Chronique de la Ville de Cossonay,
par
M. Louis De CHARRIÈRE,
Membre de la Société d’Histoire de la Suisse romande.
LAUSANNE,
LIBRAIRIE DE GEORGES BRIDEL, ÉDITEUR.
1847.
AVIS.
Pour éviter des répétitions fastidieuses, nous prévenons que, lorsque nous ne citons pas de source, nos matériaux ont toujours été puisés aux archives de la ville de Cossonay.
CHRONIQUE DE LA VILLE DE COSSONAY.
Cossonay sous les seigneurs de son nom.
Cossonay existait déjà au XIe siècle, puisqu’Uldric, le premier des sires connus de cet endroit, en donna l’église, en 1096 (mai), au couvent de Romainmotier. La charte de cette donation parle aussi du château-fort de Cossonay 1 .
On voit les habitants de Cossonay prendre, dans le XIIIme siècle, la qualification de bourgeois, ce qui indique qu’ils avaient reçu de bonne heure des libertés de leurs seigneurs. Ils en furent sans doute dotés lorsque leur bourg fut fermé de murailles. Toutefois les titres de ces premières immunités ne sont point parvenus jusqu’à nous, et nous en verrons plus tard la cause; mais une présomption en /6/ faveur de leur ancienneté se tire de la circonstance que les documents ne nous ont conservé aucune trace de taillabilité 2 chez les habitants de notre ville. Le projet du traité de paix, de l’année 1297, entre Louis de Savoie, sire de Vaud, et le sire Jean II de Cossonay, contient une disposition portant que les héritages soit propriétés dont les bourgeois ou les nobles de Cossonay étaient en possession à l’époque où Morges fut bâti, et dont les habitants de cette ville les avaient privés sans jugement, leur seraient restitués sans difficulté 3 . Et le cartulaire du couvent de Romainmotier nous a conservé les transactions de quelques bourgeois de Cossonay avec ce célèbre monastère 4 . Il est donc certain que les franchises de notre ville remontent au XIIIme siècle. /7/
Il a été parlé de la convention que les sires Louis (I) et Aymon de Cossonay conclurent, en 1323, avec tous les bourgeois et jurés de cet endroit, au sujet surtout du paiement des aides, ainsi que de la confirmation de ce traité (en 1346) 5 . Quoique, dans ces deux transactions, il ne soit pas fait mention des sindics, gouverneurs ou recteurs de la communauté, nous ne devons point en conclure que le gouvernement communal n’existât pas alors à Cossonay, puisqu’on ne saurait admettre une ville dotée de franchises sans un gouvernement de cette espèce.
Si nous jetons un coup-d’œil sur le partage que les quatre fils d’un bourgeois de Cossonay, nommé Perrin Conon, firent, en 1344 (sept.), de la succession paternelle, nous nous convaincrons que notre ville avait, à cette époque assez reculée, des bourgeois riches et considérés. Dans les grands biens qui font l’objet de ce partage se trouvent beaucoup de redevances féodales 6 . /8/
L’empereur Charles IV ayant accordé à Guillaume de Grandson, sire de Ste.-Croix et d’Aubonne, un péage (soit pontonage) sur le cours de l’Aubonne, à percevoir de chaque personne (et aussi pour les bêtes et les biens-meubles), ce seigneur, à la date du 6 juillet 1369, en affranchit, /9/ moyennant cent et vingt florins d’or, le sire Louis (II) de Cossonay, son (petit) neveu, ainsi que les nobles, bourgeois, prud’hommes et tous ses autres sujets, de quelque sexe et condition qu’ils fussent, demeurant dans les ville, châtellenie et district de Cossonay 7 . Guillaume de Grandson fit la réserve qu’ils ne frauderaient point le pontonage, et que s’ils faisaient passer sans paiement des choses à eux non appartenantes, ils seraient tenus au ban du péage imposé par l’empereur. — C’est en vertu de cette concession que les habitants /10/ de Cossonay ont toujours joui de l’exemption du péage au pont d’Allaman 8 .
Selon les us et coutumes de la patrie de Vaud, ceux qui avaient maison et domicile dans l’enceinte des murailles de « quelque forteresse 9 , » devaient contribuer à l’entretien de celle-ci 10 . En opposition à ces coutumes, la ville de Morges voulait contraindre ceux des nobles et bourgeois de la ville et du mandement de Cossonay 11 qui avaient des propriétés dans le mandement de Morges (et non dans la ville) de contribuer également à sa fortification. Il en résulta une difficulté par devant le baillif de Vaud (Rod. de Langin) qui fut l’occasion, pour le sire Louis (III) de Cossonay, de s’intéresser vivement en faveur de ses ressortissants, tandis que Morges fut appuyée par Bonne de Bourbon, mère du comte Amédée VII de Savoie 12 . Ceux de cette ville voulaient qu’en vertu de leurs franchises la cause se jugeât à Morges et non /11/ à Moudon 13 ; leurs adversaires disaient, au contraire, que nul ne pouvait être juge dans sa propre cause. Le 28 mai 1387 fut assigné aux parties pour journée de droit, mais, les gouverneurs de Morges (Jean de St-Saphorin et Aymon de Chanvent, donzels) n’ayant point paru à Moudon, ni personne en leur nom, les ressortissants de Cossonay demandèrent un passement contr’eux, et la cour connut et jugea avec le baillif 14 que celui-ci devait les déclarer entièrement exempts de la contribution demandée 15 .
Notre communauté avait, en 1392, un prieur, recteur et gouverneur, élu par les nobles et les bourgeois de la ville. Son élection avait été faite par six bourgeois, le jour de la fête de St-Georges, dans l’église de St-Paul, où ils avaient été spécialement convoqués au son de la cloche, et cela en vertu de l’autorité que la communauté leur avait donnée. Ce sindic avait promis, par serment et sous l’obligation de tous ses biens, de gouverner la communauté, bien et fidèlement, et de rendre bon compte de son administration à la première réquisition qui lui en serait faite. Pendant les deux années /12/ qu’il fut en fonctions il perçut, au nom de la communauté, 121 florins de bon or pour l’amodiation de l’ohmgeld (soit du longuelt) 16 et 36 muids et 4 coupes de froment pour celle du froment des veilles (ou de la guette) 17 ; plus 140 florins (aussi de bon or), provenant d’une imposition faite par la communauté pour la fortification de la ville, et 40 des mêmes florins que les recteurs de l’hôpital St-Antoine lui avaient livrés. Ces divers faits 18 nous prouvent: 1o que le gouvernement communal, dans notre ville, est antérieur à la concession que Jeanne, dame de Cossonay, lui fit, en 1398, d’un nouveau code de franchises; 2o qu’antérieurement à cette concession, l’ohmgeld et le froment des veilles, ces deux revenus importants, appartenaient à la communauté; 3o que, déjà avant cette même concession, la communauté levait des impositions (ou gietes) pour fournir aux dépenses de la fortification de la ville; et, enfin, 4o que l’hôpital /13/ St-Antoine, que le sire Louis (I) de Cossonay avait donné (en 1311) au prieuré, appartenait alors à la ville, puisque ses revenus étaient versés dans la caisse de la communauté.
Vers la fin du XIVme siècle, un grand désastre atteignit notre ville, qui fut détruite, en majeure partie, par un incendie. Jeanne, l’héritière des sires de Cossonay, femme du chevalier Jean de Rougemont, d’une illustre famille de la Bourgogne, s’empressa de secourir ses sujets; et, comme les titres des franchises qu’ils tenaient de ses prédécesseurs avaient péri dans le désastre, elle leur concéda, à la date du 14 avril 1398, un nouveau code d’immunités étendues, offrant un singulier mélange de précieuses garanties de liberté et d’ordonnances de police 19 . Le détail que nous essayerons d’en donner, sans en omettre le préambule, nous mettra au courant de la position de notre ville:
« Comme ainsi soit que par permission divine, » y dit Jeanne de Cossonay, « notre lieu de Cossonay ait été il n’y a pas longtemps 20 détruit en grande partie par les flammes et que non-seulement ses habitants y aient perdu leurs biens, mais aussi les titres de certaines libertés, immunités et franchises, que nos prédécesseurs leur avaient accordées; considérant que ce lieu, insigne entre les nôtres, est réduit à une extrême pauvreté et rendu quasi inhabitable; mûe par la pitié, voulant bénignement secourir ses habitants et remédier à leurs maux, et afin que l’état de ce lieu et de /14/ toute sa châtellenie, aussi des nobles, bourgeois et habitants d’icelui, que nous aimons d’une singulière affection, soit amélioré, du consentement du sire Jean de Rougemont, chevalier, notre très cher mari, nous leur 21 concédons à perpétuité les libertés, immunités et franchises suivantes, à titre de donation pure et irrévocable:
Premièrement, comme le droit et la coutume le veulent, le seigneur est tenu de jurer à ses sujets, en présence des nobles, bourgeois et habitants de la ville et de la châtellenie, l’observance fidèle, soit par lui, soit par ses officiers, de leurs droits, coutumes, usages, libertés et franchises. Et de leur côté, les nobles, bourgeois et les sindics, au nom de la communauté et de la châtellenie, doivent jurer l’observance des droits du seigneur 22 .
Le seigneur aura, dans la ville et la châtellenie, son châtelain, le lieutenant de celui-ci et deux mestraux soit messagers (nuncios) 23 . Le châtelain et son lieutenant jureront, /15/ en présence des sindics et de leurs conseillers 24 , ainsi que de ceux des nobles et des bourgeois qui voudront y assister, d’observer fidèlement les droits, libertés et coutumes de la ville et de la châtellenie. Dans les autres localités (villis) de la châtellenie, le seigneur aura, s’il le veut, son mestral, ainsi que cela a été usité jusqu’à présent. Si quelqu’un se sent lésé par la sentence du châtelain ou de son lieutenant, il pourra en appeler à celle du seigneur, et ensuite selon la coutume observée jusqu’à présent 25 .
Le seigneur doit, selon la coutume, lever les vendes dans la ville et la châtellenie, sauf des nobles, bourgeois et jurés de Cossonay. Celui qui ne les aura pas payées un jour après la fin du marché, sera tenu envers le seigneur au ban de soixante sols.
Le seigneur doit avoir son forage pour chaque tonneau de vin vendu en détail, en taverne, dans la ville de Cossonay, savoir quatre pots de chaque tonneau de dix-huit /16/ setiers environ, et huit pots de tout tonneau d’une plus grande contenance. Si le vin a été proclamé (par le crieur public), le seigneur devra lever le forage pendant que le tonneau dure; s’il ne l’a pas été, il aura un an et un jour pour le recouvrer.
Si l’on vend quelque maison, chesal ou jardin, situé dans l’enceinte des fossés de la ville, le seigneur percevra le laud de cette vente, à raison de douze deniers lausannois pour chaque livre du prix (de vente), soit que l’immeuble vendu lui doive cense, ou non. Et si quelque possession, située hors de la ville et des fossés et devant cense au seigneur, est vendue, il en percevra le laud sur le même pied, à moins qu’elle ne soit de fief noble, cas auquel le seigneur le percevra comme il l’a fait jusqu’à présent. Mais il ne retirera aucun laud pour celles des possessions situées hors des fossés qui ne doivent pas de cense 26 .
Les nobles doivent le service des armes au seigneur, pour ses guerres justes et légitimes, et cela à ses dépens depuis leur départ jusqu’à leur retour. Si l’un d’eux est fait prisonnier 27 , /17/ le seigneur doit payer sa rançon, le défrayer et le délivrer 28 .
Les bourgeois et habitants de la ville et de la châtellenie 29 doivent suivre pendant un jour et une nuit (per unam diem naturalem) la chevauchée et la bannière du seigneur pour ses guerres légitimes, à leurs propres dépens, bien et décemment armés selon leur faculté 30 . Si le seigneur veut les garder plus longtems, il devra leur fournir les vivres nécessaires, ou leur payer une solde, selon la coutume de Lausanne.
Il ne devra pas les conduire hors du pays, sinon dans le cas où cela se fait à Lausanne. De retour, ils ne pourront être astreints, pendant quarante jours, à suivre de nouveau la chevauchée 31 . Le seigneur peut faire proclamer sa chevauchée, les deux premières fois sous le ban de trois sols et la troisième sous celui de soixante sols (y compris les /18/ bans précédents); et celui qui, y étant tenu, ne la suivra pas, paiera soixante sols au seigneur. Une personne idoine, de chaque ménage faisant feu, suivra la chevauchée, à moins que, selon la coutume de Lausanne, elle n’ait une juste raison de s’en exempter 32 .
Le seigneur peut faire proclamer, sous le ban de trois sols, les foires accoutumées de la ville de Cossonay. Le maître ou la maîtresse de chaque feu, des sujets du seigneur, qui ne les suivra pas pendant trois jours, selon la coutume, paiera trois sols de ban au seigneur.
Le seigneur peut faire proclamer la justice ou l’exécution des larrons, homicides, faussaires et autres malfaiteurs, laquelle doit se faire par la connaissance 33 des nobles, bourgeois et prud’hommes de la ville de Cossonay, selon que le cas le requiert; et ceux qui ne suivront pas la justice et l’exécution, paieront au seigneur un ban de trois sols.
Le seigneur ne peut faire proclamer autre chose sous un ban quelconque, sinon que ce ne soit de l’avis et du consentement de plusieurs nobles, bourgeois et prud’hommes de la ville, convoqués au lieu ordinaire des plaids, soit en cour de justice. /19/
Le crieur public du seigneur doit seul proclamer toutes les choses mentionnées ci-dessus; aucune proclamation ne peut être faite par un autre sans l’ordre du seigneur, et la contravention à cette disposition entraîne le paiement d’un ban de soixante sols 34 .
Le crieur public percevra un denier pour chaque tonneau de vin vendu en détail, en taverne, que ce vin ait été proclamé ou non.
Les nobles, bourgeois et habitants de la ville de Cossonay doivent percevoir l’ohmgeld (linguellum, le longuelt) du vin vendable dans la ville et la châtellenie 35 , ainsi que le froment des veilles, selon la coutume observée jusqu’ici.
Il est permis à chaque personne de Cossonay de tenir des poids et des mesures justes; le poids doit être de seize onces à la livre 36 .
Les nobles vassaux (nobiles feudales) du seigneur ne sont tenus envers lui à aucun ban ni à aucune clame 37 ; le seigneur soit ses officiers ne pourront barrer aucun de leurs biens jusques à la journée du droit; mais, ce jour-là, après /20/ que la demande des acteurs aura été faite au plaid, ces biens devront être barrés.
Le seigneur et ses officiers ne pourront barrer aucun des biens des bourgeois et jurés de la ville, sinon par clame et assignation du jour où il est d’usage d’ouïr les causes; ce jour-là, la demande (des acteurs) étant faite, si le bourgeois ne donne pas caution de faire raison à la demande, ses biens pourront être barrés. Pour barre rompue, les bourgeois et autres paieront au seigneur soixante sols de ban, dans le cas où les faits seront attestés par le messager (per nuncium) du seigneur et deux suivants (sequacibus, témoins), et lorsque la rupture sera prouvée par le serment de deux témoins dignes de foi.
Tous les biens des homicides, faussaires, larrons et autres délinquants, dont le crime entraîne peine corporelle et mutilation de membres, sont échus au seigneur et confisqués.
Le seigneur ne peut enquêter ou faire enquêter, ni accuser pour les cas attouchant au corps, sans clame d’un autre 38 .
Le seigneur ne peut citer ou faire citer pour crime corporel, sans clame d’un autre 39 .
Quiconque se sert de fausses mesures, non marquées de /21/ la marque du seigneur, sera tenu envers lui au ban de soixante sols. Si elles ont cette marque et sont pourtant fausses 40 , celui qui s’en sert n’aura pas de ban à paier, mais ces mesures-là seront rompues et brûlées. Celui qui tient une grande et une petite mesure et achète à la première et vend à la seconde, sera remis à la miséricorde du seigneur. Celui qui se sert de faux poids et de fausse aulne, à moins que celle-ci ne soit marquée de la marque du seigneur, est aussi tenu au ban de soixante sols; et si cette aulne est marquée et pourtant fausse, elle sera rompue et brûlée, mais celui qui s’en sert n’aura pas de ban à payer.
L’effusion de sang par extraction de glaive méchamment faite vaut au seigneur soixante sols, qu’il y ait clame ou non 41 . Le coup de pierre méchamment porté entraîne également une amende de soixante sols. Ces bans, les jours de marché et de foire, sont doublés. Les bans de trois sols valent, selon la coutume, soixante sols les jours de marché et de foire, s’ils sont encourus dans l’enceinte des fossés de la ville. Tous les bans qui viennent d’être mentionnés doivent être prouvés et attestés par le serment, prêté sur les Saints-Evangiles, de plusieurs prud’hommes et probes-femmes non intéressés au débat, et cela au lieu où il est d’usage de tenir les plaids et devant les prud’hommes de la ville: ces témoins devront avoir l’âge légitime, savoir l’homme quatorze ans et la femme douze, et ne pas être fous de nature et hors de sens.
Si quelqu’un veut récuser un témoin, sous prétexte qu’il /22/ est d’âge mineur, ou fou, ou intéressé au débat, il devra prouver son dire par le serment de deux témoins dignes de foi, en présence de celui contre lequel le témoignage est rendu, s’il veut être présent; si c’est un fou qu’il veut récuser, il devra prouver, par le moyen de son curé (du fou), qu’il ne reconnaît pas notre Sauveur (dominum nostrum) comme il le doit, autrement il ne sera pas rejeté.
La clame, aux jours de foire et de marché, ne vaut que six deniers au seigneur; pour faire raison d’une telle clame, un jour devra être assigné après le marché ou la foire; et si, depuis ce jour-là, une autre assignation est faite du consentement des parties, la clame vaudra alors trois sols au seigneur, y compris les six deniers précédents.
La famille du seigneur n’est pas admise à témoigner (ad regiquinam; par familia, il ne faut pas entendre la parenté du seigneur, mais bien ses employés, ses serviteurs, en un mot ses ministériaux dans le sens spécial de cette expression).
Quiconque, dans la ville de Cossonay, pénètre méchamment dans la maison d’autrui, avec effraction, encore qu’il ne commette pas d’autre offense, paiera soixante sols de ban au seigneur et sera tenu, envers la personne lésée, à la réparation du dommage et du vitupère, mais par clame, preuve licite étant faite par la connaissance de la cour et à la modération du seigneur.
Le seigneur peut récupérer les bans pendant un an et un jour, sans plus.
Si des personnes déshonnêtes et de mauvaise vie se querellent ou se battent ou qu’elles offensent, injurient ou disent des choses honteuses à quelque noble, bourgeois, prud’homme ou probe-femme, ceux-ci peuvent les /23/ frapper pour les châtier, sans encourir ban ni blâme, pourvu cependant qu’ils ne les frappent pas du couteau ou à mort.
Le seigneur et ses officiers ne doivent pas, pour chose prise indûment ou pour larcin, faire des poursuites et des recherches dans les maisons de la ville, sinon par le consentement des nobles et des bourgeois d’icelle 42 .
Le seigneur, par clame de toute chose adjugée, est tenu de gager chaque personne et de la contraindre, par prise de biens, à payer à la partie et au seigneur, la chose adjugée.
Le seigneur ne peut gager quelqu’un sinon pour chose adjugée, ou pour quelque imposition faite du consentement des nobles et prud’hommes de la ville de Cossonay, ou pour le paiement de ses censes et rentes. Et si quelqu’un dans ce cas-là refuse le gage au seigneur ou ferme sa porte lorsqu’on veut le lever, il est tenu envers le seigneur au ban de soixante sols.
Les gages meubles, pris comme dessus, doivent être gardés sept jours avant que d’être vendus, et le vendeur est tenu d’en faire notifier la vente, dans trois jours, à celui qui a été gagé et de lui restituer le surplus de son capital obtenu par cette vente.
Les gages meubles des vassaux, pris comme dessus, doivent être gardés deux semaines avant que d’être exposés en vente; le vendeur doit aussi en notifier la vente au gagé et /24/ lui restituer l’excédant de son capital; le vendeur doit être cru sur son simple serment. Celui à qui le gage a été pris peut le réemptionner pendant les huit jours, et les nobles pendant les quatorze jours qui suivent la vente, en payant la dette plus une obole pour chaque sol du prix de vente. Mais, si celui dont le gage provient est absent du pays, il aura quarante jours, après son retour, pour en faire la réemption, sinon il ne pourra recouvrer son gage.
Quant aux biens immeubles adjugés, le seigneur peut et doit en investir celui à qui ils l’ont été, et l’en rendre jouissant. Ces biens ne seront pas vendus, mais ils doivent être possédés paisiblement, les revenus n’en étant nullement comptés avec le capital, jusqu’à-ce que le possesseur soit entièrement payé de la chose adjugée 43 ; et, s’il contrevient à cette disposition, il sera tenu, pour chaque fois, au ban de soixante sols envers le seigneur et à restituer la possession de l’immeuble au propriétaire.
Le seigneur ne peut ni ne doit saisir ou faire saisir quelqu’un pour crime, sinon par clame d’autrui et par la connaissance des nobles et prud’hommes. Ceux qui sont ainsi saisis ne doivent pas être incarcérés ni torturés (torqueri seu destrendre), sinon par la connaissance des prud’hommes, au lieu fixé, ces prud’hommes étant appelés et présents, s’ils veulent l’être, à la torture (ouz destrendrez) 44 .
Les bouchers ne doivent pas vendre des chairs de brebis /25/ et de béliers au lieu de chaire de moutons, les premières devant être vendues séparément. Faisant le contraire, ils sont tenus envers le seigneur au ban de trois sols et à perdre ces viandes.
Les viandes malsaines doivent être vendues hors du pont 45 et non dans la ville. La contravention à cette disposition, prouvée par le serment de deux prud’hommes, sera punie par un ban de soixante sols au seigneur.
Depuis Pâques à la St-Michel, les bouchers ne doivent garder les viandes fraîches que depuis le samedi jusqu’au lundi suivant au soleil couché, et ainsi des autres jours, et cela sous le ban de trois sols au seigneur et la perte des viandes. Il leur est interdit, sous le même ban, de souffler aucune bête, soit de la gonfler de la bouche ou autrement (suflare, seu gonfla ore seu aliquo alio vento).
Sous le ban de soixante sols au seigneur, il est interdit aux bouchers, trippiers et trippières, de fondre du suif dans la ville.
Si quelque boucher, revendeur ou boulangère (cossons seu bolingeria) ou un marchand quelconque achète un bœuf ou quelqu’autre animal, soit du blé, tout bourgeois et habitant de Cossonay pourra avoir la chose achetée pour le même prix, outre quatre deniers à l’acheteur pour le bœuf, le cheval, le porc gras ou un autre gros animal et moyennant que ce soit pour l’usage de sa maison; ainsi du blé acheté /26/ par le revendeur on la boulangère, si le bourgeois et l’habitant est présent à l’achat.
Pendant qu’un bourgeois ou un habitant aura la main sur un sac de blé, la boulangère ni aucune autre personne ne pourra le marchander; de même, lorsqu’un bourgeois ou un habitant marchandera quelque objet, personne d’autre ne pourra le marchander jusqu’à-ce que le marchand ait quitté le lieu. Tout contrevenant à ces dispositions paiera trois sols de ban au seigneur.
Si quelqu’un fait proclamer son vin, il doit tout le vendre au prix indiqué ou à un prix inférieur, autrement il paiera soixante sols au seigneur, qui devra le contraindre de vendre son vin au premier prix, à moins que le vendeur ne veuille le garder pour lui.
Le tavernier doit être cru au sujet du debt de la taverne jusques à la somme de cinq sols, moyennant que celui dont il réclamé le debt reconnaisse par serment être son débiteur. Celui qui emporte le paiement (pagam) du tavernier, malgré l’opposition de celui-ci qui met le ban de la taverne, est tenu envers le seigneur au ban de trois sols, si le fait est prouvé par deux témoins.
Lorsqu’un gage indûment pris est trouvé dans la maison d’un tavernier, si ce dernier dit qu’il ignore par qui il lui a été donné, il doit être cru, ainsi que sur la somme pour laquelle il a le gage, et cela sur son serment prêté sur les Saints-Évangiles.
Celui qui achète des aliments autre part qu’au lieu accoutumé. au jour du marché, paiera trois sols de ban au seigneur.
Tout noble ou bourgeois de Cossonay peut, sans ban ni peine, prendre en gage toutes choses, où que ce soit et hors /27/ de la maison du débiteur, pour debt à lui reconnu. Si celui-ci nie le debt et que le créancier puisse le prouver devant le seigneur, par titres depuis dix sols en sus et par deux témoins dignes de foi pour une somme inférieure, il ne devra aucun ban au seigneur. Dans le cas contraire, il sera tenu au ban de soixante sols si cela a lieu dans la ville, et à celui de trois sols si c’est hors de celle-ci, ainsi qu’à la restitution des gages et des frais soutenus à cette occasion.
Au jour de marché, nul ne peut gager quelqu’un des denrées qu’il y apporte (vendre), sauf le seigneur, à raison du marché. Le contrevenant paiera trois sols de ban et fera restitution au gagé.
Chacun peut acheter à Cossonay, dans les rues, de toutes personnes, toute espèce de denrées et de marchandises bien ou mal prises, pourvu cependant que l’acheteur ignore que la chose vendue soit mal prise. Si la vente s’est faite en secret, l’acheteur devra restituer l’objet vendu.
Celui qui entrera, sans la permission du propriétaire, dans un jardin ou un verger clos, paiera au seigneur sept sols si c’est de jour et soixante sols si c’est de nuit, outre trois sols au propriétaire, à moins qu’il ne le fasse en poursuivant son animal ou son oiseau 46 ; dans ce cas, il pourra entrer de jour et de nuit en indemnisant le propriétaire du dommage, et à cet égard le propriétaire sera cru sur son serment et sur celui d’une personne de bonne fame. Celui /28/ qui refusera de payer au seigneur ces sept sols de ban, devra courir nu dans toute la ville, et, s’il a couru pouvant payer et ne le voulant pas, il sera rejeté à l’avenir de tout témoignage 47 .
Si quelqu’un est privé de sa possession et que cela soit prouvé, le spoliateur sera tenu de la lui restituer en l’indemnisant du dommage et de payer au seigneur soixante sols 48 .
Une possession 49 donnée en gage ne peut être vendue par celui à qui elle a été remise.
Chacun, dans la ville de Cossonay, devra tenir dorénavant le pavé en bon état devant sa maison 50 jusqu’au milieu de la rue et le réparer incontinent à ses frais, s’il est nécessaire. Il peut y être contraint par voie d’exécution sommaire 51 et par la perte de ses biens.
Sous peine de nullité, les enfans qui sont sous puissance de père ou de mère ne pourront contracter sans leur consentement. On ne pourra pas renoncer à cette coutume.
Le possessoire d’immeuble, dans la châtellenie de Cossonay, /29/ doit être prouvé par le serment de celui qui possède et de deux témoins dignes de foi, prêté sur les Saints-Evangiles; le seigneur doit contraindre ces témoins à faire ce serment en deux jours dans les quatorze jours subséquents.
Lorsque, dans la ville de Cossonay, quelqu’un voudra faire un mur, le voisin sera tenu de lui vendre de son terrain pour en construire la moitié, mais il devra faire ce mur à ses frais à la hauteur d’un étage (unius trabature) et plus, s’il le veut. Il sera tenu d’en laisser l’usage entier et absolu à ce voisin, depuis l’étage en bas; mais si, à partir de l’étage en haut, ce dernier voulait faire des fenêtres sourdes (fenestras surdas) ou des armoires, elles se feraient à ses frais.
En fait de provocation au combat judiciaire, on suivra, dans la ville et la châtellenie de Cossonay, la coutume de Lausanne 52 .
Le seigneur, soit son châtelain, doivent recevoir toutes personnes idoines voulant entrer dans la bourgeoisie de Cossonay et leur déférer le serment usité. Elles seront présentées par les sindics de la ville au châtelain, qui ne devra pas les refuser si elles sont jugées utiles et qu’elles ne soient pas taillables.
Lorsqu’il s’agit de délits pour lesquels il est d’usage d’enquérir de plein 53 , les bourgeois et les sujets de la ville et de la châtellenie de Cossonay et autres, cités devant le châtelain /30/ et présents, ne seront pas tenus de donner caution, et ils ne pourront pas être détenus ni les absents être condamnés jusqu’à ce que le maléfice 54 soit prouvé, en tout ou en partie, par due attestation de deux ou trois témoins.
Chaque bourgeois peut avoir devant sa maison une échoppe franche et libre, longue de sept pieds ordinaires et large de trois; si elle se trouve en lieu étroit, elle devra être faite avec des charnières, afin de laisser la circulation plus libre 55 .
Les bourgeois et les habitants de la ville, de la châtellenie de Cossonay et du ressort 56 doivent faire ensemble les fossés, les tours, les murs et les bâtiments (bastimenta) depuis les toîts au-dessus 57 .
Le seigneur est tenu de maintenir toutes les autres franchises de la ville et ses coutumes, comme cela a été usité jusqu’ici.
En temps de guerre et de doute (dubii), le seigneur doit /31/ contraindre tous les bourgeois et ses autres sujets de la châtellenie demeurant hors de la ville de Cossonay, de venir veiller au château et dans la ville (de Cossonay). Le seigneur aura le tiers de ces hommes pour la garde du château, et les sindics les autres pour celle de la ville; les nobles, bourgeois et habitants d’icelle seront tenus de veiller avec eux à cette garde.
Telles sont les franchises que l’héritière des sires de Cossonay concéda à ses ressortissants 58 . Le sire Jean de Rougemont, son mari, les approuva; et tous deux promirent, par serment prêté sur le saint corps de Christ, de les maintenir, ainsi que toutes les autres coutumes de la ville et de la châtellenie. De leur côté, les deux sindics de la communauté de la ville 59 , au nom de tous les nobles, bourgeois, sujets et habitants, tant de la ville que de la châtellenie 60 , promirent aussi par serment 61 d’obéir, comme bons sujets, à leur dame, et d’observer fermement les immunités qu’elle leur avait concédées 62 . /32/
Un passement obtenu par les sindics de notre communauté va nous offrir quelques traits de mœurs 63 . Jaques Duc, qui avait été élu sindic de la communauté en 1392 (jour de la fête de St-Georges), était mort sans avoir rendu les comptes de sa gestion. En conséquence, clame avait été faite par les sindics (1395, le jeudi après l’Epiphanie), entre les mains du châtelain de Cossonay (le donzel Jean de Mollens) contre Cathérine, sa mère, et Nicolet, son frère, qui tenaient à Cossonay une maison et deux « oches » provenant de sa succession. Ils leur demandaient le paiement des sommes tant en deniers que froment, perçues par le défunt sindic durant son administration 64 , et en outre cent florins pour les dommages et missions; ou bien, à défaut de ce paiement, ils réclamaient la maison, les oches et ceux des autres biens du défunt Jaques Duc qu’on pouvait montrer du doigt ou de l’œil. La veuve Cathérine demanda que le châtelain lui administrât un conseil. Après plusieurs citations et dilations, une journée de droit (1396, vendredi avant la fête de St-Georges) avait été assignée aux parties, mais, Cathérine et son fils n’y ayant pas paru, le châtelain, ensuite du jugement de la /33/ cour 65 , avait accordé aux acteurs un passement contr’eux et les avait investis des choses demandées par la remise d’un bâton, selon l’usage; puis, pour l’exécution de ce passement, le mestral de Cossonay (Jean Blanchet), sur l’ordre du châtelain et à la requête des sindics, avait accordé à ceux-ci la possession corporelle de la maison et des oches, par la remise des clefs de la porte d’entrée et de celle du cellier de cette maison et de deux mottes de la terre de ces oches, et cela en présence de plusieurs témoins. La communauté avait eu cette possession jusqu’à l’année 1400; alors la veuve Cathérine, voulant habiter la maison en question, avait pris, par serment, l’engagement de la reconnaître 66 en faveur de la communauté; puis elle l’avait quittée et demeurait dès-lors à la Chaux, chez le commandeur de Vaud de l’ordre de St-Jean de Jérusalem (ad domum de Calce preceptoris Waudi ordinis Sti-Johannis hierosolyme). Toutefois elle était revenue passer un mois dans cette maison, promettant que, si elle l’habitait plus longtemps, elle en prêterait reconnaissance. Mais, comme elle ne remplissait /34/ point cette promesse, les sindics l’actionnèrent de nouveau, demandant qu’elle fît la confession promise et payât cent livres lausannoises pour dams à l’occasion de ce manque de confession et cent autres livres pour dams, missions et frais par eux soutenus dans cette circonstance. Le châtelain (Henri du Petit, donzel) assigna les parties en jugement; la veuve Cathérine ne voulut pas prêter serment précisément comme il le demandait 67 . Enfin, les sindics obtinrent de la cour du châtelain un passement qui leur accorda l’investiture de la maison et des biens de la veuve Cathérine jusques à la valeur de deux cents livres lausannoises 68 .
Nous devons revenir sur quelques faits, mentionnés à la vérité par nous dans la première partie de notre travail 69 , mais sans l’accompagnement de divers détails qui appartiennent à l’histoire de notre communauté. Le premier est la faculté que Jeanne, dame de Cossonay, lui accorda, en 1404 (23 août 70 ), du consentement du sire Jean de Rougemont, de convertir en pré le marais de Graverney 71 , situé au territoire /35/ de Cossonay (et que l’eau stagnante rendait stérile), et de l’aliéner comme bon lui semblerait, le tout sous la réserve, en sa faveur, de la jurisdiction. Notre ville se hâta, en faisant écouler l’excédant des eaux de ce marais, d’en changer la nature, et, en l’acensant, de se procurer une augmentation de revenu. Mais ce changement lui attira une difficulté avec la communauté voisine de la Sarraz qui avait droit, de concert avec elle, au pâturage de Graverney. Pour sa défense, notre communauté alléguait que celle de la Sarraz, de son côté, avait également converti en prés certains pâquiers sur lesquels elle avait aussi un droit de commun pâturage 72 .
Les sires Nicod et Aymon de la Sarraz, frères, nommés arbitres de la difficulté par les parties 73 , la terminèrent en décidant, entr’autres, qu’après la récolte des prés, et dans un temps limité, ceux de la Sarraz pourraient faire pâturer Graverney avec ceux de Cossonay, et que ces derniers en useraient de même à l’égard des pâquiers communs que la communauté de la Sarraz avait réduits en prés 74 .
Le second fait est la concession du sire Jean de Rougemont à notre communauté (1404, 4 oct.), sur la requête /36/ qu’elle lui en avait adressée par l’organe de ses sindics 75 et des conseillers de ceux-ci 76 , ainsi qu’au boucher Guillaume Brochet, et pour le terme de trois années, du poids des viandes qui se vendraient dans la ville 77 ; concession motivée sur ce que, dans plusieurs autres bonnes villes de la patrie de Vaud, les viandes, à la boucherie, se vendaient au poids 78 . Notre ville, dans la sienne, devait se servir de celui de la ville d’Aubonne. Les conditions de cette concession valent la peine d’être rapportées, en ce qu’elles nous font connaître la police des boucheries à cette époque. Ainsi, par exemple, depuis le dimanche avant la fête de la nativité de St-Jean-Baptiste, jusqu’au dimanche après l’octave de la fête de St-Martin, le boucher Brochet devait vendre la livre de mouton à raison de trois deniers lausannois, celle de brebis deux deniers et une obole, celle de bœuf ou de vache deux deniers, et les autres viandes selon que cela se pratiquait à Aubonne 79 ; mais, depuis cette époque-ci jusques au mardi gras inclusivement, il devait y avoir augmentation /37/ de prix 80 . Il était tenu, sous le ban de trois sols, de pourvoir la boucherie de bonnes viandes, et particulièrement de mouton 81 , chacun des jours de la semaine où l’on en mangeait 82 . Il était également tenu, sous le même ban, de tuer les bêtes nécessaires la veille du jour où leur chair devait être débitée et cela jusqu’à l’heure des vêpres. Il lui était interdit (sous semblable ban) de laver et macérer les chairs, sinon en écorchant les bêtes, de les gonfler et d’enlever la graisse de celles de mouton et de brebis. Il devait notifier à toute personne achetant du mouton et de la brebis, l’espèce de viande qu’il livrait; et s’il remettait de la brebis pour du mouton, il était tenu au ban de trois sols et à perdre la viande. Sous le ban de soixante sols, il lui était enjoint de ne vendre que des chairs d’animaux sains, de les peser justement et d’avoir un bon poids 83 à cet effet, aussi de ne pas les vendre à des prix plus élevés que ceux qui étaient fixés 84 . Si, d’un côté, il lui était défendu (sous le ban de trois sols) d’ajouter /38/ sans le consentement de l’acheteur à la quantité de viande qui lui était demandée, il était, d’un autre côté, interdit à l’acheteur (sous le même ban) d’emporter la viande sans en avoir payé le prix, à moins que le boucher n’y consentit. Enfin la communauté devait avancer au boucher Brochet vingt livres lausannoises, en deux termes, pour l’achat d’animaux gras 85 .
Le troisième fait, enfin, sur lequel nous avons à revenir, concerne les lettres de non-préjudice que messire Jean de Rougemont accorda à notre communauté, au sujet de l’arrestation de deux criminels, faite par son châtelain. Ecoutons les termes de ce document qui servira de commentaire à un point des coutumes et des franchises de notre ville.
Le mercredi après la Toussaints de l’année 1404, Jean de Rougemont, chevalier, sire de Cossonay, se trouvant sous la première porte du château de Cossonay, il lui fut exposé, en présence de témoins 86 , par Jean Licion, clerc, sindic et gouverneur de la communauté de Cossonay, que son châtelain 87 avait fait saisir injustement et détenait dans son château de Cossonay certain homme de Fribourg, nommé Jean Ancheynoz, ainsi qu’un autre individu appelé Hensilly Rellioux, et cela sans clame ni adjudication, en opposition aux franchises et coutumes du pays et du lieu d’après lesquelles il était d’usage, dès les temps anciens, que nul ne /39/ fût incarcéré sans clame, faite ou à faire par quelque poursuivant pour cause de maléfice ou de crime, ni sans adjudication, faite ou à faire, au lieu ordinaire des plaids, par les nobles, bourgeois et prud’hommes du lieu. En conséquence, le sindic, au nom de la communauté, requit messire Jean que son châtelain remît les deux détenus au lieu accoutumé et libre des plaids, à Cossonay, pour que les nobles, bourgeois et prud’hommes connussent s’ils avaient commis cas pour lequel ils dussent être détenus. Messire Jean répondit que son châtelain détenait Ancheynoz et Rellioux sur la clame de Pierre de Châtel, demeurant à Cossonay, pour bonne cause, puisqu’ils avaient avoué être larrons et que celui qui avait confessé de telles choses était tenu pour jugé; qu’en outre Rellioux avait avoué spontanément être homicide; que, selon un bruit public et fondé, il y avait plusieurs larrons et déprédateurs dans la patrie de Vaud, et que les deux détenus passaient pour appartenir à leur association. Enfin, messire Jean, qui trouvait la requête du sindic raisonnable et voulait plutôt maintenir les franchises et coutumes de sa ville de Cossonay qu’y déroger, mais qui, aussi, ne voulait pas laisser impunis les crimes à l’occasion d’une meilleure information de ces franchises et coutumes et d’une recherche plus exacte du fait des détenus, pria le sindic de lui abandonner ceux-ci jusqu’à-ce qu’il eût acquis une plus grande certitude à leur égard, et eu, au sujet des choses prémises, une délibération solennelle avec les gardiens de la coutume et les experts. Le sindic, de grâce spéciale, concéda au sire Jean ce qu’il demandait, réservant toutefois qu’il n’en résulterait aucun préjudice pour la communauté sous le rapport de ses franchises, ce dont messire Jean lui donna l’assurance, en même temps que, sur sa requête, il lui octroya des lettres testimoniales de cette transaction. /40/
Domination immédiate de la maison de Savoie.
Jeanne, dame de Cossonay, mourut sans postérité, laissant (par son testament du 6 avril 1405) sa riche succession au sire Jean de Rougemont, son mari. On a vu, dans la première partie de cet ouvrage, qu’elle lui fut disputée par plusieurs prétendants et que le sire de Varembon (Guy de la Palud), auquel une prononciation amiable du conseil du comte de Savoie avait adjugé la moitié des seigneuries de Cossonay et de l’Isle, la vendit au comte Amédée VIII de Savoie (1412, 6 octobre). Ce prince, qui réclamait ces deux seigneuries à cause de l’extinction de la maison de Cossonay (à raison de la vacance du fief), n’avait pas attendu cette vente pour en prendre possession, ainsi que le prouve une supplication que des nobles et bourgeois de notre ville lui adressèrent, tendant à ce que le village de Gollion (proche de Cossonay), que le sire Louis (II) de Cossonay avait annexé à la châtellenie de l’Isle, à raison de l’assignation de la dot /41/ de Louise de Montbéliard, sa mère 88 , fût de nouveau incorporé à celle de Cossonay, dont il faisait auparavant partie, motivant cette demande sur la proximité des deux endroits et la circonstance que plusieurs nobles et bourgeois de Cossonay, ayant à Gollion des hommes et des possessions, il leur était pénible que la justice de ce village fût rendue à l’Isle 89 . Le comte Amédée, prenant cette supplication en considération, ordonna à son châtelain de Cossonay (soit au lieutenant de celui-ci), à la date du 28 nov. 1409 90 , que Gollion fît partie à l’avenir du gouvernement et de la jurisdiction de Cossonay, quoique pendant un certain temps ce village eût été sous le régime et le gouvernement de la châtellenie de l’Isle.
Déjà, en 1406, le comte Amédée s’était empressé d’accorder, par lettres patentes du 23 avril, à la ville et à la châtellenie de Cossonay, sur leur requête, sa sauvegarde et protection contre tous, moyennant la cense perpétuelle de trois florins, payables entre les mains de son châtelain de Moudon.
Les droits du sire Jean de Rougemont ne furent pas liquidés de son vivant. Il a été rapporté que Thiébaut de Rougemont, archevêque de Besançon, son frère et son héritier, disputa la seigneurie de Cossonay au duc Amédée 91 , et que Guillaume de Challant, évêque de Lausanne, arbitre de leur /42/ différend, l’adjugea au duc (1421), moyennant une indemnité pécuniaire à l’archevêque 92 .
Cossonay passa donc à la maison de Savoie. Si l’extinction de ses seigneurs naturels fut une perte pour notre ville, qui, peut-être, avait été fondée par eux, qu’ils avaient dotée de franchises étendues et dans laquelle ils résidaient 93 , il lui fut avantageux, d’un autre côté, d’être réunie au domaine du souverain du pays. Par là, elle monta en dignité, si l’on peut employer cette expression, et de médiate devint immédiate, ce qui lui procura séance, dans le même siècle, aux Etats de la patrie de Vaud, avec les autres bonnes villes du pays 94 .
Mais avec les princes de Savoie arriva aussi, pour notre ville, la charge des dons gratuits et nous en trouvons promptement un premier exemple. La communauté de Cossonay ayant accordé à son trés-redouté seigneur, le comte Amédée, /43/ un don de cent et soixante florins d’or, en subvention de la guerre qu’il devait soutenir contre les Bernois, leva, à cette occasion, une imposition dans la seigneurie, et les prud’hommes de Cottens furent taxés, pour la part de ce village, à quatre livres lausannoises: mais ceux-ci, tout en reconnaissant l’obligation qu’ils avaient de contribuer à la fortification de la ville, nièrent celle de devoir payer leur part des dons qu’elle accordait. Ainsi que cela se pratiquait fréquemment au moyen-âge, les parties recoururent à un arbitrage. Le donzel Guyonnet de Daillens, choisi par elles pour compositeur amiable 95 , ayant accepté le fardeau de ce compromis, prononça (1410, 8 sept.), après mûre délibération tenue avec leurs amis: 1o que les hommes de Cottens et leurs successeurs ne seraient dorénavant tenus de contribuer aux dons de la communauté de Cossonay au seigneur du lieu, que si, appelés à l’octroi de ces dons, ils y avaient donné leur assentiment; 2o que ces mêmes hommes étant des ressort, contribution et fortification de Cossonay, étaient tenus, comme les autres habitants du ressort et de la châtellenie, de terrailler (faire les fossés), fortifier, veiller et payer 96 dans cette ville. Cette sentence fut ratifiée par les parties, par un certain nombre de nobles et de bourgeois de Cossonay 97 qui avaient consenti à l’arbitrage du donzel de Daillens, ainsi que par le donzel Antoine de Châtillon (sous-seigneur de Cottens), qui y avait autorisé les prud’hommes /44/ de Cottens. — Le premier point de la prononciation doit être remarqué en ce qu’il témoigne d’un vrai respect pour les formes constitutionnelles. Il établit le principe que les dons gratuits que faisait la communauté de Cossonay devaient être accordés aussi par les représentants des diverses localités de la seigneurie.
Ce premier don gratuit fut bientôt suivi d’un second, de cent florins (de petit poids), accordé par notre ville et sa châtellenie, en 1413, au comte Amédée, à l’occasion du voyage qu’il se proposait de faire (Dieu aidant ) de l’autre côté des monts. La quittance de ce prince 98 est accompagnée d’un acte de non-préjudice, ce don étant fait de grâce spéciale.
Notre communauté avait alors l’habitude d’affermer annuellement l’ohmgeld et le froment des veilles 99 , ses deux meilleurs revenus. Le donzel Jean de Mollens reconnaît, en 1407 (24 avril), lui devoir cent et quarante florins, de quatorze sols chacun, pour l’amodiation d’une année du longuelt et des oboles 100 de la ville et de la communauté, et promet, sous caution, de les payer en quatre termes (après la fête de Ste-Madelaine, à l’octave de la St-Michel, à Noël /45/ et à Pâques). Le bourgeois Nicolet Neir amodia ce même longuelt, en 1412, pour cent florins d’or (de 14 sols chacun 101 ); il devait le recouvrer de la manière accoutumée, et le sindic de la ville obtenir du châtelain Jean de Senarclens qu’il fît incontinent proclamer 102 , sur la place et dans les carrefours (angulis) de la ville où il était d’usage de faire semblable publication, que, sous le ban de soixante sols au seigneur 103 , tout habitant de la ville ou de la châtellenie voulant vendre vin en taverne, fût tenu, avant tout, de faire marquer et étalonner, par Neir, les tonneaux du vin qu’il se proposait de débiter 104 . — Quant au froment des veilles, notre communauté l’afferma, en 1408 (24 avril), pour quinze muids de froment (à la mesure de Cossonay) et, en 1424, pour quinze muids et deux coupes; ainsi pour une quantité moindre qu’en 1392.
Les sindics de notre ville restaient alors deux années en charge. Lorsqu’ils en sortaient, ils rendaient à leurs successeurs et au conseil les comptes de leur administration 105 . Le /46/ premier sindic était le boursier de la communauté; le cercle de ses attributions et de son activité était bien plus étendu que celui de son collègue qui le suppléait dans l’occasion. On aurait pu appeler l’un le grand et l’autre le petit sindic.
Il était de rigueur que le nouveau seigneur de Cossonay confirmât les franchises de la ville et de la châtellenie. Sur l’humble requête qu’ils lui en adressèrent, le comte Amédée, voulant suivre l’exemple louable de la feue dame de Cossonay, confirma et concéda de nouveau (1414, 11 sept.) aux nobles, bourgeois et habitants 106 de la ville et de la châtellenie de Cossonay et de l’Isle les franchises, libertés et coutumes qui leur avaient été octroyées en 1398 107 , y apportant néanmoins quelques modifications 108 ; le tout selon le /47/ nouveau code qu’il leur en donna 109 . — Remarquons le fait nouveau de l’extension de ces franchises aux habitants de l’Isle, dont il n’est point parlé dans la charte précédente. C’est que la maison de Savoie, à laquelle les deux châtellenies voisines de Cossonay et de l’Isle étaient parvenues (après l’extinction de la maison de Cossonay), les réunissait volontiers lorsqu’il s’agissait de mesures émanant du gouvernement; elles paraissent aussi n’avoir eu qu’un seul et même châtelain 110 . Toutefois, plus tard, les habitants de l’Isle voulurent avoir des franchises particulières, que, sur leur requête, le même duc Amédée leur concéda (1431, 2 juin) 111 .
Le passage de Sigismond, roi des Romains, dans les Etats du comte Amédée, fut l’occasion d’un nouveau don gratuit, de quatre cents florins (de bon poids), que ses justiciables des /48/ seigneuries de Cossonay et de l’Isle 112 lui accordèrent en 1414 (11 sept.) 113 . En conséquence, le comte ordonna à son châtelain 114 de les contraindre, chacun pour sa part, au paiement de la somme gracieusement accordée.
Les nobles et les bourgeois de Morges et de Cossonay présentèrent au duc Amédée, en 1417, une réclamation qui nous montre combien ces villes avaient l’œil ouvert sur le maintien de leurs franchises. Elles exposèrent à l’excellence du prince que Jean douz Turrel, leur bourgeois 115 , avait, en opposition aux coutumes du lieu et du pays, été incarcéré aux prisons d’Echallens, sans clame ni connaissance, et cela sur l’accusation d’un individu qui avait déjà inculpé plusieurs personnes à l’occasion d’une perte d’argent; que douz Turrel, homme de probité et de bonne réputation, n’aurait pas dû être emprisonné sur pure supposition; que le baillif de Vaud, requis de le mettre en liberté, s’y était refusé, /49/ prétextant un ordre spécial du duc, ce qu’on ne croyait point, révérence parlée, parce que, selon les coutumes et franchises de la patrie de Vaud, de telles choses ne devaient pas se faire; et que le baillif, requis de produire cet ordre, l’avait refusé, disant qu’il n’y était pas tenu; qu’en conséquence, ces villes, recourant à bon droit au duc, le suppliaient 116 que douz Turrel fût libéré, en sorte que les coutumes qu’on avait l’habitude d’observer ne fussent pas blessées, et que, si quelqu’un avait à se plaindre de douz Turrel, justice fût rendue par connaissance (jugement) après qu’il aurait été mis en liberté. — Le duc envoya cette supplication à son baillif (1417, 24 août), lui ordonnant de lui expliquer ses démarches et leur but et de l’instruire de l’exacte vérité de cette affaire. La suite n’est pas connue.
Quelques comptes de l’époque reculée qui nous occupe ne doivent pas être passés sous silence, à raison de diverses notions qu’on chercherait inutilement dans les chartes. — Et d’abord c’est celui du prêtre Pierre de Lillaz, chargé par les sindics et les conseillers de la ville du paiement des dépenses faites pour la construction du clocher de l’église paroissiale de St-Paul de Cossonay 117 . Il commence à Pâques de l’année 1407 et nous montre le prix de la main d’œuvre, des matériaux employés, du fer ouvré, des cordes, etc. 118 . /50/ On y voit que le châtelain de Cossonay, le prieur et le donzel Jean de Mollens donnent des ordres pour cette construction et fournissent de l’argent 119 . Par son style gothique, le beau clocher de notre église rappelle bien l’époque où il a été bâti. Il en remplaça certainement un plus ancien. Le chœur de l’église, aussi gothique, date probablement du même temps. Quant au reste de l’édifice, nous le croyons beaucoup plus ancien, ce dont témoignent, selon nous, ses lourdes colonnes et ses arcades à plein cintre, en dépit des nombreuses réparations et des badigeons qu’il a subis. L’église de St-Paul était tout à la fois celle du prieuré et l’église paroissiale de la ville. Son entretien était à la charge de la paroisse, qui levait, dans l’occasion, des gietes soit impositions pour y subvenir. Les concessions de sépulture dans l’église émanaient du prieuré.
Nous passons à deux comptes, de 1413 et 1414, des revenus et dépenses de la confrérie du St-Esprit de /51/ Cossonay 120 . On sait que les confréries, très-nombreuses dans notre pays, étaient des association moitié civiles et moitié religieuses, ayant pour but des œuvres de bienfaisance 121 . Ces comptes témoignent que les revenus de celle de Cossonay, consistant principalement en grains, étaient considérables. Trente confrères livraient alors annuellement cinq muids et cinq coupes de froment, dont un muid était livré par le sire de Cossonay 122 . Les autres censes et rentes s’élevaient approximativement à vingt-deux muids de froment 123 , outre celles en deniers 124 . Le froment s’employait en majeure /52/ partie à faire du pain pour les pauvres 125 . La fête de la confrérie se célébrait le lendemain de la Pentecôte; il y avait messe 126 , procession 127 et ensuite repas 128 . Le fermier de l’ohmgeld lui livrait chaque année, d’obligation, six setiers de vin, et le boucher de la ville un mouton 129 . Elle possédait une vigne; la messeillerie de Cossonay et les corvées du faubourg des Chavannes paraissent lui avoir appartenu 130 . Cette confrérie était l’objet de nombreuses dispositions pour cause de mort.
Viennent ensuite deux comptes, pour les années 1418 et 1419, du recteur de l’hôpital St-Antoine (Pierre de Lilla, /53/ curé de Penthallaz), rendus aux sindics de la communauté 131 . Cet hôpital, fondé par les ancêtres du sire Louis (I) de Cossonay, avait été donné par lui (1311, déc.) au prieuré de cet endroit, sous diverses conditions 132 , mais nous croyons que la difficulté de les remplir avait engagé le prieuré à le céder à notre communauté 133 . L’hôpital St-Antoine, rebâti dans le courant du XIVme siècle 134 , avait reçu une augmentation sensible de revenu par le don testamentaire que lui avait fait (1360, penultième sept.) Jaques Besançon, bourgeois de Cossonay, des deux tiers de la portion de la dixme de Penthallaz 135 qu’il avait acquise du donzel Henry, fils du feu /54/ chevalier Girard de Disy, attachait à cette donation la condition qu’il se fît dans l’hôpital des œuvres de miséricorde, et la révoquant pour le cas contraire 136 . En 1402 (6 mars), le prieur frère Pierre de Villars, à la prière du recteur de l’hôpital et des sindics de la ville (agissant au nom de la communauté), leur avait accordé de faire célébrer journellement, à l’autel de St-Antoine de cet hôpital, par un chapelain séculier, une messe, pour le salut des âmes de ses bienfaiteurs. Les conseillers des sindics (au nombre de douze 137 ) et beaucoup de bourgeois et prud’hommes de Cossonay, assemblés au son de la cloche dans l’église paroissiale, avaient approuvé les conditions de cette concession à laquelle les moines du prieuré (au nombre de cinq) et le curé de Cossonay, assemblés en chapitre, selon l’usage, dans l’église du prieuré, avaient de leur côté consenti. — Selon le premier des comptes cités, le recteur a perçu environ vingt-quatre muids de froment 138 ; c’était là le principal revenu de l’hôpital. Il /55/ est difficile d’apprécier celui en deniers, puisque les 161 livres et 7 sols que le recteur porte dans sa recette comprennent ce qu’il redevait par son compte précédent 139 , ainsi que le produit du froment et de l’avoine vendus 140 . Au nombre des dépenses (en deniers), qui s’élèvent à 143 livres et 15 sols, se trouvent 10 livres pour la célébration de trois messes hebdomadaires dans la chapelle de l’hôpital 141 , 126 livres pour l’achat de 6 livres et 6 sols de cense annuelle, et 12 livres et 10 sols pour celui d’un demi-muid de froment, également de cense 142 . Le second compte nous offre un résultat à peu près semblable 143 sous le rapport du revenu en /56/ grains, mais celui en deniers ne s’élève qu’à 24 livres et une fraction 144 . Le chapitre des dépenses contient un article de 3 sols pour un chevalier de St-Jean de Jérusalem, malade, qui avait passé quatre jours à l’hôpital 145 .
Nous arrivons enfin à ceux de nos anciens comptes qui nous offriront l’intérêt le plus direct, en ce que nous y trouverons des traces de la vie de l’époque. Nous voulons parler de deux comptes de notre communauté même, rendus par ses sindics. Dans le plus ancien, qui commence au 12 juin 1418 et finit au 11 septembre 1419 146 , le revenu du froment des veilles, pour une année, est porté à quinze muids. La totalité de la somme reçue, en deniers, s’élève à 98 livres et une fraction, dans laquelle les censes des prés de la communauté figurent pour 9 livres et une fraction, et le longuelt du vin pour 102 florins 147 . Il y a, à peu de chose près, /57/ balance entre la recette et la dépense (en deniers). Nous trouvons dans celle-ci:
4 sols et 6 deniers pour le dîner du conseil, le jour de l’élection des sindics.
36 sols (soit 3 florins) pour la sauve-garde (de Moudon) 148 .
4 livres et 10 sols pour le salaire, de demi-année, des veilles 149 .
30 sols pour le salaire, de demi-année, de dom Jean Bochardet, recteur des écoles de la ville.
16 sols à maître Nicolas, recteur des écoles, pour son salaire, de demi-année, de l’horloge (pro suis stipendiis orologii).
20 florins (soit 12 livres) livrés à Claude Bourgeois, châtelain de Cossonay, par ordre de tous les conseillers. /58/
12 florins pour achat d’un bœuf destiné à être offert en cadeau au seigneur Henri de Menthon, baillif de Vaud.
2 sols et 6 deniers pour huit pots de vin donnés au seigneur évêque d’Aquila (squillacensis) lorsqu’il vint faire la visite de l’église de Cossonay.
36 sols pour le salaire, de trois quarts d’année, du maître de chant.
5 sols dépensés dans l’auberge de Jean de Genollier, à l’occasion de la visite de la ville, que firent, à cause du feu, le prieur du prieuré, le bâtard Aymon, Pierre de Mont, Vuillelme de Vuistarnens, Amédée de Lucinge, donzels, et autres.
19 sols et 6 deniers pour le salaire, dès la St-Jean à la nativité de la Vierge, de trois personnes veillant sur le clocher 150 .
6 sols et 6 deniers pour la dépense d’Amédée de Lucinge, d’Aymon d’Oulens et de Nicod Perriard, envoyés à Moudon pour l’aide (pro adjutorio) demandée par le seigneur duc contre les Vallaisans; et 10 sols pour le salaire de ces envoyés 151 .
7 sols pour le salaire et la dépense de Nicolet de Laydessoz /59/ (soit Perriard), qui fut à Moudon, le dimanche après la fête de la décollation de St-Jean-Baptiste, pour le fait des Vallaisans.
40 sols pour le salaire et la dépense du donzel Pierre de Mont, qui fut à Genève, par ordre du conseil, avec le seigneur prieur, pour le fait de la bulle des moines 152 . (Il y fut sept jours.)
30 sols au clerc Nicolet de Laidessoz, tant pour faire le vidimus du traité de paix entre Louis de Savoie, sire de Vaud, et le sire Louis de Cossonay 153 que pour sa dépense et celle de son cheval, à Morges, pendant deux jours.
7 sols pour la location de demi-année de la maison de Jean d’Oulens, pour tenir l’école (pro tenendo studium)?
9 livres, 8 sols et 8 deniers à dame Agnès de Syviriez 154 , par les mains de son fils Jean. Elle avait déjà reçu cette année-là trois muids de froment; la cause de ces paiements n’est pas indiquée.
10 florins pour achat de deux taureaux pour servir le commun.
9 livres pour le salaire des deux sindics. — Celui des /60/ conseillers n’étant pas porté en compte, on peut en conclure qu’ils n’en avaient point.
6 sols pour la facture du présent compte.
8 sols au clerc de Laidessoz, pour avoir fait l’acte des pleins-pouvoirs (littera potestatis) des sindics, etc. 155
On voit par ce même compte que le conseil tenait fréquemment ses séances dans les auberges; qu’il y avait des fontaines en pierres de taille dans la ville 156 ; et que ceux de Cossonay tinrent alors une journée de droit (un plaid), auprès de l’orme, sur la frontière (du territoire), contre ceux de Vufflens-la-Ville (tenuerunt marchiam contra illos de Vufflens-villa apud lormo).
Le second des comptes de notre communauté comprend environ six mois de l’année 1423 157 . Le fait le plus saillant qui en ressort est la venue à Cossonay, pour y prêcher, de maître Raphaël, missionnaire fameux qui, l’année précédente , avait prêché la croisade contre les Hussites 158 . Le prieur fut le chercher à Lausanne. On envoya annoncer dans les villages de la baronnie qu’il prêcherait à Cossonay. On lui fit una logit (une chaire?) et on le traita /61/ somptueusement 159 . Maître Raphaël prêcha la même année (1423) à Fribourg (en Suisse) contre les doctrines des Albigeois, qui y avaient de nombreux adhérents 160 . Une raison semblable existait-elle aussi à Cossonay 161 ?
Les franchises concédées par Jeanne, dame de Cossonay, imposaient, nous l’avons vu, aux bourgeois et habitants de la ville, de la châtellenie et du ressort l’obligation de faire en commun les fossés, les tours et les murs de la ville (et de les entretenir) 162 . La direction et l’ordonnance de ces travaux appartenaient à la ville, qui levait des impositions, soit gietes, pour en couvrir les frais. Ces gietes, assez fréquents, étaient considérés par les ressortissants comme une lourde charge, dont ils tâchaient par fois de s’affranchir. La ville, de son côté, /62/ pour la maintenance de son droit, leur faisait prêter reconnaissance de leurs obligations 163 . Ainsi, en 1419 (29 juin), les habitants du village de Bettens 164 confessent, pour eux et leurs successeurs 165 , en présence des sindics de notre ville 166 , qu’ils sont et doivent être des ressort, contribution et fortification de Cossonay, comme les hommes du donzel François de Moudon qui résident à Pampigny 167 , ceux du donzel Antoine de Châtillon qui résident à Cottens 168 et les autres du ressort seulement; et ils promettent de terrailler, fortifier et veiller 169 à Cossonay, comme ces hommes, et aussi de payer leur part des frais résultant de cette fortification. — Neuf ans plus tard, un homme de Bettens (nommé Rolet /63/ Magnin) fut l’occasion d’une difficulté entre les villes de Cossonay et des Clées, chacune d’elles prétendant qu’il était de ses ressort et contribution. Une ordonnance suprême du duc Amédée, de l’an 1428 (21 juillet, datée de Morges), donna raison à notre ville 170 .
La grange de Boussens 171 avait aussi donné lieu à un différend entre notre communauté, d’une part, et le donzel Jean Portier, d’Yverdon, et Jaques de Châtel (son beau-fils), citoyen de Lausanne, son coadjuteur, de l’autre 172 . Le granger de Jean Portier avait été taxé à treize sols pour sa part d’une imposition levée pour la fortification, et, sur son refus de les payer, le sindic de la ville lui avait fait gager quelques pièces de bétail. Jean Portier réclamait contre cette levée de gages, attendu, disait-il, que ce bétail lui appartenait, qu’il possédait la grange de Boussens en pur et franc-alleu 173 , que celle-ci avait des fossés (quod sit terraillata) 174 , et que son /64/ granger, qui y demeurait, n’était pas tenu de contribuer à Cossonay. A cela les procureurs de la communauté répondaient que ce granger et ceux qui l’avaient précédé avaient jadis contribué, avec le ressort, aux gietes pour la fortification de la ville. Les choses s’étaient envenimées 175 , et la cause se débattait devant le baillif de Vaud lorsque les parties s’étaient soumises à la prononciation de Rolet de Tavel, de Vevey, donzel, lieutenant du baillif de Vaud, et de noble Claude Bourgeois, châtelain de Cossonay, arbitres amiables. Ceux-ci avaient décidé (1422, lundi après la fête des saints apôtres Jaques et Philippe) que si Portier ou les siens remettaient la grange de Boussens à ferme ou à loyer (seu nomine locagii), ou à moitié fruit (ad semis lucrum, c’est-à-dire à grangeage) 176 , à perpétuité ou pour un temps limité, celui qui la tiendrait à un de ces titres ressortirait et contribuerait à Cossonay, tout comme les autres grangers des nobles et bourgeois de cette ville, et cela lors-même que Portier ou les siens résideraient dans cette grange, mais que ceux-ci, hors ce cas, seraient exempts de ces ressort et contribution 177 . /65/
Citons encore deux confessions relatives à la fortification de notre ville. Jean De Venthey, du consentement du donzel Pierre de Dullit dont il est homme censier, reconnaît (1431, 20 août) que, à cause de sa maison, à Grancy, lui et ses successeurs sont et doivent être perpétuellement du ressort et de la contribution de Cossonay, et il promet de terrailler et de fortifier avec les autres hommes de ce ressort et comme eux. Et Girard Gavat, de Pampigny, dont les prédécesseurs avaient jusqu’alors ressorti, contribué et fortifié à Cossonay, fait, à la requête des sindics de cette ville 178 et attendu que l’on ne doit pas se refuser à de justes demandes, une confession semblable (1447, 26 juin) 179 . Gavat s’était précédemment montré récalcitrant, car l’official de la cour de Lausanne lui avait ordonné (1445, 25 juillet) 180 , ainsi qu’à un certain Jean Cuvit (aussi de Pampigny), de remettre aux sindics de Cossonay, dans un terme donné, deux chevaux 181 qui leur avaient été levés de gages à l’instance de ceux-ci, à /66/ cause de la fortification 182 ; que, ne le faisant pas, l’official les excommuniait, et le curé de Pampigny devait alors annoncer publiquement cette excommunication dans son église.
Notre ville ayant encouru des bans, en 1424, pour n’avoir pas employé la monnaie du duc Amédée selon l’ordonnance de ce prince, paya cent florins (de petit poids) par suite de composition avec lui 183 . L’année suivante, elle lui accorda un don gratuit de deux cent cinquante florins d’or 184 , pour faire valoir ses droits aux comtés de Dyois et de Valentinois.
Un autre subside, de deux cent vingt-huit francs, concédé, en 1428, par notre ville au même duc, pour la dot de sa fille aînée, la duchesse de Milan 185 , donna lieu à une réclamation de ses habitants, fort susceptibles à l’endroit de leurs franchises, qu’ils estimaient « aussi bonnes que celles des autres villes de la patrie de Vaud. » Blessés de ce que, dans les lettres de non-préjudice 186 qu’il leur avait données, le duc, tout en déclarant que le paiement de ce don serait sans conséquence pour l’avenir et n’apporterait aucun préjudice à leurs franchises, avait néanmoins ajouté « horsmis qu’ils n’y soyent tenus et trouvés astreints, » les nobles, /67/ bourgeois et habitants de Cossonay lui exprimèrent leur étonnement de ce que, dans cette circonstance, il ne les avait pas traités comme les autres villes, auxquelles il avait donné l’attestation que ce subside avait été accordé de grâce spéciale, le suppliant de faire droit à leur réclamation. Le duc croyait, peut-être, qu’aux termes de la convention de 1323, les bourgeois et jurés de la ville et de la châtellenie devaient l’aide à leur seigneur pour doter ses filles. Et ceux-ci estimaient probablement que les franchises de 1398, dans lesquelles il n’est pas parlé des aides, les avaient libérés de cette obligation. — Ajoutons que lorsque le même duc Amédée maria la princesse Marguerite, une autre de ses filles, au roi de Sicile et de Jérusalem (Louis d’Anjou), notre ville lui accorda gracieusement un subside de trois cents francs pour sa dot 187 .
Voici la mise en action d’un article des franchises. — Un certain Henri Bovinet possédait à Cossonay une maison qu’il n’habitait pas; la place au-devant d’icelle n’était pas pavée, et les bâtiments de la ville, situés derrière, se dégradaient par suite de son absence. Bovinet refusant tout à la fois de faire ce pavé 188 et les réparations urgentes de sa maison, les sindics l’actionnèrent devant la cour du châtelain, /68/ où il ne comparut pas, et obtinrent contre lui un passement jusqu’à la valeur de cent livres pour le principal et de semblable somme pour les intérêts et missions. En exécution de ce passement, le donzel Guill. de Vuistarnens, lieutenant du châtelain de Cossonay, remit aux sindics la maison de Bovinet 189 , et ceux-ci demandèrent qu’un acte notarié fut dressé en témoignage du tout, ce qui fut exécuté (1425, 5 sept. 190 ) sur la place publique, devant l’église de St-Paul.
En 1434, le duc Amédée avait créé lieutenant-général des états de Savoie son fils aîné Louis, prince de Piémont, et lui en avait remis le gouvernement lorsqu’il s’était retiré dans son hermitage de Ripaille. — Les villes de la patrie de Vaud accordèrent bientôt au prince lieutenant-général, pour supplément de son premier armement, deux cents hommes de troupes légères (brigandos 191 ), pour deux mois; mais, comme elles ne s’exécutaient pas, le conseil de Chambéri les actionna juridiquement, et elles se rachetèrent, par composition, moyennant deux mille florins 192 , dont notre communauté prit l’engagement (1435, 16 février) de payer deux cent huitante (de petit poids). En conséquence, le prince ordonna au châtelain de Cossonay et de l’Isle 193 , de contraindre /69/ tous les hommes de ces châtellenies et de leurs ressorts, tenus aux montres-d’armes par-devant lui (châtelain) et à suivre la bannière 194 , de payer promptement aux sindics de ces deux communautés la quote-part à laquelle chacun serait taxé par ces sindics 195 .
L’année suivante (1436) notre ville accorda au prince un nouveau don gratuit de cent florins (de petit poids), à l’occasion des affaires difficiles qui lui étaient alors survenues 196 . Il écrivit (de Thonon, le penultième d’août) à « ses chers sindics, bourgeois et communauté de Cossonay, » pour les en remercier et les prier de remettre, sans faute, cette somme à l’exhibiteur de sa lettre 197 , s’ils voulaient lui complaire.
Si, jusqu’ici, nous n’avons guère parlé de la mestralie de Cossonay, c’est que nos documents la mentionnent peu. Le chevalier Jean de Senarclens était mestral (ministralis) de Cossonay en 1286 198 ; alors l’office de la mestralie était /70/ considérable, puisqu’avant l’institution des châtelains 199 les mestraux remplissaient aussi leurs fonctions, sauf celles qui regardaient le militaire 200 . Il a été observé que Jean Blanchet était mestral de Cossonay en 1396; et aussi que, selon les franchises de 1398, le seigneur devait seulement avoir à Cossonay deux mestraux soit messagers (seu /71/ nuncios) 201 , et, s’il le voulait, un mestral dans les autres lieux de la châtellenie 202 . A l’époque où nous sommes parvenus l’office de la mestralie était vacant, et le donzel Rodolphe d’Illens pria Louis de Savoie de le rétablir dans les villes de Cossonay et de l’Isle (et leur châtellenie) et de le lui remettre en fief noble 203 , et cela au mode des autres mestralies de la patrie de Vaud, d’après lequel les mestraux connaissaient seulement des causes pécuniaires soit des biens-meubles; ils percevaient cinq sols sur les bans de soixante sols par eux adjugés et vérifiés (reperta) 204 ; ils payaient (à leurs frais) l’exécuteur de la justice en cas de condamnation à mort; ils avaient l’étalon des mesures (mensura 205 ; et enfin ils percevaient les langues des bœufs et des vaches tués à la boucherie de la ville, ainsi qu’une charge de sel. En compensation de ces /72/ langues que le prieur percevait à Cossonay 206 , d’Illens demandait la concession du sceau de la châtellenie, de si petite valeur, disait-il, qu’il n’avait jamais été porté en compte, et, de plus, celle du poids pour les laines des marchands étrangers, aux foires, pour le dédommager de ce que, dans notre ville, chaque bourgeois avait un poids pour ce qu’il vendait dans sa maison 207 . Le prince lieutenant-général consulta à ce sujet sa chambre des comptes de Chambéri, le baillif (Jean, sire de Blonay) et le procureur de Vaud (Mermet Christine), leur ordonnant en outre de lui faire connaître les droits et prééminences des mestraux de la patrie de Vaud 208 . Enfin, /73/ il accorda l’inféodation désirée (1437, 16 mars), sous les avantages, honneurs et charges des autres mestralies du baillivat de Vaud; toutefois le sceau de la châtellenie, les langues et la charge de sel en furent exceptés. D’Illens fut investi de la mestralie en vasselage par la remise d’une dague 209 . — Mais lorsqu’il demanda aux sindics de le recevoir, au nom de la communauté, dans son office, ceux-ci 210 objectèrent que cette institution dérogeait en quelque façon aux franchises de la ville, principalement à celle qui donnait à chaque /74/ noble, bourgeois et habitant (de la ville et de la châtellenie) le droit d’avoir des poids et mesures justes, et ils demandèrent que lui et son lieutenant prêtassent auparavant, dans l’église paroissiale, en présence des sindics et des habitants de la ville, le serment solennel usité pour le châtelain, son lieutenant et ses messagers, et spécialement de bien (et légitimement) exercer son office, de n’opprimer personne sous prétexte d’icelui, d’administrer à chacun la justice de son mieux, et d’observer les franchises et les coutumes de la ville. D’Illens se soumit et reconnut (1436, 21 mars 211 ) qu’il n’avait ni droit, ni émolument à percevoir sur les poids publics de la ville ou sur les poids de ses habitants, ni la prérogative d’avoir quelque poids général ou spécial où ceux-ci dussent peser d’office, réservant cependant la justification de ces poids et les émoluments qu’il devait percevoir pour cela 212 . Il prit en outre l’engagement de solenniser, lorsqu’il en serait requis par les sindics (dans l’église paroissiale et sur les saintes reliques), le serment qu’on lui demandait.
Peu de temps après, notre ville exposa au prince lieutenant-général qu’elle avait appris, par la réponse de sa chambre des comptes, que ses châtelains de Cossonay n’avaient pas l’habitude de porter en compte les clames de la châtellenie inférieures à soixante sols, ni le sceau pour lequel il était d’usage de percevoir deux deniers par livre de la valeur de tout contrat perpétuel, et un denier de celle de tout contrat à terme; que, désirant vivement maintenir intacts ses /75/ droits et lui en faire connaître la valeur, elle le suppliait de lui concéder, pour dix années, ou plus, les émoluments des clames et du sceau de la châtellenie, sous la pension annuelle de vingt florins (de petit poids), et que dans ce cas ses châtelain et messagers fussent tenus, sous serment, de relater aux sindics, dans trois fois vingt-quatre heures, chaque clame à faire en leurs mains; ou bien de concéder à ces sindics le pouvoir de gager toutes personnes à ce sujet. Il ne paraît pas que le prince ait fait droit à cette demande 213 .
Afin d’épuiser la matière, disons encore, par anticipation, que Rod. d’Illens ou ses successeurs ne conservèrent pas longtemps l’office de la mestralie. Il appartenait, en 1454, à noble Antoine Champion 214 , qui le vendit alors (12 avril), pour quatre muids de bon et beau froment et un muid d’avoine, au donzel Georges Marchand, de Cossonay 215 . Ce fut du mestral d’Illens que notre communauté acquit le droit du poids de la laine, ainsi que la charge et la décharge du vin 216 . /76/
Une faveur fut bientôt accordée à notre ville par le prince lieutenant-général qui établit (1437, 24 août), pour un temps indéterminé, deux messagers (nuncios) dans la ville et le mandement de Cossonay, avec pouvoir de contraindre toutes personnes 217 au paiement, dans les mains des sindics, des subsides et autres impositions à égaliser entre les habitants pour les réparations et autres nécessités de la ville, et de les gager à cet effet. Il était permis à ces messagers d’assigner dûment chacun devant le conseil, lorsque cela serait nécessaire, et de lui imposer, à cette occasion, trois sols de ban 218 .
Immédiatement au-dessous du prieuré de Cossonay, du côté de la Venoge, se trouvait une côte qui appartenait au domaine du château. Louis de Savoie la remit (1438, 18 juillet) à la communauté, à titre d’abergement, sous la cense annuelle de huit sols, avec réserve qu’elle ne serait pas cultivée et qu’on n’en extirperait pas les arbres, et cela pour prévenir l’éboulement du terrain.
Si nous mentionnons l’acensement fait par notre communauté, en 1439 (9 août) 219 d’une pièce de terre située aux /77/ Rochettes, sous la cense annuelle d’un quarteron de froment à raison de la directe seigneurie, c’est que cette expression nous révèle que la ville possédait le terrain acensé, en fief noble ou bien en franc-alleu 220 .
Nous trouvons quelques détails de mœurs dans une convention des sindics de la communauté, avec un maître fondeur de Genève 221 , pour la refonte de la cloche de la ville. En voici les dispositions: Le maître fondra la cloche à ses frais, de la grosseur convenue et sans diminution du métal de la cloche fendue; il achètera le nécessaire pour cette opération, à l’exception du métal que les sindics lui fourniront, ainsi que les soufflets et les ouvriers; le maître rendra l’excédant du métal, en déduisant cependant une livre sur dix pour la décale; il sera tenu de fixer et ajuster (injovetare et iningare) la cloche au lieu ordinaire, sur le beffroi (supra loz beffrei) 222 et de la garantir pendant une année, et cela pour être sonnée à la corde, depuis l’endroit accoutumé. Si elle se déplace, se gâte, ou si la fonte ne réussit pas 223 , le maître la refera entièrement pareille, à ses frais, et cela jusqu’à ce qu’elle soit bonne, bien placée et maintenue, sans contestation. Les sindics lui paieront, pour ses labeurs et dépenses, dix-huit sols pour chaque quintal du poids de la /78/ cloche 224 , qui devra être finie et placée avant la prochaine fête de Pentecôte 225 . Les sept conseillers (consules) de la ville considérant que cette convention avait pour objets la louange de Dieu et l’utilité de la ville, de la communauté et de la paroisse, et que la refonte de la cloche avait été ordonnée par le conseil général 226 , l’approuvèrent (1441, 2 avril).
Le prince lieutenant-général était devenu duc de Savoie, au commencement de l’année 1440, par l’abdication du duc Amédée, son père, élevé à la chaire de St-Pierre. La ville et la châtellenie de Cossonay lui firent un don gratuit de cent florins (de petit poids) lorsque, le lundi après la fête de St-Pierre in cathedra de l’année 1442, il vint pour la première fois à Cossonay revêtu de sa nouvelle dignité. Se trouvant précédemment à Lausanne, il avait voulu visiter notre ville, mais celle-ci lui avait envoyé des députés pour l’en détourner, à cause de la peste qui y régnait 227 . Indépendamment des cent florins donnés au duc, son maître d’hôtel en reçut cinq, et son échanson (magister boctelios) /79/ et d’autres officiers de sa maison en reçurent ensemble six. Un giete fut levé dans la châtellenie pour subvenir à ces divers frais 228 .
Les bonnes villes formaient assez fréquemment des assemblées pour délibérer sur les intérêts du pays. C’est, sans doute, en vue d’une de ces réunions que les nobles et bourgeois de Moudon écrivirent (1442, 19 mai) à ceux de Cossonay, les invitant « pour aucunes affayres tochan tot le pais » d’envoyer pour le premier juin suivant, à Moudon, deux ou plusieurs des plus notables et sages de leur ville, avec ceux du pays, « pour dyre aviser et conseillier eis jour et luez surdit lours bons avis et conseil sur cez que adon lours syraz dy et expossé de part tot le pais 229 . »
On sait qu’au moyen-âge les foires avaient plus d’importance qu’elles n’en ont maintenant. Le duc Louis fit à notre /80/ ville la concession (1444, 18 janvier, à Thonon) d’une nouvelle foire annuelle qui devait avoir lieu les jeudi, vendredi et samedi après la fête de Ste-Agathe; la ville et la châtellenie payèrent cent florins cet octroi du prince. Chacune de nos foires durait alors trois jours.
Nos franchises voulaient que le châtelain et son lieutenant prêtassent, en présence des nobles et des bourgeois, le serment d’observer les libertés et coutumes de la ville et de la châtellenie. Or, le duc Louis ayant nommé noble Aymon de Gallera, des Clées, à l’office de châtelain 230 , celui-ci et son lieutenant (Jean de Juriens), à la requête des sindics, prêtèrent (1447, 27 septembre) le serment voulu. A genoux et les mains jointes devant le saint-sacrement et les saintes reliques posés sur le grand autel de l’église de St-Paul, ils jurèrent, en levant leurs deux mains, de remplir leur office fidèlement et avec probité; de garder les droits du prince et ceux des prud’hommes; d’observer les franchises, priviléges et coutumes, tant écrits que non écrits, de la ville, de la communauté, de la châtellenie et de tout le mandement de Cossonay; d’administrer à chacun, sans exception, au riche et au médiocre, comme au pauvre, la justice et son complément; de n’opprimer personne sous le prétexte de leur office; de faire droit à chacun, sans délai, et d’observer les autres choses nécessaires en l’office dont ils étaient revêtus, selon le devoir de bons châtelain et lieutenant 231 . /81/
Ce fut dans l’année 1447 que le duc Louis vendit à son père, le pape Félix (Amédée VIII), les seigneuries de Cossonay et de l’Isle, pour le prix de seize mille florins (de petit poids) 232 . Il est assez difficile d’expliquer cette vente; peut-être le duc avait-il besoin d’argent. La mort de l’acquéreur fit rentrer, en 1451, ces seigneuries dans le domaine ducal.
La ville et la châtellenie de Cossonay ayant, avec les autres bonnes villes de la patrie de Vaud 233 , accordé au duc Louis, à la décharge de quelques-unes de ses dettes et spécialement de la dot de la princesse Charlotte, sa fille, mariée depuis peu au dauphin Louis de France, un don gratuit de deux florins d’or (à raison de treize deniers gros, bonne monnaie de Savoie), par focage 234 , le prince donna à ces villes (1451, 14 mai) des lettres reversales, par lesquelles il reconnaissait qu’elles lui avaient fait ce don, pour une fois, de leur bon gré et par pure grâce, étant entièrement exemptes de toutes exactions et aides pécuniaires. — Malgré cette déclaration, les subsides furent demandés et accordés comme précédemment 235 . /82/
Mentionnons encore ici deux autres subsides ou dons gratuits, précédemment accordés par notre ville et sa châtellenie au duc Louis. L’un, en 1437, alors qu’il n’était encore que lieutenant-général de son père, de deux cents livres, monnaie de Savoie, en subvention, tant des induits apostoliques nouvellement obtenus par le duc Amédée contre l’apposition des interdits ecclésiastiques que pour la salutaire concession dernièrement faite par ce duc à ses sujets contre l’abus des commissaires-généraux et pour mitiger la rigueur de la coutume, par laquelle, fréquemment, sous prétexte des usures, les innocents étaient vexés pour les coupables. L’autre, en 1442, de cent florins, de petit poids, en subvention des charges du très-saint père le pape Félix V, le très-redouté père du duc Louis.
Le duc Louis ne tarda pas à détacher la seigneurie de Cossonay du domaine ducal en la donnant, à titre d’apanage, avec celles de Treffort (en Bresse), de Rumilly (en Savoie), et de la Roche (en Genevois), à Amédée de Savoie, prince de Piémont, son fils aîné. Et le même jour (1452, 27 oct.), il assigna le douaire de Yolande de France (fille du roi Charles VII), femme de ce même prince de Piémont, sur les villes et châteaux de Nyon, Morges, Cossonay, Yverdon, Ste-Croix, Montagny, les Clées, Rue, Morat, Romont et Moudon. Ajoutons qu’à la recommandation du roi de France, le duc, augmentant l’apanage de son fils, lui céda plus tard le pays de Vaud et la Bresse 236 . /83/
Il y avait, en 1459, dissension dans le ménage de notre communauté. Un procès s’instruisait devant la cour de l’official de Lausanne (soit le conseil du seigneur évêque) entre les sindics de la communauté 237 et les recteurs de l’hôpital St-Antoine et de la confrérie du St-Esprit, d’une part, et treize opposants soit rées 238 , de l’autre. Le motif du procès n’est pas clairement exprimé, mais les acteurs demandaient que certaine clef de l’arche (de la ville 239 ), mentionnée au procès et révélée devant l’official par l’aumônier de Romainmotier, fût restituée, selon l’ancien usage, et les rées refusaient cette restitution, au notable préjudice de la ville et de la châtellenie. Quarante-six nobles, bourgeois et habitants de Cossonay 240 (formant la majeure partie de la communauté et agissant au nom de celle-ci) et les représentants des communautés de Senarclens, la Chaux 241 et Itens, Gollion, /84/ Penthaz 242 et Bournens (intéressées au débat, à cause des libertés et franchises de la ville et de la châtellenie, gardées dans l’arche prémentionnée), assemblés dans la maison commune de Cossonay, au son de la cloche et à cri public, ordonnèrent (en présence de quatre des opposants siégeant avec eux) que deux bonnes serrures, sans plus, seraient apposées au plus tôt à l’arche commune, et que, de ces clefs, l’une serait gardée par les sindics et l’autre par le recteur de l’hôpital, qui prêteraient serment, ainsi que cela avait eu lieu de tout temps. En outre, ils révoquèrent les autres sindics (de la communauté) et recteurs de l’hôpital et de la confrérie, qu’eux ou leurs prédécesseurs avaient jadis élus, et défendirent aux opposants et à leurs adhérents de se mêler à l’avenir de cette controverse 243 . Nous voyons ici notre communauté agir avec la plus complète indépendance, parce qu’elle est entièrement maîtresse pour tout ce qui regarde l’administration communale. Nous présumons que le parti opposant était celui des précédents sindics et recteurs, remplacés peut-être par la majorité de la communauté avant l’expiration de leur temps 244 . /85/
Le prince de Piémont (Amédée de Savoie), seigneur du pays de Vaud, se trouvant à Morges, les sindics de notre communauté, accompagnés d’autres députés 245 , parurent devant lui, le suppliant de confirmer les franchises de la ville et de la châtellenie, ce que le prince leur accorda (1461, 17 janvier) avec bienveillance. La charte de cette confirmation en mentionne une précédente, émanée du duc Louis, mais dont les archives de notre communauté n’ont pas conservé de traces.
Qu’on nous permette, comme pendant de la convention pour la refonte de la cloche du beffroi, d’en rapporter une autre, de l’année 1467, sur la confection de la croix du clocher. — Le sindic et six conseillers de la ville avaient très-souvent remarqué que cette croix avait été abattue par les vents. Or, ne voulant pas (comme cela n’était pas non plus permis) que le clocher en demeurât privé, et désirant la rétablir à la louange, à la gloire et à l’honneur de Dieu tout-puissant et de toute la cour céleste, ainsi qu’à l’avantage des paroissiens, ils convinrent (au nom de toute la paroisse) avec un maître maréchal et serrurier, demeurant à Lausanne 246 , qu’il ferait une croix de fer, de la longueur et de la largeur de la croix qui était peinte au milieu du mur de l’église, du côté du vent; qu’il l’exécuterait conformément au dessin sur papier remis par lui au sindic, avec les /86/ ornements (cum floraturis) qui s’y voyaient, à l’exception cependant des feuilles (folia) et des fleurs de lis (lilii flores) du milieu de la croix; qu’il la finirait à la lime (lime picturis), la ficherait sur un pommeau de cuivre ou d’airain et la surmonterait d’un coq du même métal, qui tournerait au gré des vents 247 . En outre, qu’il établirait, sous le pommeau, un conduit de fer soudé pour l’écoulement des eaux pluviales. Quoique la dorure de la croix dût se faire aux frais de la paroisse 248 , le maître était tenu d’assister (autant qu’il le pourrait) à cette opération et de donner ses bons avis, puis de faire l’épreuve de la dorure. Et, lorsqu’on en viendrait à placer la croix, la paroisse paierait les dépenses de la personne du maître, le bois, les ponts et les autres choses nécessaires. Cette croix devait être terminée pour la prochaine fête de l’Annonciation, et le maître recevoir, pour son travail, quarante florins (de petit poids), monnaie de Lausanne, payables en deux termes 249 .
Le prince de Piémont devint duc de Savoie (sous le nom /87/ d’Amédée IX) à la mort du duc Louis, son père, arrivée le 29 janvier 1465, et le pays de Vaud passa, également à titre d’apanage, à Jaques de Savoie, comte de Romont, l’un de ses frères (le quatrième des fils du duc Louis) 250 . Ce prince, à la supplication des nobles, bourgeois et habitants de la ville et de la châtellenie de Cossonay, leur confirma (1468, 10 janvier), dans l’église du prieuré (ou celle de St-Paul), devant le maître-autel, leurs franchises et libertés 251 ; et deux jours après (12 janvier, à Lausanne), il concéda à notre communauté le droit d’élire un officier de ville pour contraindre les récalcitrants au paiement de ses impositions (gietes) et de ce qui lui serait dû a d’autres titres 252 . En leur accordant /88/ cette faveur, qu’ils avaient demandée, le prince prit eu considération les louables services que ses chers fidèles les nobles, bourgeois et habitants de sa ville de Cossonay et de tout son mandement lui avaient rendus, ainsi que les charges qu’ils avaient supportées, tant à l’occasion de son armement fait naguères au delà des monts que de sa prise de possession (du pays de Vaud). La charte de cette concession nous prouve qu’alors les conseillers de la ville étaient en même temps les jurés de la justice.
Nous approchons de l’époque, néfaste pour notre pays, de la guerre de Bourgogne, qui amena, par suite de l’intime alliance de Jaques de Savoie avec le duc Charles de Bourgogne, l’invasion de la patrie de Vaud par les Suisses et sa perte pour le comte de Romont 253 . Dans la prévision des graves événements qui se préparaient, celui-ci ordonna, en 1474, aux nobles, bourgeois et habitants de Cossonay, de réparer les murailles, les tours et les fortifications (bastimenta) de leur ville. Quatre tours et une tourelle 254 furent restaurées (et couvertes). L’ouvrage, travaillé à forfait (ad /89/ taschium), coûta quatre cents florins d’or (de petits poids, valant chacun douze sols de Lausanne), et, à cette occasion, notre ville leva une imposition dans toute la seigneurie (y compris le ressort) de vingt deux sols, bonne monnaie, par focage 255 . Les réclamations au sujet de cette imposition ne firent pas défaut. Le prieur, le curé de Cossonay et les onze conseillers et sindics de la ville (ceux-ci à raison de leurs /90/ places) en demandèrent l’exemption. Le village de Colombier fit de même 256 , et ceux de Bettens (à la demande de noble Louis de Bettens) et de Sévery (à celle de noble Pierre de Sévery) sollicitèrent une diminution 257 . On ne voit pas qu’il ait été fait droit à ces demandes.
Ce giete donna lieu à un différend entre notre ville et le seigneur de l’Isle. Lorsque Jaques de Savoie avait remis (1472, 2 juillet) sa seigneurie de l’Isle à François de Glérens, sire de Berchier, en échange de celle de Surpierre, il y avait ajouté le village de Gollion, ainsi distrait de la seigneurie de Cossonay. Or, l’exacteur du giete ayant pris des gages à deux habitants de Gollion, le seigneur de l’Isle obtint du baillif de Vaud des lettres de recréance (recredencie) à ce sujet. Les nobles et bourgeois de notre ville s’en plaignirent au prince, tout en déclarant qu’ils se soumettraient à la décision de son conseil. Jaques de Savoie donna l’ordre d’assigner jour aux parties pour paraître à Morges devant ce conseil 258 . Selon sa sentence, rendue (1475, 3 mars) de /91/ leur consentement mutuel 259 , les hommes de Gollion devaient, pour cette fois, contribuer à la fortification de Cossonay, sous réserve que, s’il était jugé plus tard qu’ils n’étaient pas du ressort de cette ville, ce paiement serait sans conséquence pour eux 260 . François de Glérens estimait que, depuis l’échange de 1472, Gollion ne ressortissait plus à Cossonay 261 .
Mais si, d’un côté, on contestait à notre ville que Gollion fît partie de son ressort, ceux des hommes des villages de Bussigny et d’Ecublens, qui y appartenaient, en faisaient, d’un autre côté, la confession. Le lieutenant du châtelain siégeant 262 pour recevoir les montres d’armes 263 de la ville, /92/ de la châtellenie et du ressort de Cossonay, « à cause du temps duvieux (critique) qui était au pays, » et par ordre du conseil du prince, ces hommes 264 se présentèrent devant lui (1474, 11 décembre), à Cossonay, avec les autres de la seigneurie, au lieu et à l’heure accoutumés; ils s’acquittèrent des montres et promirent (tant pour eux que pour leurs successeurs), par serment, d’appartenir désormais au ressort et à la fortification de Cossonay, d’être fidèles au comte de Romont, à ses successeurs et à notre ville, et aussi de servir, obéir et ressortir, fossalier, veiller, bâtir, contribuer et faire tout ce qui concernait la fortification de la ville, comme les autres ressortissants, en cas de nécessité 265 .
Dans le très-petit nombre de comptes de notre communauté, antérieurs au milieu du XVIme siècle, qui nous restent encore 266 , on remarque celui des sindics Jean Gervais /93/ et Jean Rosset, du 26 juin 1474 à pareil jour de l’année suivante. Les circonstances où se trouvait alors la patrie de Vaud lui donnent de l’intérêt, et il témoigne de l’inquiétude et de l’agitation qui y régnaient. Nous en citerons quelques articles:
Le conseil fit acheter 24 livres de poudre à canon, à raison d’une coupe (2 quarterons) de froment la livre 267 .
Il fut payé 6 sols et 6 deniers pour le dîner du conseil, lorsque celui-ci ordonna que les sindics laissassent tout pour s’occuper des fortifications.
33 sols furent payés pour la dépense, à Cossonay, des seigneurs gouverneur, président et procureur de Vaud et du seigneur de Glérens, le mardi avant la St-Barthélemi, lorsque tous les membres du conseil furent appelés, ainsi que les députés de la baronnie (illi de terra) et que le gouverneur leur ordonna de faire, bon gré malgré, le pont (sur la Venoge?) ajoutant qu’il serait établi un capitaine, qu’ils paieraient.
14 sols sont portés en compte par le sindic (Gervais) pour ses journées, lorsqu’il fut envoyé à Romont, auprès du seigneur gouverneur, parce qu’on disait alors que les Allemands étaient vers le pont de la Thiéle, ainsi qu’en fait foi la copie d’une lettre écrite par Nicod de Lavigny, châtelain de Morat 268 .
8 sols pour les journées de deux membres du conseil envoyés à Morges sur l’ordre du gouverneur de Vaud. /94/
22 sols pour la dépense de noble Georges Marchand et du sindic Gervais, envoyés à Lausanne, aux trois Etats (ad tres status), où ils vaquèrent deux jours 269 .
28 sols pour la dépense des deux sindics envoyés à Moudon le 10 décembre (1474), jour où, après le coucher du soleil, furent élus (à Moudon) le seigneur baillif de Vaud et deux autres députés pour se rendre à Fribourg, au nom du pays.
8 sols pour la journée de deux députés envoyés aux trois Etats, à Lausanne, le 20 décembre.
12 sols le jeudi avant la St-Antoine (1475, n. s.), pour le dîner du conseil 270 , lorsqu’on fit l’élection des soldats (servientes) qui devaient être envoyés à Romont.
6 sols et 6 deniers pour le dîner du sindic Gervais et de six autres personnes qui attendirent les soldats de la châtellenie allant à Romont. Ce jour-là quarante soldats sortirent de la ville et le conseil leur fit donner à dîner.
70 sols pour la dépense du sindic Gervais et de Pierre Buchillon, nommés pour aller présenter les soldats au seigneur gouverneur de Vaud, à Romont. Armés à Lucens, ces soldats furent renvoyés chez eux jusqu’à nouvel ordre 271 .
22 sols pour la dépense de noble Georges Marchand et Jean Blancbernard envoyés aux trois Etats à Lausanne, où ils vaquèrent deux jours. /95/
8 sols pour la journée du sindic Gervais et de Vuillelme Huguet, conseiller, envoyés à Morges auprès du gouverneur de Vaud qui les avait fait mander; mais ils ne l’y trouvèrent pas, parce qu’il était à Genève, auprès du seigneur évêque, et nihil fecerunt.
14 sols pour la dépense du sindic Gervais, envoyé à Moudon par le conseil, le mercredi après la fête de St-Pierre in cathedra.
12 deniers, le lundi après le dimanche de Reminiscere, pour le dîner de celui qui ordonna, de la part du seigneur de Glérens, que tous les compagnons (les soldats) de Cossonay se trouvassent vers la fontaine de Disy lorsque l’Ave-Maria sonnerait 272 .
28 sols pour deux journées des sindics Gervais et Mermet de la Sarra (successeur de Rosset), envoyés à Moudon.
6 sols pour le dîner du conseil le jour où ces sindics rendirent compte de ce qu’on avait fait à Moudon, rapportant que les Fribourgeois avaient conseillé à la patrie (de Vaud) d’envoyer en ambassade, auprès des alliés (les Suisses), l’évêque de Genève et le sire de Miolans.
12 sols dépensés le lundi après le dimanche de Judica me, lorsque le conseil s’assembla et fit marché avec Guillaume Vaney et Pierre Curtet pour pratiquer des meurtrières (foramina scopando) aux murailles de la ville, à raison de deux sols et demi par ouverture. /96/
Le même jour, le seigneur prieur donna (à la ville) deux serpentines, et le clergé séculier de la ville cinq couleuvrines (colouvrinas de passa) 273 .
15 deniers pour le repas du sindic et de Guillaume Vanay, qui visitèrent les meurtrières (foramina).
20 sols pour les journées de noble Humbert Marchand et du sindic, envoyés par le conseil aux trois Etats à Lausanne, le mercredi après Pâques (1475).
6 sols pour la dépense de celui que le châtelain et le conseil envoyèrent, à Pontarlier, le dimanche de Jubilate, pour apprendre ce qui était arrivé et ce que les Allemands (les Suisses) faisaient alors 274 .
3 sols pour le dîner des nobles Pierre de Yens, Humbert Marchand et Jean de Villars, le jour où l’on essaya les courtauds 275 ; et 12 deniers à ceux qui les portèrent et les rapportèrent à la maison de ville.
4 sols pour le dîner et le souper de trois personnes qui s’occupèrent des couleuvrines 276 .
Le 1er mai, on acheta « la fonde » d’un gros chêne pour faire la châsse (laz chassa) de la bombarde 277 .
2 sols livrés, le dimanche avant la St-Georges, à ceux qui /97/ apportèrent et rapportèrent la bombarde (loz bonbardallaz), alors qu’on l’essaya.
4 sols pour la dépense du gouverneur (soit sindic) envoyé à Morges, le mercredi avant la St-Georges, sur l’ordre qu’on devait y aller chercher de l’artillerie (artilleriam) 278 ; mais il n’en reçut point; ceux de Moudon l’emportèrent.
16 deniers pour deux quarterons de vin, portés (chez l’aubergiste Buchillon) au seigneur de Viry et à sa société; la même quantité de vin fut donnée au maître d’hôtel du comte de Bresse qui se rendait à Yverdon, auprès du gouvernement de Vaud, pour savoir de quelle manière il fallait agir contre les Bernois 279 .
Deux quarterons de vin furent donnés au gouverneur de Vaud et au sire de Menthon, celui-ci disant au premier que le comte de Genève donnerait quatre mille hommes en quatre jours, s’il était nécessaire.
21 sols pour les dépenses du sindic envoyé par le conseil aux trois Etats, à Romont, sur l’ordre du seigneur baillif de Vaud. Il y vaqua trois jours, parce qu’on attendit les Bernois 280 .
3 sols pour le souper du neveu (nepotis) du seigneur baillif de Vaud, nommé Boudon, qui vint à Cossonay, le mercredi après la St-Georges, ordonner qu’on fût chercher toute la terre et le ressort pour faire les « monstres » 281 . Aux /98/ environs de l’Ascension, le président (du conseil du prince) et le châtelain (de Cossonay) pressaient ces montres.
Le vendredi après la St-Claude, le conseil envoya à Morges noble Nicod de Mont et le sindic Gervais, auprès du gouverneur de Vaud, qui avait ordonné d’envoyer douze soldats (servientes) à Ste-Croix, qu’ils firent réduire à cinq.
Jean de Pompaploz promit au conseil de faire venir Borjoud « pro faciendo artilleriam. »
On répara les portes de la ville et on fit la postella(?). Noble Nicod de Mont donna certain chêne pour faire les rivets et la croix de St-André de la porte de la postelle 282 .
20 sols furent livrés au tailleur de pierre qui avait fait les meurtrières derrière le bourg 283 .
On maçonna les meurtrières autour de la ville et on restaura la tour de la postelle; cette dernière opération coûta 7 florins.
Enfin, celui qui avait veillé sur la tour du château reçut 30 coupes de froment pour son salaire d’une année 284 . /99/
Le 24 septembre 1475, le châtelain Boniface de la Grange et son lieutenant firent l’inspection des hommes de la seigneurie qui devaient suivre la bannière du seigneur. Le rôle en porte le nombre à 253 285 . Peu après, le 11 octobre, cinquante-deux hommes de la baronnie furent élus pour se rendre aux Clées, et on leur ordonna 286 de se préparer pour se présenter, le 16 du même mois, à Lausanne, au comte de Romont, leur seigneur. La prise du château des Clées, qui eut lieu le 23 de ce même mois, et les scènes sanglantes dont elle fut suivie ont été rapportées ailleurs. Il a été également remarqué que, des cinquante-deux hommes de la seigneurie de Cossonay, vingt-trois périrent dans cette expédition.
D’Orbe, où elle était revenue après la prise des Clées, l’armée suisse envoya un détachement pour s’emparer du château de la Sarraz. Le sire Guillaume de la Sarraz s’était attiré l’inimitié des Suisses, tant par les sentiments hostiles qu’on l’accusait de nourrir contre Berne et ses alliés que par /100/ la conduite de son fils Nicod qui, sans y être astreint par le lien du vasselage, avait combattu à Héricourt et se trouvait encore au service du duc de Bourgogne 287 . La ville de la Sarraz se rendit sans résistance et fut épargnée 288 . Mais le château, pris d’assaut après une vigoureuse défense dans laquelle vingt-trois nobles vassaux et autres ressortissants de la seigneurie périrent, fut pillé de fond en comble et les vainqueurs y mirent le feu 289 . Le baron s’était éloigné à l’approche des Suisses 290 .
De la Sarraz, le détachement se rendit à Cossonay 291 . La défense de notre ville paraît avoir été confiée à ses seuls habitants et aux ressortissants de la seigneurie, et l’ancien château-fort des sires de Cossonay, peut-être négligé depuis l’extinction de leur race, n’était guère en état de soutenir un siége. Voyant l’impossibilité de résister à l’ennemi et n’attendant aucun secours, elle se soumit et traita de sa rançon, fixée à trois cents florins de Savoie, que ses sindics payèrent promptement. Ainsi, elle fut épargnée 292 . Cet événement est rapporté de la manière suivante dans un document de nos archives 293 : /101/
« L’an de nostre Seigneur courant mille quatre cens septante et quatre (cinq) environ la feste de la tous saincts au moys d’octobre entrant au pays de Vuaud les communes ou soyt gens d’armes des villes de Berne, de Fribourg avecque leurs adhérens battaillant robustement et puyssantement avecque grands et terribles glaives à l’encontre de illustre seigneur Jacques de Savoye conte de Romont eys villes de Morat, Avenche, Payerne, Estavayer, Romont, Mouldon, Rue et Yverdon, Et estans les dictes villes et chasteau du dict pays de Vuaud rendues ey dictes communes de Berne et Fribourg les prenoyent à rançon pour certaine quantité et somme d’argent Et que per ce moyen les dictes bonnes villes feussent en seurté de n’estre bruslées et deffusion de sang Et que aussi per les dictes villes et communes ne fussent buttenées et pillées. »
« Or est que les nobles bourgeoys et habitans de la ville, chastellanye et ressort du dict Cossonay craignyant que semblable accident ne leurs advinse Et voyant qu’ils ne pouvoyent avoyr aulcune ayde ny secours pour soy deffendre des dictes communes Berne et Fribourg vehuz qu’ils n’estoyent pas aussy puyssans que les sus dictes villes que s’estoyent rendues Et finalement qu’ils ne pouvoyent avoyr nul ayde ny secours s’ils se debvoyent rendre ou deffendre par le dict seigneur compte (comte) Parquoy n’ont trouver meillieur moyen de prévenir à tel accident que de composer avecque les capitaines advocats et conseilliers des dictes communes à la somme de troys cens florins de Savoye à payer promptement per Henrys de Laydessoz et Pierre Buchillon gouverneurs du dict Cossonay au nom de la dicte ville, chastellanye et ressort moyennant /102/ lequel payement fussent saulfs de estre bruslés, pillagés et viés, etc. 294 . »
Combien fut profonde l’impression de terreur produite par les Suisses, puisqu’elle était encore aussi vivante septante six ans après l’événement, ce récit datant de l’année 1551!
De Cossonay, où il ne paraît pas s’être arrêté, le détachement de l’armée victorieuse se rendit à Aubonne qui appartenait au comte de Gruyère, ami des Suisses, et y passa la nuit 295 . Quant au gros de l’armée, il quitta Orbe le 25 octobre. Traité hospitalièrement à la Sarraz, il y trouva encore le château en flammes 296 ; puis il vint coucher à Cossonay et y reçut en suffisance du pain et du vin 297 . Là il apprit l’approche de la bannière de Lucerne et il fut décidé que, réunis, on avancerait sur Morges, où le comte de Romont se trouvait avec trois mille hommes de cavalerie, et dont le château avait une garnison. Mais, à l’approche de l’ennemi, frappés d’une terreur panique, cavaliers et garnison s’enfuirent, et le prince dut abandonner la ville. Celle-ci fit sa soumission, et l’armée alliée y entra sans résistance (27 octobre) 298 .
Les autres événements de la guerre de Bourgogne n’appartiennent pas ici. On sait qu’après la bataille de Morat un congrès se réunit à Fribourg (1476, 25 juillet) 299 , et /103/ qu’on y convint de nommer des arbitres avec pouvoir d’examiner les griefs de Berne et de Fribourg contre la maison de Savoie, et de prononcer définitivement; et que, par leur sentence, le pays de Vaud fut rendu à cette dernière, mais à des conditions fort dures 300 . Quant au comte de Romont, il perdit sans retour son bel apanage de la patrie de Vaud; ainsi la seigneurie de Cossonay retourna au duc de Savoie qui était alors Philibert Ier, dit le chasseur, sous la tutelle de la duchesse Yolande, sa mère.
Lorsque, quelques années après, ce jeune prince accorda (1480, 18 mars, à Chambéri) à la patrie de Vaud la confirmation de ses franchises 301 , elle lui fit 302 un don gratuit de quinze cents florins, à raison de 10 sols par feu. A l’occasion de ce subside et aussi des frais supportés pour le redressement de certains abus au sujet desquels le pays avait envoyé des députés au prince et les sindics de notre ville s’étaient rendus /104/ aux trois Etats 303 , une imposition fut levée dans la ville et la châtellenie de Cossonay; elle produisit 58 livres et 18 sols 304 .
Quoique l’église de St-Paul, ainsi que nous l’avons vu déjà, fût tout à la fois celle du prieuré et l’église paroissiale de la ville, son entretien était à la charge de la paroisse. Les comptes du recteur de la fabrique de cette église nous montrent cinq gietes 305 levés pour y subvenir de 1479 à 1484. Il est vrai qu’outre des réparations majeures à l’église même, deux cloches nouvelles avaient été faites et le beffroi réparé. Aussi, la ville, l’hôpital et la confrérie avaient-ils fait des dons tant en argent qu’en grains 306 ainsi que les /105/ villages de la paroisse 307 . Le seigneur évêque de Lausanne (Benoît de Montferrand) vint bénir les nouvelles cloches et visita en même temps l’église 308 . Sa suite se composait de dix-huit chevaux; il fut traité aux frais de la fabrique 309 . On avait orné les églises de feuillage et sonné les cloches pour son arrivée 310 . Les réparations de l’église /106/ de St.-Paul n’étaient pas encore terminées en 1484 311 .
Les sires de Vufflens-le-château avaient d’ancienneté, à Penthaz et Bournens, dans la châtellenie de Cossonay, quelques hommes sur lesquels, ainsi que sur les biens qui appartenaient aux hommages (ruraux) qu’ils leur devaient, ils avaient le mère et mixte empire et l’omnimode jurisdiction. Ils estimaient les posséder en franc-alleu, et que ces hommes n’étaient pas tenus aux obligations des ressortissants de la seigneurie de Cossonay. Notre ville, nous le verrons, s’opposait de son mieux a ces prétentions. Elle avait été, en 1473, en différend avec Pierre de Duyn, co-seigneur de Vufflens-le-château, et les hoirs d’Humbert de Colombier, seigneur de /107/ Vullierens 312 , parce qu’elle forçait Humbert douz Boz, de Penthaz, que ces seigneurs assuraient être de leur omnimode jurisdiction (et mère et mixte empire), de contribuer à sa fortification, comme les autres hommes de Penthaz. Ils avaient obtenu du prince l’ordre au châtelain de Cossonay de procéder à une information juridique 313 . Il ressort des dépositions de plusieurs témoins de Penthaz et de Cossonay qu’ils n’avaient pas vu douz Boz fortifier à Cossonay, ni payer les impositions de cette ville, ni y faire les montres, quoiqu’il fût toujours proclamé pour s’acquitter de ce devoir 314 . Ainsi, de sa personne, douz Boz n’était probablement pas ressortissant de la châtellenie, mais il avait succédé aux biens de son beau-père qui, lui, l’était. La suite n’est pas connue. /108/
La charte de 1398 réservait au seigneur le forage du vin qui se vendait en détail, en taverne, dans la ville de Cossonay. Déjà, alors, le forage n’appartenait plus au seigneur, puisque le sire Louis (III) l’avait abandonné, en 1387, à son prieuré de Cossonay. Or, en 1495, le révérend frère Pierre de Dullit, prieur, et ses religieux, étaient en différend avec les nobles et bourgeois de Cossonay au sujet de ce forage, les premiers prétendant l’avoir perçu, de temps immémorial, à raison de quatre pots pour tout tonneau contenant jusqu’à dix-huit setiers inclusivement, et les seconds 315 répliquant qu’il ne constait point que le prieur et ses prédécesseurs l’eussent toujours perçu sur ce pied, mais que parfois, selon la contenance des tonneaux et la volonté des vendeurs, ils n’avaient levé qu’un, deux, ou trois pots; que si, par hasard (ce qu’ils ne croyaient pas), il constait qu’il en fût comme les religieux le disaient, cela était en contradiction aux franchises concédées à la ville (vide supra), et qu’en conséquence le prieur ne devait percevoir aucun forage pour des tonneaux d’une contenance moindre de dix-huit setiers. Enfin, en évitation de procès et pour arriver à une bonne paix, les parties transigèrent (18 juillet) de la manière suivante: le prieur et ses successeurs légitimes percevraient deux pots de chaque tonneau contenant jusqu’à neuf setiers inclusivement, /109/ quatre pots pour chaque tonneau contenant au-delà de neuf et jusqu’à dix-huit setiers (inclusivement), et huit pots, selon ce qui était dit aux franchises, pour tout tonneau d’une plus grande contenance 316 .
On connaît les intrigues ou plutôt les fourberies du secrétaire ducal du Four (de Furno), et les suites amères qu’elles eurent pour le duc Charles III de Savoie, trop faible pour résister aux exigences des villes de Berne et de Fribourg 317 . Les bonnes villes et la noblesse de la patrie de Vaud lui accordèrent un don gratuit de douze sols par feu, pour l’aider dans le paiement des cent et vingt-cinq mille florins du Rhin qui lui étaient extorqués 318 ; un giete fut donc levé dans la châtellenie de Cossonay 319 . Pierre de Vuaulx, de Cottens, un des ressortissants de cette châtellenie, refusa d’en payer sa quote-part, se fondant sur une exemption du paiement de tout giete jadis accordée par un sire de Cossonay aux hommes de Cottens 320 , et sur ce que lui, de Vuaulx, /110/ n’avait pas contribué aux gietes précédents. La difficulté amenée par ce refus ayant été soumise à la décision absolue du conseil étroit de la ville de Moudon, celui-ci prononça (1508, 12 février) que, quoiqu’il fût dit dans le titre allégué par de Vuaulx que le sire de Cossonay d’alors exemptait les hommes de Cottens de tout giete, ce sire cependant n’avait pu agir que pour lui-même; que Cossonay étant parvenu à la maison de Savoie, ceux des hommes de Cottens qui appartenaient à la mère châtellenie de cette ville 321 étaient tenus de payer leur part du don gratuit accordé au seigneur duc actuel, étant sur le même pied que les habitants de la ville, parce qu’ils avaient passé au duc comme les autres bonnes villes du pays dont Cossonay faisait partie, et qu’ainsi de Vuaulx devait payer sa part du présent giete et de tout autre; enfin, que son allégation de n’avoir pas contribué jusqu’alors était sans valeur, parce qu’un particulier ne pouvait pas alléguer la prescription ou la possession contre la généralité. Les parties acceptèrent la prononciation 322 .
Sur l’ordre du duc de Savoie, le vice-châtelain de Cossonay (noble Jean Marchand) fit, en 1510 (12 février), les « monstres d’armes » de la baronnie. Deux cent cinquante-six hommes s’y présentèrent 323 . Il est remarqué que les /111/ armes de plusieurs consistaient en halebardes, arbalêtes et pertuisanes; l’un d’eux avait une couleuvrine et quelques-uns des plastrons.
L’élection des sindics de notre communauté se faisait encore, en 1510, à deux degrés, comme en 1392 324 . Alors six électeurs les nommaient; maintenant il y en a dix, que le conseil général, assemblé (le 26 septembre) à la maison de ville, choisit dans son sein. Outre les deux sindics 325 , ils élisent encore le recteur de l’hôpital St-Antoine et les deux inspecteurs de la confrérie du St-Esprit. Les sindics ne sont plus qu’une année en charge 326 au lieu de deux. L’élection des conseillers se faisait sans doute aussi par le conseil général. On ne voit pas si leur charge était à vie.
Il a été parlé des plaintes qu’Antoine Favey porta, en 1512 environ, au duc de Savoie, contre notre communauté, à l’occasion des dégâts qui, selon lui, se commettaient au château 327 . Favey accusait aussi le lieutenant du châtelain de n’avoir pas maintenu l’autorité du duc lors d’une /112/ arrestation faite dans la châtellenie par des officiers étrangers 328 . Un conseil général fut tenu en présence de l’écuyer Barth. Duzsillion, que le duc avait envoyé à Cossonay pour prendre des informations. Favey, assigné, ne parut pas, et le conseil répondit à ses divers articles de plainte.
Le duc Charles de Savoie étant venu, en 1517, dans la patrie de Vaud, les bonnes villes lui accordèrent un don gratuit à l’occasion de son heureuse arrivée. Cossonay y contribua de 86 florins, 25 sols et 6 deniers, bonne monnaie de Lausanne 329 .
Les communautés avaient, dès les temps les plus anciens, le droit général de parcours sur leur territoire; ainsi le propriétaire d’un pré n’en récoltait que la première herbe. On soustrayait un fond à cette servitude en obtenant de la communauté, à prix d’argent, une passation à record qui permettait de le clore. Deux bourgeois de Cossonay, frères (Mermet et Jean Favey), avaient obtenu, moyennant l’entrage de cent sols et la cense de deux coupes de froment, la passation à record d’un pré, situé vers le bois de Vaud. Un de leurs descendants (Antoine Favey) convint avec notre communauté, en 1526, qu’il ne paierait désormais que la moitié de la cense, mais ne tiendrait plus à record que la moitié de ce pré 330 . /113/
Le moulin banal de Cossonay (communément appelé les grands moulins), situé sur la Venoge 331 , était parfois alors d’un abord difficile. Le duc Charles de Savoie accorda à notre communauté (1532, 20 décembre, à Chambéri) l’autorisation de construire un nouveau moulin dans les fossés de la ville, pour y moudre en temps de pluie et de nécessité. On le nomma, par dérision sans doute, de Courta-ploge. Il ne subsiste plus depuis longtemps 332 . En même temps, le duc abergea à la communauté le four banal de la ville, situé devant le château. Cette double concession lui imposa une cense annuelle de 6 florins d’or pour le moulin et de 11 florins (coursables au pays) pour le four 333 , outre 20 écus d’or pour l’entrage 334 . Le duc se réserva la jurisdiction et la directe seigneurie des choses remises; et, au lieu de sufferte, les lauds et vendes de reprise en cas de mutation de seigneur. /114/ Déjà, en 1414 (11 octobre), le comte Amédée VIII avait accordé aux habitants des Chavannes, près de Cossonay, sous la cense annuelle de 26 sols, la faculté d’avoir un four.
Nulle partie du domaine de la communauté ne pouvait s’aliéner sans le consentement du conseil général des bourgeois. Celui-ci, assemblé dans la maison de ville, au son de la cloche, selon l’usage, autorisa la vente que firent, en 1532 (5 janvier), les sindics (François Marchand et Claude Charrière) à l’écuyer Antoine Darcet, de Moudon, de la moitié du pré de Marchet, pour 21 écus d’or au soleil.
Domination de Berne.
Au commencement de l’année 1536, le pays de Vaud passa sous la domination bernoise. La facilité de cette conquête est encore une énigme, car il était attaché à son prince. Ne faut-il pas en chercher la cause dans les souvenir de profonde terreur que les Suisses avaient laissés dans la patrie de Vaud depuis la guerre de Bourgogne, terreur que le sac d’Estavayé, la prise des Clées, les scènes d’Orbe et autres justifiaient pleinement? On se soumettait parce qu’on croyait impossible de résister.
L’armée bernoise venait de s’emparer du fort des Cluses (de l’Ecluse) et campait encore auprès de ce château, lorsque, le mardi 15 février, sept députés de la ville de Cossonay, munis d’une lettre de créance et de pleins-pouvoirs, se présentèrent à ses chefs, firent leur soumission et prêtèrent serment d’obéissance 335 . On leur promit de ne pas les contraindre au sujet de la religion; cependant on réserva que /116/ ceux qui parleraient de la Parole de Dieu ne seraient ni molestés, ni punis. On leur accorda encore le maintien de leurs libertés et coutumes et la faculté de percevoir les redevances communales, comme précédemment 336 . Enfin, en leur déclarant qu’ils paieraient une rançon, on leur donna l’assurance qu’on ne leur ferait pas de mal 337 , exceptant, néanmoins, la punition méritée de ceux qui se comporteraient grossièrement 338 .
Le 23 mars suivant, les commissaires bernois assemblèrent, à Cossonay, l’ancien conseil, et s’informèrent de la conduite du prieur et des moines du prieuré. On leur en donna des renseignements peu favorables 339 . Le lendemain, ils ordonnèrent au châtelain de mettre le séquestre sur les biens de Pierre de Gléresse, seigneur de Lusseri et co-seigneur de Bavoy (dit M. de Bavoy) et de François de Lutry, mayor de la ville de ce nom; deux gentilshommes possédant des biens considérables à Cossonay et dans les environs, mais qui n’avaient pas encore fait leur soumission 340 . Ils nommèrent /117/ quatorze personnes qui devaient composer le conseil étroit et former la cour de justice 341 . Ces quatorze ne pourraient fonctionner qu’en présence du lieutenant 342 , qui, lui-même, ferait partie du conseil et le présiderait. Ce lieutenant prêta serment en présence de la communauté. On interdit au /118/ châtelain et au greffier de participer au jugement 343 . Le lieutenant (baillival? 𝔡𝔢𝔯 𝔖𝔱𝔞𝔱𝔱𝔥𝔞𝔩𝔱𝔢𝔯) de Cossonay serait subordonné à un baillif que Berne établirait à Moudon ou à Yverdon. Il y aurait appellation pour Cossonay comme pour le reste du pays 344 . En temps opportun, le lieutenant (𝔡𝔢𝔯 𝔖𝔱𝔞𝔱𝔱𝔥𝔞𝔩𝔱𝔢𝔯) apporterait à Berne, rédigées, les franchises et coutumes de la ville, pour qu’on les y corrigeât 345 . Jusqu’à décision ultérieure de Berne, le sceau de la châtellenie ne serait pas supprimé 346 . Les quatorze du petit conseil nommeraient un grand conseil de vingt-quatre membres 347 . Tout cela fut Communiqué à la communauté. On défendit au /119/ mestral de tenir sa cour jusqu’à nouvelle résolution 348 . Et comme les habitants de notre ville avaient enlevé les images de leur église, on leur enjoignit de ne pas les y replacer, sans ordre, LL. EE. voyant avec plaisir qu’ils se résignassent 349 . On ordonna au lieutenant (𝔡𝔢𝔪 𝔏𝔦𝔢𝔲𝔱𝔢𝔫𝔞𝔫𝔱) de séquestrer les biens des deux chapelles que le duc (de Savoie) avait à Cossonay 350 et ceux de la commanderie de la Chaux. Les conseillers et justicier prêtèrent serment devant la communauté. Le lieutenant (baillival?) se ferait remettre les titres et documents des églises 351 . Le prieur et les moines reçurent l’injonction de mieux se conduire. Ou prit des arrangements relatifs au moulin de Cossonay. Enfin la rançon de notre ville fut fixée à deux cents couronnes 352 . Tout cela eut lieu le 24 mars, journée importante pour notre communauté 353 . — Une partie seulement de la nouvelle /120/ organisation qu’on lui imposait fut mise à exécution 354 .
Après l’issue de la dispute de Lausanne, Berne ordonna aux baillifs établis par elle dans le pays conquis de détruire les autels et les images. Celui de Moudon (Jean Frisching) vint à Cossonay, et, le 4 novembre, en sa présence, on abattit les autels et enleva les images 355 des églises et chapelles /121/ de la ville et de la baronnie. Le prieur du prieuré, selon Pierrefleur, était mort le 26 octobre précédent, encore assez jeune, de regret de ce que les choses allaient « tout au contraire de ce que sa conscience lui jugeoit, » et « rempli de bonne fame et renommée. » D’après le même, il était « homme clerc et de bonne lettre, » se nommait de Bierre, et était originaire d’Aubonne 356 . Le réformateur Jean le Comte avait prêché à Cossonay 357 (et aussi à Penthallaz). On sait que Berne publia, le 24 décembre 1536, l’édit complet de réformation pour ses nouveaux sujets. On ne connaît pas le nom du premier ministre de notre ville.
Lorsque cette réformation fut bien établie dans le pays, Berne y envoya des commissaires pour liquider les nombreux biens d’église. L’Etat en garda une bonne partie pour son domaine; il en céda une autre aux villes, sous diverses conditions; et en remit enfin une troisième partie à des particuliers, principalement à titre d’abergement perpétuel et à des conditions favorables. Par cette mesure habile, Berne attacha à sa fortune une partie notable du pays conquis, l’intéressant à la durée du nouvel ordre de choses. On trouve parmi ceux qui profitèrent des dépouilles de l’église bien des /122/ personnes dont les sympathies étaient sans doute pour la maison de Savoie 358 . Notre ville reçut sa part de ces biens. /123/ On lui céda ceux de la cure et de « la clerge » (c’est-à-dire du clergé séculier de Cossonay 359 ), moyennant qu’elle payât /124/ la pension du ministre 360 et entretînt la maison de cure 361 . Lui abandonna-t-on aussi les ornements et vêtements de son église, ainsi qu’on les avait cédés à d’autres villes 362 ? Enfin on lui donna encore les biens de la confrérie du St-Esprit. Elle demanda plus, et députa à Berne deux de ses /125/ conseillers 363 , afin d’obtenir, pour son hôpital, les revenus de la chapelle Notre-Dame (des sires de Cossonay), et, pour elle-même, le forage du vin et la maison de la chapelle de St-Sébastien (pour y tenir l’école et loger le maître). On leur accorda celle-ci, mais on leur refusa les riches revenus de la chapelle, ainsi que le forage. Cependant, comme compensation, Berne alloua (1546, pénultième février) à l’hôpital un muid annuel de blé (à la mesure de Morges) pour aussi longtemps que LL. EE. le trouveroient bon, et jusqu’à ce qu’un des prêtres « de la clergie alle de vie en trespas » 364 , restriction qui nous montre que, sur les biens d’église qu’elle avait reçus, notre ville payait une pension aux membres du clergé de Cossonay qui avaient embrassé la réformation 365 (les autres avaient dû quitter le pays). Enfin Berne accorda encore à l’hôpital trente florins annuels, en compensation du banquet de la concession que le prieuré faisait chaque année aux prêtres et aux bourgeois de la ville, ainsi qu’aux pauvres, le jour anniversaire de cette concession et le lendemain, en suite de l’obligation imposée par Jordane, dame de Cossonay, lors de l’abandon de la dixme de Chibie 366 . /126/
Une autre concession de Berne à notre communauté fut celle du bois de Vaud, appartenant au domaine du château. On le lui céda (1539, 11 septembre 367 ) en abergement perpétuel, sous la cense annuelle de 36 sols (avec réserve de la directe seigneurie, de la jurisdiction et de la souveraineté), et 120 florins d’or d’entrée. Et comme cette forêt était « bois de bans à LL. EE., » c’est-à-dire non soumise aux droits de parcours et d’usage 368 , on autorisa notre ville à établir un forestier pour la garde de ce bois, « en telle prééminence comment et au lieu de nos dicts seigneurs. »
Des étrangers inondaient alors le pays, s’établissant dans les villes au préjudice des bourgeois. Le dimanche avant la St-Michel de l’année 1541, les nobles et bourgeois de Cossonay, assemblés, selon l’ancienne coutume, pour élire les sindics, rendirent 369 les ordonnances suivantes au sujet de ces « avenaires » qui « foullaient et consumaient les pasquiers commungs, » portaient dommage à leurs « fruictaiges, » de jour et de nuit, et préféraient plutôt travailler pour les « villagiens » que pour la ville où ils résidaient: 1o Que ces avenaires dussent, dans un terme donné, « aller querre leur lettre de chastellayn ou de curé, » pour qu’on apprît quels étaient leurs noms, « fame et conversation, » et s’ils avaient été « délinquants en quelque chose » dans leur pays. 2o Que, /127/ s’ils étaient trouvés gens « capables » et de bien, et qu’ils voulussent demeurer à Cossonay, chacun d’eux payât dix florins pour une fois, applicables « au commode de la reipublicque » (au profit de la communauté), mais que, s’y refusant, ils quittassent la ville. 3o Que ceux d’entr’eux qui tiendraient du bétail sur les possessions et pâturages des bourgeois, payassent annuellement trois sols par tête de bétail. 4o Enfin que ceux de ces avenaires reconnus « capables, idoines et non taillables, » qui voudraient plus tard « jurer et entrer la bourgeoisie » de la ville en remplissant les conditions requises, seraient exempts, depuis leur admission, de la redevance des trois sols. Berne approuva (19 décembre suivant) ces ordonnances, tout en spécifiant qu’elles n’auraient pas d’effet rétroactif. De semblables statuts avaient été rendus dans plusieurs des villes du pays « par la grâce de Dieu conquis par Leurs Excellences. »
Toutes les décisions importantes appartenaient encore au conseil général des bourgeois; toutefois ses assemblées n’étaient plus suivies avec le zèle précédent, et il enjoignit, en 1545 (31 décembre), à tous les bourgeois, sous le ban de trois sols, « sans merci, » d’assister à ses réunions.
Notre communauté avait l’habitude, après la conquête bernoise (et peut-être aussi auparavant), d’affermer ses divers revenus. L’on trouve des amodiations de ceux de l’hôpital St-Antoine, des terres de cet hôpital, de la dixme de Penthallaz, des revenus de la confrérie, des biens du clergé, de l’ohmgeld, etc. Elles avaient lieu en conseil général, et ordinairement pour trois ans. Ainsi, en 1541 (4 juillet), le donzel François de Siviriez afferma, pour ce terme-là et au prix de 450 florins (soit 150 par an) les revenus de l’hôpital. Ceux de la confrérie s’amodièrent, en 1548, sur le pied de cinq muids /128/ et deux coupes de froment, par année, outre 31 florins en argent. Le conseil général décida, en 1553, qu’on établirait un receveur pour recouvrer les revenus de l’hôpital, de la clergie et de la confrérie. Cependant on afferma, la même année, la dixme de Penthallaz 370 , et, deux ans plus tard, ces mêmes revenus de l’hôpital et de la confrérie 371 . On céda, en 1555, à noble Pierre Masuyer, ministre de la Parole de Dieu à Cossonay 372 , « le bien et le revenu de la clergie, » pour six années, en lieu et place de sa paie. La ferme de l’ohmgeld rendit 220 florins en 1551, et 240 en 1554 373 . /129/
Nous trouvons, en 1553, les fermiers de l’ohmgeld en procès avec Antoine Baucion, de Bournens, dont la maison dépendait de la jurisdiction de M. de Montfort (François d’Alinges) dans ce village, et qui prétendait, pour cette raison, la soustraire au paiement de cet ohmgeld. M. de Montfort s’était constitué son garant. La difficulté continuait encore deux années après (1555, 8 septembre), un arbitrage devait avoir lieu, et M. de Denisiez (François Cerjat) être l’un des arbitres de la ville. Nous ne connaissons pas la sentence.
Des réparations majeures aux tours 374 et murailles de la ville, donnèrent lieu, en 1550, par ordre de Berne, à la levée d’un giete dans la châtellenie et le ressort 375 . Il y avait alors trois cent-soixante focagers ou faisant feu dans la baronnie 376 , dont deux cent-soixante et douze appartenaient à la châtellenie 377 et quatre vingt-huit au ressort 378 . Ceux de Pampigny, /130/ Bussigny et Ecublens, n’y sont pas compris; on ne sait pourquoi.
Ce giete et les instances que les commissaires 379 rénovateur des extentes de notre ville, faisaient alors auprès des villages de la baronnie, pour qu’ils confessassent l’obligation de contribuer à sa fortification, donnèrent lieu à plusieurs procès. Déjà, avec Bettens, en 1550 (21 mai), pour le « rebâtissement des tours. » Cependant, le 23 juin suivant, les sindics de ce village prirent, devant le conseil étroit, l’engagement de prêter la reconnaissance demandée. Puis, l’année suivante (8 mars), avec Vufflens-la-ville et Disy. Ceux de Vufflens refusaient tout à la fois le paiement du giete et la prestation de la reconnaissance, prétendant être seulement tenus aux impôts levés par LL. EE., souverain de Cossonay et de tout le pays, et n’avoir d’autre obligation que de travailler, en personne, aux fortifications de la villeS 380 . Ils furent, par sentence souveraine, condamnés au paiement du giete, mais libérés de la prestation de la reconnaissance (1552, 12 déc.). Les villages de Penthaz, Penthallaz, Bournens et Senarclens, refusant de satisfaire à la sentence du baillif /131/ de Moudon (du 11 avril 1553), qui les avait condamnés à fortifier à Cossonay, à terrailler, fossalier, payer giete pour cette fortification, ainsi que la guette, et à suivre l’enseigne, le conseil résolut (5 juin suivant) d’envoyer contr’eux deux députés à Berne. — Bettens, malgré son engagement, ne s’exécutait pas; on lui gagea donc quarante chêvres, chevreaux et « bouthets, » qu’on vendit publiquement, pour 40 florins, à la suite de trois criées 381 . Le baillif de Moudon condamna Bettens (1555, 2 janvier) à prêter la reconnaissance demandée, mais ce village en appela à Berne. Notre ville fut encore en difficulté, pour sa fortification, avec M. d’Aruffens (noble Jean Mestral 382 ). Elle donna lieu (1554, avril) à « une journée d’amitié, » à Aubonne, avec ce gentilhomme, où Cossonay fut représenté par quatre députés. Bientôt après, le conseil d’Aubonne prononça amiablement sur le différend. Les sentences obtenues contre les villages avaient rendu ceux-ci moins récalcitrans. Le conseil ayant décidé (1554, 24 mai) qu’on lèverait un giete de 17 sols par focage 383 , ils y consentirent et promirent de l’acquitter. Son produit était destiné à payer de nouvelles réparations /132/ aux tours et aux murailles de la ville 384 . Cependant, sa rentrée éprouva des difficultés; à Sévery, à Grancy, on leva des gages 385 . On se porta à de nouvelles mesures contre Bettens 386 , qui ne remplissait pas sa promesse. Enfin, cependant, les gouverneurs de ce village, au nom des hommes sujets de noble Louis de Praroman et d’honorable Mayre Goudar (Gaudard), seigneurs de Bettens, prêtèrent (1555, 24 janvier) la reconnaissance demandée 387 . — Ces procès témoignent des efforts des villages pour se soustraire à leurs obligations envers le chef-lieu de la seigneurie, bien qu’elles fussent anciennes et constatées. Nous verrons ces efforts se renouveler. /133/
Le mode d’élection des sindics ou gouverneurs de notre ville diffère, en 1551, de ce qu’il était en 1510. Elle est toujours à deux degrés, mais ce sont les sindics, dont la charge expire, qui nomment, dans l’assemblée du conseil général, dix personnes qui font cette élection et celle des autres fonctionnaires de la ville 388 .
Le conseil donna (même année, septembre) 20 florins à vingt « compaignons » (soldats) qui devaient se rendre à Moudon pour la bien-venue du baillif de cette ville 389 .
Lausanne, Cossonay, Orbe et Yverdon jouissaient d’une franchise réciproque de péage, c’est-à-dire que leurs bourgeois et habitants étaient exempts de le payer pour les marchandises qu’ils y achetaient pour leur usage. On ne connaît pas l’origine de ce privilége. LL. EE. ayant reçu de la part d’Orbe, Yverdon et Cossonay une requête relative au péage de la dernière de ces trois villes 390 , chargèrent leur commissaire-général (Nicolas Zurkinden) d’examiner les actes d’un procès auquel cette franchise de péage avait donné lieu en 1479. Après l’avoir entendu, ainsi que les députés des quatre villes intéressées 391 , LL. EE. déclarèrent (1552, 2 décembre), /134/ « que les bourgeois et habitants des dittes villes Lausanne, Cossonay, Orbaz et Yverdon, de tout ce qu’ils conduiront sur les marchés et vendront ès dittes villes, l’ung l’autre, et en leurs propres maisons employeront et en icelles villes demeureraz, que de ce ils ne soyent tenus de payer péage », mais de cela seulement 392 . Cette déclaration souveraine maintint ainsi notre ville au bénéfice de son privilége 393 . Et plus tard, lorsque Pierre de Dortans, seigneur de l’Isle, voulut établir un péage à Gollion, sur la route qui tendait de Cossonay à Morges, ces deux villes, ainsi qu’Orbe et Romainmotier, y mirent opposition. LL. EE, après avoir consulté quatre commissaires, décidèrent (1570, 1er juillet) en faveur du seigneur de l’Isle, moyennant que ses péagers à Gollion se conformassent en tous points à la table du péage de Cossonay; décision fondée sur ce que Jaques de Savoie s’était seulement réservé les hommages nobles et le droit de dernier supplice, lorsqu’il avait remis l’Isle et Gollion à François de Glérens.
Par ordonnance du conseil de notre ville, du 6 avril /135/ 1552, approuvée par le conseil général, on devait percevoir des vendeurs de vin un denier par pot. Cette disposition fut abrogée le 11 janvier suivant, et la vente du vin rendue libre. Sans doute que les procès contre les villages épuisaient alors les finances de la ville.
Lorsque, en 1553 (dernier de mai), les sindics de Genève et maître Jehan Calvin, venant de Berne, passèrent à Cossonay, le conseil leur fit présenter le vin d’honneur.
En vertu d’ordres souverains, le baillif de Morges avait enjoint au châtelain de Cossonay d’élire un certain nombre de soldats de la baronnie « pour l’effect de la guerre. » Il lui manda, le 4 novembre 1557, qu’ils dussent se trouver à Morges, le dimanche suivant, « decentement armés et bien fournis de leurs bastons et armes desquelles ils prétendaient se servir, soubs poene d’estre reprins et griefvement punis en leurs corps et biens, sans grâce ny mercy. » On voyait alors avec inquiétude, à Berne, l’arrivée, dans le voisinage du pays de Vaud, d’un corps nombreux de lansquenets, sous les ordres de Nicolas de Bollweiler (ou Pollweiler), qui vint camper auprès de Pontarlier et s’avança jusqu’à Bourg (en Bresse), dans l’intention de surprendre Lyon et de remettre cette ville au duc de Savoie. En octobre, Berne avait levé trois mille hommes dans le pays de Vaud et mis une garnison de mille hommes à Yverdon et Gex. Mais, bientôt après, l’arrivée de troupes françaises et la mauvaise saison engagèrent Bollweiler à se retirer 394 . /136/
Berne, redoutant quelqu’entreprise du duc de Savoie, que le traité de Cateau-Cambresis (1559, 3 avril) avait remis en possession de ses états, leva, en janvier 1560, un corps de dix mille hommes, prêts à marcher au premier ordre. Aussi voyons-nous, en février suivant, les députés de notre ville porter « le giete de la guerre » au seigneur baillif de Morges 395 . Des « monstres » générales eurent lieu, la même année, à Cossonay et à Morges. L’arrivée d’un nouveau baillif (à Morges), auquel on fit une « bien-venue, » donna lieu, en 1562, à d’autres « monstres et revisions d’icelles ». Le châtelain fit venir à Cossonay tous les sujets de la seigneurie, pour « les élire et mettre en esquipage 396 . » Le baillif vint bientôt après prendre possession dans notre ville. On envoya encore, en 1563, des « haquebusiers » de Cossonay à Morges, pour la bien-venue du baillif de Thonon. Quelques années auparavant (en 1560), le conseil avait fait faire une grande tente; on l’employait lors des tirs, bien-venues et occasions /137/ semblables. Elle était décorée des armoiries de la ville: d’argent parti d’azur 397 .
On leva, en 1564, dans la baronnie, un giete de 10 sols par focage, à l’occasion de réparations ordonnées par le baillif de Morges, aux tours et murailles de la ville 398 . Vufflens-la-ville refusa encore de l’acquitter; toutefois il y fut condamné, par sentence souveraine (du 21 juin 1565), pour cette fois-là, sans préjudice de la sentence supérieure de 1552, et moyennant que le baillif (de Morges) trouvât les réparations nécessaires 399 . Lorsqu’il s’agissait de /138/ contribuer, les villages de la baronnie se montraient difficiles. Notre ville avait fait gager huit d’entr’eux, en 1561, à deux reprises, pour le paiement de ses frais lors du grand tir qui avait eu lieu précédemment à Berne, et auquel LL. EE. avaient invité leurs sujets allemands et vaudois 400 .
On ne trouve point de traces de l’établissement du grand conseil de vingt-quatre membres, décidé, en 1536, par les commissaires bernois. Mais il est question, en 1565, pour la première fois, d’un conseil des dix-huit 401 , composé de six membres 402 . Il se joignait, lorsqu’il y était appelé, aux douze membres du conseil étroit; de là son nom. Réunis, les deux conseils remplaçaient, dans mainte circonstance, le conseil général, dont les assemblées deviennent moins fréquentes; cependant une d’elles avait lieu régulièrement vers la St-Michel, pour faire l’élection des gouverneurs ou sindics. On traitait alors le conseil général avec du pain et du vin. Indépendamment du conseil étroit et des dix-huit, il comprenait tous les bourgeois de la ville. Le refus d’accepter la charge de gouverneur était puni d’une amende de 5 florins (de dix, en 1579). L’ancien nom de sindics n’est plus guère donné aux gouverneurs, et leur prépondérance passée paraît bien /139/ diminuée. Il y en a encore deux: le grand, pour le conseil, et le petit, pour « le commung. » Le premier est le boursier de la communauté; son salaire est de 10 florins. Tous les deux prêtaient le serment requis entre les mains du châtelain. La direction et la gestion des affaires de la communauté appartenaient, dans de certaines limites, au conseil étroit.
Une de ces maladies épidémiques, assez fréquentes alors et connues sous le nom général de peste, fit invasion à Cossonay, en septembre 1565 403 , et y causa de grands ravages jusque dans l’été suivant 404 . Le conseil établit deux « marrons » , pour soigner les pestiférés. On transportait ceux-ci, hors de la ville, dans la chapelle Notre-Dame 405 , convertie /140/ en hôpital. Le gouverneur et trois conseillers allaient les visiter 406 . Le conseil fit distribuer du pain et autres vivres aux pauvres, et chargea deux « aulmoniers » de ces distributions 407 . Le châtelain donna du bois pour chauffer les pauvres et pestiférés. Lui-même fut atteint de la maladie.
Le châtelain de Cossonay fit, en 1567, la « révision » de tous les hommes de la seigneurie et en dressa le rôle. Le baillif de Morges vint assister aux « monstres » de Cossonay, et la ville lui fit cadeau de six écus sol. Elle envoya des vivres et du vin à des soldats de la baronnie en garnison au château de Morges. Des bruits de guerre 408 avaient donné lieu à /141/ ces mesures militaires et engagé plusieurs villes du pays à faire des offres de service à LL. EE 409 . Fidèles à leur habitude d’opposition, les villages refusèrent de contribuer aux dépenses qu’elles avaient causées à notre ville, mais le baillif de Morges leur fit ordonner (1568, 15 septembre), par le châtelain de Cossonay, de « contribuer, comme ceux de la ville, aux frais et préparations des aydes de la monstre, et nommément pour l’enseigne, accoustrements et salaires des taboriniers et fifres, » sous peine d’être déclarés rebelles. Un giete de 8 sols par focage fut payé, en 1568, dans la châtellenie, pour les frais « de la monstre de la guerre 410 . »
Berne se proposant de lever une contribution générale dans le pays de Vaud « pour le deschargement des grandes censes et charges dont par les jadis seigneurs ducs de Savoye il seroit esté chargé et embrigué, » convoqua, à cet effet, les Etats du pays à Payerne 411 , le 28 mai 1570, puis ensuite à Berne, le 13 août suivant. Ceux-ci, tout en protestant de leur bonne volonté, avaient demandé: 1o Que LL. EE. eussent égard, dans cette circonstance, à la grande /142/ pauvreté du pays, et que cet impôt (« ayde ») ne tirât pas à conséquence, ni n’apportât de préjudice à leurs immunités; aussi qu’Elles tinssent leurs sujets du pays de Vaud « en mesme degré et qualité » comme leurs anciens sujets. 2o Que, vu la grande cherté du sel marin, débité par des étrangers, LL. EE. y remédiassent en prenant ce débit pour leur propre compte. 3o Qu’Elles apportassent un changement à leur ordonnance relative aux subhastations, en ce sens que l’échûte du bétail, fixée à vingt-quatre heures, fût portée à quatorze jours, comme pour les autres meubles 412 . — Berne fixa la taille à trente mille écus, payables en trois ans consécutifs, à raison de six florins par focage, chaque année, chacun devant être taxé selon sa fortune 413 . — Quant à la demande des vassaux, villes et communautés, d’être tenus comme les anciens sujets de LL. EE., on leur répondit que, vu la diversité de leurs franchises, on ne pouvait y obtempérer sans avoir préalablement examiné les titres de celles-ci, et on leur ordonna de les produire dans un terme donné 414 . /143/ Berne promit de prendre en considération la requête relative au sel marin et fit droit à celle qui concernait les subhastations. Et comme les sujets de la ville et de la châtellenie de Cossonay, en particulier, avaient prié LL. EE. de les laisser, quant à ces subhastations, au bénéfice de leurs franchises 415 , Elles y consentirent, limitant cependant l’usage de leur privilége aux seuls ressortissants de la châtellenie. Berne accorda (1570, 17 août) une charte à notre ville, où ces divers faits sont relatés.
L’impôt demandé par Berne et accordé par les Etats du pays donna sans doute lieu à la confirmation des libertés et coutumes, écrites et non écrites, de Moudon, Yverdon, Payerne, Morges, Nyon, Cossonay, les Clées, Ste-Croix et Grandcour 416 , que LL. EE. firent le 10 avril 1572. Après le traité de Lausanne (conclu le 30 octobre 1564, entre le duc Emanuel-Philibert de Savoie et Berne), qui avait assuré à LL. EE. la possession du pays de Vaud, ces villes leur avaient demandé cette confirmation, et plus tard le bailliage de Morges avait réitéré cette demande 417 .
Il a été parlé d’une somme d’argent, livrée, en 1560, /144/ par notre ville, au baillif de Morges, pour le giete ou la « soude » de la guerre. Un autre seigneur baillif avait encore reçu d’autres sommes, pour le même objet, et le tout s’élevait à 1716 florins. La baronnie constitua, en 1572 (22 février), deux procureurs, un pour la ville et l’autre pour les villages, afin de comparaître à Berne et d’y solliciter de LL. EE. la restitution de l’argent remis, par leurs ordres, à ces deux anciens baillifs et qui était resté dans leurs mains sans que les pauvres sujets sussent à quoi il avait été employé 418 . On ignore s’ils réussirent dans leur mission.
Notre communauté voulant récompenser les bons services de François Charrière, châtelain de Cossonay, lui concéda (1572, 22 fév.) la faculté d’établir un pigeonnier, sur son territoire, pour y entretenir « tels et tant de colombes et pigeons » (fuyards, probablement) qu’il le voudrait 419 . Le droit de pigeonnier découlait généralement de la possession du fief; néanmoins quelques-unes des bonnes villes estimaient pouvoir l’octroyer à ceux de leurs bourgeois qui étaient « idoines. » 420 /145/ Les différends de la ville avec la plupart des villages de la baronnie recommencèrent bientôt. Comme l’impétuosité des eaux avait, depuis deux années, fort endommagé la tour voisine de l’hôpital, le châtelain convoqua les gouverneurs des villages, et, après leur avoir exposé l’urgente nécessité de la réparer, il les exhorta à couvrir, au moyen d’un giete, les frais qui en résulteraient, ajoutant que LL. EE. en étaient informées et le lui avaient ordonné. Sept villages s’y refusèrent 421 . Condamnés (1574, 31 mars) à Morges, ils le furent aussi (23 juillet suivant) à Berne, où l’on mit les dépens à leur charge. Alors, convoqués de nouveau, les gouverneurs chargèrent le châtelain du soin de réparer la tour. Les frais de la restauration s’élevèrent à 1361 florins et 6 sols. On y pourvut, du consentement des gouverneurs, en levant un giete de 6 florins, 1 sol et 6 deniers par focage 422 .
Indépendamment du procès contre les sept villages, notre ville soutint, pour le même objet, une difficulté contre /146/ Vufflens-la-ville, toujours opposant. Sur un rapport des deux commissaires-généraux et du trésorier Jérome Manuel 423 , LL. EE. prononcèrent, en 1575, que les anciens traités entre Cossonay et Vufflens seraient observés, ainsi que la sentence de 1552; que ceux de Cossonay n’auraient pas la faculté d’entreprendre arbitrairement des réparations aux fortifications de leur ville, mais que le baillif de Morges, se transportant sur les lieux, les ordonnerait, s’il les jugeait nécessaires, et que, dans ce cas, ceux de Vufflens contribueraient, selon l’ancien usage et les traités, comme les autres communes du ressort; qu’il y aurait recours à LL. EE. si les communes trouvaient superflues les réparations ordonnées par le baillif; enfin, que dans cette décision ne se trouvaient pas comprises les réparations au château de Cossonay, ruiné, et ne valant pas la peine d’être restauré 424 .
Moudon, Yverdon, Morges, Nyon, Cossonay, les Clées, /147/ Ste-Croix, Cudrefin et Grandcour, au nom du pays, avaient demandé à LL. EE. l’autorisation de choisir quelques hommes connaissant bien leurs usages et coutumes « au fait de justice et de leur police, » afin de les rédiger sous forme de lois, qui serviraient de règle de conduite. LL. EE. y avaient consenti, moyennant que ce code, revu par quelques conseillers bernois, fût soumis à leur approbation. A la prière de ces villes 425 , Elles sanctionnèrent ce recueil, le 12 mai 1577, sous réserve cependant que, lorsqu’il y aurait difficulté, au sujet de l’interprétation de quelques-uns de ses statuts, entre leurs baillifs et officiers et les sujets, on recourrait à leur conseil 426 . C’est ainsi que l’ancien coutumier du pays de Vaud a pris naissance 427 .
L’impôt accordé par les Etats du pays à la journée de Payerne n’était pas encore acquitté en 1577. Morges pria alors LL. EE. d’en remettre le paiement à un temps plus propice, mais Elles n’y consentirent pas (26 octobre). En sollicitant ce délai, Morges voulait aussi se donner le temps de se procurer le dénombrement exact des focages, afin que la somme fixée pour la taille ne fût pas excédée au recouvrement. Mais comme, d’un autre côté, les baillifs et leurs officiers en poursuivaient l’exaction, cette ville, estimant que cette circonstance avait de l’importance et concernait les franchises du pays, en conféra, le 24 décembre (1577) avec ses /148/ voisins de Cossonay, et l’on convint de se réunir à Lausanne, le 4 janvier suivant, avec Nyon, Moudon et Yverdon, pour aviser à ce qu’il y aurait à faire 428 .
Genève, qui se croyait menacée et faisait une garde exacte, demandait avec instance une garnison bernoise 429 . Par ordre exprès de LL. EE., le châtelain de Cossonay 430 fit, le pénultième mars 1578, des « monstres » générales, pour l’élection des soldats de la baronnie qui devaient s’y rendre en garnison. Vingt-six hommes, tant arquebusiers que « corsellets, » y compris le banneret et disainier (Nicolas Prenleloup) qui devait les conduire, furent élus 431 dans cette circonstance 432 . /149/
Une ordonnance du conseil, du 8 janvier 1579, exempta les conseillers des dix-huit du paiement de la guette 433 .
Des réparations à l’église paroissiale et à son clocher nécessitèrent un giete, dans la paroisse, d’un florin par tête 434 . Il y avait alors mille quatre-vingts paroissiens, grands et petits 435 . La croix du clocher fut descendue (1579, 3 juillet), et l’on trouva dans sa pomme deux écrits sur parchemin, renfermés dans une boîte de plomb. Ils indiquaient l’époque où la croix avait été placée et ce qui s’était passé dans cette circonstance, sa longueur, sa hauteur et qu’elle avait été faite aux frais de la paroisse; aussi les noms des sindics et des conseillers d’alors 436 . On la replaça le 22 juillet suivant; la vieille boîte fut mise dans le « pollet » (le coq) et une /150/ nouvelle, renfermant les noms des gouverneurs soit sindics en fonction, dans la pomme 437 .
Comme point de comparaison, nous ferons observer que la dixme de Penthallaz (appartenant à l’hôpital St-Antoine) fut amodiée, en 1579, pour 30 muids moitié froment et moitié avoine 438 , ce qui indique une année abondante.
La peste qui, en 1577, avait cruellement sévi à Berne, et l’année suivante à Fribourg, Payerne et ailleurs, pénétra dans notre ville, en décembre 1579, et dura près d’une année. Elle s’y déclara dans la tour près de l’hôpital, habitée par de pauvres gens 439 , et fit de grands progrès l’été suivant. On enjoignit (1580, 4 août) aux pestiférés de vider la ville et d’habiter, avec le marron, la chapelle Notre-Dame. Le gouverneur, le banneret et l’officier de ville reçurent l’ordre de les assister de leur mieux. On acheta un cheval pour transporter les décédés 440 , qu’on enterrait dans le cimetière /151/ Notre-Dame. On fit aussi (7 août) une convention avec noble Nicolas Marchand pour le service des pestiférés. Moyennant 30 florins et une coupe de froment, de salaire, il devait les assister de médecines, « faire brevages meurataires (pour mûrir) et emplâtres, le tout à forme de l’art de médecine. » Un second marron fut « affermé » (24 septembre). Enfin, le 15 décembre suivant, on les congédia 441 . Deux années plus tard, il y avait de nouveau des pestiférés à Cossonay; quelques cas de peste s’y étaient déjà montrés en 1572; mais ces deux épidémies furent sans gravité.
L’ordonnance suivante, rendue par le conseil, le 23 mars 1581, nous montre qu’il s’opposait à l’établissement de bancs particuliers dans l’église; « Ordonné de racler tous les bamps et cages que sont esté faictes au temple, fors celluy de Madame la Chastellayne, où luy plaira le faire construire » 442 .
Des soldats de la baronnie se trouvaient, au printemps de l’année 1582, en garnison au château de Morges. Le conseil de notre ville les réclama du baillif pour la garde de Cossonay, lui représentant que nos soldats n’étaient pas tenus de garder Morges. Il résolut encore d’ordonner, sous le ban de 5 florins, à tous les sujets de la baronnie pourvus d’armes, de venir garder la ville et « veiller, » ainsi qu’ils y étaient astreints par les franchises. Ces précautions avaient pour /152/ cause des bruits de guerre et les armement du duc de Savoie 443 . Peu après (21 mai), le conseil ordonna qu’il se ferait chaque jour, matin et soir, à six heures, des prières, avec les prêches ordinaires, où chacun serait tenu d’assister sous peine de trois sols; et que les portes de la ville seraient fermées et gardées pendant ce temps. On interdit encore, sous le même ban (en faveur des gardes), à ceux qui avaient des armes, de porter des épées à l’église et ailleurs dans la ville. On était tout à la fois sous l’empire de la crainte et dans la ferveur de la réformation.
LL. EE. ayant augmenté le traitement des ministres de la Parole de Dieu payés par l’Etat, ceux dont la pension était à la charge des villes réclamèrent aussi une augmentation. Berne témoigna à notre ville l’espoir qu’elle aurait égard à cette réclamation, lui ordonnant (1583, 21 mars) d’envoyer des députés pour traiter cette affaire 444 . Ceux-ci devaient se trouver à Berne le 22 avril suivant.
La refonte de la grosse cloche de l’église causa, en 1583, des frais notables à la paroisse. On paya au maître fondeur 271 écus 445 . Deux florins par tête, de giete, pour les /153/ bourgeois, et trois florins pour les habitants, furent perçus dans la paroisse, pour couvrir cette dépense 446 . La cloche pesait 3725 livres.
Les documents de nos archives nous présentent, la même année, pour la première fois, la relation de l’élection d’un banneret de la ville et de la baronnie, dans la personne de noble Georges Charrière. Le nouveau banneret, élu (le 21 juillet) pour trois ans 447 , par le conseil général et les gouverneurs des villages de la baronnie 448 , en présence du châtelain , promit « estre bon et loyal suject de nos seigneurs (de Berne), pourchasser leur proufict et honneur, leur dommage éviter, maintenir les libertés de la ville et ressort d’icelle, et en tout procéder ainsi qu’est d’ancienne coutume en tant que Dieu en soit honnoré et la républicque consolée et contente. » Les ressortissants de la baronnie, de leur côté, seraient « tenus lui hobéir en faisant raison et rendant debvoir comme le dit seigneur banderet est (était) tenu. » Il prêta le serment requis sur les mains du châtelain; « le tout /154/ à forme des conditions et arrest contenues ès précédentes élections. » — On ne voit pas qu’anciennement le banneret ou le porte-bannière de la seigneurie remplît des fonctions administratives 449 . Mais à l’époque où nous sommes arrivés, il était le chef de la bourgeoisie et du conseil, et, comme gardien des intérêts de la communauté, le dépositaire du sceau de la ville et de la clef du revestiaire (de l’église), qui en renfermait les titres et le trésor. Dans le XVIIIme siècle, on décida chez nous qu’en conseil le banneret opinerait avant le châtelain. — 450 .
On fixa (même année, 22 septembre) le prix de l’admission à la bourgeoisie de la ville à 100 florins de capital, outre un quarteron de froment de cense annuelle, pour celui qui épouserait la fille d’un bourgeois, et au double du capital et de la cense pour tout autre 451 . /155/
Sur l’ordre de LL. EE., quatre « soldards » de notre ville se rendirent à Berne, le 8 mai 1584, « pour la bienvenue des seigneurs de Zurich. » L’officier de ville les accompagna 452 .
On fit (même année, juin), par ordre de Berne, une collecte, dans la paroisse de Cossonay, en faveur des malheureux d’Yvorne, au mandement d’Aigle, victimes d’un éboulement de montagne. Elle produisit 84 florins environ.
Notre ville, au nom de toute la baronnie, s’était plainte à Berne que les bans (et offenses), en contravention à ses franchises, s’exigeaient avant que les jurés de la justice eussent connu laquelle des deux parties devait être châtiée. Berne ayant appris, par une enquête, de quelle manière les amendes pécuniaires avaient été précédemment recouvrées dans la baronnie, statua (1584, 13 juin) qu’on s’en tiendrait aux franchises, réservant néanmoins que la connaissance de la faute aurait lieu dans les trois mois qui suivraient la clame et que le résultat en serait communiqué au châtelain. Si la connaissance était différée, celui-ci pourrait s’adresser, pour /156/ le ban, à l’acteur ou à celui qui aurait fait la clame, à moins que la poursuite de la cause n’eût été remise pour de bonnes raisons 453 .
Le châtelain assistait de droit au conseil, ou bien son lieutenant le remplaçait (fréquemment tous deux prêtaient présence). Si l’un et l’autre étaient absents, le conseil ne pouvait être tenu. C’est ce qui eut lieu le 13 déc. 1584 454 .
Le baillif de Morges (Tillmann) vint visiter (1585, septembre) les tours de notre ville.
En qualité de chef de la ville, le banneret proposa au conseil général du 26 septembre 1585, de « commectre » des conseillers neutres pour le conseil étroit et celui des dix-huit, parce que plusieurs de leurs membres étant proches parents et alliés, il pouvait en résulter du désavantage pour la ville. On admit sa proposition, et le conseil général statua qu’il ne pourrait y avoir deux conseillers assez proches parents ou alliés pour qu’il y eût présomption de partialité.
Le même banneret se rendant à Berne, au printemps de l’année 1586, le conseil le chargea de solliciter de LL. EE. le rétablissement d’un ancien marché hebdomadaire à Cossonay. Sa mission fut couronnée de succès 455 ; le marché fut /157/ proclamé (à Cossonay, le 13 juin), et on enjoignit à chacun d’y apporter vendre ses grains et marchandises.
La compétence du conseil s’étendait à la surveillance des tutelles. On voit cette autorité, vers la même époque, donner son consentement à une transaction sur les biens d’un mineur. On la voit encore donner des ordres pour la reddition de comptes de tutelle, et celle-ci s’effectuer en sa présence.
Mr. de l’Isle (noble Albert de Dortans) vint à Cossonay, en septembre 1586, faire tirer le prix des « souldards » 456 . — 457 .
Notre ville désirait que LL. EE. lui cédassent le forage du vin et les corvées de charrue de la paroisse 458 , deux « droitures » provenant du prieuré, que le seigneur boursier (le trésorier du pays de Vaud) lui avait donné l’espoir d’obtenir. Le conseil chargea (1587, 17 avril) le banneret et le commissaire Crinsoz de traiter cette négociation à Berne, les autorisant à contracter « pour ce coup 459 . » La cession eut effectivement lieu quelques jours après (21 avril), à titre d’abergement. Elle imposa à notre ville l’obligation de fournir le pain et le vin nécessaires pour la célébration de la Ste-Cène (à Cossonay). L’entrage fut de 100 florins 460 .
/158/ Aux environs de Noël (1587), plusieurs « soldards » de la baronnie et à sa solde se trouvaient, par ordre de Berne, en garnison aux Charbonnières (Vallée du Lac de Joux). LL. EE. avaient fait garder les passages du Jura, du côté de la Bourgogne, sur la nouvelle que les troupes royales françaises avaient poursuivi les allemands, dans leur retraite, jusque dans les environs de St-Claude 461 .
Le baillif de Morges ayant fait savoir au châtelain de Cossonay que le bon vouloir de LL. EE. était que « huit soldards harqueboursiers » et deux « muscataires » de notre ville se rendissent à Berne, « pour servir LL. EE. à la bienvenue des seigneurs de Strasbourg, » le conseil, en conséquence, fit élection (1588, 19 mai) de dix hommes « capables » 462 . — 463 .
Au printemps de l’année 1589, Genève, soutenue par la /159/ France, faisait la guerre au duc de Savoie. Trois régiments suisses, à la solde du roi (celui de Berne sous les ordres du colonel Louis d’Erlach), entrèrent, au commencement d’avril, dans le bailliage de Gex, où ils trouvèrent des capitaines français avec quelques troupes 464 . Ils assiégèrent le fort des Cluses, dont les Genevois avaient inutilement tâché de s’emparer. Bien des volontaires du pays de Vaud se trouvaient dans leurs rangs. Dix-huit soldats (volontaires?) de notre baronnie, qui étaient à l’armée devant « la Cluse, » demandèrent quelqu’assistance au conseil, en considération de leur grande indigence 465 . On leur envoya (juin) un écu à chacun 466 . — 467 . La situation se compliqua. Une armée bernoise marcha contre la Savoie, et le pays de Vaud devint le théâtre de beaucoup de mouvement militaires. Les capitaines et bannerets de Neuchâtel, se rendant à l’armée, passèrent par notre ville; le conseil les fit traiter, ainsi que les « munitionnaires » de l’armée de M. de Sancy. La compagnie de ce capitaine français devait y loger. Quatre capitaines de /160/ « lanchsquenets, » accompagnés du secrétaire du seigneur capitaine Robely, vinrent à Cossonay et y furent aussi traités. Enfin ce capitaine 468 y passa lui-même, et on lui présenta le vin d’honneur. — Il régnait une grande inquiétude dans le pays. Le conseil envoya (5 septembre) des députés 469 à Nyon, pour apprendre des nouvelles de la guerre 470 . Il convoqua (18 septembre) les gouverneurs des villages pour qu’ils fissent l’inspection des murailles de la ville, fort délabrées en plusieurs endroits, et consentissent à leur restauration, selon qu’ils y étaient tenus. La plupart s’y soumirent 471 . — 472 . On connaît l’issue, peu glorieuse pour Berne, de la guerre de 1589, que termina le traité de Nyon, basé sur celui de Lausanne (de 1564).
A l’assemblée du conseil général du 28 septembre 1589, on nomma (deux personnes) aux charges de /161/ « taxeurs de vin » et de « peseurs de pain » (c’est la première fois qu’il en est question), et l’on admit un nouveau bourgeois, qui promit d’apporter « lettres de son origine de franchise et libre condition 473 . »
Pour rester au courant de l’état des finances de notre communauté, jetons un coup d’œil sur ses comptes d’une année, c’est-à-dire du 22 septembre 1588 à semblable jour de l’année suivante 474 . Nous y verrons que la recette totale en deniers s’élève à 3147 florins environ; les articles suivants y figurent: 1476 florins et 6 sols pour l’ohmgeld du vin vendu par les trois hôtes de Cossonay, et 169 florins et 2 sols pour le forage de ce vin; 19 florins pour l’amodiation de l’ohmgeld de Senarclens, Penthaz et la Chaux 475 ; 46 florins pour celle des corvées de charrue de la paroisse; 100 florins pour les mailles, de deux années, de la boucherie; 260 florins pour l’amodiation du four de la ville; 8 florins pour celle des bancs placés (aux foires) autour de la maison de l’école 476 ; 6 florins pour celle du poids de la /162/ corde et de la laine; 90 florins pour celle des marais de Cloz-repoz 477 ; 223 florins, 7 sols et maille pour le revenu du rentier de la ville (c’est-à-dire des censes en deniers); 20 florins et 8 sols, livrés par le receveur des biens du clergé 478 ; 153 florins et 3 sols pour réemption de censes dues au clergé; 40 florins pour la sufferte de quatre habitants 479 ; 87 florins et 7 sols pour le revenu du rentier de l’hôpital; 297 florins provenant de vente de grains 480 , etc.
Passons à la recette en grains. Celle en froment est de 38 muids et une fraction de quarteron; elle comprend, entr’autres: 9 muids, 11 coupes et demi quarteron, qui proviennent du rentier de la ville et de l’amodiation de la guette et des terres de la cure; 5 muids, livrés par le receveur /163/ des biens du clergé, formant le produit de la dixme de Senarclens; 5 muids pour l’amodiation de la dixme d’Itens (appartenant à l’hôpital); 4 muids et 5 coupes pour celle de la dixme de Penthallaz (qui ne rendit pas davantage « à cause de la tempeste » ); 3 muids, 7 coupes et deux tiers de quarteron pour le rentier des biens du clergé (y compris le muid dû par LL. EE. à la confrérie); 6 muids et 9 coupes pour le rentier de l’hôpital. La recette de l’avoine est de 12 muids, 9 coupes et 1 quarteron 481 , et celle du « mescloz » de 1 muid et 10 coupes 482 .
Quant aux dépenses et charges de la communauté, elles s’élèvent, en deniers, à 2323 florins, 10 sols et 5 deniers; en froment, à 37 muids, 9 coupes et un sixième de quarteron; en avoine, à 11 muids et 8 coupes, et en mescloz à 2 muids, 6 coupes et 1 quarteron. — Ces comptes comprennent ainsi les revenus de la ville même, de l’hôpital, de la clergie et de la confrérie 483 .
Ainsi que bien d’autres localités du pays, notre ville avait sa maladrerie (ou maladière), soit un hôpital pour les lépreux. Elle se trouvait dans un lieu retiré, nommé St-Denis, sur la petite rivière du Veyron et dans la proximité du moulin banal de Senarclens 484 . De nombreux villages de la contrée /164/ faisaient partie de la congrégation de cette léproserie 485 . Or un habitant de Cuarnens, atteint de lèpre en 1589, fut, à la demande du châtelain et des gouverneurs de ce village, examiné par un médecin de Lausanne et le « barbier et cyrugien » de la Sarraz, qui attestèrent (par écrit) le cas de la maladie 486 . Alors le lieutenant de Cossonay ordonna à ces gouverneurs de présenter le lépreux, pour être reçu, selon la coutume, dans la maladrerie de Cossonay, en lui fournissant les meubles et objets suivants: un chapeau, un manteau, des gants, « des traclettes » (une crécelle), des souliers, l’intérieur d’un lit 487 , un pot à cuire, une pelle « pendante » et d’autres ustensiles, ainsi qu’une arche ferrée, fermant à clef. On leur enjoignit de le nourrir pendant six /165/ semaines, afin qu’il ne mendiât point. Des députés de Cuarnens se présentèrent donc devant le lieutenant de Cossonay, assisté des délégués du conseil; ils leur exposèrent qu’il avait plu à Dieu « d’affliger de lespre Amey du Monthioulx, leur prochain, » et que Cuarnens appartenant à la congrégation de la maladrerie de Cossonay, ils les suppliaient de l’y admettre. Le lieutenant et les charge-ayant du conseil acceptèrent le lépreux, « en le consolant de prendre à la bonne part de ce qu’il a pleu à Dieu l’affliger de la dicte maladie. » On lui fit prêter le serment suivant: 1o d’être bon, fidèle et loyal sujet de LL. EE.; 2o de ne pas sortir de la maladrerie pendant six semaines, et de ne point mendier 488 ; 3o « de n’avoir jamais compagnie charnelle de femmes ny fillies pendant le temps qu’il sera contaminé de dicte maladie et qu’il demeurera en dicte maladière; » 4o de s’abstenir de la compagnie de gens sains; 5o de ne pas boire aux fontaines, sinon avec son gobelet; de ne pas aller nu-pieds sur les grands chemins; d’avoir toujours des gants lorsqu’il passerait des « passioux » (barrières), et de se fourvoyer lorsqu’il rencontrerait quelqu’un; et, enfin, 6o de s’abstenir des viandes qui entretiennent et augmentent la lèpre et la donnent 489 . Puis le lieutenant le mit en possession d’une des chambres de la maladrerie, « avec puissance de pouvoir jouyr, gaudir et user des franchises, libertés et biens de la dicte maladière, selon sa part et rate 490 . » — C’est un tableau de mœurs. — Ajoutons que la lèpre disparut bientôt entièrement /166/ du pays, et que notre ville remit (environ l’an 1618), à titre d’abergement, les terres « vacquantes et en frische » qui dépendaient de la maladrerie de St-Denis, à un habitant du village voisin de Chavannes-sur-le-Veyron.
Au mois de mai 1590, Cossonay envoya des députés à une assemblée de plusieurs notables personnages des bonnes villes, qui eut lieu à Lausanne.
Nos franchises voulaient que les meubles levés de gage à l’instance du seigneur, pour le recouvrement de ses censes ou revenus, ne fussent vendus qu’après sept jours. Cette disposition n’ayant pas été observée par le châtelain, les nobles, bourgeois et habitants de la ville et de la baronnie s’en plaignirent au baillif de Morges (Pierre Risauld), qui ordonna (1590, 20 juin) au châtelain de se conformer aux franchises, sans se permettre aucune innovation.
LL. EE. de Berne ayant nommé noble Claude-Hyppolite de Bons à la charge de châtelain de Cossonay, en remplacement de noble Jean-François de Gruyère, seigneur de Sévery, le baillif de Morges vint (même année, septembre) l’installer dans cet office. Cette nomination ne fut pas vue de bon œil à Cossonay, parce que de Bons était du Chablais. Le conseil décida même (13 septembre) que, dans l’intérêt de la conservation des franchises de la ville, on s’opposerait à la mise en possession du nouveau châtelain et qu’on ne lui permettait point d’assister au conseil, parce qu’il n’appartenait pas au pays. Néanmoins de Bons y prêtait présence dans le mois suivant 491 , et après une année 492 on lui accorda la première voix dans ce corps 493 . /167/
Notre ville se proposant de présenter une requête à LL. EE. pour que le sceau (de la châtellenie) fût laissé entre les mains du châtelain, attendu les dépenses qu’entraînerait l’obligation d’aller à Morges pour sceller, convoqua, en 1592, les gouverneurs des villages pour leur demander s’ils se joindraient à elle dans cette circonstance 494 .
L’obligation de résider dans la ville était imposée aux membres du conseil étroit. Le conseil général les en exemptait par fois pour un temps limité 495 . — 496 .
LL. EE. ayant inféodé (1594, 20 mai) la moyenne et la basse jurisdiction de Vufflens-la-ville à noble Benjamin Rosset, bourguemaître de Lausanne, notre ville, pour la préservation de ses droits dans ce village, y envoya, le jour /168/ où ce magistrat fut mis en possession de ce « seigneuriage, » deux députés avec mission de protester contre cette mise en possession. Ces droits concernaient la fortification de la ville, « la vesture » des tambours et fiffres, la « puissance » de l’officier de ville, l’ohmgeld et le recouvrement des censes dues à la ville, à l’hôpital, à la confrérie, à la cure et à la clergie. Plus tard (9 décembre) le conseil résolut de retirer cette protestation, et de parler plutôt amiablement au nouveau seigneur de Vufflens, pour qu’il laissât la ville au bénéfice de ses droits 497 . Déjà, dix années auparavant (1584, 12 novembre), notre bourgeoisie, pour des motifs pareils, avait envoyé protester à Bettens lorsque le banneret Charrière avait été mis en possession de la seigneurie de cet endroit. Mais on ne voit pas qu’elle ait agi de même lorsqu’en 1597 (24 mai) LL. EE., démembrant de la châtellenie la jurisdiction de Senarclens, l’inféodèrent à noble François Charrière. Sans doute qu’elle avait reçu de celui-ci l’assurance d’être laissée dans la libre jouissance de ses droits 498 . /169/
La ville de Cossonay, au nom de l’hôpital St-Antoine, avait acquis, en 1561 (6 novembre), du comte Réné de Challant, seigneur de Valangin, la dixme du village d’Itens, des censes à Aclens et des vignes à Aubonne 499 . C’était une acquisition de quelqu’importance 500 . Ces censes donnèrent lieu à des contestations avec Bernard d’Alinges, baron de Coudrée et seigneur de Vuillerens, qui défendit (1593, février) à ses sujets d’Aclens et de Romanel de les payer à l’hôpital 501 . Une prononciation d’arbitres termina la querelle /170/ (1595, 10 février), et décida que l’hôpital aurait la propriété d’un muid de froment (mesure de Cossonay) et de deux chapons, de cense foncière, mais que le fief et la jurisdiction sur les assignaux de cette cense appartiendraient au seigneur de Vuillerens 502 .
Une élection, par le conseil, des « soldards » de la ville et de la baronnie eut lieu le 15 décembre 1595. Trois jours après, il y eut une « fausse larme » (alarme) à Cossonay; on fit des « esquadres » (escouades) et l’on veilla. Quel ennemi redoutait-on 503 ?
Un homme mourut de la peste dans notre ville, en janvier 1597; cependant il n’y eut pas d’épidémie, quoiqu’on la redoutât et que la maladie régnât dans les environs 504 .
On décida (même année, novembre) qu’on demanderait aux paroissiens s’ils voulaient réparer la chapelle Notre-Dame, que sinon on en couvrirait les murs, en attendant mieux. Elle fut rebâtie l’année suivante 505 , et LL. EE. donnèrent 100 florins pour les réparations qu’on fit alors à /171/ l’église. Sans doute que cette chapelle est celle des sires de Cossonay, qui se trouvait dans l’église, et non la chapelle de l’hôpital de Ste-Marie 506 . — .
Les seigneurs de Mex et de Senarclens, frères, amodièrent, en 1598, pour une année, l’ohmgeld de la ville et de la baronnie 507 , au prix de 1010 florins, de principal, outre 70 florins pour les vins; les cas de guerre et de peste furent seuls réservés. — Des divers revenus de notre communauté, aucun n’était soumis à plus de fluctuations que celui de l’ohmgeld 508 , suite naturelle des grandes variations du prix du vin 509 . En tout cas, ce revenu ne paraît pas avoir diminuée bien au contraire, depuis l’époque où nous pouvons l’apprécier, si même nous tenons compte de la dépréciation successive /172/ de l’argent. A quelle raison faut-il attribuer, d’un autre côté, la réduction notable de celui de la guette, descendu, sur la fin du XVIme siècle, à près de la moitié de ce qu’il était deux siècles plutôt 510 ? Proviendrait-elle de la diminution de la population 511 ? Nous le pensons ainsi.
Lorsqu’on parcourt les comptes de notre communauté, on y remarque (principalement dans la seconde moitié du XVIme siècle) de nombreux articles de dépense pour des « bien-venues, bien-allées, » cadeaux et jouissances. On présentait le vin d’honneur aux bourgeois dans les occasions marquantes, telles que « grentes » (fiancailles), mariages, baptêmes 512 . Les plus apparents, surtout lorsqu’ils appartenaient aux autorités de la ville, recevaient alors des cadeaux 513 . S’ils épousaient des femmes étrangères à la ville, on faisait à celles-ci une réception qu’on appelait « bienvenue 514 ; » on y employait l’artillerie de la ville (les courtauds /173/ et crochets), l’on rassemblait les « compaignons » (soldats) et, dans les grandes occasions, ceux de toute la baronnie. Lorsque, en 1560 (mai), le châtelain de Cossonay se maria, on fit une bien-venue remarquable à « Madame la Chastellayne. » On appela les « taboriniers » de Moudon, ceux de Lutry, et le fiffre de cette ville. Deux délégués du conseil furent prier le baron de la Sarraz d’assister à la fête, où le baillif de Morges et « plusieurs bons seigneurs » se rendirent de leur côté. On présenta le vin d’honneur à l’époux, au baillif, aux étrangers marquants et l’on donna à boire à la « compaignie » de la Sarraz et à tous ceux des villages de la baronnie 515 . On livra de la poudre « aux compaignons haquebusiers » et l’on tira dix-huit fusées. Les « enfants » de la ville reçurent une enseigne neuve, des « bastons, » des piques et des « alebards collorés, » des chapeaux, une masse-d’armes pour leur capitaine et « une mordache » pour leur lieutenant de banneret. M. de Denisiez « et certain aultre de Mouldon » visitèrent le « lieu pour faire la rencontre de Mme la Chastellayne; » enfin on présenta à celle-ci, le lendemain de ses noces, trois pots et « une picholette » d’hypocras 516 . L’année suivante on fit également une bien-venue à Madame d’Aigremont 517 . Les /174/ noces de noble Georges Charrière (depuis banneret), en octobre 1582, furent brillantes. Le conseil chargea le châtelain de conduire la « compaignie » à la bien-venue de l’épouse, ordonna à ceux qui avaient des « offices des harquebusiers » de se tenir prêts et « rendre leur debvoir, » et nomma deux capitaines du « chasteau » qu’on construirait 518 . Celui-ci fut élevé sur le pâquier de Pépinet, dans la proximité de la route de la Sarraz 519 . Le banneret reçut l’injonction de réunir /175/ les « compaignons et souldats » de la ville et de la baronnie 520 . On fit venir les « taborinier et fifre » de Morges, on commanda des fusées et l’on acheta deux boîtes de dragées pour les époux 521 . — Mr. de Sivirier (noble Jean-François de Gruyère, châtelain de Cossonay) reçut, en 1587, quatre écus, en cadeau, pour supporter « les effrais de ses nopces » et sa femme fut l’objet d’une bien-venue. Enfin, le conseil ordonna, en 1599, « d’accommoder Monsr. de Mex de la maison de la ville pour faire les nopses de Monsr. de Senarclens » (son frère), de commander les arquebusiers des villages pour la bien-venue de l’épouse et d’offrir à Mr. de Senarclens deux moutons. Plus tard, nous retrouverons des bien-venues, mais plus modestes. — En dépit de l’austérité introduite par la réforme, le goût du /176/ plaisir était dominant, et l’occasion de s’en procurer saisie avec empressement 522 . Le tir du papegay ou de l’oiseau était une de ces occasions, en même temps qu’une dépense notable pour la ville. Il avait lieu ordinairement, chaque année, au mois de mai 523 ; les arquebusiers recevaient du vin, les conseillers dînaient ensemble et l’on conviait au repas les notables de la ville et des environs 524 . Les mises annuelles de certains revenus de la ville et de l’hôpital (l’ohmgeld, la guette, les dixmes, corvées, etc.) présentaient l’occasion de boire et de manger aux frais de la communauté. Si le conseil s’assemblait à l’extraordinaire, pour quelqu’affaire /177/ pressante, chez le châtelain, le banneret, ou parfois dans une auberge, il y dînait aux dépens de la ville. On présentait le vin d’honneur aux gentilshommes de la contrée ou autres personnes marquantes qui venaient dans notre ville, et le conseil déléguait quelques-uns de ses membres pour leur tenir compagnie (fréquemment dans les auberges). Enfin les relations de bon voisinage nous portaient, dans l’occasion, à témoigner des attentions à nos voisins, surtout au baron de la Sarraz 525 . — Ces mœurs sont bien éloignées des nôtres et l’emploi d’une partie des revenus de la communauté en réjouissances et cadeaux donnerait lieu, de nos jours, à un blâme mérité. Faisons toutefois observer qu’en marquant des attentions à ses bourgeois, la ville honorait tout le corps de la bourgeoisie, parce qu’on estimait qu’appartenir à celui d’une ville dotée de franchises devait être tenu à honneur, et que, si beaucoup de considération entourait ceux qui remplissaient des places, elle était une juste compensation du temps et des soins qu’ils consacraient aux affaires publiques dans des fonctions peu rétribuées /178/et quelquefois gratuites 526 . — 527 . Continuons notre narration.
Notre ville avait emprunté (1598, 6 août), au huit pour cent, 500 florins de M. de Sivirier, destinés à payer les soldats, « employés pour la ville à la deffense de la patrie 528 . » Le gouverneur les porta au baillif de Morges, « pour le giette de la guerre, » mais il les rapporta (il n’est pas dit pour quelle raison ), et l’on remboursa M. de Sivirier 529 . — 530 .
Suite de la domination bernoise.
Dix-septième et dix-huitième siècles.
Le conseil fit fermer (1600, février) les tavernes de la ville, à l’exception de trois. Une ordonnance de Berne provoqua cette mesure. — 531 . Le conseil étroit se composait alors de dix membres, y compris le châtelain, qui le présidait au nom de LL. EE.
Le baillif (de Morges) et le ministre de Cossonay assistèrent, en 1601 (janvier), à la reddition, faite en conseil, des comptes de l’hospitalier (recteur de l’hôpital), ce qui n’avait pas eu lieu jusqu’alors 532 . Il en fut ainsi pendant plusieurs années 533 .
Les suffrages unanimes du conseil général appelèrent (1602, septembre) Mr. de Senarclens aux places de grand gouverneur, hospitalier et receveur des biens du clergé et de la confrérie, tout à la fois. Ce cumul était un cas rare 534 . /180/
La mort de noble Claude de Lutry (mayor de la ville de ce nom), dernier mâle de sa famille, avait été suivie de la discussion de ses biens 535 . Le conseil avait résolu (même année, janvier) de profiter de cette circonstance pour acquérir la moitié de la grande dixme de Senarclens, dont la ville possédait déjà l’autre; toutefois l’acquisition projetée n’eut pas lieu 536 .
Le conseil envoya (même année, 21 décembre) un ducaton à chacun des cinq soldats de notre ville qui se trouvaient en garnison à Genève, à la suite de l’événement connu sous le nom de l’Escalade. D’autres « soldards » de la baronnie y étaient également. Le baillif de Morges ayant ordonné de lever (dans la baronnie) un « giette pour la guerre, » de deux florins par focage, « le riche supportant le pauvre, » le conseil prit (1603, 31 janvier) la résolution suivante: « A esté advisé et ordonné que voyant nos ennemis à nos portes, prests à nous égorger si Dieu ny met la main pour nous secourir, l’exaction se doibge faire du dit giette au plus tôt que se pourra. » Combien était grande l’alarme /181/ dans le pays de Vaud! Des soldats de Cossonay étaient à cette époque en garnison à Morges, et chacun d’eux recevait de notre ville 18 sols de solde par jour: c’était beaucoup vu le prix de l’argent.
LL. EE. ayant défendu à leurs sujets du pays de Vaud l’usage du sel de Bourgogne et ordonné celui du sel marin 537 , cette mesure rencontra une vive opposition, le pays y voyant une infraction à ses franchises. Les bonnes villes en sollicitèrent la révocation, par leurs députés. La nôtre envoya à Berne Mr. de Senarclens et le secrétaire du conseil 538 . A leur retour, on convoqua les communautés de la baronnie, pour leur faire part de la réponse de LL. EE. aux députés des villes 539 , ceux-ci ayant reçu l’injonction de faire connaître à Berne, dans huit jours, la volonté de leurs constituants /182/ relativement à cette réponse. Le secrétaire retourna à Berne avec les autres députés, pour demander que le conseil des deux-cents s’assemblât 540 . La noblesse se joignit bientôt aux villes, et une conférence commune eut lieu à Lausanne, le 1er octobre 1603 541 . Des députés des deux ordres comparurent de nouveau à Berne. Enfin LL. EE. accordèrent la révocation demandée avec tant d’instance, moyennant que le pays se chargeât, pour une année, de trente muids de sel marin de France, à raison de cent quarante-quatre quintaux le muid, à prendre à Genève, au prix de neuf quarts de Savoie la livre 542 . Notre ville y envoya (1604, 27 janvier) un délégué pour recevoir, contre paiement, la quantité de ce sel qui lui compétait (ainsi qu’à la baronnie), c’est-à-dire cent-vingt-huit quintaux et cinquante-sept livres qui, avec divers frais, revinrent à 3584 florins, 8 sols et 3 deniers. On le répartit à raison des focages 543 . /183/
Le châtelain noble Claude-Hyppolite de Bons donna lieu à un acte assez arbitraire de LL. EE. à l’égard de notre ville. Il demanda, à l’assemblée du conseil général du 25 septembre 1603, d’être admis à la bourgeoisie. Mais, soit qu’on eût peu de bon vouloir pour lui, soit, ainsi qu’on le prétexta, que l’absence du banneret et de plusieurs conseillers (qui n’étaient pas encore de retour de leurs vendanges) s’opposât à ce qu’on prît une décision, on le renvoya à un autre temps. Le châtelain, blessé de ce retard, dit qu’il se ferait recevoir bourgeois de Cossonay à Berne, où il ne paierait point de finance 544 . Il tint parole et obtint de LL. EE. des lettres souveraines qui lui accordaient la bourgeoisie 545 . Si l’on ne réclama pas contre cette inégalité, on ne reconnut point, d’un autre côté, ce bourgeois imposé 546 . /184/
Le conseil ordonna (1604, avril) à honorable Jaques Frossard, bourgeois de Moudon, d’acquitter la gerbe de la messeillerie, à raison de ses biens à Cossonay, ce qui nous apprend quelle était la redevance (annuelle) due pour cet office 547 . On invita, l’année suivante, le même Frossard, ainsi que le seigneur d’Echichens, qui tenaient du bétail sur leurs propriétés, à se passer bourgeois de la ville, ou à « contribuer » (payer la soufferte) comme les autres étrangers.
Une ordonnance baillivale (de Morges, du 19 juillet, même année) constitua noble Robert DuGard, seigneur de la Chaux, juge des causes féodales qui dépendaient de la ville, de l’hôpital, du clergé et de la confrérie. C’est l’établissement d’une cour des fiefs. — Ce seigneur de la Chaux devint, la même année, membre du conseil étroit de notre ville. Il avait une maison à Cossonay.
Le conseil général admit (1605, septembre) noble Pierre d’Arnex, bourgeois d’Orbe, co-seigneur de Lusseri et Chavannes-sur-le-Veyron, à la bourgeoisie, moyennant 50 florins, deux bons « brochets » (seaux en cuir pour les incendies) et un dîner aux seigneurs du conseil. Il habitait Cossonay depuis longtemps.
Il a été déjà parlé des biens que les anciens sires de Vufflens-le-Château, puis leurs successeurs, avaient possédés à /185/ Penthaz et à Bournens, et de la prétention de ces divers seigneurs que leurs hommes de ces deux villages ne fussent pas soumis aux obligations des sujets de la baronnie. François d’Alinges, seigneur de Coudrée, Vuillerens, Colombier et autres lieux, tout en remettant (1568, 16 novembre) à LL EE., par échange, ses censes directes de Penthaz et de Bournens, s’était réservé la seigneurie soit la jurisdiction sur les censiers et leurs biens, ainsi que l’hommage qu’ils devaient 548 . Dans la discussion des biens d’Antoine d’Alinges, seigneur de Servette, son fils, cette jurisdiction avait été acquise, en 1589, par le seigneur de Mex 549 . Quoique banneret de notre ville, ainsi que nous l’avons vu, ce dernier renouvela les prétentions de ses prédécesseurs. Il était, en 1607, en difficulté avec elle au sujet des focages de Bournens qui dépendaient de sa jurisdiction, qu’il estimait n’être pas astreints au paiement de la guette. Informé du différend, le baillif de Morges se transporta (6 juillet) à /186/ Bournens, où la ville envoya, de son côté, quatre délégués pour soutenir ses droits 550 . On n’indique pas le résultat de cette « journée, » vraisemblablement favorable à la ville; mais il ne fut pas définitif.
On refit, au printemps de la même année, l’enseigne (la bannière) de la ville, fort détériorée. Dans l’occasion, toute la baronnie était astreinte à la suivre. — Au commencement de juin, le châtelain, le banneret, le lieutenant (du châtelain) et le secrétaire élurent les « soldards » destinés à tenir garnison au château de Morges.
On élut de nouveau, en 1610 (22 février), sur l’ordre du baillif, quarante soldats de la baronnie, pour être envoyés à Genève 551 .
Ce baillif (David Tscharner) vint (même année, 23 août) installer Pierre Buttet, de Moudon, nommé châtelain en remplacement de Claude-Hyppolite de Bons. Le nouveau châtelain promit de maintenir les franchises de la ville; et les conseillers, de leur côté, au nom de la ville et de la baronnie, firent la promesse de « rendre debvoir d’obéissance au dit seigneur chastelain au nom de LL. EE. » Cette présentation eut lieu à la maison de ville, avec les cérémonies requises, en présence d’un grand nombre de témoins 552 . /187/
Des bruits, venus de France, d’une expédition prochaine du duc Charles-Emanuel de Savoie, portèrent Berne, vers la fin de janvier 1611, à accorder à la ville de Geneve une garnison de six cents Vaudois. En février, LL. EE. envoyèrent des troupes dans le pays de Vaud, pour en occuper les passages et points importants 553 . Ce n’était pas sans raison, car le duc renouvelait ses prétentions sur cette portion, disait-il, de l’héritage de sa famille, et des troupes rassemblées dans la Franche-Comté 554 devaient le seconder dans l’entreprise qu’il méditait. La contenance de la France fit échouer ces desseins, et Berne retira ses troupes au bout de quelques mois. Notre baronnie, dans cette circonstance, fournit des hommes et de l’argent; pour se procurer celui-ci, il y eut tout à la fois imposition et cotisation 555 . /188/
Notre ville fit un échange de quelqu’importance en remettant (même année, 26 août) à Bernard d’Alinges, baron de Coudrée, seigneur de Vuillerens et Colombier, le muid de froment et les deux chapons, de cense, que l’hôpital St-Antoine percevait à Aclens 556 , contre les terres de ce seigneur à Senarclens, procédées de la cure de Vuillerens 557 . Elle lui paya 700 florins de retour. Pour indemniser l’hôpital, on résolut, l’année suivante, de lui livrer, chaque année, un muid de froment, ou bien de lui céder celui que la ville percevait à Boussens.
A l’occasion de la mort d’un conseiller (François Delaydessoz), le conseil défendit (même année, septembre) de faire désormais aucune inhumation autour de l’église dans l’ancien cimetière 558 . Le conseiller qui venait de mourir devait être mis au cimetière (actuel) ou dans la chapelle Notre-Dame qui s’y trouvait. On ordonna, peu après, de réparer cette chapelle 559 . /189/
Noble Abraham Crinsoz, co-seigneur de Cottens, fut admis (1611, novembre) à la bourgeoisie, pour 100 florins et deux seaux en cuir. Noble Samuel d’Aubonne, co-seigneur de Disy, l’avait également été peu auparavant. N’ayant pas payé le prix de cette réception, on convint avec lui, quelques années après (1615), qu’on l’en tiendrait quitte, moyennant qu’il remît, dans la huitaine, le laud, scellé et signé, de ce qui, dans l’acquisition des terres de la cure de Vuillerens à Senarclens, pouvait mouvoir de son fief 560 .
Le conseil décida (1611, 16 décembre) qu’il s’assemblerait le premier lundi de chaque mois. — 561 .
Des députés des quatre bonnes villes (Morges, Nyon, Yverdon et Moudon) se réunirent à Cossonay, le 28 avril 1612, « pour résoudre des affaires du pays. » Le conseil ordonna qu’ils fussent « proprement » reçus et traités « honestement, » selon qu’ils le méritaient. Il désigna MM. de Mex et de la Chaux, le châtelain et son lieutenant, pour leur tenir compagnie et assister à leurs repas, dont la ville ferait les frais. Cette assemblée peut avoir eu pour objet la correction du coutumier, demandée 562 , cette même année, par les /190/ quatre villes, et que LL. EE. accordèrent volontiers 563
Le conseil de Morges invita (même année, 24 décembre) celui de Cossonay 564 , d’envoyer des personnes capables à Morges, pour y prendre connaissance des articles que les bonnes villes se proposaient de présenter à LL. EE. pour la réformation du coutumier. On y députa le banneret et le secrétaire 565 . LL. EE. firent imprimer à Berne, en 1616, le coutumier du pays de Vaud, conformément au projet présenté par les députés du pays, après toutefois l’avoir corrigé, augmenté et diminué, selon qu’Elles l’avaient jugé nécessaire 566 .
Depuis l’année 1556 567 , le prieuré de Cossonay, substitué à l’ancien château, ruiné, était devenu la maison de LL. EE. dans notre ville. On l’avait rebâti ou du moins considérablement réparé en 1612.
Une difficulté entre Cossonay et Alens, d’une part, et les communiers de Gollion et Mussel 568 , de l’autre, relative au /191/ marais appelé les Etremplons, au territoire de notre ville, fut terminée par une prononciation de quatre arbitres (du 26 avril 1613). Elle fixa les limites de ce pâquier et le temps où il devait être pâturé 569 .
L’obligation de fournir fréquemment des soldats pour la garnison du château de Morges paraissait pesante à notre baronnie, qui estimait n’y être pas astreinte. Elle s’en plaignit à Berne, demandant, en outre: 1o qu’on lui restituât la solde de neuf soldats, précédemment envoyés en garnison à Genève; 2o qu’il lui fût permis de faire entrer dans le compte de sa contribution pour la guerre (demandée par le baillif de Morges) les frais de ses « esleus » qui avaient été en garnison à Coppet; et 3o qu’on lui allouât les frais supportés pour la garde du château de Morges. LL. EE. répondirent, le 26 janvier 1613, qu’Elles feraient rechercher si la baronnie était tenue à garder ce château; qu’ayant envoyé au baillif Tscharner l’argent nécessaire pour rembourser aux communautés leurs frais pour la garnison de Genève, Elles avaient espéré que Cossonay aurait été payé; mais que sinon 570 Elles y « donneraient bon ordre; » que, les élus de Cossonay ayant été à Coppet par ordre de LL. EE., il était raisonnable que leurs frais fussent alloués à la baronnie, mais non pour ceux de la garde du château (de Morges), attendu que, dans cette circonstance, elle n’avait fait que son devoir; toutefois qu’Elles auraient désiré qu’on y eût apporté plus /192/ d’économie 571 . Berne fit effectivement examiner si les ressortissants de la baronnie devaient garder le château de Morges, et le commissaire chargé de ce soin déclara que leurs reconnaissances ne mentionnaient pas cette obligation 572 .
Le châtelain ayant présenté (1613, juillet) l’ordre du baillif de Morges « que l’on eût à trouver le giette de la guerre, » pour la solde de trois mois des soldats de la baronnie élus, d’un côté pour les six mille hommes, et de l’autre pour les douze cents, le conseil « advisa » d’exiger ce giette. Ces six mille hommes sont sans doute ceux dont Berne avait ordonné la levée, dans la seconde moitié de l’année 1610, à cause des complications politiques qui suivirent la mort d’Henri IV et les événements dont l’Alsace fut alors le théâtre. Les douze cents appartenaient aux milices que Berne répartit, en février 1611, dans le pays de Vaud 573 . /193/
La peste causa de grands ravages dans le pays, en 1613 et l’année suivante. Elle n’épargna pas notre ville. Déjà, au mois de mai, il s’y trouvait des « pestiférés, » qu’on transportait, comme précédemment, dans la chapelle Notre-Dame. Le conseil ordonna (6 juillet) que les « infectés » se tinssent « serrés et de court. » On fit (2 août) un accord pour enterrer les morts, au nombre desquels se trouvait noble Marie Farel, de la famille du réformateur 574 , et l’on défendit (16 du même mois) aux femmes de s’assembler « pour cotter comme elles ont accoustumé, pour caquosser et jaser de cestui ou de l’autre. » La contagion durait encore dans le mois d’octobre de l’année suivante, et le conseil envoya à Lausanne, « vers quelqu’apothicaire, pour avoir quelque provision et préservatif. »
LL. EE. paraissent avoir fait distribuer des armes en 1614. Le gouverneur de la ville fut chercher (en mars) à Morges celles que Berne avait ordonné d’y prendre, et en passer « obligation » (récépissé) 575 .
Le châtelain Buttet et le notaire Abraham Delessert 576 /194/ furent reçus bourgeois (même année, juin) et prêtèrent le serment d’usage 577 .
Un fait nouveau dans les habitudes de notre ville se passa lorsqu’en 1615 (septembre) le conseil général nomma le banneret « gouverneur et superintendant sus les affaires et négoces de la ville et hospital, » lui donnant un adjoint pour le remplacer en cas d’absence 578 . Cette décision laisse entrevoir la nécessité, pour les intérêts de la communauté, d’une surveillance plus active que celle des gouverneurs ordinaires.
Convoqués par le conseil pour la « maintenance » des tours de la ville qui menaçaient ruine, les gouverneurs des villages comparurent le 21 octobre 1616 579 . Les quatre tours furent effectivement restaurées en 1618.
La dixme d’Itens, qui appartenait à l’hôpital St-Antoine, donna lieu, en 1617, à un différend avec la famille Maria, de ce village, et ses consorts, qui prétendaient y percevoir /195/ le « mescloz » et le chanvre, ainsi que la redixme 580 des autres grains. Une prononciation de cinq arbitres 581 décida que l’on partagerait l’orge et le mescloz par égales portions; que la redixme des autres grains appartiendrait aux Maria, ainsi que la paille, « les crinses, ballays et ramassures; » qu’ils recueilleraient la dixme, la charrieraient et fourniraient à Itens une grange pour la loger, mais que l’hôpital contribuerait au battage du grain 582 . Déjà, en 1603 (juillet), le conseil avait signifié au notaire Jean Maria de produire ses droits à cette redixme, parce qu’ils étaient en opposition avec la reconnaissance prêtée, en 1377, par le donzel Louis de Bierre, en faveur du sire Louis (II) de Cossonay, pour la dixme d’Itens 583 .
Environ une centaine de soldats étaient, en octobre 1617, « ordonnés pour loger » dans la baronnie et le département de Cossonay 584 . Il est probable qu’ils appartenaient aux trois mille hommes accordés par Berne cette année-là au duc de Savoie, et qui, revenant d’Italie, traversèrent alors le pays /196/ de Vaud 585 . Ils peuvent aussi avoir fait partie de la troupe de lansquenets du comte de Schombourg, qui traversa également notre pays 586 .
Noble Nicolas (fils de feu Priam) Vuillermin, originaire d’Estavayé, avait été reçu bourgeois de notre ville 587 , où il tenait une auberge. Ayant, en récidive (soit sa chambrière), débité du vin à un prix plus élevé que la taxe 588 , le conseil lui interdit (même année, décembre), sous le ban de 10 florins, de vendre vin, lui ordonnant de mettre bas son enseigne. Et, comme il n’obéissait pas, il la fit enlever. Vuillermin pria qu’on lui pardonnât. On lui permit de rependre son enseigne, en payant les bans et satisfaisant aux ordonnances du conseil.
Peu avant, notre ville avait été bien près d’entrer en procès avec noble Jean-Baptiste de Saussure, mayor (plutôt mestral) et co-seigneur de Boussens, qui avait pris parti pour l’hôte de ce village, que, sur son refus de payer l’ohmgeld du vin débité par lui dans la baronnie, nos gouverneurs avaient « poursuivy par gagement et subhastations de ses biens. » Des délégués du conseil s’étant rendus (1617, 17 novembre) à une citation devant le baillif de Morges, obtenue par de Saussure, celui-ci, avant d’entrer en contestation, leur demanda exhibition des droits de la ville. /197/ Persuadé, après en avoir pris connaissance, de leur légalité, il déclara laisser les nobles et bourgeois de Cossonay paisibles possesseurs de l’ohmgeld qu’ils pouvaient avoir à Boussens, ne supposant point à ce que l’hôte en fit « condigne payement 589 . »
On fit, dans l’année 1618, des réparations à l’église paroissiale. On recouvrit entr’autres, la voûte du chœur et celle de la chapelle des sires de Cossonay. Depuis la réformation, notre ancienne église de St-Paul est ordinairement appelée le temple.
Le conseil, considérant que, par l’ordonnance souveraine, appelée le nouveau coutumier, toutes les subhastations se prescrivaient, qu’il n’y avait aucune « retraction de rehemption après la suite d’icelles, » et qu’ainsi les anciennes franchises de la ville et la concession de 1592 étaient restreintes et peut-être anéanties, chargea (1618, août) le co-seigneur de Penthaz 590 de prendre conseil de M. l’avoyer au sujet d’une supplication à présenter à LL. EE. pour obtenir la ratification des précédentes franchises 591 , et d’agir à Berne selon le conseil qu’il recevrait. On ne voit pas que cette démarche ait eu de résultat.
Notre ville, Jean de Bonstetten, baron de Vaumarcus, et François Charrière, seigneur de Senarclens, possesseurs de /198/ la dixme de Senarclens 592 , se fondant sur une ordonnance récente de LL. EE., prétendaient la lever généralement dans tout le territoire, à l’exception des parchets francs de tout temps. Plusieurs particuliers s’y opposaient, disant que depuis plus de trente ans ils avaient tenu, sans contradiction, certaines pièces en franchise de dixme 593 . Il en était résulté un procès devant la justice de Senarclens, dans lequel les possesseurs de la dixme avaient été acteurs et les gouverneurs, prud’hommes et communiers de Senarclens, garants des particuliers, rées. Les parties, exhortées à terminer leur différend par voie amiable, s’en remirent à la décision de quatre arbitres 594 , qui, après avoir invoqué le nom de Dieu, prononcèrent (1618, 20 juillet): « que bonne voysinance, paix, amitié et correspondance soit et demeure entre les dittes parties, comme entre vrays chrétiens doit estre: Que /199/ tous procès pour ce regard meus et suscitez soient abolis et anéantis, et tous propos aigres et piquants, si aucuns avoyent esté d’une part ou d’autre dicts et proférés, esteints et assoupis. » Que les acteurs lèveraient la dixme dans tout le territoire, généralement, sauf sur les pièces reconnues franches par titres authentiques trente ans au moins avant l’ordonnance souveraine invoquée. Que les pièces enclavées dans les parchets véritablement francs en demeureraient exemptes, comme précédemment, à moins qu’il n’apparût que la dixme y avait été levée pendant trente ans, sans interruption 595 . Que, pour prévenir toute contestation à l’avenir, on ferait au plus tôt une ample désignation spécifique et délimitation des parchets et pièces francs, et de celles, enclavées dans ces parchets, qui seraient reconnues dixmables 596 . Les dépens furent compensés. Les parties acceptèrent la prononciation.
Le duc Charles (III) de Savoie, nous l’avons rapporté, avait autorisé notre communauté à construire un moulin dans les fossés de la ville. Celui-ci avait eu peu de durée. En 1618 (27 septembre) la ville concéda, par abergement, la faculté de le rétablir. Il n’existe plus dès longtemps. /200/
Le conseil envoya (1619, janvier) deux députés à Morges, à la conférence des bonnes villes pour la « conclusion de la correction » de divers articles du nouveau coutumier, par lesquels le pays s’estimait « grevé 597 . » La noblesse et les villes, tout à la fois, demandaient cette correction 597bis . Berne ordonna (10 février) qu’une conférence générale eût lieu à Morges, dans la quinzaine, et qu’on y convint des changements désirés 598 . Le trésorier Sturler ayant convoqué les députés à Berne, notre ville demanda (11 avril) au conseil de Morges que ses députés l’y représentassent également, et qu’en particulier ils suppliassent LL. EE. de maintenir les franchises de chaque localité, tant écrites que non écrites 599 . Berne n’adhéra pas aux demandes du pays 600 . — 601 .
Sur une exposition du banneret au conseil, on exhorta les bourgeois à fréquenter les saintes prédications les jours ouvriers.
Le même jour (14 mars) le conseil décida que la contribution /201/ de guerre, dont le baillif pressait la rentrée 602 , se paierait moitié des revenus de la ville, et moitié par « une giste, » selon les facultés de chaque contribuant. Cette décision causa du trouble. Quoique prise en présence des conseillers des dix-huit, une partie de ceux-ci refusèrent de s’y soumettre. Contre la règle établie et sans le consentement du conseil étroit, ils tinrent des assemblées à la maison de ville, pour « oppugner le faict et contribution » (de guerre). Ils assemblèrent même le conseil général, sans déclarer ni la nécessité ni la raison de cette convocation 603 . Le conseil étroit, de son côté, de l’avis d’une partie de la bourgeoisie, les cassa et remplaça. Les éliminés recoururent au baillif de Morges, qui se transporta deux fois à Cossonay, et ramena la paix (13 mai, au prieuré) par une prononciation qui confirma la destitution des six conseillers 604 , sans cependant /202/ porter aucune atteinte à leur honneur et « bonne fame, » laissant au conseil général la liberté de les rétablir. Elle conserva à noble Samuel d’Aubonne sa place de juré de la justice, mais priva François Deleydessoz de la sienne 605 . Enfin, elle compensa les dépens, et mit les vacations et le salaire du baillif et de ses assesseurs à la charge des six « esleus » (c’est-à-dire des conseillers destitués).
Le paiement de la guette amena un différend de notre ville avec les communiers de Disy, et l’on nomma (même année, 14 mai) des arbitres pour le terminer 606 . Nous ne connaissons pas leur sentence.
La levée d’un giette, par focage, dans la baronnie, pour payer les frais causés par la révision du coutumier, à Cossonay et à Morges, fut résolue par le conseil (6 septembre suivant). Cette révision est sans doute celle que le pays s’efforçait alors d’obtenir 607 .
L’admission et le renvoi du maître d’école de la ville dépendaient du conseil. Nous trouvons cette autorité renvoyant (1620) ce maître, à cause de son ivrognerie et du « mauvais /203/ ménage et train qu’il tenait à sa femme, sans raison 608 . » — 609 .
Il est remarqué, à l’occasion de l’assemblée du conseil général du 22 septembre 1622, que chaque année ce conseil se réunissait le dimanche avant la St-Michel, pour procéder à l’élection des gouverneurs et autres charges de la ville.
Une excessive cherté de toutes choses régnait, en 1622, dans le pays. Elle était plutôt le résultat d’une grande hausse des espèces d’or et d’argent, amenée par les guerres de Bohême et d’Allemagne, que de mauvaises récoltes 610 . Les bonnes villes (et la noblesse) voulant prier LL. EE. d’apporter un remède à cet état de choses, pour le « soulas » général du pays, notre ville s’associa à cette intention et députa (le 2 décembre) à Morges à cet effet. Bientôt après la requête fut présentée à Berne.
Noble Jean DuGard, seigneur de Crousaz (Croze), se proposant de faire vendre en détail douze chars de vin, le conseil, pour l’engager à effectuer cette vente, vu l’extrême cherté du vin 611 , le gratifia (1623, mars) du tiers de l’ohmgeld 612 . /204/
Nos pères n’apportaient pas aux affaires la même ponctualité que nous y mettons. Souvent les comptes des gouverneurs de la ville et recteurs de l’hôpital ne se soldaient qu’au bout de plusieurs années. Ainsi, par exemple, le banneret créa, seulement en 1624, une lettre de cense 613 de la somme dont il était redevable à l’hôpital par ses comptes de 1598.
Il a été souvent question de contributions « pour la guerre, » payées par la baronnie. Voici maintenant l’établissement d’une caisse pour son département. En exécution d’ordres du baillif de Morges, les communautés du département de Cossonay déposèrent (1624, 3 février) les deniers de la « contribution militaire, » ordonnée par LL. EE., dans un coffre « tout neuf, » de bois de chêne, fermant à quatre clefs différentes, qu’on mit au revestiaire de l’église 614 . Des quatre clefs, le baillif en garda une, le gouverneur de la ville une autre, et les deux dernières furent confiées aux gouverneurs de la Chaux et de Penthallaz. Dès-lors on /205/ puisa dans ce coffre pour fournir aux dépenses de notre département (militaire) 615 .
Sur la requête de M. de Mex, banneret, le conseil, prenant en considération son « incommodité et vieillesse, » lui donna (1624, avril) noble Abraham Crinsoz pour lieutenant, afin d’exercer son office à son défaut.
Il était question alors de l’établissement d’un diacre à Cossonay, tout à la fois ministre de la Chaux et Senarclens et régent de l’école de la ville. Le conseil, par économie, s’opposa à cette mesure.
Cette autorité et les gouverneurs de la paroisse invitèrent (même année, mai) MM. de la Chaux et de Senarclens à montrer leurs droits aux bancs, dans l’église, où les dames et « femmes domestiques » de leurs maisons avaient l’habitude de se placer, leur signifiant qu’on les ôterait s’ils ne le faisaient pas 616 . Ils dûrent aussi déclarer qu’ils contribueraient pour le maintien de l’église, comme les autres paroissiens. — 617 .
Décidément notre climat s’est refroidi. Par ordonnance du conseil (6 septembre 1624) nul ne pourrait vendanger à Cossonay avant le lundi suivant. Les documents font mention /206/ de vignes dans plusieurs localités de la baronnie où l’on en a perdu le souvenir, entr’autres à Disy, Senarclens, Penthaz, Penthallaz et même Bettens.
Le conseil admit (1625, janvier) un « cyrurgien, » à deux sacs de froment, par année, de « pension, » outre 15 florins pour le loyer d’une maison.
Le baillif de Morges ordonna (même année, février) une collecte dans la châtellenie de Cossonay, au profit « des mendiants et souffreteux de la Villeneufve et du bas Palatinat » victimes de la guerre qui désolait l’Allemagne. Cossonay donna 80 florins.
Il est encore question, en 1625, de la tente de la ville, prêtée à ceux d’Orbe.
On porta plainte, au conseil général du 25 septembre, contre noble Jean DuGard, seigneur de Croze, qui, nommé conseiller des douze (en mars précédent), n’assistait pas au conseil. On résolut de le remplacer s’il ne s’y rendait pas dans la quinzaine. Sa place fut effectivement donnée deux mois après 618 .
On répara encore, en 1625, les tours et murailles de la ville. Bettens tenta de se soustraire à l’obligation de contribuer 619 ; poursuivi juridiquement, ce village passa condamnation.
L’on apprend, par une déclaration du conseil, accordée /207/ (1626, juin) à M. de Mex, relative à l’usage observé dans la paroisse dans la perception de la dixme des novalles, que celle-ci se levait, au nom de la cure, sur les « novally » (c’est-à-dire les terres nouvellement défrichées), les trois premières années, et qu’ensuite elles tombaient à la grande dixme 620 .
On leva dans la paroisse, en 1626, une imposition de 6 sols par tête, pour réparer l’église.
Le banneret se plaignit, à l’assemblée ordinaire du conseil général du mois de septembre, « du tort et mespris » que lui faisait un bourgeois, nommé Delaydessoubs, requérant qu’on le châtiât « de telle arrogance. » Prenant parti pour son banneret, la bourgeoisie l’autorisa à poursuivre Delaydessoubs en justice, désignant quatre conseillers pour l’assister, à moins toutefois que, confessant sa faute, il « n’en criât mercy. » Les parties se rangèrent à cette décision. — 621 . /208/
Notre ville augmenta son domaine en acquérant (1627 et années suivantes) des damoiselles de Gruyère (soit de leurs héritiers) leurs vignes, indivises, de Lonay et Préverenges 622 , tenues à tiers fruit 623 . La contenance n’en est pas indiquée.
On trouva, le 1er janvier 1628, devant la maison du châtelain Buttet, une enfant de quelques jours, enveloppée de langes et papier, placée entre quatre petites planches. On la porta à l’hôpital 624 .
Lors d’une monstre générale à Morges (1628, février, un dimanche), ordonnée par LL. EE., la bannière de notre ville fut portée, selon l’ordre du conseil et vu l’absence du banneret, par le lieutenant de celui-ci, auquel on donna le /209/ secrétaire pour lieutenant et deux bourgeois pour « trabands ». Quatre personnes étaient donc employées au service de la bannière.
En vertu du privilége que lui avait accordé Jaques de Savoie, comte de Romont, la ville employait son officier pour contraindre les récalcitrants à payer ses impositions et revenus. Quelques justiciables de la Chaux ayant été actionnés à Cossonay, pour le paiement de censes dues à cause du jadis clergé, le seigneur de cet endroit (noble Pierre DuGard) estima cette mesure contraire à ses droits et réclama des bans de la ville. Il fut condamné, avec dépens, par sentences baillivale, de la chambre des appellations suprêmes et enfin de l’avoyer et du conseil de Berne. Toutefois celle-ci (du dernier février 1628) apporta une restriction aux droits de la ville en spécifiant qu’elle ferait seulement usage de son privilége, rière la jurisdiction de la Chaux, pour l’exaction du revenu du clergé 625 . C’était faire du juste-milieu.
Il ne devait y avoir, par règlement de LL. EE., que deux hôtelleries à Cossonay. Le conseil désigna donc (même année, avril) ceux qui les tiendraient 626 . Ils promirent « de satisfaire et tenir hostellerie et loger gens et bestes. » On interdit aux autres hôtes de vendre vin, « sinon à pinte. »
Notre ville tenta (même année), sans succès, d’acquérir du seigneur d’Echichens (noble Antoine DuGard) un muid de froment et un second d’avoine, qui lui étaient annuellement dûs sur la dixme d’Itens. Les sires de Cossonay avaient jadis donné cette cense à la maison de la Chaux. — Un /210/ échange de terres fut conclu bientôt après avec le baron de la Sarra (noble et puissant Sébastien de Gingins) 627 .
On doit regretter d’ignorer le sujet d’un tableau que notre communauté fit exécuter, en 1628, pour la maison de ville 628 .
La crainte de la peste, qui régnait dans la contrée, fit prendre (8 septembre) au conseil des mesures pour interdire l’entrée de la ville aux pestiférés 629 . L’invasion de la maladie étant devenue imminente en mai 1629, on prit de nouvelles mesures. On construisit, pour les malades, « des cabanes et logis de laons » (planches) aux Rochettes 630 , et l’on établit une garde nocturne de quatre hommes de bonne réputation, devant fonctionner alternativement. On loua (17 août) un marron pour six semaines, et quelque temps après (11 octobre) un second, chargé d’enterrer les morts. La contagion atteignit son apogée dans le mois de novembre. Au commencement de janvier suivant, le conseil fit « abattre » la garde nocturne, établie durant « le fléau, » mais on retint le marron jusqu’à l’entière convalescence des malades. /211/ Le mal, assoupi seulement, reparut en mars. On ordonna, en avril, à ceux qui étaient « affligés de la contagion » d’aller habiter les cabanes. Il fallut encore, en septembre 1631, prendre un marron, qu’on garda trois mois, pour enterrer les victimes. Le fléau sévit donc, par intervalles, au delà de deux ans dans notre ville. Pourtant il n’en bannit pas toute gaîté, car on y tira le papegay en mai 1631 631 .
Une admission à la bourgeoisie (celle du chirurgien J.-J. Baillif) eut lieu, en 1630, pour 150 florins, outre le seau en cuir et le repas aux conseillers 632 .
Une ancienne combourgeoisie existait entre Aubonne et Cossonay. Pour la renouveler, on invita le conseil d’Aubonne à se transporter dans notre ville, ce qui eut lieu en mai 1632 (un dimanche). On le traita honorablement, et sa venue donna lieu à une fête 633 .
Le nombre voulu des conseillers était souvent incomplet, on n’en trouve que huit, y compris le banneret, en 1632.
Le conseil autorisa (1633, 22 avril) l’inhumation dans l’église, auprès de son père, de noble Pierre de Gruyère, seigneur de Sévery, sous réserve que ses successeurs n’en infèreraient aucun droit de tombe 634 . /212/
En mémoire de sa fille Susanne (décédée depuis cinq ans), noble Abraham Crinsoz, seigneur de Cottens, l’un des conseillers de la ville, fit (1634, 9 juin, en conseil) une fondation pieuse, aux termes de laquelle vingt pauvres familles (de la ville) recevraient, chaque dixième jour de mars, un pain dont la valeur ne serait pas inférieure à trois sols. Il l’assigna sur sa maison de Cossonay.
La rénovation des reconnaissances de censes était une mesure nécessaire de temps à autre, pour le maintien de celles-ci. Le conseil donna (1634, août) aux notaires Delessert et Du Meurier la commission de renouveler celles de la ville, de la confrérie, du jadis clergé et de l’hôpital St-Antoine 635 . Le travail de ces commissaires est accompagné des indominures de la ville 636 , de l’hôpital et de la confrérie 637 . /213/
L’ordre du baillif de Morges, d’augmenter la pension du ministre, amena (1636, 20 juin) la décision du conseil qu’on renoncerait, plutôt que d’y acquiescer, aux biens de l’église de Cossonay. /214/
Fréquemment le conseil accordait la permission de vendre vin les jours de foire, sous réserve de l’ohmgeld 638 . Ce genre de débit ne répugnait pas aux mœurs de l’époque. Les nobles qui habitaient la ville en faisaient usage, comme les autres, même hors des jours de foire. On en trouve qui tenaient des auberges.
Les bourgeois seuls pouvaient tenir du bétail, parce que le droit de le faire pâturer leur appartenait exclusivement. Les habitants (c’est-à-dire les non-bourgeois), possesseurs de terres, qui voulaient en garder, payaient une contribution. Ainsi l’on permit (1636, octobre) à honorable Claude Rolaz, châtelain de Mont, de tenir, comme un bourgeois, du bétail pour labourer ses terres à Alens, en payant annuellement douze florins de soufferte. On ne croyait pas possible alors de tenir du bétail sans le faire pâturer. Sauf les mois d’hiver il était toujours en plein air, se nourrissant sur les pâquiers communs et sur les terres des particuliers soumises au droit de parcours.
La mestralie de Cossonay, dont l’office appartenait aux /215/ nobles Marchand lors de la conquête bernoise, avait passé à LL. EE 639 . Une redevance estimée faire partie de ses droits donna lieu à un procès de notre ville contre leur procureur. Celui-ci 640 avait actionné devant la cour baillivale de Morges un des hôtes de Cossonay, qui avait refusé au seigneur châtelain 641 le pot de vin que chacun des hôtes de la ville lui livrait à chaque foire, selon l’usage, à raison de la mestralie. Notre ville intervint dans la cause, estimant que ses bourgeois ne devaient pas de vin pour les émoluments de cette mestralie, ceux-ci se percevant en argent; elle offrait d’ailleurs de les payer sans difficulté 642 . L’ancien châtelain Buttet, appelé en témoignage, déclara (1637, février) que, lorsqu’il était arrivé à Cossonay, les seigneurs conseillers lui avaient dit qu’il recevrait à chaque foire un pot de vin des hôtes selon l’ancien usage; qu’ainsi il avait exigé et ordinairement perçu cette redevance 643 ; qu’il n’avait pas /216/ reçu de paiement pour les sceaux (les marques) des pots à vin et quarterons, en ayant résigné la charge « avec les dits sceaux » à l’officier de Cossonay 644 . Appelé à son tour en témoignage, le fils de l’officier déposa que la veille des foires il allait, avec un membre du conseil, « par les logis et hostelleries, » marquer les pots à vin; que tantôt on leur donnait à boire et tantôt pas, mais qu’il n’avait pas retiré d’autre paiement 645 . La sentence supérieure 646 donna gain de cause à notre ville, en statuant cependant que si, par d’autres moyens que la mestralie, le procureur de LL. EE. pouvait justifier le droit et l’ancienne usance du pot de vin, il pourrait s’en prévaloir.
LL. EE. firent renouveler, en 1637, par le commissaire Pierre Guex, les extentes rurales du château de Cossonay, dans la ville de ce nom et à Alens. Cette rénovation est la troisième depuis la conquête bernoise 647 .
La peste se montra de nouveau en 1638, et l’on « afferma » (31 août) un marron pour six semaines 648 . Elle ne dura /217/ pas longtemps. Cependant on en craignait le retour l’année suivante (fin de septembre) 649 , et l’on établit un inspecteur des pestiférés. Le conseil ordonna (1639, novembre) au sieur Vuillermin et à ses domestiques de faire quarantaine, vu l’accident (de peste) arrivé dans sa maison.
M. de Mex, qui remplissait la charge de banneret de la ville et de la baronnie depuis 1583, mourut en 1638. Le conseil général lui donna (28 octobre) noble Pierre DuGard, seigneur de la Chaux, pour successeur 650 . Les députés de six villages prirent part à cette élection. Le nouveau banneret prêta incontinent le serment usité 651 . 652 .
L’enseigne (la bannière) de la ville étant « vieille et fort déchirée, » le conseil ordonna (1639, mai), en présence de la plupart des gouverneurs des villages du département, d’en faire une nouvelle, dont chaque localité paierait les frais à raison de trois florins par focage 653 . /218/
Notre ville possédait, à cause du jadis clergé, des censes à Bettens, Mauraz et l’Isle, dont la perception était souvent difficile. On résolut (même année, juin) de remettre celles de Bettens à M. de Daillens, et les autres à MM. de Montricher, s’ils voulaient les acheter 654 .
Si nous en jugeons par le produit des dixmes de la ville et de l’hôpital, l’année 1638 et la suivante furent très-abondantes. Celle de Senarclens fut amodiée (1638) pour quatorze muids, et celle de Penthallaz (1639) pour vingt-quatre muids.
Le conseil général admit (1639, novembre) noble Joseph Darbonnier, seigneur de Disy, à la bourgeoisie. Nobles Siméon Thomasset, seigneur de Croze et mayor d’Agiez, et David de Hennezel, châtelain de Cossonay, ne tardèrent pas à être également reçus bourgeois 655 .
A la demande du conseil, le baillif de Morges (André de Bonstetten) accorda (1640, 18 mars) à notre ville l’autorisation (« le mandement ») de proclamer un marché hebdomadaire, qui se tiendrait chaque jeudi; autorisation basée, d’un côté, sur les franchises de la ville, et, de l’autre, sur l’octroi de LL. EE. du 8 juin 1586 656 . Le marché précédemment établi ne s’était donc pas soutenu.
La paroisse de Cossonay envoya des députés à Berne, en 1640, pour y empêcher la confirmation de la nomination, faite par la vénérable classe de Morges, d’un pasteur (M. Romay) /219/ à Cossonay (on n’en dit pas la cause). Ils réussirent dans cette mission 657 .
Notre baronnie, par résolution du 1er février 1641, accorda la contribution du millième denier demandée par LL. EE 658 . Son produit devait solder des troupes permanentes, destinées à remplacer les fréquentes levées de milices que la guerre, qui désolait depuis plus de vingt ans les états voisins, rendait nécessaires 659 . Cette mesure trouva beaucoup de résistance, surtout chez les paysans de la partie allemande du canton, où elle causa même des troubles sérieux 660 . /220/ On ne la vit pas de bon œil dans le pays de Vaud; cependant on s’y soumit 661 . La durée de cette taxe, indéterminée dans le principe, fut ensuite fixée à six ans 662 .
Pour le prix de 300 florins (outre les vins), la ville acquit (1642, 24 juin), de l’un de ses bourgeois 663 , huit quarterons de froment, de cense directe, sur le four bannal de Penthallaz. Et, l’année suivante, le vendeur lui céda son droit de rachat pour 100 florins 664 .
Les habitants assistèrent, comme les bourgeois, au conseil général du 24 juillet 1642. Il n’est pas présumable que ce fut un fait nouveau.
LL. EE. ordonnèrent l’établissement, dans chaque ville, de prévôts, pour chasser les mendiants (étrangers) qui abondaient au pays à la suite de la guerre de trente ans. Le conseil nomma (même année, août) celui de Cossonay; ce fut noble Pierre Farel.
Le banneret (M. de la Chaux), voulant habiter Genève /221/ quelque temps, remit (1644, janvier), pour celui de son absence, les clefs du revestiaire et le sceau de la ville à M. de Senarclens (noble Jean-Michel Charrière). Le conseil décida (février suivant) que, jusqu’à son retour, ce dernier, en qualité de premier conseiller, remplirait la charge de banneret.
Noble David de Hennezel succéda, en 1645, à son père (Albert) dans l’office de châtelain. Il promit (16 juin) de contribuer de trois pistoles et demie aux dépenses de son installation. Le surplus (dix pistoles) était à la charge de la ville. 665 . — 666 . — 667 .
Le conseil des douze et dix-huit, et la généralité des bourgeois, avaient décidé l’établissement d’un conseil des vingt-quatre, qui serait formé par l’adjonction de six membres à celui des dix-huit, et destiné à représenter, dans l’occasion, « le parentier » de la bourgeoisie 668 . On procéda, le 5 octobre 1646, à l’élection des (six) nouveaux conseillers, auxquels on assigna, ainsi qu’aux six anciens (les dix-huit) un pot de vin chaque jour d’assemblée; on les exempta également du quarteron de la guette 669 . — La concentration /222/ des pouvoirs est un trait caractéristique du XVIIme siècle; ainsi la création de ce nouveau conseil était conforme aux tendances de l’époque. La participation du peuple aux affaires publiques s’anéantissait; on la considérait comme une charge. Rappelons-nous que, plus d’un siècle auparavant, les commissaires bernois avaient ordonné chez nous ce conseil des vingt-quatre. Au reste son établissement n’empêcha pas la réunion, de temps à autre, du conseil général, outre sa convocation régulière, vers la St-Michel, pour l’élection des gouverneurs, comme précédemment.
A l’occasion du mariage de Mlle. de la Chaux, on offrit (1647, décembre) au banneret, son père, deux « drageoires » en argent, pesant 28 onces et coûtant 17 pistoles 670 . Le cadeau était cher.
A la mort du châtelain de Hennezel, on résolut (1648, mars) de prier le seigneur baillif de le remplacer par M. de Mex (petit-fils du précédent banneret), déjà lieutenant de Cossonay. Mais, sur l’ordre de ce haut fonctionnaire et « à forme de la loi, » le conseil désigna (21 du même mois) trois personnes pour être présentées à LL. EE., qui nommèrent effectivement M. de Mex. Nous croyons que cette présentation est la première que notre ville ait faite 671 . — On admit bientôt après le nouveau châtelain au conseil des douze, /223/ avec la faculté d’y donner sa voix et de jouir des mêmes droits que les autres conseillers 672 .
Estimant sans doute que la cense de trois florins qu’elle payait dès les temps anciens au receveur de Moudon, pour la sauve-garde, n’avait plus d’opportunité, notre ville ne l’avait pas acquittée en 1647. Mais ce receveur obtint ( 1648, 15 juin) une sentence du baillif (de Moudon) qui la condamna, avec dépens, à effectuer ce paiement 673 .
Les gouverneurs des villages consentirent (même année, juin) aux réparations qu’exigeaient les tours et murailles de la ville (et spécialement la tour vers la fontaine Girabert) 674 . On cita juridiquement Bussigny, qui avait pris l’habitude de ne plus contribuer. Les nobles de Saussure, faisant aussi difficulté de payer leur part de contribution pour leur maison de Boussens, on leur communiqua les droits de la ville.
Le conseil accorda (1649, mars) au secrétaire baillival de Morges, Jean-Emanuel Forel, la déclaration qu’en vertu de nos franchises les lauds dûs au château de Cossonay se payaient seulement au cinq pour cent.
Pour que les pâturages ne fussent pas surchargés, le conseil /224/ renouvela (même année, juillet) d’anciennes ordonnances d’après lesquelles ceux qui avaient leur propre charrue ne pouvaient tenir que six mères-brebis avec leurs agneaux et un mouton, et les autres seulement quatre.
LL. EE. ayant accordé aux quatre bonnes villes une nouvelle correction du coutumier, notre baronnie envoya (même année, décembre) deux députés 675 à Morges, pour cette révision. Berne, qui voulait connaître l’avis du pays, ordonna que les députés des départements examinassent le projet. En conséquence, ceux de Cossonay, Aubonne, Montricher et Vullierens, assemblés à Cossonay (janvier suivant), tombèrent d’accord sur les observations qu’il leur suggéra 676 .
On amodia (1651, janvier) au sieur Rolaz, pour trois ans, /225/ à deux florins par année, la corvée de charrue qu’il devait pour son « bien » d’Alens 677 .
Il est question, en 1652, d’une femme démoniaque à Penthaz.
Lorsque M. de Mex (noble Jean-Baptiste Charrière), châtelain, mourut, le conseil, pour la nomination de son successeur, soumit (1652, janvier) trois personnes, y compris le frère du défunt, au choix de LL. EE. Abraham DeVenoge eut la place.
On trouvait à Senarclens (même année, mars) dix-neuf chevaux et vingt-un bœufs dont on pouvait se servir. C’est une donnée sur la statistique du bétail à cette époque. Ce village comptait alors une vingtaine de focages. — 678 .
A la même époque, notre ville était en procès avec les sujets des seigneurs de Mex à Bournens, qui refusaient de payer la guette. On n’en connaît pas l’issue, vraisemblablement favorable à la ville.
Aux termes d’une ordonnance du conseil, du 22 novembre /226/ (1652), il ne devait y avoir que trois hôtelleries dans la ville 679 , et les autres bourgeois pourraient seulement vendre vin aux foires, avec permission.
Comme les infirmités du banneret le retenaient souvent chez lui, le conseil nomma (à la date précédente) conseiller le seigneur de Mex, décidant qu’il prendrait place après le banneret, et présiderait le corps en son absence, comme premier conseiller. M. de la Chaux consentit à cet arrangement 680 . M. de Mex promit de résider en ville. Le conseil élut encore, le même jour, trois autres conseillers. Les dix-huit et vingt-quatre confirmèrent ces diverses nominations. Précédemment, les élections de conseillers avaient lieu en conseil général, sur la présentation des douze.
Nous rapportons une résolution du conseil (du 10 janvier 1653) telle qu’on la lit dans ses registres, en faisant observer que les « siéges » du chœur de l’église étaient réservés aux conseillers et autres autorités de la ville: « Maître Abraham Portier estant si osé et téméraire de s’asseoir et placer au temple dans les formes du chœur, au haut d’icelluy, en une place et siége trop considérable pour sa qualité, commandement lui sera fait de s’en désister, affinque quelqu’autre de condition et quallité mieux advenante s’y puisse rendre, Et luy se debvra contenter d’estre parmi le commun, selon son ordre. » — On voit que les membres du conseil n’entendaient pas raillerie à l’endroit de leurs priviléges: c’était l’esprit du temps.
Les quatre bonnes villes choisirent Cossonay pour tenir, /227/ au commencement d’août 1653, une assemblée où l’on devait nommer des députés chargés de présenter à LL. EE. « les articles qui seraient jugés utiles » au bien du pays. A Berne on vit de mauvais œil la réunion projetée, croyant qu’elle représenterait tout le pays, et LL. EE. la firent interdire. Les députés de Nyon et Morges, ignorant encore cette défense, arrivèrent (4 août) à Cossonay, où ils ne trouvèrent pas ceux des autres villes 681 .
Une lacune de sept années se présente dans les annales de notre ville, suite de l’absence d’un des registres du conseil 682 . Profitons de ce repos forcé pour présenter quelques observations générales sur la première moitié du XVIIme siècle, puisées dans les comptes de notre communauté. On trouve la continuation du système de libéralité du conseil. On fait des cadeaux aux autorités et bourgeois notables de la ville 683 . Les cymaisses sont fréquemment présentées et des bien-venues ont encore lieu, quoique plus simples que jadis. On offre des collations aux personnes marquantes qui viennent dans notre ville. Les baillifs de Morges reçoivent volontiers (il en a déjà été question) un cadeau à leur arrivée, au jour de l’an ou dans d’autres circonstances 684 . Le tir /228/ de l’oiseau (du papegay) continue à être une occasion de réjouissance et de dépense 685 . Le roi reçoit en prix tantôt de l’argent et tantôt une arme 686 . Outre ce tir il y a encore celui de l’abbaye des mousquetaires, société particulière (fondée en 1612) qui a joui de beaucoup de faveur pendant deux siècles 687 . Fréquemment le conseil accorde des gratifications à ceux qui s’employent pour la ville. Il n’exige pas avec rigueur le prix total des dixmes ou de l’ohmgeld, lorsque les fermiers de ces revenus y ont éprouvé de la perte. /229/ Il tient les pauvres quittes du quarteron de la guette. En un mot, il agit avec un esprit bienveillant et indulgent. Cependant, partant de notre point de vue, on doit reconnaître qu’il aurait pu mettre plus d’économie dans l’administration des revenus de la communauté.
On résolut (1660, décembre) de citer devant la cour du châtelain M. de Lusseri (noble Albert de Gingins) qui, habitant Cossonay, refusait d’acquitter la guette et la corvée annuelle.
Il y eut, en 1660, quelque désastre de température (grêle ou autre). On gratifia (1661, janvier), quoique sans conséquence, tous les bourgeois de la ville du quarteron de la guette, « à cause de la tempeste; » chacun d’eux reçut, pour la même raison, 15 florins 688 .
La récolte des vignes de notre hôpital à Aubonne fut amodiée (en 1661) par M. de Penthaz (noble Jean-François Charrière) pour 100 florins, outre un char de vin blanc à livrer au ministre de Cossonay. Le même avait tenu, les trois années précédentes, les biens de la ville et de l’hôpital en amodiation générale 689 . /230/
Le conseil, « assemblé en général 690 , » donna charge (même année, janvier) an banneret (noble Abraham Charrière, seigneur de Mex, qui avait succédé, en 1655, à M. de la Chaux) de faire stipuler l’acte de vente ou d’échange des censes et autres droits de la ville à Vufflens-la-ville. M. de Penthaz paraît avoir fait avec elle l’échange de ces censes.
A l’occasion du tir du papegay, de l’année 1662 (5 mai), chaque conseiller des douze reçut un quart d’écu, et chaque conseiller des dix-huit et vingt-quatre cinq batz.
Noble Jean-Pierre Thomasset, seigneur de Croze, élu (1663, mai) conseiller des douze, paya deux pistoles au lieu du repas qu’il devait donner. Il paraît donc que l’entrée an conseil entraînait l’obligation d’un banquet à ce corps. Peu après le conseil tint sur les fonts le fils du nouveau conseiller 691 .
On se rappelle la difficulté que notre ville avait failli avoir, en 1617, avec le co-seigneur et mayor de Boussens. La même cause avait renouvelé le différend avec un de ses successeurs. Non-seulement l’hôte de Boussens refusait le paiement de l’ohmgeld du vin débité par lui, mais encore celui de la guette. La ville l’avait actionné devant la justice de Boussens; mais après que noble Marc de Saussure, seigneur /231/ de ce village 692 se fut constitué son garant (de l’hôte), elle avait requis d’être renvoyée devant le baillif de Morges, juge compétent des seigneurs de jurisdiction, auquel celui de Boussens ressortissait. On avait pris jour pour comparaître à Morges, lorsque, mieux informé des droits de la ville, M. de Boussens abandonna le procès (1663, 11 septembre).
Le conseil décida (même année, 28 septembre) qu’au lieu « d’aller boire en corps » le gouverneur livrerait dix batz à chaque conseiller des douze, et six batz à chacun des autres conseillers. Sans doute que l’élection des gouverneurs avait lieu ce jour-là; on avait l’habitude d’y boire.
M. de Penthaz aliéna (1664, 18 janvier), en faveur de notre bourgeoisie, pour mille florins, le droit de pâturage de ses prés de la Cour et de diverses côtes contigües 693 , le tout formant un parchet considérable. Aux termes de cette cession, le temps du pâturage devait commencer huit jours après la fête de Ste-Madelaine et finir à Noël. Mais l’année suivante (2 octobre) la bourgeoisie 694 lui rétrocéda ce droit pour 1400 florins, parce qu’il avait reconnu que son aliénation lui avait été très-préjudiciable 695 . Déjà précédemment /232/ M. de Penthaz avait acquis de la ville, pour 535 florins, un muid annuel de froment et quelques censes en deniers, qu’elle percevait à Boussens, à cause du jadis clergé. Nous le trouverons souvent en affaires avec la ville.
Le conseil résolut (1664, février) d’aller « en corps » ordonner aux notaires Cordey et De Villard « de vuider et sortir promptement de la ville. » Le motif de ce renvoi n’est pas indiqué.
Notre ville s’efforçait, depuis quelques années, d’obtenir de LL. EE. la cession d’une partie de la forêt de Seppey, appartenant au domaine du château. Elle avait, dans ce but, envoyé des députés à Berne à diverses reprises. L’arrivée du seigneur trésorier (Emanuel Steiguer) à Cossonay avança la négociation, qui s’étendit encore à d’autres objets. Et, le 22 juin 1664, Berne nous remit, à titre d’abergement, la moitié du bois de Seppey 696 , le glandage et « la paission » du gland sur la totalité de la forêt (c’est-à-dire le droit d’y faire pâturer les porcs sans cueillir les glands), les grandes halles, les ventes des foires et marchés, et la mestralie de la châtellenie qui comprenait les langues des grosses bêtes qu’on tuait à la boucherie; le tout sous la cense annuelle et perpétuelle de 200 florins (petits) 697 et de six sacs d’avoine (à la mesure de Morges) 698 . Cette cession fut accompagnée de diverses /233/ conditions et réserves 699 . Notre ville fit, dans cette circonstance, un très-bon marché dont les heureuses conséquences se font encore sentir quant à la forêt de Seppey. Il lui était également précieux d’acquérir la mestralie, puisqu’elle en possédait déjà une partie par ses franchises 700 .
Pour remédier à des abus qui s’étaient introduits, le conseil ordonna (même année, septembre) qu’à l’avenir les hôtes ne donneraient à qui que ce fût à boire ou à manger au nom de Messieurs du conseil, sinon sur un billet de leur part.
Le conseil décida (10 octobre suivant) que l’on bâtirait incessamment une nouvelle maison de ville. M. de Penthaz et le curial furent chargés « de mettre ordre » à ce que le nouveau bâtiment « fût propre. » C’est de la maison de ville actuelle dont il est question.
Notre bourgeoisie acquit, en 1665 (5 juin), de M. de Bussy (noble Antoine Crinsoz), pour 450 florins, douze poses dans la forêt de Seppey, au lieu dit en Fayel, avec les droits de seigneurie et de jurisdiction que le vendeur y possédait conformément /234/ aux partages jadis faits (1507, 16 octobre) entre les nobles de Gléresse et de Bionnens 701 .
Sur la fin de la même année, la ville était en différend avec le village de Disy pour la guette et l’ohmgeld, ce qui l’engagea à envoyer des députés à Berne. L’année suivante (octobre) elle y envoya de nouveau MM. de Penthaz et de Croze « plaider la cause contre ceux de Disy. » On ne connaît pas l’issue de ce procès, probablement terminé par la vente de notre communauté à celle de Disy de ses droits de guette et d’ohmgeld dans ce village 702 . — 703 .
Le conseil fit dresser (même année, septembre) le rôle de tous les chefs de famille, « outre le tour ordinaire, » afin qu’ils allassent la nuit, avec des fusils ou arquebuses, autour du bétail (au pâturage), pour le préserver des loups. — 704 .
Il est fait mention, en 1666 (décembre), de la tour du /235/ vieux château. Ainsi elle existait encore, du moins en partie.
La ville envoya prier (1667, mars, par deux députés) la vénérable classe, à Rolle, de la pourvoir d’un bon ministre, attendu le décès de M. le pasteur de Petra.
LL. EE. établirent, en 1667, un diacre à Cossonay (il se nommait Moret). Comme on n’avait pas de logement pour lui, on en loua un; le propriétaire de la maison devait lui fournir des « herbages » (légumes) et lui nourrir une vache et un cheval, le tout moyennant 60 florins par an. Le conseil demanda (6 mai) que le seigneur ministre fît, chaque semaine, le prêche le dimanche matin, le catéchisme à midi, et le prêche le vendredi; et le sieur diacre le prêche le dimanche soir et le mardi toute l’année.
Quelques portions du domaine de la ville furent aliénées eu 1668 (13 janvier) 705 . On vendit, pour 400 florins, l’ohmgeld de Senarclens au seigneur de ce village (noble Georges-François Charrière), ainsi qu’un « bien » dans cet endroit, pour 3000 florins. Ce domaine, échu à la ville dans une discussion de biens, comprenait les terres que le baron de Coudrée lui avait jadis remises 706 . On vendit encore à M. de Penthaz, au prix de 1387 florins et 6 sols, les censes directes et foncières de la ville et de l’hôpital à Sullens 707 , et, pour 700 florins, l’ohmgeld de Penthaz. Ajoutons que la /236/ ville aliéna aussi en sa faveur l’ohmgeld de Sullens 708 , mais on ne connaît ni l’époque ni le prix de cette dernière vente.
Le conseil permit (même année, mai) au pasteur M. Roy, pour une fois et sans aucune conséquence, de faire inhumer un de ses enfants dans l’église.
Il était d’usage chez nous que les rois du papegay fussent francs de lauds pour leurs acquisitions pendant l’année de leur royauté, ainsi que cela s’observait dans les bonnes villes du pays. A la vérité, la nôtre n’avait pas de titres pour constater cette franchise, mais la coutume immémoriale l’avait consacrée. Néanmoins le baillif de Morges refusa de l’accorder à MM. de la Robélaz (noble Abraham Charrière) et de Bons, les deux derniers rois, ce qui engagea le conseil à réclamer (1668, mai), par ses députés, auprès de LL. EE. 709 . Berne ordonna au baillif d’examiner si notre ville avait eu le tir de l’oiseau avant l’année 1659 et si le roi avait joui de la franchise des lauds 710 . Le baillif déclara que depuis 1640 ses prédécesseurs n’avaient retiré aucun laud des rois du papegay à Cossonay. Mais tout cela fut inutile, et, au grand chagrin de la ville, LL. EE. refusèrent de reconnaître /237/ la franchise réclamée 711 . Berne montra peu de bonne volonté dans cette circonstance.
L’année 1668 fut peu abondante. On exempta beaucoup de ménages de payer la guette, et entr’autres, paraît-il, tous les bourgeois de la ville 712 .
Les chefs de famille de Cossonay et d’Alens ayant été convoqués (« conviés, » même année, décembre), le châtelain leur représenta que les saintes assemblées étaient fort négligées, ce qui donnait lieu aux pasteurs de se plaindre. On leur enjoignit d’être « plus fréquents aux presches, » ajoutant que si l’on remarquait la continuation « de semblables deffauts, » on les châtierait « plus avant. »
On ne remarque plus, chez les fonctionnaires de la ville, le désintéressement précédent. On leur paie de fréquentes journées 713 .
On conclut un accord (1669, février) pour faire recouvrir et réparer les tours de deux portes de la ville, celles des /238/ côtés de Morges et la Sarraz. Une des tours de Cossonay s’appelait la tour romande. L’année suivante, un pan des murailles de la ville s’écroula sur un bâtiment et l’endommagea beaucoup.
Le conseil vendit (1669, 10 mai) à M. de Croze, pour 50 florins, l’ohmgeld et la guette de Croze.
Notre communauté estimait que « certaines pièces » de ses vignes de Lonay étaient franches de dixme, parce qu’elles provenaient de LL. EE. et avaient été jadis « bien d’église 714 . » Elle s’appuyait encore sur une déclaration de Berne, du 14 août 1567, aux termes de laquelle les terres arables et vignes de la châtellenie et du ressort de Morges, dont les propriétaires prouveraient dûment que depuis trente ans on n’y avait pas levé la dixme, en demeureraient exemptes. Néanmoins la cour baillivale de Lausanne avait condamné notre ville à acquitter cette dixme à LL. EE., pour le cas où elle n’obtiendrait pas de Celles-ci une explication du titre produit pour s’en exempter, c’est-à-dire des lettres patentes de LL. EE., de l’année 1591, par lesquelles Elles lui avaient confirmé la cession des biens de la cure et du clergé. M. de Croze se rendit donc à Berne pour la solliciter, mais elle lui fut refusée (24 mai 1670). Toutefois, trente années plus tard, la chambre économique du pays de Vaud, à Berne, reconnut, en faveur de la ville de Cossonay, /239/ la franchise de dixme de deux pièces de vigne à Lonay, contenant ensemble cinq poses; et cela suivant un extrait de la reconnaissance du domaine du prieuré de St-Paul de Cossonay, de l’an 1531.
La communauté de Senarclens amodia (1670, octobre) de notre ville, pour six années, « la paisson » du bois de Seppey, à raison de deux sacs d’avoine, mesure de Morges, par année 715 .
LL. EE. ayant décrété l’établissement de cavaliers dans chacun des départements militaires du pays, le baillif de Morges ordonna (même année, 18 octobre) à celui de Cossonay de se conformer à cette disposition. En conséquence, les gouverneurs des localités de ce département, assemblés à Cossonay (20 octobre), nommèrent les deux cavaliers qu’il devait fournir. Ceux-ci auraient l’obligation de se rendre « à la monstre » pour le département. On établit douze cavaliers dans le bailliage de Morges, « pour le service de LL. EE. et de la patrie 716 . »
Quoique Berne eût retiré aux rois du papegay la franchise des lauds, la fête de la ville (c’est ainsi qu’on nommait le tir de l’oiseau) eut cependant lieu en 1671, avec le festin ordinaire 717 . /240/
La paroisse paya (1672, janvier), par tête, des réparations à l’église. On y comptait alors 545 personnes 718 . Depuis l’établissement du diacre, qui était aussi ministre à la Chaux, ce village et Itens n’en faisaient plus partie 719 .
Les passations à record, assez fréquemment concédées, étaient une branche de revenu pour la communauté. Le conseil accorda (même année, février) la « passation à clos à record » de deux prés, au prix total de 110 florins.
Au 1er juillet 1672 le département de Cossonay devait fournir six chevaux pour l’attirail du canon, avec deux charretiers 720 . /241/ Il livra, le même mois, trois sols par focage, pour les frais du pont d’Echandens 721 .
Notre ville envoya (même année, octobre) un de ses bourgeois à Berne, « pour apprendre à bracquer le canon. » Il devait recevoir, à cet effet, un florin et trois sois de chacun des focages du département. /242/
Le conseil ordonna (novembre suivant) qu’on ne présenterait plus les grandes semaisses, « fors aux bourgeois aux nopces, fiancement, » et lorsqu’on baptiserait leurs enfants 722 . Déjà deux années auparavant il avait retranché les semaisses aux habitants (c’est-à-dire aux non-bourgeois). Il décida encore que le conseil se tiendrait régulièrement tous les quinze jours et que l’officier sonnerait la cloche pour le convoquer 723 ; que « les défaillants, toutes excuses nonobstant, » paieraient un florin pour chaque cas d’absence, et ceux des dix-huit et vingt-quatre six sols 724 ; que les conseillers ne retireraient plus les vins des amodiations de la ville, mais qu’ils auraient chacun une augmentation de salaire de dix florins 725 , et que les dix-huit et vingt-quatre recevraient (chacun) cinq florins 726 ; que le grand gouverneur qui percevait la moitié des vins recevrait soixante florins de dédommagement, et le petit gouverneur cinq 727 . Ou réserva cependant les vins de la boucherie et on laissa aux membres des trois conseils les pots de vin à chaque fête, ainsi que les cinq batz qu’ils recevaient à la fête de mai et à la St-Michel (lors de l’élection des gouverneurs). Enfin on décida (décembre suivant) qu’on ferait la prière à « l’entrée » du conseil; qu’elle serait suivie de la lecture de ce qui aurait été ordonné /243/ dans la séance précédente 728 ; qu’avant de se séparer on ferait également la lecture de ce qu’on aurait décidé dans celle du jour, et qu’on terminerait celle-ci par une prière.
Le prieuré, nous l’avons déjà fait observer, était, à Cossonay, la maison de LL. EE., qui l’avaient substitué à l’ancien château, tombé en ruines. Elles l’aliénèrent, en 1672, en l’inféodant à M. de Penthaz, pour être désormais la maison seigneuriale du village de ce nom 729 . Berne conserva seulement dans notre ville une grange pour loger ses dixmes.
Notre département eut à payer, sur la fin de l’année, 55 florins « pour despends des commandants pour la garde du chasteau de Morges. » Il régnait alors du froid entre Berne et le duc de Savoie, qui faisait construire des fortifications à Bellerive et avait dénoncé le traité de St-Julien 730 . Au mois d’octobre le seigneur baillif de Morges était venu faire les « monstres » à Cossonay.
Un conflit s’éleva entre le conseil et son secrétaire (Abraham de la Sarraz), qui avait obtenu à Berne la permission « de lever » une enseigne de cabaret. Le conseil y mit opposition et recourut au baillif. Le secrétaire ayant renoncé à la concession obtenue, on lui permit gratuitement (même année, décembre), en retour, de tenir logis public pendant trois ans.
Les trois conseils résolurent (1673, avril) de prier LL. EE. de remettre à la ville les censes et le fief qu’Elles y avaient /244/ en échange de la guette de la châtellenie et des censes de la ville à Penthallaz. Les autres bourgeois 731 approuvèrent ce projet. En acquérant le fief, notre ville se proposait d’affranchir son territoire de censes. M. de Penthaz et le secrétaire, envoyés à Berne pour traiter cette affaire, trouvèrent d’autant plus de facilité à réussir que LL. EE. avaient remarqué que les revenus de la baronnie « allaient en diminuant » et souvent même ne suffisaient plus aux charges. Cette diminution avait pour cause, d’un côté, l’abandon qui avait lieu chaque année de pièces de terrain (pour se libérer des censes), et, d’un autre, la circonstance que LL. EE. ayant aliéné (par échange et inféodation) des revenus en divers lieux de la baronnie 732 , il en résultait de la confusion dans les comptes des receveurs. Ceux-ci et notamment le dernier (le châtelain DeVenoge) avaient négligé de tenir les rentiers en bon ordre et d’annoter les changements des pièces. Une rénovation coûteuse était ainsi devenue inévitable. Berne annua donc au désir de notre bourgeoisie, préférant cependant la charger d’obligations dont l’Etat voulait se libérer, plutôt que d’accepter la guette en échange. L’acte d’inféodation fut passé à Berne le 31 juillet 1673. LL. EE. remirent à la ville, en fief noble mais sans charge d’hommage, leurs censes /245/ directes et foncières, dues à cause du château et du prieuré de Cossonay, aux territoires de Cossonay et d’Alens, avec la directe seigneurie emportant le laud au cinq pour cent en cas d’aliénation des assignaux. Elles s’élevaient, en grains, à vingt-deux sacs de froment, à la mesure de Morges 733 , et, en deniers, à 140 florins, petits, monnaie de Vaud 734 . En retour, notre ville contracta l’obligation de payer annuellement, à la décharge de LL. EE., 110 florins au sieur ministre de Cossonay, et 30 à l’hôpital 735 , six sacs de froment encore au même ministre, en augmentation de pension, autant à l’hôpital 736 , pareille quantité au régent de l’école, et deux sacs et trois quarterons et demi à la confrérie 737 , le tout /246/ à la mesure de Morges. De plus, la ville céda à LL. EE. seize quarterons de froment (mesure de Cossonay), de cense, qu’elle percevait à Penthallaz. Afin de favoriser le « bon dessein » de la ville d’affranchir son territoire de censes 738 , LL. EE. permirent que chaque censier réemptionnât celles qu’il devait, sans payer de laud « pour ce coup, » et défendirent l’établissement de nouveaux fiefs dans le territoire 739 . Berne réserva ses droits de haute, moyenne et basse jurisdiction, ainsi que les obligations (devoirs) de la communauté. Pour sûreté des choses cédées (et en compensation des affranchissements qu’elle pourrait faire) la ville hypothéqua spécialement l’ohmgeld et la guette de la châtellenie 740 . Telles sont les principales dispositions de ce traité, si important pour notre bourgeoisie 741 . M. de Penthaz, de son côté, /247/ déclara 742 qu’il cèderait à la ville (pour qu’elle pût atteindre le but projeté d’affranchir son territoire) le fief et les censes que LL. EE. lui avaient précédemment remis au territoire de Cossonay 743 ainsi que les autres fiefs et censes qu’il y possédait 744 . Cette cession eut effectivement lieu pour seize cents florins 745 , et Berne tint la ville quitte du laud.
La bourgeoisie 746 décida (6 novembre suivant) que puisque le traité fait avec LL. EE. lui donnait la faculté de s’affranchir de censes et de lauds, on nommerait deux personnes pour établir le compte de chaque particulier, en calculant le quarteron de froment à sept écus (petits) et celui d’avoine au quart de ce prix, puis que chacun passerait, en faveur de la ville, une lettre de rente de la somme qu’il se trouverait devoir, sous l’hypothèque des terres affranchies 747 . Cette résolution fut suivie, une année après (1674, 6 novembre), de l’affranchissement général des censes dues à la ville et à l’hôpital, tant à Cossonay qu’à Alens 748 . Notre ville parvint /248/ ainsi, avant bien d’autres, à se libérer des redevances féodales. On doit reconnaître les facilités que Berne lui accorda pour atteindre ce but.
Le conseil résolut (1674, janvier) de traiter avec M. de Grevilly (noble Daniel de Chandieu, seigneur de la Chaux) pour l’acquisition du fief qu’il avait au territoire de la ville et qu’il était disposé à lui céder. Et l’on convint (18 mai suivant), avec Dlle. Marthe Brun, veuve du sieur Mayor, de Senarclens 749 , d’acheter d’elle, pour 150 florins, celui qu’elle y possédait, de moitié avec le châtelain Tissot, de Romainmotier. Notre ville était en trait d’acquérir les fiefs de son territoire.
Nous avons rapporté que LL. EE. se plaignaient de la diminution des revenus de la baronnie 750 . A la suite de plusieurs mauvaises années, la pauvreté y avait fait de grands progrès, et les paysans abandonnaient fréquemment des /249/ pièces de terrain plutôt que d’en payer les redevances 751 . Cette difficulté de recouvrer les censes fut une des raisons qui portèrent LL. EE. à inféoder, tant à notre ville qu’à diverses personnes, la plupart des revenus de la baronnie 752 . — 753 .
Aux « monstres » qui eurent lieu en 1674, chaque soldat reçut, en vertu d’une décision du conseil (prise en mai), quatre batz, le capitaine trois florins, l’enseigne deux, et le sergent un florin et six sols. Etait-ce encore le banneret qui portait la bannière? Nous en doutons.
Il se faisait cette année-là, par ordre de Berne, un dénombrement des fiefs nobles du pays, par bailliage. Les personnes qui en possédaient en remettaient la spécification au commissaire de LL. EE. qui vérifiait ces indications, et exigeait la justification des droits et de la nature des biens qu’elles contenaient. Notre ville chargea M. de Penthaz et le /250/ curial de faire son dénombrement 754 . On y trouve le détail de son domaine 755 et l’indication sommaire de ses censes dans divers villages. Il y est observé, quant à celles de Cossonay et d’Alens, qu’on travaillait alors à leur affranchissement; et, à l’égard de l’ohmgeld et de la guette, que ces droitures étaient réputées franc-alleu 756 . On y indique le produit commun des dixmes de la ville et de l’hôpital 757 , ainsi que la spécification /251/ de la pension du ministre 758 , affectée sur les biens de la cure 759 . Enfin on y voit que la dixme de Cossonay, appartenant à LL. EE. (elle procédait du prieuré), se levait, à quelques exceptions près 760 , sur tous les champs et vignes du territoire 761 .
Les clefs de la contribution de guerre (c’est-à-dire du coffre qui la renfermait) furent remises (1674, 3 août), en conseil, au nouveau châtelain de Cossonay (noble Abraham Charrière, successeur du châtelain DeVenoge), comme chef du département. Le même ayant été peu après nommé gouverneur, fit la réserve, en acceptant cette charge, qu’elle ne préjudicierait en rien à celle de châtelain.
La ville paya, la même année (10 décembre), 160 florins pour sa part de l’établissement d’un nouveau cavalier 762 . /252/
Déjà, en 1670 (octobre), les trois conseils avaient pris l’engagement de vendre à M. de Boussens (noble Marc de Saussure) l’ohmgeld et la guette du village de ce nom, ainsi qu’un petit fief que la ville y possédait, le tout pour mille florins. Plusieurs années après cette promesse n’était pas encore réalisée, et M. de Boussens refusant de payer la guette, on résolut (1675, janvier) de l’attaquer en justice, s’il persévérait dans son refus. La vente convenue eut seulement lieu le 12 juin 1676 763 .
Afin de pourvoir à la subsistance des nombreux pauvres de la ville, une contribution volontaire y eut lieu (1675, octobre). Elle produisit vingt sacs de grains. Vingt années plus tard cette contribution se percevait encore.
Le conseil remit (même année, octobre) les clefs du revestiaire et le sceau de la bourgeoisie à M. le châtelain, l’autorisant à s’en décharger comme il lui plairait 764 . Aussi longtemps que M. le banneret de Mex avait habité la ville, il en avait été le dépositaire. — 765 . /253/
Selon une décision du conseil (1676, mars), chacun des trois sergents qui montaient la garde au château de Morges devait recevoir trois florins (par jour?) « pour ses despends et fournir les chandelles 766 . »
On paraît avoir craint à Cossonay que LL. EE. n’aliénassent la jurisdiction de notre ville, puisqu’on envoya (27 mai) un député à Berne prier LL. EE. de « maintenir perpétuellement ceux de ceste ville leurs jurisdiciables. » Ce député devait aussi s’efforcer d’obtenir la cession de la portion du bois de Seppey que l’Etat avait conservée. Il ne réussit pas quant à cette partie de sa mission.
On décida (9 octobre) que l’élection des conseillers aurait lieu désormais au scrutin secret. Pour cette élection, le conseil présentait trois candidats au conseil général qui s’assemblait encore annuellement aux environs de la St-Michel 767 . Le conseil des douze se recrutait dans ceux des dix-huit et vingt-quatre. On voyait parfois dans une seule séance du conseil général la même personne, d’abord nommée au conseil des vingt-quatre, l’être ensuite à celui des douze. Le /254/ conseil général imposa (1677, 24 septembre) aux membres de ce dernier conseil l’obligation de résider en ville. — 768 .
Notre ville envoya (1677, mai) son banneret féliciter le nouveau trésorier Sturler de sa nomination et lui faire un cadeau qui coûtait environ deux pistoles.
A cette époque, lors de la répartition de la boîte des pauvres de la paroisse, la ville en prenait les deux tiers, Senarclens un sixième, et Lusseri et Disy avaient le reste 769 .
La jeunesse de Cossonay (sans doute les écoliers) joua une comédie dans le mois de mai de l’année 1678 (peut-être à l’occasion de la fête de mai). On n’indique pas la pièce qui fut représentée.
Par décision du conseil, du 13 octobre 1679, le grand gouverneur devait désormais se prendre dans le conseil des douze 770 , et le petit dans celui des vingt-quatre 771 . Il n’y /255/ avait plus de recteur de l’hôpital; et les biens de cet établissement, comme ceux de la ville, étaient administrés par le grand gouverneur, alors également le gardien des clefs du revestiaire et de la boîte des pauvres. L’année précédente (1er avril) on avait décidé que son salaire n’excéderait pas 400 florins.
Les biens nobles, dans la paroisse, n’étaient pas soumis aux corvées. Lors de l’amodiation de celles de Senarclens (1680, janvier), la ville en excepta les corvées que le seigneur de ce village et deux autres membres de sa famille pouvaient devoir pour ceux de leurs biens qui n’en étaient pas exempts (c’est-à-dire les ruraux), parce que la liquidation de ceux-ci n’était pas encore faite.
Notre ville acquit (même année, mars ou avril) de M. Margel, bourgeois de Morges, diverses censes à Cossonay et dans les environs, qu’elle possédait indivisément avec lui 772 .
Un sieur Béliard fut admis (même année, avril) à la bourgeoisie au prix le plus élevé qu’on en eût encore payé, c’est-à-dire onze cents florins de capital et vingt-cinq florins pour des « brochets », indépendamment d’avantages aux /256/ conseillers et bourgeois 773 . On spécifia que l’entrée au conseil des douze lui serait toujours fermée, et qu’il ne pourrait parvenir à celui des vingt-quatre qu’après douze années. Il y avait sans doute des raisons motivant ces restrictions. Les prix d’admission à la bourgeoisie étaient arbitraires.
On redoutait, en 1680, quelqu’épidémie, car on établit (juin) des gardes aux portes de la ville « à l’occasion de la contagion. »
Quelques-unes des localités de la baronnie avaient pris l’habitude de cultiver plutôt du messel (méteil) que du froment, estimant que leurs terres y étaient plus propres. Elles demandèrent la faculté d’acquitter la guette en messel, moyennant un dédommagement une fois payé. On accorda (1681, 31 janvier) cette réduction aux villages de Sullens, Penthaz et Penthallaz; le premier paya 330 florins « de prévaillance »; le second 250 et le troisième 410 774 . On fit l’année suivante (3 janvier) un traité semblable avec Senarclens, qui paya 130 florins de dédommagement 775 . — 776 .
Dix quarterons de froment, de cense directe, dûs à Gollion et procédant de la confrérie, furent vendus (1681, /257/ 26 septembre) par la ville à noble Paul de Chandieu, seigneur de l’Isle, Gollion et autres lieux.
L’examen des comptes de notre communauté, de l’année 1681, nous convaincra que, malgré la dépréciation successive de l’argent, ses revenus avaient peu augmenté depuis un siècle 777 . En effet, d’après ces comptes, le gouverneur a reçu, pour censes, amodiations, intérêts et autres choses, en deniers, 3914 florins; en froment, vingt-trois muids, dix coupes, un quarteron et une fraction, et en avoine trois muids, trois coupes et un quarteron. Il a livré 3917 florins, vingt-un muids, dix coupes, un quarteron et une fraction, de froment, et six muids et trois coupes d’avoine. Ce même gouverneur a reçu, pour l’hôpital, en deniers, 340 florins, 1 sol et 6 deniers; en froment, onze muids, deux coupes et un quarteron, et en avoine dix muids, onze coupes, et un quarteron; et il a livré 1039 florins, 2 sols et 6 deniers, trois muids et trois coupes de froment, et trois muids, quatre coupes et un quarteron d’avoine 778 . Le premier ministre reçoit annuellement de la ville 260 florins, cinq muids et quatre coupes de froment et deux muids d’avoine, outre un muid de froment (à la mesure de Morges) en décharge de /258/ LL. EE. 779 . On donne au diacre 50 florins (pour le loyer d’une maison, tant qu’il résident en ville), et deux muids et huit coupes de froment; et au régent d’école deux muids et six coupes, tant de froment que de messel, plus un muid de froment (à la mesure de Morges) en décharge de LL. EE. 780 . Le grand gouverneur reçoit 200 florins de la ville et autant de l’hôpital. Le petit gouverneur en reçoit 15 (et probablement autant de l’hôpital 781 ), et l’officier de ville 30. Le salaire des conseillers des douze est de 60 florins (dont 16 et 8 sols sont payés par l’hôpital), et celui des conseillers des vingt-quatre de 5 florins. Le secrétaire du conseil reçoit 10 florins pour le rentier et 10 coupes de froment (dont l’hôpital en livre quatre) 782 . L’hôpital donne chaque année une coupe de froment aux quêteurs du St-Bernard 783 Depuis l’acquisition de la mestralie, un des conseillers, tour à tour, remplit annuellement la charge de mestral et taxeur. — 784 .
Une des tours de la ville s’étant écroulée et ayant écrasé une maison dans sa chute, le conseil fit donner avis (1685, /259/ mars) de cet accident aux intéressés (c’est-à-dire aux villages qui ressortissaient à Cossonay) 785 . Peu après il donna 100 florins au propriétaire de la maison endommagée.
Une décision de cette autorité, du 8 mai 1685, retrancha la pistole que recevait le roi au tir du mois de mai et la donna à l’abbaye de la ville pour en disposer à son gré 786 . Cette disposition nous indique l’abolition du tir du papegay. Nous ne tarderons pas a en trouver un autre établi, pour lequel LL. EE. donnaient des prix 787 . — 788 .
Les propriétaires du four banal d’Alens obtinrent (même mois) de la ville l’affranchissement, moyennant 280 florins, de huit quarterons de froment, de cense, dûs sur ce four 789 . — 790 .
Grand nombre de protestans français, fuyant les persécutions qui suivirent la révocation de l’édit de Nantes, vinrent à Cossonay dans l’année 1685 791 . On fit une collecte pour /260/ eux; la ville y contribua (14 décembre) de 50 florins. On les employa plus tard (en 1687) à extirper les Rochettes 792 . Alors les Français n’étaient pas les seuls réfugiés; il s’en trouvait encore des vallées du Piémont, auxquels le conseil fit distribuer du pain (1687, 23 mai). A la charge des réfugiés se joignait celle des pauvres de la ville, pour l’entretien desquels la contribution volontaire continuait.
Le conseil décida (1686, mars) que M. d’Eclépends (noble Albert de Gingins) s’acquitterait des deux charrois qu’il devait « en lieu d’habitation, » c’est-à-dire de soufferte 793 .
On interdit (même mois) aux bourgeois d’avoir plus d’un chien, sous l’amende de 5 florins, sans doute à cause de la rareté des subsistances. — 794 .
On paya (1689, février) à trois bourgeois notables 7 florins et demi à chacun pour avoir commandé jusqu’alors « l’exercice des armes. » C’est la première mention d’exercice /261/ de ce genre. Il s’agissait sans doute d’instruction donnée aux soldats de la ville. — 795 .
La pauvreté était alors si grande à Cossonay que, sur un ordre baillival, on s’enquit de la provision de blé que chacun y possédait. Pour la subsistance des pauvres, le conseil taxa (25 novembre) plusieurs bourgeois et habitants à une certaine quantité de grains. La mesure était un peu arbitraire. Beaucoup de réfugiés français se trouvaient encore dans la ville 796 .
Appelée à prêter quernet 797 en faveur de LL. EE. pour les fiefs nobles qu’elle tenait, notre ville remplit ce devoir le 3 février 1690 798 . Il était la conséquence de l’inféodation de 1673; et, à l’occasion de cette prestation, plusieurs des biens ou droits que Berne lui avait successivement remis reçurent la nature de fiefs nobles qu’ils n’avaient pas dans /262/ le principe 799 . Dans cette circonstance, elle confessa tenir de LL. EE., en fief noble, néanmoins sans aucune charge d’hommage:
1o A cause de la baronnie de Cossonay, dépendante du château de Morges 800 , les censes directes et pensionnaires que Berne lui avaient inféodées le 31 juillet 1673, avec la directe seigneurie emportant lauds et ventes au cinq pour cent en cas d’aliénation des assignaux.
2o Les deux tiers des corvées de charrue de la paroisse 801 et le forage du vin, procédés du prieuré et abergés par LL. EE. en 1587.
3o A cause de la baronnie de Cossonay, la moitié, du côté de bise, du bois de Seppey, soit environ 140 poses; le glandage et la paisson de toute la forêt; les halles de Cossonay, /263/ avec leurs appartenances; le droit des ventes (pour exiger celles-ci aux foires et marchés); la moitié de la mestralie, avec ses droits et les langues de la boucherie; le tout abergé en 1664.
4o À cause de la baronnie de Cossonay, la moitié de la dixme générale de Senarclens 802 , ainsi que les autres biens (terres, fiefs, censes, dixmes, corvées et revenus) qui provenaient de la cure et du clergé de Cossonay, et que LL. EE. avaient remis à la ville après la conquête du pays de Vaud 803 .
5o Enfin notre bourgeoisie confessa tenir en fief noble et lige, sous la portion d’hommage qui pouvait la concerner, le mas de bois de Fayel, aux territoires de Cossonay et Disy, avec les droits de fief et jurisdiction sur ce bois qui était anciennement procédé des nobles de Gléresse et que la ville avait acquis, en 1655 (7 janvier), des nobles de Lavigny 804 ; et généralement tout ce qu’elle pourrait posséder de ce qui était procédé des nobles de Gléresse. — Le quernet contient aussi la spécification des obligations de la ville envers LL. EE. 805 . /264/ Si, de son côté, l’hôpital ne prêta pas de quernet, c’est que la dixme de Penthallaz était un franc-alleu 806 , et que LL. EE., en laudant l’acquisition de la dixme d’Itens et des autres biens achetés en même temps, en avaient accordé l’amortissement, sous la soufferte de trois sols de cense annuelle. — 807 . /265/
Un essai pour introduire la culture des vers-à-soie se remarque dans une décision du conseil (1691, septembre) qui accordait à ceux qui planteraient des mûriers sur le terrain commun de la ville la faculté d’en jouir pendant 50 ans. Ne le devait-on pas à la présence des réfugiés français 808 ?
On résolut, en 1691 (novembre), de construire incessamment une grande porte de ville vers l’hôpital. — 809 . — 810 . — 811 . /266/
L’officier de ville étant accusé d’adultère, le conseil lui ordonna (1692, mars) de déposer son manteau chez le premier conseiller et de ne plus fonctionner jusqu’à ce qu’il se fût purgé de cette accusation.
Un orage éclata dans le sein du conseil au commencement de l’année 1693. Trois de ses membres (les sieurs Ducimetière, Portier et Guex, curial) accusèrent les autres (le châtelain, les seigneurs de Senarclens et de Croze, et les sieurs Delessert et Guex), devant le baillif de Morges, de s’attribuer trop d’autorité et de ne pas les consulter, ainsi que le conseil des vingt-quatre, pour la nomination aux charges de la ville. Le baillif (colonel Berseth) se transporta à Cossonay, et les accusateurs formulèrent devant lui (13 février) les plaintes suivantes: 1o que le châtelain et les quatre conseillers tenaient souvent le conseil et y décidaient des affaires de la ville comme s’il eût été complet 812 . 2o Qu’ils avaient établi un commandeur 813 , malgré l’opposition des plaignants et sans la participation des vingt-quatre. 3o Que le conseil avait aliéné plusieurs articles du domaine de la ville, au grand préjudice de la bourgeoisie. 4o Qu’on ne remplissait pas le nombre voulu des conseillers des douze et vingt-quatre. 5o Que l’on avait fait, au préjudice des bourgeois, un traité avec feu M. de Penthaz, pour l’eau qui se rendait aux prés de la Cour. 6o Que le châtelain, /267/ lorsqu’il était gouverneur, donnait sa voix en conseil, ce qui était contraire au droit et à l’honneur de sa charge. Et enfin, 7o qu’on avait fait (au nom de la ville) un bornage avec ce même châtelain, à l’avantage de celui-ci. Pour leur défense les accusés alléguèrent: 1o Qu’ils étaient bien forcés de vaquer seuls aux affaires publiques, puisque les autres conseillers 814 ne venaient au conseil que lorsque cela leur plaisait 815 . 2o Que le commandeur actuel avait été nommé par la plus grande partie du conseil 816 . 3o Que les aliénations dont on se plaignait avaient pour auteurs les pères des accusateurs. 4o Que les vacances dans les conseils provenaient de la rareté de gens capables de remplir ces places. 5o Que le curial Guex avait tort de se plaindre du traité fait avec feu M. de Penthaz, puisqu’il en retirait plus de bénéfice que tout le reste de la bourgeoisie 817 . 6o Que le châtelain étant aussi conseiller, pouvait ainsi remplir tous les attributs de cette place 818 . Et 7o que celui-ci offrait de prouver que la ville et non lui avait eu du bénéfice dans le bornage en question. — Le baillif exhorta les parties à terminer leur différend à l’amiable. Le sieur ministre, de son côté, travailla au même but; et les parties y ayant consenti, le baillif prononça /268/ (à Morges) qu’après examen attentif des faits, il s’était convaincu qu’il s’y trouvait plus de partialité et de rancune particulière que de juste sujet de plainte; que les accusés n’avaient fait que ce que gens de bien et d’honneur pouvaient et devaient faire; qu’ils s’étaient parfaitement justifiés, et qu’ainsi les plaignants devaient les reconnaître pour dignes de leurs charges, le tout néanmoins sans préjudice à l’honneur de ceux-ci. Que son but étant de bannir toute animosité, il les exhortait à vivre en bons amis, selon la charité chrétienne, et à se reconnaître mutuellement pour gens de bien. Il compensa les dépens et maintint la nomination du commandeur. — Nous verrons les attaques contre le conseil se répéter.
Il n’y avait pas, il le paraît, prescription pour le paiement des lauds. Notre ville acquitta seulement en 1693 (7 novembre), au co-seigneur de Senarclens 819 , celui de son acquisition des terres de la cure de Vuillerens à Senarclens (on se rappelle qu’elle avait eu lieu en 1611, par échange avec le baron de Coudrée) 820 , ainsi que le laud pour la reprise de ces mêmes terres et d’autres encore qu’elle avait acensées 821 . Les deux lauds réunis s’élevèrent, par composition, /269/ à 745 florins et 10 sols 822 . Ils étaient dûs au sixième denier 823 . — 824 .
Par décision du conseil (1694, août), on devait tâcher d’acquérir, de M. de Champvent, le bois de Vaud et les vignes des Rochettes, qui appartenaient à sa femme.
M. de Mex, banneret de la ville et de la baronnie, était mort depuis une année 825 , lorsque les douze et vingt-quatre réunis lui donnèrent (1694, 5 novembre) M. de Senarclens 826 pour successeur. On en donna avis à toutes les communautés de la baronnie, les invitant à se rencontrer dans quinze jours en conseil, pour donner leur consentement à cette élection et assister a la prestation du serment ordinaire 827 . /270/
La baronnie envoya (même année, novembre) le châtelain à Berne, avec les députés du pays, surtout au sujet de la « nouveauté des péages. » LL. EE. avaient affermé ceux du pays de Vaud au capitaine Abraham de Graffenried, et il en était résulté des difficultés 828 . LL. EE. donnèrent droit au pays (l’année suivante). Aubonne et Cossonay se réunirent pour l’envoi d’un nouveau député à Berne 829 . /271/ Il y eut une taxe pour les deux villes contre M. de Graffenried.
Lorsque, dans l’assemblée du conseil général du 28 septembre 1696, on élut M. de Penthaz (noble Abraham Charrière) en premier lieu conseiller des vingt-quatre, puis ensuite des douze, on fit la condition qu’il fréquenterait les réunions du conseil et tiendrait quelqu’un à Cossonay pour l’avertir quand elles auraient lieu. Ce même conseil général condamna un particulier d’Alens qui avait maltraité de paroles le seigneur banneret à vingt-quatre heures de « jaquemard. » Mais comme il demanda pardon, on lui fit grâce.
Il a été rapporté, dans le temps, que les nobles de Syviriez et Marchand s’étaient éteints à Cossonay dans la pauvreté. Les nobles Farel finirent de même. Cathérine Farel (fille de noble Pierre), fournière de la ville (en 1697) et sa sœur Louise en furent les derniers rejetons. — Le fournier de la ville, en 1712, était Pierre de Bretigny, de l’Isle, de l’ancienne famille féodale de ce nom, appelée aussi de Baulmes.
Les registres du conseil mentionnent fréquemment des secours accordés pour des cas d’incendie. La ville et l’hôpital en distribuèrent, entr’autres, en 1697, aux victimes du feu à Alens 830 .
Ce fut en 1698 (14 novembre) que notre ville se libéra de la part d’affouage du château de Senarclens, due sur la forêt de Seppey remise par Berne. Par traité conclu avec les propriétaires de ce château 831 , en vue de prévenir une difficulté sur le point de naître et tout sujet de plainte pour l’avenir 832 , /272/ elle leur céda, comme équivalent de leur droit, douze poses de cette forêt 833 , s’en réservant néanmoins le pâturage et le glandage. On spécifia que si elles venaient à être cultivées LL. EE. y percevraient la dixme; le forestier de la ville devait les garder sans frais pour les propriétaires 834 .
Il a été déjà parlé d’un tir qui avait lieu annuellement à Cossonay et pour lequel LL. EE. fournissaient des prix. Etabli pour tout le département, il avait remplacé celui de l’oiseau 835 . Ses statuts furent corrigés et confirmés par les députés du département, assemblés (même année, 22 mai) à Cossonay 836 . Ils sont curieux 837 . La punition des jurements et querelles n’y est pas oubliée. Selon ces règlements, le roi aurait « pour ses peines, pour toutes choses, » dix florins et fournirait, d’après l’usage précédent, trois prix d’étain fin achetés à Genève, etc. Chacun des trois prix ordinairement tirés serait de vingt prenants, et si ce que LL. EE., la ville et les villages donnaient ne suffisait pas, les commis fixeraient la contribution que chacun aurait à fournir. /273/
Une partie des bourgeois de la ville se trouvait, au mois de juin 1699, « en grande misère et nécessité. »
Le conseil permit (même année, 21 août) à Jaques Languetin, qui avait acquis récemment des hoirs de Diesbach de Champvent la grange (le domaine) des Rochettes, d’y construire un four, moyennant cent florins d’entrage et un quarteron de froment de cense annuelle 838 .
La communauté de l’Isle fut reconnue (1702, 15 mai), en vertu de ses anciens priviléges, exempte des ventes à Cossonay (sans doute aux foires et marchés).
LL. EE. possédaient encore quelques petits fiefs nobles (on ne les spécifie pas) aux territoires de Cossonay et d’Alens; Elles les cédèrent, en 1702 (23 juin, à Berne), à notre ville, pour 750 florins. Ainsi la bourgeoisie se trouva en possession de la généralité des fiefs de son territoire 839 . Cette acquisition l’entraîna à quelques frais 840 . /274/
Les délégués des villages astreints à la maintenance des tours de la ville s’assemblèrent (1703,15 mars, à Cossonay) au sujet de celle voisine de l’hôpital qui menaçait ruine. On convint d’en démolir une partie. A l’exception de Pampigny, tout l’ancien ressort fut représenté dans cette occasion 841 . Ce fut, il le paraît, postérieurement à cette époque que notre ville renonça à son droit de fortification à l’égard du village de Bettens. Mais on ne connaît ni la date ni les conditions de ce désistement. — 842 /275/
Des « Orangeois » (habitants de la principauté d’Orange) réfugiés se trouvaient à Cossonay (1705, 1er octobre). On fit une collecte en leur faveur 843 .
Lors de l’élection (1705, septembre) d’un conseiller des vingt-quatre, qui habitait Senarclens, on réserva qu’il ne percevrait de salaire que lorsqu’il demeurerait en ville, et ne pourrait prétendre au conseil des douze que s’il y résidait assidûment et y possédait des biens-fonds. On pensait alors que la propriété foncière offrait une garantie chez un magistrat. — 844 .
Spectable Jaques Roy, pasteur de Cossonay pendant environ quarante ans, fut inhumé (1706, mai), par permission du conseil, dans une tombe de l’église dont on avait longtemps perdu le souvenir; située à l’occident de la chaire, l’entrée s’en trouvait « à l’endroit de la plate-forme » de celle-ci. A cette occasion les registres du conseil observent qu’il y avait, sous la table de la Ste-Cène, une tombe, construite en tuf, voûtée, où l’on descendait par des escaliers 845 ; que, du côté d’orient (de cette tombe) se trouvait, à la hauteur de quatre ou cinq pieds, « une embouchure de pierres de taille, d’environ la longueur de neuf à dix pieds, la première 846 estant couverte de pierres de taille de la Sarra, fort /276/ proprement; » enfin, qu’au nord de l’arcade de la chaire il y avait encore une tombe, ayant une boucle de fer, apparente, fixée à son « embouchure, »
Les cavaliers que fournissaient les départements furent désignés, avec le temps, sous le nom de dragons. On sortit, en 1707 (juin), 156 florins du coffre de la ville, faisant la part de Cossonay des 500 florins nécessaires pour le dragon de la baronnie et le tiers de celui de Vullierens 847 . Ainsi notre département contribuait également aux frais de ce dernier.
Notre ville, usant de son droit de mestralie, voulut contraindre le meunier du moulin appelé de Bettens ou de Bournens à diminuer sa « cotte » ou son émine. Il en résulta un procès. Ce moulin était un des quatre moulins banaux de la baronnie, auxquels les justiciables du château de Cossonay étaient tenus de moudre leurs grains 848 . La sentence baillivale (de Morges, du 4 octobre 1707) reconnut à la ville le droit d’exercer la mestralie sur le moulin de Bettens, situé au territoire de Bournens 849 et appartenant par conséquent à la /277/ jurisdiction de Cossonay 850 , mais elle n’admit pas que cette mestralie conférât le pouvoir d’augmenter ou de diminuer l’émine, et laissa le meunier au bénéfice de ses anciens droits et « usances. » La sentence souveraine confirma (19 décembre suivant) l’inférieure. Dans ce procès, la ville eut des adjoints.
Une année et demie après le décès de M. de Senarclens, le conseil réuni des douze et vingt-quatre appela (1708, 30 janvier) M. de Penthaz à la charge de banneret. Celui-ci prêta le serment d’usage (27 février) sur les mains du châtelain, en présence des délégués des villages de la baronnie 851 .
Le conseil et principalement le châtelain étaient alors en butte aux attaques d’un cabaretier de Cossonay, auquel on avait fait « abattre » l’enseigne de son cabaret. Aymonin (c’était son nom) avait présenté au baillif de Morges onze plaintes contr’eux, les accusant d’abus d’autorité. Selon lui, le châtelain et quelques conseillers avaient, entr’autres, fait enlever (en 1703, après la St-Michel) « la pierre de la tombe du baron de Cossonay, » qui était de marbre et très-longue 852 , pour la mettre à une des fontaines de la ville 853 ; /278/ selon lui, encore, le même châtelain avait fait couper de jeunes chênes dans la forêt de LL. EE., en Seppey, etc. Le conseil fit connaître la vérité par ses députés 854 ; et la cour baillivale, faisant justice de ces calomnies, condamna Aymonin (par sentence du 15 janvier 1708) aux dépens et à faire réparation publique au châtelain et au conseil, dans la salle des séances, portes ouvertes, et en présence du peuple convoqué; s’il s’y refusait, on le mettrait pendant deux heures au pilier public. Il en appela, mais la chambre des appellations aggrava pour lui la sentence inférieure 855 . — 856 . /279/
Notre ville, pour récompenser ceux de ses soldats qui avaient pris part a la campagne de 1712 contre les cantons catholiques, fit distribuer 10 batz à chacun d’eux à titre d’encouragement 857 . Il y en avait dix-sept. On ne donna rien /280/ au dix-huitième qui, au rapport des autres, n’avait pas rempli son devoir. MM. Delessert, le lieutenant et l’enseigne, reçurent ensemble 15 florins.
On démolit, en 1712, l’ancienne chapelle Notre-Dame 858 . Nous estimons que cette circonstance concerne celle des deux chapelles de ce nom qui était située hors de la ville, sur l’emplacement du cimetière actuel 859 .
En nous rapprochant des temps modernes, les faits que nous aurions à rapporter perdraient de leur originalité. Nous ne relaterons donc, dans ce qui nous reste encore à dire, que ceux d’entr’eux qui ont un rapport direct avec les précédents.
Plusieurs habitants de Bournens prétendaient s’exempter de payer l’ohmgeld à la faveur de caves construites dans des maisons dépendantes de la jurisdiction anciennement procédée des seigneurs de Coudrée. Notre bourgeoisie, par l’organe de son banneret, s’en plaignit à LL. EE. Le trésorier du pays de Vaud et les bannerets de la ville de Berne rendirent (1714, 27 janvier), en conséquence, une sentence portant que cette jurisdiction n’exemptait point ceux qui en dépendaient du paiement de l’ohmgeld, ni n’altérait le droit de /281/ la ville; qu’il résultait d’informations prises auprès des ayants droit de l’ohmgeld en 1684 et 1699, que les habitants de Bournens l’avaient toujours payé, et qu’ainsi la ville demeurerait en paisible possession de ce droit dans tout le district de Bournens, sans qu’aucun seigneur pût se l’attribuer « à raison de sa jurisdiction, » mais seulement en vertu d’un titre « spécifique »; et qu’on n’avait pas produit jusqu’alors de titre de cette espèce qui fût opposé au droit de la ville.
Lors de cette sentence, le possesseur de la jurisdiction de Coudrée (noble César Charrière) n’avait pas été appelé à défendre ses droits. Aussi, lorsqu’il demanda au conseil, en 1719 (janvier), de lui vendre le droit d’ohmgeld de la ville à Bournens pour couper court à toute contestation, il déclara avoir l’intention, nonobstant la déclaration de LL. EE. rendue à son insu, de faire vendre vin rière sa jurisdiction (sans payer d’ohmgeld), et, pour le cas où l’on s’y opposerait, d’en demander explication. Il souhaitait encore qu’on lui remît la guette de ce village. Accédant à sa demande, le conseil lui céda (1720, 17 juin) l’ohmgeld, le forage et quelques petites censes que la ville (ou l’hôpital) avait à Bournens 860 , pour mille florins, et la guette, calculée sur le pied de douze écus le quarteron, pour deux mille et quarante florins, outre les vins 861 .— Ajoutons encore, pour épuiser la matière des /282/ obligations des ressortissants de l’ancienne jurisdiction de Coudrée dans notre baronnie, que, nonobstant une déclaration des gouverneurs et communiers de Penthaz 862 , aux termes de laquelle ceux des faisant-feu de ce village qui en dépendaient n’auraient pas été astreints à la guette 863 , parce que cette jurisdiction était indépendante de la châtellenie de Cossonay 864 , les ressortissants de cette même jurisdiction à Bournens furent cependant condamnés (20 février 1743) par arrêt souverain, non-seulement à acquitter la guette et l’ohmgeld, mais encore à satisfaire au devoir de bâtir 865 . Pour trouver la vérité dans ces contradictions, on doit supposer que, selon l’occurrence, ces ressortissants payaient ou ne payaient pas.
Les bons procédés de notre bourgeoisie pour ses magistrats duraient encore. Elle offrit (1718, janvier) à M. l’ancien /283/ châtelain, qui avait « fait beaucoup de douceur et témoigné beaucoup d’amitié au publicq » dans l’exercice de sa charge, un cadeau valant de 45 à 50 florins 866 .
On admit (1721, 4 août) noble David-François de Gingins à la bourgeoisie (il habitait la ville depuis quelque temps) pour 500 florins de capital, les vins à Messieurs du conseil, un pot de vin à chaque bourgeois chef de famille (ou femme veuve), et deux seaux en cuir.
Notre ville s’opposa, en 1723, à l’établissement de foires à Bercher, tout comme elle avait déjà mis opposition (en 1716) à celui de foires à l’Isle. Nous en inférons que les ressortissants de ces deux seigneuries, alors qu’ils étaient sujets de nos anciens sires, avaient peut-être l’obligation de suivre les foires de Cossonay 867 .
Ainsi que les quatre bonnes villes, la nôtre jouissait du droit de chasse sur son territoire, et cela plutôt en vertu d’une longue usance que d’un droit concédé. On ne voit pas qu’on l’ait troublée dans cette jouissance qui datait probablement de l’extinction de ses anciens seigneurs.
L’ancien châtelain acquitta seulement en 1724 un légat fait aux pauvres de la ville, en 1665, par une dame de sa famille. Les intérêts, payés avec le capital, s’élevèrent à peu près à trois fois la valeur de celui-ci. Les affaires marchaient /284/ parfois lentement, surtout lorsqu’il s’agissait des fonctionnaires supérieurs de la ville.
Les bourgeois qui n’habitaient pas la ville (soit les Chavannes ou Alens) prêtaient le serment requis lorsqu’ils venaient y demeurer 868 .
Le conseil (tout le corps) se vit attaqué, en 1730, par le Sr Pierre Guex, l’un de ses membres, qui présenta diverses plaintes contre lui à LL. EE. Elles portaient sur des abus ou des négligences dont, selon le plaignant, il s’était rendu coupable ou qu’il souffrait. L’une d’elles regardait une cense de vingt miches de pain (à distribuer aux pauvres de la ville) qu’on n’acquittait plus, quoiqu’elle fût affectée sur la maison que MM. Delessert avaient acquise (en 1693) de l’hoirie de M. de Penthaz 869 . A cela ces derniers objectaient qu’on ne l’avait pas exigée depuis l’acquisition de leur maison, et qu’il ne paraissait même pas qu’on l’eût fait auparavant, d’où l’on présumait que le capital en avait été payé dès longtemps. Le conseiller Guex se plaignait encore des pigeonniers de MM. Duc (conseiller), Guex (secrétaire) et Delessert; et, quoique ceux-ci eussent produit les actes d’acquisition de leurs maisons, constatant leur droit 870 , il soutenait que, concédé seulement à leurs anté-possesseurs, /285/ ce « droit de régale » ne les regardait plus. Il trouvait mauvais: que le conseil eût fait « une honnêteté » de la valeur de 31 florins au banneret, lors du mariage de son fils aîné; que ce même banneret résidât à Penthaz; que l’ancien châtelain eût donné, en 1714, au nom et aux frais de la ville, un repas au seigneur trésorier, lors de son passage à Cossonay, etc. Berne ordonna au baillif de Morges de prendre des informations exactes au sujet de ces plaintes. Celui-ci passa (en septembre) plusieurs jours à Cossonay (avec ses assesseurs). Il y convoqua le conseil et le Sr Guex auprès de lui et examina les griefs de ce dernier, article par article. LL. EE., sur ces informations, les jugèrent « téméraires » et mal fondés, et condamnèrent (1731, 18 juillet) leur auteur à demander pardon au baillif, à Messieurs du conseil (en général et particulier), ainsi qu’à ceux qu’il pouvait avoir offensés; sous peine de la prison. LL. EE. le privèrent en outre de sa place de conseiller, et mirent à sa charge les frais de la procédure 871 . — Ces accusations réitérées contre le conseil, quoique non fondées, font penser que peut-être une tendance trop aristocratique de la part de cette autorité y donnait lieu 872 .
Le consistoire, ce tribunal qui, sous la domination bernoise, connaissait des délits contre la moralité, n’est guère mentionné dans les documents de notre ville. Cependant il /286/ y en avait un à Cossonay, mais nous ignorons combien de juges y siégeaient. Le châtelain, en 1736, était un de ceux-ci 873 .
La ville remit, en 1731, la dixme des novalles (ou novalies) du territoire de la Chaux au seigneur de cet endroit 874 . Elle affranchit, en 1739 (5 janvier), les dames de Sacconay, moyennant 125 florins, de la corvée due à raison de leur maison de Senarclens, appelée la Maison neuve 875 .
La mestralie donna lieu, dans les années 1738 et 1739, à un procès de notre ville avec la dame de Sullens 876 , instruit devant la cour baillivale de Morges. Cette dame lui contestait les langues des grosses bêtes de la boucherie de Sullens 877 . Avant le jugement de la cause, les parties firent /287/ un compromis, aux termes duquel Mme de Sullens passerait expédient du procès, avec dépens, et reconnaîtrait ainsi les droits de la ville qui, de son côté, lui vendrait le droit de mestralie et des langues à Sullens. Cette convention reçut son exécution le 4 mai 1739, et la ville remit en même temps ses droits de guette et de forage du vin rière le même Sullens; le tout au prix de 3500 florins, outre les vins 878 .
Mais cette vente du forage fut la cause, quelques années plus tard (en 1748), de nouvelles difficultés avec la même dame; car la communauté de Sullens ayant refusé d’acquitter ce droit qui, d’après elle, regardait seulement le vin qu’on vendait en détail dans la ville de Cossonay, Mme de Sullens prit le conseil à partie. Le refus de la communauté était motivé 879 . Elle avait d’autant plus de chance de réussite dans son opposition que le seigneur de Bournens 880 , ayant voulu faire reconnaître à ses ressortissants leur assujettissement /288/ au forage 881 , avait été condamné par arrêt souverain (le 20 février 1743), et que notre ville, aux périls et risques de laquelle il avait plaidé, avait dû payer les frais du procès et l’indemniser pour le capital de cette prétendue redevance. Le procès avec Mme de Sullens ne fut pas jugé, parce que l’on convint que, sans conséquence pour les droits réciproques des parties, la ville se relâcherait de ses recherches à l’égard du forage et paierait les frais du procès; ceux-ci furent réglés amiablement. On traita (en 1748) avec Mme de Sullens pour l’indemniser du droit qu’elle perdait 882 .
A la mort de M. de Penthaz (en 1740), on décida qu’à l’avenir la charge de banneret serait seulement conférée pour six années; la réélection immédiate était cependant autorisée. Le nouveau banneret fut élu sur ce pied là.
La guette et la corvée dues par noble François-Gaspard de la Rue pour son « bien » de Senarclens, lui furent amodiées (en 1760) pour neuf ans, à raison de vingt-six batz par année.
Le conseil interdit (1763, octobre) toute inhumation dans l’église, cependant cette défense ne devait pas regarder ceux qui y avaient des tombes 883 . — Cinq ans après (1768, novembre) il décida que l’on mettrait dorénavant les morts au cimetière de Notre-Dame. Il paraît ainsi qu’on avait cessé d’observer les ordonnances antérieures qui prescrivaient déjà cette mesure, et que l’on faisait encore usage de l’ancien cimetière. /289/
Le conseil reconnut (1768, septembre) la bourgeoisie des enfants de Pierre de la Sarraz, colonel d’infanterie en Hollande, petit-fils d’Abraham de la Sarraz, secrétaire du conseil en 1663 884 . Le général de la Sarraz, ministre actuel de la guerre au royaume des Pays-Bas, appartient à cette famille.
Notre bourgeoisie augmenta son domaine direct en acquérant, en 1784 (8 mars), pour 2000 florins (soit 50 louis neufs), la part de l’ancien fief de Gléresse dans les territoires de Cossonay et d’Alens, et les censes qui en dépendaient 885 . Elle acquit encore, vers le même temps (nous ne saurions en indiquer la date précise), une censière directe de cinquante et quelques quarterons de froment (outre les deniers et chapons) qui se percevait à Alens et était un franc-alleu 886 .
A l’occasion d’une dispute de préséance, en conseil, entre le châtelain et le banneret 887 , on décida (1785, 4 janvier) qu’en qualité de chef du corps, ce dernier y opinerait avant l’autre.
L’ancienne maison de l’hôpital St-Antoine, vers la porte de la Sarraz, n’étant plus propre à l’usage auquel elle était /290/ destinée, cet hôpital, pour la remplacer, acquit, en 1791 (4 avril), du châtelain de Cossonay (et de sa sœur), « une grande maison à deux étages avec un corps de logis y attenant » et environ soixante toises de terrain dans l’enceinte du vieux château; le tout pour 8500 livres de dix batz.
Enfin notre bourgeoisie aliéna, en 1792 (14 juillet), en faveur de la communauté de Senarclens, ses droits de guette et de corvées de charrue dans ce village, la guette pour 2100 florins et les corvées pour 1525 888 . Senarclens fut assez malencontreux en se rachetant de ces deux redevances peu d’années avant la révolution de 1798, qui abolit les droits féodaux.
Nous sommes au bout de notre tâche. Notre chronique renferme sans doute beaucoup de détails et peut-être certains faits que plusieurs trouveront insignifiants ou peu conformes à la dignité de l’histoire; mais, n’ayant pas d’événements marquants à raconter, nous n’avons du moins rien omis de ce qui pouvait faire connaître les temps passés, leur esprit, leurs usages, leur vie intime, l’atmosphère dans laquelle nos pères se mouvaient. Puis nous avons osé espérer /291/ que le tableau véridique de ces temps, si différents des nôtres, offrirait, par le contraste, quelqu’intérêt. Chaque époque a sa tendance.
En résumé, l’impression que nous laisse cette chronique fidèle et détaillée d’une commune de la patrie de Vaud, n’est point triste. Les mœurs, les idées différaient beaucoup sans doute de celles de nos jours, les lois et les usages ne se modifiaient qu’avec lenteur, mais on ne saurait dire que le sort de notre ville ait été malheureux. Les plus anciens actes qui nous offrent quelques données sur la position sociale de ses habitants, nous les montrent affranchis du servage de la glèbe; nous trouvons de bonne heure quelques-uns de ses bourgeois possédant une fortune considérable; et, depuis la fin du XIVme siècle, la charte de Jeanne, dame de Cossonay, lui reconnut des franchises très-étendues, qui subsistèrent jusqu’à la révolution. Point, à Cossonay, de ces ruines, de ces dévastations, fruits de la guerre, que l’histoire des villes de la Franche-Comté, par exemple, nous offre si fréquemment.— Les XVIme et XVIIme siècles, on a pu s’en convaincre, ne furent pas sans agitation; alors cependant les principes constitutifs de la société étaient affermis, l’on se reposait sur eux avec calme, comme sur une base inébranlable. L’esprit général était, à la vérité, éminemment conservateur ou plutôt aristocratique, mais au moins conviendra-t-on que l’esprit contraire, qui prévaut de nos jours, a bien aussi ses dangers! — Nous terminons par des vœux pour que Dieu conserve et fasse prospérer la ville et le pays de nos pères.