QUELQUES EXPLICATIONS
relatives à la dixme des novalles de la paroisse de Cossonay et à celle des nascents, à la redevance appelée la moisson, au tribut des oboles, à la maison du jadis prieuré et à la maison de ville de Cossonay.
La dixme des novalles (c’est-à-dire celle levée, pendant trois années, sur les terres nouvellement défrichées), dans la paroisse de Cossonay, avait donné lieu anciennement à des contestations entre le prieuré et la cure de Cossonay. Une sentence arbitrale de l’official de Lausanne, rendue on 1318, avait décidé que le prieuré percevrait seul celle du territoire de Cossonay proprement dit, mais qu’il partagerait le reste avec la cure, par égales portions 1 . Plus tard, en 1441, une nouvelle sentence de Georges de Saluces, évêque de Lausanne, avait adjugé la totalité de cette dixme au prieuré, moyennant qu’il livrât annuellement au curé, à l’époque de la moisson, deux coupes de froment et autant d’avoine 2 . /460/
Lors de la conquête bernoise, la cure percevait le tiers de la dixme des novalles de la paroisse 3 ; et ce tiers passa à la ville de Cossonay avec les autres biens de cette cure. On ne voit pas que LL. EE., cause ayant du prieuré, lui en aient cédé les deux autres parts; cependant la ville paraît l’avoir perçue en entier: elle l’aliéna même à la Chaux, dans le siècle passé, en faveur du seigneur de l’endroit. Nous en concluons que, vu le peu d’importance de son produit, LL. EE. abandonnaient peut-être à la ville la jouissance de toute la dixme des novalles.
La prononciation de l’année 1318, mentionnée ci-dessus, avait aussi adjugé au curé de Cossonay la moitié de la dixme des nascents (c’est-à-dire du bétail naissant) de la paroisse. Cette dixme ne paraît pas y avoir été perçue depuis la réformation.
C’est ici le cas de parler d’une redevance appelée la moisson ou la « premisse », due, dans la paroisse de Cossonay, tant au prieuré qu’à la cure. Déjà, en 1261, une ordonnance du prieuré de Lutry, supérieur de celui de Cossonay, avait partagé également, entre la cure et le prieuré, la moisson que les paroissiens livraient aux ministres de l’église 4 . Cet état de choses durait encore en 1536, lorsque la réformation de l’église fut imposée au pays de Vaud. Alors le curé percevait annuellement, pour sa moitié de cette moisson, environ deux muids et demi de froment et /461/ quatre muids d’avoine 5 . C’était donc une redevance assez considérable. Elle aurait dû, semble-t-il, faire partie des biens de la cure remis alors à notre ville; mais il n’en fut point ainsi. On ne trouve, sous la domination de Berne, aucune trace de paiement de la moisson dans la paroisse, soit à LL. EE. cause ayant du prieuré, soit à la ville cause ayant de la cure. Sans doute que Berne l’y avait abolie il cause de son origine. La moisson ou la « prémisse » était, comme ce dernier nom l’indique, une cense payée pour la consommation du mariage 6 , et son imposition datait probablement de l’époque du servage. Dans le pays de Vaud 7 elle faisait généralement partie des biens des cures, et se payait volontiers, par focage, sur le pied d’une gerbe de froment (ou de messel) et d’une gerbe d’avoine 8 , parfois aussi d’une coupe de froment et d’une coupe d’avoine par chacun de ceux qui « faisaient charrue » 9 . Cependant on trouvait des variations à cet égard. LL. EE. modérèrent cette redevance /462/ dans bien des localités, et la remirent fréquemment au seigneur de l’endroit 10 .
Nous avons mentionné l’amodiation faite, en 1407, par le donzel Jean de Mollens, pour une année, de l’ohmgeld et des oboles de la ville et de la communauté de Cossonay, au prix de 140 florins (voir ci-devant page 44), et fait observer, à cette occasion, que c’était l’unique fois qu’il était question de ce tribut des oboles dans nos documents, et que nous ignorions en quoi il consistait (voir note 100). Cette redevance, perçue en même temps que l’ohmgeld, se payait par les taverniers et marchands de vin de la ville sur le pied d’une obole pour chaque pot ou pinte de vin 10bis . Nous inférons de la circonstance qu’elle n’est plus mentionnée dès lors, ou que la ville cessa de la percevoir, ou bien que jointe à l’ohmgeld elle fut comprise dans celui-ci.
Il a été quelquefois question, dans le cours de notre chronique, de la maison appelée le prieuré parce qu’elle avait servi de demeure aux religieux du prieuré conventuel de St-Pierre et de St-Paul de Cossonay. Elle était située derrière l’église. On se souvient que LL. EE. l’avaient inféodée, en 1672, au seigneur de Penthaz, pour être désormais la maison seigneuriale de ce village. On la rebâtit dans la seconde moitié du siècle passé. En suite de permission obtenue de LL. EE., noble Henri Charrière, seigneur de Penthaz, la /463/ vendit, en 1794 (20 janvier), à noble Antoine-Philippe de Gingins, seigneur de Lussery, avec ses droits et prééminences et spécialement le droit de jurisdiction sur cette maison et ses dépendances, aussi deux quarterons de paille livrés annuellement par les fermiers de la dixme de Cossonay; le tout pour le prix de 1880 livres de dix batz pièce. Il fut spécifié que le prieuré fournirait, comme précédemment, les prisons réservées par l’inféodation de 1672, ainsi que les greniers de LL. EE 11 . Dix années après (1804, 11 mai), la ville acquit ce même prieuré des hoirs Chabanel, de Gollion 12 . Elle le possède maintenant. Il renferme les prisons du district, ainsi que la chambre de détention de la ville.
En rapportant, sous l’année 1664, la décision du conseil qu’une nouvelle maison de ville serait incessamment bâtie, nous avons ajouté qu’elle concernait la maison de ville actuelle (voir page 233). Cette assertion demande quelques explications, en évitation d’un mal entendu. On nomme effectivement encore maison de ville celle qui fut construite alors. Ce bâtiment, beau pour son époque, est aujourd’hui l’auberge du Cerf 13 . Toutefois les autorités locales ne /464/ s’y rassemblent plus. Un nouvel édifice, de bonne apparence, a été élevé sur l’emplacement des grandes halles 14 , en face de l’église; et la municipalité, le conseil communal, la justice de paix et le tribunal de district y tiennent leurs séances. Les archives communales y déposent. Les frais de sa construction, commencée eu 1826, ont été couverts, en partie, par un légat fait à la ville par feu M. Estève Delessert dans un but de bienfaisance 15 et par la somme de dix mille francs donnée par M. le baron Benj. Delessert pour l’établissement d’une école d’enseignement mutuel 16 . Comme la ville avait vendu l’ancien Collège 17 , les écoles ont été transportées dans la maison de l’hôpital (par lui acquise en 1791, nous l’avons vu), que la ville a achetée à cet effet.