prangins (et sans doute aussi de Mont), avec le couvent de Bonmont 75 .
On voit par les partages faits, en 1596, entre les deux fils de l’avoyer de Berne, Jean Steiguer, des terres et seigneuries de Rolle et Mont-le-vieux, et de Mont-le-grand, que la première, indépendamment de la ville de Rolle, comprenait les lieux suivants: « le chesaux » du château de Mont-le-vieux, Bugnaux, Tartegnin, Vincy, St-Vincent, Vinzel, Luins, Begnins, Dullit, St-Bonnet, Bursinel, Ougens (Oujonnet?) le Vaud, Vollata, Penzat(?), et Mollanson (Montlaçon). La seigneurie de Bierre fit partie de ce partage qui échut à noble Jean Steiguer 76 .
Nous avons dit que, lors de la catastrophe de la maison de Prangins, les seigneuries de Grandcour et Bellerive avaient passé à celle de Savoie 77 . Le château de Grandcour se rendit au sire de Vaud; et cette reddition, qui paraît avoir été faite par les bourgeois de Grandcour, eut lieu du consentement d'Isabelle, veuve de messire Jaques, co-seigneur d’Estavayé. Louis de Savoie promit aux bourgeois et jurés de Grandcour de les tenir aux mêmes bons us et coutumes que ses oncles, les comtes Pierre et Philippe, avaient observés à l’égard de Moudon. Cette assurance leur fut donnée au château des Clées, l'an 1293 78 . Isabelle, veuve de Jaques, co-seigneur d'Estavayé, serait-elle Isabelle de Greysi, /494/ précédemment l’épouse du sire Jean de Prangins? Dans tous les cas, elle paraît avoir tenu à la maison de Prangins.
Par composition faite entre Amédée (V), comte de Savoie, et Aymon de Prangins, donzel, le premier était tenu de payer au second mille livres viennoises. Ce paiement ayant été effectué, Aymon de Prangins en donna quittance le mercredi avant la fête de Ste-Cathérine de l’année 1294 79 . Aymon de Prangins est le sire dépossédé de Nyon, et la composition dont il est ici question avait sans doute eu lieu lors de la prise de Nyon ou peu de temps après.
Quelques rares notions nous sont encore parvenues sur les derniers membres, il le paraît, de la famille de Prangins.
Perrod de Prangins, donzel, fils naturel de feu Jean de Prangins, donzel 80 , fit un légat, le 19 septembre 1374, à l’église de Dommartin 81 . Et, en 1406, Jean de Prangins, /495/ donzel, tant en son nom qu’en celui d'Aymon de Prangins, son frère, donna au couvent de Bonmont une cense annuelle de trente sols de Genève, dont Isabelle de St-Joire, veuve de Guillaume de Visencier, avait fait donation entre-vifs à ce monastère 82 Il se pourrait que ce Jean de Prangins fût celui qui devint évêque de Lausanne en 1433.
Le fait que nous allons citer appartient à une époque plus rapprochée de nous. Nous le rapportons pour remplir une lacune de notre article sur le démembrement du domaine du château de Cossonay.
A la date du 1er février 1673, LL. EE. de Berne inféodèrent à honorable Pierre Baudelle, citoyen de Lausanne, les censes et les fiefs qu’Elles possédaient au village de Bournens 83 . Indépendamment des censes dues, d’ancienne date, au château de Cossonay, cette remise comprit encore celles que LL. EE. avaient acquises, en 1568, par l’échange fait alors avec le baron de Coudrée.